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Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 20 Fév - 17:31

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28
 
514. Conseils sur la sainteté à un jeune indécis. Reproche aux habitants de Bétéron après la guérison d’un Romain et d’une Judéenne
 
Ancienne édition : Tome 7, chapitre 211.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 514.
 
Le 17 octobre 1946
 
Vendredi 19 octobre 29
Bétéron

 
       514.1 Jésus est encore au milieu des montagnes. Des personnes le suivent, en compagnie des apôtres et des disciples. Parmi ceux-ci se trouvent maintenant des anciens bergers, devenus disciples, qu’ils ont peut-être trouvés dans quelque petit village qu’ils ont traversé.
 
       Jésus monte d’une vallée vers une montagne, par une route dont les détours épousent la pente de la montagne. C’est certainement une voie romaine, comme le prouvent son pavage qu’on ne peut confondre et son entretien soigné que l’on trouve uniquement sur les routes construites et entretenues par les Romains. Des passants se dirigent vers la vallée ou en remontent en direction du massif montagneux, couronné à son sommet de villages ou de bourgades. Certains, voyant Jésus et sa suite, demandent de qui il s’agit et le suivent, alors que d’autres se contentent de regarder, ou encore hochent la tête en ironisant.
 
       Un détachement de soldats romains les rejoint de son pas lourd dans un vrai tintamarre d’armes et de cuirasses. Ils se détournent pour regarder Jésus qui, délaissant la voie romaine, va prendre un chemin… judaïque qui mène au sommet où se trouve un village. C’est un sentier caillouteux et boueux parce qu’il a plu, où le pied glisse sur les cailloux ou bien s’enfonce dans les ornières. Les soldats se dirigent certainement vers la même bourgade et, après une courte halte, se remettent en marche, obligeant les passants à se mettre de côté sur le trajet pour céder la place au détachement qui passe, rigidement encadré. Quelques insultes volent, mais la discipline de la marche en colonne empêche les soldats d’y répondre dans les mêmes termes.
 
       Les voici de nouveau près de Jésus qui s’est rangé pour les laisser passer et les regarde avec douceur ; il paraît les bénir et les caresser de la lumière de ses yeux bleus. Les visages fermés des soldats s’éclairent d’une esquisse de sourire qui n’est pas moqueur, mais respectueux comme un salut.
 
       Puis les gens se remettent en route derrière Jésus, qui marche en tête.
 
       514.2 Un jeune homme se détache de la foule et rejoint le Maître en le saluant avec respect. Jésus lui rend sa salutation.
 
       « Je voudrais te demander quelque chose, Maître.
 
       – Parle.
 
       – Je t’ai écouté par hasard, un matin après la Pâque, près d’un mont proche des gorges de Carit [1]. Et, depuis lors, j’ai pensé que… je pouvais moi aussi faire partie de ceux que tu appelles. Mais avant de venir, j’ai voulu savoir exactement ce qu’il est nécessaire de faire et ce que l’on doit éviter. J’ai interrogé tes disciples chaque fois que je les ai rencontrés : mais l’un me parlait de ceci, l’autre de cela. Et j’étais incertain, presque épouvanté, parce qu’ils étaient tous d’accord, avec plus ou moins d’intransigeance, sur l’obligation d’être parfait. Or moi… Je suis un pauvre homme, Seigneur, et la perfection n’appartient qu’à Dieu… Je t’ai entendu une deuxième fois… et tu disais toi-même : “ Soyez parfaits. ” Je me suis alors découragé. Et une troisième fois, il y a quelques jours, au Temple. Et, bien que tu sois sévère, il ne m’a pas semblé impossible de le devenir, parce que… je ne sais moi-même pas pourquoi, comment me l’expliquer et te l’expliquer. Mais il me semblait que si c’était impossible, ou si c’était tellement dangereux de désirer se comporter comme si on voulait être des dieux, toi qui veux nous sauver, tu ne nous l’aurais pas proposé. Car la présomption est un péché et vouloir être des dieux, c’est le péché de Lucifer. Mais peut-être y a-t-il une manière de l’être, pour le devenir sans pécher, et c’est en suivant ta Doctrine, qui est sûrement une doctrine de salut. Est-ce que j’ai raison ?
 
       – Tu as raison. Et alors ?
 
       – Alors, j’ai continué d’interroger tel ou tel et, ayant appris que tu étais à Rama, j’y suis venu. Depuis lors je t’ai suivi, avec la permission de mon père, et voilà : de plus en plus, je voudrais venir…
 
       – Eh bien, viens donc ! De quoi as-tu peur ?
 
       – Je ne sais pas… Je ne le sais même pas moi-même… Je demande, je demande… En t’écoutant, il me paraît toujours facile de venir et je m’y décide, mais ensuite, à la réflexion — et ce qui est pire, en demandant à tel ou tel —, cela me paraît trop difficile.
 
       – Je t’en dis la cause : c’est un piège du démon pour t’empêcher de venir. Il t’effraie par des fantômes, t’embrouille, te fait questionner des gens qui, comme toi, ont besoin de lumière… Pourquoi n’es-tu pas venu me trouver directement ?
 
       – Parce que… j’avais… non pas peur, mais… Nos prêtres et rabbins sont si durs et orgueilleux ! Et toi… Je n’osais pas t’approcher. Mais à Emmaüs, hier !… Ah ! je crois avoir compris que je ne dois pas avoir peur. Et maintenant je suis ici, à te demander ce que je voudrais savoir. Tout à l’heure, l’un de tes apôtres m’a dit : “ Va sans crainte. Il est bon même avec les pécheurs. ” Et un autre : “ Réjouis-le par ta confiance. Celui qui se confie à lui le trouve plus doux qu’une mère. ” Et un autre encore : “ Je ne sais si je me trompe, mais je t’assure qu’il t’expliquera que la perfection réside dans l’amour. ” Voilà ce que m’ont dit tes apôtres — certains, du moins, plus doux que les disciples. Pas tous cependant, car parmi les disciples, il y en a qui font écho à ta voix, mais ils sont trop rares. Et parmi les apôtres, il y en a certains qui… font peur à un pauvre homme comme moi. L’un d’eux m’a dit, avec un rire qui n’était pas bon : “ Tu veux devenir parfait ? Nous ne le sommes pas, nous qui sommes ses apôtres et toi, tu voudrais l’être ? C’est impossible. ” Si les autres n’avaient pas parlé, je me serais enfui, découragé, mais je fais la dernière tentative… et si toi aussi tu me dis que c’est impossible…
 
       514.3 – Mon fils, pourrais-je être venu proposer aux hommes des choses impossibles ? Qui, penses-tu, t’a mis dans le cœur ce désir de devenir parfait ? Ton cœur lui-même ?
 
       – Non, Seigneur. Je crois que c’est toi par tes paroles.
 
       – Tu n’es pas loin de la vérité. Mais réponds encore : pour toi, comment sont mes paroles ?
 
       – Justes.
 
       – C’est bien. Mais je veux dire : est-ce que ce sont des paroles d’homme ou celles de quelqu’un qui est plus grand qu’un homme ?
 
       – Ah ! toi, tu parles comme la Sagesse, et avec plus de douceur et de clarté encore. Aussi, je pense que tes paroles sont celles de quelqu’un qui est plus grand qu’un homme. Et je ne crois pas me tromper, si j’ai bien compris ton discours dans le Temple, car il m’a semblé alors que tu disais être la Parole même de Dieu, donc que tu parles en Dieu.
 
       – Tu as bien compris, et tu l’as bien exprimé. Par conséquent, qui t’a mis dans le cœur le désir de la perfection ?
 
       – C’est Dieu qui me l’a mis, par l’intermédiaire de toi, sa Parole.
 
       – Donc, c’est Dieu. Maintenant, réfléchis : si Dieu, qui connaît les capacités des hommes, leur dit : “ Venez à moi. Soyez parfaits ”, cela signifie qu’il sait que l’homme, s’il le veut, peut le devenir. C’est une parole ancienne. Elle a résonné la première fois aux oreilles d’Abraham comme une révélation, un ordre, une invitation : “ Je suis le Dieu tout-puissant. Marche en ma présence. Sois parfait. ” [2] Dieu se manifeste pour que le Patriarche n’ait aucun doute sur la sainteté du commandement et sur la vérité de l’invitation. Il lui ordonne de marcher en sa présence, car celui qui marche dans sa vie, convaincu de le faire sous le regard de Dieu, n’accomplit pas de mauvaises actions. En conséquence, il se met en condition de pouvoir devenir parfait comme Dieu l’invite à le faire.
 
       – C’est vrai ! C’est tout à fait vrai ! Si Dieu l’a dit, c’est que c’est possible. Ah ! Maître ! Comme on comprend tout quand c’est toi qui parles ! Mais alors, pourquoi tes disciples, et même cet apôtre expriment-ils une idée aussi… effrayante de la sainteté ? Peut-être ne croient-ils pas vraies ces paroles et les tiennes ? Ou bien ils ne savent pas marcher en présence de Dieu ?
 
       514.4 – N’en cherche pas la raison. Ne juge pas. Vois, mon fils. Parfois leur désir d’être parfaits et leur humilité leur fait craindre de ne pouvoir jamais le devenir.
 
       – Mais alors le désir de perfection et l’humilité sont des obstacles pour devenir parfait ?
 
       – Non, mon fils. Le désir de perfection et l’humilité ne sont pas des obstacles. Il faut même s’efforcer de les posséder profondément, mais bien ordonnés. Ils sont ordonnés quand il n’y a pas de hâte inconsidérée, d’accablements sans raison, de doutes et de défiance tels que croire que, vu l’imperfection de son être, l’homme ne peut devenir parfait. Toutes les vertus sont nécessaires et le vif désir d’arriver à la justice l’est aussi.
 
       – Oui. Ceux que j’ai interrogés allaient dans le même sens : ils assuraient qu’il est nécessaire de posséder les vertus. Pourtant, les uns et les autres estimaient nécessaires des vertus différentes, et tous affirmaient l’absolue nécessité de celle qu’ils préconisaient comme indispensable pour être saint. Et cela m’effrayait, car comment peut-on avoir toutes les vertus sous une forme parfaite, les faire naître ensemble comme un bouquet de fleurs variées ? Il faut du temps… et la vie est si courte ! Toi, Maître, explique-moi quelle est la vertu indispensable.
 
       – C’est la charité. Si tu aimes, tu seras saint, car c’est de l’amour pour le Très-Haut et pour le prochain que viennent toutes les vertus et toutes les bonnes actions.
 
       – Oui ? Ainsi, c’est plus facile. La sainteté, alors, c’est l’amour. Si j’ai la charité, je possède tout… La sainteté est faite de cela.
 
       – De cela, et des autres vertus. Car la sainteté, ce n’est pas seulement être humble, ou seulement prudent, ou seulement chaste et cætera, mais c’est être vertueux. 514.5 Vois, mon fils : quand un riche veut faire un banquet, est-ce qu’il commande un seul plat ? Et encore : quand quelqu’un veut faire un bouquet de fleurs, pour l’offrir en hommage, prend-il par hasard une seule fleur ? Non, n’est-ce pas ? Car s’il mettait sur les tables nombre de plats d’un seul mets, ses convives le critiqueraient comme un hôte incapable, qui se préoccupe seulement d’étaler ses possibilités d’achat sans montrer sa finesse de seigneur préoccupé des goûts divers de ses invités et désireux que chacun, avec un mets ou un autre, non seulement se rassasie, mais se régale. Il en va de même de la personne qui compose un bouquet de fleurs : une seule fleur, si grande qu’elle soit, ne fait pas un bouquet, mais il faut des fleurs nombreuses ; ainsi les couleurs et les parfums variés charment l’œil et l’odorat, et font louer le Seigneur. La sainteté, que nous devons considérer comme un bouquet de fleurs offert au Seigneur, doit être composée de toutes les vertus. Dans une âme, c’est l’humilité qui prédominera, dans une autre la force, dans une autre la continence, ou la patience, ou encore l’esprit de sacrifice ou de pénitence, toutes vertus nées à l’ombre de la plante royale et magnifiquement parfumée de l’amour, dont les fleurs domineront toujours dans le bouquet ; mais ce sont toutes les vertus qui composent la sainteté.
 
       – Et laquelle doit-on cultiver avec le plus de soin ?
 
       – La charité. Je te l’ai dit.
 
       – Et ensuite ?
 
       – Il n’y a pas de méthode, mon fils. Si tu aimes le Seigneur, il t’accordera ses dons, c’est-à-dire se communiquera à toi, et alors les vertus que tu essaies de rendre robustes croîtront sous le soleil de la grâce.
 
       – En d’autres termes, dans l’âme aimante se trouve Dieu, qui opère grandement ?
 
       – Oui, mon fils. Dieu y opère grandement en laissant l’homme y mettre de lui-même sa libre volonté de tendre à la perfection, ses efforts pour repousser les tentations et se garder fidèle à ce qu’il se propose, ses luttes contre la chair, le monde, le démon, quand ils l’assaillent et cela pour que son fils aie du mérite dans sa sainteté.
 
       – Ah ! voilà ! Alors il est très juste de dire que l’homme est fait pour être parfait comme Dieu le veut. Merci, Maître. Maintenant je sais, et maintenant j’agirai. Et toi, prie pour moi.
 
       – Je te garderai dans mon cœur. Va, et ne crains pas que Dieu puisse te laisser sans secours. »
 
       Le jeune homme se sépare de Jésus, tout content…
 
       514.6 Les voilà près du village. Barthélemy, accompagné d’Etienne, rejoint Jésus pour lui raconter que, pendant qu’il parlait avec le jeune homme, un habitant de Bétéron, parent d’Elchias le pharisien, était venu le prier de le conduire immédiatement auprès de sa femme mourante.
 
       « Allons-y. Je parlerai ensuite. Savez-vous où elle se trouve ?
 
       – Il nous a laissé un serviteur. Il est en arrière avec les autres.
 
       – Faites-le venir et pressons le pas. »
 
       Le serviteur accourt. C’est un robuste vieillard ; il est consterné. Il salue et regarde par en dessous Jésus, qui lui sourit en lui demandant :
 
       « De quoi meurt ta maîtresse ?
 
       – De… Elle devait avoir un enfant, mais il est mort dans son sein et son sang s’est corrompu. Elle délire comme une folle et elle va mourir. On lui a ouvert les veines pour faire tomber la fièvre, mais le sang est complètement empoisonné, et elle doit mourir. On l’a descendue dans la citerne pour faire baisser sa température. Elle reste basse tant que la femme est dans l’eau glacée, puis elle est plus forte qu’avant, et elle tousse, elle tousse… et elle va mourir.
 
       – Naturellement ! Avec de tels soins ! grommelle Matthieu entre ses dents.
 
       – Depuis quand est-elle malade ? »
 
       514.7 Le serviteur s’apprête à répondre quand arrive en courant, par la descente, le chef du manipule romain [3]. Il s’arrête devant Jésus.
 
       « Salut ! Tu es le Nazaréen ?
 
       – C’est moi. Qu’attends-tu de moi ? »
 
       Les disciples de Jésus accourent, croyant je ne sais quoi…
 
       « Un jour, l’un de nos chevaux a heurté un enfant juif, et tu l’as guéri pour empêcher les Hébreux de manifester contre nous [4]. Maintenant, les pierres hébraïques ont fait tomber un soldat et il gît avec la jambe fracturée. Je ne puis m’arrêter, je suis de service. Personne ne veut de lui dans le village. Marcher lui est impossible, et moi je ne peux le traîner avec sa jambe fracturée. Je sais que tu ne nous méprises pas, comme le font tous les Hébreux…
 
       – Tu veux que je guérisse le soldat ?
 
       – Oui. Tu as guéri aussi le serviteur du centurion [5] et la petite fille de Valéria [6]. Tu as sauvé Alexandre de la colère de tes compatriotes. Cela se sait, en haut lieu et en bas.
 
       – Allons trouver le soldat.
 
       – Et ma maîtresse ? demande le serviteur, mécontent.
 
       – Plus tard. »
 
       Jésus se met à suivre le gradé qui dévore la route de ses longues jambes musclées et dégagées de vêtements encombrants. Mais, même en marchant ainsi devant tous, il trouve le moyen d’échanger quelques mots avec celui qui le suit immédiatement — et c’est Jésus :
 
       « J’ai été avec Alexandre autrefois. Lui te… Il parlait de toi. Le hasard me met en ta présence aujourd’hui.
 
       – Le hasard ? Pourquoi ne pas dire Dieu, le vrai Dieu ? »
 
       Le soldat se tait un instant, puis il murmure, de façon que seul Jésus puisse entendre :
 
       « Le vrai Dieu serait celui des Hébreux… Mais il ne se fait pas aimer. S’il est comme eux ! Ils n’ont même pas pitié d’un blessé…
 
       – Le vrai Dieu est le Dieu des Hébreux, comme des Romains, des Grecs, des Arabes, des Parthes, des Scythes, des Ibères, des Gaulois, des Celtes, des Libyens, et des Hyperboréens. Il n’y a qu’un Dieu ! Mais beaucoup ne le connaissent pas, d’autres le connaissent mal. S’ils le connaissaient bien, ils seraient comme des frères et il n’y aurait pas d’injustices, de haines, de calomnies, de vengeances, de luxure, de vols et d’homicides, d’adultères et de mensonges. Moi, je connais le vrai Dieu, et je suis venu pour le faire connaître.
 
       – On dit… Nous devons avoir toujours les oreilles à l’écoute pour tout rapporter aux centurions, et eux au Proconsul. On dit que tu es Dieu. Est-ce vrai ? »
 
       Le soldat est très… préoccupé. Il regarde Jésus par dessous l’ombre de son casque, et il semble presque effrayé.
 
       « Je le suis.
 
       – Par Jupiter ! Est-il donc vrai que les dieux descendent pour converser avec les hommes ? Avoir fait le tour du monde derrière les enseignes, et venir ici, déjà vieux, pour trouver un dieu !
 
       – Le Dieu unique. Pas un dieu » corrige Jésus.
 
       Mais le soldat est anéanti à l’idée de précéder un dieu… Il ne parle plus… Il pense. 514.8 Il réfléchit jusqu’au moment où, juste à l’entrée du village, ils trouvent le détachement arrêté autour du blessé qui gémit par terre.
 
       « Voilà ! » dit le gradé avec beaucoup de concision.
 
       Jésus se fraie un passage et s’approche. La jambe a une mauvaise fracture, le pied retourné vers l’intérieur et elle est déjà enflée et noirâtre. L’homme doit beaucoup souffrir, et, voyant Jésus allonger une main, il supplie :
 
       « Ne me fais pas mal ! »
 
       Jésus sourit. Il effleure à peine du bout des doigts l’endroit où le cercle livide indique la fracture, puis il ordonne :
 
       « Lève-toi !
 
       – Mais il a une seconde fracture plus haut, à la hanche » explique le gradé, en voulant sûrement dire : “ Et celle-là, tu ne la touches pas ? ”
 
       A ce moment un habitant de Bétéron survient :
 
       « Maître, Maître ! Tu perds ton temps avec des païens, et ma femme est en train de mourir !
 
       – Va, et amène-la-moi.
 
       – Je ne peux pas. Elle est folle !
 
       – Va, et amène-la-moi, si tu as foi en moi.
 
       – Maître, on n’arrive pas à la tenir. Elle est nue et on ne peut la vêtir. Elle est folle et déchire ses vêtements. Elle est mourante et il est impossible de la calmer.
 
       – Va, et amène-la-moi, si ta foi n’est pas inférieure à celle de ces païens. »
 
       L’homme repart mécontent.
 
       514.9 Jésus regarde le Romain étendu à ses pieds :
 
       « Et toi, tu sais avoir foi ?
 
       – Moi, oui. Que dois-je faire ?
 
       – Te lever.
 
       – Attention, Camille, que… » commence à dire le gradé.
 
       Mais le soldat est déjà debout, agile, guéri.
 
       Les juifs ne crient pas hosanna. L’homme guéri n’est pas un Hébreu. Ils semblent même contrariés, ou du moins leurs visages expriment une critique de l’acte de Jésus. Mais les soldats, eux, ne boudent pas leur bonheur. Ils dégainent leurs courtes et larges dagues et les lèvent dans l’air gris après les avoir frappées sur leurs boucliers en signe de réjouissance. Jésus est au milieu du cercle des lames.
 
       Le gradé le regarde. Il ne sait comment s’exprimer, que faire, lui, un homme près d’un dieu, lui, païen près de Dieu… Il réfléchit et il trouve qu’il doit au moins faire pour Dieu ce qu’il ferait pour César : il ordonne le salut militaire à l’empereur (je crois du moins qu’il en est ainsi, car j’entends résonner un “ Ave ! ” puissant, pendant que les lames scintillent quand ils les mettent presque horizontales tout en haut de leurs bras tendus). Et, pas encore satisfait, le gradé lui dit à voix basse :
 
       « Marche tranquillement, même de nuit. Les routes… toutes surveillées. Service contre les voleurs. Tu seras en sûreté. Moi… »
 
       Il s’arrête, ne sachant qu’ajouter.
 
       Jésus lui sourit :
 
       « Merci. Même avec les voleurs, fais preuve d’humanité. Sois fidèle à ton service, mais sans être cruel. Ce sont des malheureux, ils devront rendre compte de leurs actes devant Dieu. Va, et sois bon.
 
       – Je le serai. Salut ! Je voudrais encore te voir… »
 
       Jésus le regarde fixement, puis il dit :
 
       « Nous nous reverrons. Sur un autre mont. [7] » Et il répète : « Soyez bons. Adieu. »
 
       Les soldats reprennent alors leur marche.
 
       514.10 Jésus entre dans le village. Après quelques mètres, il voit venir à sa rencontre — et à celle de sa suite —, un groupe nombreux et hurlant. Il s’en détache un homme et une femme — l’homme de tout à l’heure — qui s’inclinent devant Jésus, la femme à genoux, l’homme seulement courbé.
 
       « Levez-vous et louez le Seigneur. Mais à toi, homme, je dois dire que ta conscience n’est pas nette. Tu t’es adressé à moi par égoïsme, non par amour pour moi, ni par foi en moi. Tu as douté de ma parole, or tu sais qui je suis ! Ensuite, tu as eu une pensée qui n’était pas bonne, parce que je m’arrêtais pour guérir un païen, de même que tout le village s’était mal comporté en refusant d’accueillir le blessé. Par surcroît de miséricorde, et pour chercher à rendre bon ton cœur, j’ai guéri ton épouse sans entrer chez toi. Tu ne le méritais pas. Je l’ai fait pour te montrer qu’il n’est pas besoin que je me déplace pour agir, il suffit que je le veuille. Mais en vérité je vous dis, à vous tous, que ceux que vous méprisez sont meilleurs que vous et savent, mieux que vous, croire en ma puissance. Relève-toi, femme. Tu n’es pas coupable, car tu ne possédais pas toute ta raison. Va, et sache désormais croire par reconnaissance pour le Seigneur. »
 
       L’attitude des habitants devient froide et hautaine sous le reproche de Jésus. L’air renfrogné, ils le suivent jusqu’à la place où il s’arrête pour parler, étant donné que le chef de la synagogue ne l’invite pas à entrer dans l’édifice et qu’aucune maison ne s’ouvre au Maître.
 
       514.11 « Quand Dieu est avec les hommes, les hommes peuvent tout contre le malheur, quel que soit son nom. Quand Dieu, au contraire, n’est pas avec les hommes, ils n’y peuvent rien. Cette ville, dans ses chroniques, rappelle plus d’une fois ces vérité : Dieu était avec Josué, Josué vainquit les rois cananéens ; sur cette route Dieu l’aida à détruire les ennemis d’Israël “ en envoyant du ciel de grosses pierres sur eux, et il en périt davantage par la grêle de pierres que par l’épée ”, lit-on dans le livre de Josué [8].
 
       Dieu était avec Judas Maccabée qui s’avança sur cette colline avec sa petite armée pour regarder l’armée puissante de Séron, le chef des troupes syriennes, et il a confirmé par une victoire retentissante [9] les paroles du chef d’Israël.
 
 
       Mais la condition nécessaire pour avoir Dieu avec nous, c’est d’agir en étant poussés par un désir de justice. “ Dans les batailles, la victoire ne dépend pas du nombre, mais de l’aide du Ciel ” [10], dit le livre des Maccabées. En toutes choses, le bien vient, non pas de la richesse, de la puissance ou d’autres causes, mais du secours du Ciel. Et il vient parce qu’on demande l’aide de Dieu pour ce qui est bon, “ pour nos vies et nos lois ”, ajoute le livre des Maccabées. Mais quand on recourt à Dieu à des fins mauvaises ou impures, il est vain d’appeler son secours. Dieu ne répondra pas, ou il répondra par des châtiments au lieu de bénédictions.
 
       Cette vérité est trop oubliée à présent en Israël. C’est pour des fins qui ne sont pas bonnes qu’on désire l’aide de Dieu et qu’on l’invoque. On ne pratique pas les vertus, et on n’observe pas les commandements d’une manière réelle, c’est-à-dire que, des commandements, on fait ce qui peut être vu et loué par les hommes ; mais ce que cache l’apparence est bien différent.
 
       Moi, je viens pour dire : quand vous agissez, soyez sincères, car Dieu voit tout et inutiles sont les sacrifices, vaines les prières si on les fait par pur étalage de culte alors que le cœur est rempli de péché, de haine, de désirs mauvais.
 
       514.12 Bétéron, que tes habitants ne fassent pas ce qu’Abdias dit d’Edom [11]. Edom, qui se croyait en sécurité, se permettait d’opprimer Jacob et de se réjouir de ses défaites. N’agis pas ainsi, ville sacerdotale [12]. Prends et médite le rouleau d’Abdias. Médite, médite, médite, et change ton comportement. Suis la justice si tu ne veux pas connaître des jours d’horreur. Tu ne seras pas sauvé alors par ta situation sur ce sommet, ni parce que tu es apparemment hors des routes de la guerre. Moi, je vois chez toi beaucoup de gens qui n’ont pas Dieu avec eux, et qui ne veulent pas de Dieu. Vous protestez ? Moi, je vous dis la vérité. Je suis monté jusqu’ici pour vous la dire, pour vous sauver encore.
 
       Ne portions-nous pas un seul nom ? Tout ne s’appelait-il pas Israël ? Pourquoi donc s’est-il divisé et a-t-il pris deux noms ? [13] Ah ! vraiment cela me rappelle le mariage d’Osée avec la prostituée et les enfants nés de celle qui a forniqué. Mais que dit le prophète ? “ Les enfants d’Israël seront aussi nombreux que les grains de sable de la mer… Alors il ne leur sera pas dit : ‘ Vous n’êtes pas mon peuple’, mais : ‘Vous êtes les enfants du Dieu vivant ’ [14]. Et les fils de Judas et ceux d’Israël se réuniront, ils éliront un seul chef et ils monteront de la terre, car grand est le jour de Jizreël. ”
 
       Ah ! pourquoi reprochez-vous à celui qui doit tout réunir et former un seul peuple, un grand peuple, unique comme l’est Dieu, d’aimer tous les enfants de l’homme parce qu’ils sont tous enfants de Dieu ? Il doit rendre enfants du Dieu vivant, même ceux qui actuellement semblent morts. Et pouvez-vous juger mes actes, leur cœur et le vôtre ? D’où vous vient la lumière ? La lumière vient de Dieu. Mais si Dieu m’envoie et me donne la charge de réunir tous les hommes sous un seul sceptre, comment pouvez-vous avoir une lumière qui soit vraiment divine, si elle vous montre les faits d’une manière contraire à la façon dont les voit Dieu ? Et pourtant vous voyez d’une manière contraire à ce que voit Dieu.
 
       Ne vous indignez pas : c’est la vérité. Vous êtes hors de la justice ; mais ceux qui vous entraînent à l’injustice le sont davantage, et ils seront doublement punis. Vous m’accusez de forniquer avec l’ennemi, avec celui qui nous domine. Je le lis dans vos cœurs. Mais vous, ne forniquez-vous pas avec Satan en vous faisant les partisans de ceux qui combattent le Fils de l’homme, l’Envoyé de Dieu ? Voilà que vous me haïssez. Mais je connais le visage de celui qui distille la haine en vous.
 
       Comme c’est écrit dans Osée, je suis venu les mains chargées de dons et le cœur rempli d’amour ; j’ai cherché à vous attirer par les manières les plus douces pour me faire aimer. J’ai parlé à mon peuple comme un époux à son épouse en lui offrant un éternel amour, ainsi que la paix, la justice, la miséricorde [15]. Il reste encore une heure pour empêcher le peuple qui me repousse, les chefs qui l’excitent — je les connais — de rester sans roi, sans prince, sans sacrifice et sans autel. Mais près de la tanière, là où la haine est plus forte et où le châtiment sera plus grand, voici que l’on travaille à acheter les consciences pour les conduire au crime. En vérité, ceux qui détournent et dévoient les consciences seront jugés sept fois plus sévèrement que ceux qu’ils ont égarés.
 
       Allons. Je suis venu, j’ai fait un miracle et je vous ai dit la vérité pour que vous sachiez qui je suis. Maintenant, je m’en vais. Et si parmi vous il y a un seul juste, qu’il me suive, car bien triste est l’avenir de ce lieu où se nichent les serpents pour séduire et trahir. »
 
       Et Jésus fait demi-tour pour reprendre la route par laquelle il est arrivé.
 
       514.13 « Pourquoi, Rabbi, leur as-tu parlé ainsi ? Ils vont te détester, demandent les apôtres.
 
       – Je ne cherche pas à conquérir l’amour en pactisant avec le mensonge.
 
       – Mais ne valait-il pas mieux ne pas venir ?
 
       – Non. Il ne faut laisser aucun doute.
 
       – Et qui as-tu convaincu ?
 
       – Personne. Pour le moment, personne. Mais bientôt, on dira : “ Nous ne pouvons maudire personne, car nous avons été prévenus et nous n’avons pas agi. ” Et s’ils reprochent à Dieu de les frapper, leurs reproches seront comme un blasphème.
 
       – Mais à qui voulais-tu faire allusion en disant…
 
       – Demandez-le à Judas. Il connaît beaucoup de gens d’ici, et il est au courant de leurs astuces. »
 
       Tous les apôtres regardent Judas.
 
       « Oui. L’endroit est presque sous la coupe d’Elchias. Mais… je ne crois pas qu’Elchias… »
 
       Les mots meurent sur les lèvres de Judas qui, en levant le regard de sa ceinture qu’il ajustait pour se donner une contenance, rencontre le regard de Jésus, un regard tellement étincelant et pénétrant, qu’il semble magnétique. Il baisse la tête et achève :
 
       « Il est sûr que c’est un village orgueilleux et odieux, digne de celui qui le domine. A chacun ce qu’il mérite. Eux, ils ont Elchias, nous Jésus, et le Maître a bien fait de leur montrer qu’il est au courant. Très bien.
 
       – Ils sont certainement mauvais. Vous avez vu ? Pas même un remerciement après le miracle ! Ni une obole ! Rien ! s’exclame Philippe.
 
       – Mais moi, je tremble quand le Maître les démasque ainsi, gémit André.
 
       – Le faire ou ne pas le faire, cela revient au même. Ils le haïssent de la même façon. Moi, je voudrais rentrer en Galilée ! dit Jean.
 
       – En Galilée ! Oui ! » soupire Pierre en baissant la tête, pensif.
 
       Derrière, ceux qui ont suivi Jésus et ne le quittent pas, ne cessent pas de faire des commentaires avec les disciples.
 



[1] Voir EMV 380 / Tome 5.70 (ancienne édition).
[2] Genèse 17.1
 
[3] Le manipule est l'unité de base tactique de l'armée romaine. Il était composé de 200 hommes, soit deux centuries. Béthoron, à l'époque romaine, était une place forte importante. Ici ce terme est impropre puisque le gradé est un décurion. Il s'agit donc d'une ou deux décuries (10 soldats)
 
[4] Cf. EMV 115 / 2.82 : Cette guérison a valu à Jésus d'être chassé du Temple une première fois.
 
[5] Cf. EMV 177 / 3.37
 
[6] Cf. EMV 155 / 3.15
 
[7] Sur le Golgotha. Cf. EMV 609 / 9.29, p.301
 
[8] Josué 10,10-11
 
[9] 1Maccabées 3,16-24
 
[10] 1Maccabées 3,19
 
[11] Le Livre d'Abdias est le plus court des Livres de la Bible : il ne comporte que 21 versets.
 
[12] Béthoron, ville d'Ephraïm, a finalement été classée dans les villes sacerdotales.
 
[13] Israël et Juda
 
[14] Osée 1,10-11 (ou 2.1). Une partie du livre d'Osée fait allusion aux évènements du territoire d'Ephraïm où se trouve Béthoron.
 
[15] Osée 2,14-19



 
*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-211.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/conseils-sur-la-saintete-a-un-jeune-indecis.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 21 Fév - 21:46

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

515. Les raisons de la souffrance salvifique de Jésus. Eloge de l’obéissance et leçon sur l’humilité

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 212.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 515.

Le 18 octobre 1946

Vendredi 19 octobre 29
Gabaon


      515.1 Jésus ne peut rester longtemps plongé dans ses pensées. Jean et son cousin Jacques, puis Pierre avec Simon le Zélote le rejoignent pour attirer son attention sur le panorama que l’on découvre du haut de la colline. Et peut-être dans l’intention de le distraire, car il est visiblement très triste, ils rappellent les événements survenus dans les régions qui se présentent sous leurs yeux : le voyage vers Ascalon… la maison des paysans de la plaine de Saron où Jésus rendit la vue au vieux père de Gamla et Jacob… la retraite au mont Carmel de Jésus et de Jacques… Césarée Maritime et la jeune Auréa Galla… la rencontre avec Syntica… les païens de Joppé… les voleurs près de Modin… le miracle des moissons dans la maison de Joseph d’Arimathie… la vieille femme glaneuse…

      Oui, toutes choses qui voudraient réjouir… mais auxquelles, pour tous ou pour lui seul, se mêlent des larmes et un souvenir de douleur. Les apôtres eux-mêmes s’en aperçoivent et murmurent :

      « Vraiment, en toute chose sur cette terre, il se trouve une part de souffrance. C’est un lieu d’expiation… »

      Mais justement André, qui s’est joint au groupe avec Jacques, fils de Zébédée, observe lui aussi :

      « C’est une loi juste pour nous, qui sommes pécheurs. Mais pour lui, pourquoi tant de souffrance ? »

      Il s’élève une discussion paisible — et qui le reste, même quand, attirés par les voix des premiers, tous les autres s’unissent au groupe. Judas est le seul à ne pas s’y joindre : il s’affaire au milieu des humbles, qu’il instruit en imitant la voix, les gestes, la pensée du Maître ; mais c’est une imitation théâtrale, pompeuse, à laquelle il manque la chaleur de la conviction, et ses auditeurs le lui disent sans périphrases. Cela énerve Judas, qui leur reproche d’être bouchés et de ne rien comprendre. Et il leur déclare qu’il les quitte, car “ ce n’est pas la peine de jeter aux pourceaux les perles de la sagesse ”. Il s’arrête cependant, car les humbles gens, vexés, le prient d’être compatissant en s’avouant “ inférieurs à lui comme un animal est inférieur à un homme. ”…

      Jésus est distrait de ce que disent autour de lui les Onze, car il écoute Judas, et ce qu’il entend ne le réjouit certainement pas… Mais il soupire et se tait 515.2 jusqu’au moment où Barthélemy l’intéresse directement à la discussion en lui soumettant les divers points de vue sur la raison pour laquelle lui, qui est indemne du péché, doit souffrir.

      Barthélemy dit :

      « Je soutiens que cela arrive parce que l’homme déteste celui qui est bon. Je parle de l’homme coupable, c’est-à-dire de la majorité. Cette majorité se rend compte que, par comparaison avec celui qui est sans péché, sa culpabilité ressort davantage, avec ses vices, et, par dépit, il se venge en faisant souffrir le bon.

      – Pour ma part, je suis sûr que tu souffres du contraste entre ta perfection et notre misère. Même si personne ne te méprisait d’aucune façon, tu souffrirais pareillement, car ta perfection doit éprouver un dégoût douloureux pour les péchés des hommes, intervient Jude.

      – Moi, au contraire, je pense que, n’étant pas exempt de l’humanité, tu souffres de l’effort de devoir retenir, par ta partie surnaturelle, les révoltes de ton humanité contre tes ennemis, estime Matthieu.

      – Et moi, je vais sûrement me tromper, car je suis un sot, je dis que tu souffres au contraire de voir ton amour repoussé. Tu ne souffres pas de ne pas pouvoir punir comme le côté humain peut le désirer, mais tu souffres de ne pouvoir faire du bien comme tu le voudrais, expose André.

      – Moi, enfin, dit Simon le Zélote, je pense que tu souffres, parce que tu dois subir toute douleur pour racheter toute douleur. Il n’y a pas en toi l’une des deux natures qui prédomine, mais toutes deux sont pareillement en toi, unies en un parfait équilibre, pour former la Victime parfaite, tellement surnaturelle qu’elle peut avoir la force d’apaiser l’offense faite à la Divinité, tellement humaine qu’elle peut représenter l’humanité et la ramener à l’état immaculé du premier Adam pour effacer le passé et engendrer une humanité nouvelle, recréer une humanité nouvelle conforme à la pensée de Dieu, c’est-à-dire une humanité où existe réellement l’image de Dieu et sa ressemblance avec lui, ainsi que la destinée de l’homme : la possession, le pouvoir d’aspirer à la possession de Dieu, dans son Royaume. Tu dois souffrir surnaturellement, et tu souffres, de tout ce que tu vois faire et de ce qui t’entoure, pourrais-je dire, dans une perpétuelle offense à Dieu. Tu dois souffrir humainement, et tu souffres, pour arracher la luxure de notre chair empoisonnée par Satan. C’est par la souffrance complète des deux natures parfaites que tu annuleras complètement l’offense faite à Dieu, la faute de l’homme. »

      Les autres se taisent. Jésus les interroge :

      « Et vous, vous ne dites rien ? Quelle est d’après vous la plus juste définition ? »

      Les uns se prononcent pour l’une, les autres pour une autre. Seul Jacques, fils d’Alphée, se tait avec Jean.

      « Et vous deux, vous n’en approuvez aucune ? dit Jésus pour piquer leur intérêt.

      – Non, nous trouvons en toutes une part de vérité, parfois beaucoup. Mais nous sentons aussi qu’il manque ce qu’il y a de plus vrai.

      – Et vous ne savez pas le trouver ?

      – Nous l’aurions peut-être trouvé, mais il nous paraît presque blasphémer de le dire, car… Nous sommes de bons israélites, et nous craignons Dieu, presque au point de ne pouvoir prononcer son nom. Et de penser que, si l’homme du peuple élu, l’homme fils de Dieu ne peut pour ainsi dire prononcer le nom béni et crée des termes de remplacement pour nommer son Dieu, il nous paraît blasphématoire de penser que Satan puisse oser nuire à Dieu. Et pourtant, nous nous rendons compte que la douleur ne cesse d’agir envers toi parce que tu es Dieu et que Satan te hait. Il te hait comme nul autre. Tu trouves la haine, mon Frère, parce que tu es Dieu, explique Jacques.

      – Oui, approuve Jean. Tu trouves la haine parce que tu es l’Amour. Ce ne sont pas les pharisiens ou les rabbins qui se dressent pour te faire souffrir, ce n’est pas celui-ci ou celui-là, ni pour telle ou telle raison. C’est la Haine qui pénètre les hommes et les dresse contre toi, blêmes de haine, parce que par ton amour, tu arraches trop de proies à la Haine.

      – Il manque encore quelque chose à ces nombreuses définitions. Cherchez la raison la plus vraie. Celle pour laquelle j’existe… » dit Jésus pour les encourager.

      Mais personne ne trouve. Ils réfléchissent longuement, puis renoncent :

      « Nous ne trouvons pas…

      – Elle est si simple… Elle est toujours devant vous. Elle résonne dans les paroles de nos livres, dans les figures de notre histoire… Allons, cherchez ! Dans toutes vos définitions, il y a du vrai, mais il manque la raison première. Cherchez-la, non pas dans le présent, mais dans le passé le plus lointain, au-delà des prophètes, au-delà des patriarches, au-delà de la création de l’Univers… »

      Les apôtres réfléchissent… mais en vain. Jésus sourit. Puis il reprend :

      « Et pourtant, si vous vous rappeliez mes paroles, vous trouveriez la raison. Mais vous ne pouvez encore tout vous rappeler. Un jour, vous vous souviendrez.

      515.3 Ecoutez : remontons ensemble le cours des siècles, jusqu’aux limites du temps. Vous savez qui a corrompu l’esprit de l’homme. C’est Satan, le Serpent, l’Adversaire, l’Ennemi, la Haine. Appelez-le comme vous voulez. Mais pourquoi l’a-t-il corrompu ? Parce qu’il était très envieux, en voyant l’homme destiné au Ciel d’où lui-même avait été chassé. Il a voulu que l’homme subisse l’exil que lui-même connaît. Pourquoi avait-il été chassé ? Parce qu’il s’est révolté contre Dieu, vous le savez. Mais en quoi ? Cela concernait l’obéissance. Au commencement de la douleur, il y a une désobéissance. Dans ce cas, n’est-il pas nécessairement logique que pour rétablir l’ordre, qui est toujours joie, il doit y avoir une obéissance parfaite ? Obéir est difficile, surtout si c’est en matière grave. Ce qui est difficile fait souffrir celui qui l’accomplit. Réfléchissez donc : moi, à qui l’Amour a demandé si je voulais ramener la joie aux enfants de Dieu, je dois souffrir infiniment pour accomplir l’obéissance à la Pensée de Dieu. Je dois donc souffrir pour vaincre, pour effacer non pas un ou mille péchés, mais le Péché lui-même par excellence, qui dans l’esprit angélique de Lucifer ou dans celui qui animait Adam, a été et sera toujours, jusqu’au dernier homme, un péché de désobéissance à Dieu.

      Pour vous, les hommes, votre obéissance doit se limiter à ce peu — qui vous paraît si grand, mais qui est si peu — que Dieu vous demande. Dans sa justice, il n’exige rien de vous que vous ne puissiez donner. Vous ne connaissez des volontés de Dieu que ce que vous pouvez accomplir.

      Mais moi, je connais sa Pensée tout entière, au sujet de tous événements, les grands et les plus petits. Pour moi, il n’est pas de limites à la connaissance et à l’exécution. L’amoureux Sacrificateur, l’Abraham divin, n’épargne pas la Victime et son Fils. C’est l’Amour inassouvi et offensé qui exige réparation et offrande. Et même si je vivais des milliers d’années, ce ne serait rien si je ne consumais pas l’Homme jusqu’à sa dernière fibre, de même que rien n’aurait existé si de toute éternité je n’avais pas dit “ oui ” à mon Père, en me disposant à obéir, et comme Dieu Fils et comme Homme, au moment que mon Père trouverait juste.

      L’obéissance est souffrance et elle est gloire. L’obéissance, comme l’âme, ne meurt jamais. En vérité, je vous dis que les vrais obéissants deviendront des dieux, mais après une lutte continuelle contre eux-mêmes, contre le monde, contre Satan. L’obéissance est lumière : plus on obéit, plus on est éclairé et mieux on voit. L’obéissance est patience : plus on obéit, mieux on supporte les fardeaux et les personnes. L’obéissance est humilité, et plus on la pratique, plus on est humble avec le prochain. L’obéissance est charité, car elle est un acte d’amour, et plus on s’y soumet, plus nos faits et gestes sont nombreux et parfaits. L’obéissance est héroïsme. Et un héros dans l’ordre spirituel, c’est un saint, le citoyen des Cieux, l’homme divinisé. Si la charité est la vertu où l’on retrouve le Dieu un et trine, l’obéissance est la vertu où l’on me trouve, moi, votre Maître. Faites en sorte que le monde vous reconnaisse pour mes disciples par une obéissance absolue à tout ce qui est saint.

      515.4 Appelez Judas. J’ai quelque chose à dire, à lui aussi… »

      Judas accourt. Jésus montre le panorama qui se rétrécit au fur et à mesure de la descente :

      « Une petite parabole pour vous, futurs maîtres des âmes. Vous y verrez d’autant plus clair que vous gravirez davantage le chemin de la perfection, qui est ardu et pénible. Tout d’abord, nous admirions les deux plaines des Philistins et de Saron avec de nombreux villages, des champs et des vergers et jusqu’à un azur lointain qui était la grande mer, et le mont Carmel tout vert là-bas, au fond. Maintenant, nous ne voyons plus que peu de choses. L’horizon s’est rétréci et il ne cessera de se rétrécir jusqu’à disparaître au fond de la vallée. C’est exactement ce qui arrive à celui dont l’âme descend au lieu de s’élever : sa vertu et sa sagesse se font toujours plus limitées, son jugement toujours plus borné jusqu’à s’anéantir. Alors un maître spirituel est mort pour sa mission. Il ne discerne plus et ne peut plus conduire. C’est un cadavre, et il peut corrompre comme il s’est corrompu. La descente l’entraîne parfois — presque toujours —, parce qu’il trouve en bas des satisfactions sensuelles. Nous aussi, nous descendons dans la vallée pour trouver repos et nourriture, mais si cela est nécessaire à notre corps, il n’est pas nécessaire de satisfaire l’appétit sensuel et la paresse de l’âme, en descendant dans les vallées de la sensualité morale et spirituelle. Il n’y a qu’une seule vallée à laquelle il soit permis d’accéder, c’est celle de l’humilité, parce que Dieu lui-même y descend afin de saisir l’âme humble pour l’élever vers lui. Celui qui s’humilie sera exalté. Toute autre vallée est mortelle, car elle éloigne du Ciel.

      – C’est pour cela que tu m’as appelé, Maître ?

      – En effet. Tu as beaucoup parlé avec ceux qui te questionnaient.

      – Oui, et ce n’était pas la peine. Ils ont l’intelligence plus dure que celle des mulets.

      – Mais moi, j’ai voulu déposer une pensée là où tout est sorti. Pour que tu puisses nourrir ton âme. »

      Judas le regarde, interdit. Il ne sait si c’est un don ou un reproche. Les autres qui n’avaient pas remarqué l’entretien de Judas avec ceux qui les suivaient, ne comprennent pas que Jésus reproche à Judas son orgueil.

      515.5 Judas préfère amener prudemment la conversation dans une autre direction :

      « Maître, qu’en penses-tu ? Ces Romains, comme l’homme de Pétra, pourront-ils arriver un jour à ta doctrine, eux qui ont eu un contact si limité avec toi ? Et cet Alexandre ? Il est parti… Nous ne le verrons plus, tout comme ces derniers, d’ailleurs. Il semble y avoir en eux une recherche instinctive de la vérité, mais ils sont plongés jusqu’au cou dans le paganisme. Réussiront-ils jamais à conclure quelque chose de bon ?

      – Tu veux dire à trouver la Vérité ?

      – Oui, Maître.

      – Et pourquoi ne devraient-ils pas y parvenir ?

      – Parce que ce sont des pécheurs.

      – N’y a-t-il qu’eux de pécheurs ? N’y en a-t-il pas parmi nous ?

      – Beaucoup, je l’admets. Mais justement, je me dis que si nous, qui sommes déjà nourris de sagesse et de vérité depuis des siècles, nous restons pécheurs et n’arrivons pas à devenir justes et à suivre la Vérité que, toi, tu représentes, comment pourront-ils le faire, eux, saturés d’impuretés comme ils le sont ?

      – Tout homme peut arriver à atteindre et à posséder la Vérité, c’est-à-dire Dieu, quel que soit son point de départ. Quand il n’y a pas d’orgueil de l’esprit et de dépravation de la chair, mais sincère recherche de la Vérité et de la Lumière, pureté d’intention et désir de Dieu, une créature est sûrement sur le chemin de Dieu.

      – Orgueil de l’esprit… et dépravation de la chair… Maître… alors…

      – Développe ta pensée, elle est bonne. »

      Judas tergiverse, puis il dit :

      « Alors ils ne peuvent atteindre Dieu, car ce sont des dépravés.

      – Ce n’est pas cela que tu voulais dire, Judas. Pourquoi as-tu bâillonné ta pensée et ta conscience ? Ah ! Comme il est difficile à l’homme de s’élever vers Dieu ! Et le plus grand obstacle se trouve en lui-même, qui ne veut pas réfléchir sur lui-même et reconnaître ses défauts. Vraiment, on calomnie bien souvent Satan, en lui attribuant toute cause de ruine spirituelle. Et l’on calomnie encore davantage Dieu en lui attribuant tous les événements. Dieu ne viole pas la liberté de l’homme. Satan ne peut l’emporter sur une volonté affermie dans le bien. En vérité, je vous dis que soixante-dix fois sur cent, l’homme pèche par sa propre volonté. Et — on ne le pense pas, mais il en est ainsi — il ne se relève pas de son péché parce qu’il se refuse à s’examiner, et même si sa conscience, par un mouvement imprévu, se dresse en lui et crie la vérité qu’il n’a pas voulu méditer, l’homme étouffe ce cri, anéantit cette représentation qui se dresse devant son intelligence sévère et affligée, s’efforce d’altérer sa pensée suggestionnée par la voix accusatrice, et se refuse à dire par exemple : “ Mais alors nous, moi, nous ne pouvons atteindre la Vérité parce que nous avons l’orgueil de l’esprit et la corruption de la chair. ” Oui, en vérité, si l’on n’avance pas vers la voie de Dieu, c’est que, parmi nous il y a l’orgueil de l’esprit et la corruption de la chair : un orgueil vraiment émule de celui de Satan, au point de juger ou d’entraver les actions de Dieu quand elles sont contraires aux intérêts des hommes ou des partis. Et ce péché fera, de nombreux israélites, des damnés éternels.

      – Nous ne sommes pas tous comme ça, pourtant.

      – Non. Il y a encore des âmes bonnes, dans toutes les classes sociales. Elles sont plus nombreuses chez les humbles gens du peuple, que parmi les savants et les riches. On en trouve, certes, mais combien ? Combien, par rapport à ce peuple de Palestine que, depuis presque trois années, j’évangélise et comble de bienfaits, et pour lequel je m’épuise ? Il y a, en Israël, plus d’étoiles dans une nuit assombrie par les nuages que d’âmes résolues à entrer dans mon Royaume.

      – Et les païens, ces païens-là, y entreront ?

      – Pas tous, mais beaucoup. Et aussi parmi mes disciples eux-mêmes, tous ne persévéreront pas jusqu’à la fin. Mais ne nous préoccupons pas des fruits pourris qui tombent de la branche ! Cherchons, tant que c’est possible, à les empêcher de pourrir au moyen de la douceur, de la fermeté, des reproches et du pardon, de la patience et de la charité. Puis, quand ils disent “ non ” à Dieu et aux frères qui veulent les sauver, et quand ils se jettent dans les bras de la Mort, de Satan, en mourant impénitents, baissons la tête et offrons à Dieu notre souffrance de n’avoir pu donner la joie du salut de cette âme. Tout maître connaît de telles défaites. D’ailleurs, elles servent à abaisser l’orgueil des maîtres spirituels et à éprouver leur constance dans le ministère. La défaite ne doit pas lasser la volonté de l’éducateur spirituel, mais au contraire le pousser à faire davantage et mieux à l’avenir.

      – Pourquoi as-tu dit au décurion que tu le reverrais sur un mont ? Comment fais-tu pour savoir cela ? »

      Jésus porte sur Judas un long regard étrange, dans lequel la tristesse se mêle au sourire, avant de répondre :

      « Parce qu’il sera l’un de ceux qui seront présents à mon élévation, et il dira au grand docteur d’Israël une sévère parole de vérité. Et à partir de ce moment-là, il commencera sa marche assurée vers la lumière. Mais nous voici à Gabaon. Que Pierre aille avec sept autres annoncer ma présence. Je parlerai sur-le-champ pour congédier les habitants des villages voisins qui me suivent. Les autres resteront avec moi jusqu’après le sabbat. Quant à toi, Judas, reste avec Matthieu, Simon et Barthélemy. »

      (Je n’ai pas reconnu dans le décurion l’un des soldats présents à la crucifixion. Mais je dois reconnaître que, absorbée comme je l’étais par l’observation attentive de mon Jésus, je ne les ai pas beaucoup examinés. Pour moi, c’était un groupe de soldats préposés au service, rien de plus. En outre, au moment où j’aurais mieux pu les regarder parce que “ tout était accompli ”, il y avait une lumière si faible que je n’aurais pu reconnaître que les visages que je vois souvent. Je pense pourtant, d’après les paroles de Jésus, que c’est le soldat qui a dit à Gamaliel des mots dont je ne me souviens pas, et que je ne puis contrôler parce que je suis seule ; et je n’ai personne pour me donner le cahier de la Passion.)




[1] Gabaon (Gibeon) veut dire "lieu élevé".

[2] Écho déformé de Matthieu 7,6 (
Cf. EMV 174 / 3.34).




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-212.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/les-raisons-de-la-souffrance-salvifique-de-jesus.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 22 Fév - 21:47

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28
 
516. A Gabaon, le miracle du petit muet, et éloge de la sagesse en tant qu’amour pour Dieu
 
Ancienne édition : Tome 7, chapitre 213.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 516.
 
Le 22 octobre 1946
 
Vendredi 19 octobre 29
Gabaon

 
       516.1 Au printemps, en été et en automne, Gabaon, située au sommet d’une petite colline en pente douce, isolée au milieu d’une plaine très fertile, doit être une ville avenante, aérée, jouissant d’un panorama magnifique. Ses maisons blanches se cachent presque dans la verdure des arbres à feuillage persistant, de toutes espèces, mêlés aux arbres, dégarnis à cette époque mais qui à la belle saison doivent transformer la colline en une nuée de pétales légers, et plus tard en un triomphe de fruits. Maintenant, dans la grisaille de l’hiver, elle montre ses pentes rayées par les vignes dépouillées et les oliviers gris, ou bien tachetées par les vergers nus aux troncs sombres. Et pourtant, elle est belle et aérée, et l’œil se repose sur la pente de la colline et sur la plaine labourée.
 
       Jésus se dirige vers un vaste puits — ou citerne — qui me rappelle celui de la Samaritaine ou En-Rogel, ou plus encore les réservoirs près d’Hébron [1].
 
       Nombreux sont les habitants qui se hâtent de faire une provision d’eau pour le sabbat maintenant proche, les gens qui traitent leurs dernières affaires, et ceux qui, leurs occupations terminées, se livrent déjà au repos du sabbat.
 
       Au milieu d’eux se trouvent les huit apôtres qui annoncent la présence du Maître. Ils ont manifestement eu du succès, car je vois amener des malades et se rassembler des mendiants ainsi que des gens qui accourent de leurs maisons.
 
       Quand Jésus pénètre dans l’espace où se trouve le bassin, il se produit un murmure qui se change en un cri unanime :
 
       « Hosanna, Hosanna ! Le Fils de David est parmi nous ! Bénie soit la Sagesse qui arrive là où elle a été invoquée !
 
       – Soyez bénis, vous qui savez l’accueillir. Paix ! Paix et bénédiction. »
 
       Aussitôt, il s’avance vers les malades et ceux qui sont estropiés par accident ou par maladie, vers les immanquables aveugles ou qui sont en voie de l’être, et il les guérit.
 
       516.2 Un beau miracle est accordé à un enfant muet, que sa mère lui présente en pleurant et que Jésus guérit d’un baiser sur la bouche. Il se sert de la parole qui lui a été donnée par la Parole pour crier les deux plus beaux noms :
 
       « Jésus ! Maman ! »
 
       Et, des bras de sa mère qui le tenait élevé au-dessus de la foule, il se jette dans les bras de son Sauveur en se serrant à son cou jusqu’à ce que le Maître le rende à sa mère, tout heureuse. Elle explique à Jésus comment cet enfant, qui était son premier-né et que ses parents destinaient dans leurs cœurs à être lévite dès avant sa naissance, pourra l’être maintenant qu’il est sans défauts :
 
       « Ce n’est pas pour moi que mon époux Joachim et moi l’avions demandé à Dieu, mais pour qu’il serve le Seigneur. Et ce n’est pas pour qu’il m’appelle maman et qu’il me dise qu’il m’aime que j’ai demandé pour lui la parole. Ses yeux et ses baisers me le disaient déjà. Mais je le demandais pour qu’il puisse, comme un agneau sans tache, être offert tout entier au Seigneur, et en louer le nom. »
 
       A quoi Jésus répond :
 
       « Le Seigneur entendait la parole de son âme, parce que, comme une mère, il transforme les sentiments en paroles et en actes. Mais ton désir était bon et le Très-Haut l’a accueilli. Maintenant, applique-toi à éduquer ton fils à la louange parfaite, afin qu’il soit parfait dans le service du Seigneur.
 
       – Oui, Rabbi. Mais dis-moi ce que je dois faire.
 
       – Agis en sorte qu’il aime le Seigneur Dieu de tout son être, et la louange parfaite fleurira spontanément dans son cœur : ainsi, il sera parfait dans le service de son Dieu.
 
       – Tu as bien parlé, Rabbi. La sagesse est sur tes lèvres. Je t’en prie, parle-nous à tous » dit un digne Gabaonite qui s’est frayé un chemin jusqu’à Jésus et l’invite ensuite à la synagogue. C’est certainement le chef de la synagogue.
 
       516.3 Jésus s’y dirige, suivi de tout le monde, et comme il est impossible de faire entrer à la fois tous les habitants de la ville et ceux qui étaient déjà avec Jésus, ce dernier accepte le conseil du chef de parler de la terrasse de sa maison, qui est contiguë à la synagogue, une maison large et basse, tapissée sur deux côtés par la verdure tenace de jasmins en espaliers.
 
       La voix de Jésus, puissante et harmonieuse, se répand dans l’air calme du soir qui descend, et se propage à travers la place et les trois rues qui y débouchent, tandis qu’une petite mer de têtes se tient le visage levé pour l’écouter.
 
       « La femme de votre ville qui a désiré obtenir la parole pour son enfant, non par désir d’entendre des mots tendres dans la bouche de son fils, mais pour qu’il soit apte au service de Dieu, me rappelle une autre parole lointaine, tombée des lèvres d’un grand homme dans cette ville-même. A celle-là, comme à celle de votre compatriote, Dieu a acquiescé, car il a vu dans les deux une demande conforme à la justice, une justice qui devrait se trouver dans toutes les prières pour qu’elles trouvent de la part de Dieu accueil et grâce. Qu’est-ce qui est nécessaire pendant la vie pour obtenir ensuite la récompense éternelle, la vraie vie sans fin, dans une béatitude éternelle ? Il faut aimer le Seigneur de tout son être, et le prochain comme soi-même [2]. C’est ce qui est le plus nécessaire pour avoir Dieu comme ami et obtenir de lui grâces et bénédictions. Quand Salomon, devenu roi à la mort de David, assuma de fait le pouvoir, il monta à cette ville où il offrit en sacrifice de nombreuses victimes. Et cette nuit-là, le Très-Haut lui apparut pour lui dire : “ Demande-moi ce que tu désires. [3] ” C’est une grande bienveillance de la part de Dieu, et une grande épreuve pour l’homme. Car à tout don correspond une grande responsabilité de la part de celui qui le reçoit, une responsabilité d’autant plus importante que le don l’est. C’est la preuve du degré de formation qu’il a atteint spirituellement. Si une âme comblée de bienfaits par Dieu, descend vers le matérialisme au lieu de se perfectionner, elle a raté l’épreuve, et elle montre ainsi l’absence ou l’insuffisance de sa formation. La valeur spirituelle d’un homme se reconnaît à deux indicateurs : sa façon de se comporter dans la joie et celle de se comporter dans la souffrance. Seul celui qui est formé en fait de justice sait être humble dans la gloire, fidèle dans la joie, reconnaissant et constant même après avoir obtenu ce qu’il espérait, même quand il ne désire plus rien. Et seul celui qui est réellement saint sait être patient et rester plein d’amour pour son Dieu, quand les peines s’acharnent sur lui.
 
       516.4 – Maître, puis-je poser une question ? demande un habitant.
 
       – Parle.
 
       – Tout est vrai de ce que tu dis et, si j’ai bien compris, tu veux dire que Salomon a triomphé de l’épreuve d’une manière heureuse. Mais ensuite, il a péché. Maintenant, éclaire-moi : pourquoi Dieu l’a-t-il tant comblé, si ensuite il devait pécher ? Le Seigneur connaissait sûrement le futur péché du roi. Dans ce cas, pourquoi lui propose-t-il : “ Demande-moi ce que tu veux ? ” Est-ce que ce fut un bien ou un mal ?
 
       – Toujours un bien, car Dieu ne fait pas d’actions mauvaises.
 
       – Mais tu nous as expliqué qu’à tout don correspond une responsabilité. Or Salomon, ayant demandé et obtenu la sagesse…
 
       – Il avait la responsabilité d’être sage et il ne l’a pas été, veux-tu dire. C’est vrai. Et moi, je t’affirme que son manquement à la sagesse fut puni, et avec justice. Mais l’acte de Dieu de lui accorder la sagesse qu’il demandait fut bon, et bon fut l’acte de Salomon de demander la sagesse et non des jouissances matérielles. Et étant donné que Dieu est Père et qu’il est justice, au moment de l’erreur, il en a pardonné une grande partie, en se souvenant que le pécheur avait autrefois aimé la Sagesse plus que toute autre chose et que toute créature. Un acte aura atténué l’autre. La bonne action, faite antérieurement au péché, reste et elle vaut pour le pardon, mais quand le pécheur se repent après avoir péché.
 
       C’est pour cela que je vous dis de ne pas laisser échapper l’occasion de faire de bonnes actions, pour qu’elles servent d’acompte pour vos péchés quand, par la grâce de Dieu, vous vous en repentez.
 
       Même lorsque les bonnes actions semblent passées — et on peut penser à tort qu’elles n’œuvrent plus en nous pour créer de nouvelles stimulations et de nouvelles forces pour les œuvres bonnes —, elles restent actives, ne serait-ce que par le souvenir qui remonte du fond d’une âme avilie et suscite le regret du temps où l’on était bon. Et le regret est souvent un premier pas sur le chemin du retour à la justice. J’ai dit qu’une simple coupe d’eau offerte avec amour à quelqu’un qui a soif ne reste pas sans récompense [4]. Une gorgée d’eau n’a aucune valeur matérielle, mais la charité la rend meilleure et elle ne reste pas sans récompense. Il arrive que cette dernière soit un retour au bien qui se forme par le souvenir de cet acte, des paroles du frère assoiffé, des sentiments du cœur à ce moment-là, du cœur qui offrait à boire au nom de Dieu et par amour. Et voilà que Dieu, à la suite des souvenirs, revient, comme un soleil qui se lève après la nuit obscure, pour resplendir sur l’horizon d’un pauvre cœur qui l’a perdu et qui, fasciné par son ineffable Présence, s’humilie et crie : “ Père, j’ai péché ! Pardonne. Je t’aime de nouveau. [5] ”
 
       516.5 L’amour pour Dieu est sagesse. C’est même la Sagesse des sagesses, car celui qui aime connaît tout et possède tout. Ici, pendant que le soir descend et que le vent du soir fait frissonner les corps dans les vêtements et agite les flambeaux que vous avez allumés, je ne vais pas vous dire ce que vous savez déjà : les passages du Livre sapientiel où on décrit comment Salomon obtint la Sagesse, et la prière qu’il fit pour l’obtenir [6]. Mais en souvenir de moi, de la voie sûre, de la lumière qui vous guide, je vous exhorte à méditer ces pages avec votre chef de synagogue. Le Livre de la Sagesse devrait être un code de vie spirituelle. Comme une main maternelle, il devrait vous guider et vous introduire dans la parfaite connaissance des vertus et de ma doctrine, car la sagesse me prépare le chemin et transforme les hommes, “ à la vie courte, et incapables de comprendre les jugements et les lois, serviteurs et fils des servantes de Dieu ”, en dieux du Paradis de Dieu.
 
       Recherchez la sagesse plus que tout, pour honorer le Seigneur et vous entendre dire par lui, au jour éternel : “ Puisque tu as eu surtout cela à cœur et non pas la richesse, les biens, la gloire, une longue vie, ni le triomphe sur tes ennemis, que te soit accordée la sagesse ”, c’est-à-dire Dieu lui-même, puisque l’Esprit de sagesse, c’est l’Esprit de Dieu. Recherchez plus que tout la sagesse sainte et, c’est moi qui vous le dis, tout le reste vous sera donné, et d’une façon qu’aucun des grands du monde ne peut se la procurer. Aimez Dieu. Souciez-vous seulement de l’aimer. Aimez votre prochain pour honorer Dieu. Consacrez-vous au service de Dieu, à son triomphe dans les cœurs. Convertissez au Seigneur celui qui n’est pas l’ami de Dieu. Soyez saints. Accumulez les œuvres saintes pour vous défendre contre les faiblesses possibles de la créature. Soyez fidèles au Seigneur. Ne critiquez ni les vivants ni les morts, mais efforcez-vous d’imiter les bons et, non pour votre joie terrestre, mais pour la joie de Dieu, demandez les grâces au Seigneur, et elles vous seront données.
 
       Allons. Demain, nous prierons ensemble et Dieu sera avec nous. »
 
       Et Jésus les congédie en les bénissant.

 


[1] Le puits de Gabaon : C'est près de ce réservoir qu'eu lieu un combat singulier entre un champion des troupes de David et un de celles de Saül (2Samuel 2,13). De même, après la prise de Jérusalem en 587 av. JC, c'est auprès des "grandes eaux de Gabaon" que se déroule le combat entre Ismaël, meurtrier de Godolias et Yohanân qui, vainqueur emmènera les judéens se réfugier en Égypte avec Jérémie (Jérémie 41,11)
[2] Deutéronome 6,5 et Lévitique 19,18
 
[3] 1Rois 3,2-15
 
[4] Matthieu 10,42 – Marc 9,41 – Cf. EMV 265 – EMV 466 – EMV 510
 
[5] Luc 15,21
 
[6] Sagesse 7,7 et suivants



 
Observations

Le puits de Gabaon

Maria Valtorta observe : « Gabaon, située au sommet d'une colline en pente douce et peu élevée, isolée au milieu d'une plaine très fertile, doit être une ville avenante, aérée, jouissant d'un panorama magnifique ». Puis elle ajoute : « Jésus va vers une vaste citerne ou puits, qui me rappelle celui de la Samaritaine ou encore En Rogel ou plus encore les réservoirs, près d'Hébron » (EMV 516.1).


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Les « eaux de Gibeon » sont évoquées dans la bible (1) et l’explorateur E. Robinson (2) signalait avoir aperçu, à proximité du site présumé de Gabaon, « un autre réservoir, environ de la taille de celui d’Hébron ». Les fouilles entreprises par J.-B. Pritchard, entre 1956 et 1960, sur le site d’El-Jib révélèrent effectivement la présence d’une imposante citerne circulaire (12 m x 10 m) qui a été déblayée sur une profondeur de 10,5 m, mais aussi d’un réservoir de forme rectangulaire, mesurant 18,30 m par 11,20 m, celui là même que mentionne Maria Valtorta. C’est à l’occasion de ces fouilles que le site a formellement été identifié comme étant celui de l’antique Gibeon (ou Gabaon), confirmant a posteriori ce récit de Maria Valtorta, écrit plus de dix ans avant cette découverte !

(1) 2 Samuel 2,12-17
(2) E. Robinson Biblical researches in Palestine vol 1 1856 p 455

*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-213.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/eloge-de-la-sagesse-en-tant-qu-amour-pour-dieu.html


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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 23 Fév - 21:20

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28
 
517. En route vers Nobé, le remords de Judas après une discussion
 
Ancienne édition : Tome 7, chapitre 214.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 517.
 
Le 24 octobre 1946
 
Dimanche 21 octobre 29
En route vers Nobé

 
       517.1 Le vent humide et froid décoiffe les arbres des collines et pousse dans le ciel des amas de nuages grisâtres. Tout emmitouflés dans leurs lourds manteaux, Jésus, les Douze et Etienne descendent de Gabaon par le chemin qui mène à la plaine. Ils parlent entre eux pendant que Jésus, absorbé dans un de ses silences, est loin de ce qui l’entoure. Il reste ainsi jusqu’à ce que, arrivés à un croisement à mi-côte, et même presque au bas de la colline, il dise :
 
       « Prenons de ce côté et allons à Nobé.
 
       – Comment ? Tu ne reviens pas à Jérusalem ? demande Judas.
 
       – Pour celui qui est habitué à de longues marches, Nobé et Jérusalem, c’est tout un. Mais je préfère être à Nobé. Cela te déplaît ?
 
       – Oh ! Maître ! Pour moi, que ce soit ici ou là… Je regrette plutôt que, à un endroit qui t’était si favorable, tu te sois si peu montré. Tu as parlé davantage à Bétéron qui ne t’était certainement pas amie. Tu devrais faire le contraire, il me semble : chercher à t’attirer toujours plus les villes que tu sens bienveillantes, en faire des… défenses contre les cités dominées par tes adversaires. Tu sais quelle importance revêt le fait que les villes voisines de Jérusalem soient de ton côté ? Enfin, Jérusalem n’est pas tout. Les autres endroits peuvent également avoir de l’importance, et ainsi faire pression sur les volontés de Jérusalem. Les rois, généralement, sont proclamés dans les plus fidèles des villes, et les autres se résignent une fois la proclamation faite…
 
       – Quand elles ne se révoltent pas, devenant cause de luttes fratricides. Je ne crois pas que le Messie veuille inaugurer son Règne par une guerre intestine, dit Philippe.
 
       – Je désirerais une seule consolation : qu’il commence en vous par une juste vision des choses. Mais vous n’y parvenez pas encore… Quand donc comprendrez-vous ? »
 
       517.2 Se rendant compte qu’il risque un reproche, Judas détourne la conversation :
 
       « Pourquoi donc, ici à Gabaon, as-tu si peu parlé ?
 
       – J’ai préféré écouter et me reposer. Vous ne comprenez pas que, moi aussi, j’aie besoin de repos ?
 
       – Nous pouvions nous y arrêter et leur faire plaisir. Si tu es si épuisé, pourquoi t’es-tu remis en route ? demande Barthélemy, d’un air désolé.
 
       – Ce ne sont pas mes membres qui sont fatigués. Je n’ai pas besoin de m’arrêter pour leur donner du repos. C’est mon cœur qui est las, qui a besoin de repos. Or je le trouve là où je rencontre de l’amour. Croyez-vous donc que je sois insensible à tant de haine ? Que les refus ne m’affligent pas ? Croyez-vous que les conjurations contre moi me laissent de marbre ? Que les trahisons de celui qui simule l’amitié et qui est un espion de mes ennemis, placé à côté de moi pour…
 
       – Que cela n’arrive jamais, Seigneur ! Et tu ne dois même pas le supposer. Tu nous offenses en disant cela ! » proteste Judas avec une indignation affligée qui dépasse celle de tous les autres, bien que tous se récrient :
 
       « Maître, tu nous attristes par ces paroles, tu doutes de nous ! »
 
       Impulsif, Jacques, fils de Zébédée, s’écrie :
 
       « Eh bien, moi, je te salue, Maître, et je rentre à Capharnaüm. Le cœur brisé. Mais je m’en vais. Et si Capharnaüm ne suffit pas, j’irai avec les pêcheurs de Tyr et de Sidon, j’irai à Cintium, j’irai je ne sais où, mais tellement loin qu’il te sera impossible de penser que, moi, je te trahis. Donne-moi ta bénédiction en viatique ! »
 
       Jésus l’embrasse :
 
       « Paix, mon apôtre. Nombreux sont ceux qui se prétendent mes amis, vous n’êtes pas les seuls. Mes paroles te peinent, elles vous peinent tous. Mais dans quels cœurs dois-je déverser mes angoisses et chercher quelque réconfort, sinon auprès de mes apôtres bien-aimés et de mes disciples de confiance ? Je cherche en vous une partie de l’union que j’ai quittée pour unir les hommes : l’union avec mon Père dans le Ciel ; et une goutte de l’amour que j’ai quitté pour l’amour des hommes : celui de ma Mère. Je le cherche en guise de soutien. Ah ! une vague d’amertume, un poids inhumain envahissent mon cœur et font pression sur lui, sur le Fils de l’homme !… Ma Passion, mon heure, se fait toujours plus pleine… Aidez-moi à la supporter, à l’accomplir… car elle est si douloureuse ! »
 
       Touchés par la douleur profonde qui vibre dans les paroles du Maître, les apôtres se regardent sans savoir faire autre chose que se serrer contre lui, le caresser, l’embrasser… et c’est en même temps que Judas l’embrasse à droite et Jean à gauche… Jésus baisse les yeux pour voiler son regard pendant ces baisers.
 
       517.3 Ils reprennent leur marche et, après cette interruption, Jésus peut reprendre sa pensée :
 
       « Dans une si grande angoisse, mon cœur cherche des lieux où trouver amour et repos, des endroits où, au lieu de s’adresser à des pierres arides, à des serpents sournois ou à des papillons distraits, il peut écouter parler d’autres cœurs et être consolé en les sentant sincères, affectueux, justes. Gabaon est l’un de ces endroits. Je n’y étais jamais venu. Mais j’y ai trouvé un champ labouré et ensemencé par d’excellents ouvriers de Dieu. Ce chef de la synagogue ! Il est venu à la Lumière, mais son âme était déjà lumineuse. Que peut faire un bon serviteur de Dieu ! Gabaon n’est certainement pas à l’abri des menées de ceux qui me haïssent. Même là, on essaiera insinuation et corruption, mais elle a pour chef de synagogue un juste, de sorte que les poisons du mal y perdent leur toxicité. Croyez-vous qu’il me soit agréable de toujours corriger, censurer, réprouver même ? Il m’est beaucoup plus doux de pouvoir dire : “ Tu as compris la Sagesse. Avance sur ta route et sois saint ”, comme je l’ai dit au chef de Gabaon.
 
       – Alors, nous y retournerons ?
 
       – Quand le Père me fait trouver un lieu de paix, j’en profite et j’en bénis mon Père, mais ce n’est pas pour cela que je suis venu. Je suis venu convertir au Seigneur les lieux coupables et éloignés de
 
       lui. 517.4 Vous le voyez, je pourrais rester à Béthanie, et je ne le fais pas.
 
       – C’est aussi pour ne pas nuire à Lazare.
 
       – Non, Judas. Même les pierres savent que Lazare est mon ami. Il serait par conséquent inutile que je réfrène mon désir de réconfort. Mais c’est pour…
 
       – A cause des sœurs de Lazare, de Marie spécialement.
 
       – Non plus, Judas. Même les pierres savent que la luxure de la chair ne me trouble pas. Remarque que, parmi les nombreuses accusations que l’on m’a faites, la première qui est tombée a été celle-là, car même mes adversaires les plus acharnés ont compris que, la soutenir, c’était démasquer leur habitude du mensonge. Personne d’honnête n’aurait cru que j’étais un sensuel. La sensualité ne peut avoir d’attirance que pour ceux qui ne se nourrissent pas de surnaturel et qui abhorrent le sacrifice. Mais pour celui qui s’est voué au sacrifice, pour celui qui est victime, quelle attirance veux-tu que possède le plaisir d’une heure ? La jouissance des âmes victimes est tout entière d’ordre spirituel, et si elles revêtent une chair, celle-ci n’est pas plus qu’un vêtement. Penses-tu que les habits que nous portons aient des sentiments ? Il en est de même de la chair pour ceux qui vivent de l’esprit : un vêtement, rien de plus. L’homme spirituel est le véritable surhomme parce qu’il n’est pas esclave des sens, alors que l’homme matériel est une non-valeur, par rapport à la vraie dignité de l’homme, car il a trop d’appétits qui lui sont communs avec l’animal. Il lui est même inférieur, tout en le surpassant, puisqu’il fait de l’instinct, naturel à l’animal, un vice dégradant. »
 
       Perplexe, Judas se mord les lèvres, puis il déclare :
 
       « Oui. Et, du reste, tu ne pourrais plus nuire à Lazare. D’ici peu, la mort le soustraira à tout danger de vengeance… Dans ce cas, pourquoi ne vas-tu pas à Béthanie plus souvent ?
 
       – Parce que je ne suis pas venu pour rechercher mon plaisir, mais pour convertir. Je te l’ai déjà dit.
 
       – Pourtant… tu es heureux d’avoir tes frères avec toi ?
 
       – Oui. Mais il est vrai aussi que je n’ai pas de préférences pour eux. Quand on doit se séparer pour trouver des maisons qui nous accueillent, ce ne sont pas eux qui restent généralement avec moi, mais vous. Et cela pour vous montrer qu’aux yeux et à l’esprit de celui qui s’est voué à la rédemption, la chair et le sang n’ont pas de valeur ; la seule chose qui en ait, c’est la formation des cœurs et
 
       leur rédemption. 517.5 Maintenant, nous allons nous rendre à Nobé et nous nous séparerons de nouveau pour la nuit ; et je vais encore te garder avec moi ainsi que Matthieu, Philippe et Barthélemy.
 
       – Nous sommes peut-être les moins formés ? Moi, spécialement, que tu gardes toujours près de toi ?
 
       – C’est exact, Judas.
 
       – Merci, Maître. Je l’avais compris, lance Judas avec une colère mal contenue.
 
       – Si tu l’as compris, pourquoi ne t’efforces-tu pas de te former ? Crois-tu donc que, pour ne pas t’humilier, je pourrais mentir ? Nous sommes entre frères, d’ailleurs, et les défauts de l’un ne doivent pas être objet de raillerie ; de même, les avertissements donnés en présence des autres — qui savent déjà réciproquement en quoi manque chacun des frères — ne doivent pas être un objet d’abattement. Personne n’est parfait, c’est moi qui vous le dis. Mais même les imperfections de chacun, si pénibles à voir et à supporter, doivent susciter une amélioration de soi-même pour ne pas accroître les ennuis réciproques. Et, crois-moi, Judas, même si je te vois pour ce que tu es, personne, pas même ta mère, ne t’aime comme je t’aime, et personne ne s’efforce de te rendre bon comme ton Jésus.
 
       – Mais, en attendant, tu me fais des reproches et tu m’humilies, qui plus est en présence d’un disciple.
 
       – Est-ce la première fois que je te rappelle à la justice ? »
 
       Judas se tait.
 
       « Réponds, te dis-je ! lance Jésus impérieusement.
 
       – Non.
 
       – Et combien de fois l’ai-je fait publiquement ? Peux-tu dire que je t’ai couvert de honte ? Ou bien dois-tu reconnaître que je t’ai protégé et défendu ? Parle !
 
       – Tu m’as défendu, c’est vrai. Mais aujourd’hui…
 
       – Aujourd’hui, c’est pour ton bien. Celui qui caresse un fils coupable, dit le proverbe, devra ensuite bander ses plaies. Et un autre dit encore qu’un cheval indompté devient intraitable, et le fils abandonné à lui-même un casse-cou.
 
       – Mais suis-je ton fils ? demande Judas, tandis que son visage perd son air courroucé pour prendre une expression de regret.
 
       – Si je t’avais engendré, tu ne pourrais l’être davantage, et je me ferais arracher les entrailles pour te donner mon cœur et te rendre tel que je voudrais… »
 
       Judas a un de ses retours… et sincère, vraiment sincère, il se jette dans les bras de Jésus en s’écriant :
 
       « Ah ! je ne te mérite pas ! Je suis un démon et je ne te mérite pas ! Tu es trop bon ! Sauve-moi, Jésus ! » [1]
 
       Et il pleure, il pleure réellement avec les sanglots agités d’un cœur troublé par des pensées qui ne sont pas bonnes, et par leur contraste avec le remords d’avoir affligé celui qui l’aime.
 



[1] Judas a déjà eu ce type de revirement : Cf. EMV 422 / 6.113


 
*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-214.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/le-remords-de-judas-apres-une-discussion.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 24 Fév - 21:12

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

518. A Jérusalem, rencontre de l’aveugle guéri. Le discours qui révèle en Jésus le bon Pasteur

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 215.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 518.

Le 25 octobre 1946

Mardi 23 octobre 29
Jérusalem


      518.1 Jésus entre en ville par la Porte d’Hérode, et prend la direction du Tyropéon et du faubourg d’Ophel [1].

      « Nous allons au Temple ? demande Judas.

      – Oui.

      – Attention à ce que tu fais ! disent plusieurs pour l’avertir.

      – Je ne m’y arrêterai que le temps de la prière.

      – Ils vont te retenir.

      – Non. Nous allons entrer par les portes du Septentrion et nous sortirons par les portes du Midi : ainsi ils n’auront pas le temps de s’organiser pour me nuire. A moins qu’il n’y ait toujours derrière moi quelqu’un qui me surveille et me dénonce… »

      Personne ne réplique, et Jésus se dirige vers le Temple. En haut de sa colline, celui-ci ressemble à une sorte de spectre dans la lumière vert jaunâtre d’un sombre matin d’hiver, où le soleil qui se lève, en cherchant à se frayer un passage dans le lourd amas de nuages, n’est guère qu’un souvenir qui s’obstine à rester présent. Vain effort ! La splendeur joyeuse de l’aurore se réduit à un pâle reflet d’un jaune irréel qui ne se diffuse pas, mais est taché de teintes de plomb veiné de vert. Sous cette lumière, les marbres et les ors du Temple paraissent pâles, tristes, presque lugubres, comme des ruines qui émergent d’une zone de mort.

      Jésus le regarde intensément tout en montant vers l’enceinte. Il observe également les visages des voyageurs matinaux. La plupart sont d’humbles gens : jardiniers, bergers avec des animaux de boucherie, serviteurs ou ménagères qui se rendent au marché. Tous ces gens marchent silencieusement, enveloppés dans leurs manteaux, un peu penchés pour se défendre de l’air piquant du matin. Même les visages semblent plus pâles que ne le sont d’ordinaire ceux des gens de cette race. C’est la lumière étrange qui les rend ainsi verdâtres ou presque couleur de perle dans l’encadrement des étoffes colorées des manteaux, dont le vert, le violet vif, le jaune intense n’arrivent guère à apporter quelques reflets rosés sur les joues. Certains saluent le Maître, mais sans s’arrêter ; ce n’est pas la bonne heure. Des mendiants, il n’y en a pas encore pour lancer leurs cris lamentables aux carrefours ou sous les auvents qui couvrent les rues à chaque pas. L’heure et la saison offrent à Jésus la liberté de se déplacer sans obstacle.

      Les voilà parvenus à l’enceinte : ils entrent et se dirigent vers la Cour des Juifs. Pendant qu’ils sont en prière, un son de trompettes — d’après leur timbre, je les crois en argent — annonce certainement quelque chose d’important en se diffusant dans les collines. Il se répand en même temps un suave parfum d’encens qui empêche de sentir les autres odeurs, moins agréables, exhalées sur le sommet du mont Moriah : je veux parler de la perpétuelle, je dirais même la naturelle odeur des chairs égorgées et consumées par le feu, une odeur mêlée de farine brûlée, d’huile enflammée qui stagne toujours là-haut, plus ou moins forte, mais toujours présente à cause des holocaustes continuels.

      Ils s’éloignent dans une autre direction et commencent à être remarqués par les premiers qui accourent au Temple, par ceux qui lui appartiennent, par les changeurs et les marchands qui sont en train de monter leurs comptoirs ou leurs enclos. Mais ils sont trop peu nombreux, et leur surprise est telle qu’ils ne savent comment réagir. Ils échangent entre eux des paroles d’étonnement :

      « Il est revenu !

      – Il n’est pas allé en Galilée comme on le disait.

      – Mais où était-il caché ? On ne le trouvait nulle part !

      – Il veut vraiment les braver…

      – Quel sot !

      – Quel saint ! »

      Et ainsi de suite selon l’état d’esprit de chacun.

      518.2 Mais Jésus est déjà sorti du Temple, et il prend la rue qui descend vers l’Ophel, quand, au croisement des chemins qui mènent au mont Sion, il tombe sur l’aveugle-né, guéri depuis peu, qui, chargé de paniers pleins de pommes parfumées, marche allègrement en plaisantant avec d’autres jeunes également chargés, qui vont dans un sens opposé au sien.

      Peut-être la rencontre passerait-elle inaperçue pour le jeune homme, puisqu’il ignore les visages de Jésus et des apôtres. Mais Jésus, lui, n’ignore pas le visage du miraculé, et il l’appelle. Sidonia, dit Bartolmaï, se retourne et observe d’un air interrogateur cet homme de grande taille, majestueux malgré la simplicité de son vêtement, qui le hèle par son nom en se dirigeant vers une ruelle.

      « Viens ici » ordonne Jésus.

      Le jeune homme s’approche, sans poser son fardeau. Il regarde du coin de l’œil Jésus et, croyant avoir à faire à un acheteur de pommes, il lui dit :

      « Mon patron les a déjà vendues, mais il en a encore, si tu en veux. Elles sont belles et bonnes, arrivées hier des vergers de Saron. Et si tu en achètes une grande quantité, tu auras une forte remise, car… »

      Jésus lève la main droite en souriant pour arrêter la faconde du jeune homme :

      « Je ne t’ai pas appelé pour acheter des pommes, mais pour me réjouir avec toi et bénir avec toi le Très-Haut qui t’a fait une grâce.

      – Oh ! Oui ! je ne cesse de le faire, à la fois pour la lumière que je vois et pour le travail que je puis faire, pour aider mes parents. J’ai fini par trouver un bon patron. Il n’est pas hébreu, mais il est bon. Les Hébreux ne voulaient pas de moi car… car ils savent que j’ai été chassé de la synagogue, explique le jeune homme en déposant ses paniers à terre.

      – Ils t’ont chassé ? Pourquoi ? Qu’as-tu fait ?

      – Moi, rien, je t’assure ! C’est le Seigneur qui a agi. Un jour de sabbat, il m’a fait rencontrer cet homme dont on dit qu’il est le Messie et lui m’a guéri, comme tu vois. Et c’est pour cela qu’ils m’ont chassé.

      – Alors celui qui t’a guéri ne t’a pas vraiment rendu un bon service ! remarque Jésus pour le tester.

      – Ne dis pas cela, homme ! C’est un blasphème de ta part ! Avant toute autre chose, il m’a montré que Dieu m’aime, puis il m’a donné la vue… Tu ne sais pas ce que c’est que “ voir ”, car tu as toujours vu. Mais pour quelqu’un qui n’avait jamais vu… Oh !… C’est… Ce sont toutes les merveilles que l’on peut voir. Je peux t’affirmer que, lorsque j’ai vu, là-bas près de Siloé, j’ai ri et fondu en larmes, mais de joie, hein ? J’ai pleuré comme je n’avais jamais pleuré dans mon malheur. Car j’ai alors compris combien le Très-Haut était grand et bon. Et puis, je peux gagner ma vie, avec un travail convenable. Mais… il y a une chose que j’espère plus que tout : que ce miracle me permette de rencontrer l’homme qui se dit Messie et son disciple qui m’a…

      – Et que ferais-tu, alors ?

      – Je voudrais les bénir, lui et son disciple. Et je voudrais demander au Maître, qui doit vraiment venir de Dieu, de me prendre pour son serviteur.

      – Comment ? A cause de lui, tu es anathème, tu as du mal à trouver du travail, tu peux même être puni davantage, et tu veux le servir ? Ignores-tu donc que les disciples de celui qui t’a guéri sont tous persécutés ?

      – Eh ! je le sais bien ! Mais c’est le Fils de Dieu, comme on le dit entre nous. Bien que ceux de là-haut (et il désigne le Temple) ne veulent pas qu’on l’appelle ainsi. Mais ne vaut-il pas la peine de tout quitter pour le servir, lui ?

      518.3 – Tu crois donc au Fils de Dieu et à sa présence en Palestine ?

      – J’y crois. Mais je voudrais le connaître, non seulement par l’intelligence, mais de tout mon être. Si tu sais qui il est et où il se trouve, dis-le-moi, pour que j’aille le trouver, que je le voie, que je croie complètement en lui et que je le serve.

      – Tu l’as déjà vu, et il n’est pas nécessaire que tu le cherches. Celui que tu vois en ce moment et qui te parle, c’est le Fils de Dieu. »

      Je ne pourrais l’affirmer avec certitude, mais il m’a semblé qu’en prononçant ces mots, Jésus a eu une sorte de très brève transfiguration : il est devenu très beau, et même resplendissant. Je dirais que, pour récompenser l’humble homme qui croit en lui et le confirmer dans sa foi, il a, pendant la durée d’un éclair, dévoilé sa future splendeur — je veux parler de celle qu’il assumera après la Résurrection et qu’il conservera au Ciel, sa beauté de créature humaine glorifiée, de corps glorifié et uni à l’inexprimable majesté de la Perfection qui lui appartient. Un instant, dis-je, un éclair. Mais le recoin à demi obscur où ils se sont retirés pour parler, sous l’arcade de la ruelle, s’illumine étrangement d’une clarté qui se dégage de Jésus qui, je le répète, devient très beau.

      Puis tout redevient comme avant, mais le jeune homme est maintenant par terre, la figure dans la poussière, et il adore en disant :

      « Je crois, Seigneur, mon Dieu !

      – Lève-toi. Je suis venu dans le monde pour apporter la lumière et la connaissance de Dieu et pour éprouver les hommes et les juger [2]. Mon temps est un temps de choix, d’élection, et de sélection. Je suis venu pour que ceux qui sont purs de cœur et d’intention, les humbles, les doux, ceux qui aiment la justice, la miséricorde, la paix, pour que ceux qui pleurent et ceux qui savent donner aux diverses richesses leur valeur réelle et préférer les spirituelles aux matérielles, trouvent ce à quoi leur âme aspire. Je suis aussi venu pour que ceux qui étaient aveugles — parce que les hommes ont élevé des murailles épaisses pour faire obstacle à la lumière, c’est-à-dire la connaissance de Dieu — voient clair, et pour que ceux qui se croient voyants deviennent aveugles…

      518.4 – Dans ce cas, tu détestes une grande partie des hommes et tu n’es pas bon, comme tu prétends l’être. Si tu l’étais, tu chercherais à ce que tous voient clair et que ceux qui y voient déjà ne deviennent pas aveugles » interviennent des pharisiens, arrivés de la rue principale, qui se sont prudemment approchés avec d’autres, derrière le groupe apostolique.

      Jésus se retourne et les regarde. Il n’a sûrement plus la transfiguration d’une douce beauté, maintenant. C’est un Jésus bien sévère qui fixe sur ses persécuteurs ses yeux de saphir et, lorsqu’il répond, sa voix n’a plus la note dorée de la joie, mais celle du bronze, et, comme le son du bronze, elle est incisive et sévère.

      « Ce n’est pas moi qui désire que ceux qui aujourd’hui combattent la vérité ne la voient pas. Mais ce sont eux-mêmes qui se bouchent les yeux pour ne pas voir, et ils se rendent aveugles par leur libre volonté. Et le Père m’a envoyé pour que le tri se fasse et que l’on connaisse vraiment les fils de la Lumière et ceux des Ténèbres, ceux qui veulent voir et ceux qui veulent se rendre aveugles.

      – Nous sommes peut-être nous aussi de ces aveugles ?

      – Si vous l’étiez et cherchiez à voir, vous ne seriez pas fautifs. Mais c’est parce que vous dites : “ Nous y voyons ”, mais ne voulez pas voir, que vous péchez. Votre péché demeure parce que vous ne cherchez pas à voir tout en étant aveugles.

      – Et que devons-nous voir ?

      – La Voie, la Vérité, la Vie. Un aveugle-né, comme l’était cet homme, peut toujours avec son bâton trouver la porte de sa maison et y entrer parce qu’il la connaît. Mais si on l’emmenait ailleurs, il ne pourrait passer la porte de la nouvelle maison parce qu’il ne saurait pas où elle se trouve, et il se heurterait contre les murs.

      518.5 Le temps de la Loi nouvelle est venu. Tout se renouvelle et un monde nouveau, un nouveau peuple, un nouveau royaume se lèvent. Maintenant, ceux du temps passé ne connaissent pas tout cela. Eux connaissent leur temps. Ils sont comme des aveugles conduits dans un nouveau pays où se trouve la maison royale du Père, mais ils n’en connaissent pas l’emplacement.

      Je suis venu pour les conduire, les y introduire et pour qu’ils voient. Je suis moi-même la Porte par laquelle on accède à la maison du Père, au Royaume de Dieu, à la Lumière, au Chemin, à la Vérité, à la Vie. Et je suis aussi celui qui est venu pour rassembler le troupeau resté sans guide et le mener dans un unique bercail : celui du Père. Je connais la porte du bercail, car je suis en même temps la Porte et le Berger ; j’y entre et en sors comme et quand je veux. J’y entre librement, en passant par la porte, car je suis le vrai Berger.

      Quand quelqu’un vient donner aux brebis de Dieu d’autres indications, ou cherche à les dévoyer en les amenant à d’autres demeures et par d’autres chemins, ce n’est pas le bon Berger, mais un faux. De même, celui qui n’entre pas par la porte du bercail, mais essaie d’y pénétrer par un autre endroit en sautant par dessus la clôture, n’est pas le berger, mais un voleur et un assassin : car il a l’intention de voler et de tuer, pour que les agneaux qu’il prend n’aient pas de voix pour se plaindre et n’attirent pas l’attention des gardiens et du berger. Même parmi les brebis du troupeau d’Israël, de faux bergers cherchent à s’insinuer pour les faire sortir des pâturages, loin du vrai Berger [3]. Ils sont prêts à les arracher au troupeau par la violence, et à l’occasion, ils sont même disposés à les tuer et à les frapper de bien des manières, pour les empêcher de parler, de raconter au Berger les ruses des faux bergers, et de crier vers Dieu de les protéger contre leurs adversaires et les adversaires du Berger [4].

      Je suis le bon Berger et mes brebis me connaissent, tout comme ceux qui sont pour l’éternité les portiers du vrai bercail. Eux m’ont connu, moi et mon nom, et ils l’ont annoncé pour qu’il soit connu d’Israël. Ils m’ont décrit, et ils ont préparé mes chemins. Et quand ma voix s’est fait entendre, le dernier d’entre eux m’a ouvert la porte en annonçant au troupeau qui attendait le vrai Berger, au troupeau groupé autour de son bâton : “ Voici celui dont j’ai dit qu’il vient derrière moi. Il me précède parce qu’il existait avant moi et que moi, je ne le connaissais pas. C’est précisément pour que vous soyez prêts à le recevoir, que je suis venu baptiser avec de l’eau afin qu’il soit manifesté en Israël. [5] ” Et les bonnes brebis ont entendu ma voix : quand je les ai appelées par leur nom, elles sont accourues et je les ai emmenées avec moi, comme le fait un bon berger, que les brebis reconnaissent à la voix et qu’elle suivent partout où il va. Et quand il les a toutes fait sortir, il marche devant elles, et elles le suivent, car elles aiment la voix du berger, alors qu’elles ne suivent pas un étranger, mais au contraire fuient loin de lui, parce qu’elles ne le connaissent pas et le craignent. Moi aussi, je marche devant mes brebis pour leur indiquer le chemin et pour affronter le premier les dangers et les signaler au troupeau que je veux conduire en lieu sûr dans mon Royaume.

      518.6 – Israël ne serait-il plus le royaume de Dieu ?

      – Israël est le lieu d’où le peuple de Dieu doit s’élever à la vraie Jérusalem et au Royaume de Dieu.

      – Et le Messie promis [6], alors ? Ce Messie que tu affirmes être, ne doit-il donc pas rendre Israël triomphant, glorieux, maître du monde, en assujettissant sous son sceptre tous les peuples [7] et en se vengeant férocement de tous ceux qui l’ont assujetti depuis qu’il est peuple [8] ? Rien de cela n’est vrai, alors ? Tu nies les prophètes ? Tu traites de sots nos rabbis ? Tu…

      – Le Royaume du Messie n’est pas de ce monde. C’est le Royaume de Dieu, fondé sur l’amour. Il n’est rien d’autre. Le Messie n’est pas le roi des peuples et des armées, mais le roi des âmes. C’est du peuple élu que viendra le Messie, de la race royale, et surtout de Dieu qui l’a engendré et envoyé [9]. C’est par le peuple d’Israël qu’a commencé la fondation du Royaume de Dieu, la promulgation de la Loi d’amour, l’annonce de la Bonne Nouvelle dont parle le prophète [10]. Mais le Messie sera Roi du monde, Roi des rois, et son Royaume n’aura pas de limites ni de frontières, ni dans le temps, ni dans l’espace [11]. Ouvrez les yeux et acceptez la vérité.

      – Nous n’avons rien compris à ton radotage. Ce que tu dis n’a aucun sens. Parle et réponds sans paraboles. Es-tu, oui ou non, le Messie ?

      – N’avez-vous toujours pas compris ? C’est pour cela que je me suis présenté comme la Porte et le Berger. Jusqu’à présent, personne n’a pu entrer dans le Royaume de Dieu parce qu’il était muré et sans issue, mais maintenant que je suis venu, la porte d’entrée est créée.

      – Oh ! bien d’autres ont prétendu être le Messie, mais on a reconnu par la suite qu’il s’agissait de voleurs et de rebelles, et la justice humaine a puni leur rébellion. Qui nous assure que tu n’es pas comme eux ? Nous sommes las de souffrir et de faire souffrir au peuple la rigueur de Rome, à cause de menteurs qui se disent rois et qui poussent le peuple à la révolte ! [12]

      – Non, votre jugement n’est pas exact. Vous ne voulez pas souffrir, cela est vrai. Mais que le peuple souffre vous indiffère. C’est si vrai, qu’à la rudesse de nos dominateurs, vous ajoutez votre propre dureté, en opprimant le menu peuple par des dîmes exagérées et par bien d’autres outrances. Qu’est-ce qui vous assure que je ne suis pas un brigand ? Mes actes. Ce n’est pas moi qui rends lourde la main de Rome, bien au contraire, puisqu’il m’arrive de la rendre plus légère en conseillant l’humanité à nos dominateurs, et la patience à ceux qui sont dominés. Au moins cela. »

      C’est l’avis de beaucoup. En effet, l’auditoire a maintenant beaucoup augmenté et ne cesse de croître au point que le trafic en est gêné sur la grande rue, et que les gens refluent tous dans la ruelle, sous les voûtes de laquelle les voix se répercutent. Ils approuvent Jésus :

      « Bien dit pour les dîmes, c’est vrai ! Lui nous conseille la soumission, et aux Romains la pitié. »

      518.7 Les pharisiens, comme toujours, s’aigrissent d’entendre les approbations de la foule et c’est sur un ton encore plus mordant qu’ils s’adressent au Christ :

      « Réponds sans te perdre dans tant de paroles, et prouve que tu es le Messie.

      – En vérité, en vérité je vous dis que je le suis. C’est moi, moi seul, qui suis la Porte du Bercail des Cieux. Qui ne passe pas par moi ne peut entrer. Certes, il y a eu bien des faux Messies et il y en aura encore. Mais l’unique et véritable Messie, c’est moi. Combien sont venus jusqu’ici se prétendre tels, qui en fait n’étaient rien d’autre que des voleurs et des brigands ! Et pas seulement ceux qui se faisaient appeler Messie par un petit nombre de personnes à la même mentalité, mais d’autres encore qui, sans se donner ce nom, n’en exigent pas moins une adoration qui n’est pas même accordée au véritable Messie. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. Cependant remarquez : les brebis n’ont écouté ni les faux Messies, ni les faux bergers et maîtres, car leur esprit sentait l’hypocrisie de leur voix, qui voulait se montrer douce et était cruelle. Seuls les boucs les ont suivis pour devenir leurs compagnons de scélératesse : les boucs sauvages, indomptés, qui ne veulent pas entrer dans le Bercail de Dieu, sous le sceptre du vrai Roi et Berger. Parce que c’est aujourd’hui présent en Israël. Celui qui est le Roi des rois devient le Berger du Troupeau, tandis qu’autrefois celui qui était berger de troupeaux devint roi [13] ; et l’Un comme l’autre proviennent d’une souche unique, celle d’Isaïe, comme c’est écrit [14] dans les promesses et les prophéties.

      Les faux bergers n’ont pas parlé sincèrement ni réconforté. Ils ont dispersé et torturé le troupeau, ils l’ont abandonné aux loups, ou encore ils l’ont tué pour en tirer profit en le vendant pour s’assurer la vie, ou lui ont enlevé les pâturages pour en faire des maisons de plaisirs et des bosquets pour les idoles [15].

      Savez-vous qui sont les loups ? Ce sont les passions mauvaises, les vices que les faux bergers eux-mêmes ont enseigné au troupeau, en étant les premiers à les pratiquer. Et savez-vous ce que sont les bosquets des idoles ? Ce sont les propres égoïsmes devant lesquels trop de gens brûlent de l’encens. Les deux autres mots n’ont pas besoin d’être expliqués, car leur sens n’en est que trop clair. Mais que les faux bergers agissent ainsi, c’est logique. Ce ne sont que des voleurs qui viennent dérober, tuer et détruire les brebis, pour les faire sortir du bercail et les amener sur de faux pâturages, ou les conduire dans de faux bercails qui ne sont que des abattoirs. Mais celles qui viennent vers moi sont en sécurité, et elles pourront sortir pour aller à mes pâturages ou rentrer pour venir à mes repos et devenir robustes et grasses avec des sucs de sainteté et de santé. Car je suis venu pour cela : pour que mon peuple, mes brebis, jusqu’ici maigres et affligées, reçoivent la vie, et une vie abondante, une vie de paix et de joie. Et c’est tellement ma volonté, que je suis venu pour donner ma vie, afin que mes brebis aient la vie pleine et abondante des enfants de Dieu.

      518.8 Je suis le bon Pasteur. Et un pasteur, quand il est bon, donne sa vie pour défendre son troupeau contre les loups et les voleurs, tandis que le mercenaire, qui n’aime pas les brebis, mais l’argent qu’il gagne pour les mener au pâturage, ne se préoccupe que de se sauver lui-même avec son pécule sur lui. Et quand il voit apparaître un loup ou un voleur, il s’enfuit, quitte à revenir chercher plus tard quelque brebis laissée à moitié morte par le loup ou égarée par le voleur. Il tuera la première pour la manger, ou vendra la seconde comme lui appartenant pour grossir son magot, et il affirmera ensuite à son maître, avec des larmes mensongères, qu’il ne s’est pas sauvé une seule brebis. Peu importe au mercenaire que le loup saisisse et disperse les brebis, et que le voleur en fasse une razzia pour les mener chez le boucher. A-t-il peut-être veillé sur elles pendant qu’elles grandissaient et s’est-il donné du mal pour les rendre robustes ? Mais le maître, qui sait combien coûte une brebis, combien d’heures de fatigue, combien de veilles, combien de sacrifices il a fallu, lui, il aime ces brebis qui sont à lui, et il en prend soin. Mais moi, je suis bien plus qu’un maître. Je suis le Sauveur de mon troupeau et je sais combien me coûte le salut d’une seule âme, et ainsi je suis prêt à tout pour en sauver une. Elle m’a été confiée par mon Père. Toutes les âmes m’ont été confiées avec l’ordre d’en sauver un nombre immense. Plus je réussirai à en arracher à la mort spirituelle, plus mon Père sera glorifié. Et c’est pour cela que je lutte pour les délivrer de tous leurs ennemis, c’est-à-dire de leur moi, du monde, de la chair, du démon et de mes adversaires qui me les disputent pour m’affliger. Moi, je fais cela parce que je connais la Pensée de mon Père. Et mon Père m’a envoyé pour faire cela parce qu’il connaît mon amour pour lui et pour les âmes. Les brebis de mon troupeau, elles aussi, me connaissent, moi et mon amour, et elles sentent que je suis prêt à donner ma vie pour leur plus grand bien.

      J’ai quantité d’autres brebis, qui ne sont pas de ce bercail. Aussi ne me connaissent-elles pas, et presque toutes ignorent que j’existe et qui je suis. A beaucoup d’entre vous, ces brebis semblent pires que des boucs sauvages ; vous les jugez indignes de connaître la vérité et d’obtenir la vie et le Royaume. Et pourtant, il n’en est pas ainsi. Le Père les veut, elles aussi, et je dois donc les approcher, me faire connaître d’elles, faire connaître la Bonne Nouvelle, les conduire à mes pâturages, les rassembler. Elles aussi écouteront ma voix, et elles finiront par l’aimer. Et il y aura un seul Bercail sous un seul Pasteur, et le Royaume de Dieu sera formé sur la terre, prêt à être transporté et accueilli dans les Cieux, sous mon sceptre, mon signe et mon vrai nom.

      Mon vrai nom ! Il est connu de moi seulement ! Mais quand le nombre des élus sera complet et qu’au milieu des hymnes d’allégresse ils prendront place au grand repas de noces de l’Epoux avec l’Epouse, alors mon nom sera connu de mes élus qui, par fidélité à lui, se seront sanctifiés, même sans connaître toute l’étendue et toute la profondeur de ce que c’est d’être marqués de mon nom et récompensés de leur amour pour lui, ni quelle est la récompense… C’est cela que je veux donner à mes brebis fidèles, ce qui fait ma joie même… »

      518.9Jésus tourne ses yeux extatiques brillants de larmes sur les visages tournés vers lui et un sourire tremble sur ses lèvres, un sourire tellement spiritualisé dans un visage spiritualisé, qu’un frisson secoue la foule, qui se rend compte du ravissement du Christ en une vision béatifique et de son désir d’amour de la voir accomplie. Il se ressaisit, et ferme un instant les yeux pour cacher le mystère que voit son esprit et que l’œil pourrait trop trahir. Puis il reprend :

      « C’est pour cela que le Père m’aime, ô mon peuple, ô mon troupeau ! Parce que pour toi, pour ton bien éternel, je donne la vie.

      Plus tard, je la reprendrai. Mais d’abord, je la donnerai pour que tu aies la vie et ton Sauveur pour ta propre vie [16]. Et je la donnerai de sorte que tu t’en repaisses, me changeant de Pasteur en un pâturage et en une source qui procureront nourriture et boisson, non pas pour quarante années comme pour les Hébreux dans le désert [17], mais pour tout le temps de l’exil à travers les déserts de la terre. Personne, en réalité, ne m’ôte la vie. Ni ceux qui, en m’aimant de tout leur être, méritent que je m’immole pour eux, ni ceux qui me l’enlèvent à cause d’une haine sans mesure et d’une sotte peur. Personne ne pourrait me la retirer si je ne consentais pas moi-même à la donner et si le Père ne le permettait pas, pris tous les deux d’un délire d’amour pour l’humanité coupable. C’est de mon propre gré que je la donne, et j’ai le pouvoir de la reprendre quand je veux, car il n’est pas convenable que la mort puisse l’emporter sur la vie. C’est pour cela que le Père m’a confié ce pouvoir. Mieux, il m’a ordonné de m’en servir. Et par ma vie, offerte et consumée, les peuples deviendront un Peuple unique : le mien, le Peuple céleste des enfants de Dieu, pour séparer dans les peuples les brebis des boucs, et pour que les brebis suivent leur Pasteur dans le Royaume de la vie éternelle. »

      518.10 Jésus, qui jusqu’alors a parlé à haute voix, s’adresse maintenant à voix basse à Sidonia, dit Bartolmaï, resté tout le temps devant lui, avec à ses pieds son panier de pommes parfumées :

      « Tu as tout oublié pour moi. Maintenant, tu vas certainement être puni et perdre ta place. Tu vois ? Je t’apporte toujours de la souffrance. Pour moi, tu as perdu la synagogue, et maintenant tu vas perdre ton maître…

      – Et à quoi ça pourrait me servir, si je te possède, toi ? Toi seul as de la valeur à mes yeux. Et je quitte tout pour te suivre, pourvu que tu me le permettes. Laisse-moi seulement porter ces fruits à leur acheteur, et puis je suis à toi.

      – Allons-y ensemble. Ensuite, nous irons chez ton père, car tu as un père et tu dois l’honorer en lui demandant sa bénédiction.

      – Oui, Seigneur, tout ce que tu veux. Pourtant, instruis-moi beaucoup, car je ne sais rien, pas même lire et écrire puisque j’étais aveugle.

      – Ne t’en préoccupe pas. Ta bonne volonté te servira d’école. » [18]

      Et il s’éloigne pour revenir sur la rue principale, pendant que la foule commente, discute, se querelle même, hésitant entre les avis opposés qui sont toujours les mêmes : Jésus de Nazareth est-il un possédé ou un saint ? Les gens, en désaccord, débattent pendant que Jésus s’éloigne.




[1] La vallée du Tyropéon (Tyroepeon) est une vallée proche du quartier populaire d'Ophel. Il y passait un aqueduc amenant l'eau des "piscines de Salomon". Voir le plan de Jérusalem.


[2]  Affirmation qui – à première lecture – pourrait sembler en contradiction avec la phrase de Jean 3,17 "Dieu n'a pas envoyé son Fils pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui". Mais la suite du discours de Jésus en explique parfaitement la cohérence.
 
[3] Jérémie 23,1.
 
[4] Ezéchiel 34,1-10.
 
[5] Jean 1,30.
 
[6] Isaïe 49,6.
 
[7] Daniel 7,14.
 
[8] Psaume 2,6.
 
[9] Psaume 88 (89),21-29 et Psaume 110 1-7.
 
[10] dont parle le prophète, en Isaïe 61, 1.
 
[11] Isaïe 61,1.
 
[12] Peu de temps avant la naissance de Jésus, Judas le galiléen, fils d'Ézéchias, s'empara de l'arsenal de Séphoris en se proclamant roi. Il fallut que Varus, légat de Syrie, arrive avec deux légions (12.000 hommes) pour mâter la rébellion. Il fit crucifier 2.000 juifs. En l'an 6, Judas le gaulanitide, mi-brigand, mi-messie, souleva une partie du pays avant de périr sous les coups d'une répression inexorable.
 
[13] David. Cf. 1 Samuel 16, 10-13.
 
[14] c'est écrit : en Isaïe 11, 1 et 10; Jérémie 23, 5-6.
 
[15] Ezéchiel 34,1-6.
 
[16] Cf. aussi Isaïe 43, 3-4.
 
[17] pour quarante années, comme cela est relaté en Exode 16, 35.
 
[18] Cf. Jean 10, 19-21.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-215.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/le-discours-qui-revele-en-jesus-le-bon-pasteur.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 25 Fév - 20:44

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

519. Inexplicable absence de Judas et étape à Béthanie, chez Lazare, qui n’est pas lépreux

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 216.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 519.

Le 28 octobre 1946

Mardi 23 octobre 29
Béthanie


      519.1 Arrivé aux premières maisons de Béthanie, Jésus congédie les disciples Lévi, Joseph, Matthias et Jean, trouvés je ne sais où et auxquels il confie le nouveau venu, Sidonia, dit Bartolmaï. Et les disciples bergers s’éloignent avec lui et sept autres hommes qui les accompagnaient. Jésus les regarde partir, puis il se tourne vers ses apôtres :

      « Maintenant, attendons ici Judas…

      – Ah ! Tu t’es aperçu qu’il était parti ? » demandent les autres avec étonnement. « Nous croyions que tu ne l’avais pas remarqué. Il y avait beaucoup de monde, et tu n’as pas cessé de parler, avec le jeune homme d’abord, puis avec les bergers… »

      – J’ai vu dès le premier instant qu’il s’était éloigné. Rien ne m’échappe. C’est même pour cette raison que je suis entré dans des maisons amies demander qu’on envoie Judas à Béthanie s’il me cherchait…

      – Dieu veuille que non » marmonne Jude entre ses dents.

      Jésus le regarde, mais il montre qu’il ne va pas relever la phrase ; et il poursuit en s’adressant à tous, car il les voit tous du même avis — les visages sont parfois plus expressifs que les paroles :

      « En attendant son retour, ce repos sera le bienvenu et va nous faire du bien. Ensuite, nous prendrons la direction de Tecua. Le temps est froid, mais il tourne au beau. J’évangéliserai cette ville, puis nous remonterons en passant par Jéricho et nous irons sur l’autre rive. Les bergers m’ont prévenu que beaucoup de malades me cherchent et je leur ai fait dire de ne pas affronter le voyage, mais de m’attendre chez eux.

      – Allons-y, soupire Pierre.

      – Tu n’es pas content d’aller chez Lazare ? demande Thomas.

      – Si.

      – Tu as une telle manière de le dire…

      – Ce n’est pas à cause de Lazare que je parle ainsi, mais de Judas…

      – Tu es un pécheur, Pierre, lui dit Jésus en guise d’avertissement.

      – Oui, j’en suis un. Mais… lui, Judas, qui s’en va, qui est impertinent, qui est un vrai tourment, il ne l’est pas ? » décoche vivement Pierre.

      Manifestement, il est fâché et n’en peut plus.

      « Si. Mais s’il l’est, toi tu ne dois pas l’être. Aucun de nous ne doit l’être. 519.2 Rappelez-vous que Dieu nous demandera compte — je dis bien : nous demandera, car c’est à moi d’abord encore plus qu’à vous que Dieu a confié cet homme — de ce que nous aurons fait pour le racheter.

      – Et tu espères y parvenir, mon Frère ? Je ne puis le croire. Toi, cela je le crois, tu connais le passé, le présent et l’avenir. Et par conséquent, tu ne peux te tromper sur le compte de cet homme. Et… Mais il vaut mieux que je ne dise pas le reste.

      – C’est effectivement une grande vertu de savoir se taire. Sache cependant que la prévision, plus ou moins exacte, de l’avenir d’un cœur, ne décharge personne de persévérer jusqu’à la fin pour l’arracher à la ruine. Ne tombe pas, toi non plus, dans le fatalisme des pharisiens qui soutiennent que ce qui est fixé par le destin doit s’accomplir, et que rien ne peut empêcher cet accomplissement. C’est grâce à ce raisonnement qu’ils justifient aussi leurs fautes et qu’ils justifieront jusqu’au dernier acte de leur haine contre moi. Bien souvent, Dieu attend le sacrifice d’un cœur, qui surmonte ses nausées et ses indignations, ses antipathies, même justifiées, pour arracher une âme au marécage où il s’enfonce. Oui, je vous le dis : bien souvent Dieu, le Tout-Puissant, le Tout, attend qu’une créature, un rien, fasse ou ne fasse pas un sacrifice, une prière, pour signer ou ne pas signer la condamnation d’une âme. Il n’est jamais trop tard pour essayer de sauver une âme ou du moins de l'espérer. Je vous en donnerai des preuves. Même au seuil de la mort [1], quand aussi bien le pécheur que le juste, qui pour lui se tourmente, sont près de quitter la terre pour arriver au premier jugement de Dieu, on peut toujours sauver ou être sauvé. Entre la coupe et les lèvres, dit le proverbe, il y a toujours place pour la mort. Moi, je dis au contraire : entre la fin de l’agonie et la mort, il est toujours temps d’obtenir le pardon, pour soi-même ou ceux pour qui nous le demandons. »

      Personne ne souffle mot.

      519.3 Arrivé à la lourde grille, Jésus hèle un serviteur pour se faire ouvrir. Une fois entré, il demande des nouvelles de Lazare.

      « Oh ! Seigneur ! Tu vois ? Je viens d’aller cueillir des feuilles de laurier et de camphre ainsi que des baies de cyprès et d’autres feuilles et fruits odorants pour les faire bouillir avec du vin et des résines et en faire des bains pour le maître. Sa chair tombe en lambeaux et on ne peut résister à la puanteur. Tu es venu, mais je ne sais si on te laissera passer… »

      Pour empêcher l’air lui-même d’entendre, le serviteur baisse la voix jusqu’à ce que ce ne soit qu’un murmure :

      « Désormais, on ne peut plus cacher qu’il a des plaies ; les maîtresses repoussent tout le monde… par crainte… tu sais… Lazare est aimé vraiment par peu de gens… Et beaucoup, pour plusieurs raisons, se réjouiraient de… Oh ! ne me fais pas penser à ce qui est la peur de toute la maison.

      – Elles font bien. Mais ne craignez rien. Un tel malheur n’arrivera pas.

      – Mais… Pourra-t-il guérir ? Un miracle de toi…

      – Il ne guérira pas, mais cela servira à glorifier le Seigneur. »

      Le serviteur est déçu… Jésus guérit tout le monde, et ici il ne fait rien !… Mais il n’a qu’un soupir pour manifester sa pensée. Il dit ensuite :

      « Je vais t’annoncer aux maîtresses. »

      Jésus se voit entouré par les apôtres, qui s’intéressent à l’état de santé de Lazare et sont consternés quand Jésus les informe.

      519.4 Mais déjà arrivent les deux sœurs. Leur florissante et différente beauté semble embrumée par la douleur et la fatigue des veilles prolongées. Pâles, abattues, émaciées, les yeux — auparavant très vifs de l’une et de l’autre — fatigués, sans bagues ni bracelets, portant des habits foncés, couleur de cendre, elles ressemblent plutôt à des servantes qu’à des maîtresses. Elles s’agenouillent à une certaine distance de Jésus, pour lui offrir seulement leurs larmes, des larmes résignées, muettes, qui coulent comme d’une source intérieure et ne peuvent s’arrêter.

      Jésus s’approche. Marthe tend les mains en murmurant :

      « Eloigne-toi, Seigneur. En vérité, nous craignons de pécher désormais contre la loi sur la lèpre [2]. Mais, nous ne pouvons pas, ô Dieu, nous ne pouvons pas provoquer un semblable décret contre notre Lazare ! Néanmoins ne t’approche pas, car nous sommes impures, puisque nous ne cessons de toucher ses plaies. Nous seules, car nous avons écarté toute autre personne. On vient tout nous déposer sur le seuil et nous prenons, nous lavons, nous brûlons, dans la pièce contiguë à celle de Lazare. Vois-tu nos mains ? Elles sont brûlées par la chaux vive que nous employons pour les vases qu’il faut rendre aux serviteurs. Nous pensons être ainsi moins coupables. »

      Elle fond en larmes.

      Marie de Magdala, qui se taisait, gémit à son tour :

      « Nous devrions appeler le prêtre. Mais… c’est moi la plus coupable, car je m’y oppose et je soutiens que ce n’est pas le terrible mal maudit en Israël. Non et non ! Mais ils nous détestent tellement, et ils sont si nombreux, qu’ils le taxeraient de lépreux. Simon, ton apôtre, fut déclaré lépreux pour beaucoup moins que cela !

      – Tu n’es pas prêtre ni médecin, Marie, dit Marthe en sanglotant.

      – Non. Mais tu sais ce que j’ai fait pour être certaine de ce que j’avance. 519.5 Seigneur, je suis allée parcourir toute la vallée de Hinnom, tout Siloan, tous les tombeaux près d’En-Rogel. J’étais habillée comme une servante, voilée, dès le début de l’aurore, chargée de vivres et d’eaux médicinales, de bandes, et de vêtements. Et j’ai donné tant et plus. Je disais que c’était un vœu pour celui que j’aimais, et c’était vrai. Je demandais seulement de pouvoir regarder les plaies des lépreux. Ils doivent m’avoir crue folle… Qui donc veut voir de telles horreurs ? ! Mais moi, après avoir déposé mes offrandes à la limite des talus, je demandais à voir. Eux se tenaient au-dessus, moi plus bas ; ils étaient étonnés, moi dégoûtée. Tous, nous pleurions. J’ai regardé, regardé, regardé ! J’ai observé les corps couverts de squames, de croûtes, de plaies, les visages rongés, les cheveux blanchis et plus durs que des seimes [3], les yeux suintant de la pourriture, les joues laissant voir les dents, des crânes sur des corps vivants, les mains réduites à des griffes monstrueuses, des pieds comme des branches noueuses… puanteur, horreur, pourriture… Oh ! si j’ai péché en adorant la chair, si j’ai joui avec mes yeux, avec l’odorat, l’ouïe, le toucher, de ce qui était beau, parfumé, harmonieux, doux et lisse, oh ! je t’assure que mes sens sont désormais purifiés par la mortification de ces connaissances ! Mes yeux ont oublié la beauté séduisante de l’homme en contemplant ces monstres, mes oreilles ont expié la jouissance passée des voix viriles avec ces voix âpres, qui ne sont plus humaines, ma chair a frissonné, et mon odorat s’est révolté… Tout reste du culte en moi-même a disparu, car j’ai vu ce que l’on devient après la mort… Mais j’en suis revenue avec cette certitude : Lazare n’est pas lépreux. Sa voix n’est pas altérée, ses cheveux et toute sa pilosité sont intacts, et les plaies sont différentes. Il ne l’est pas, non ! Marthe me peine parce qu’elle ne me croit pas, parce qu’elle ne réconforte pas Lazare en le dissuadant de se croire impur. Tu vois ? Il ne veut pas te voir, maintenant qu’il sait que tu es ici, pour ne pas te contaminer. Les sottes peurs de ma sœur le privent même de ton réconfort !… »

      Sa nature véhémente la porte à la colère. Mais, voyant que sa sœur, désolée, éclate en sanglots, sa colère tombe d’un coup et elle étreint Marthe en l’embrassant :

      « Oh ! Marthe ! Pardon ! Pardon ! C’est la douleur qui me rend injuste ! C’est l’amour que j’ai pour toi et Lazare qui voudrait vous convaincre ! Ma pauvre sœur ! Pauvres femmes que nous sommes !

      – Allons ! Ne pleurez pas ainsi. Vous avez besoin de paix et de compassion mutuelle pour vous et pour lui. Lazare, du reste, n’est pas lépreux, c’est moi qui vous le déclare.

      – Oh ! viens le voir, Seigneur. Qui mieux que toi peut juger s’il est lépreux ? supplie Marthe.

      – Ne t’ai-je pas déjà affirmé qu’il ne l’est pas ?

      – Si, mais comment peux-tu le dire, si tu ne le vois pas ?

      – Ah ! Marthe ! Marthe ! Dieu te pardonne parce que tu souffres et que tu es comme en délire ! J’ai pitié de toi et je vais voir Lazare, je découvrirai ses plaies et…

      – Et tu vas le guérir ! s’écrie Marthe en se relevant.

      – Je t’ai déjà dit d’autres fois que je ne puis le faire… Mais je vous donnerai la paix de vous savoir en règle avec la loi sur les lépreux. 519.6 Allons-y… »

      Et il se dirige le premier vers la maison en faisant signe à ses apôtres de ne pas le suivre.

      Marie court en avant, ouvre une porte, traverse en courant un couloir, en ouvre une autre qui donne sur une petite cour intérieure, y fait quelques pas et entre dans une pièce à demi-obscure encombrée de bassins, de petits vases, d’amphores, de bandes… Une odeur mélangée d’arômes et de décomposition prend le nez. Il y a une porte en face de la première, et Marie l’ouvre en criant d’une voix qui veut être lumineuse de joie :

      « Voici le Maître. Il vient te dire que j’ai raison, mon frère. Allons, souris, car il entre, celui qui est notre amour et notre paix ! »

      Et elle se penche sur son frère, le redresse sur ses oreillers, l’embrasse, sans souci de l’odeur qui, malgré tous les palliatifs, se dégage du corps couvert de plaies. Elle est encore courbée pour l’arranger que déjà la douce salutation de Jésus résonne dans la pièce ; aussitôt celle-ci, envahie par une pâle lumière, semble devenir lumineuse du seul fait de la divine présence.

      « Maître, tu n’as pas peur… ? Je suis…

      – Malade ! Rien de plus. Lazare, si les règles ont été données, de façon si large et avec une telle sévérité, c’est par une mesure compréhensible de prudence. Il vaut mieux exagérer en fait de prudence que l’inverse, dans certains cas de maladies contagieuses. Mais tu n’es pas contagieux, mon pauvre ami, tu n’es pas impur, de sorte que je ne pense pas manquer à la prudence envers mes frères si je t’embrasse ainsi. »

      Et il lui donne un baiser en prenant le corps émacié dans ses bras.

      « Tu es vraiment la Paix, toi ! Mais tu n’as pas encore tout vu. Voilà Marie qui découvre l’horreur. Je suis déjà un mort, Seigneur. Je ne sais pas comment mes sœurs peuvent tenir… »

      Je ne saurais pas moi non plus y résister, tant sont effrayantes et répugnantes les plaies qui se sont formées le long des varices des jambes. Tandis que les mains splendides de Marie travaillent avec légèreté sur elles, elle répond de sa merveilleuse voix:

      « Tes maux sont des roses pour tes sœurs, des roses épineuses seulement parce que tu souffres. Voici, Maître. Tu vois ? Cela ne ressemble pas à la lèpre !

      – C’est vrai. C’est un grand mal qui te consume, mais il n’y a pas de danger. Crois ton Maître ! Recouvre-le, Marie, j’ai vu.

      – Et… tu ne le touches donc pas ? soupire Marthe, dont l’espérance est tenace.

      – Il ne faut pas. Non pas par dégoût, mais pour ne pas irriter les plaies. »

      Marthe se penche, sans insister davantage, sur un bassin qui contient du vin ou du vinaigre aromatisé, et elle y plonge des linges qu’elle passe à sa sœur. Des larmes muettes tombent dans le liquide rougeâtre…

      Marie enveloppe les pauvres jambes et étend de nouveau les couvertures sur les pieds de son frère, déjà inertes et jaunâtres comme ceux d’un mort.

      519.7 « Tu es seul ?

      – Non, avec tous, excepté Judas, qui est resté à Jérusalem et qui viendra plus tard… D’ailleurs, si je suis déjà parti, vous l’enverrez à Beth-Abara. J’y serai, qu’il m’y attende.

      – Tu t’en vas bientôt….

      – Je reviendrai vite. D’ici peu, c’est la Dédicace. Je serai chez toi à cette époque.

      – Je ne pourrai t’honorer pour les Encénies…

      – Je serai à Bethléem, ce jour-là. J’ai besoin de revoir mon berceau…

      – Tu es triste… Je le sais… Ah ! ne rien pouvoir !

      – Je ne suis pas triste. Je suis le Rédempteur… Mais tu es fatigué. Ne lutte pas contre le sommeil, mon ami.

      – C’était pour te faire honneur…

      – Dors, dors. Nous nous reverrons ensuite… »

      Et Jésus se retire sans bruit.

      « Tu as vu, Maître ? demande Marthe, une fois qu’ils sont sortis, dans la cour.

      – J’ai vu, mes pauvres disciples… Je pleure avec vous… Mais en vérité, je vous confie que mon cœur a beaucoup plus de plaies que votre frère. Mon cœur est rongé par la douleur… »

      Et il les regarde avec une si vive tristesse que les deux femmes oublient leur propre souffrance pour la sienne et, comme elles ne peuvent l’embrasser puisqu’elles sont des femmes, elle se bornent à baiser ses mains et son vêtement, et à vouloir le servir comme des sœurs dévouées.

      Et en effet, elles le servent dans une petite salle en l’entourant d’affection.

      Les fortes voix des apôtres se font entendre au-delà de la cour… Toutes, sauf la voix du mauvais disciple. Jésus écoute, et soupire… accablé, en attendant patiemment le fugitif.




[1] Paroles à Dismas, le bon larron. Cf. 9.29 / EMV 609

[2] la loi sur la lèpre se trouve en Lv 13-14. L’Œuvre en fait souvent mention (dès la rencontre de Simon le Zélote, en 54.2). Elle en cite à plusieurs reprises les principes (comme dans la parabole de 245.5). Considérée comme une des maladies les plus terribles pour l’homme, la lèpre pouvait être vue jusque dans les vêtements (Lv 13, 47-59) et sur les murs des maisons (Lv 14, 33-53). Jésus en fait le sujet d’une parabole et d’un avertissement en 369.2.5.

[3] Seimes : fentes verticales qui se forment dans le sabot d'un cheval




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-216.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/inexplicable-absence-de-judas.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 26 Fév - 21:20

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

520. Discours sur Judas, absent, et arrivée à Tecua avec le vieil Eli-Hanna

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 217.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 520.

Le 29 octobre 1946

Mercredi 31 octobre 29
Tecua


      520.1 Ils sont encore à onze quand ils reprennent la route. Onze visages pensifs et dégoûtés autour du visage peiné de Jésus, qui a pris congé des sœurs de Lazare et qui, après un instant de réflexion, avant de franchir la grille, ordonne à Simon le Zélote et à Barthélemy :

      « Vous, restez ici. Vous me rejoindrez à Tecua chez Simon, ou bien chez Nikê, près de Jéricho, ou encore à Bethabara ; cela, s’il vient. Et… servez la charité. Vous m’avez compris ?

      – Tu peux partir en toute tranquillité, Maître. Nous n’offenserons en aucune manière l’amour du prochain, assure Barthélemy.

      – Quelle que soit l’heure à laquelle il vous rejoindra, prenez aussitôt la route.

      – Bien, Maître. Et… merci de la confiance que tu as en nous, dit Simon le Zélote.

      Ils échangent un baiser et, pendant qu’un serviteur ferme le portail et que Jésus s’éloigne, les deux apôtres qui sont restés reviennent avec les sœurs vers la maison.

      Jésus marche en avant, seul ; il est suivi par Pierre entre Matthieu et Jacques, fils d’Alphée ; puis viennent Philippe avec André, Jacques et Jean. En dernier lieu, silencieux autant que les autres, se trouvent Thomas et Jude. Mais je me suis mal exprimée. Pierre aussi est silencieux. Ses deux compagnons échangent quelques mots, mais lui, qui est entre les deux, ne dit rien. Il marche, l’air taciturne, tête baissée, et il semble échanger un muet colloque avec les pierres et l’herbe sur lesquelles il se déplace.

      520.2 Les deux derniers aussi ont à peu près la même attitude. Thomas semble plongé dans la contemplation d’une petite branche de saule qu’il effeuille peu à peu, et il regarde chaque feuille après l’avoir détachée comme pour en étudier la couleur vert pâle d’un côté, argentée de l’autre, ou les veines de la trame. Jude regarde fixement droit devant lui. Je ne sais pas s’il contemple l’horizon qui, après le franchissement d’une crête, s’ouvre sur la clarté vaporeuse d’une plaine à l’aurore, ou s’il observe uniquement la tête blonde de Jésus, qui a rejeté en arrière le bord de son manteau pour mieux jouir du doux soleil de décembre.

      L’occupation de Thomas et la contemplation de l’horizon ou du Maître par Jude finissent en même temps. Ce dernier baisse les yeux et tourne la tête pour regarder son compagnon tandis que Thomas, après avoir réduit sa branchette à l’état de fine cravache, lève les yeux pour regarder Jude. C’est un regard perçant — et en même temps bon et triste — qui en rencontre un semblable.

      « C’est comme ça, mon ami ! C’est vraiment comme ça ! dit Thomas, comme s’il terminait une conversation.

      – Oui, c’est ainsi. Et ma douleur est bien grande… Pour moi, il y a en plus l’amour d’un parent…

      – Je comprends. Mais… Tu as un tourment d’affection au cœur, mais, et moi ? J’ai un remords qui me tourmente, et c’est pire encore.

      – Un remords, toi ? Tu n’as aucune raison d’en avoir. Tu es bon et fidèle. Jésus est content de toi et nous, nous n’avons jamais eu aucun motif de scandale de ta part. D’où te vient donc cette impression de remords ?

      – D’un souvenir. Le souvenir du jour où j’ai décidé de suivre le nouveau Rabbi qui était apparu au Temple… 520.3 Judas et moi, nous étions côte à côte et nous avons admiré l’attitude et les paroles du Maître. Et j’ai décidé de le rechercher… J’étais encore plus décidé que Judas, et je l’ai pour ainsi dire entraîné. Lui dit le contraire, mais cela s’est passé ainsi. Voilà la cause de mon remords : d’avoir insisté pour qu’il vienne… J’ai apporté une douleur continuelle à Jésus. Mais Judas, je le savais, était bien vu de… beaucoup de gens, et je pensais qu’il pouvait être utile. J’étais bête comme tous ceux qui ne savent penser qu’à un roi d’Israël plus grand que David et que Salomon, mais toujours un roi… un roi comme le Maître dit qu’il ne le sera jamais. J’avais vivement désiré que Judas ait sa place parmi les disciples, puisqu’il pouvait être utile !… Je l’espérais, et c’est seulement maintenant que je comprends, que je comprends de mieux en mieux la justice de Jésus qui ne l’a pas accueilli tout de suite, qui lui a même défendu de le rechercher… Un remords, te dis-je ! Un remords ! Cet homme n’est pas bon.

      – Il n’est pas bon, mais ne te crée pas des remords. Ce n’est pas par malice que tu as agi, et par conséquent il n’y a pas de faute. Je te l’affirme.

      – En es-tu bien sûr ? Ou dis-tu cela pour me consoler ?

      – Je le dis parce que c’est vrai. Ne pense plus au passé, Thomas. Cela ne changera rien…

      – Tu parles bien ! Mais réfléchis ! Si, à cause de moi, mon Maître subissait des malheurs… J’ai le cœur plein d’anxiété et de soupçons. Je suis un pécheur, car je juge mon compagnon, et mon jugement est sans pitié. Et je suis pécheur, car je devrais croire aux paroles du Maître… Lui excuse Judas… Toi… tu y crois, à ton Frère ?

      – En tout, sauf en cela. Mais ne te désole pas. Nous sommes tous du même avis. Même Pierre, qui a l’air si défait, s’efforce de penser toute sorte de bien de cet homme, même André qui est plus doux qu’un agneau, même Matthieu, le seul d’entre nous qui n’éprouve de dégoût pour aucun pécheur ou pécheresse. Et Jean, si affectueux et si pur, qui a l’heureux sort de ne pas craindre le mal ni le vice, car il est tellement rempli de charité et de pureté qu’il n’y a pas place en lui pour accueillir autre chose. Mon frère aussi — je parle de Jésus — partage cet avis, et certainement il a aussi d’autres pensées avec cela, des pensées pour lesquelles il voit la nécessité de garder Judas… jusqu’à ce qu’il ait épuisé toute tentative de le rendre bon.

      – Oui. Mais… comment cela finira-t-il ? Il a de nombreuses… Il n’a pas… Enfin, tu comprends sans que je le dise. Où en arrivera-t-il ?

      – Je ne sais pas… Peut-être se séparera-t-il de nous… Peut-être restera-t-il pour attendre de voir qui est le plus fort dans cette lutte entre Jésus et le monde hébraïque…

      – Et autre chose ? Ne penses-tu pas que, d’ores et déjà, Judas sert deux maîtres ?

      – C’est certain.

      – Et tu ne crains pas qu’il puisse servir les plus nombreux, de façon à nuire totalement au Maître ?

      – Non. Je ne l’aime pas, mais je ne puis penser qu’il… Du moins pour le moment, non. Mais je le redouterai certainement s’il vient un jour où la faveur de la foule abandonne le Maître. Alors que, si une acclamation populaire le consacrait notre roi et notre chef, je suis certain que Judas abandonnerait tout le monde pour lui. C’est un profiteur… Que Dieu le retienne, et protège Jésus et nous tous !… »

      520.4 Les deux hommes s’aperçoivent qu’ils ont beaucoup ralenti leur marche et qu’ils se sont fait distancer par leurs compagnons ; sans plus parler, ils hâtent le pas pour les rejoindre.

      « Mais que faisiez-vous ? » demande Matthieu. « Le Maître vous attend… »

      Thomas et Jude se hâtent d’aller trouver Jésus.

      « De quoi parliez-vous ? » questionne Jésus en scrutant leurs visages.

      Les deux hommes, se regardent. Parler ? Ne pas parler ? La franchise l’emporte.

      « De Judas, répondent-ils ensemble.

      – Je le savais. Mais j’ai voulu éprouver votre sincérité. Vous m’auriez peiné si vous m’aviez menti… Mais n’en parlez plus et surtout de cette manière-là. Il y a tant de bons sujets dont on peut parler. Pourquoi s’abaisser toujours à considérer ce qui est très, trop matériel ? Isaïe dit : “ Tenez-vous à l’écart de l’homme qui n’a qu’un souffle dans les narines. [1] ” Moi je vous dis : cessez d’analyser cet homme et occupez-vous de son âme. L’animal qui est en lui, son monstre, ne doit pas attirer vos regards ni vos jugements ; mais faites preuve d’amour, un amour douloureux et actif pour son âme. Délivrez-le du démon qui le tient. Vous ne savez pas… »

      Il se retourne pour appeler les sept autres :

      « Venez tous ici : mes paroles vous sont utiles à tous, parce que vous avez les mêmes pensées dans le cœur… Vous ne savez pas que vous apprenez davantage à travers Judas qu’à travers toute autre personne ? Vous trouverez beaucoup de Judas et très peu de Jésus au cours de votre ministère apostolique. Les Jésus seront bons, doux, purs, fidèles, obéissants, prudents, sans avidité. Il y en aura bien peu… Mais combien, combien de Judas vous trouverez, vous, vos disciples et vos successeurs, sur les chemins du monde ! Et pour être maître et savoir, vous devez suivre cette école… Lui, avec ses défauts, vous montre l’homme tel qu’il est ; moi, je vous montre l’homme tel qu’il devrait être. Ce sont deux exemples également nécessaires. En connaissant bien l’un et l’autre, vous devez chercher à faire du premier un second… Et que ma patience soit votre règle.

      520.5 – Seigneur, j’ai été un grand pécheur, et je serai certainement un exemple, moi aussi. Mais je voudrais que Judas, qui n’est pas un pécheur comme je l’ai été, devienne le converti que je suis. Est-ce de l’orgueil de dire cela ?

      – Non, Matthieu, ce n’est pas de l’orgueil. Tu fais honneur à deux vérités : la première, c’est qu’elle est justifié, cette sentence : “ La bonne volonté de l’homme opère des miracles divins. ” La seconde, c’est que Dieu t’a aimé infiniment, dès le temps où tu n’y pensais pas, et cela parce que ta capacité d’héroïsme ne lui était pas inconnue. Tu es le fruit de deux forces : ta volonté et l’amour de Dieu. Et je mets en premier ta volonté, car sans elle, vain aurait été l’amour de Dieu. Vain, inerte…

      – Mais Dieu ne pourrait-il pas nous convertir sans notre volonté ? demande Jacques, fils d’Alphée.

      – Certainement. Mais ensuite, la volonté de l’homme serait toujours requise pour persister dans la conversion obtenue miraculeusement.

      – Alors, en Judas, cette volonté n’a pas existé et n’existe pas, ni avant de te connaître, ni maintenant… » lance avec impétuosité Philippe.

      Certains rient, d’autres soupirent. Jésus est le seul à défendre l’apôtre absent :

      « Ne dites pas cela ! Il l’a eue et il l’a, mais la mauvaise loi de la chair le domine par intervalles. C’est un malade… Un pauvre frère malade. Dans toute famille, il y a le faible, le malade, celui qui est la peine, l’angoisse, la charge de la famille. Et pourtant l’enfant frêle n’est-il pas le plus aimé de sa mère ? Le petit frère malheureux n’est-il pas le plus choyé de tous ? N’est-il pas celui à qui son père donne la meilleure bouchée en la prélevant pour lui du plat, pour lui offrir une joie, pour ne pas lui faire comprendre qu’il est un poids, et ne pas lui rendre pesante de cette façon son infirmité ?

      – C’est vrai, tout à fait vrai. Ma sœur jumelle était frêle dans ses toutes premières années ; toute la force, c’était moi qui l’avais prise. Mais l’amour de toute la famille l’a tellement soutenue, que c’est maintenant une épouse et une mère épanouie, dit Thomas.

      – Voilà. Envers votre frère faible spirituellement, agissez comme vous le feriez à l’égard d’un frère en mauvaise santé. Je ne dirai pas un mot de reproche. Vous n’êtes pas plus grands que moi. Votre amour patient est le reproche le plus fort, et contre lui on ne peut réagir. A Tecua, je laisserai Matthieu et Philippe pour attendre Judas… Que le premier se souvienne qu’il a été pécheur, et le second qu’il est père…

      – Oui, Maître, nous nous en souviendrons.

      – A Jéricho, s’il n’est pas encore avec nous, je laisserai André et Jean, et qu’eux se rappellent que tous n’ont pas reçu dans la même mesure les dons gratuits de Dieu… 520.6 Mais allez trouver ce vieux mendiant qui vacille sur la route. La ville est en vue. Avec l’obole, il pourra se procurer du pain.

      – Seigneur, cela ne nous est pas possible. Judas est parti avec la bourse…, dit Pierre, et les sœurs ne nous ont rien donné.

      – Tu as raison, Simon. Elles sont comme étourdies par la douleur, et nous avec elles. Qu’importe, nous avons un peu de pain. Nous sommes jeunes et forts. Donnons-le au vieil homme pour qu’il ne tombe pas en route. »

      Ils fouillent dans leurs sacs, rassemblent des morceaux de pain, les donnent au petit vieux qui les regarde d’un air étonné.

      « Mange, mange ! » dit Jésus pour l’encourager.

      Et il le fait boire à sa gourde tout en lui demandant où il va.

      « A Tecua. Il y a un grand marché demain. Mais depuis hier, je n’ai rien mangé.

      – Tu es seul ?

      – Plus que seul… Mon fils m’a chassé… »

      Sa voix sénile déchire le cœur.

      « Dieu t’ouvrira les portes de son Royaume si tu sais croire en sa miséricorde.

      – Et en celle de son Messie. Mais mon fils n’aura pas le Messie, c’est impossible, car il le hait, au point de détester son père parce que lui, il l’aime.

      – C’est pour cela qu’il t’a chassé ?

      – Oui, et aussi pour ne pas perdre l’amitié de certains qui persécutent le Messie. Il a voulu leur montrer que sa haine dépasse la leur, au point qu’elle domine même la voix du sang.

      – Quelle horreur ! s’écrient tous les apôtres.

      – Ce serait plus horrible si moi, j’avais les mêmes pensées que mon fils, dit avec véhémence le petit vieux.

      – Mais, qui est-ce ? Si j’ai bien compris ce doit être quelqu’un de puissant et d’écouté… intervient Thomas.

      – Homme, ce n’est pas un père qui révèlera le nom de son fils coupable pour le faire mépriser. Je dois dire que j’ai faim et froid, moi qui à force de travail avais augmenté le bien-être de la maison pour rendre mon garçon heureux. Mais rien de plus que cela. Pense que je suis de Judée, et lui aussi, et qu’ainsi nous sommes de la même race, mais ne pensons pas la même chose. Le reste est inutile.

      520.7 – Et tu ne demandes rien à Dieu, toi qui es un juste ? questionne doucement Jésus.

      – Qu’il touche le cœur de mon enfant et l’amène à croire ce que je crois.

      – Mais pour toi, pour toi seul, tu ne demandes rien ?

      – De rencontrer celui qui pour moi est le Fils de Dieu, pour le vénérer et mourir ensuite.

      – Mais si tu meurs, tu ne le verras plus. Tu seras dans les limbes…

      – Pour peu de temps. Tu es un rabbi, n’est-ce pas ? J’y vois très peu… L’âge… mes nombreuses larmes, et la faim aussi… Mais je vois les nœuds de ta ceinture… Si tu es un bon rabbi, comme j’en ai l’impression, tu dois te rendre compte, toi aussi, que le temps est arrivé, le temps dont parle Isaïe, je veux dire. Et elle va arriver, l’heure où l’Agneau prendra sur lui tous les péchés du monde et portera tous nos maux et toutes nos douleurs, et pour cela sera transpercé et immolé afin que nous soyons guéris et en paix avec l’Eternel [2]. Et alors, pour les âmes aussi viendra la paix… Je l’espère en me confiant à la miséricorde de Dieu.

      – Tu n’as jamais vu le Maître ?

      – Non. Je l’ai entendu parler dans le Temple, aux fêtes. Mais je suis petit, et l’âge me rapetisse encore ; de plus, je n’y vois guère, comme je te l’ai dit. C’est pourquoi, si je me mêle à la foule, je ne vois rien à cause de ceux qui sont devant moi, et si je reste loin, je ne vois pas à cause de la distance. Ah ! je voudrais le voir ! Ne serait-ce qu’une fois !

      – Tu le verras, père, Dieu te satisfera. Et à Tecua, sais-tu où aller ?

      – Non. Je resterai sous un portique ou sous une entrée. J’y suis habitué, désormais.

      – Viens avec moi. Je connais un bon israélite. Il t’accueillera au nom de Jésus, le Maître de Galilée.

      – Mais toi aussi, tu es galiléen. Cela s’entend à ton accent.

      – Oui… Tu es fatigué ? Mais nous sommes déjà aux premières maisons. Tu vas bientôt te reposer et tu pourras te restaurer. »

      520.8 Jésus se penche pour confier quelque chose à Pierre, et Pierre se déplace pour rapporter aux autres ce que lui a dit Jésus, et que je ne saisis pas. Puis, avec les fils d’Alphée et Jean, il marche plus vite pour entrer dans la ville. Jésus le suit avec les autres en réglant son pas sur celui du vieil homme, qui ne parle plus, tant il est exténué, de sorte qu’il finit par rester en arrière avec André et Matthieu. La ville paraît vide. Il est midi, et beaucoup de gens sont chez eux en train de déjeuner. Après quelques mètres, voici Pierre :

      « C’est fait, Seigneur. Simon l’accueille parce que c’est toi qui l’amènes et il te remercie d’avoir pensé à lui.

      – Bénissons le Seigneur ! Il y a encore des justes en Israël. Ce vieillard en est un, et Simon un autre. Oui, il y a encore des gens qui sont bons, miséricordieux, fidèles au Seigneur. Et cela compense bien des amertumes, et fait espérer que la justice divine s’adoucira grâce à ces justes.

      – Pourtant !… Un fils qui chasse son père certainement pour ne pas perdre l’amitié de quelque puissant pharisien !

      – A quel point peut arriver la haine pour toi ! J’en suis indigné ! dit Philippe.

      – Oh ! vous en verrez bien davantage ! répond Jésus.

      – Davantage ? Et qu’y a-t-il de plus qu’un père que l’on chasse parce qu’il ne te déteste pas ? Il est énorme, le péché de cet homme !…

      – Plus grand sera le péché d’un peuple contre son Dieu… Mais attendons le vieillard…

      – Qui peut bien être son fils ?

      – Un pharisien !

      – Un membre de sanhédrin !

      – Un rabbi. »

      Les avis sont divers.

      « Un malheureux. Ne cherchez pas à savoir. Aujourd’hui il a frappé son père, demain c’est moi qu’il frappera [3]. Vous voyez donc que le péché de Judas, de s’être ainsi éloigné comme un gamin, n’est rien en comparaison. Et pourtant, je prierai pour ce fils ingrat, pour cet Hébreu qui offense Dieu, afin qu’il se repente. Faites-en de même… 520.9 Viens, père. Comment t’appelles-tu ?

      – Eli-Hanna. Je n’ai jamais été heureux ! Mon père est mort avant ma naissance et ma mère en m’enfantant. Ma grand-mère, qui m’a élevé, m’a donné les deux noms de mon père et de ma mère réunis.

      – Vraiment tu es un Eli, homme, et ton fils ressemble à Finnès [4], dit Philippe qui ne peut se résigner à un pareil péché.

      – Que Dieu ne le veuille pas, homme. Finnès est mort pécheur et il est mort quand l’arche fut prise. Cela serait un malheur pour son âme et pour tout Israël, répond le vieillard.

      – Tu vois, cette maison m’est amie et j’obtiens ce que je lui demande. Elle appartient à une certain Simon, homme juste devant Dieu et devant les hommes. Il t’accueille par amour pour moi si tu acceptes cet endroit, dit Jésus avant de frapper à la porte.

      – Et puis-je faire un choix ? J’invoquerai les bénédictions du Ciel sur celui qui me donnera le pain et l’abri de la charité. Mais je veux travailler. Ce n’est pas une honte d’être serviteur. C’est une honte de commettre le péché…

      – Nous allons le dire à Simon » dit Jésus avec un sourire de compassion, en regardant le vieil homme réduit à rien par les privations et la douleur morale.

      520.10 On ouvre la porte :

      « Entre, Maître, que la paix soit avec toi et avec ceux qui t’accompagnent. Où est ce frère que tu m’amènes ? Que je puisse lui donner le baiser de paix et de bienvenue, dit un homme d’environ cinquante ans.

      – Le voilà, et que le Seigneur te donne une récompense.

      – Il l’a fait. Tu es mon hôte, et qui te possède, possède Dieu. Je ne t’attendais pas, et je ne puis t’honorer comme je voudrais. Mais j’entends dire que tu comptes repasser d’ici quelques jours, et je serai prêt à t’accueillir comme il convient. »

      Ils se trouvent maintenant dans une pièce où sont préparés des bassins fumants pour les ablutions. Intimidé, le vieillard reste contre la porte, mais le maître de maison le prend par la main et l’amène à un siège, veut le déchausser de sa main, le servir comme un roi, puis lui mettre des sandales neuves, alors que le vieillard dit :

      « Pourquoi ? Mais pourquoi ? Je suis venu pour servir, or c’est toi qui me sers ! Ce n’est pas juste.

      – C’est juste, homme. Je ne puis suivre le Rabbi parce que ma maison requiert ma présence, mais comme le dernier disciple du Maître saint, je m’arrange pour mettre en pratique ses paroles.

      – Tu le connais bien. Tu le connais vraiment, car tu es bon. Nombreux sont ceux qui le connaissent en Israël, mais comment ? Avec leurs yeux et leur haine, et donc ils ne le connaissent pas. On connaît une femme quand on n’ignore plus rien d’elle et qu’on la possède tout entière. Il en est ainsi de Jésus de Nazareth, que je ne connais pas de vue, mais que je connais mieux que bien des gens, car je crois qu’en lui se trouve la sagesse. Mais toi, tu le connais vraiment, et lui et sa doctrine. »

      L’homme regarde Jésus, mais ne dit mot.

      Le vieillard reprend :

      « J’ai dit à ce Rabbi que je veux travailler…

      – Oui, oui, nous trouverons un travail pour toi, mais pour le moment viens à table. Maître, tes disciples vont bientôt arriver. Pouvons-nous passer à table quand même, ou préfères-tu les attendre ?

      – Je voudrais les attendre, mais si tu as du travail à faire…

      – Oh ! Maître, tu sais que c’est une joie pour moi d’obéir à ton moindre désir. »

      Le petit vieux a en ce moment un premier soupçon sur l’identité de l’homme qui l’a secouru en route, puis il le regarde, le regarde, observe ses compagnons… les examine attentivement… et tourne autour d’eux… 520.11 Les fils d’Alphée entrent avec Jean. Jésus les appelle par leurs noms.

      « Oh ! Dieu très-haut ! Mais alors… C’est toi ! » s’écrie le vieillard.

      Et il se jette par terre pour le vénérer. Son étonnement n’est pas inférieur à celui des autres. Elle est si étrange, cette façon de reconnaître le Maître ! Si bien que Pierre lui demande :

      « Qu’y a-t-il de spécial dans ces noms si communs en Israël, qui puisse t’avoir fait comprendre que tu te trouves en face du Messie ?

      – C’est que je connais Judas. Il vient toujours chez mon fils et… »

      Il s’arrête, gêné d’avoir parlé de son fils…

      « Mais moi, je ne t’ai jamais vu, homme, dit Jude en se mettant bien en face de lui et en se baissant pour être bien vis-à-vis.

      – Moi non plus, je ne te connais pas. Mais un Judas, disciple du Christ, vient souvent chez mon fils, et j’ai entendu parler d’un Jean, d’un Jacques, d’un Simon, ami de Lazare de Béthanie et de bien d’autres personnes… Entendre trois des noms connus pour être ceux des disciples les plus intimes du Maître ! Et lui, qui est si bon !… J’ai compris, voilà ! Mais où est l’autre Judas ? [5]

      – Il n’est pas là, mais c’est vrai, tu l’as bien compris, c’est moi. Le Seigneur est bon, père. Tu as désiré me voir, et tu m’as vu. Bénissons les miséricordes de Dieu… Ne t’écarte pas, Eli-Hanna. Tu restais près de moi quand j’étais pour toi un voyageur et rien de plus. Pourquoi veux-tu t’éloigner de moi maintenant que tu sais que je suis le But ? Tu ignores combien ton cœur m’a consolé ! Tu ne peux le savoir. C’est moi, et non pas toi, qui ai le plus reçu… Quand les trois quarts d’Israël — si ce n’est plus —, me haïssent au point de se rendre criminels, quand les faibles s’éloignent de mon chemin, quand les tribulations de l’ingratitude, de l’animosité, de la calomnie, me blessent de toutes parts, quand je ne puis être réconforté par la pensée que mon sacrifice sera le salut pour Israël, trouver quelqu’un comme toi, père, c’est avoir une compensation pour ma douleur… Tu ne sais pas… Personne ne sait les tristesses de plus en plus profondes du Fils de l’homme. J’ai soif d’amour… et trop de cœurs sont des sources taries, desquelles il est inutile de m’approcher… Mais allons… »

      Et, en tenant près de lui le vieillard, il entre dans la pièce où les tables sont déjà prêtes...



[1] Isaïe 2,22
[2] Isaïe 53,1 et suivants : l'homme de douleur
 
[3] Probablement une des personnes présentes à la crucifixion qui lance des pierres à Jésus. Cf. EMV 609 / 9.29 – p.292
 
[4] Phinéès ou Pinhas, fils du prêtre Éli (celui qui parla à Anne, la mère de Samuel, venue demander un fils au sanctuaire de Silo). Comme son frère Hophni, il se déshonora dans l'exercice du sacerdoce en étant impies, prévaricateurs et débauchés. Ils périrent dans la bataille où les philistins prirent l'Arche. (1Samuel 2,12 et suivants)
 
[5] Jude et Judas on la même racine : Iehuda.



*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-217.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/discours-sur-judas-absent.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 27 Fév - 21:39

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

521. A Tecua. Jésus prend congé des habitants et du vieil Eli-Hanna, le premier des persécutés à cause de Jésus

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 218.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 521.

Le 31 octobre 1946

Jeudi le 1er novembre 29
Tecua


      521.1 L’arrière de la maison de Simon de Tecua est simplement une place bordée par les deux ailes de la maison. Elle est en forme de 
 Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Ch521-maison. Je dis place, car, les jours de marché, comme celui que je vois, on ouvre en trois endroits la solide grille qui la sépare d’une place publique plus grande, et de nombreux vendeurs envahissent, avec leurs étalages, les portiques qui se trouvent sur les trois côtés de la maison et dont je comprends maintenant l’intérêt… financier : en bon juif, Simon perçoit de chaque marchand le loyer de la place qu’il occupe. Il se fait suivre du vieillard, revêtu d’un habit convenable, et le présente à tous les vendeurs en disant :

      « Voilà, dorénavant, c’est à lui que vous réglerez le prix convenu. »

      Puis, une fois fait le tour des portiques, il dit à Eli-Hanna :

      « Voilà ton travail. Ici, et à l’intérieur, avec l’auberge et les écuries. Il n’est ni difficile ni fatigant, mais il te montre l’estime que j’ai pour toi. J’ai chassé, l’un après l’autre, trois employés parce qu’ils n’étaient pas honnêtes. Mais tu me plais, et puis c’est Jésus qui t’a amené. Et le Maître sait reconnaître les cœurs. Allons le trouver maintenant pour lui dire que, s’il veut, c’est le bon moment pour parler. »

      Et il s’éloigne, suivi du petit vieux…

      La foule envahit de plus en plus la place et le bruit ne cesse d’augmenter : des femmes qui viennent faire leurs emplettes ; des marchands de bestiaux ; des acquéreurs de bœufs de labour ou d’autres animaux ; des paysans courbés sous le poids de paniers de fruits et qui vantent leur marchandise ; des couteliers avec leurs étalages d’instruments tranchants et qui, avec un bruit infernal, cognent les haches sur des souches de bois pour montrer la solidité de la lame, ou bien qui tapent avec un marteau sur des faux suspendues à des chevalets pour faire voir la trempe parfaite de la lame ; parfois, ils soulèvent des socs et à deux mains les piquent dans la terre, qui s’ouvre, déchirée, pour donner une preuve de la solidité du soc auquel aucun terrain ne résiste ; et des chaudronniers avec des amphores et des seaux, des poêles et des lampes, dont ils frappent le métal en faisant un bruit assourdissant pour montrer qu’il est massif. En outre, ils crient à pleine gorge pour offrir des lampes à un ou plusieurs becs pour les fêtes prochaines de Casleu [1] ; et par dessus tous ces bruits, monotone et perçant comme le cri plaintif de la chouette durant la nuit, le cri des mendiants, disséminés aux points stratégiques du marché.

      521.2 Jésus vient de la maison avec Pierre et Jacques, fils de Zébédée. Je ne vois pas les autres. Je pense qu’ils font un tour en ville pour annoncer la présence du Maître, car je remarque que la foule le reconnaît immédiatement et que beaucoup de gens accourent alors que s’affaiblissent les voix et le bruit du marché. Jésus fait donner l’obole à quelques mendiants et s’arrête pour saluer deux hommes qui, suivis de leurs serviteurs, allaient quitter la place, leurs achats faits. Mais ils s’arrêtent, eux aussi, pour écouter le Maître. Et Jésus commence à parler en partant de ce qu’il voit :

      « Chaque chose en son temps, chaque chose à sa place. On ne tient pas le marché le sabbat, on ne fait pas de commerce dans les synagogues, et on ne travaille pas non plus la nuit, mais au contraire pendant qu’il fait jour. Seul le pécheur fait du commerce le jour du Seigneur, ou profane par des trafics humains les lieux destinés à la prière, ou agit en malfaiteur pendant la nuit en commettant des vols et des crimes. Au contraire, le commerçant honnête s’efforce de prouver aux acheteurs la belle qualité de ses denrées et la solidité de ses outils, et l’acheteur repart satisfait de sa bonne acquisition. Mais si, par exemple, à force de ruse, le vendeur réussissait à tromper l’acheteur, et que ce dernier se rendait compte que la denrée ou l’outil acheté était de mauvaise qualité et qu’il l’avait payé trop cher, est-ce que l’acheteur n’aurait pas recours à des moyens de défense, qui peuvent aller de ne plus jamais rien acheter à ce marchand jusqu’au recours au juge pour récupérer son argent ? C’est ce qui arriverait, et ce serait juste.

      Et pourtant ne voyons-nous pas, nous en Israël, le peuple trompé par des gens qui vendent des marchandises avariées pour des bonnes et dénigrent le vendeur de bonnes marchandises, puisqu’il est le Juste du Seigneur ? Oui, nous le voyons tous.

      Hier soir plusieurs d’entre vous sont venus raconter les agissements des mauvais vendeurs, et moi, j’ai dit : “ Laissez-les faire. Gardez vos cœurs fermes, et Dieu pourvoira. ”

      Ceux qui vendent des produits qui ne sont pas bons, qui offensent-ils ? Vous ? Moi ? Non : Dieu lui-même. Le coupable, c’est moins le trompé que le trompeur. Ce n’est pas tant un péché contre l’homme que contre Dieu que de chercher à écouler de mauvais produits, pour que celui qui souhaite acheter n’aille pas vers les bons. Moi je ne vous dis pas : réagissez, vengez-vous. Ce n’est pas une parole qui puisse venir de moi. Je vous dis seulement : écoutez le vrai son des mots, observez bien, en pleine lumière, les actions de celui qui vous parle, goûtez la première gorgée ou la première bouchée qui vous est offerte, et si vous sentez de l’aigreur, si la conduite d’autrui a quelque chose de ténébreux, si le goût qui vous reste dans le cœur vous trouble, repoussez ce qui vous est offert comme quelque chose de mauvais. La sagesse, la justice, la charité ne sont jamais aigres, ne troublent pas et n’aiment pas agir dans l’ombre.

      521.3 Je sais que j’ai été précédé par mes disciples, et je vous laisse deux de mes apôtres. De plus, hier soir, j’ai témoigné, par mes actes plus que par mes paroles, d’où je viens et pour quelle mission. Il n’est donc pas besoin de longs discours pour vous attirer à ma voie. Réfléchissez et ayez la volonté d’y demeurer. Imitez les fondateurs de cette ville érigée à la limite du désert. N’oubliez jamais qu’en dehors de ma doctrine, vous ne trouveriez que l’aridité désertique [2], alors qu’en elle se trouvent les sources de la Vie. Et, si nombreux que soient les événements qui peuvent survenir, ne vous troublez pas, ne vous scandalisez pas. Rappelez-vous les paroles du Seigneur dans Isaïe. Jamais ma main ne pourrait se rabougrir : elle comblera toujours de bienfaits ceux qui suivent mes voies [3] ; de même, jamais la main du Très-Haut ne sera réduite à rien quand il s’agira de frapper ceux qui me causent offense et douleur, à moi qui suis venu et qui ai trouvé bien peu de cœurs pour m’accueillir, à moi qui ai appelé, sans obtenir beaucoup de réponses. Car, de même qu'une personne qui me fait honneur honore le Père qui m’a envoyé, ainsi celle qui me méprise, méprise celui qui m’a envoyé. Et, conformément à l’antique loi du talion, celle qui me repousse sera repoussée.

      Mais vous qui avez accueilli ma parole, ne craignez pas les opprobres des hommes et ne tremblez pas à cause de leurs outrages adressés d’abord à moi, et ensuite à vous parce que vous m’aimez. Bien que je paraisse persécuté et même si je semblais frappé, moi, je vous consolerai et vous protégerai. N’ayez pas peur, ne redoutez pas l’homme mortel qui est aujourd’hui et qui demain ne sera qu’un souvenir et de la poussière. Mais craignez le Seigneur, craignez-le avec un saint amour, pas avec peur, craignez de ne pas savoir l’aimer en proportion de son amour infini. Je ne vous dis pas : faites ceci ou cela. Ce qu’il faut faire, vous le savez. Je vous le redis : aimez. Aimez Dieu et son Christ, aimez votre prochain comme je vous l’ai enseigné. Et vous ferez tout bien, si vous savez aimer.

      521.4 Je vous bénis, habitants de Tecua, ville en bordure du désert mais oasis de paix pour le Fils de l’homme persécuté, et que ma bénédiction soit dans vos cœurs et sur vos maisons, maintenant et toujours.

      – Reste, Maître ! Reste avec nous. Le désert a toujours été bon pour les saints d’Israël [4] !

      – Cela m’est impossible. D’autres m’attendent. Vous êtes en moi et moi en vous, puisque nous nous aimons. »

      Jésus a du mal à fendre la foule qui le suit, oubliant le commerce et toute autre chose. Malades guéris qui le bénissent encore, cœurs consolés qui le remercient, mendiants qui le saluent : “ Vivante Manne de Dieu ”…

      521.5 Le petit vieux est à ses côtés, il y reste jusqu’aux limites de la ville. Et c’est seulement quand Jésus bénit Matthieu et Philippe qui restent à Tecua, qu’il se décide à quitter son Sauveur, après avoir baisé les pieds nus du Maître, les larmes aux yeux et en exprimant toute sa reconnaissance.

      « Lève-toi, Eli-Hanna, et viens, que je te donne un baiser, le baiser d’un fils à un père. Que cela te récompense de tout. Je t’applique les paroles du prophète : “ Toi qui pleures, tu ne pleureras plus, car le Miséricordieux a eu pitié de toi. [5] ” Le Seigneur t’a donné un peu de pain et d’eau. Je n’ai pu faire davantage. Si tu as été chassé par un seul, j’ai pour me chasser tous les puissants d’un peuple, et c’est beaucoup si je trouve pour moi et mes apôtres un peu de nourriture et un abri. Mais tes yeux ont vu Celui que tu désirais voir, et tes oreilles ont entendu mes paroles, de même que ton cœur doit sentir mon amour. Va, et sois en paix, car tu es un martyr de la justice, un des précurseurs de tous ceux qui seront persécutés à cause de moi. Ne pleure pas, père ! »

      Puis il pose un baiser sur sa tête chenue.

      Le vieillard lui rend son baiser sur la joue et lui murmure à l’oreille :

      « Méfie-toi de l’autre Judas, mon Seigneur. Je ne veux pas souiller ma langue… Mais méfie-toi. Ce n’est pas avec de bonnes pensées qu’il vient chez mon fils…

      – Oui. Mais ne pense plus au passé. Tout sera bientôt fini et personne ne pourra plus me nuire. Adieu, Eli-Hanna. Le Seigneur est avec toi. »

      Ils se séparent…

      521.6 « Maître, que t’a murmuré le vieillard ? demande Pierre qui marche à côté de Jésus — et avec peine, car Jésus fait de grands pas avec ses longues jambes, chose impossible pour Pierre à cause de sa petite taille.

      – Pauvre vieillard ! Que veux-tu qu’il me dise que je ne sache déjà ? répond Jésus en évitant d’être plus précis.

      – Il parlait de son fils, hein ? Il t’a avoué de qui il s’agit ?

      – Non, Pierre. Je te l’assure. Il a gardé ce nom dans son cœur.

      – Mais tu le connais ?

      – Je le connais, mais je ne te le dirai pas. »

      Un silence prolongé. Puis, tourmentée, la question de Pierre et son aveu.

      « Mais pourquoi, Maître, dans quel but Judas va-t-il chez un homme très mauvais comme le fils d’Eli-Hanna ? J’ai peur, Maître ! Il n’a pas de bons amis. Il n’y va pas ouvertement. Il n’a pas en lui la force de résister au mal. J’ai peur, Maître. Pourquoi ? Pourquoi Judas va-t-il chez ces gens et en cachette ? »

      Le visage de Pierre exprime une interrogation anxieuse.

      Jésus le regarde sans répondre. Que devrait-il répondre, en effet, pour ne pas mentir ni monter le fidèle Pierre contre l’infidèle Judas ? Il préfère le laisser parler.

      « Tu ne réponds pas ? Moi, depuis hier, depuis le moment où le vieillard a cru reconnaître Judas parmi nous, je n’ai pas de paix. C’est comme le jour où tu as parlé avec l’épouse du sadducéen. Tu te souviens ? Tu te souviens de mon soupçon ?

      – Je me le rappelle. Et toi, tu te rappelles ce que je t’ai dit alors ?

      – Oui, Maître.

      – Il n’y a rien à ajouter, Simon. Les actes de l’homme ont une apparence différente de la réalité. Mais je suis content d’avoir pourvu aux besoins de ce vieillard. C’est comme si Ananias était revenu. Et vraiment, si Simon de Tecua ne l’avait pas accueilli, je l’aurais conduit dans la maisonnette de Salomon, pour qu’il y ait toujours un père pour nous attendre. Mais pour Eli, c’est mieux ainsi. Simon est bon, il a de nombreux petits-enfants. Eli aime les enfants… Et les enfants font oublier tant de choses douloureuses… »

      Avec son habituel savoir-faire pour distraire l’interlocuteur et l’amener à aborder d’autres sujets, quand il trouve qu’il ne convient pas de répondre à des questions dangereuses, Jésus a détourné Pierre de sa pensée. Et il continue à lui parler des enfants qu’il a connus ça et là, pour arriver à lui rappeler Marziam, qui, peut-être à cette heure, tire les filets après avoir pêché dans le beau lac de Génésareth.

      Pierre est loin maintenant de penser encore à Eli et à Judas, et il sourit en demandant :

      « Mais, après la Pâque, nous irons là-bas, n’est-ce pas ? C’est si beau ! Beaucoup plus qu’ici ! Nous autres, Galiléens, nous sommes des pécheurs pour les Judéens… Mais s’il fallait vivre ici ! Oh ! Miséricorde éternelle ! Si nous, nous serons châtiés, il est sûr que, dans cette région, il n’y aura pas de récompense. »

      Jésus appelle les autres, qui sont restés en arrière, et il s’éloigne avec eux sur la route réchauffée par le soleil de décembre.





[1] Les Encénies (Fête de la Lumière ou de la Dédicace du Temple), au cours desquelles Jésus est né.

[2] Teqoa a été fondée par Achhour, un fils de Caleb et d'Éphrata. Caleb avait fait partie du commando des douze explorateurs de la terre promise. Achhour, sous le nom de Hour, est aussi le fondateur de Bethléem (1Chroniques 4,4-5)

[3] Isaïe 58,13 et suivants

[4] Amos était originaire de Tecua. C'est un bouvier de condition modeste. Pour lui, Dieu est le tout-puissant et providentiel créateur, souverain maître des individus et des nations.

[5] La citation exacte n'a pas été trouvée. Possibilités approchantes : Isaïe 25,8 – Isaïe 40,1 – Isaïe 49,13-15 – Isaïe 61,1-2



*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-218.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/eli-hanna-le-premier-des-persecutes-a-cause-de-jesus.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 1 Mar - 23:12

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

522. Arrivée à Jéricho. L'amour terrestre de la foule et l'amour surnaturel de Zachée, le converti.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 219.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 522.

Le 1er novembre 1946

Vendredi 9 novembre 29
Jéricho


      522.1 Jésus est très attendu. Une foule de gens séjournent dans les campagnes proches de la ville et attendent. A peine un observateur, juché sur un grand noyer, a-t-il lancé le cri : “ Voici l’Agneau de Dieu ! ” que les gens se lèvent et accourent vers Jésus, qui arrive aux premières brumes du crépuscule.

      « Maître ! Maître ! Nous t’attendions depuis si longtemps ! Nos malades ! Nos enfants ! Ta bénédiction ! Les vieillards t’attendent pour s’éteindre en paix ! Si tu nous bénis, Seigneur, nous serons préservés du malheur ! »

      Les gens parlant tous ensemble, Jésus lève la main en des gestes réitérés de bénédiction, et répète :

      « Paix, paix, paix à vous tous ! »

      Les apôtres qui sont encore avec lui sont pris dans les remous de la foule, séparés de Jésus. Or ce dernier est presque empêché d’avancer par ceux-là mêmes qui se plaignent doucement de l’avoir tant attendu.

      522.2 Le pauvre Zachée lutte convulsivement pour atteindre Jésus, pour se faire entendre de lui, au moins pour se faire voir. Mais, petit comme il est, et n’étant pas très agile ni très fort, il se trouve toujours repoussé par de nouvelles vagues de la foule. Son cri se perd dans la grande clameur, et sa personne disparaît dans la confusion des têtes, des bras, des vêtements qui s’agitent. C’est inutilement qu’il supplie et parfois fait des reproches pour obtenir un peu de pitié. Les gens sont toujours égoïstes pour ceux qui leur procurent le plaisir et cruels envers les plus faibles. Le pauvre Zachée, épuisé par ses efforts, convaincu de leur inutilité, perd la volonté de lutter et, dépité, il se résigne. En effet, comment espérer encore pouvoir réussir, si de chaque rue débouchent d’autres personnes, des rues qui ressemblent à autant de ruisseaux confluant tous vers un fleuve unique : le chemin parcouru par Jésus ? Et chaque affluent nouveau, qui amène un nouveau flot et rend plus impénétrable la foule au point de faire peur de s’y trouver, repousse en arrière le pauvre Zachée.

      Jude l’aperçoit et essaie de se frayer un passage pour le sortir du coin de la rue où la foule l’a repoussé et bloqué. Mais il se trouve lui-même refoulé par ceux qui le poussent par derrière, et sa tentative échoue. Thomas, fort de sa robustesse, travaille des coudes et crie de sa voix puissante : “ Faites place ! ” au cours d’une même tentative… Hélas ! Les gens forment une muraille plus solide que des pierres et en même temps plus flexible que du caoutchouc : elle plie, mais ne s’ouvre pas. Ce n’est plus un embrassement, mais une chaîne impossible à rompre. Et Thomas lui aussi se résigne.

      Alors Zachée perd tout espoir, car Didyme est le dernier des apôtres entraîné par le courant. Et finalement le courant passe… Il est passé… Lambeaux d’étoffes, nœuds, franges, épingles à cheveux, boucles de vêtements, gisent sur le sol pour témoigner de sa violence. Il y a jusqu’à une petite sandale d’enfant, tout écrasée, qui semble attendre tristement le petit pied qui l’a perdue… Zachée se met à la suite de tout le monde, triste lui aussi comme cette petite chaussure arrachée par la foule à son petit propriétaire.

      522.3 Jésus n’est même plus visible. Un détour de la rue l’a dérobé à la vue du pauvre Zachée… Mais quand, dernier de la foule, il arrive sur la place où autrefois il avait son comptoir, il voit que les gens se sont arrêtés en criant, en priant, en suppliant. Il aperçoit Jésus, monté sur un perron, faire des bras et de la tête un signe de dénégation et dire quelque chose que l’on ne peut comprendre dans le tumulte de la foule. Et enfin, il voit Jésus descendre, non sans peine, de son piédestal, reprendre sa marche et tourner, oui, tourner justement du côté où se trouve sa maison. Alors Zachée reprend toute son ardeur. Comme la place est large, la foule a beau être dense, elle est moins compacte et peut être… transpercée comme une haie pas trop épaisse par quelqu’un de bien décidé et qui n’a pas peur des écorchures. Et Zachée devient un coin, une catapulte, un bélier, il heurte les gens, bouscule, s’insinue, distribue et reçoit des coups de poings au visage, des coups de coude dans l’estomac et des coups de pieds dans les tibias, mais il se fraie un passage, il avance… Le voilà du côté opposé… Mais là, il n’y a plus de place, c’est de nouveau une muraille impénétrable. Quelques pas le séparent de Jésus déjà arrêté près de sa maison. Mais s’il y avait des déserts et des fleuves pour l’en séparer, Zachée aurait plus d’espoir de parvenir à le rejoindre. Il se fâche, crie, impose :

      « Je dois aller chez moi ! Laissez-moi passer ! Ne voyez-vous pas qu’il veut venir chez moi ? »

      C’est justement ce qu’il n’aurait jamais dû dire ! Cela attise dans la foule la volonté d’avoir le Maître dans d’autres maisons. Certains ricanent en se moquant du pauvre Zachée, d’autres lui répondent méchamment. Il n’y a personne qui ait pitié. Au contraire, ils se mettent à hurler et à s’agiter pour empêcher le Maître de voir et d’entendre Zachée. Et certains crient :

      « Tu n’as déjà que trop reçu de lui, vieux pécheur ! »

      Je crois que le souvenir de ses anciennes exactions et vexations n’est pas étranger à tant d’animosité… L’homme, même le mieux disposé au surnaturel, garde presque toujours un petit coin où subsiste l’amour de son pécule et où est encore plus vivant le souvenir de celui qui a lésé ce pécule…

      522.4 Mais l’heure de l’épreuve est passée pour Zachée, et Jésus récompense sa persévérance. Il crie de toute ses forces :

      « Zachée ! Viens vers moi. Laissez-le passer, car je veux entrer chez lui. »

      Force est bien d’obéir. La foule se serre pour faire place et Zachée s’avance, rouge de fatigue, rouge de joie, tout en essayant de remettre en ordre ses cheveux décoiffés, son vêtement déboutonné, sa ceinture dont les nœuds sont sur les reins au lieu d’être par devant. Il cherche son manteau, qui sait où il est !… Peu importe, il est maintenant devant Jésus, à demi courbé pour lui rendre hommage. Il ne peut faire davantage, car il a tout juste assez de place pour s’incliner un peu.

      « Paix à toi, Zachée. Viens donc, que je te donne le baiser de paix. Tu l’as bien mérité, dit Jésus avec un sourire vraiment joyeux, juvénile, qui, effectivement, le fait paraître rajeuni.

      – Oh oui, Seigneur. Je l’ai bien mérité. Comme il est difficile de t’atteindre, Seigneur » dit Zachée en se dressant le plus possible pour se mettre au niveau de Jésus qui se penche pour l’embrasser.

      Ce geste révèle que son visage saigne à cause d’une écorchure sur la joue droite et qu’il a un œil au beurre noir à cause d’un coup de coude reçu dans l’orbite.

      Jésus l’embrasse et lui dit :

      « Mais ce n’est pas pour cette fatigue que je te récompense. C’est pour les autres, secrètes pour tant de gens, mais que moi je connais. Oui, c’est vrai : me rejoindre est difficile et la foule n’est pas l’unique obstacle, ce n’est même pas l’obstacle le plus ardu que l’on rencontre pour me rejoindre. Mais, ô peuple qui m’as pour ainsi dire porté en triomphe, l’obstacle le plus pénible qui se recrée toujours après que l’on a essayé de le rompre ou de le surmonter, c’est le moi personnel.

      522.5 Je semblais ne rien voir, mais j’ai tout vu. Et j’ai tout apprécié. Qu’ai-je vu ? Un pécheur converti, quelqu’un qui avait le cœur dur, qui aimait ses aises, qui était orgueilleux, vaniteux, luxurieux et avare. Et je l’ai vu se dépouiller de son ancien moi dans les choses peu importantes, et changer ses manières d’agir et ses affections comme en celles-ci, pour accourir vers son Sauveur, lutter pour le rejoindre, supplier humblement, recevoir patiemment quolibets et reproches, et souffrir dans son corps à cause des coups de la foule et dans son cœur de se voir repoussé en arrière de tout le monde, sans même pouvoir obtenir un regard de moi. Et j’ai vu d’autres choses en lui, que vous aussi connaissez, mais dont vous ne voulez pas tenir compte, bien que par elles vous ayez été soulagés.

      Vous me direz : “ Et comment le connais-tu, toi qui n’habites pas parmi nous ? ” Je vous réponds : de même que je lis dans le cœur des hommes, je n’ignore pas leurs actes ; et je sais me montrer juste et récompenser en proportion du chemin fait pour me rejoindre, des efforts accomplis pour raser la forêt sauvage qui couvrait l’âme, la rendre bonne, en débarrasser tout ce qui n’était pas l’arbre de vie, la faire régner en soi, en l’entourant des plantes des vertus pour qu’elle soit honorée, en veillant à ce qu’aucun animal impur — parce que rampant, parce qu’avide de corruption, ou lascif, ou oisif (les différentes passions mauvaises) — ne se niche dans le feuillage, mais que seul ce qui est bon et susceptible de louer le Seigneur habite votre âme, c’est-à-dire les affections surnaturelles : autant d’oiseaux chanteurs et de doux agneaux prêts à être immolés, disposés à la louange parfaite pour l’amour de Dieu.

      522.6 Et de même que je n’ai pas ignoré les œuvres de Zachée, ses pensées, ses fatigues, ainsi je n’ai pas ignoré que chez plusieurs habitants de cette ville qui m’ont acclamé, il y a un amour plutôt sensible que spirituel. Si vous m’aimiez selon la justice, vous auriez eu pitié de votre concitoyen, vous ne l’auriez pas humilié en lui rappelant le passé. Ce passé, il l’a effacé, et Dieu lui-même ne s’en souvient pas, parce qu’il ne revient pas sur le pardon qu’il a accordé, à moins que la personne ne pèche de nouveau. Et il s’agit dans ce cas de le juger pour le nouveau péché, non pour celui qui a été pardonné.

      Or je vous dis — et je vous livre cela comme compagnon pour vos méditations de la nuit — que ce n’est pas dans les acclamations que consiste un véritable amour pour moi, mais dans l’accomplissement de ce que je fais et enseigne, dans la pratique de l’amour mutuel, de l’humilité et de la miséricorde. Souvenez-vous que, matériellement parlant, vous avez été formés d’une même boue, et que la boue a toujours de l’attrait pour le marécage : par conséquent, si jusqu’à présent la force qui est en vous et qui vous a tenus soulevés au-dessus du marécage (l’esprit) n’a jamais connu de défaites — ce qui est d’ailleurs impossible, car l’homme est pécheur ; Dieu seul est sans péché —, demain votre âme pourrait en connaître, et de plus nombreuses et plus graves que celles du vieux pécheur désormais né de nouveau à la grâce. Par elle, il est redevenu jeune comme un enfant à peine né, et il a l’humilité qui lui vient du souvenir d’avoir été pécheur, et la volonté ferme de faire pendant le reste de sa vie autant de bien qu’il en faudrait pour remplir une vie longue et toute consacrée au bien, au point de réparer, et dans une mesure pleine et débordante, tout le mal qu’il peut avoir accompli.

      Demain, je vous parlerai. Pour ce soir, j’ai terminé. Repartez avec mon avertissement et bénissez Dieu qui vous envoie le Médecin pour exciser votre sensualité cachée sous un voile de santé spirituelle, comme des maladies secrètes qui rongent la vie sous le voile d’une apparente santé… 522.7 Viens, Zachée.

      – Oui, mon Seigneur. Je n’ai plus qu’un vieux serviteur et j’ouvre moi-même la porte et avec elle mon cœur ému, ô combien ! par ton infinie bonté. »

      Et après avoir ouvert la grille, il fait entrer Jésus et les apôtres, et les conduit vers la maison à travers le jardin devenu un potager… La maison aussi est dépouillée de tout superflu. Zachée allume une lampe et appelle le serviteur.

      « Le Maître est ici. Il dort à la maison avec ses disciples et dîne ici. As-tu tout préparé comme je te l’ai dit ?

      – Oui, hormis les légumes que je vais jeter maintenant dans l’eau bouillante, tout est prêt.

      – Alors, change de vêtement, va dire à ceux que tu sais qu’il est arrivé, et demande-leur de venir.

      – J’y vais, maître. Sois béni, Maître, toi qui me fais mourir heureux ! »

      Il sort.

      « C’est le serviteur de mon père qui est resté avec moi ; les autres, je les ai congédiés. Mais lui m’est cher. C’était la voix qui ne se taisait jamais quand je péchais, et je le maltraitais à cause de cela. Maintenant, après toi, c’est celui que j’aime plus que tout autre… Venez, mes amis. Il y a ici du feu et ce qui peut reposer des membres fatigués et glacés. Toi, Maître, viens dans ma propre chambre… »

      Et il le conduit vers une pièce au fond d’un couloir.

      522.8 Il entre, ferme la porte, verse de l’eau chaude dans un broc, déchausse Jésus, le sert. Avant de lui remettre les sandales, il baise son pied nu et se le met sur le cou en disant :

      « Voilà ! Pour que tu écrases les restes du vieux Zachée ! »

      Il se lève, regarde Jésus avec un sourire qui tremble sur ses lèvres, un sourire humble, quelque peu mouillé de larmes. Il a un geste pour indiquer tout l’environnement et dit :

      « J’ai tant péché, ici ! Mais j’ai tout changé, pour que ce qui avait cette saveur ne me soit plus présent… Les souvenirs… Je suis faible… J’ai laissé seulement vivre le souvenir de ma conversion dans ces murs nus, dans ce lit dur… Le reste… J’en ai fait de l’argent parce qu’il ne m’en restait plus et que je voulais faire du bien. Assieds-toi, Maître… »

      Jésus s’assied sur un siège de bois, et Zachée se met par terre, à ses pieds, moitié assis, moitié agenouillé. Il reprend :

      « Je ne sais si j’ai bien fait, si tu peux approuver mon action. Peut-être ai-je commencé par là où je devais finir, mais eux aussi y sont. Et seul un vieux publicain peut ne pas éprouver de dégoût pour eux en Israël. Non, je me suis mal exprimé : non seulement un vieux publicain, mais toi aussi, ou plutôt c’est toi qui m’as enseigné à les aimer vraiment. Auparavant, ils étaient mes complices dans le vice, mais je ne les aimais pas. Maintenant je les réprime, mais je les aime. Toi et moi. Le tout Saint, le pécheur converti. Toi, parce que tu n’as jamais péché et que tu veux nous transmettre la joie, qui est tienne, de l’Homme sans faute. Et moi, parce que j’ai beaucoup péché, et je sais comme est douce la paix qui vient du fait d’être pardonné, racheté, renouvelé… Je l’ai voulue pour eux. Je les ai recherchés. Ah ! cela a été dur au commencement ! Je voulais les rendre bons, or je devais déjà moi-même me rendre bon… Quelle peine ! Me surveiller, car je me rendais compte qu’ils me surveillaient. Il aurait suffi d’un rien pour les éloigner… Et puis… Plusieurs péchaient par besoin, par nécessité professionnelle. J’ai tout vendu afin d’en retirer de l’argent pour les entretenir jusqu’à ce qu’ils trouvent d’autres métiers moins rentables, plus fatigants, mais honnêtes. Et il y a toujours l’un ou l’autre qui vient, un peu par curiosité, un peu par désir d’être un homme et pas seulement un animal. Et je dois les recevoir, tant qu’ils ne se sont pas faits au nouveau joug. Plusieurs se sont fait circoncire, en guise de premier pas vers le vrai Dieu. Mais je ne l’impose pas. J’ai de larges bras pour embrasser les misères, moi qui ne peux en éprouver du dégoût. Je voudrais, moi aussi, leur procurer ce que tu voudrais donner à tous : la joie de ne plus avoir de remords, puisque nous ne pouvons pas être sans faute comme toi. Maintenant dis-moi, mon Seigneur, si je suis allé trop loin.

      – Tu as bien travaillé, Zachée. Tu leur donnes plus que tu n’espères et plus que tu ne penses que je veuille donner aux hommes. Non seulement la joie d’être pardonnés, sans remords, mais celle d’être bientôt citoyens de mon Royaume céleste. Je n’ignorais pas tes œuvres : je suivais tes progrès sur le chemin ardu mais glorieux de la charité ; car c’est de la charité, et de la plus pure. Tu as compris la parole du Royaume. Peu l’ont comprise, parce que leur ancienne conception et la conviction d’être déjà saints et savants survivent en eux. Toi, une fois ton passé retiré de ton cœur, tu es resté vide, et tu as pu, tu as voulu plutôt, intérioriser les paroles nouvelles, l’avenir, l’éternel. Continue ainsi, Zachée, et tu seras le percepteur de ton Seigneur Jésus, dit Jésus pour finir en souriant et en mettant sa main sur la tête de Zachée.

      – Tu m’approuves, Seigneur ? En tout ?

      – En tout, Zachée. 522.9 Je l’ai dit aussi à Nikê qui me parlait de toi. Nikê te comprend ; elle est ouverte à la pitié universelle.

      – Nikê m’aidait beaucoup. Mais maintenant, je ne la vois qu’à chaque nouvelle lune… J’aurais voulu la suivre, mais Jéricho est un lieu favorable pour mon nouveau travail…

      – Elle ne restera pas longtemps à Jérusalem… Tu te déplacerais pour rien. Ensuite Nikê reviendra ici…

      – Quand, Seigneur ?

      – Après la proclamation de mon Royaume.

      – Ton Royaume… Je redoute ce moment. Ceux qui maintenant se disent tes fidèles, sauront-ils l’être alors ? Car il y aura certainement des soulèvements et des luttes entre ceux qui t’aiment et ceux qui te haïssent… Tu le sais, Seigneur : tes ennemis soudoient jusqu’à des voleurs, la lie du peuple, pour avoir des partisans prêts à faire nombre pour s’imposer aux autres. Je l’ai appris par un de mes pauvres frères… Ah ! entre celui qui vole légalement et celui qui vole l’honneur et qui dépouille un voyageur, y a-t-il beaucoup de différence ? J’ai volé moi aussi légalement, jusqu’à ce que tu me sauves, mais même à cette époque, je n’aurais pas secondé ceux qui te haïssent… Lui est un jeune, un voleur, oui un voleur. Un soir où j’étais allé vers l’Hadomim pour attendre trois de mes semblables qui venaient d’Ephraïm avec des bestiaux achetés meilleur marché, je l’ai trouvé aux aguets dans une gorge. Je lui ai parlé… Je n’ai jamais eu de famille, et pourtant je crois que, si j’avais eu des enfants, je leur aurais parlé ainsi, pour les persuader de changer de vie. Il m’a expliqué comment et pourquoi il était devenu voleur… Ah ! que de fois les vrais coupables sont des gens qui semblent ne rien faire de mal !… Je lui ai dit : “ Ne vole plus. Si tu as faim, il y a encore un pain pour toi. Je te trouverai un travail honnête. Puisque tu n’es pas devenu homicide, arrête-toi, sauve-toi. ” Et je l’ai convaincu. Il m’a répondu qu’il était resté seul parce que les autres avaient été achetés contre une grosse somme d’argent par ceux qui te haïssent ; et maintenant, ils sont prêts à fomenter des soulèvements et à se prétendre tes disciples pour scandaliser le peuple. Ils sont cachés dans les grottes du Cédron, dans les tombeaux, du côté du Fasel [1], dans les cavernes au nord de la ville, au milieu des tombeaux des Rois et des Juges, partout… Que veulent-ils faire, Seigneur ?

      – Josué a pu arrêter le soleil [2], mais eux, avec tous leurs moyens, ne pourront faire obstacle à la volonté de Dieu.

      – Ils ont l’argent, Seigneur ! Le Temple est riche, et l’or offert au Temple n’est pas corban pour eux, s’il leur sert à triompher.

      – Ils n’ont rien ; c’est moi qui a la force. Leur édifice tombera comme les feuilles séchées par les vents d’automne dont un enfant aurait fait un château. Ne crains rien, Zachée, ton Jésus sera Jésus.

      – Dieu le veuille, Seigneur !… On nous appelle. Allons… »




[1] Tour Phasaël, une des tours du palais d'Hérode ainsi nommée en souvenir de son frère. Les autres tours sont nommées Mariamne et Hippique.

[2] Josué à la bataille de Gabaôn (Josué 10, 12-13)


*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-219.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/l-amour-terrestre-de-la-foule-et-l-amour-surnaturel-de-zachee.html


Dernière édition par Anayel le Mar 2 Mar - 23:03, édité 1 fois
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 2 Mar - 23:03

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

523. A Jéricho. On demande à Jésus quel est son jugement sur une femme. La parabole du pharisien et du publicain, après une comparaison entre des pécheurs et des malades.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 220.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 523.

Le 2 novembre 1946

Samedi 10 novembre 29
Jéricho


      523.1 Jésus sort de la maison de Zachée. La matinée est avancée. Il a avec lui Zachée, Pierre, et Jacques, fils d’Alphée. Les autres apôtres se sont peut-être déjà dispersés dans la campagne pour annoncer que le Maître est dans la ville.

      Derrière le groupe constitué de Jésus, Zachée et les apôtres, il en vient un autre, très… divers pour ce qui est des physionomies, de l’âge, des vêtements. Il n’est pas difficile de déclarer avec certitude que ces hommes appartiennent à des races différentes, peut-être même rivales, mais les événements de la vie les ont amenés dans cette ville palestinienne et les ont réunis, pour que de leurs profondeurs, ils remontent vers la lumière. Ils ont pour la plupart ce visage flétri, ces yeux battus des gens qui ont usé et abusé de la vie de plusieurs manières. D’autres ont des regards que leur long entraînement à des occupations… d’escroquerie fiscale ou de commandement brutal a rendus rapaces et durs. Parfois, cet ancien regard réapparaît sous le voile humble et pensif qu’y a mis leur nouvelle vie. Et cela se produit particulièrement quand un habitant de Jéricho les considère d’un air méprisant ou murmure quelque insolence à leur adresse ; puis ils reprennent leur air las et, sous l’humiliation, ils baissent la tête.

      Jésus se retourne par deux fois pour les observer. Les voyant ralentir le pas au fur et à mesure qu’ils approchent de l’endroit choisi pour parler et déjà noir de monde, il en fait autant pour les attendre. Puis il leur dit :

      « Passez devant moi, n’ayez pas peur. Vous avez défié le monde quand vous faisiez le mal, vous ne devez pas le craindre maintenant que vous vous en êtes délivrés. Ce qui vous a servi alors pour le maîtriser — l’indifférence aux jugements du monde, unique arme pour le lasser d’accuser —, servez-vous-en encore aujourd’hui. Il se fatiguera de s’occuper de vous, et il vous absorbera, même si ce doit être lentement, pour vous faire disparaître dans cette grande masse anonyme qu’est ce pauvre monde auquel, en vérité, on accorde trop d’importance. »

      Les hommes, au nombre de quinze, obéissent et passent devant.

      523.2 « Maître, voici là-bas les malades de la campagne, dit Jacques, fils de Zébédée, qui vient à la rencontre de Jésus et lui montre un endroit réchauffé par le soleil.

      – J’arrive. Mais où sont les autres ?

      – Ils sont dans la foule, mais ils t’ont aperçu et vont venir. Il y a aussi avec eux Salomon, Joseph d’Emmaüs, Jean d’Ephèse, et Philippe d’Arbel. Ils vont chez ce dernier et ils viennent de Joppé, Lydda et Modin. Ils sont accompagnés d’hommes de la côte et de femmes. Ils te cherchaient même, car ils ne sont pas d’accord entre eux sur le jugement à porter sur une femme. Mais ils t’en parleront… »

      Jésus est effectivement bientôt entouré des autres disciples, qui le saluent avec vénération. Derrière eux se trouvent ceux qui ont été récemment attirés à la doctrine de Jésus. Mais Jean d’Ephèse est absent, et Jésus en demande la raison.

      « Il s’est arrêté avec une femme et les parents de cette dernière dans une maison, loin des gens. Quant à la femme, on ne sait si elle est possédée ou prophétesse. Elle dit des choses merveilleuses d’après ses concitoyens, mais les scribes qui l’ont entendue l’ont jugée possédée. Les parents ont appelé plusieurs fois les exorcistes, mais ils n’ont pas réussi à chasser le démon qui la tient et la fait parler. Pourtant, l’un d’eux a dit au père de la femme (c’est une veuve vierge restée dans sa famille) : “ Quant à ta fille, c’est le Messie Jésus qu’il te faut. Lui, il comprendra ses paroles et il saura d’où elles proviennent. Moi, j’ai essayé d’imposer à l’esprit qui parle en elle de s’en aller au nom de Jésus, dit le Christ. Les esprits de ténèbres se sont toujours enfuis quand je me suis servi de ce nom. Mais pas cette fois. Je dis à ce sujet : soit c’est Belzébuth en personne qui parle et réussit à résister même à ce nom que je prononce, soit c’est l’Esprit même de Dieu ; car lui ne craint rien, puisqu’il ne fait qu’un avec le Christ. Je crois plutôt à cette dernière explication qu’à la première. Mais pour en être certain, seul le Christ peut juger. Lui, il comprendra ces paroles et leur origine. ” Et Jean d’Ephèse a été maltraité par les scribes présents, qui l’ont déclaré possédé lui aussi, comme la femme et comme toi. Pardonne-moi, si nous devons le révéler… Et des scribes ne nous ont plus lâchés ; certains sont même restés de garde auprès de la femme, car ils veulent établir si elle a pu être avisée de ton arrivée ou non. En effet, elle prétend connaître ton visage et ta voix, et elle déclare qu’elle te reconnaîtrait entre mille, alors qu’il est prouvé qu’elle n’est jamais sortie de son village et même de sa maison depuis l’époque, il y a quinze ans, où son mari est mort à la veille de la fête nuptiale. Il est aussi prouvé que tu n’es jamais passé par son village, Betléchi. Et les scribes attendent cette dernière preuve pour la déclarer possédée. 523.3 Veux-tu la voir tout de suite ?

      – Non. Je dois parler aux gens et cette rencontre serait trop bruyante ici au milieu de la foule. Va dire à Jean d’Ephèse, aux parents de la femme, et aux scribes aussi, que je les attends tous au début du coucher du soleil dans les bois le long du fleuve, sur le sentier du gué. Va. »

      Après avoir congédié Salomon — qui a parlé au nom de tous —, Jésus va trouver les malades qui demandent à être guéris et il les exauce. Il y a là une femme âgée, paralysée par l’arthrite, un paralytique, un jeune simple d’esprit, une fillette que je crois tuberculeuse, et deux personnes aux yeux malades. La foule pousse de bruyants cris de joie.

      Mais la série des malades n’est pas encore terminée. Une mère s’avance, défigurée par le chagrin, soutenue par deux amies ou parentes, et elle s’agenouille :

      « Mon fils est mourant. On ne peut l’amener ici… Aie pitié de moi !

      – Peux-tu croire sans mesure ?

      – Tout, mon Seigneur !

      – Alors, rentre chez toi.

      – Chez moi ? Sans toi !… »

      La femme, angoissée, le regarde un instant, puis elle comprend. Son pauvre visage se transfigure. Elle s’écrie :

      « J’y cours, Seigneur ! Béni sois-tu, toi et le Très-Haut qui t’a envoyé ! »

      Et elle s’éloigne plus rapidement que ses compagnes elles-mêmes…

      Jésus se tourne vers un habitant de Jéricho à l’air digne.

      « Cette femme est-elle hébraïque ?

      – Non. Du moins pas de naissance. Elle vient de Milet [1]. Cependant, elle a épousé l’un de nous et, depuis lors, elle partage notre foi.

      – Elle a su croire mieux que beaucoup d’Hébreux » observe Jésus.

      523.4 Puis, montant en haut du perron d’une maison, il ouvre les bras : c’est le geste habituel qui précède sa prise de parole et lui sert à imposer le silence. Une fois celui-ci obtenu, il rassemble les plis de son manteau, qui s’était ouvert sur la poitrine, et il le tient de la main gauche, tandis qu’il baisse la main droite, avec l’attitude de quelqu’un qui fait un serment. Il dit :

      « Ecoutez, habitants de Jéricho, les paraboles du Seigneur. Ensuite, chacun les méditera dans son cœur et en tirera une leçon qui le nourrisse spirituellement. Vous pouvez le faire, car ce n’est pas d’hier, ni de la dernière lune, ni même de l’hiver dernier que vous connaissez la parole de Dieu. Avant même que je ne sois le Maître, Jean, mon Précurseur [2], vous avait préparés à ma venue, et depuis, mes disciples ont labouré ce sol à maintes reprises pour y jeter toute la semence que je leur avais donnée. Vous pouvez donc comprendre la parole et la parabole.

      523.5 A quoi comparerai-je ceux qui, après avoir été pécheurs, se sont ensuite convertis ? A des malades qui guérissent.

      A quoi comparerai-je les autres, qui n’ont pas péché publiquement, ou qui — mais ils sont plus rares que des perles noires — n’ont jamais commis de faute grave, même en secret ? A des personnes en bonne santé.

      Le monde est composé de ces deux catégories, tant dans le domaine spirituel que dans le domaine physique. Mais si les comparaisons sont les mêmes, le comportement du monde envers les malades guéris dans leur chair diffère de celui qu’il adopte envers les pécheurs convertis, c’est-à-dire envers les malades spirituels qui retrouvent la santé.

      Voici ce que nous voyons : quand un malade — même un lépreux, qui est le malade le plus contagieux et qu’il faut isoler à cause du danger — obtient la grâce de la guérison, on l’admet de nouveau dans la société une fois qu’il a été examiné par le prêtre et purifié ; ses concitoyens lui font même fête parce qu’il est guéri, revenu à la vie, à la famille, aux affaires. C’est une grande fête dans la famille et dans la ville quand un lépreux réussit à obtenir grâce et à guérir ! C’est à qui, des membres de sa famille et des habitants, lui apportera une chose ou une autre, et s’il est seul et sans maison ou sans mobilier, on lui offrira un toit ou des meubles. Tout le monde dit alors : “ C’est un privilégié de Dieu. C’est son doigt qui l’a guéri, faisons-lui donc honneur et honorons Celui qui l’a recréé. ” Et il est juste d’agir ainsi. Et encore, quand une personne montre les premiers signes de la lèpre, avec quel amour angoissé ses parents et amis la comblent de tendresse, tant qu’il est encore possible de le faire, comme pour lui donner en une seule fois le trésor d’affection qu’ils lui auraient montré en plusieurs années pour qu’elle l’emporte dans son tombeau d’être vivant.

      Mais pourquoi n’agit-on pas ainsi à l’égard des autres malades ? Si un homme commence à pécher, et que les membres de sa famille, et surtout ses concitoyens, le voient, pourquoi ne cherchent-ils pas avec amour à l’arracher au péché ? Une mère, un père, une épouse, une sœur le font encore, mais il est déjà difficile que ses frères le fassent, et je ne parle même pas de ses neveux. Enfin, ses concitoyens les plus justes ne savent que critiquer, railler, être insolents, se scandaliser, monter en épingle les péchés du pécheur, le montrer du doigt, le tenir éloigné comme un lépreux ; et ceux qui ne sont pas justes se rendent complices de lui pour tirer quelque profit à ses dépens. Mais il est bien rare qu’une bouche, et surtout un cœur, aille trouver le malheureux avec pitié et fermeté, avec une patience et un amour surnaturels, et se soucie de freiner sa descente dans le péché.

      Comment cela se fait-il ? La maladie spirituelle ne serait-elle pas plus grave, vraiment grave et mortelle ? Ne prive-t-elle pas, et pour toujours, du Royaume de Dieu ? La première des charités envers Dieu et envers le prochain ne doit-elle pas être cette œuvre de guérison du pécheur pour le bien de son âme et la gloire de Dieu ?

      Et quand un pécheur se convertit, pourquoi s’obstiner à le juger, à sembler regretter qu’il ait retrouvé la santé spirituelle ? Voyez-vous démentis vos pronostics d’une damnation certaine de l’un de vos concitoyens ? Vous devriez au contraire vous en réjouir, car celui qui vous apporte ce démenti est le Dieu miséricordieux, qui vous donne une mesure de sa bonté pour vous faire reprendre courage après vos fautes plus ou moins graves.

      Pourquoi persister à vouloir considérer comme souillé, méprisable et passible d’isolement ce que Dieu et la bonne volonté d’un cœur ont rendu net, fort, digne de l’estime des frères, et même de leur admiration ?

      Vous vous réjouissez bien si votre bœuf, votre âne, votre chameau, une brebis du troupeau ou votre pigeon préféré guérit d’une maladie ! Vous vous réjouissez bien si un étranger, dont vous vous rappelez à peine le nom pour en avoir entendu parler à l’époque où il fut isolé comme lépreux, se rétablit ! Dans ce cas, pourquoi ne pas vous réjouir des guérisons spirituelles, de ces victoires de Dieu ? Quand un pécheur se convertit, le Ciel est dans la jubilation, autrement dit Dieu, les anges très purs, ceux qui ne savent pas ce que c’est que pécher. Et vous, les hommes, voulez-vous vous montrer plus intransigeants que Dieu ?

      523.6 Rendez votre cœur juste et reconnaissez la présence du Seigneur, non seulement dans les nuages de l’encens et les cantiques du Temple — là où seule doit entrer la sainteté du Seigneur, par l’intermédiaire du grand-prêtre, qui devrait être saint, comme son nom l’indique —, mais aussi dans la merveille de ces âmes ressuscitées, de ces autels à nouveau consacrés, sur lesquels l’amour de Dieu descend avec ses feux pour allumer le sacrifice. »

      Jésus est interrompu par la mère de tout à l’heure qui veut l’adorer et pousse de grands cris de bénédiction. Jésus l’écoute, la bénit et la renvoie chez elle, puis reprend son discours.

      « Si un pécheur qui vous a autrefois scandalisés, vous montre aujourd’hui un spectacle édifiant, ne le méprisez pas, mais imitez-le. Car personne n’est parfait au point de ne pouvoir être instruit par un autre. Et le bien est toujours une leçon qu’il faut écouter, même si celui qui le pratique a été auparavant objet de réprobation. Imitez et aidez. Car en agissant ainsi, vous glorifierez le Seigneur et vous montrerez que vous avez compris son Verbe. Ne soyez pas comme ceux que vous critiquez dans votre cœur sous prétexte que leurs actes ne correspondent pas à leurs paroles. Mais faites en sorte que toutes vos bonnes actions viennent couronner vos bonnes paroles. Alors vous serez vraiment regardés et entendus avec bienveillance par l’Eternel.

      523.7 Ecoutez cette autre parabole pour comprendre ce qui a de la valeur aux yeux de Dieu. Elle vous enseignera à vous corriger d’une pensée qui n’est pas bonne, mais que beaucoup partagent. La plupart des hommes se jugent eux-mêmes et, comme un homme sur mille est vraiment humble, il se produit que l’homme se croit le seul parfait, alors que chez le prochain, il remarque des péchés par centaines.

      Un jour, deux hommes qui étaient allés à Jérusalem pour affaires, montèrent au Temple, comme il convient à tout bon juif chaque fois qu’il met les pieds dans la Cité sainte. L’un était pharisien, l’autre publicain. Le premier était venu percevoir les revenus de certains magasins et faire ses comptes avec ses intendants qui habitaient dans les environs de la ville. L’autre venait verser les impôts perçus et demander pitié au nom d’une veuve qui ne pouvait payer la taxe de sa barque et des filets, car la pêche, faite par l’aîné des fils, suffisait à peine à donner à manger à ses nombreux autres enfants.

      Avant de monter au Temple, le pharisien était passé chez les tenanciers des magasins et avait jeté un coup d’œil sur ces commerces qu’il avait vus remplis de marchandises et d’acheteurs. Il s’était réjoui, avait appelé le tenancier du lieu et lui avait dit :

      “ Je vois que tes affaires prospèrent.

      – Oui, grâce à Dieu, je suis content de mon travail. J’ai pu augmenter le stock de marchandises, et j’espère faire encore mieux. J’ai amélioré le magasin ; l’an prochain, je n’aurai pas les dépenses de bancs et d’étagères et j’aurai donc un plus grand profit.

      – Bien ! Bien ! J’en suis heureux ! Combien paies-tu pour cet endroit ?

      – Cent didrachmes par mois. C’est cher, mais la situation est bonne… [3]

      – Tu l’as dit : la situation est bonne. Par conséquent, je double la redevance.

      – Mais, seigneur ! s’écria le marchand, de cette manière, tu m’enlèves tout profit !

      – C’est juste. Dois-je peut-être t’enrichir à mes dépens ? Vite ! Ou bien tu me donnes tout de suite deux mille quatre cents didrachmes [4], ou bien je te mets dehors, et je prends la marchandise. Ce lieu est à moi, et j’en fais ce que je veux. ”

      Ainsi fit-il pour le premier, le second, le troisième de ses tenanciers, doublant pour tous la redevance, restant sourd à toute prière. Comme le troisième, chargé de famille, voulait résister, il appela les gardes et fit poser les scellés en jetant le malheureux dehors.

      De retour dans son palais, il examina les registres des intendants pour trouver de quoi les punir comme paresseux et s’accaparer la part qu’ils s’étaient réservée de droit. L’un d’eux avait son fils mourant et, à cause de ses nombreuses dépenses, il avait vendu une partie de son huile pour payer les remèdes. Il n’avait donc rien à donner au maître exigeant.

      “ Aie pitié de moi, maître. Mon pauvre fils va mourir, et ensuite je ferai des travaux supplémentaires pour te rembourser ce qui te semble juste. Mais maintenant, tu le comprends, je ne peux pas payer.

      – Tu ne peux pas ? Je vais te faire voir si tu peux ou si tu ne peux pas ! ”

      Et étant allé au pressoir avec le pauvre intendant, il enleva le reste d’huile que l’homme s’était réservé pour sa misérable nourriture et pour alimenter la lampe qui lui permettait de veiller son fils pendant la nuit.

      Le publicain, de son côté, était allé chez son supérieur et, après avoir versé les impôts perçus, il s’entendit dire :

      “ Mais il manque ici trois cent soixante as [5]. Comment cela se fait-il ?

      – Voilà, je vais te l’expliquer : dans la ville, il y a une veuve qui a sept enfants. Seul le premier est en âge de travailler, mais il ne peut s’éloigner de la rive avec la barque parce que ses bras sont encore faibles pour la rame et la voile, et il ne peut payer un employé de barque. Restant près de la rive, il prend peu de poissons, et sa pêche suffit à peine pour nourrir ces huit malheureuses personnes. Je n’ai pas eu le cœur d’exiger la taxe.

      – Je comprends, mais la loi c’est la loi. Malheur, si on savait qu’elle a pitié ! Tout le monde trouverait des raisons pour ne pas payer. Que le jeune change de métier et vende la barque s’ils ne peuvent pas payer.

      – C’est leur pain pour l’avenir… et c’est le souvenir de leur père.

      – Je comprends, mais on ne peut transiger.

      – C’est bien. Mais moi, je ne puis penser à huit malheureux privés de leur unique bien. Je paie de ma bourse les trois cent soixante as. ”

      523.8 Cela fait, les deux hommes montèrent au Temple. En passant dans la salle du Trésor, le pharisien tira avec ostentation de son sein une bourse volumineuse et il la secoua jusqu’au dernier sou dans le Trésor. Dans cette bourse se trouvait l’argent pris en plus aux commerçants et le prix de l’huile enlevée à l’intendant et aussitôt vendue à un marchand. Le publicain, de son côté, jeta une poignée de piécettes après avoir gardé ce qui lui était nécessaire pour retourner chez lui. L’un et l’autre donnèrent donc ce qu’ils avaient et même, en apparence, le plus généreux était le pharisien, car il avait donné jusqu’au dernier sou qu’il avait sur lui. Cependant, il faut savoir qu’il avait encore de l’argent dans son palais et qu’il avait des crédits ouverts auprès des riches changeurs.

      De là, ils allèrent devant le Seigneur. Le pharisien, tout en avant près de la limite de la Cour des Juifs, vers le Saint ; le publicain, tout au fond, presque sous la voûte qui menait dans la Cour des Femmes, restait courbé, accablé par la pensée de sa misère par rapport à la Perfection divine. Et ils priaient l’un et l’autre.

      Le pharisien, tout droit, presque insolent, comme s’il était le maître du lieu et comme si c’était lui qui daignait rendre hommage à un visiteur, disait :

      “ Voici que je suis venu te vénérer dans la Maison qui est notre gloire. Je suis venu, bien que je sente que tu es en moi, car je suis juste. Je sais l’être. Cependant, bien que je sache que c’est par mon mérite que je le suis, je te remercie, comme la loi le prescrit, de ce que je suis. Je ne suis pas rapace, injuste, adultère, pécheur comme ce publicain qui, en même temps que moi, a jeté quelques sous dans le Trésor. Moi, tu l’as vu, j’ai donné tout ce que j’avais sur moi. Cet avare, au contraire, a fait deux parts et il t’a donné la plus petite. Il va certainement garder l’autre pour faire bombance et pour les femmes. Mais moi, je suis pur. Je ne me contamine pas, moi. Je suis pur et juste, je jeûne deux fois par semaine, je paie la dîme sur tout ce que je possède. Oui, je suis pur, juste et béni, car je suis saint. Gardes-en le souvenir, Seigneur. ”

      Le publicain, dans son coin éloigné, n’osait lever les yeux vers les portes précieuses du hécal et, en se frappant la poitrine, il priait ainsi :

      “ Seigneur, je ne suis pas digne de me tenir dans ce lieu. Mais tu es juste et saint et tu me le permets encore, car tu sais que l’homme est pécheur et que s’il ne vient pas vers toi, il devient un démon. Oh ! mon Seigneur ! Je voudrais t’honorer nuit et jour, mais je dois sans cesse être l’esclave de mon travail : c’est un travail rude qui m’humilie, parce qu’il cause la douleur de mon prochain le plus malheureux, mais il me faut obéir à mes supérieurs, parce que c’est mon gagne-pain. Fais, mon Dieu, que je sache accommoder le devoir envers mes supérieurs, avec la charité envers mes pauvres frères, pour qu’en mon travail je ne trouve pas ma condamnation. Tout travail est saint, s’il est fait avec charité. Garde ta charité toujours présente en mon cœur, pour que le misérable que je suis sache avoir pitié de ceux qui me sont soumis, comme tu as pitié de moi, grand pécheur. J’aurais voulu t’honorer davantage, Seigneur, tu le sais. Mais j’ai pensé que prendre l’argent destiné au Temple pour soulager huit cœurs malheureux valait mieux que le verser au Trésor et puis faire verser des larmes de désolation à huit innocents malheureux. Pourtant, si je me suis trompé, fais-le-moi comprendre, Seigneur : je te rendrai jusqu’au dernier sou et je retournerai au village à pied en mendiant mon pain. Fais-moi comprendre ta justice. Aie pitié de moi, Seigneur, car je suis un grand pécheur. ” 523.9 Voilà la parabole.

      En vérité, en vérité je vous dis que le pharisien sortit du Temple avec un nouveau péché ajouté à ceux déjà faits avant de monter au mont Moriah, alors que le publicain en sortit justifié, et la bénédiction de Dieu l’accompagna à sa maison et y demeura : il s’était en effet montré humble et miséricordieux, et ses actes avaient été encore plus saints que ses paroles. En revanche, le pharisien n’était bon qu’en paroles et extérieurement, alors qu’en son intérieur, il était l’ouvrier de Satan et accomplissait ses œuvres par orgueil et dureté de cœur, et Dieu le haïssait pour ce motif.

      Celui qui s’exalte sera toujours, tôt ou tard, humilié. Si ce n’est pas ici, ce sera dans l’autre vie. Celui qui s’humilie sera exalté particulièrement là-haut au Ciel où on voit les actions des hommes dans leur vérité.

      Viens, Zachée, Venez, vous qui êtes avec lui et vous aussi, mes apôtres et disciples. Je vais vous parler encore en particulier. »

      Et, s’enveloppant dans son manteau, il revient dans la maison de Zachée.



[1] Grand port de l'Asie mineure (Anatolie). Région sud-ouest bordée par la Lydie, la Phrygie et la Lycie. Saint Paul y fera une escale. C'est la patrie de Thalès et de Démocrite.

[2] Il prêchait non loin de là.

[3] 6 mois et demi d'un salaire de journalier.

[4] Soit 13 années de salaire minimum.

[5] Moins d'un mois de salaire minimum.


*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-220.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/parabole-du-pharisien-et-du-publicain.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par sofoyal Mer 3 Mar - 0:05

Bonjour!
Dans le passage qui relatera la rencontre,
on entendra de cette Sabéa de Betléchi de bien belles paroles prophétiques sur le Christ,
Comme celle ci: 
"Saint est l'Homme, mais mes genoux se plient 
devant le Saint des Saints renfermé dans l'Homme."


C'est souvent ce qui nous manque cruellement dans notre rapport au Christ.
Mieux discerner ce Saint des saints, qui se cachait dans l'homme,
Et par grâce imméritée, se tenir en sa présence  et près de Lui,
Que le seigneur nous en fasse à tous la grâce, 
et qu'elle dure jusqu'à la fin de notre pèlerinage.


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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 3 Mar - 20:42

Merci pour ta belle réflexion, @sofoyal.

Oui, la Divinité de Jésus est cachée dans son humanité, mais elle existe bel et bien.
Et avec Lui se trouvent aussi le Père et l'Esprit.

Dans une dictée à Maria Valtorta, Azarias, son ange gardien, lui dit d'ailleurs que Jésus est la synthèse des Trois Personnes de la Trinité.

On peut donc se dire véritablement que, quand on se met en sa présence, on est véritablement devant le Saint des Saints, et rien que cette pensée devrait nous remplir d'adoration pour Jésus, qui s'est fait homme par amour pour nous.

En tout cas, merci pour ton message et pour avoir mis cet extrait de Sabéa, qui est très beau Wink

Fraternellement,
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 3 Mar - 20:46

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

524. A Jéricho. Dans la maison de Zachée avec les pécheurs convertis

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 221.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 524.

Le 3 novembre 1946

Samedi 10 novembre 29
Jéricho


      524.1 Ils sont tous rassemblés dans une pièce vaste et nue. Elle a sûrement dû être belle auparavant, mais ce n’est plus aujourd’hui qu’un grand local. Ils ont apporté des sièges et des lits pris dans les salles à manger ou dans les chambres à coucher, et se sont tous assis autour du Maître qu’ils ont installé sur une sorte de fauteuil tout en bois sculpté couvert d’un tapis de haute lice. C’est le meuble le plus luxueux de la maison.

      Zachée parle d’un domaine acheté avec l’argent recueilli à eux tous :

      « Il nous fallait bien faire quelque chose ! L’oisiveté n’est pas un bon remède pour ne pas pécher. C’est une terre encore peu fertile car elle avait été négligée, comme nous, et comme nous elle était pleine de ronces, de pierres, de lieux arides et d’herbes nuisibles. Nikê nous a prêté ses serviteurs paysans pour nous apprendre comment dégager les puits négligés, nettoyer les champs, tailler les rares arbres qu’il y avait et en planter de jeunes. Nous connaissions beaucoup de choses… mais pas les saints labeurs de l’homme. Mais dans ce travail, si nouveau pour nous, nous trouvons vraiment une vie nouvelle. Rien ne rappelle le passé autour de nous, si ce n’est notre conscience, mais c’est une bénédiction… Nous sommes des pécheurs… Viendras-tu le voir ?

      – Nous sortirons ensemble d’ici pour nous diriger vers le Jourdain, et je m’arrêterai à cet endroit. Tu me dis qu’il se trouve justement sur la route du fleuve ?

      – Oui, Maître, mais c’est en mauvais état. La maison tombe en ruines, et elle est vide de meubles. Nous n’avions pas d’argent pour tout… après avoir, dans la mesure du possible, réparé nos manquements au prochain. Ces hommes se contentent du foin, sauf Démétès, Valens et Lévi, qui sont trop âgés pour certaines privations et qui couchent ici, Seigneur.

      – Bien des fois, je n’ai pas même cela. Je dormirai sur le foin, moi aussi, Zachée. J’y ai passé mes premiers sommeils et ils étaient doux, car l’amour les veillait. Je peux y dormir encore cette fois, et mon sommeil ne sera pas tourmenté, car je serai parmi des hommes qui ont retrouvé la bonne volonté. »

      Et il dévisage, d’un regard qui est une caresse, ces prémices des rachetés de tous pays. Eux aussi le regardent… Ce ne sont pas des hommes qui ont les larmes faciles. Qui sait même combien de personnes ils ont fait pleurer ! Leurs visages sont autant de livres sur lequel est écrit leur passé malheureux, et si maintenant leur nouvelle vie voile la brutalité de ces paroles, on peut cependant encore assez les déchiffrer pour voir de quels gouffres ils remontent vers la lumière. Et pourtant ces visages s’éclairent, s’illuminent, leurs regards prennent de l’assurance, une lueur d’espérance surnaturelle, de satisfaction morale y brille quand ils entendent le Maître leur dire qu’ils sont revenus à la bonne volonté.

      524.2 Zachée dit :

      « Alors tu approuves tout ce que j’ai fait ? Vois, Maître, j’avais dit ce jour-là : “ Je te suivrai ”, et je voulais vraiment te suivre matériellement. Mais, justement ce soir-là, Démétès vint chez moi me proposer… un de ses infâmes marchés… et il avait besoin d’argent. Il arrivait de Jérusalem… : on la dit sainte, mais on y trouve toutes sortes de hontes, et les premiers à vouloir cette honte sont des gens qui ensuite nous lapident comme si nous étions lépreux… Mais ce sont nos péchés que je dois avouer, et non les leurs. Je n’avais plus d’argent, je t’avais tout donné. Même ce qui restait encore chez moi pouvait être considéré comme déjà donné, car j’avais déjà fait les parts que je devais rendre à ceux à qui je l’avais soutiré par l’usure. Je lui ai répondu : “ Je n’ai pas d’argent, mais ce que je possède a plus de valeur que tous les trésors. ” Et je lui ai raconté ma conversion, tes paroles, la paix qui était en moi… J’ai tant parlé, que je n’avais pas fini quand la lumière du jour nouveau est entrée pour blanchir les visages et rendre les lampes inutiles. J’ai oublié ce que j’ai dit exactement. Je sais que Démétès a donné un grand coup de poing sur la table près de laquelle nous étions assis, et il s’est écrié : “ Mercure a perdu un de ses disciples et les satyres un compagnon. Prends aussi cet argent : il n’y en avait pas suffisamment pour le crime, mais assez pour donner du pain à un mendiant, et prends-moi avec toi. Je veux connaître un parfum après tant de puanteurs. ” Et il est resté.

      Nous sommes allés ensemble à Jérusalem, moi pour vendre des objets, lui pour se libérer de tout… engagement. Et en revenant j’ai dit… — j’avais prié au Temple, depuis si longtemps, avec le cœur pur et pacifié d’un enfant — je me suis dit à moi-même : “ Est-ce que, pour suivre le Maître, il ne vaut pas mieux rester à Jéricho où mes malheureux amis publicains, tenanciers de tripots, maquereaux, usuriers, surintendants de galériens et de forçats, d’esclaves, tortionnaires de toutes les misères, soldats sans loi ni pitié, noceurs pour oublier leurs remords dans l’ivresse, viennent me trouver pour employer leur argent maudit, me proposer des affaires, ou m’inviter à des banquets et autres souillures infâmes ? La ville me méprise. Les Hébreux me tiennent toujours pour pécheur, mais eux, non. Eux, ils sont comme moi. Ils sont impurs, mais peuvent avoir en eux quelque chose qui les pousse au bien, et ils ne trouvent personne pour leur tendre une main secourable. Moi, je les ai aidés dans le mal. Peut-être ont-ils péché aussi à cause de mes conseils, de ce que je leur ai demandé parfois. J’ai le devoir de les aider pour venir au bien. De même que j’ai rendu à ceux à qui j’avais fait tort, de même que j’ai réparé pour mes concitoyens, je dois chercher à réparer envers eux. ”

      Je suis donc resté ici. Ils sont venus, tantôt l’un, tantôt l’autre, de cette ville ou d’une autre, et je leur ai parlé. Tous n’ont pas réagi comme Démétès. Certains se sont enfuis en me méprisant, d’autres ont tergiversé, d’autres encore se sont arrêtés, mais après quelque temps sont retournés à leur enfer. Ceux-là sont restés. Et désormais, je sens que je dois te suivre ainsi, que nous devons te suivre ainsi, pour lutter contre nous-mêmes, pour supporter les mépris

      du monde qui ne sait pas nous pardonner. 524.3 Les larmes du cœur ne manquent pas, quand nous voyons que le monde ne pardonne pas, quand les souvenirs nous reviennent… et ils sont si nombreux et si pénibles… Chez certains, ils sont…

      – L’horrible Némésis [1] qui nous reproche nos crimes et qui nous promet la vengeance outre-tombe, dit l’un d’eux.

      – Ce sont les lamentations de ceux qui étaient épuisés et que j’ai frappés pour les faire travailler.

      – Ce sont les malédictions de ceux que j’ai réduits en esclavage après avoir pris tous leurs biens par l’usure.

      – Ce sont les supplications des veuves et des orphelins qui ne pouvaient pas payer et auxquels j’ai confisqué, au nom de la loi, leurs dernières ressources.

      – Ce sont les férocités accomplies dans les pays conquis sur des gens désarmés, terrorisés par la défaite.

      – Ce sont les larmes de ma mère, de ma femme, de ma fille, mortes de privations, alors que je gaspillais tout en festins.

      – Ce sont… Oh ! pour moi, c’est le crime sans nom ! Seigneur, moi je n’ai pas de sang sur les mains, je n’ai pas dérobé d’argent, je n’ai pas imposé de gabelles exagérées, d’intérêts usuraires, je n’ai pas frappé les vaincus, mais j’ai exploité toutes les misères, je me suis enrichi sur les filles innocentes des vaincus, sur des orphelines, sur des femmes vendues pour une bouchée de pain comme de la marchandise. J’ai fait le tour du monde pour saisir ces occasions, derrière les armées, là où il y avait de la disette, là où le débordement d’un fleuve avait enlevé toute nourriture, là où une épidémie avait laissé de jeunes vies sans protection, et j’en ai fait un trafic, une infâme et pourtant innocente marchandise. Infâme pour moi qui en retirais de l’argent, innocente car elle n’en connaissait pas encore l’horreur. Seigneur, j’ai sur les mains la virginité de fillettes déshonorées, et l’honneur de jeunes épouses prises dans les villes conquises. Mes magasins… et mes lupanars étaient célèbres, Seigneur. Ne me maudis pas, maintenant que tu sais !… »

      524.4 Les apôtres se sont involontairement écartés du dernier qui a parlé. Jésus se lève et s’approche de lui. Il lui pose la main sur l’épaule et lui dit :

      « C’est vrai ! Ton crime est grand. Tu as beaucoup à réparer. Mais moi, la Miséricorde, je t’affirme que, même si tu étais le démon en personne et si tu avais commis tous les crimes de la terre, si tu le veux, tu peux tout réparer et être pardonné par Dieu, par le Dieu vrai, grand et paternel. Si tu le veux. Unis ta volonté à la mienne. Moi aussi, je veux que tu sois pardonné. Unis-toi à moi. Donne-moi ta pauvre âme déshonorée, ruinée, couverte de cicatrices et avilie, depuis que tu as abandonné le péché. Je la mettrai dans mon cœur, là où je mets les plus grands pécheurs, et je l’emmènerai avec moi dans le Sacrifice rédempteur. Le sang le plus saint, celui de mon cœur, le dernier sang de celui qui sera consumé pour les hommes, se répandra sur les plus grandes ruines et les régénérera. Pour le moment, garde l’espérance, une espérance plus grande que ton crime immense, dans la miséricorde de Dieu, car elle est sans bornes, ô homme, pour qui sait se confier à elle. »

      L’homme voudrait bien prendre et baiser cette main posée sur son épaule, si pâle et si décharnée sur son vêtement brun, et sur son épaule robuste, mais il n’ose pas. Jésus le comprend et il lui présente la main en disant :

      « Baise sa paume, homme. Je retrouverai ce baiser pour guérir une de mes tortures. Main baisée, main blessée. Baisée par amour, blessée par l’amour. Ah ! si tous savaient embrasser la grande Victime, et qu’elle meure dans son vêtement de plaies en sachant que dans chacune se trouvent les baisers, les affections de tous les hommes rachetés ! »

      Il appuie la paume de sa main sur les lèvres rasées de l’homme que, à mille détails, je crois romain. Il l’y tient jusqu’à ce que l’homme s’en détache, comme rassasié, après avoir éteint la brûlure de ses remords en buvant la miséricorde du Seigneur dans le creux de la main divine.

      524.5 Jésus revient à sa place et, en passant, pose sa main sur la chevelure bouclée d’un tout jeune homme. Je lui donnerais tout au plus vingt ans, peut-être moins. Lui n’a jamais parlé. Il est certainement de race hébraïque. Jésus l’interroge :

      « Et toi, mon fils, tu ne dis rien à ton Sauveur ? »

      Le jeune homme lève la tête et le regarde… Ce regard parle de lui-même. C’est une histoire de douleur, de haine, de repentir, d’amour.

      Jésus, un peu penché sur lui, les yeux dans les yeux du jeune, y lit quelque histoire muette et il dit :

      « C’est pour cela que je t’ai appelé “ mon fils ”. Tu n’es plus seul. Pardonne à tous ceux de ton sang et aux étrangers, comme Dieu te pardonne. Et aime l’Amour qui t’a sauvé. Viens un moment avec moi, je veux te dire un mot en particulier. »

      Le jeune homme se lève et le suit. Quand ils sont seuls, Jésus reprend :

      « Je veux te dire ceci, mon fils. Le Seigneur t’a beaucoup aimé, bien que cela n’apparaisse pas à un jugement superficiel. La vie t’a beaucoup éprouvé. Les hommes t’ont fait grandement tort. L’une et les autres pouvaient faire de toi une ruine irréparable. Derrière eux, il y avait Satan qui était envieux de ton âme, mais sur toi, il y avait l’œil de Dieu, et cet œil béni a arrêté tes ennemis. Son amour a mis Zachée sur ta route et, avec Zachée, moi qui te parle. Maintenant, moi qui te parle, je te dis que tu dois trouver dans cet amour tout ce que tu n’as pas eu, tu dois oublier tout ce qui t’a aigri, et pardonner, pardonner à ta mère, pardonner à ton maître infâme, te pardonner à toi-même. N’aie pas pour toi une mauvaise haine, mon fils. Eprouve de la haine pour le temps où tu as péché, mais pas pour ton âme qui a su quitter ce péché. Que ta pensée soit pour ton esprit une bonne amie et, qu’ensemble, ils atteignent la perfection.

      – Parfait, moi !

      – Tu as entendu ce que j’ai dit à cet homme ? Et pourtant, lui est descendu au fond de l’abîme !… 524.6 Et merci, mon fils !

      – De quoi, mon Seigneur ? C’est à moi de te remercier…

      – De n’avoir pas voulu aller chez ceux qui achètent des hommes pour me trahir.

      – Oh ! Seigneur ! Comment aurais-je pu le faire, sachant que tu ne nous méprises pas, même nous, les voleurs ? J’étais moi aussi parmi ceux qui t’ont apporté l’agneau au Carit [2]. L’un de nous, qui est maintenant dans les mains des Romains — c’est du moins ce que l’on dit ; ce qui est certain, c’est que bien avant la fête des Tentes on ne l’a plus vu dans les refuges de voleurs —, m’a rapporté tes paroles dans une vallée près de Modin… Car alors, je n’étais pas encore avec les voleurs. J’y suis allé à la fin du dernier mois d’Adar et je les ai quittés au commencement d’Etanim. Mais je n’ai rien fait qui mérite ton remerciement. Tu étais bon. J’ai voulu être bon. Et avertir l’un de tes amis… puis-je appeler ainsi Zachée ?

      – Oui, tu le peux. Tous ceux qui m’aiment sont mes amis. Toi aussi, tu l’es.

      – Oh !… j’ai voulu l’avertir pour que tu fasses attention à toi. Mais un avertissement ne mérite pas un merci…

      – Je te le répète : c’est parce que tu ne t’es pas vendu contre moi que je te remercie. C’est cela qui a de la valeur.

      – Pas l’avertissement ?

      – Mon fils, rien ne pourra empêcher la Haine de m’assaillir. As-tu jamais vu un torrent qui déborde ?

      – Oui, j’étais près de Jabès Galaad et j’ai vu les dégâts provoqués par le fleuve sorti de son lit avant d’arriver au Jourdain.

      – Est-ce que quelque chose a pu arrêter les eaux ?

      – Non, elles ont tout recouvert et dévasté, elles ont même renversé des maisons.

      – Ainsi en est-il de la Haine. Mais elle ne me renversera pas. J’en serai submergé, mais non détruit. Et à l’heure très amère, l’amour de celui qui n’a pas voulu haïr l’Innocent sera mon réconfort, ma lumière dans les ténèbres de cette heure de ténèbres, ma douceur dans la coupe de vin mêlée de fiel et de myrrhe.

      – Toi ?… Tu parles de toi comme si… Une telle coupe, c’est pour les voleurs, pour celui qui va à la mort de la croix. Mais toi, tu n’es pas un voleur ! Tu n’es pas coupable ! Tu es…

      – Le Rédempteur. Donne-moi un baiser, mon fils. »

      II lui prend la tête entre ses mains et dépose un baiser sur son front, puis il se penche pour recevoir le baiser du jeune homme. C’est un baiser timide qui effleure tout juste la joue décharnée… Puis le jeune tombe en pleurant sur la poitrine de Jésus.

      « Ne pleure pas, mon fils ! Je suis sacrifié par l’amour. Et c’est toujours un doux sacrifice, même si c’est une torture pour la nature humaine. »

      Il le tient dans ses bras jusqu’à ce que ses larmes cessent, puis revient en le tenant près de lui, par la main, à la place qu’occupait Pierre auparavant.

      524.7 Il recommence à parler :

      « Pendant que nous prenions notre repas, l’un d’entre vous, qui n’est pas du peuple d’Israël, m’a dit qu’il voulait me demander une explication. Qu’il le fasse maintenant, parce que nous devrons bientôt retourner parmi les gens, et ensuite nous quitter.

      – C’est moi qui ai dit cela. Mais plusieurs désirent connaître ta réponse. Zachée ne sait pas bien l’expliquer, pas plus que d’autres d’entre nous qui sont de ta religion. Nous avons interrogé tes disciples quand ils sont passés par ici, mais ils ne nous ont pas répondu avec clarté.

      – Que veux-tu donc savoir ?

      – Nous ne savions même pas que nous avions une âme. C’est-à-dire… nous au moins aurions dû le savoir, car nos anciens… Mais nous ne lisions plus les anciens. Nous étions des bêtes… Et nous ne savions plus ce qu’est cette âme. Maintenant encore, nous l’ignorons. Qu’est-ce que l’âme ? La raison peut-être ? Nous ne le croyons pas, parce que, dans ce cas, nous aurions été sans elle, or nous avons entendu dire que, sans l’âme, il n’y a pas de vie. Qu’est donc l’âme que l’on nous dit incorporelle, et immortelle, si ce n’est pas la raison ? La pensée est incorporelle, mais elle n’est pas immortelle, car elle cesse avec notre vie. Même l’homme le plus sage ne pense plus après la mort.

      – L’âme n’est pas la pensée, homme. L’âme, c’est l’esprit, le principe immatériel de la vie, le principe impalpable, mais véritable, qui anime tout l’homme et perdure après lui. C’est pour cela qu’elle est dite immortelle. Elle est tellement sublime que la pensée, même la plus puissante, n’est rien en comparaison. La pensée a une fin, mais l’âme, bien qu’elle ait un commencement, n’a pas de fin. Bienheureuse ou damnée, elle continue d’exister. Bienheureux ceux qui savent la garder pure ou la faire redevenir pure après l’avoir polluée, pour la rendre à son Créateur comme il l’a donnée à l’homme pour animer son humanité.

      – Mais est-elle en nous, ou au-dessus de nous, comme l’œil de Dieu ?

      – En nous.

      – Prisonnière jusqu’à la mort, alors ? Esclave ?

      – Non : reine. Dans la pensée éternelle, l’âme, l’esprit, est la perle qui règne dans l’homme, dans cet animal créé que l’on appelle : homme. Elle est venue du Roi et Père de tous les rois et pères, son souffle et son image, son don et son droit, et elle a pour mission de faire de la créature appelée homme, un roi du grand royaume éternel, de faire de la créature humaine un élu au-delà de la vie, un “ vivant ” dans la Demeure du très sublime, unique Dieu ; créée reine, elle a l’autorité et le destin d’une reine. Ses suivantes, ce sont toutes les vertus et facultés de l’homme, son ministre la bonne volonté de l’homme, son intendant, la pensée de l’homme. C’est par l’esprit que la pensée acquiert puissance et justice, obtient vérité et sagesse, et peut s’élever à une perfection royale. Une pensée privée de la lumière de l’esprit aura toujours des lacunes et des ténèbres, et ne pourra jamais comprendre les vérités. En effet, pour celui qui est séparé de Dieu après avoir perdu la royauté de l’âme, ces vérités sont plus incompréhensibles que des mystères. Sa pensée sera aveugle, elle sera infirme, s’il lui manque le point d’appui du levier indispensable pour comprendre, pour s’élever en quittant la terre et en s’élançant vers les hauteurs, à la rencontre de l’Intelligence, de la Puissance, de la Divinité en un mot. 524.8 C’est à toi que je m’adresse, Démétès, parce que tu n’as pas toujours été seulement un changeur, et tu peux comprendre, et expliquer aux autres.

      – Tu es vraiment un voyant, Maître. Non, je n’ai pas été seulement un changeur… Cela a même été le dernier degré de ma descente… Dis-moi, Maître : si l’âme est reine, pourquoi donc ne règne-t-elle pas et ne dompte-t-elle pas la pensée et la chair mauvaises de l’homme ?

      – Dompter ne respecterait pas la liberté et ne laisserait pas place au mérite, ce serait de l’oppression.

      – Mais la pensée et la chair accablent souvent l’âme — je parle de moi, de nous —, et la rendent trop souvent esclave. C’est pour cela que je disais qu’elle était en nous esclave. Comment Dieu peut-il permettre qu’une perle si sublime — tu l’as qualifiée de “ souffle de Dieu et son image ” — soit avilie par ce qui est inférieur ?

      – La Pensée divine était que l’âme ne connaisse pas l’esclavage. Mais oublies-tu l’ennemi de Dieu et de l’homme ? Les esprits infernaux vous sont connus à vous aussi.

      – Oui, et tous avec des désirs cruels. Pour mon compte, je puis dire, en me rappelant l’enfant que j’étais, que c’est seulement à ces esprits infernaux que je peux attribuer l’homme que je suis devenu et que j’ai été jusqu’au seuil de la vieillesse. Maintenant, je retrouve l’enfant égaré d’alors. Mais pourrai-je me rendre assez enfant pour revenir à la pureté de cette époque ? Est-il permis de remonter le temps ?

      – Pas besoin de retourner en arrière. Tu ne pourrais le faire. Le temps écoulé ne revient plus. On ne peut le faire renaître et on ne peut y revenir. Mais ce n’est pas nécessaire.

      524.9 Certains d’entre vous proviennent de régions où l’on connaît la théorie de l’école pythagoricienne. C’est une théorie erronée. Les âmes, une fois passé leur séjour sur la terre, ne reviennent plus jamais ici-bas dans aucun corps. Pas dans un animal, car il ne convient pas que quelque chose d’aussi surnaturel, habite dans une bête. Pas dans un homme, car comment le corps serait-il récompensé une fois réuni à l’âme au jugement dernier, si cette âme avait été revêtue de plusieurs corps ? On dit, chez ceux qui croient à cette théorie, que c’est le dernier corps qui a la jouissance, parce qu’au cours des purifications successives, au cours de vies successives, c’est seulement dans la dernière réincarnation que l’âme atteint une perfection qui mérite une récompense. C’est une erreur et une offense ! Une erreur et une offense envers Dieu, puisque c’est admettre qu’il n’a pu créer qu’un nombre limité d’âmes. Une erreur et une offense envers l’homme, puisque cela revient à le juger si corrompu qu’il mérite difficilement une récompense. Il ne sera pas tout de suite récompensé, il devra subir une purification après la vie, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, mais la purification prépare à la joie. Aussi celui qui se purifie est déjà quelqu’un de sauvé. Et une fois sauvé, il jouira de cette récompense avec son corps après le dernier Jour. Il ne pourra avoir qu’un seul corps pour son âme, qu’une seule vie ici-bas, et c’est avec le corps que lui ont fait ceux qui l’ont procréé, et avec l’âme que le Créateur lui a créée pour vivifier sa chair, qu’il jouira de sa récompense.

      524.10 Il n’est pas permis de se réincarner, pas plus qu’il n’est possible de remonter le temps. Mais se recréer par un mouvement d’une libre volonté, oui, c’est accordé : Dieu bénit cette volonté et l’aide. Vous tous l’avez eue. Voilà alors que, sous le bain du repentir, l’homme pécheur, vicieux, souillé, criminel, voleur, dépravé, corrupteur, homicide, sacrilège, adultère, renaît spirituellement, détruit la substance corrompue du vieil homme, disperse le moi mental encore plus perverti, comme si la volonté de se racheter était un acide qui attaque et détruit l’enveloppe malsaine où se cache un trésor, et met à nu son esprit purifié, redevenu sain, revêtu d’une nouvelle pensée, d’un nouveau vêtement d’enfant pur, bon. C’est un vêtement qui peut s’approcher de Dieu, qui peut couvrir dignement l’âme recréée, la garder et l’aider jusqu’à sa supercréation, la sainteté achevée qui, demain — un lendemain peut-être lointain, si on le mesure à l’aune du temps humain, très proche si on le contemple par la pensée de l’éternité — sera glorieuse dans le Royaume de Dieu.

      Et tous peuvent, s’ils le veulent, recréer en eux-mêmes le pur enfant de leurs premières années, l’enfant affectueux, humble, franc, bon, que sa mère serrait sur son sein, que son père regardait avec fierté, que l’ange de Dieu protégeait et que Dieu contemplait avec amour.

      Vos mères ! Elles étaient peut-être des femmes de grande vertu… Dieu ne laissera pas leur vertu sans récompense. Faites donc en sorte d’en avoir une pareille pour vous réunir à elles, quand il y aura pour tous les vertueux une seule récompense : le Royaume de Dieu pour les bons. Il est possible qu’elles n’aient pas été bonnes et qu’elles aient contribué à votre malheur. Mais si elles ne vous ont pas aimés, si vous ne connaissez pas l’amour, si cette absence d’amour vous a rendus mauvais, maintenant qu’un Amour divin vous a recueillis, soyez saints, pour pouvoir dans une joie céleste jouir de l’Amour qui surpasse tout amour.

      524.11 Avez-vous une autre question à poser ?

      – Non, Seigneur. Nous avons tout à apprendre, mais pour le moment, nous ne voyons rien d’autre…

      – Je vais vous laisser Jean et André pour quelques jours. Ensuite, je vous enverrai des disciples bons et sages. Je veux que les poulains sauvages connaissent les voies du Seigneur et ses pâturages, tout comme ceux d’Israël, car je suis venu pour tous et je les aime tous de la même manière. Levez-vous et allons. »

      Et il sort le premier dans le jardin défriché, suivi de près par les siens qui se plaignent doucement ;

      « Maître, tu leur as parlé comme tu parles rarement à ceux que tu as choisis…

      – Et vous vous en plaignez ? Ne savez-vous pas que c’est ainsi que l’on fait aussi dans le monde quand on veut conquérir quelqu’un que l’on aime ? Mais avec ceux dont nous savons qu’ils nous aiment de tout leur être, et qu’ils sont désormais de notre famille, il n’est pas besoin de l’art de la conquête. Il suffit de se voir pour être les uns dans les autres, dans la joie et la paix » répond Jésus avec un sourire divin, vraiment divin, tant il communique de joie.

      Et les apôtres ne se plaignent plus, et même ils le regardent d’un air heureux en se perdant dans l’allégresse de l’amour mutuel.

      Et, s’enveloppant dans son manteau, il revient dans la maison de Zachée.


[1] Déesse de la Vengeance dans la mythologie grecque.

[2]J'étais moi aussi parmi ceux... comme on le voit en 380.3 ; tes paroles... près de Modin, dans un épisode de l'année précédente, en 223.6/8.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-221.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/dans-la-maison-de-zachee-avec-les-pecheurs-convertis.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 4 Mar - 21:05

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

525. Les prophéties de Sabéa de Betléchi. Jésus se prononce sur elle.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 222.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 525.

Le 5 novembre 1946

Dimanche 11 novembre 29
Jéricho


      525.1 C’est une bien pauvre exploitation qui sert à faire vivre le groupe hétérogène des amis de Zachée [1]. Surtout maintenant que c’est l’hiver, elle est loin de réjouir le cœur. Ils l’aiment pourtant, et c’est avec fierté qu’ils la montrent à Jésus : les trois champs de blé, labourés et bruns, le verger avec quelques arbres de bon rapport, d’autres encore trop jeunes pour qu’on puisse en attendre des fruits, quelques pauvres rangées de vignes, le potager… une petite étable où se trouvent une vache, et un âne pour la noria, un réduit avec quelques poules et cinq couples de colombes, six brebis, un taudis comprenant une cuisine et trois chambres, un hangar qui sert de bûcher, de débarras et de grenier à foin, un puits à la margelle ébréchée, et une citerne à l’eau croupie. Rien de plus.

      « Si la saison est favorable…

      – Si les bêtes ont des petits…

      – Si les jeunes arbres prennent bien racine… »

      Tout est au conditionnel… Ce sont des espoirs très précaires…

      Mais un homme se rappelle ce qu’il avait entendu dire, il y a quelques années : la prodigieuse récolte qu’avait eue Doras grâce à une bénédiction donnée par le Maître [2] pour que Doras soit plus humain avec ses serviteurs paysans, et il dit :

      « Et si tu bénissais ce lieu… Doras aussi était pécheur…

      – Tu as raison. Ce que j’ai accompli en sachant que je n’allais pas changer ce cœur, je l’accomplirai aussi pour vous, dont le cœur a changé. »

      Et il ouvre les bras pour bénir :

      « Je le fais immédiatement, car je veux vous convaincre de mon amour. »

      Puis ils reprennent leur route en direction du fleuve, en longeant des champs labourés dont la terre est grasse et noire, et des arbres fruitiers que la saison a dénudés.

      525.2 A un détour, voilà quelques pharisiens qui s’avancent :

      « Paix à toi, Maître. Nous t’avons attendu ici pour… te vénérer.

      – Non, pour vous assurer que je ne triche pas. Vous avez bien fait. Soyez persuadés que je n’ai pas eu moyen de voir la femme, ni aucun de ceux qui sont avec elle. Vous, toi et toi, étiez de garde à la maison de Zachée, et vous vous êtes rendu compte qu’aucun de nous n’en est sorti. Vous m’avez précédé sur ce chemin, et vous avez vu qu’aucun de nous n’est parti en avant. Vous avez le désir de m’imposer des conditions, pour l’entrevue avec cette femme, et je vous dis que je les accepte avant même que vous ne le fassiez.

      – Mais… si tu ne les connais pas…

      – N’est-il pas vrai que c’est votre intention ?

      – Si.

      – De même donc que je connais vos pensées intimes, je sais aussi ce que vous allez me dire, et je vous déclare que j’accepte ce que vous voulez me proposer : cela servira à glorifier la Vérité. Parlez.

      – Sais-tu ce dont il s’agit ?

      – Je sais que vous jugez cette femme possédée, mais qu’aucun exorciste n’a pu chasser le démon. Je sais pourtant qu’elle ne tient pas de propos démoniaques. C’est ce que disent ceux qui l’ont entendue parler.

      – Peux-tu jurer que tu ne l’as jamais vue ?

      – Le juste ne jure jamais, car il sait qu’il a le droit d’être cru sur parole. Je vous assure que je ne l’ai jamais vue et que je ne suis jamais passé par son village : tous les habitants peuvent le confirmer.

      – Pourtant, elle prétend connaître ton visage et ta voix.

      – En effet, son âme me connaît, de par la volonté de Dieu.

      – Tu dis “ de par la volonté de Dieu ”. Mais comment peux-tu l’affirmer ?

      – On m’a rapporté qu’elle dit des paroles inspirées.

      – Le démon aussi parle de Dieu.

      – Mais avec des erreurs mêlées à dessein, pour dévoyer les hommes dans des pensées erronées.

      525.3 – Eh bien… nous voudrions que tu nous laisses éprouver cette femme.

      – De quelle manière ?

      – Tu ne la connais vraiment pas ?

      – Je vous ai dit que non.

      – Alors voilà : nous envoyons quelqu’un en avant pour crier : “ Voici le Seigneur ”, et nous verrons si elle salue celui qui l’accompagne comme si c’était toi.

      – Quelle pauvre preuve ! Je l’accepte pourtant. Choisissez parmi ceux qui m’accompagnent les personnes que vous voulez envoyer en avant, et moi, je vous suivrai avec les autres. Cependant, si la femme parle, vous devez la laisser s’exprimer pour que je juge ses propos.

      – C’est juste. Le pacte est conclu et nous le tiendrons loyalement.

      – Qu’il en soit ainsi, et que cela serve à toucher votre cœur.

      – Maître, nous ne sommes pas tous des adversaires. Certains de nous sont indécis… et ont une volonté sincère de voir ce qui est vrai pour te suivre, dit un scribe.

      – C’est vrai. Et ils seront encore aimés de Dieu. »

      Les scribes examinent les apôtres et s’étonnent de l’absence de plusieurs, et en particulier de Judas, puis ils choisissent Jude et Jean. Ils prennent en plus le jeune voleur converti, qui est pâle et malingre et a une chevelure légèrement rousse, ceux, en somme, qui, par l’âge et la physionomie, ont des points communs avec le Maître.

      « Nous partons avec eux. Toi, reste ici avec nos compagnons et les tiens, et suis-nous dans un moment. »

      Ainsi font-ils.

      525.4 Ils sont déjà en vue des bois qui bordent le fleuve. Un soleil couchant d’hiver dore le sommet des arbres et répand une vive lumière jaune sur les personnes rassemblées près d’eux.

      « Voici le Messie ! Levez-vous ! Venez à sa rencontre ! » crient les scribes, qui ont pris de l’avance en coupant par un sentier. Celui-ci aboutit à un rouvre [3] gigantesque aux racines puissantes à demi découvertes, qui peuvent servir de sièges à ceux qui s’abritent près de son tronc.

      Le groupe de personnes rassemblées tout autour se retourne, se lève, s’ouvre et se sépare pour aller à la rencontre des arrivants. Près du tronc, il reste seulement trois scribes, Jean d’Ephèse, ainsi qu’un homme et une femme âgés, et encore une autre femme, assise sur une racine en saillie, dos au tronc, la tête penchée sur ses genoux enlacés par ses bras. Elle est toute couverte d’un voile violet si foncé qu’il paraît noir. Elle semble étrangère à tout, et le cri ne la fait pas bouger.

      Un scribe touche son épaule :

      « Le Maître est ici, Sabéa. Lève-toi et salue-le. »

      La femme ne répond pas, ne bouge pas.

      Les trois scribes se regardent et sourient ironiquement en faisant un signe entendu aux autres qui s’avancent. Et comme les personnes qui attendaient, ne voyant pas Jésus, s’étaient tues, eux et leurs compagnons crient plus fort que jamais, pour que la femme ne s’aperçoive pas de la supercherie.

      « Femme, dit un scribe à la vieille mère qui est avec la fille, toi, au moins, salue le Maître et demande à ta fille de le faire. »

      La femme se prosterne en même temps que son mari devant Jude, Jean et le voleur repenti. Puis, se levant, elle se tourne vers sa fille :

      « Sabéa, ton Seigneur est ici. Vénère-le. »

      La jeune femme ne bouge pas.

      Le sourire des scribes se fait encore plus ironique et l’un d’eux, maigre, avec un gros nez, nasille d’une voix traînante :

      « Tu ne t’attendais pas à cette épreuve, n’est-ce pas ? Et ton cœur tremble : tu sens que ton renom de prophétesse est en danger et tu ne tentes pas ta chance… Il me semble que cela suffit pour te déclarer menteuse… »

      Du coup, la femme relève la tête, elle rejette son voile en arrière et le regarde avec de grands yeux :

      « Je ne mens pas, scribe. Et je n’ai pas peur, car je suis dans la vérité. Où est le Seigneur ?

      – Comment ? Tu prétends le connaître, et tu ne le vois pas ? Il est devant toi !

      – Aucun d’eux n’est le Seigneur. C’est pour cela que je n’ai pas bougé. Aucun d’eux.

      – Aucun d’eux ? Comment ? Ce Galiléen blond, ce n’est pas le Seigneur ? Moi, je ne le connais pas, mais je sais qu’il est blond, avec des yeux bleu ciel.

      – Ce n’est pas le Seigneur.

      – Alors, cet autre, qui est grand et sévère. Regarde ces traits de roi ! C’est lui, certainement.

      – Non, ce n’est pas le Seigneur. Le Seigneur n’est pas parmi eux. »

      Et la femme baisse de nouveau la tête dans ses genoux comme avant.

      525.5 Après quelque temps, Jésus survient. Les scribes ont imposé le silence à la petite assistance. Aussi son arrivée n’est-elle trahie par aucun hosanna.

      Jésus s’avance entre Pierre et son cousin Jacques. Il marche lentement… Silencieusement… L’herbe touffue amortit tout bruit de pas. Pendant que la vieille femme essuie ses larmes avec son voile et qu’un scribe l’offense en disant : « Votre fille est folle et menteuse », pendant que le père soupire et fait même des reproches à sa fille, Jésus arrive au bout du sentier et s’arrête.

      La jeune femme, qui n’a rien pu entendre, qui n’a rien pu voir, bondit sur ses pieds, rejette son voile, découvrant ainsi toute sa tête, et tend les bras en s’écriant avec force :

      « Voilà mon Seigneur qui vient à moi ! C’est lui, le Messie, ô hommes qui espériez me tromper et m’humilier. Je vois sur lui la lumière de Dieu qui me l’indique, et je l’honore ! »

      Alors elle se jette au sol, mais en restant à sa place, à environ deux mètres de Jésus, le visage contre terre, dans l’herbe, et elle s’écrie :

      « Je te salue, Roi des peuples, admirable Prince de paix, Père du siècle sans fin, chef du nouveau peuple de Dieu ! » [4]

      Et elle reste prosternée, sous son ample manteau foncé, d’un violet presque noir, aussi noir que le voile.

      Puis elle se relève, et s’appuie debout contre le tronc sombre. Lorsqu’elle a rejeté son voile, elle est restée, les bras tendus en avant comme une statue ; cela m’a permis de voir qu’elle porte sous son manteau un habit de lourde laine d’un blanc d’ivoire, serré simplement par un cordon au cou et à la ceinture. Et surtout j’ai pu admirer sa beauté de femme d’âge mûr. Elle peut avoir environ trente ans, et trente ans en Palestine équivalent au moins à quarante des nôtres en général ; si la très sainte Marie fait exception à cette règle, pour les autres femmes, la maturité vient de bonne heure, surtout pour celles qui sont brunes de cheveux et de visage, et corpulentes comme celle-ci.

      C’est le type classique de la femme hébraïque. Je crois que Rachel, Ruth et Judith, célèbres pour leur beauté, devaient lui ressembler. Grande, plantureuse et pourtant élancée, la peau lisse et d’une pâleur brunâtre, la bouche petite aux lèvres un peu grosses d’un rouge vif, le nez droit, long et fin, deux yeux profonds, sombres, veloutés sous un arc de cils longs et fournis, un front haut, lisse, royal, un ovale plutôt allongé, et une chevelure d’ébène magnifique comme une couronne d’onyx. Sans être une merveille, elle a un corps de statue et une majesté de reine.

      525.6 Elle se met donc debout en s’appuyant contre le tronc noir, et présente ses mains longues, brunes, très belles, reliées au bras par un fin poignet. Elle observe le Maître en silence, secouant la tête parce que des scribes lui soufflent :

      « Tu te trompes, Sabéa. Le Messie, ce n’est pas lui, mais l’homme que tu as vu auparavant sans le reconnaître. »

      Elle secoue la tête, ferme, l’air sévère, et ne détache pas les yeux du Seigneur. Puis son visage se transfigure, en prenant une expression dont je ne sais dire si elle est de joie fervente ou de ravissement extatique. Elle tient de l’un et de l’autre. Elle paraît pâlir comme si elle était sur le point de s’évanouir, alors que toute la vie se concentre dans ses yeux, qui deviennent lumineux, d’une lumière de joie, de triomphe, d’amour… Je ne sais. Rient-ils, ces yeux ? Non, ils ne rient pas, pas plus que la bouche à l’expression sévère. Et pourtant, il y a en eux une lumière de joie, et ces yeux acquièrent de plus en plus une intensité puissante qui vous frappe.

      Jésus la regarde avec douceur et un peu de tristesse.

      « Tu vois bien que c’est une folle ? » lui murmure un scribe.

      Jésus ne répond pas. La main gauche pendant le long de son côté, la droite retenant son manteau sur la poitrine, il regarde et se tait.

      La femme étend les bras comme avant. On dirait un gigantesque papillon aux ailes violettes, et au corps de vieil ivoire. Et un nouveau cri sort de ses lèvres :

      « O Adonaï, tu es grand ! Toi seul es grand, ô Adonaï ! Tu es grand au Ciel et sur la terre, dans le temps et dans les siècles des siècles, et au-delà du temps, depuis toujours et pour toujours, ô Seigneur, Fils du Seigneur. Tes ennemis sont sous tes pieds, et l’amour de ceux qui t’aiment soutient ton trône. » [5]

      Sa voix se fait de plus en plus forte et assurée, tandis que ses yeux se détachent du visage de Jésus pour regarder dans le lointain, un peu au-dessus de la tête de ceux qui l’entourent et l’observent attentivement. Du fait qu’elle se tient debout contre le tronc du rouvre, qui est lui-même sur une levée de terre, elle les domine sans difficulté.

      Après une pause, elle reprend :

      « Le trône de mon Seigneur est orné de douze pierreries, celles des douze tribus des justes. Dans la grande perle qu’est le trône, le trône blanc et précieux resplendissant du très saint Agneau, sont enchâssés des topazes avec des améthystes, des émeraudes avec des saphirs, des rubis avec des sardoines, et des agates, des chrysolithes, des béryls, des onyx, des jaspes, des opales. Ceux qui croient, ceux qui espèrent, ceux qui aiment, ceux qui se repentent, ceux qui vivent et meurent en justes, ceux qui souffrent, ceux qui délaissent l’erreur pour la vérité, ceux qui étaient durs de cœur et sont devenus doux en son nom, les innocents, les repentis, ceux qui se dépouillent de tout afin d’être agiles pour suivre le Seigneur, les vierges à l’esprit resplendissant d’une lumière semblable à une aube du Ciel de Dieu… Gloire au Seigneur ! Gloire à Adonaï ! Gloire au Roi qui siège sur son trône ! » [6]

      Sa voix claironne. Les gens frémissent. La femme semble réellement voir ce qu’elle dit, comme si le nuage doré qui passe dans un ciel serein et qu’elle semble suivre des yeux, était pour elle une lentille qui lui permet de contempler avec ravissement les gloires célestes.

      525.7 Elle se repose, comme épuisée, mais sans changer d’attitude. Seul son visage se transfigure encore plus, accentuant la pâleur de sa peau et l’éclat du regard.

      Puis elle recommence à parler en baissant les yeux sur Jésus qui l’écoute attentivement, au milieu d’un cercle de scribes qui hochent la tête d’un air sceptique et ironique, et des apôtres et des fidèles que fait pâlir une émotion sacrée. Sa voix est distincte, mais moins forte :

      « Je vois ! Je vois dans l’Homme ce qui se cache dans l’Homme. Saint est l’Homme, mais je ploie les genoux devant le Saint des Saints enfermé dans l’Homme. »

      Puis sa parole redevient puissante, impérieuse comme un commandement :

      « Regarde ton Roi, peuple de Dieu ! Connais son visage ! La beauté de Dieu est devant toi. La sagesse de Dieu a pris une bouche pour t’instruire. Ce ne sont plus les prophètes, ô peuple d’Israël, qui te parlent de l’Innommable. C’est lui-même. Lui qui connaît le mystère qu’est Dieu, qui te parle de Dieu. Lui qui connaît la pensée de Dieu, qui t’attire sur son sein, ô peuple encore enfant après tant de siècles, et qui te nourrit du lait de la sagesse de Dieu pour te rendre adulte en lui. C’est pour cela qu’il s’est incarné dans le sein d’une femme d’Israël, plus grande que toute autre devant Dieu et les hommes. Elle a ravi le cœur de Dieu par une seule de ses palpitations de colombe. La beauté de son âme a séduit le Très-Haut et il a fait d’elle son trône. Myriam, soeur d’Aaron, a péché, car le péché était en elle [7]. Déborah discerna ce qu’il fallait faire, mais ne le fit pas de ses mains [8]. Jahel fut courageuse, mais se souilla de sang [9]. Judith était juste et craignait le Seigneur, et Dieu fut dans ses paroles et lui permit d’agir en sorte qu’Israël soit sauvé, mais par amour de sa patrie, elle se servit d’une ruse homicide [10]. Mais la Femme qui l’a engendré les surpasse, parce qu’elle est la servante parfaite de Dieu et qu’elle le sert sans pécher. Toute pure, innocente et lumineuse, c’est le bel Astre de Dieu, de son lever à son coucher. Toute belle, resplendissante et pure, pour être Etoile et Lune, lumière pour les hommes afin qu’ils trouvent le Seigneur. Elle ne précède pas et ne suit pas l’Arche sainte, comme Marie, femme d’Aaron, car elle est elle-même l’Arche. Sur l’eau trouble de la terre recouverte par le déluge des fautes, elle s’élance et sauve, car celui qui entre en elle trouve le Seigneur. Colombe sans tache, elle sort et porte l’olivier, l’olivier de paix aux hommes, car elle est la belle Olive. Elle se tait, et dans son silence elle parle et agit plus que Déborah, Jahel et Judith ; et elle ne conseille pas la bataille, ne pousse pas aux massacres, ne répand pas d’autre sang que le meilleur du sien, celui dont elle a fait son Fils. Mère malheureuse ! Mère sublime !… Judith craignait le Seigneur, mais sa fleur a appartenu à un homme. Elle, en revanche, a offert au Très-Haut sa pureté inviolée. Le Feu de Dieu est descendu dans le calice du doux lys, et un sein de femme a contenu et porté la Puissance, la Sagesse et l’Amour de Dieu. Gloire à cette Femme ! Chantez ses louanges, femmes d’Israël ! »

      525.8 La femme se tait comme si sa voix était épuisée. Effectivement, je ne sais comment elle fait pour parler si longuement avec une telle force.

      Les scribes s’écrient :

      « Elle est folle ! Elle est folle ! Fais-la taire ! Folle ou possédée. Ordonne à l’esprit qui la retient de s’en aller.

      – C’est impossible. Il n’y a que l’esprit de Dieu en elle, et Dieu ne se chasse pas lui-même.

      – Tu ne le fais pas parce qu’elle te loue, toi et ta Mère, et cela flatte ton orgueil.

      – Scribe, réfléchis à ce que tu sais de moi, et tu verras que je ne connais pas l’orgueil.

      – Pourtant, seul un démon peut parler en elle pour célébrer ainsi une femme !… Qu’est-ce que la femme en Israël et pour Israël, sinon un péché aux yeux de Dieu ? Elle est séduite et séductrice ! Si on n’avait pas la foi, on hésiterait à penser que la femme a une âme. Il lui est interdit de s’approcher du Saint, à cause de son impureté. Et cette femme prétend que Dieu est descendu en elle !… » lance un autre scribe, scandalisé.

      Ses compagnons lui font écho.

      Jésus dit, sans regarder personne en face — il semble se parler à lui-même :

      « “ La Femme écrasera la tête du Serpent… [11] La Vierge concevra et enfantera un Fils qui sera appelé Emmanuel… [12] Un germe sortira de la souche de Jessé, une fleur viendra de cette souche et sur lui reposera l’Esprit du Seigneur. [13] ” Cette femme, c’est ma Mère. Scribe, pour l’honneur de ta science, rappelle-toi et comprends les paroles du Livre. »

      Les scribes ne savent que répondre. Ces paroles, ils les ont dites et redites mille fois, et annoncées comme vraies. Peuvent-ils maintenant les nier ? Ils se taisent.

      525.9 Quelqu’un ordonne d’allumer des feux, car le froid se fait sentir près de la rive où souffle le vent du soir. On obéit, et des branches flambent en cercle autour du groupe qui se serre.

      La lumière dansante du feu semble réveiller la femme, qui s’était tue et restait les yeux fermés, comme recueillie. Elle les ouvre, se secoue, regarde de nouveau Jésus et s’écrie de nouveau :

      « Adonaï ! Adonaï, tu es grand ! Chantons au Divin un cantique nouveau ! Shalem ! Shalem ! Malchik !!… Paix ! Paix ! ô Roi à qui rien ne résiste !… »

      Soudain, elle se tait. Elle tourne les yeux, pour la première fois depuis qu’elle parle, sur ceux qui entourent Jésus, et fixe les scribes, comme si elle ne les avait jamais vu ; alors, sans motif apparent, des larmes se forment dans ses grands yeux, et son visage devient triste et sans éclat.

      Elle s’exprime à présent lentement, d’une voix profonde, comme quelqu’un qui parle de choses douloureuses :

      « Non. Il y en a qui te résistent ! O peuple, écoute ! Depuis ma douleur, ô peuple de Betléchi, tu m’as entendue parler. Après des années de silence et de souffrance, j’ai entendu et j’ai dit ce que j’entendais. Maintenant, je ne suis plus au milieu des verts bosquets de Betléchi, vierge veuve qui trouve dans le Seigneur son unique paix. Je n’ai pas autour de moi mes seuls concitoyens pour leur dire : “ Craignons le Seigneur, car l’heure est arrivée d’être prêts à entendre son appel. Rendons beau le vêtement de notre cœur pour ne pas être indignes en sa présence. Ceignons-nous de force, car l’heure du Christ est l’heure de l’épreuve. Purifions-nous comme des hosties pour l’autel, pour pouvoir être accueillis par Celui qui l’envoie. Que celui qui est bon devienne meilleur. Que celui qui est orgueilleux devienne humble. Que celui qui souffre de la volupté se dépouille de sa chair pour pouvoir suivre l’Agneau. Que l’avare devienne généreux, car Dieu nous comble dans son Messie, et que chacun pratique la justice afin de pouvoir appartenir au Peuple du Béni qui vient. ” Maintenant je parle devant lui, devant ceux qui croient en lui et aussi devant ceux qui ne croient pas et qui se moquent du Saint et de ceux qui parlent et croient en son nom, et en lui. Mais je n’ai pas peur. Vous prétendez que je suis folle, vous assurez qu’un démon parle en moi. Je suis consciente que vous pourriez me faire lapider comme blasphématrice. Je sais que ce que je vous dirai vous paraîtra insulte et blasphème, et que vous allez me haïr. Mais je n’ai pas peur. Je suis peut-être la dernière des voix qui parlent de lui avant sa manifestation, et il est possible que je connaisse le sort de plusieurs autres voix. Mais je ne crains rien. Trop long est l’exil dans le froid et la solitude de la terre, pour qui pense au sein d’Abraham, et, plus saint que le sein d’Abraham, au Royaume de Dieu que le Christ nous ouvre.

      Sabéa de Carmel, de la descendance d’Aaron, ne redoute pas la mort, mais elle craint le Seigneur. Elle s’exprime quand il le lui demande pour ne pas désobéir à sa volonté, et elle dit la vérité, car elle parle de Dieu dans les termes que Dieu lui donne. Je ne redoute pas la mort, même si vous m’appelez démon et me lapidez comme blasphématrice ; même si mon père, ma mère et mes frères meurent à cause de ce déshonneur, je ne tremblerai pas de peur et de peine. Je sais que le démon n’est pas en moi, car en moi tout foyer mauvais fait silence, et Betléchi tout entière le sait. Je sais que les pierres ne pourront arrêter mon chant plus longtemps que la durée d’une respiration, et qu’ensuite, je pourrai chanter plus librement au-delà de la terre. Je sais que Dieu réconfortera la douleur de ceux de mon sang, et elle sera courte, alors qu’éternelle sera ensuite leur joie de parents, martyrs d’une martyre. Je ne crains pas votre mort, mais celle qui me viendrait de Dieu si je n’obéissais pas. Et je parle. Je dis ce qui m’est transmis. O peuple, écoute, et écoutez, vous tous, scribes d’Israël. »

      525.10 Elle élève de nouveau sa voix affligée :

      « Une voix, une voix me vient d’en haut et elle crie dans mon cœur. Elle dit : “ L’ancien Peuple de Dieu ne peut chanter le nouveau cantique parce qu’il n’aime pas son Sauveur. Ceux qui chanteront le cantique nouveau sont ceux de toutes les nations qui seront sauvés, ceux du Peuple nouveau du Christ Seigneur, non pas ceux qui haïssent mon Verbe ”… Horreur ! (elle pousse réellement un cri qui donne le frisson). La voix donne la lumière ; la lumière donne la vue ! Horreur ! Je vois ! »

      Elle hurle, plutôt qu’elle ne crie. Elle se tord comme si elle était retenue de force devant un spectacle redoutable qui lui torture le cœur et qu’elle cherchait à y mettre fin par la fuite. Le manteau glisse de ses épaules, et elle reste dans son vêtement blanc contre le grand tronc noir. Dans la lumière qui baisse lentement dans le reflet vert du bois, et dans celui, rougeâtre, de la flamme qui danse, son visage prend un aspect fortement tragique. Des ombres se dessinent sous ses yeux, autour des narines, au-dessous des lèvres. On dirait un visage creusé par la douleur. Elle se tord les mains en répétant plus doucement : “ Je vois ! Je vois ! ”, et elle boit ses larmes en poursuivant :

      « Je vois les crimes de mon peuple, et je suis impuissante à les arrêter. Je vois le cœur de mes compatriotes et je ne puis le changer. Horreur ! Horreur ! Satan a quitté son séjour et il est venu demeurer dans leur cœur.

      – Fais-la taire ! ordonnent les scribes à Jésus.

      – Vous avez promis de la laisser parler… » répond Jésus.

      La femme continue :

      « Visage contre terre, dans la boue, ô Israël qui sais encore aimer le Seigneur, couvre-toi de cendres, revêts le cilice. Pour toi ! Pour eux ! Jérusalem ! Jérusalem, sauve-toi ! Je vois une ville qui entre en tumulte pour demander un crime. J’entends les cris de haine de ceux qui appellent un sang sur eux. Je vois qu’on élève la Victime dans la Pâque de sang et ce sang couler, ce sang qui crie plus fort que le sang d’Abel, tandis que les cieux s’ouvrent, que la terre tremble et que le soleil s’obscurcit. Et ce sang ne crie pas vengeance, mais demande pitié pour son peuple assassin, pitié pour nous ! Jérusalem !!! Convertis-toi ! Tout ce sang ! Ce sang ! C’est un fleuve, un fleuve qui lave le monde en guérissant tout mal, en effaçant toute faute… Mais pour nous, pour nous le peuple d’Israël, ce sang c’est du feu, pour nous c’est le scalpel qui écrit sur les fils de Jacob le nom de déicide et la malédiction de Dieu. Jérusalem ! Aie pitié de toi-même et de nous !…

      525.11 – Mais fais-la taire, nous te l’ordonnons ! hurlent les scribes, tandis que la femme sanglote en se couvrant le visage.

      – Je ne puis imposer à la vérité de se taire.

      – La vérité ! La vérité ! C’est une folle en délire ! Quel Maître es-tu si tu prends pour vérité les paroles d’une femme qui divague ?

      – Quel Messie es-tu si tu ne sais pas faire taire une femme ?

      – Et quel prophète es-tu si tu ne sais pas mettre en fuite le démon ? Et pourtant, d’autres fois, tu l’as fait !

      – Il l’a fait, oui. Mais maintenant cela ne lui convient pas. C’est un jeu bien combiné pour effrayer les foules !

      – Et j’aurais choisi cette heure, ce lieu et cette poignée d’hommes pour cela, alors que cela m’était possible à Jéricho, lorsque j’avais plus de cinq mille personnes qui me suivaient et m’entouraient plusieurs fois, quand l’enceinte du Temple était trop petite pour accueillir tous ceux qui voulaient m’entendre ? Le démon peut-il donc parler avec sagesse ? Qui de vous, en conscience, peut dire qu’une parole erronée est sortie de ces lèvres ? Ne résonnent-elles pas sur ses lèvres, avec une voix de femme, les terribles paroles des prophètes ? N’entendez-vous pas le hurlement de Jérémie, les pleurs d’Isaïe et des autres prophètes ? N’entendez-vous pas la voix de Dieu à travers la créature, la voix qui cherche à se faire accueillir pour votre bien ? Moi, vous ne m’écoutez pas. Je parle, vous pouvez le penser, en ma faveur. Mais elle, qui m’est inconnue, quelle faveur espère-t-elle de ces paroles ? Qu’obtiendra-t-elle sinon votre mépris, vos menaces, peut-être votre vengeance ? Non, je ne lui impose pas silence ! Et même, pour que ces quelques personnes l’entendent, et pour que vous aussi vous l’entendiez et puissiez vous repentir, je lui ordonne : “ Parle ! Parle, je te le dis, au nom du Seigneur ! ” »

      Maintenant, c’est Jésus qui en impose, c’est le Christ puissant des heures de miracle, aux grands yeux magnétiques dans leur splendeur d’étoile bleue, que la flamme d’un brasier, allumé entre la femme et lui, avive encore.

      La femme, au contraire, accablée par la douleur, est moins royale et elle reste, la tête inclinée, le visage voilé par ses mains et par ses cheveux noirs qui se sont défaits et retombent sur ses épaules et en avant, comme un voile de deuil sur son vêtement blanc.

      « Parle, je te le répète. Tes paroles douloureuses ne restent pas sans fruit. Sabéa, de la race d’Aaron, parle ! »

      525.12 La femme obéit. Mais elle murmure, de sorte que tous se serrent plus près pour mieux l’entendre. Elle semble s’adresser à elle-même, en regardant vers le fleuve qui coule à sa droite, ses eaux bruissant sous le reflet des dernières lueurs du jour. On dirait qu’elle parle au fleuve :

      « O Jourdain, fleuve sacré de nos pères, à l’onde céruléenne et sinueuse comme une soie de prix, qui reflètes les pures étoiles et la lune candide, et caresses les saules de tes rives, tu es le fleuve de paix, et pourtant tu connais bien des souffrances. O Jourdain qui, aux heures de tempête, transportes sur tes eaux gonflées et troubles les sables de mille torrents et ce qu’ils ont arraché, et parfois déracines un tendre arbuste sur lequel il y a un nid pour le transporter en tourbillonnant vers l’abîme mortel de la Mer Salée, tu n’as pas pitié du couple d’oiseaux qui suivent en volant et en criant de douleur leur refuge détruit par ta violence ; tu verras de même, ô Jourdain sacré, le peuple qui n’a pas voulu du Messie être frappé par la colère divine, arraché aux maisons et à l’autel, et aller à sa ruine pour périr dans une mort plus grande. 525.13 Mon peuple, sauve-toi ! Crois en ton Seigneur ! Suis ton Messie ! Reconnais-le pour ce qu’il est : non pas un roi de peuples et d’armées, mais le Roi des âmes, de tes âmes, de toutes les âmes. Il est descendu rassembler les âmes justes, il remontera les conduire au Royaume éternel. Vous qui pouvez encore aimer, serrez-vous contre le Saint ! Vous qui avez à cœur le sort de votre patrie, unissez-vous au Sauveur. Que ne meure pas tout entière la descendance d’Abraham ! Fuyez les faux prophètes à la bouche mensongère et au cœur voleur qui veulent vous arracher au salut. Sortez des ténèbres qui s’élèvent autour de vous. Ecoutez la voix de Dieu ! Il n’y a qu’un seul Vivant. Les grands que vous craignez aujourd’hui, sont déjà poussière dans le décret de Dieu. Les lieux où ils règnent et d’où ils oppriment sont déjà des ruines. Un seul dure. Jérusalem ! Où sont les fiers fils de Sion dont tu te vantes ? Où sont les rabbis et les prêtres, qui étaient ton ornement et en qui tu te complaisais ? Regarde-les ! Accablés, enchaînés, ils partent en exil, à travers les ruines de tes palais, la puanteur de ceux qui sont morts par l’épée ou la faim. La colère de Dieu est sur toi, ô Jérusalem qui repousses ton Messie et le frappes au visage et au cœur. Toute beauté est détruite en toi. Toute espérance est morte pour toi. Le Temple et l’autel sont profanés…

      – Fais-la taire ! Elle blasphème ! Nous te demandons de lui imposer silence !

      – … l’éphod est arraché. Il ne sert plus…

      – Tu es coupable si tu ne lui cloues pas la bouche !

      – … car il ne règne plus. Il y en a un autre, un Grand-Prêtre éternel, qui, lui, est saint et envoyé par Dieu : Roi et Prêtre pour l’éternité, par Celui qui prend comme siennes les offenses faites au Christ et en demande vengeance. Cet autre Grand-Prêtre est le vrai, le Saint, oint par Dieu et par son sacrifice, à la place de ceux sur le front desquels la tiare est un déshonneur, car elle couvre des pensées d’horreur !…

      – Tais-toi, maudite ! Tais-toi, ou nous te frappons ! »

      Les scribes la malmènent rudement, mais elle semble ne rien sentir.

      525.14 Le peuple proteste violemment ;

      « Laissez-la s’exprimer, vous qui parlez tant. Elle dit la vérité. C’est ainsi : il n’y a plus de sainteté parmi vous. Un seul est le Saint, et vous le tourmentez. »

      Les scribes jugent plus prudent de se taire, et la femme poursuit de sa voix lasse et dolente :

      « Il était venu t’apporter la paix, et tu lui as fait la guerre… Le salut, et tu l’as méprisé… L’amour, et tu l’as haï… Le miracle, et tu l’as traité de démon… Ses mains ont guéri tes malades, et tu les as transpercées. Il t’apportait la lumière, et tu as couvert de crachats et d’ordure son visage. Il t’apportait la vie, et tu lui as donné la mort. Israël, pleure ton erreur et ne t’en prends pas au Seigneur alors que tu pars vers ton exil, un exil qui n’aura pas de fin comme ceux d’autrefois. Tu parcourras toute la terre, Israël, mais comme un peuple vaincu et maudit, poursuivi par la voix de Dieu et par les mêmes paroles qui furent dites à Caïn. Et tu ne pourras pas revenir ici te reconstruire un nid solide, sinon quand tu reconnaîtras avec les autres peuples qu’il est, lui, Jésus, le Christ, le Seigneur Fils du Seigneur… »

      La voix de la femme est blanche de peine et de fatigue, lasse comme la voix d’un agonisant. Mais elle ne se tait pas encore, au contraire, elle se ranime pour un dernier commandement :

      « A terre, peuple qui sais encore aimer ! Couvre-toi de cendre, revêts-toi d’un cilice. La fureur de Dieu est suspendue sur nous comme un nuage chargé de grêle et d’éclairs au-dessus d’un champ maudit. »

      La femme tombe à genoux, les bras tendus vers Jésus, et s’écrie :

      « Paix, paix, ô Roi de justice et de paix ! Paix, ô Adonaï grand et puissant, auquel le Père lui-même ne résiste pas ! Implore pour nous la paix, par ton nom, ô Jésus, Sauveur et Messie, Rédempteur et Roi, et Dieu, trois fois saint ! »

      Puis elle s’abat, secouée par des sanglots, le visage sur l’herbe.

      525.15 Les scribes entourent Jésus, en le tirant à part et ils éloignent toute autre personne par des paroles et des regards menaçants. L’un d’eux déclare :

      « Le moins que tu puisses faire, c’est de la guérir. Car, si tu veux vraiment soutenir qu’elle n’a pas de démon, tu ne peux nier qu’elle est malade. Ces femmes !… Et des femmes sacrifiées par le destin… Leur vitalité doit bien s’épancher quelque part… elles divaguent… elles voient des choses irréelles… et surtout elles te voient, toi qui es jeune et beau… et…

      – Tais-toi, bouche de vipère ! Toi-même, tu ne crois pas ce que tu dis, s’emporte Jésus d’un ton impérieux qui rend muet le scribe maigre au gros nez qui, au commencement, avait raillé la femme comme fausse prophétesse.

      – N’offensons pas le Maître. Nous l’avons choisi comme juge d’un cas que nous n’arrivions pas à trancher… » intervient un autre scribe.

      C’est celui qui était allé à la rencontre de Jésus sur la route avec les autres, pour lui dire que tous les scribes ne lui sont pas opposés, mais que certains l’observent pour discerner, avec une volonté sincère de le suivre s’ils jugent qu’il est bien Dieu.

      « Tais-toi donc, Joël, dit Alamot, fils d’Abia ! Seul un avorton comme toi peut parler de la sorte ! » lui lancent méchamment les autres.

      Le scribe devient congestionné sous l’insulte, mais il se domine et répond avec dignité :

      « Si la nature n’a pas favorisé ma personne, cela n’a pas amputé mon cerveau. Au contraire, en m’enlevant beaucoup de plaisirs, elle a fait de moi un homme sage. Si vous étiez saints, vous n’humilieriez pas l’homme, mais vous respecteriez le sage.

      – Bien ! Parlons de ce qui nous préoccupe. Tu as le devoir de la guérir, Maître, car dans son délire, elle épouvante les gens et offense le sacerdoce, les pharisiens et nous.

      – Si elle vous avait loués, m’imposeriez-vous de la guérir ? demande doucement Jésus.

      – Non. Car cela inciterait les gens à nous respecter, ce peuple capricieux qui nous hait en son cœur et nous méprise quand il le peut, répond un scribe sans s’apercevoir qu’il tombe dans le piège.

      – Mais ne serait-elle pas encore une malade ? N’aurais-je pas le devoir de la guérir ? » questionne encore doucement Jésus.

      On dirait un écolier qui demande à son maître ce qu’il doit faire. Mais les scribes, aveuglés par l’orgueil, ne comprennent pas qu’ils sont en train de se trahir…

      « Dans ce cas, non. Au contraire ! La laisser, la laisser à son délire ! Faire tout ce qui est possible pour que les gens la croient prophétesse. L’honorer ! L’indiquer…

      – Mais si ce n’était pas la vérité ?

      – Oh ! Maître ! Une fois enlevé ce qu’elle dit contre nous, le reste serait très utile pour relever la fierté d’Israël contre les Romains, pour rabaisser l’orgueil du peuple envers nous !

      – Mais on ne pourrait lui dire : “ Parle comme ceci, mais ne dis pas cela ”, dit fermement Jésus.

      – Et pourquoi ?

      – Parce que celui qui délire parle sans savoir ce qu’il dit.

      – Oh ! avec de l’argent et quelques menaces… on obtiendrait tout. On contrôlait aussi les prophètes…

      – Je ne suis pas au courant, en vérité…

      – Hé ! c’est que tu ne sais pas lire entre les lignes et que tout n’a pas été couché par écrit.

      – Mais l’esprit prophétique ne connaît pas d’influence extérieure, scribe. Il vient de Dieu, or Dieu ne s’achète pas et on ne l’effraie pas » déclare Jésus en changeant de ton.

      C’est le commencement de sa contre-attaque.

      « Mais elle, ce n’est pas une prophétesse. 525.16 Ce n’est plus le temps des prophètes.

      – Ce n’est plus le temps des prophètes ? Pourquoi donc ?

      – Parce que nous ne les méritons pas. Nous sommes trop corrompus.

      – Vraiment ? Et c’est toi qui dis cela ? Toi qui tout à l’heure la jugeais digne de châtiment parce qu’elle tenait les mêmes propos? »

      Le scribe est désorienté. Un autre vient à son secours :

      « Le temps des prophètes a fini avec Jean. Ils ne sont plus utiles.

      – Et pourquoi donc ?

      – Parce que tu es là pour rappeler la Loi et parler de Dieu.

      – Même au temps des prophètes, il y avait la Loi, et la Sagesse parlait de Dieu ; ils existaient pourtant.

      – Mais que prophétisaient-ils ? Ta venue. Tu es venu. Ils ne servent plus à rien.

      – Des centaines de fois vous, les prêtres et les pharisiens, m’avez interrogé pour savoir si j’étais ou non le Christ ; et parce que je l’affirmais, j’ai été traité de blasphémateur et de fou, et on a même pris des pierres pour me les lancer. N’es-tu pas, Sadoq, appelé le scribe d’or ? dit Jésus, en montrant le scribe au gros nez, qui a maltraité la femme après avoir essayé de la tromper.

      – C’est vrai. Eh bien ?

      – Eh bien, c’est toi, précisément, qui as été le premier, à Giscala comme au Temple, à déclencher la violence contre moi[14]. Mais je te pardonne. Je te rappelle seulement que tu le faisais en prétendant que je ne pouvais être le Christ, alors que maintenant tu soutiens le contraire. Et je te rappelle aussi le défi que je t’ai lancé à Cédès [15]. D’ici peu, tu verras s’en accomplir une partie. Quand la lune sera revenue à la phase où maintenant elle brille dans le ciel, je t’en donnerai la preuve, la première [16]. Tu auras l’autre quand le grain, qui actuellement dort en terre, agitera ses épis encore verts au vent de Nisan. 525.17 Mais à ceux qui prétendent que les prophètes sont inutiles, je réponds : “ Qui donc pourrait imposer des limites au Très-Haut ? ” En vérité, en vérité je vous dis qu’il y aura toujours des prophètes tant qu’il y aura des hommes. Ce sont des flambeaux au milieu des ténèbres du monde. Ce sont des brasiers au milieu de la glace du monde. C’est le son des trompettes qui réveillent les endormis. Ce sont les voix qui rappellent Dieu et ses vérités tombées dans l’oubli et négligées avec le temps, et qui portent à l’homme la voix directe de Dieu, en suscitant des frémissements d’émotion chez les oublieux, les apathiques fils de l’homme. Ils porteront d’autres noms, mais une pareille mission et un même sort d’humaine douleur et de joie surnaturelle. Malheur, s’il n’y avait pas ces âmes que le monde haïra et que Dieu aimera avec prédilection ! Malheur, s’il n’y en avait pas pour souffrir et pardonner, aimer et travailler dans l’obéissance au Seigneur ! Le monde périrait au milieu des ténèbres, du froid, d’une torpeur mortelle, d’une hébétude, d’une ignorance sauvage et abrutissante. C’est pourquoi Dieu en suscitera, et il y en aura toujours. D’ailleurs, qui pourrait imposer à Dieu de ne pas le faire ? Toi, Sadoq ? ou toi ? ou toi ? En vérité, je vous dis que même les esprits d’Abraham, de Jacob et de Moïse, d’Elie et d’Elisée, ne pourraient imposer à Dieu ces limites, or Dieu seul sait combien ils étaient saints et quelles lumières éternelles ils sont.

      – Alors, tu ne veux pas guérir la femme, ni la condamner ?

      – Non.

      – Et tu l’estimes prophétesse ?

      – Inspirée, oui.

      – Tu es un démon, comme elle. Partons. Il ne convient pas de perdre notre temps avec des démons » dit Sadoq, en bousculant le Christ comme un rustre, pour l’écarter.

      Un grand nombre le suivent. Certains restent, dont celui qu’ils ont appelé Joël Alamot.

      « Et vous, vous ne les suivez pas ? demande Jésus en montrant ceux qui s’en vont.

      – Non, Maître. Nous allons partir parce qu’il fait nuit, mais nous voulons te dire que nous croyons en ton jugement. Dieu peut tout, c’est vrai, et pour nous qui tombons dans des fautes nombreuses, il peut susciter des âmes qui nous rappellent à la justice, dit l’un d’eux, très âgé.

      – Tu as raison. Et l’humilité que tu montres est, aux yeux de Dieu, plus grande que ton savoir.

      – Alors, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume.

      – Oui, Jacob.

      – Comment sais-tu mon nom ? »

      Jésus sourit sans répondre.

      « Maître, souviens-toi aussi de nous » disent les trois autres.

      Et le dernier à parler, Joël Alamot, ajoute :

      « Et bénissons le Seigneur qui nous a accordé ce moment.

      – Bénissons le Seigneur ! » répond Jésus.

      Ils se saluent et se séparent.

      525.18 Jésus se réunit à ses apôtres et se rend en leur compagnie près de la femme, qui a repris sa position initiale : ramassée sur elle-même sur la racine qui fait saillie.

      Son père et sa mère demandent avec angoisse au Maître :

      « Notre fille est-elle donc un démon? C’est ce qu’ils ont dit avant de s’en aller.

      – Non, elle ne l’est pas. Soyez en paix, et aimez-la, car son sort est très douloureux, comme tous les sorts semblables au sien.

      – Mais ils ont dit que tu avais jugé de la sorte…

      – Ils ont menti. Moi, je ne mens pas. Soyez en paix. »

      Jean d’Ephèse s’avance avec Salomon et les autres disciples :

      « Maître, je veux t’informer que Sadoq les a menacés.

      – Eux ou elle ?

      – Eux et elle. N’est-ce pas, vous deux ?

      – Oui. Ils nous ont dit, à sa mère et à moi, que si nous ne savons pas faire taire notre fille, malheur à nous. Et ils ont menacé Sabéa : “ Si tu parles, nous te dénoncerons au Sanhédrin. ” Nous prévoyons de mauvais jours pour nous !… Mais notre cœur est en paix grâce à ce que tu nous as dit… et nous supporterons le reste. Mais pour elle… Que devons nous faire ? Conseille-nous, Seigneur. »

      Jésus réfléchit, puis répond:

      « N’avez-vous pas des parents loin de Betléchi ?

      – Non, Maître. »

      Après un nouveau temps de réflexion, Jésus lève la tête et regarde Joseph, Jean d’Ephèse et Philippe d’Arbel. Il ordonne :

      « Vous vous mettrez en voyage avec eux puis, de Betléchi, avec elle et son trousseau, vous vous rendrez à Aéra. Vous direz à la mère de Timon de la garder en mon nom. Elle sait ce qu’est avoir un fils persécuté.

      – Nous allons faire cela, Seigneur. C’est une bonne décision. Aéra est éloignée et hors de leur portée » disent-ils tous trois.

      Le père et la mère de Sabéa baisent les mains du Maître, le remercient et le bénissent.

      Jésus se penche sur la femme, touche sa tête voilée pour l’appeler doucement :

      « Sabéa, écoute-moi ! »

      La femme lève la tête et le regarde, puis glisse à genoux.

      Jésus lui pose la main sur la tête :

      « Ecoute, Sabéa. Tu vas aller là où je t’envoie, auprès d’une mère. J’aurais voulu t’envoyer chez la mienne, mais cela ne m’est pas possible. Continue à servir le Seigneur dans la justice et l’obéissance. Je te bénis, femme. Va en paix.

      – Oui, mon Seigneur, et mon Dieu. Mais quand je devrai parler, le pourrai-je ?…

      – L’Esprit qui t’aime te guidera suivant le moment. Ne doute pas de son amour. Sois humble, chaste, simple et sincère, et lui ne t’abandonnera pas. Va en paix ! »

      525.19 Il se réunit de nouveau aux apôtres et à Zachée avec les siens qui s’étaient arrêtés à quelques pas, pour retenir aussi les autres curieux.

      « Allons. Il fait nuit. Je ne sais pas comment vous allez faire pour retourner à Jéricho, vous qui devez y aller.

      – C’est plutôt pour la femme et ses parents, disons. Mais, si tu le juges bon, nous resterons hors de la maison et, vous tous, vous pourrez y dormir jusqu’au matin, propose l’un des amis de Zachée.

      – Bonne idée. Allez dire à Sabéa de venir avec ses parents et les disciples. Ils y dormiront. Moi, je resterai avec vous. Ce n’est pas une nuit venteuse. Nous ferons des feux et nous attendrons l’aube ainsi, moi en vous instruisant, vous en m’écoutant. »

      Et, lentement, il se met en chemin à la première clarté de la lune…




[1] La communauté des réprouvés convertis, voir EMV 523 / 7.220
 
[2] Cette bénédiction, qui produira une récolte exceptionnelle, est donnée pour soulager le travail pénible des paysans de Doras, maître dur (EMV 89 / 2.54). Doras en profitera pour reprocher à ses paysans de n'avoir pas eu de tels résultats les années passées et les frappera (EMV 109 / 2.76)
 
[3] Sorte de chêne peu élevé
 
[4] Isaïe 9,5 "Car un enfant nous est né, un fils nous est donné. Dieu lui a confié l’autorité. On lui donne ces titres: Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père pour toujours, Prince de la paix."
 
[5] Psaume 110,1 : "Siège à ma droite, tant que j’aie fait de tes ennemis l’escabeau de tes pieds."
 
[6] Ézéchiel 10,1 " Je regardai: voici que sur la voûte qui était sur la tête des chérubins, au-dessus d’eux, apparut comme une pierre de saphir dont l’aspect était semblable à un trône"
 
[7] Miryam : Nombres 12,2
 
[8] Juges 4,4-5
 
[9] Juges 4,17-22
 
[10] Judith 10,1 et suivants (deutérocanonique)
 
[11] Genèse 3,15
 
[12] Isaïe 7,14
 
[13] Isaïe 11,1-2
 
[14] À Giscala, important foyer de formation rabbinique, Sadoc frappe Jésus d'une pierre à la main. (EMV 340 / 5.28)
 
[15] À Cédès, peu de temps après, aux scribes et pharisiens qui réclament un signe, Jésus parle du signe de Jonas et, à l'adresse de Sadoc, prédit que sa main transpercée sera un signe que Sadoc verra deux fois : l'une le réjouira (sa crucifixion) l'autre le terrorisera : sa condamnation au Ciel. (EMV 342 / 5.30)
 
[16] Lors de ce même épisode de Cédès, les scribes et pharisiens demandent à voir une "vraie" résurrection à partir d'un corps décomposé, il prédit que Sadoc le verra dans un mois (résurrection de Lazare)




Observations

Un certain Joël d’Abiah surnommé Alamot

Une délégation de scribes tente de piéger Jésus en lui demandant de juger un cas délicat. L’un d’eux se montre loyal et déclare : « N'offensons pas le Maître. Nous l'avons choisi comme juge d'un cas que nous n'arrivions pas à trancher… ». Son intervention provoque la colère de ses compagnons qui s’exclament : « Mais tais-toi, Joël, dit Alamot, fils d'Abia ! Seul un avorton comme toi peut dire ces paroles » Refreinant une légitime colère, Joël répond dignement : « Si la nature n'a pas favorisé ma personne, cela n'a pas amputé mon cerveau. Au contraire, en m'enlevant beaucoup de plaisirs, elle a fait de moi un homme sage, et si vous étiez saints, vous n'humilieriez pas l'homme, mais vous respecteriez le sage »


(EMV 525.15).
Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Les-propheties-de-sabea-de-betlechiAbiah, roi de Judah


L’Histoire ne semble pas avoir gardé trace du nom de ce scribe, Yoël d'Abiah. Mais son existence reste crédible, puisque la maison d'Abiah (ou Abijah, « dieu est père ») (2 Ch 12,16) est connue comme étant l’une des 24 classes des prêtres, et celle à laquelle appartenait Zacharie (Lc 1,5). Quant au sobriquet peu flatteur dont ses compagnons affublent ce scribe, Alamoth, il semble qu’il signifiait jeunes femmes vierges, ou soprano (Cf. Ps 46,1), ce qui laisse supposer que Joël avait une voix aiguë, ou un aspect quelque peu efféminé. Et cela nous permet d’apprécier la finesse et l’à-propos de sa réaction. La Loi exigeant que les prêtres et les lévites soient exempts de défauts physiques ou d’infirmités, il apparaît conforme que Joël soit scribe plutôt que prêtre ou lévite, malgré son appartenance à la maison d’Abiah.
Mais on n’imagine guère que Maria Valtorta ait pu concevoir un récit aussi pertinent de sa propre initiative.


*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-222.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/les-propheties-de-sabea-de-betlechi.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 5 Mar - 23:44

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

526. Guérisons près du gué de Beth-Abara et discours en souvenir de Jean-Baptiste

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 223.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 526.

Le 7 novembre 1946

Dimanche 11 novembre 29
Beth-Abara


    526.1 « Paix à toi, Maître ! » saluent les disciples bergers partis de l’avant les jours précédents et qui attendent de l’autre côté du gué, avec les malades qu’ils ont rassemblés et d’autres personnes désireuses d’entendre le Maître.

      « Paix à vous. Il y a longtemps que vous m’attendez ?

      – Trois jours.

      – J’ai été retenu en route. Allons voir les malades.

      – Nous avons fait dresser des tentes pour les abriter sans faire la navette des villages voisins. Nos amis bergers ont donné du lait pour eux ; ils sont ici avec leurs troupeaux et t’attendent », disent les disciples tout en conduisant Jésus sous un bosquet touffu qui pourrait servir de toit à qui s’y réfugierait.

      Il y a là une vingtaine de petites tentes dressées sur des pieux, ou d’un tronc à un autre, et dessous se trouve le triste petit peuple des malades qui attendent. Dès qu’ils comprennent quel est celui qui vient, ils poussent le cri habituel :

      « Jésus, Fils de David, aie pitié de nous. »

      Jésus ne veut pas les faire attendre plus longtemps et en se montrant, ou plutôt en se penchant d’une tente à l’autre — sa grande taille ne lui permet pas de se tenir debout à l’intérieur —, il passe la tête dans chacune, et son sourire est déjà une grâce. Le soleil qu’il a derrière lui projette son ombre sur les grabats et sur les visages émaciés ou les membres inertes. Il ne dit qu’une courte phrase : “ Paix à vous qui croyez ” et passe à la tente suivante.

      Un cri le suit. Un cri qui se répète comme se répète sa phrase, un cri qui se répète dans la tente qu’il vient de quitter, comme si c’était l’écho de celui qui provient de la tente précédente :

      « Je suis guéri ! Hosanna au Fils de David ! »

      Et le petit peuple des malades, d’abord étendu sous les tentes sombres, sort et se groupe derrière les pas du Maître, un petit peuple tout en fête, qui jette au loin bâtons et béquilles, s’enveloppe dans les couvertures du brancard abandonné, enlève les pansements désormais inutiles, et qui surtout exulte dans la joie de la guérison.

      Ils sont tous guéris maintenant, et Jésus se retourne avec son sourire le plus doux pour dire :

      « Le Seigneur a récompensé votre foi. Bénissons ensemble sa bonté. »

      Et il entonne le psaume :

      « Acclamez joyeusement Dieu par toute la terre, servez le Seigneur dans l’allégresse. Venez à lui avec des chants de joie. Reconnaissez que le Seigneur est Dieu, qu’il nous a faits… » [1]

      Les gens le suivent comme ils le peuvent. Certains, qui ne sont peut-être pas d’Israël, se contentent de fredonner le psaume, mais leur cœur chante et la lumière de leurs visages le montre. Dieu accueillera certainement ce pauvre bredouillage, mieux que le chant parfait et aride de quelques pharisiens.

      526.2 Matthias dit à Jésus :

      « Seigneur, en parlant à ceux qui attendent ta parole, rappelle notre Jean.

      – Je pensais le faire, car cet endroit me rappelle encore plus vivement le cœur, la figure de Jean-Baptiste. »

      Entouré par la foule, il monte sur une bande de terre surélevée, couverte d’une herbe fine, et il commence à parler.

      « Qu’êtes-vous venus chercher ici ? La santé du corps, vous qui étiez malades, et elle vous a été donnée. La parole qui évangélise, et vous l’avez trouvée. Mais la santé du corps doit être la préparation à la recherche de la santé spirituelle, de même que la parole qui évangélise doit être la préparation à votre volonté de justice. Malheur si la santé du corps se bornait à la joie de la chair et du sang en laissant inerte toute vie spirituelle !

      Je vous ai fait louer le Seigneur qui vous a accordé le bienfait de la santé. Mais une fois passé le moment d’allégresse, il ne faut pas cesser de montrer votre reconnaissance au Seigneur, or elle se manifeste dans la volonté sincère de l’aimer. Tout don de Dieu n’est rien, bien qu’il soit chargé de forces actives, si l’homme n’a pas la volonté de le remercier par le don de son propre esprit à Dieu.

      526.3 Cet endroit a entendu la prédication de Jean-Baptiste. Plusieurs de vous l’ont certainement écoutée. Beaucoup de monde l’a entendue, en Israël, mais elle n’a pas produit en tous les mêmes effets bien que Jean-Baptiste ait dit à tous les mêmes paroles. Comment donc tant de différence ? D’où vient-elle ? De la volonté différente des hommes qui ont recueilli ces paroles. Pour certains, elles les ont réellement préparés à moi, et par conséquent à leur sainteté. Pour d’autres, au contraire, elles les ont préparés contre moi, et par conséquent à leur corruption. Comme le cri d’une sentinelle, elles ont résonné, et l’armée des âmes s’est divisée, bien qu’il n’y ait eu qu’un seul cri. Une partie d’entre elles s’est préparée pour suivre leur Chef, une autre partie s’est armée et a étudié des plans pour me combattre, moi et ceux qui me suivent. Et c’est pour cela qu’Israël sera vaincu, car un royaume divisé ne peut être fort et les étrangers en profitent pour l’assujettir.

      Il en est de même en chaque âme. En tout homme, il y a des forces bonnes et d’autres qui ne le sont pas. La Sagesse parle à l’homme tout entier, mais ils sont peu nombreux, ceux qui savent vouloir faire régner une seule partie, celle qui est bonne. Quant à la volonté de choisir une seule partie et de la faire reine, les enfants du siècle font preuve de plus de capacités. Eux savent être complètement mauvais quand ils veulent l’être, et ils rejettent comme des vêtements inutiles les parties bonnes qui pourraient résister en eux.

      Au contraire, les hommes qui n’appartiennent pas au siècle, et qui sont poussés vers la Lumière, ne savent que difficilement imiter les enfants du siècle et rejeter loin d’eux les vêtements qu’ils répudient, les parties mauvaises qui essaient de résister en eux.

      526.4 J’ai dit que si un œil est motif de scandale, il faut l’arracher, que si une main est motif de scandale, il faut la couper, car il vaut mieux entrer mutilé dans la Lumière éternelle, que dans les Ténèbres éternelles avec ses deux yeux ou ses deux mains [2].

      Jean-Baptiste était un homme de notre temps. Plusieurs d’entre vous l’ont connu. Imitez son exemple héroïque. Par amour pour le Seigneur et pour son âme, il a jeté bien plus qu’un œil ou une main, mais sa vie même pour être fidèle à la justice.

      Plusieurs parmi vous auront peut-être été ses disciples et diront encore qu’ils l’aiment. Mais souvenez-vous que l’amour pour Dieu et pour les maîtres qui conduisent à Dieu se montre en suivant leur enseignement, en imitant leurs œuvres de justice, et en aimant Dieu de tout son être, jusqu’à l’héroïsme. En agissant ainsi, les dons de santé et de sagesse que Dieu a accordés ne restent pas inactifs, mais sont au contraire une échelle pour monter près de mon Père et du vôtre, qui nous attend tous dans son Royaume.

      Pour votre bien, faites en sorte que le sacrifice de Jean-Baptiste — toute une vie de sacrifice terminée par un martyre —  ainsi que toute ma vie de sacrifice qui finira par un martyre mille fois plus grand que celui de mon Précurseur, ne restent pas lettre morte pour vous. Soyez justes, ayez la foi, obéissez à la parole du Ciel, renouvelez-vous dans la Loi nouvelle. Que la Bonne Nouvelle soit pour vous vraiment bonne, en vous rendant droits et dignes de jouir de la Bonté, c’est-à-dire du Seigneur très-haut dans un Jour éternel. Sachez distinguer les vrais bergers des faux et suivez ceux qui vous donnent les paroles de Vie qu’ils ont apprises de moi.

      526.5 La fête des Lumières, la célébration de la Dédicace du Temple approche. Rappelez-vous que les nombreuses lampes en l’honneur de la fête et du Seigneur ne servent à rien, si votre cœur reste sans lumière. La lumière, c’est la charité, et le porte-lampe la volonté d’aimer le Seigneur en accomplissant de bonnes œuvres. Rappeler la Dédicace du Temple est pertinent, mais il est beaucoup mieux, et plus agréable au Seigneur de dédier son âme à Dieu et de la consacrer de nouveau par l’amour. Des esprits justes dans des corps justes, car le corps ressemble aux murs qui entourent l’autel et l’esprit est l’autel sur lequel descend la gloire du Seigneur. Dieu ne peut descendre sur des autels profanés par les péchés des hommes ou par des contacts avec des chairs mordues par la luxure ou des pensées mauvaises.

      Soyez bons. La peine de l’être dans les continuelles épreuves de la vie est compensée avec usure par la récompense future et, dès maintenant, par la paix qui console le cœur des justes à la fin de chacune de leurs journées, quand ils s’étendent pour se reposer et trouvent leur oreiller exempt de remords, ce qui est le cauchemar de ceux qui veulent des jouissances illicites et n’arrivent qu’à se donner une agitation sans paix.

      N’enviez pas les riches. Ne haïssez personne. Ne désirez pas ce que vous voyez aux autres. Soyez satisfaits de votre état, en pensant à faire la volonté de Dieu en toute chose, c’est la clé qui ouvre les portes de la Jérusalem éternelle.

      526.6 Je vous quitte. Beaucoup d’entre vous ne me verront plus, car je vais aller préparer les places de mes disciples… Je bénis spécialement vos enfants, vos femmes que je ne verrai plus. Et puis vous, les hommes… Oui. Je veux vous bénir… Ma bénédiction servira à ne pas faire tomber les plus forts et à relever les plus faibles. Ma bénédiction ne sera sans valeur que pour ceux qui me trahiront par haine. »

      Il les bénit tous ensemble, puis, il bénit les femmes, embrasse les enfants et, lentement, il revient vers le gué avec les cinq apôtres restés avec lui et les anciens bergers devenus disciples.




[1] Psaume 100 (99)

[2] Sermon sur la montagne : EMV 174 / 3.34



*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-223.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/discours-en-souvenir-de-jean-baptiste.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 6 Mar - 22:08

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

527. La nature humaine du Christ connaît des ignorances et des tentations

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 224.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 527.

Le 8 novembre 1946

Mercredi 14 novembre 29
Gethsémani


      527.1 Ils se trouvent déjà sur les pentes de l’Oliveraie, et les trois couples d’apôtres laissés à Jéricho, à Tecua et à Béthanie sont de nouveau réunis au Maître [1]. Mais Judas est toujours absent et les apôtres en parlent à voix basse…

      Jésus est d’une infinie tristesse. Les apôtres, qui le remarquent, se disent :

      « C’est certainement à cause de Lazare. C’est un homme dont la fin est proche… Et ses sœurs font peine à voir… Le Maître ne peut même pas s’arrêter dans cette maison, à cause de la haine qui le poursuit. Cela aurait été un réconfort pour le malade et ses sœurs, et aussi pour le Maître.

      – Moi, je n’arrive pas à comprendre pourquoi il ne le guérit pas ! s’exclame Thomas.

      – Ce serait même bien mérité. Un ami… qui l’aide tant… Un juste… murmure Barthélemy.

      – Ah ! pour être juste, c’est vraiment un juste ! Je crois que, ces jours-ci, tu t’en es persuadé… dit Simon le Zélote à Barthélemy.

      – Oui, c’est vrai. Et ce que tu sous-entends l’est aussi. Je n’étais pas bien convaincu de sa justice… Etant donné leurs relations avec les païens, l’éducation qu’ils ont reçue de leur père qui était très, très… je dirais complaisant envers de nouvelles formes de vie différentes des nôtres…

      – Leur mère était un ange, intervient résolument Simon le Zélote.

      – C’est peut-être pour cela qu’ils sont des justes… Survolons le passé de Marie. Maintenant, elle s’est rachetée… dit Philippe.

      – Oui. Mais tout cela me rendait méfiant. Maintenant, je suis vraiment convaincu, et je m’étonne que le Maître…

      527.2 – Mon Frère, déclare Jacques, fils d’Alphée, sait reconnaître la valeur des créatures. Nous en avons souffert, nous aussi, pendant très longtemps, par suite d’une jalousie naturelle, humaine, en voyant les étrangers exaucés plus que nous, qui étions de sa famille. Mais maintenant, nous avons compris que c’est notre façon de voir qui était erronée, et la sienne juste. Nous regardions sa manière de faire comme de l’indifférence et même comme une dépréciation, une incompréhension de notre valeur. Aujourd’hui, nous savons qu’il préfère attirer à lui les personnes difformes et informes. Il séduit par ses moyens infinis les âmes plus mesquines, les plus éloignées, les plus en danger. Vous rappelez-vous la parabole de la brebis égarée [2] ? La vérité, la clé de sa manière d’agir se trouve dans cette parabole. Quand il voit que ses brebis fidèles le suivent ou restent où et comme il le veut, son esprit se repose, mais il se sert de ce repos pour courir après celles qui sont égarées. Il sait que nous l’aimons, que Lazare et ses sœurs l’aiment, tout comme les femmes disciples et les bergers, aussi il ne perd pas son temps à nous donner des preuves spéciales de son amour. Il ne cesse pas de nous aimer. Il nous a toujours dans son cœur. Nous-mêmes y entrons et ne voulons pas en sortir. Mais les autres… les pécheurs, les égarés !… Il doit courir après eux, les attirer par son amour et ses miracles, par sa puissance. Et il le fait. Lazare, Marie et Marthe continueront de l’aimer, même sans miracle…

      – C’est vrai, reconnaît André. Pourtant… qu’aura-t-il voulu dire par sa dernière salutation ? Vous l’avez entendu : “ L’amour du Seigneur pour vous se manifestera en proportion de votre amour. Et souvenez-vous que l’amour a deux ailes pour être parfait : la foi et l’espérance, deux ailes d’autant plus démesurées qu’il est plus parfait. ”

      – Oui ! Qu’aura-t-il voulu dire ? » s’interrogent plusieurs.

      527.3 Un silence. Puis Thomas, avec un grand soupir conclut son discours intérieur :

      « …Pourtant ce n’est pas toujours que sa bonne patience obtient la rédemption. Moi aussi, j’ai souffert parfois de la préférence qu’il éprouve à l’égard de Judas…

      – Préférence ? Je n’en ai pas l’impression. Il le reprend comme tout autre d’entre nous… dit André.

      – Par justice, oui. Mais considère combien plus de rigueur mériterait cet homme…

      – C’est vrai.

      – Eh bien, j’en ai souffert parfois. Mais maintenant, je comprends qu’il le fait certainement parce que… c’est le plus en difficulté de nous.

      – Le plus malheureux, devrais-tu dire, Thomas ! lance Jude. Le plus malheureux ! Vous croyez que cette tristesse (et il montre Jésus qui marche en avant, seul, absorbé dans sa peine) lui est causée par la maladie de Lazare et les larmes de ses sœurs. Moi, je vous dis qu’elle vient de l’absence de Judas. Il espérait que celui-ci le rejoindrait en allant à Beth-Abara. Il espérait au moins le retrouver à Jéricho, Tecua ou à Béthanie au retour. A présent, il n’espère plus. Il a la certitude que Judas agit mal. Je n’ai pas cessé de l’observer… et j’ai vu que son visage a pris cet aspect de délaissement absolu quand toi, Barthélemy, tu as dit : “ Judas n’est pas venu. ”

      527.4 – Mais il connaît tous les évènements à venir, j’en suis certain ! s’exclame Jean.

      – Beaucoup, pas tous. Je pense que son Père lui en tient quelques-uns cachés par pitié » suppose Simon le Zélote.

      Les Onze se divisent en deux groupes : ceux qui acceptent une version et ceux qui sont pour l’autre, et chacun apporte ses raisons.

      Jean s’écrie :

      « Ah ! moi, je ne veux écouter ni les uns ni les autres, pas plus que moi-même ! Nous sommes tous de pauvres hommes, et nous ne pouvons voir juste. Je vais trouver Jésus et l’interroger.

      – Non. Il pourrait penser à tout autre chose, et cette question lui rappellerait Judas, ce qui le ferait souffrir davantage, dit André.

      – Mais non : je ne lui dirai pas que nous discutions de Judas. Je lui parlerai comme ça… sans allusion.

      – Vas-y ! s’exclame Pierre en poussant Jean. Cela servira à le distraire. Vous ne voyez pas comme il est affligé ?

      – J’y vais. Qui vient avec moi ?

      – Va, va seul. Avec toi, il parle sans retenue. Ensuite, tu nous raconteras… »

      527.5 Jean s’éloigne.

      « Maître !

      – Jean ! Que veux-tu ? »

      Avec un lumineux sourire, Jésus entoure de son bras son apôtre préféré, et il le tient près de lui tout en marchant.

      « Nous parlions entre nous et nous avions des doutes sur quelque chose : connais-tu tout l’avenir, ou bien t’est-il caché en partie ? Les uns disaient ceci, les autres cela.

      – Et toi, qu’en pensais-tu ?

      – J’étais d’avis qu’il valait mieux te poser cette question.

      – Et tu es venu. Tu as bien fait. Cela au moins nous sert, à toi et à moi, à profiter d’un moment d’amour… C’est si rare, désormais, de pouvoir avoir un peu de paix…

      – C’est vrai ! Comme les premiers temps étaient beaux !

      – Oui. Pour l’homme que nous sommes, oui, ils étaient plus beaux. Mais pour l’âme qui est en nous, ceux-ci sont meilleurs, parce que maintenant la Parole de Dieu est plus connue, et parce que nous souffrons davantage. Plus on souffre, et plus on rachète, Jean… Aussi, tout en nous souvenant des jours sereins, nous devons aimer davantage ceux qui nous font souffrir, et qui avec la

      souffrance nous attirent des âmes. 527.6 Mais je réponds à ta question. Ecoute : je n’ignore pas, comme Dieu, et je n’ignore pas, comme homme. Je connais les événements à venir, car je suis avec le Père depuis avant le temps et je vois au-delà du temps. Comme homme exempt des imperfections et des limites inhérentes au péché originel et aux fautes, j’ai le don de l’introspection des cœurs. Ce don n’est pas limité au Christ. Mais il appartient à des degrés divers à tous ceux qui, ayant atteint la sainteté, sont tellement unis à Dieu, qu’ils peuvent se dire qu’ils n’opèrent pas par eux-mêmes, mais avec la Perfection qui est en eux. Je puis donc te répondre que, en tant que Dieu, je n’ignore pas les siècles à venir, et que, en tant qu’homme juste, je n’ignore pas l’état des cœurs. »

      Jean réfléchit et se tait.

      Jésus le laisse un moment, puis il reprend :

      « Par exemple, je vois en toi cette pensée : “ Mais alors, mon Maître connaît exactement l’état de Judas ! ”

      – Oh ! Maître !

      – Oui, je le connais. Je le connais et je continue d’être son Maître, et je voudrais que vous continuiez à être ses frères.

      – Maître saint !… Vraiment, tu connais toujours tout ? Nous nous disons parfois que ce n’est pas le cas, car tu vas à des endroits où tu rencontres des ennemis. Avant même de t’y rendre, tu sais que tu vas les y trouver, et tu y vas pour les combattre par ton amour, pour les soumettre à l’amour, ou bien… tu l’ignores et tu ne vois les ennemis que lorsque tu les as en face de toi et que tu lis dans leur cœur ? Une fois, tu m’as dit — tu étais si triste aussi alors, et toujours pour la même raison — que tu étais comme quelqu’un qui ne voit pas…

      – J’ai éprouvé aussi ce martyre de l’homme : devoir avancer sans voir, en me fiant totalement à la Providence. 527.7 Je dois tout connaître de l’homme, sauf la faute accomplie. Et cela, non par l’effet d’une barrière mise par mon Père à la chair, au monde et au démon, mais par ma volonté d’homme. Je suis comme vous. Mais je sais vouloir mieux que vous. Aussi je subis les tentations, mais je n’y cède pas, et c’est en cela que réside, comme pour vous, mon mérite.

      – Des tentations, toi !… Cela me paraît presque impossible…

      – Parce que tu en subis peu. Tu es pur, et tu penses que, l’étant plus que toi, je ne dois pas connaître la tentation. De fait, la tentation charnelle est si faible pour ma chasteté, qu’elle ne m’est jamais sensible. C’est comme si un pétale frappait un bloc de granit sans fissures. Il vole plus loin… Le démon lui-même s’est lassé d’envoyer contre moi ce dard. Mais, Jean, tu ne sais pas combien d’autres tentations m’entourent ?

      – Toi ? Tu n’es pas avide de richesses ni d’honneurs… Quoi donc ?…

      – Et tu ne penses pas que j’ai une vie, des affections, et des devoirs aussi envers ma Mère, et que cela peut m’inciter à fuir le danger ? Lui, le Serpent, appelle cela “ danger ”, mais son vrai nom c’est “ Sacrifice ”. Et tu ne penses pas que, moi aussi, j’ai des sentiments ? Le moi moral n’est pas absent en moi, et il souffre des offenses, des mépris, des duplicités. Ah ! mon Jean ! Tu ne te demandes pas quel dégoût j’éprouve pour le mensonge et le menteur ? Sais-tu combien de fois le démon me porte à réagir à tout ce qui m’afflige, pour me faire sortir de la mansuétude, pour me rendre dur, intransigeant ? Et enfin, tu ne penses pas combien de fois son souffle brûlant d’orgueil m’insinue : “ Glorifie-toi de ceci ou de cela. Tu es grand. Le monde t’admire. Les éléments te sont soumis ! ” La tentation de se complaire d’être saint ! C’est la plus subtile ! Combien perdent leur sainteté déjà acquise à cause de cet orgueil ! Comment Satan a-t-il corrompu Adam ? En tentant les sens, la pensée, l’esprit. Et ne suis-je pas l’Homme qui doit recréer l’homme ? C’est de moi que viendra la nouvelle humanité. Alors Satan cherche les mêmes voies pour détruire, et pour toujours, la

      race des enfants de Dieu. 527.8 Maintenant, va trouver tes compagnons et répète-leur mes paroles. Et ne te demande pas si je sais ou non ce que fait Judas. Pense que je t’aime. Cette pensée ne suffit-elle pas pour occuper un cœur ? »

      Il lui donne un baiser et le congédie.

      Resté seul, il lève les yeux vers le ciel que l’on voit à travers le feuillage des oliviers, et gémit :

      « Mon Père ! Fais qu’au moins jusqu’à la dernière heure je puisse tenir caché le Crime, pour empêcher que mes bien-aimés se souillent de sang. Aie pitié d’eux, mon Père ! Ils sont trop faibles pour ne pas réagir à l’offense ! Qu’ils n’aient pas la haine au cœur à l’heure de la Charité parfaite ! »

      Et il essuie des larmes que Dieu seul voit…





[1] Simon le zélote et Barthélemy restés à Béthanie pour attendre Judas (EMV 519 / 7.216). Matthieu et Philippe à Técua ((EMV 521 / 7.218). André et Jean à Jéricho (EMV 525 / 7.222) – Cela fait plus de dix jours que Judas s'est absenté.
[2] Cf. Parabole adaptée à la conversion de Marie de Magdala. Cf. EMV 333 / 4.94




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-224.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/la-nature-humaine-du-christ-connait-des-ignorances-et-des-tentations.html


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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par sofoyal Sam 6 Mar - 23:50

Merci pour ce nouveau  partage  @Anayel.
Je n'ai pas pu m'empêcher que certains éléments de la réponse de Jésus à Jean, 
pourraient éclairer la soeur @Carmila à propos d'un de ses derniers sujets:
 "Jésus est-il comme nous les humains à la naissance?"


J'ignore si vous êtes sensible ou non à l'œuvre de M.Valtorta, chère @Carmila,
mais quoiqu'il en soit,
vous pouvez quand même étudier attentivement la réponse de Jésus à Jean. 
Il est possible que vous y trouviez des éléments 
pour une méditation toujours plus profonde et bénéfique.
Fraternellement dans le Seigneur.


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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 8 Mar - 22:14

Bonjour @Sofoyal,

Effectivement, c'est bien vu Wink C'est vrai que cela répond bien à la question.

J'espère que cela aura pu donner un petit éclairage à @Carmila. Il me semble que Jésus parle du même sujet dans d'autres chapitres, mais je n'ai pas leurs numéros en tête. Si jamais, je peux faire une petite recherche là-dessus si quelqu'un le souhaite.

En tout cas, bonne lecture à tous et à toutes Wink
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par sofoyal Lun 8 Mar - 22:25

Merci @Anayel!
C'est toujours un plaisir de parcourir l'Oeuvre de Maria Valtorta sur le forum,
même si on a les dix tomes à la maison.
C'est un peu une façon de lire tous ensemble.
En vous souhaitant une bonne semaine!


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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 8 Mar - 22:28

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528. A Nobé, le réconfort maternel d’Elise et l’inquiétant retour de Judas

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 225.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 528.

Le 9 novembre 1946

Jeudi 15 novembre 29
Nobé


      528.1 « Oui, Maître ! Judas est ici depuis plusieurs jours. Il est arrivé un soir de sabbat. Il paraissait fatigué et hors d’haleine. Il disait qu’il t’avait perdu dans les rues de Jérusalem et qu’il avait couru te chercher dans toutes les maisons où tu vas d’ordinaire. Il venait ici chaque soir. Il sera bientôt là. Le matin, il repart, et il dit qu’il va dans les environs pour te prêcher.

      – C’est bien, Elise… Et tu l’as cru ?

      – Maître, tu sais que je n’aime pas cet homme. Si mes fils devaient être comme lui, j’aurais prié le Seigneur de me les reprendre. Non, je n’ai pas cru à ses paroles, mais par amour pour toi, j’ai gardé mon jugement pour moi… Et je me suis montrée maternelle avec lui. De cette façon, au moins, j’ai obtenu qu’il revienne ici chaque soir.

      – Tu as bien fait. »

      Jésus la regarde très fixement et lui demande à l’improviste :

      « Où est Anastasica ? »

      Le visage d’Elise prend une couleur violacée, un teint de personne âgée, mais elle répond franchement :

      « A Bet-Çur.

      – Tu as bien fait, là aussi. Et, je t’en prie, aie pitié de cet homme [1].

      – C’est justement parce que j’ai pitié de lui que j’ai voulu étouffer l’incendie avant qu’il n’éclate scandaleusement ou, du moins, qu’il n’effraie la fille.

      – Que Dieu te bénisse, femme juste…

      528.2 – Tu souffres beaucoup, Maître ?

      – Je souffre, c’est vrai. A une mère, je peux le dire.

      – A une mère, tu peux le dire… Si tu n’étais pas Jésus, le Seigneur, je voudrais recevoir ta tête lasse sur mon épaule et serrer sur mon cœur ton cœur accablé. Mais tu es tellement saint, qu’aucune autre femme que ta Mère ne peut te toucher…

      – Elise, bonne amie de ma Mère [2], et bonne mère, ton Seigneur bientôt sera touché par des mains beaucoup moins saintes que les tiennes, et embrassé… oh !… Et ensuite, d’autres mains… Elise, s’il t’était permis de toucher le Saint des Saints, dans quel état d’esprit le ferais-tu ? T’en abstiendrais-tu si la voix de Dieu, à travers la fumée de l’encens, te demandait de l’amour pour obtenir enfin une caresse d’amour alors que tant s’approchent de lui sans amour ?

      – Mon Seigneur ! Mais si Dieu me le demandait, j’irais à genoux couvrir de baisers le lieu saint, et je voudrais que Dieu puisse être satisfait, consolé par mon amour !

      – Dans ce cas, Elise, toi qui es une bonne amie de ma Mère et la fidèle et bonne disciple de ton Sauveur affligé, permets-moi de poser ma tête sur ton cœur, car mon cœur est attristé au point d’éprouver des peines mortelles. »

      Et Jésus, restant assis là où il est, près d’Elise qui est tout près, debout, pose réellement son front contre la poitrine de la vieille disciple. Des larmes silencieuses coulent le long du vêtement sombre de la femme, qui ne peut se retenir de poser la main sur la tête inclinée sur son cœur, et quand elle sent tomber des larmes sur ses pieds, nus dans ses sandales, elle se penche pour effleurer d’un baiser les cheveux de Jésus. Elle pleure silencieusement à son tour, en levant les yeux vers le ciel, en une prière muette. On dirait une vieille Mater Dolorosa. Elle ne tente rien d’autre, ni paroles ni gestes, mais elle est tellement “ mère ” dans son attitude, qu’elle ne pourrait l’être davantage.

      Jésus lève la tête et la dévisage. Il a un pâle sourire et dit :

      « Que Dieu te bénisse pour ta pitié. Ah ! une mère est bien nécessaire quand la douleur accable les forces de l’homme ! »

      Il se met debout, regarde encore la femme disciple et reprend :

      « Que tous les détails de cet instant restent entre nous. C’est pour cela que je suis venu seul en avant.

      – Oui, Maître. Mais tu ne peux plus rester seul. Fais venir ta Mère.

      – D’ici deux lunes, elle sera avec moi… »

      528.3 Et il s’apprête à poursuivre quand, en bas, dans la cuisine, résonne la forte voix, toujours un peu effrontée et ironique de Judas :

      « Encore à ta gravure, vieil homme ? Il fait froid ! Et ici, il n’y a pas de feu. J’ai faim, et rien n’est prêt. Elise dort-elle donc ? Elle a voulu agir toute seule. Mais les vieux sont lents, et leur mémoire est faible. Hé ! Tu ne dis rien ? Tu es complètement sourd, ce soir ?

      – Non. Mais je te laisse parler, car c’est toi qui es un apôtre, et il ne me convient pas de te faire des reproches, répond le vieillard.

      – Des reproches ? Pourquoi ?

      – Cherche en toi-même, et tu trouveras.

      – Ma conscience ne me dit rien…

      – C’est signe qu’elle est déformée ou que tu l’as estropiée.

      – Ha ! Ha ! Ha ! »

      Judas doit sortir de la cuisine, car on entend claquer une porte puis des bruits de pas dans l’escalier.

      « Je descends faire la cuisine, Maître.

      – Va, Elise. »

      Elise descend de la chambre du haut et tombe sur Judas, qui s’apprête à entrer sur la terrasse.

      « J’ai faim et froid, moi.

      – C’est tout ? Alors tu as bien peu encore, homme.

      – Et que devrais-je avoir de plus ?

      – Oh ! Tant de choses !… »

      La voix d’Elise s’éloigne.

      « Ce sont tous de vieux dingues. Ouf !… »

      528.4 Il pousse la porte et se trouve en face de Jésus. La stupeur le fait reculer d’un pas, mais il se reprend vite :

      « Maître ! Paix à toi !

      – Paix à toi, Judas. »

      Jésus reçoit le baiser de l’apôtre, mais ne le lui rend pas.

      « Maître… Tu as… Tu ne me donnes pas un baiser ? »

      Jésus le regarde et se tait.

      « C’est vrai. J’ai fait erreur, et ne pas m’embrasser, c’est le moins que tu puisses me faire. Pourtant ne me juge pas trop sévèrement. Aujourd’hui, certains m’ont entrepris qui… ne t’aimaient pas et j’ai discuté avec eux au point d’en perdre la voix. Puis… J’ai dit : “ Qui sait où il sera allé ? ” et je suis revenu t’attendre ici. N’est-ce pas ta maison, désormais ?

      – Tant qu’on me le permet.

      – Tu ne voudras pas me garder rancune pour cela ?

      – Non. Je te fais seulement prendre en considération l’exemple que tu as donné aux autres.

      – Je les entends déjà ! Mais j’ai de quoi me justifier auprès d’eux. Avec toi, je ne le fais même pas, car je sais que tu m’as déjà pardonné.

      – Je t’ai déjà pardonné, c’est vrai. »

      On s’attendrait à ce que, devant tant de bonté, Judas fasse preuve d’humilité, d’amour. Mais à l’opposé, il s’écrie avec dépit :

      « Mais il n’y a donc pas moyen de te voir en colère ? Quel homme es-tu ? »

      Jésus se tait et Judas le regarde, lui debout, Jésus assis, la tête penchée. Un sourire mauvais sur les lèvres, il hoche la tête. Pour lui, l’incident est clos. Il se met à parler de choses et d’autres comme s’il était le plus en règle de tous.

      Il fait nuit. Les bruits de la rue cessent.

      « Descendons » ordonne Jésus.

      Ils descendent donc dans la cuisine où luit le feu et où brûle une lampe à trois becs.

      Jésus, fatigué, s’assied près du foyer et paraît sommeiller dans la tiédeur de la pièce…

      528.5 On frappe. Le vieillard ouvre. Ce sont les apôtres. Pierre, entré le premier, voit Judas et s’en prend à lui :

      « On peut savoir où tu es allé ?

      – Ici, tout simplement ici. J’aurais été stupide de courir çà et là après des êtres disparus. Je suis venu ici, où j’étais certain que vous alliez revenir.

      – Voilà une belle façon d’agir !

      – Le Maître ne m’a fait aucun reproche. D’ailleurs, sache que je n’ai pas perdu mon temps. J’ai évangélisé tous les jours, j’ai même accompli des miracles, et tout cela est bon.

      – Et qui t’y avait autorisé ? demande sévèrement Barthélemy.

      – Personne. Ni toi, ni personne. Mais il suffit d’être des… de la… Bref : les gens s’étonnent, murmurent et rient de nous, apôtres qui ne faisons rien. Alors moi, qui le sais, j’ai agi pour tous. Et j’ai fait davantage encore. Je suis allé voir Elchias et je lui ai prouvé que l’on n’agit pas mal quand on est saint. Ils étaient nombreux. Je les ai convaincus. Vous verrez qu’ils ne nous dérangeront plus. Et maintenant, je suis content. »

      Les apôtres se regardent. Ils observent Jésus. Son visage est impénétrable. Il semble voilé par une grande lassitude physique. Cela seulement se voit.

      « Tu pouvais pourtant faire cela avec la permission du Maître, riposte Jacques, fils d’Alphée. Nous n’avons pas cessé de nous faire du souci à cause de toi.

      – Très bien ! Maintenant, vous voilà délivrés de toute inquiétude. Lui, il ne m’aurait jamais donné la permission. Il nous… protège trop. C’est au point que les gens murmurent qu’il est jaloux de nous, qu’il craint que nous en fassions plus que lui, et même qu’il nous punit. Les gens ont une langue mordante. La vérité, au contraire, c’est que nous lui sommes plus chers que la pupille de ses yeux. N’est-ce pas, Maître ? Et il craint que nous courions des dangers ou que nous fassions… piètre figure. Et nous aussi, intérieurement, nous pensions être en quelque sorte punis et qu’il était jaloux…

      – Mais pas du tout ! Moi, je n’aurais jamais imaginé une chose pareille ! » interrompt Thomas.

      Les autres font chorus, sauf Jude qui plante ses yeux francs et très beaux dans les yeux — très beaux aussi, mais fuyants — de Judas :

      « D’ailleurs, comment as-tu pu faire des miracles, toi ? Au nom de qui ?

      – Comment ? Au nom de qui ? Mais tu ne te rappelles pas que c’est lui qui nous a donné ce pouvoir ? Nous l’a-t-il peut-être enlevé ? Pas que je sache. Et pour cette raison…

      – Pour cette raison, moi je ne me permettrais jamais de faire quoi que ce soit sans son consentement et son ordre.

      – Eh bien, moi, j’ai voulu le faire. Je craignais de ne plus savoir m’y prendre. Je l’ai fait. Je suis heureux ! »

      Et il coupe court en sortant dans le jardin obscur.

      Les apôtres se retournent pour regarder. Ils sont abasourdis devant tant d’audace. Mais personne n’a le cœur de dire quelque chose qui puisse affliger davantage leur Maître dont le visage trahit la souffrance.

      Ils se débarrassent des sacs, que Jean, André et Thomas portent en haut. Et Barthélemy, en se penchant pour ramasser une branche sèche tombée d’un fagot, murmure à Pierre :

      « Dieu veuille que ce ne soit pas le démon qui l’ait aidé ! »

      Pierre fait un geste des mains comme pour dire : “ Miséricorde ! ”, mais ne souffle mot. Il va trouver Jésus, lui pose une main sur l’épaule en lui demandant :

      « Tu es tellement fatigué ?

      – Oui, Simon.

      528.6 – C’est prêt, Maître. Passe à table. Ou plutôt… Non, reste ici, près du feu. Je vais t’apporter du lait et du pain » dit Elise.

      En effet, après avoir mis sur un plateau une grande écuelle de lait fumant et des tartines couvertes de miel, elle les apporte à Jésus et attend qu’il prie debout pour offrir la nourriture. Puis la bonne vieille femme s’accroupit par terre, toute maternelle, prise tout entière par le désir de le consoler, et elle lui sourit en l’encourageant à manger. A Jésus, qui lui reproche doucement d’avoir étendu du miel sur le pain, elle répond :

      « Je te donnerais mon sang pour te fortifier, mon Maître ! C’est le pauvre miel de mon jardin de Bet-Çur et il ne peut fortifier que ton corps. Mais mon cœur… »

      Les autres mangent autour de la table, avec le robuste appétit des grands marcheurs. Et Judas, tranquille, presque effronté, mange avec eux. Il n’y a que lui pour parler…

      Il discourt encore lorsque Jésus enjoint :

      « Allez, que chacun aille dans la maison qui l’héberge. Que la paix soit avec vous. »

      Restent avec lui Judas, Barthélemy, Pierre et André. Et Jésus décrète un repos immédiat. Il éprouve une lassitude mortelle, au point de ne plus pouvoir supporter la fatigue de parler et d’entendre parler et je pense, personnellement, de faire l’effort de se dominer en ce qui concerne Judas.



[1]  Anastasica est une jeune femme répudiée par son marie et confiée à Élise. Elle constituait une proie facile pour la luxure - ici confirmée - de Judas.

[2] C'est une compagne, plus âgée, du Temple.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-225.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/l-inquietant-retour-de-judas.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 9 Mar - 21:19

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

529. Enseignements aux apôtres, pendant qu’ils s’adonnent à des travaux manuels dans la maison de Jean de Nobé

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 226.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 529.

Le 12 novembre 1946

Vendredi 16 novembre 29
Nobé


      529.1 Ce sont de froides et sereines journées d’hiver. Au sommet de la petite montagne sur laquelle est construit Nobé, le vent ne s’arrête pour ainsi dire jamais de souffler, tempéré pourtant par le soleil qui, de l’aurore à son coucher, caresse de ses rayons les maisons et les jardins où poussent les légumes d’hiver : ce sont de petits potagers à l’abri des maisons, aux platebandes vertes de légumes ; d’autres ont la couleur de la terre quand elle est bien nourrie, parterres nus, déjà prêts pour la plantation des légumes. L’œil, en regardant tout autour, là où il ne voit pas la grisaille des oliviers ou les rangées serpentines et squelettiques des vignes dépouillées, découvre de petits champs labourés, déjà ensemencés de céréales prêtes à germer dès les premières tiédeurs du précoce printemps palestinien, attiédi par le soleil. Je dirais presque que, lors de ces paisibles journées que je contemple, on sent déjà une tiédeur printanière, une tiédeur germinative, au point que sur les amandiers en espaliers adossés aux murs des maisons, les bourgeons se gonflent sur les branches qui, il y a quelques jours, étaient tout à fait stériles. Des bourgeons sombres qui sortent tout juste sur des branches sombres, mais qui attestent déjà que la vie monte, que le réveil est proche dans le tronc robuste.

      Dans le petit jardin de Jean, à l’arrière de la maison, il y a une petite bande de terre cultivée, alors que, sur un côté, elle est ombragée par un noyer. Et il s’y élève justement un gros amandier, peut-être plus vieux que le maître, si bien adossé à la maison qu’il a dû, sur une bonne partie du tronc, faire pousser ses branches seulement de trois côtés, gêné qu’il était sur le quatrième par le mur de la maisonnette. Mais, plus haut, l’arbre s’ébouriffe en un entrelacement de branches qui, quand elles seront en fleurs, devront faire, au-dessus de la pauvre terrasse, une nuée légère, précieuse tente plus belle qu’un baldaquin royal.

      Pour ne pas rester oisifs, Jésus et les apôtres travaillent sous le soleil, qui fait du bien et réchauffe. En habits courts, ceux qui s’y entendent en menuiserie et en serrurerie réparent ou font de nouveaux outils et des cadres. D’autres binent le terrain, buttent des légumes transplantés, renforcent une haie de roseaux secs et d’aubépine verte qui forment de deux côtés une clôture au petit jardin, ou bien taillent l’amandier et le noyer et lient des sarments de vigne que le vent de l’hiver a détachés. J’ai remarqué que là où se trouve Jésus, on n’est jamais oisif. Il est le premier à enseigner la beauté du travail manuel, quand les activités d’évangélisation sont suspendues. Aujourd’hui aussi, Jésus collabore avec ses cousins pour réparer une porte dont le bas était pourri et dont la serrure était à moitié détachée. De leur côté, Philippe et Barthélemy travaillent avec des cisailles et des faucilles sur de vieux arbres fruitiers, pendant que les pêcheurs bricolent avec des cordages et de vieilles couvertures, certains faisant des points très… masculins, d’autres installant des anneaux et des poulies, peut-être dans l’intention de créer, sur la terrasse, un vélarium bien utile en été.

      529.2 « Tu seras très bien ici, Elise » promet Pierre en se penchant du muret de la terrasse pour parler à la vieille femme qui, assise contre le mur ensoleillé, file de la laine.

      « Oui. Quand la vigne sera attachée et l’amandier arrangé, ce sera vraiment un bon endroit en été » dit Philippe entre ses dents : il a dans la bouche des joncs avec lesquels il lie les sarments aux échalas.

      Jésus lève la tête pour regarder, alors qu’Elise la lève pour regarder le Maître, et elle dit :

      « Qui sait si nous serons ici en été…

      – Et pourquoi pas, femme ? demande André.

      – Mais… je ne sais pas… Je ne fais plus de projets depuis que… Depuis que j’ai vu que tous mes pronostics se terminaient par un tombeau [1].

      – Oh ! mais il faudrait que le Maître soit mort pour que nous ne venions plus ici ! Désormais, il a élu domicile ici. N’est-ce pas, Maître ? demande Thomas.

      – C’est juste. Mais ce que dit Elise est vrai aussi… répond Jésus tout en rabotant le côté de la porte qu’il répare.

      – Mais tu es jeune et surtout en bonne santé !

      – On ne meurt pas seulement de maladie, ajoute Jésus.

      – Qui parle de mort ? dit Barthélemy. Toi, Maître ? A ton sujet ?… 529.3 Vraiment, depuis quelque temps, la haine semble calmée. Regarde : personne ne nous trouble plus. Ils savent pourtant que nous sommes ici. Hier encore, nous les avons rencontrés en revenant de la ville avec nos achats, et ils ne nous ont pas dérangés.

      – Oui, nous non plus, alors que nous traversions les villages voisins pour annoncer que tu es ici. Mais aucun ennui. Et pourtant, nous avons rencontré Elchias et Simon, puis Sadoq et Samuel, et encore Nahum, justement avec Doras [2]. Ils nous ont même salués, n’est-ce pas, Jacques ? dit Jean en s’adressant à son frère.

      – Oui. Il faut convenir que Judas a vraiment bien travaillé, alors que dans notre cœur, nous le critiquions. Une fois revenus ici, plus d’ennuis ! Les faits ont confirmé ses paroles. Nous avons l’impression d’être revenus aux beaux jours de La Belle-Eau [3]. Au début de ce temps… Ah ! si ça pouvait être vrai ! soupire Jacques, fils de Zébédée.

      – Oui, si ça pouvait être vrai ! répète Pierre.

      – Le temps n’est pas toujours serein quand le tonnerre ne gronde pas, observe sentencieusement Elise en faisant tourner son fuseau.

      – Qu’est-ce que tu veux dire par là ? demande Pierre.

      – Je dis que parfois une grande paix, dans un lieu exposé aux bourrasques, prélude à une tempête plus dangereuse que jamais. Tu devrais le savoir, toi qui es pêcheur.

      – Eh ! je le sais bien, femme ! Le lac est parfois un immense bassin plein d’huile bleue. Mais presque toujours, quand la voile pend et que l’eau est ainsi immobile, une tempête est proche, et des plus mauvaises. Un vent de calme plat annonce au navigateur que l’heure du tombeau approche.

      – Hum ! Oui. C’est pour cela que si j’étais à votre place, je me défierais de tant de paix. Elle est excessive !

      – Mais alors ! Si en temps de guerre on souffre de la guerre, et si en temps de paix on souffre parce qu’une guerre plus cruelle encore peut survenir, quand allons-nous nous réjouir ? demande Thomas.

      – Dans l’autre vie. Ici, la douleur est toujours proche.

      – Comme tu es lugubre, femme ! Dans ce cas, ce temps de joie est encore loin de moi ! Je suis l’un des plus jeunes ! Réjouis-toi, Barthélemy, tu es plus près d’en profiter, ainsi que Simon le Zélote, plaisante Jacques, fils de Zébédée [4].

      – Lugubre et rusée, femme ! Ah ! les vieilles femmes ! Mais elles pressentent parfois l’avenir. Ma mère aussi, quand elle dit à l’un de nous : “ Attention ! Tu es bien parti pour faire une sottise pour telle ou telle raison ”, elle devine toujours, dit Thomas, courbé pour gratter la terre.

      – Les femmes sont malignes ou fourbes plus que des renards. Nous ne valons rien, nous, en comparaison, pour comprendre certaines combines que l’on voudrait qu’elles ne comprennent pas, remarque Pierre sentencieusement.

      – Toi, tais-toi. Tu es tombé sur une femme qui te croirait même si tu lui disais que le mont Liban est fait de beurre. Tout ce que tu dis est loi pour elle. Elle écoute, croit et se tait, dit André à son frère.

      – Oui… mais sa mère compte aussi pour elle et pour cent autres femmes. Quelle vipère ! »

      Tout le monde rit, y compris Elise et le vieil homme qui aide les jeunes à biner.

      529.4 Simon le Zélote, Matthieu et Judas rentrent.

      « Tout est fait, Maître. Nous sommes fourbus ! Quelle longue tournée ! Mais demain, je me repose. Demain, ce sera votre tour » prévient Judas à ceux qui piochaient le sol.

      Ce disant, il saisit une bêche et les rejoint pour se mettre à l’œuvre.

      « Mais si tu es fatigué, pourquoi travailles-tu ? lui demande Thomas.

      – Parce que j’ai des jeunes pousses à planter. Cet endroit est pelé comme le crâne d’un vieillard, et c’est dommage, dit-il sentencieusement en enfonçant la pelle dans le sol par d’énergiques coups de pied.

      – Il n’en était pas ainsi au bon vieux temps ! Mais ensuite… Trop de choses sont mortes, et pour moi, ce n’était pas la peine que je travaille à les refaire. Je suis vieux et, plus encore, j’étais désolé, répond le vieillard.

      – Mais quels trous creuses-tu ? C’est bon pour des arbres, pas pour de jeunes pousses, comme tu dis, constate Philippe, qui descend après avoir lié les vignes.

      – Quand un arbre est jeune, c’est toujours une petite pousse. Les miennes le sont. Le temps est favorable. Celui qui me les a données me l’a assuré. Sais-tu qui, Maître ? Ce parent d’Elchias qui est cultivateur ; et il cultive bien. Quel verger ! Et quels oliviers ! Il était en train de renouveler une partie de l’oliveraie. Je lui ai dit : “ Donne-moi quelques-uns de ces arbres. ” “ Pour qui ? ” a-t-il demandé. “ Pour un petit vieux de Nobé qui nous donne l’hospitalité. Elles serviront à me faire pardonner tous les scandales que je lui ai causés. ”

      – Non, mon garçon. Ce n’est pas en plantant des arbres, mais par une bonne conduite que cela peut se faire. Et avec Dieu. Moi… moi, je regarde, je prie et je pardonne. Mais mon pardon… Pourtant, je te suis reconnaissant pour les pousses… Bien que… Crois-tu que je pourrai en manger les fruits ?

      – Pourquoi pas ? Il faut toujours espérer. Et même vouloir triompher… Alors on triomphe.

      – On ne triomphe pas de la vieillesse ! D’ailleurs, je ne le désire pas.

      – De beaucoup d’autres choses aussi on ne triomphe pas. S’il suffisait de vouloir pour posséder ! Moi, j’aurais mes fils, soupire Elise.

      529.5 – Maître, dit Matthieu, les paroles d’Elise me rappellent une question que certains nous ont posée aujourd’hui en route. Quelque chose avait eu lieu dans un village, et ils demandaient si faire un miracle est toujours une preuve de sainteté. Je les assurais que oui, mais eux pensaient que non. En effet dans ce village, aux confins de la Samarie, celui qui avait accompli des choses extraordinaires n’était certainement pas un juste. Je les ai fait taire en disant que l’homme juge toujours mal et que celui dont ils prétendaient qu’il n’était pas juste, l’était peut-être plus qu’eux. Toi, qu’en penses-tu ?

      – Vous avez tous raison : toi en affirmant que le miracle est toujours une preuve de sainteté — car il en est généralement ainsi —, et encore en conseillant de pas juger pour ne pas se tromper. Mais eux aussi avaient raison de soupçonner d’autres sources à l’origine de ce que cet homme avait fait d’extraordinaire.

      – Quelles sources ? demande Judas.

      – Des sources ténébreuses. Il y a des créatures déjà adoratrices de Satan, car elles ont le culte de l’orgueil, qui, pour s’imposer aux autres, se vendent elles-mêmes au Ténébreux, afin de l’avoir pour ami, lui répond Jésus.

      – Est-ce possible ? N’est-ce pas une légende des pays païens que l’homme puisse passer des contrats avec le démon ou des esprits infernaux ? s’étonne Jean.

      – Oui, c’est possible. Pas comme on le raconte dans les légendes païennes, pas avec de l’argent ou des contrats matériels, mais en adhérant au Mal, en choisissant de se livrer au Mal afin d’avoir une heure de triomphe quelconque. En vérité, je vous dis que ceux qui se vendent au Maudit pour parvenir à leur fin, sont plus nombreux qu’on ne croit.

      – Et ils réussissent ? Ils obtiennent réellement ce qu’ils veulent ? demande André.

      – Pas toujours et pas tout. Mais ils ont quelque chose.

      – Et comment est-ce possible ? Le démon est-il assez puissant pour pouvoir simuler Dieu ?

      – Oh oui, très puissant… mais absolument pas, si l’homme est saint. Mais c’est que, bien souvent, l’homme est de lui-même un démon. Nous combattons les possessions évidentes, bruyantes, tapageuses. De celles-ci, tout le monde se rend compte… Elles sont… peu agréables aux membres de la famille ou aux habitants de la ville, et se présentent surtout sous des formes matérielles. L’homme est toujours frappé par ce qui est lourd, ce qui choque ses sens. Ce qui est immatériel et perceptible seulement pour l’immatériel — la raison et l’esprit —, il ne le remarque pas et, même si c’était le cas, il ne s’en soucie pas, surtout si cela ne lui porte pas tort. Ces possessions cachées échappent donc à notre pouvoir d’exorcistes ! Or ce sont les plus dommageables, car elles travaillent sur la partie la plus élevée de l’être, avec cette partie et sur d’autres parties élevées : de raison à raison, d’âme à âme. Ce sont comme des miasmes corrupteurs, impalpables, qu’on ne perçoit pas, jusqu’au moment où la fièvre avertit celui qui en est frappé qu’il est atteint. »

      529.6 Tous demandent :

      « Satan apporte vraiment son aide ? Pourquoi ? Et pourquoi Dieu le laisse-t-il faire ? Le laissera-t-il toujours faire ? Même lorsque tu régneras ?

      – Satan aide pour finir d’asservir. Dieu le laisse faire, car cette lutte entre le haut et le bas, entre le bien et le mal, fait ressortir la valeur de la créature, ainsi que sa volonté. Il le laissera toujours faire, même après mon élévation. Mais alors, Satan aura contre lui un ennemi bien grand, et l’homme aura une amie bien puissante.

      – Qui ? Qui ?

      – La grâce.

      – Oh bien ! Alors, pour ceux de notre temps, sans la grâce, il sera plus facile d’être asservis, mais la chute sera aussi moins grave, dit Judas, sans cesser de bêcher.

      – Non, Judas, le jugement sera le même.

      – Dans ce cas, c’est injuste, car si nous sommes moins aidés, nous devrions être moins condamnés.

      – Tu n’as pas tout à fait tort, approuve Thomas.

      – Au contraire, Thomas, Judas a tort. Car nous, en Israël, nous avons déjà tant de foi, d’espérance, de charité, nous avons reçu tant de lumières de sagesse, que nous ne pouvons avoir l’excuse de l’ignorance. Vous, ensuite, vous qui avez déjà la grâce pour Maîtresse depuis presque trois années, vous serez déjà jugés comme les hommes du temps nouveau » dit Jésus en appuyant fortement sur les mots et en observant Judas, qui a levé la tête et regarde dans le vide d’un air pensif.

      Puis Judas hoche la tête, comme s’il concluait son raisonnement intérieur, et en enfonçant de nouveau sa bêche dans le sol, il demande :

      « Et celui qui se donne ainsi au démon, que devient-il ?

      – Un démon.

      – Un démon ! De cette façon, si moi, par exemple, pour affirmer que ton contact donne un pouvoir surnaturel, je faisais des actions… que tu réprouves, je serais un démon ?

      – Exactement.

      – J’espère bien que tu n’en fais pas ! s’exclame André, presque épouvanté.

      – Moi ? Ah ! Ah ! 529.7 Je plante des arbustes pour notre vieil ami. »

      Et il court vers l’autre côté du jardin et revient avec cinq plantes que la terre qui enveloppe les racines rend sûrement pesantes [5].

      « Tu es venu de Béteron avec cette charge sur les épaules ? s’étonne Pierre.

      – De plus loin que Gabaon, devrais-tu dire ! C’est là que se trouvent en partie les vergers de Daniel. Quelle terre magnifique ! Regardez !… »

      Il effrite entre ses doigts la terre qui entoure les racines, puis il détache le lacet qui maintient les cinq tigelles déjà grosses comme le bras. Deux seulement ont à leur extrémité un peu de feuillage : ce sont des feuilles d’olivier.

      « Voilà, celui-ci pour Jésus, et l’autre pour Marie, qui sont la paix du monde. Je les plante les premiers, car je suis un homme de paix. Ici… et là. »

      Il les place aux deux extrémités de la petite bande de terre.

      « Et ici un pommier, jeune et bon comme celui de l’Eden, pour te rappeler, Jean, que tu descends toi aussi d’Adam, et que tu ne dois pas t’étonner si… je peux être pécheur. Attention, toi, au Serpent… Et ici ce jeune figuier… Non, ce n’est pas bien à cet endroit. Plutôt là, sur le devant, près du mur. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas un figuier dans le jardin, alors qu’ils poussent ici comme du chiendent ? Et dans le trou du milieu, nous allons mettre ce jeune amandier. Il apprendra du centenaire la vertu de la production. Voilà qui est fait ! Ton petit jardin sera beau à l’avenir… et en le regardant tu te souviendras de moi.

      – Même sans cela, je me souviendrais de toute façon de toi, car tu es venu ici avec le Maître. 529.8 Tout me parlera de ce temps. Et en regardant les choses, je dirai : “ Comme un fils, il a voulu remettre ma maison en ordre ! ” Pourtant… si je pouvais avoir une volonté différente de celle qui est peut-être déjà inscrite au Ciel, je voudrais ne pas avoir à me rappeler cette période si belle pour moi, plus belle que lorsque ces arbres, aujourd’hui vieux, étaient jeunes et que moi j’étais jeune ainsi que mon épouse, et qu’ici ma petite fille jouait… Alors, j’avais plaisir à prendre soin du pommier et du grenadier, du figuier et de la vigne, car avides étaient les menottes de ma fille et il était beau de voir mon épouse assise à l’ombre verte des arbres pour tisser ou filer… Depuis… ma fille est partie… et elle est si oublieuse !… Mon épouse est tombée malade, puis elle est morte… Pour qui et pourquoi soigner ce qui autrefois était beau ? Alors tout est mort, sauf les deux vieux qui se souviennent de mon enfance. Je voudrais mourir avant d’avoir à me souvenir, et pendant qu’il y a ici une femme aussi juste que l’était Lia. Je te remercie pour les arbres, pour le travail, pour tout. Je vous remercie tous. Mais je prie mon Seigneur d’arracher ma vieille plante de cette terre avant que ne passe cette heure de paix pour le vieux Jean… »

      Jésus s’approche de lui et lui pose la main sur l’épaule, d’un air doux et austère à la fois :

      « Tu as su faire tant de choses au cours de ta longue vie. Il t’en manque encore une : celle d’accepter de Dieu l’heure de ta mort sans demander qu’elle soit avancée ou retardée d’une minute. Tu t’es résigné à tant de coups durs ! C’est pour cela que Dieu t’aime. Sache te résigner au plus difficile : à vivre quand on désirerait seulement mourir. Et maintenant, rentrons. Le soleil descend derrière les montagnes et le froid augmente vite. Le sabbat commence. Nous finirons les travaux plus tard… »

      Et, ramassant la scie, la bêche et le marteau, il rentre dans la maison tandis que les autres finissent de lier en fagots les branches coupées, d’arroser les arbustes plantés et de poser sur ses gonds la porte remise à neuf.




[1] Élise a perdu, coup sur coup, son mari et ses deux fils.


[2] Le groupe des opposants irréductibles du Sanhédrin

[3] Début de la vie communautaire. C'est aussi le lieu d'un enseignement magistral sur les Dix Commandements – Cf. EMV 118 / 2.85 et suivants

[4] Les deux apôtres les plus âgés. Voir le descriptif

[5] Curieusement, Judas avait déjà eu le réflexe de planter lorsqu'il avait été hébergé à Nazareth, chez la Vierge Marie, et qu'il commettait sa première trahison. (EMV 263 / 4.127).



*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-226.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/enseignements-aux-apotres.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 10 Mar - 20:41

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

530. Une autre nuit de péché de Judas

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 227.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 530.

Le 14 novembre 1946

Dimanche 18 novembre 29
Nobé


      530.1 Nobé toute entière dort encore. C’est la première nuance du jour. L’aube, dans les lueurs apaisées de l’hiver, est d’une délicatesse de teintes irréelles. Ce n’est pas la lumière vert argenté des aurores d’été qui s’affirme rapidement et se change en or pâle, puis en un rouge de plus en plus accentué. Mais un vert jade, nuancé d’un gris bleu très léger, l’indique à l’orient par un petit demi-cercle, à la limite de l’horizon, en bas : un point d’une luminosité voilée, et pour ainsi dire lasse, comme celle de la pâle flamme du soufre allumé, derrière un rideau de fumée blanchâtre. Et elle hésite à s’allonger sur le ciel, qui reste gris, mais est serein et porte encore des étoiles qui regardent le monde. Elle hésite à repousser la grisaille pour faire place à sa précieuse couleur de pâle jade et au pur cobalt du ciel palestinien. Timide et frileuse, elle paraît s’arrêter à la limite de l’orient. Elle s’y attarde encore, dilatant insensiblement son demi-cercle de luminosité sulfureuse et à peine diluée de vert pâle en une couleur blanche mêlée d’un souvenir de jaune, quand elle doit s’effacer devant un rosé subit qui dégage le ciel du dernier voile de la nuit et le rend net et précieux comme un baldaquin de satin couleur de saphir. Un feu s’allume au bout de l’horizon comme si un mur venait de tomber pour mettre à découvert une fournaise ardente. Mais est-ce du feu ou un rubis allumé par un feu caché ? Non, c’est le soleil qui émerge : le voici. A peine pointe-t-il de la courbe de l’horizon que déjà il a trouvé moyen de peindre de corail rosé un flocon de nuages et de changer en diamants les gouttes de rosée à la cime des arbres à feuilles persistantes. Un grand rouvre, à l’extrémité du village, porte un voile de diamants sur ses feuilles couleur de bronze, tournées vers l’orient. On dirait autant de claires étoiles qui scintillent dans les branches de ce géant dont la cime plonge dans l’azur.

      Peut-être, pendant la nuit, des étoiles sont-elles descendues trop bas sur le village pour murmurer quelque céleste secret aux habitants de Nobé, ou bien pour consoler par leur lumière pure l’Homme qui, éveillé, marche silencieusement là-haut, sur la terrasse de Jean.

      Oui, parce que seul, dans Nobé endormi, Jésus est éveillé ; il arpente la terrasse de la maisonnette, les bras croisés sous son manteau bien serré qui le couvre tout entier pour le défendre du froid et qui lui sert aussi de capuchon. Chaque fois qu’il arrive à un bout de la terrasse, il regarde au dehors, en se penchant pour voir la rue qui traverse le centre du village ; mais elle est encore à demi obscure, vide, silencieuse. Alors, il se remet à faire les cent pas d’un côté à l’autre, lentement, en silence, la plupart du temps la tête penchée, méditatif, observant parfois le ciel de plus en plus lumineux et les couleurs vagues de l’aube et de l’aurore, ou en suivant du regard le vol frémissant du premier passereau, réveillé par la lumière, qui quitte la tuile hospitalière d’un toit voisin pour descendre becqueter au pied du vieux pommier de Jean, et puis s’envole de nouveau, après avoir vu Jésus, avec un cui-cui effrayé qui réveille les autres oiseaux nichés çà et là.

      530.2 D’un enclos s’élève un bêlement de brebis qui se perd en tremblant dans l’air. De la rue provient un bruit de pas rapides.

      Jésus se penche pour regarder, puis il descend vivement le petit escalier, entre dans la cuisine obscure et referme la porte derrière lui.

      Les pas se rapprochent, résonnent maintenant dans le jardin à côté de la maison, s’arrêtent devant l’entrée de la cuisine ; une main essaie d’ouvrir, se rend compte que la clé n’est pas dans la serrure, actionne alors le verrou que l’on peut remuer du dehors aussi bien que de l’intérieur, et une voix dit en même temps :

      « Quelqu’un serait-il déjà levé ? »

      Une main encore ouvre la porte avec précaution sans la faire grincer. La tête de Judas se glisse par l’ouverture… Il regarde… Obscurité complète. Froid. Silence.

      « Ils ont laissé la porte ouverte… Et pourtant… Elle me paraissait fermée… Ça n’a d’ailleurs aucune importance !… On ne vole pas les pauvres, et en est-il de plus misérables que nous… Mais espérons que… cela ne va pas durer. Où est ce maudit allume-feu ?… Je ne le trouve pas… Si je réussis à allumer le feu… c’est que je suis rentré tard, oui, vraiment trop tard… Mais où peut-il être ? Bien trop de mains le touchent. Sur le foyer ? Non… Sur la table ? Non… Sur les bancs ? Non… Sur l’étagère ?… Non plus… Cette porte vermoulue grince quand on l’ouvre… Bois rongé, gonds rouillés… Tout est vieux, moisi, horrible ici. Ah ! pauvre Judas ! Et il n’y est pas… Il me faudra vraiment entrer chez le vieux… »

      Tout en parlant, il a marché à tâtons, çà et là, invisible dans l’ombre, prudent comme un voleur ou un oiseau de nuit pour éviter les obstacles qui pourraient faire du bruit…

      530.3 Il se heurte à un corps et pousse un cri d’effroi étouffé.

      « N’aie pas peur. C’est moi. Et l’allume-feu est dans ma main. Le voici. Allume, dit Jésus paisiblement.

      – Toi, Maître ? Que faisais-tu ici, tout seul, dans le noir, dans le froid… Il y aura beaucoup de malades certainement aujourd’hui après le sabbat et deux jours de pluie, mais ils ne seront pas là de sitôt. C’est seulement maintenant qu’ils se mettent en marche des villes voisines, car ce n’est qu’à présent que l’on comprend qu’il ne pleuvra pas aujourd’hui. Le vent de la nuit a déjà essuyé les routes.

      – Je le sais, mais allume. Il ne convient pas à des gens honnêtes de parler ainsi dans le noir, c’est bon pour des voleurs, des menteurs, des luxurieux et des assassins. Les complices de mauvaises actions aiment les ténèbres. Moi, je ne suis le complice de personne.

      – Moi non plus, Maître. Je voulais préparer un bon feu, et c’est pour cela que je me suis levé de bonne heure… Que dis-tu, Maître ? Tu as murmuré quelque chose que je n’ai pas compris.

      – Allume donc.

      – Ah !… J’ai vu ainsi qu’il fait beau. Mais il fait froid. Tous auront plaisir à trouver un bon feu… Tu t’es levé en m’entendant remuer ici ou à cause du vieux qui… Il a encore ses douleurs ?… Voilà, enfin ! L’amadou et l’allume-feu paraissaient humides, au point qu’ils ne voulaient pas faire d’étincelle… Ils sont trempés… »

      530.4 Une petite flamme se lève de la mèche d’une lampe, fluette, tremblante… mais suffisante pour voir les deux visages : le visage pâle du Christ, le visage brun et imperturbable de Judas.

      « Maintenant, j’allume le feu… Tu es pâle comme un mort. Tu n’as pas dormi ! Tout ça à cause de ce vieux ! Tu es trop bon.

      – C’est vrai : je suis trop bon… Envers tout le monde, même envers ceux qui ne le méritent pas. Mais le vieillard le mérite. C’est un homme honnête, un cœur fidèle. Toutefois, ce n’est pas pour lui que j’ai veillé, mais pour un autre. C’est vrai. L’amadou et l'allume-feu étaient humides, mais ce n’était pas à cause d’une tasse renversée ou de quelque liquide répandu accidentellement, mais à cause de mes larmes qui sont tombées dessus. C’est vrai. Il fait beau, mais froid, et le vent a essuyé les routes ; mais vers l’aube, la rosée est tombée. Touche mon manteau, il en est humide… Et puis l’aube est venue montrer le temps serein, la lumière est venue me montrer une place vide, et le soleil de l’aurore est venu faire briller la rosée sur les feuilles et les larmes sur les cils. C’est vrai, il y aura aujourd’hui beaucoup de malades, mais ce n’étaient pas eux que j’attendais. Je t’attendais, toi. Car c’est pour toi que j’ai veillé toute la nuit. C’est pour toi que, ne pouvant rester enfermé ici à t’attendre, je suis monté sur la terrasse pour jeter au vent mon appel, montrer aux étoiles ma douleur, à l’aurore mes larmes. Ce n’est pas le vieillard malade, mais le jeune dévoyé, le disciple qui fuit le Maître, l’apôtre de Dieu qui préfère l’égout au Ciel et le mensonge à la vérité, qui m’a tenu debout toute la nuit pour t’attendre. Et quand j’ai entendu tes pas, je suis descendu ici… pour t’attendre encore. Non plus ta personne qui, maintenant, m’était proche et se déplaçait comme un voleur dans la cuisine obscure, mais ton sentiment… J’ai attendu une parole… Et tu n’as pas su la dire quand tu m’as senti debout contre toi. Celui auquel tu es en train de vendre ton âme ne t’a donc pas averti que je savais ? Mais non ! Il ne pouvait t’avertir ni te suggérer la seule parole que tu pouvais, que tu devais dire, si tu avais été un juste. Et il t’a suggéré des mensonges que je ne demandais pas, inutiles, offensants plus encore que ta fugue nocturne. Il te les a suggérés en ricanant, content de t’avoir fait descendre une marche de plus et de m’avoir causé une autre peine. C’est vrai. Il viendra beaucoup de malades, mais le plus grand malade ne viendra pas à son Médecin. Et le Médecin lui-même est malade de douleur pour ce malade qui ne veut pas guérir. C’est vrai. Tout est vrai, même que j’ai murmuré un mot que tu n’as pas compris. Après ce que je t’ai dit, tu le devines ? »

      Jésus a parlé à voix basse, mais sur un ton si tranchant, si douloureux et en même temps si sévère que Judas qui, aux premiers mots, était souriant, bien droit, effronté, tout près de Jésus, s’est peu à peu éloigné et ratatiné comme si chaque mot lui assénait un coup, alors que Jésus s’est toujours plus redressé, vraiment Juge et vraiment tragique dans son attitude douloureuse.

      Judas, bloqué maintenant entre une huche et le coin du mur, murmure :

      « Mais… Je ne sais pas…

      – Non ? Eh bien, je te le redis, car je ne crains pas de dire ce qui est vrai. Menteur ! Voilà ce que je t’ai dit. Et si l’on supporte encore les mensonges d’un enfant parce qu’il en ignore la portée et qu’on lui apprend à ne plus en dire, chez un homme, on ne le supporte pas, et chez un apôtre, disciple de la Vérité même, il provoque le dégoût. Un dégoût total. Voilà pourquoi je t’ai attendu toute la nuit et pourquoi j’ai pleuré en mouillant la table là où se trouvait l’allume-feu. Ensuite, j’ai pleuré en veillant et en t’appelant de toute mon âme à la lumière des étoiles, voilà pourquoi je suis trempé par la rosée comme l’amant des Cantiques [1]. Mais c’est en vain qu’elle couvre ma tête et que les gouttes de la nuit mouillent les boucles de mes cheveux ; c’est inutilement que je frappe à la porte de ton âme et que je lui dis : “ Ouvre-moi, car je t’aime, bien que tu ne sois pas immaculée. ” C’est même justement parce qu’elle est tachée que je veux entrer en elle et la purifier. C’est justement parce qu’elle est malade que je veux entrer pour la guérir. Fais attention, Judas ! Prends garde que l’Epoux ne s’éloigne, et pour toujours, et que tu ne puisses plus le trouver… 530.5 Judas, tu ne dis rien ?…

      – Il est trop tard pour parler, désormais ! Tu l’as dit : je te dégoûte. Chasse-moi…

      – Non. Les lépreux eux aussi me dégoûtent, mais j’ai pitié d’eux et, s’ils m’appellent, j’accours et je les purifie. Ne veux-tu pas être purifié ?

      – Il est trop tard… c’est inutile. Je ne sais pas être saint. Chasse-moi, te dis-je.

      – Je ne suis pas l’un de tes amis pharisiens qui déclarent impurs une infinité de choses et les fuient ou les chassent durement alors qu’ils pourraient les purifier par la charité. Je suis le Sauveur et je ne chasse personne… »

      Un long silence s’établit. Judas reste dans son coin. Jésus appuie son dos à la table et, l’air fatigué, souffrant, il semble se soutenir grâce à elle… Judas lève la tête. Hésitant, il le regarde et murmure :

      « Et si je te quittais, que ferais-tu ?

      – Rien. Je respecterais ta volonté, en priant pour toi. Pourtant à mon tour, je t’affirme que même si tu me quittes, il est désormais trop tard.

      – Trop tard pour quoi, Maître ?

      – Pour quoi ? Tu le sais comme moi… Allume le feu, maintenant. On marche, au-dessus. Etouffons le scandale ici, entre nous. Pour tous, nous aurons eu un court sommeil… et nous aurons été réunis par un désir de chaleur… Mon Père !… »

      Et pendant que Judas approche la flamme des branches déjà mises sur le foyer et souffle pour allumer des copeaux, Jésus lève les mains au-dessus de sa tête et s’en presse les yeux…



[1] Cantique 5,2


*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-227.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/une-autre-nuit-de-peche-de-judas.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 11 Mar - 22:31

Bonjour à tous,

Ce chapitre est très long et je vais donc le couper en deux parties (peut-être trois si ça me semble mieux).

Bonne lecture Wink

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

531. A Nobé, malades et pèlerins viennent de partout. Valéria et le divorce. La guérison du petit Lévi (partie 1)

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 228.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 531.

Le 15 novembre 1946

Dimanche 18 novembre 29
Nobé


      531.1 Jésus se tient au milieu de malades ou de pèlerins venus vers lui d’un peu partout en Palestine. Il y a même un navigateur de Tyr qu’un accident en mer a rendu paralysé et qui raconte son histoire : le roulis a provoqué la chute du chargement, les lourdes marchandises sont tombées sur lui et ont blessé sa colonne vertébrale. Il n’est pas mort, mais sa situation est pire, car son handicap oblige ses parents à délaisser leur travail pour le soigner. Il dit être allé avec eux à Capharnaüm puis à Nazareth, et avoir appris par Marie que Jésus se trouvait en Judée, et précisément à Jérusalem.

      « Elle m’a donné le noms d’amis susceptibles de t’héberger, et un Galiléen de Séphoris m’a dit que tu étais ici, de sorte que je suis venu. Je sais que tu ne méprises personne, pas même les Samaritains. Et j’espère que tu m’exauceras. J’ai une telle foi ! »

      Sa femme reste silencieuse mais, accroupie à côté du grabat sur lequel on a posé le malade, elle regarde Jésus avec des yeux plus suppliants que toute parole.

      « Où as-tu été touché ?

      – Au-dessous du cou. C’est là précisément que le choc a été le plus fort et que j’ai entendu dans ma tête un bruit semblable à celui du bronze que l’on frappe. Puis il a fait place au continuel mugissement d’une mer en tempête et des lumières, des lumières de toutes couleurs se sont mises à danser devant mes yeux… Ensuite, je n’ai plus rien senti pendant plusieurs jours. Nous naviguions dans les eaux de Cintium et je me suis retrouvé à la maison, je ne sais comment. J’ai retrouvé le mugissement dans la tête et les lumières dans les yeux pendant des jours et des jours. Puis cela a passé… mais mes bras comme mes jambes sont restés morts. A quarante ans, je suis un homme fini, or j’ai sept enfants, Seigneur.

      – Femme, soulève ton mari et découvre l’endroit qui a été atteint. »

      La femme obéit sans mot dire. Par des mouvements adroits et maternels, aidée par l’homme qui l’accompagne — j’ignore s’il s’agit de son frère ou de son beau-frère —, elle glisse un bras sous les épaules de son mari tandis que, de l’autre main, elle soutient la tête puis, avec la délicatesse avec laquelle on retournerait un nouveau-né, elle soulève le corps lourd de son siège. Une cicatrice encore rouge indique l’endroit du choc principal.

      Jésus se penche. Tout le monde allonge le cou pour regarder. Jésus appuie la pointe des doigts sur la cicatrice en disant :

      « Je le veux ! »

      L’homme a une secousse, comme si un courant électrique l’avait touché, et il s’écrie :

      « Quel feu ! »

      Jésus détache les doigts des vertèbres blessées et ordonne :

      « Lève-toi ! »

      L’homme ne se le fait pas dire deux fois. Appuyer sur son siège ses bras inertes depuis des mois, se secouer pour se dégager de ceux qui le soutiennent, lancer ses jambes en bas du brancard et se mettre debout, voilà qui est fait en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.

      La femme crie, le parent crie, l’homme guéri lève les bras au ciel, rendu muet par la joie. Après un instant de stupéfaction, il tourne sur lui-même, avec l’assurance de l’homme le plus agile, et se tient face à Jésus. Il retrouve alors sa voix et s’écrie :

      « Béni sois-tu, toi et celui qui t’a envoyé ! Je crois au Dieu d’Israël, et à toi, son Messie ! »

      A ces mots, il se jette à terre pour baiser les pieds de Jésus tandis que les gens ovationnent.

      531.2 Après cela, d’autres miracles sont accomplis sur des enfants, des femmes, des vieillards pour la plupart. Puis Jésus parle.

      « Vous avez vu le miracle des os fracturés qui retrouvent leur solidité et des membres morts qui reprennent vie. Cela, c’est le Seigneur qui vous l’a accordé pour fortifier la foi des croyants et la susciter chez les autres. Et ce miracle a été accordé à des personnes venues de partout chercher ici la santé, poussées par la foi en mon pouvoir de guérison.

      Il y a ici des Judéens et des Galiléens, des Libanais et des Syro-Phéniciens, des habitants de la Batanée lointaine [1] et des bords de la mer. Et tous sont venus, sans tenir compte de la saison et de la longueur du trajet ; leurs parents les ont accompagnés sans murmurer, sans se plaindre des travaux restés en suspens ou des commerces délaissés, car ce qu’ils allaient obtenir valait de loin tous les sacrifices. Et comme sont tombés les égoïsmes et les incertitudes de l’homme, ainsi sont tombées les idées politiques ou religieuses qui constituaient une sorte de muraille les empêchant de se considérer tous frères, tous égaux dans la vie et la souffrance, unis dans le même désir, le même espoir de santé et de réconfort.

      Et moi, à tous ceux qui ont su se joindre dans une espérance qui est déjà de la foi, j’ai accordé la santé et le réconfort, car il est juste qu’il en soit ainsi.

      531.3 Je suis le Pasteur universel et je dois accueillir toutes les brebis qui veulent entrer dans mon troupeau. Je ne fais aucune distinction entre les brebis en bonne santé et les malades, entre les brebis faibles et les fortes, entre celles qui me connaissent parce qu’elles appartiennent déjà au troupeau de Dieu, et celles qui jusqu’à ce jour ne me connaissaient pas et ne connaissaient même pas le vrai Dieu. Car je suis le Pasteur de l’humanité, et je prends mes brebis partout où elles se trouvent et se dirigent vers moi. S’agit-il de brebis maigres, sales, avilies, ignorantes, frappées par des bergers qui ne les ont pas aimées et les ont repoussées en les qualifiant d’impures ? Il n’est pas d’impureté qui ne puisse être purifiée. Et il n’est pas d’impureté qui, voulant se purifier et demandant de l’aide pour y arriver, puisse être repoussée sous prétexte qu’elle est incurable.

      Les bons désirs, c’est Dieu qui les suscite. S’il les suscite, c’est signe qu’il veut les voir devenir réalité. C’est le même Esprit de Dieu qui demande par des prières ineffables cette absorption de tous les hommes par l’Amour, car l’Esprit de Dieu désire se répandre et s’enrichir : se répandre en aimant un nombre illimité d’êtres à peine suffisant pour donner satisfaction à son infinité d’Amour, et s’enrichir de l’amour d’un nombre illimité d’êtres attirés à lui par la douceur de ses parfums. Il n’est donc permis à personne de mépriser et de repousser celui qui veut entrer dans le saint troupeau.

      Je dis cela pour ceux d’entre vous qui peuvent cultiver dans leur cœur les idées d’une grande partie d’Israël, des idées de distinctions et de jugements que Dieu n’apprécie pas, car elles sont contraires à son dessein de faire de tous les peuples un Peuple unique qui porte le nom du Messie envoyé par lui.

      Cependant, je m’adresse aussi à ceux qui viennent de l’extérieur, aux brebis jusqu’à présent sauvages et qui éprouvent le désir d’entrer dans le troupeau unique de l’unique Pasteur. Et je dis : que rien ne les décourage, que rien ne les avilisse. Il n’est pas de paganisme, il n’est pas d’idolâtrie, il n’est pas de vie différente de celle que j’enseigne, qu’on ne puisse renier et repousser pour permettre à l’esprit de se refaire à neuf, délivré de toute mauvaise herbe pour être capable de recevoir de nouvelles semences et de revêtir un nouveau vêtement. Et c’est cela, plus encore que la santé des membres, qui devrait pousser les peuples vers moi.

      531.4 De la même façon — et cela vaut pour les Hébreux de Palestine comme pour les juifs et les prosélytes de la Diaspora ou encore pour les païens —, tout comme vous savez venir à moi pour que vos chairs malades soit délivrées du joug de l’infirmité, sachez venir pour que votre âme soit délivrée du joug du péché ou du paganisme. Tous, vous devriez désirer et me demander en premier lieu, de toute votre cœur, d’être libérés de ce qui rend votre esprit esclave des forces mauvaises qui le dominent. Vous devriez vouloir d’abord cette libération, et demander comme premier miracle le Royaume de Dieu en vous. Car, une fois que ce sera le cas, toute autre grâce vous sera donnée, et donnée de manière que le don ne pèse pas comme un châtiment dans l’autre vie.

      Vous n’avez pas pris en considération les intempéries, les fatigues, les dépenses, les soins pour obtenir la santé des membres qui, même s’ils sont guéris aujourd’hui, dans un proche avenir, périront de mort physique. C’est du même cœur que vous devriez savoir tout affronter pour obtenir la santé spirituelle, la vie éternelle, et la possession du Royaume de Dieu.

      Qu’est-ce que le mépris ou les menaces de parents, de concitoyens ou de puissances, en comparaison de ce que vous obtiendrez tous, de quelque endroit que vous arriviez, si vous savez naître à la vérité et à la vie ? Qui, pour rester une journée à une fête qui se termine au coucher du soleil, hésiterait à aller à un endroit où il saurait que l’attend toute une vie de bonheur ? C’est pourtant ce que font beaucoup. Pour se rassasier, pendant une fraction de temps, des insipides et inutiles joies du monde, ils négligent d’accourir à l’endroit où ils trouveraient pour toujours une vraie nourriture, une vraie santé, une vraie joie, et sans crainte de se la voir arracher par une haine ennemie.

      Dans le royaume de Dieu, il n’y a pas de haine, pas de guerre, pas d’injustices. Celui qui sait y entrer ne connaît plus la douleur, l’angoisse, les vexations, mais il possède la paix joyeuse qui émane de mon Père.

      Je vous congédie. Allez. Retournez dans vos villages. Désormais, mes disciples sont nombreux et répandus dans toutes les régions de Palestine. Ecoutez-les, si vous voulez connaître ma Doctrine et être prêts pour le jour de la décision dont dépendra la vie éternelle d’un grand nombre. Je vous donne ma paix pour qu’elle vous accompagne. »

      Et Jésus, après avoir béni la foule, rentre dans la maison…

      531.5 Après être restés un moment à l’extérieur, les apôtres viennent déjeuner, car le soleil, déjà haut dans le ciel, indique qu’il est midi.

      Après la bénédiction, ils s’asseyent à la table rustique pour prendre leur repas, composé de fromages, de chicorée cuite à l’eau et assaisonnée à l’huile, et discutent sur les événements de la matinée. Ils se réjouissent que le nombre des disciples qui évangélisent se soit accru au point de pouvoir soulager le Maître du devoir de parler continuellement, dans les conditions de fatigue où il se trouve. En effet Jésus, ces derniers temps, est encore amaigri. Sa carnation de peau, qui est naturellement d’un blanc d’ivoire foncé avec à peine une teinte de rosé sous la couleur brune de la peau, au sommet des joues, est maintenant tout à fait blanche, semblable à un pétale de magnolia qui aurait perdu sa fraîcheur.

      Comme j’ai longtemps vécu à Milan, je connais la couleur délicate du marbre de Candoglia qui a servi à la construction du magnifique Dôme. Or le visage du Seigneur, en ces derniers mois douloureux de sa vie terrestre, me paraît vraiment avoir la couleur de ce marbre qui n’est pas blanc, qui n’est pas rosé, qui n’est pas jaune, mais rappelle avec les nuances les plus délicates ces trois couleurs. Ses yeux sont plus profonds et semblent donc plus sombres ; peut-être aussi une ombre de lassitude obscurcit-elle les paupières et les orbites. Ce sont les yeux d’un homme qui dort peu, pleure beaucoup et souffre. Et sa main me paraît plus longue, parce qu’elle est décharnée et plus pâle : cette douce main de mon Seigneur révèle déjà le relief des tendons et les veines, et aussi des creux par suite de la maigreur sous laquelle transparaît l’ossature sous-jacente. C’est une sainte main martyre, déjà prête pour le clou qui la transpercera et où il sera facile aux bourreaux de trouver le point où l’enfoncer, puisqu’il n’y a pas trace de graisse sur la main ascétique de mon Seigneur.

      Maintenant, elle s’abandonne comme par épuisement sur le bois sombre de la table, tandis qu’il hoche la tête en souriant d’un air fatigué à ses apôtres, qui s’aperçoivent de l’infinie lassitude de ses membres, de sa voix, et surtout de son cœur, trop affligé, trop épuisé par l’effort de devoir tenir unis tant de cœurs différents, de devoir supporter et tenir cachée la turpitude de son incorrigible disciple…

      531.6 Pierre décrète :

      « Jusqu’à la fête de la Dédicace, il faut absolument que tu te reposes. Nous nous occuperons nous-mêmes de ceux qui viendront. Toi, tu iras… Mais, oui ! chez Thomas. Tu seras tout près et en paix [2]. »

      Thomas appuie la proposition de Pierre, mais Jésus secoue la tête. Non, il s’y refuse.

      « Dans ce cas, tu ne parleras pas ces jours-ci. Nous pouvons le faire. Ce ne seront pas des paroles très élevées : nous nous en tiendrons à ce que nous savons et toi, tu t’occuperas seulement des malades.

      – Cela, nous aussi pouvons le faire, décrète Judas.

      – Hum ! Moi, j’y renonce, dit Pierre.

      – Pourtant, tu l’as déjà fait !

      – Bien sûr, quand le Maître n’était pas avec nous et que nous devions le représenter et le faire aimer. Mais à présent il est là, et c’est lui qui accomplit les miracles. Lui seul en est digne. Des miracles, nous ! Mais nous avons besoin de recevoir celui de notre renouveau personnel, parce que, de nous-mêmes, je m’en rends bien compte, nous ne ferons jamais rien de bon. Nous sommes de misérables pécheurs et des ignorants.

      – Parle pour toi, je t’en prie. Moi, je ne me sens pas du tout misérable ! réplique Judas.

      – Le Maître est fatigué. Sa lassitude est plus morale que physique. S’il est vrai que nous l’aimons, évitons les disputes. C’est ce qui l’épuise le plus » tranche sévèrement Simon le Zélote.

      Jésus lève les yeux pour regarder l’apôtre âgé, toujours si sage, et il lui tend la main par dessus la table pour lui faire une caresse. Simon le Zélote prend dans ses mains brunes cette main blanche et il la baise.

      « Tu as raison, mais moi aussi, quand je dis qu’il doit absolument se reposer. Il a l’air malade !… » insiste Pierre.

      Tous sont d’accord, y compris le vieux Jean et Elise, qui intervient :

      « Il y a si longtemps que je le dis. C’est pourquoi je voudrais… »

      531.7 Un coup à la porte.

      André, qui en est le plus proche, va ouvrir et sort en refermant la porte derrière lui. A son retour, il annonce :

      « Maître, il y a une femme. Elle insiste pour te voir. Elle est accompagnée d’une fillette. Elle doit être de haute condition, malgré la simplicité de son vêtement. Je pense qu’elles ne sont pas malades, ni elle ni sa fille. Mais je ne sais pourquoi elle porte un voile si épais. La petite a des fleurs splendides dans les bras.

      – Renvoie-la. Nous étions en train de dire qu’il doit se reposer, et tu ne le laisses même pas finir de manger ! grommelle Pierre.

      – Je le lui ai dit. Mais elle m’a répondu qu’elle ne fatiguera pas le Maître, et qu’il se réjouira sûrement de la voir.

      – Demande-lui de revenir demain à la même heure que tout le monde. Le Maître va maintenant se reposer.

      – André, accompagne-la dans la chambre du haut. J’arrive tout de suite, dit Jésus.

      – Et voilà ! Je le savais bien ! C’est ainsi qu’il se ménage ! C’est exactement comme nous lui disions de faire ! »

      Pierre est fâché.

      Jésus se lève et, avant de sortir, il passe derrière Pierre, lui met les mains sur les épaules, se penche un peu pour déposer un baiser sur ses cheveux :

      « Tu es gentil, Simon ! Celui qui m’aime soulage ma lassitude plus que si je me reposais sur un lit.

      – Sais-tu si c’est une personne qui t’aime ?

      – Oh ! Simon ! L’inquiétude te fait dire des paroles dont tu t’es déjà repenti, car tu te rends compte qu’elles sont sottes ! Réfléchis ! Une femme qui vient, avec une enfant innocente dont les bras sont chargés de fleurs, ne peut que m’aimer et pressentir mon besoin de trouver un peu d’amour et de pureté au milieu de tant de haine et de souillure. »

      A ces mots, il monte l’escalier de la terrasse, tandis qu’André, sa mission accomplie, rentre dans la cuisine.



[1] La Batanée, aujourd’hui Al-Bathaniya, est une plaine fertile au sud de la Syrie actuelle.

[2] À Rama, tout proche de Nobé.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-228.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/valeria-et-le-divorce.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 13 Mar - 11:13

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

531. A Nobé, malades et pèlerins viennent de partout. Valéria et le divorce. La guérison du petit Lévi (partie 2)
 
Ancienne édition : Tome 7, chapitre 228.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 531.
 
Le 15 novembre 1946
 
Dimanche 18 novembre 29
Nobé

 
       531.8 La femme se tient sur le seuil de la porte de la pièce supérieure. Elle est grande, élancée sous un lourd manteau gris, le visage voilé par une toile de soie ivoire qui descend de la capuche fermée autour de son visage. La fillette, toute jeune encore — elle peut avoir au maximum trois ans —, porte un petit vêtement de laine blanche et un manteau à capuche, blanc également. Mais cette capuche, en glissant, a découvert ses boucles d’une délicate couleur châtain clair lorsque, pour regarder la femme, elle a levé son petit visage qui émerge du bouquet qu’elle serre étroitement dans ses bras. Celui-ci est composé de magnifiques fleurs qu’on ne peut trouver en décembre que dans ces pays-là : ce sont des roses carnées mélangées avec de délicates fleurs blanches que je ne connais pas — je ne suis pas très forte en floriculture.
 
       A peine Jésus a-t-il posé le pied sur la terrasse qu’il s’entend saluer par la petite voix de l’enfant qui court à sa rencontre, poussée par la femme :
 
       « Ave, Domine Jesu ! »
 
       Jésus incline sa haute personne sur sa minuscule fidèle, et pose une main sur ses cheveux :
 
       « La paix soit avec toi. »
 
       Puis il se relève et suit la fillette qui, avec un gazouillement joyeux, revient vers la femme. Celle-ci s’incline profondément, en se déplaçant pour laisser le Maître passer par la porte.
 
       Jésus la salue d’un signe de tête, et pénètre dans la pièce pour aller s’asseoir sur le premier siège qu’il trouve, silencieux comme s’il attendait. Il est très majestueux. Sur son pauvre tabouret de bois sans dossier, il paraît siéger sur un trône tant est éblouissante sa dignité. Sans manteau, avec son seul habit de laine d’un bleu très foncé, sans ornements, un peu déteint sur les épaules où la pluie, le soleil, la poussière et la sueur ont défraîchi la couleur — en résumé, un habit pauvre, mais propre —, il paraît vêtu de pourpre tant son attitude est royale. Il a la tête très droite, presque hiératique, les mains sur les genoux, paumes ouvertes, les pieds nus sur le sol en vieilles briques, avec comme fond le mur à peine blanchi à la chaux. Derrière lui se trouvent, non pas un drap ni un baldaquin, mais un tamis pour la farine et une corde où sont suspendus des paquets d’ail et d’oignons. Mais il est plus imposant que s’il avait sous les pieds un pavage précieux, un mur d’or derrière lui et un voile de pourpre orné de pierreries sur la tête.
 
       Il attend. Sa majesté paralyse la femme en une stupeur de vénération. La fillette elle aussi se tait et reste immobile à côté de la femme, un peu effrayée peut-être. Mais Jésus sourit :
 
       « Je suis ici pour vous. N’ayez pas peur. »
 
       Alors toute crainte tombe. La femme murmure quelque chose à la fillette et celle-ci s’avance, s’approche des genoux de Jésus et lui tend toutes ses fleurs :
 
       « Ce sont les roses de Faustina à son Sauveur. »
 
       Elle dit ces mots lentement, comme quelqu’un qui ne connaît pas une langue qui n’est pas la sienne. Pendant ce temps, la femme est venue s’agenouiller derrière la fillette, en rejetant son voile. C’est Valéria, la mère de la petite, qui salue Jésus à la romaine :
 
       « Ave, Maître.
 
       – Que Dieu vienne à toi, femme. Comment donc es-tu ici ? Qui plus est, seule ? » demande Jésus tout en caressant la petite.
 
       Toute peur disparue, celle-ci, non contente d’avoir déposé les fleurs sur les genoux de Jésus, fouille le bouquet qui embaume et choisit celles qui lui semblent les plus belles :
 
       « Prends ! Prends ! C’est pour toi, tu sais… »
 
       Et elle lève tantôt une rose, tantôt une des larges ombrelles blanches à petites étoiles odorantes, près du visage de Jésus qui les prend et les remet avec les autres.
 
       531.9 Pendant ce temps, Valéria parle :
 
       « J’étais à Tibériade, car ma fille était un peu malade et notre médecin l’avait conseillé… »
 
       Elle fait une longue pause, change de couleur puis dit à la hâte :
 
       « Je ressentais une grande douleur au fond du cœur et je désirais te voir. Car un seul médecin pouvait me guérir : toi, Maître, qui en toutes choses as des paroles de justice… Je serais donc venue de toute façon, poussée par l’égoïsme d’obtenir de toi quelque réconfort, mais aussi pour savoir ce que je dois faire pour… Oui, pour te montrer ma reconnaissance, à toi et à ton Dieu, qui m’avez accordé d’avoir mon enfant… Mais nous savons tant de choses, Maître… Les rapports des moindres faits de la Colonie sont quotidiennement déposés sur la table de travail de Ponce Pilate. Il en prend connaissance, mais pour prendre des décisions à leur sujet, il s’en rapporte beaucoup à Claudia… Nombre de ces rapports parlent de toi et des juifs qui entretiennent l’agitation dans le pays, en faisant de toi à la fois un emblème de réveil national et une cause de haine civile. Claudia voit juste quand elle dit à son mari que, s’il y a en Palestine un seul homme dont il n’ait rien à redouter, c’est bien toi. Et Pilate l’écoute jour après jour… Jusqu’à présent, Claudia est la plus forte. Mais si, demain, une autre force dominait Pilate… J’ai donc su et senti que l’innocence de ma fille allait te consoler…
 
       – Tu as eu un cœur plein de pitié et éclairé, femme. Que Dieu t’éclaire pleinement et veille sur ton enfant, maintenant et toujours.
 
       – Merci, Seigneur. J’ai besoin de Dieu… »
 
       Des larmes coulent des yeux de Valéria.
 
       « Oui, tu en as besoin. C’est en lui que tu auras tout réconfort, et tu sauras trouver un guide pour être juste en jugeant, en pardonnant, en aimant encore, et surtout pour éduquer cette petite, afin qu’elle ait la vie heureuse des enfants du vrai Dieu.
 
       531.10 Tu vois : le Dieu que tu ne connaissais pas, que tu avais peut-être raillé, lui et sa Loi, si différents de vos dieux comme de vos lois et pratiques religieuses ; le Dieu que tu avais certainement offensé par une manière de vivre où la vertu n’était pas respectée en bien des choses, légères encore, si tu veux, mais qui conduisaient à blesser plus grièvement la vertu et à offenser la Divinité qui t’a créée, toi aussi ; ce Dieu t’a tant aimée qu’il t’a amenée à moi, par la souffrance que tu éprouvais dans ton humanité de mère — et de mère qui ne connaît pas la vie future et par conséquent le caractère temporaire de la séparation de la chair de sa chair. Il t’a aimée au point de me conduire à Césarée quand tu agonisais, pour ainsi dire, sur la chair de ton enfant, qui en était à sa dernière extrémité. Il t’a tant aimée qu’il te l’a rendue [3] afin que tu gardes toujours à l’esprit la bonté et la puissance du vrai Dieu, et que tu y trouves un frein contre la licence païenne, ainsi qu’une consolation dans toutes tes peines de femme mariée. Il t’a tant aimée que, par une autre douleur, il a renforcé en toi la volonté de venir à la Voie, à la Vérité, à la Vie, et de t’y fixer avec ta fille, pour qu’elle au moins possède dès sa prime enfance ce qui est réconfort et paix, salut et lumière, dans les tristes journées à passer sur terre, et que cela lui permette d’être préservée de tout ce qui te fait souffrir, toi, dans la meilleure partie de ton être — instinctivement bonne et incapable de supporter la boue sombre où elle est obligée de vivre — comme aussi dans tes affections, généreuses, mais désordonnées.
 
       C’est que dans tes affections, tu es païenne, femme. Ce n’est pas ta faute. C’est la faute du siècle où tu vis et du paganisme dans lequel tu as grandi. Il faut être ancré dans la vraie religion pour savoir leur donner leur juste valeur, leur mesure et les manifester comme il convient. Toi qui étais une mère ignorante de la vie éternelle, tu as aimé ton enfant d’une manière désordonnée et, en la voyant mourir, tu te révoltais désespérément contre cette perte. Sa mort prochaine te rendait folle. Comme quelqu’un qui voit la personne qui lui est le plus cher être saisie par un fou et suspendue au-dessus d’un abîme du fond duquel elle ne pourrait revenir en cas de chute, et dont la froide dépouille ne pourrait même pas lui être rapportée pour un dernier baiser de son amour, ainsi tu voyais ta chère Fausta déjà suspendue au-dessus de l’abîme du néant… Pauvre maman qui n’aurait plus eu sa fille ! Ni dans sa chair ni dans son esprit. Le néant. La fin, cette fin inexorable qu’est la mort pour ceux qui ne croient pas à la vie spirituelle.
 
       Toi qui es une épouse païenne, aimante, fidèle, tu as aimé en ton époux le dieu terrestre d’un amour charnel, ton beau dieu qui se faisait adorer par toi, en abaissant ta dignité d’égale à une servilité d’esclave. Que la femme soit soumise à son mari, humble, fidèle, chaste, oui. Lui, l’homme, est le chef de famille, mais chef ne veut pas dire despote. Cela ne veut pas dire maître capricieux auquel tout est permis, non seulement sur le corps, mais sur la meilleure partie de son épouse. Vous promettez : “ Là où tu seras Caius, je serai Caia. [4] ” Pauvres femmes d’un lieu où la licence se trouve jusque dans les histoires de vos dieux, celles d’entre vous qui ne sont pas d’une impudicité effrénée, comment pouvez-vous être là où sont vos époux ? Il est inévitable qu’une femme qui n’est pas licencieuse et corrompue, se détache avec dégoût et éprouve une douleur vraiment atroce, comme si des fibres se déchiraient, un effroi, un écroulement de tout culte envers son mari contemplé jusqu’alors comme un dieu, quand elle découvre que celui qu’elle adorait est un être misérable, dominé par une animalité brutale, licencieux, adultère, distrait, indifférent, et qu’il se moque des sentiments et de la dignité de son épouse.
 
       Ne pleure pas. Moi aussi je sais tout, et sans avoir besoin des rapports des centurions. Ne pleure pas, femme. Apprends, au contraire, à aimer ton mari d’une manière ordonnée.
 
       531.11 – Je ne peux plus l’aimer, il ne le mérite plus. Je le méprise. Je ne m’avilirai pas moi-même en l’imitant, mais je ne peux plus l’aimer. Tout est fini entre nous. Je l’ai laissé partir… sans essayer de le retenir… Au fond, je lui ai été reconnaissante, une dernière fois, de s’être éloigné… Je ne le rechercherai pas. Du reste, quand donc a-t-il été pour moi un compagnon ? Une fois tombé le bandeau de mon adoration, je me rappelle maintenant ses actes et je les juge. Etait-il avec mon cœur, quand je pleurais de devoir le suivre ici, et pour cela quitter ma mère malade et ma patrie, alors que j’étais jeune mariée et près d’accoucher ? Lui, avec ses amis, riait d’un air fat de mes larmes et de mes nausées, m’avertissant seulement de ne pas salir ses vêtements. Etait-il peut-être auprès de moi, dans la nostalgie de mon dépaysement ? Non, mais dehors, avec ses amis, aux festins où mon état ne me permettait pas d’aller… Etait-il donc penché avec moi sur le berceau du bébé ? Quand on lui a montré notre fille, il s’est mis à rire en disant : “ J’aurais bien envie de m’en débarasser. Ce n’est pas pour avoir des filles que j’ai accepté le joug matrimonial. ” Il n’a pas assisté à la purification sous prétexte que c’était une “ comédie inutile ”. Et comme la petite pleurait, il est sorti en lançant : “ Qu’on lui donne le nom de Libitina, et qu’elle soit consacrée à la déesse. [5] ” Et quand Fausta fut mourante, a-t-il partagé mon angoisse ? Où était-il, la nuit qui précéda ta venue ? Dans la maison de Valérien à un banquet. Mais je l’aimais : c’était — et tu dis vrai — mon dieu. Tout me paraissait bon, juste en lui. Il me permettait de l’aimer… et j’étais l’esclave la plus soumise à ses volontés. Sais-tu pourquoi il m’a écartée de lui ?
 
       – Oui : parce que, dans ta chair, ton âme s’était réveillée, et tu n’étais plus une femelle, mais une femme.
 
       – Exactement. J’ai voulu rendre ma maison vertueuse… et lui s’est fait envoyer à Antioche auprès du consul, en m’imposant de ne pas le suivre. Il a emmené ses esclaves favorites. Ah ! je ne l’aurais pas suivi ! Avec mon enfant, j’ai tout.
 
       – Non, tu n’as pas tout. Tu as une partie, une petite partie du Tout, ce qui te sert à être vertueuse. Le Tout, c’est Dieu. Ta fille ne doit pas être une raison d’injustice envers le Tout, mais de justice. Pour elle et avec elle, tu as le devoir d’être vertueuse.
 
       – Je suis venue te consoler, et c’est toi qui me consoles… Mais mon intention était aussi de te demander comment éduquer cette petite pour la rendre digne de son Sauveur. J’avais pensé me faire prosélyte, ainsi que Libitina…
 
       – Et ton mari ?
 
       – Oh ! tout est fini avec lui.
 
       – Non : tout commence. Tu es toujours sa femme. Le devoir d’une épouse vertueuse est de rendre bon son conjoint.
 
       – Il dit qu’il veut divorcer, et il le fera certainement. C’est pourquoi…
 
       – Oui, il le fera. Mais entre-temps, tu demeures sa femme, même d’après votre loi. Et comme telle, tu as le devoir de rester à ta place d’épouse. Ta place vient après celle de ton mari à la maison, auprès de ta fille, en présence des serviteurs et du monde. Tu penses : il a donné le mauvais exemple. C’est vrai. Mais cela ne te dispense pas d’être, toi, un exemple de vertu. Lui, il est parti, c’est vrai. Toi, prends sa place auprès de ta fille et des serviteurs.
 
       531.12 Tout n’est pas répréhensible dans vos coutumes. Quand Rome était moins corrompue, ses femmes étaient chastes, travailleuses, et elles servaient la divinité par une vie de vertu et de foi. Même si leur condition misérable de païennes les faisait servir des faux dieux, l’idée était bonne. Elles donnaient leur vertu à l’Idée de la religion, au besoin d’un respect pour une religion, à une Divinité dont le vrai nom leur était inconnu, mais dont elles pressentaient l’existence et qui était plus grand que l’Olympe licencieux, que les divinités avilies qui le peuplaient selon les légendes mythologiques. Votre Olympe, vos dieux, n’existent pas. Mais vos vertus antiques résultaient de la conviction vraie qu’il fallait être vertueux pour pouvoir être regardé avec amour par les dieux. Vous sentiez que vous aviez un devoir envers les divinités que vous adoriez, et c’en était le fruit. Aux yeux du monde, et en particulier de notre monde judaïque, vous paraissiez stupides d’honorer autant ce qui n’existe pas. Mais pour la Justice éternelle et vraie, pour le Dieu très-haut, unique et tout-puissant Créateur de tout être et de toute chose, ces vertus, ce respect, ce devoir n’étaient pas vains. Le bien est toujours un bien, la foi a toujours valeur de foi, la religion a toujours valeur de religion si celui qui exerce ces pratiques est convaincu d’être dans le vrai.
 
       Je t’exhorte à imiter vos antiques femmes, chastes, travailleuses et fidèles, en restant à ta place, colonne et lumière de ta maison, dans ta maison. Ne crois pas que tes serviteurs éprouvent moins de respect pour toi parce que tu es restée seule. Jusqu’à présent, ils t’ont servie par crainte et parfois avec un sentiment caché de haine et de révolte. Ils le feront dorénavant avec amour. Les malheureux aiment ceux qui sont malheureux. Tes esclaves connaissent ta douleur. Ta joie les rendait amers. Tes peines, en te dépouillant du froid éclat de maîtresse, au sens le plus odieux du mot, te revêtiront d’une lumière chaude de pitié. Tu seras aimée, Valéria, à la fois par Dieu, par ta fille et par tes serviteurs. Et même si tu n’es plus l’épouse, mais la divorcée, rappelle-toi (Jésus se lève) que la séparation légale ne supprime pas le devoir de la femme de rester fidèle à son serment d’épouse.
 
       531.13 Tu souhaiterais entrer dans notre religion. L’un de ses préceptes divins veut que la femme soit chair de la chair de l’époux, et que rien ni personne ne puisse séparer ce que Dieu a uni. Chez nous aussi, le divorce existe. Il est venu comme un fruit mauvais de la débauche humaine, du péché d’origine, de la corruption des hommes. Mais il n’est pas venu spontanément de Dieu qui ne change pas sa parole. Or Dieu avait inspiré à Adam — innocent encore, et parlant par conséquent avec une intelligence que la faute n’avait pas altéré — ceci : que les époux, une fois unis, devaient être une seule chair [6]. La chair ne se sépare pas de la chair autrement que par le malheur de la mort ou de la maladie.
 
       Le divorce mosaïque, accordé pour éviter des péchés atroces, n’accorde à la femme qu’une liberté bien restreinte. Une divorcée est toujours amoindrie dans la pensée des hommes, soit qu’elle reste telle, soit qu’elle passe à des secondes noces. Dans le jugement de Dieu, c’est une malheureuse si elle le devient à cause des torts de son mari et si elle reste dans cet état ; mais elle n’est qu’une pécheresse, une femme adultère, si son divorce est la conséquence de ses propres fautes abjectes ou si elle se remarie. Mais toi, si tu veux entrer dans notre religion, tu le fais pour me suivre. Dans ce cas, le temps de la religion parfaite étant venu, moi, le Verbe de Dieu, je te parle de la même manière que je le fais à beaucoup. Il n’est pas permis à l’homme de séparer ce que Dieu a uni, et celui ou celle qui, du vivant de son conjoint, passe à d’autres noces est toujours adultère.
 
       Le divorce est une prostitution légale, qui met l’homme et la femme en situation de commettre des péchés de luxure. La femme divorcée reste difficilement veuve d’un homme vivant, ou veuve fidèle. L’homme divorcé ne reste jamais fidèle à son premier mariage. Aussi bien l’un que l’autre, en passant à d’autres unions, descendent du rang des hommes à celui d’animaux, auxquels il est permis de changer de femelle à tout appel des sens. La fornication légale, dangereuse pour la famille et la patrie, est criminelle à l’égard des innocents. Les enfants des divorcés doivent juger leurs parents. Or le jugement des enfants est sévère ! Ils doivent condamner au moins l’un des deux. Et, à cause de l’égoïsme de leurs parents, ils se voient condamnés à une vie affective mutilée. Car il est fréquent qu’aux conséquences familiales du divorce, qui prive des enfants innocents de leur père ou de leur mère, s’ajoute le remariage du conjoint auquel ont été confiés les enfants ; alors, à la condamnation d’une vie affective mutilée de l’un des deux membres, s’ajoute une autre mutilation : la perte, plus ou moins totale, de l’affection de l’autre membre, séparé, ou totalement absorbé par son nouvel amour et les enfants issus du second mariage.
 
       Parler de noces, de mariage, dans le cas d’une nouvelle union d’un divorcé ou d’une divorcée, c’est profaner le sens et la réalité de ce qu’est le mariage. Seule la mort de l’un des conjoints et le veuvage qui en résulte pour l’autre, peut justifier de secondes noces, bien que je juge qu’il serait meilleur de s’incliner devant le verdict toujours juste de celui qui règle les destinées des hommes, et de se garder chaste quand la mort a mis fin à l’état matrimonial, en se consacrant tout entier aux enfants et en aimant dans ses enfants son conjoint passé à l’autre vie. C’est un amour dépouillé de toute matérialité, saint et vrai.
 
       Pauvres enfants ! Connaître après la mort ou l’écroulement du foyer, la dureté d’un second père ou d’une seconde mère et l’angoisse de voir les caresses partagées avec d’autres enfants qui ne seront que des demi-frères et sœurs !
 
       531.14 Non : dans ma religion le divorce n’existera pas. Et celui qui demandera un divorce civil pour contracter une nouvelle union sera adultère et pécheur. La loi humaine ne modifiera pas mon décret. Le mariage, dans ma religion, ne sera plus un contrat civil, une promesse morale, faite et sanctionnée par la présence de témoins préposés à cela. Mais ce sera un indissoluble lien rivé, soudé, fortifié par la puissance sanctifiante que je lui donnerai : il deviendra sacrement. Pour te faire comprendre : un rite sacré. Ce pouvoir aidera à pratiquer saintement tous les devoirs matrimoniaux, mais il sera aussi l’affirmation de l’indissolubilité de ce lien.
 
       Jusqu’à présent, le mariage est un contrat réciproque naturel et moral entre deux personnes de sexe différent. A partir du moment où ma loi existera, il sera étendu à l’âme des conjoints. Il deviendra par conséquent aussi un contrat spirituel, sanctionné par Dieu par l’intermédiaire de ses ministres. Tu sais maintenant qu’il n’y a rien au-dessus de Dieu. Donc ce que lui aura uni, aucune autorité, aucune loi ou caprice humain ne pourra le séparer.
 
       “ Là où tu seras Caius, je serai Caia ”, dites-vous dans votre rite. Dans le nôtre, dans le mien, il se perpétue dans l’au-delà, car la mort n’est pas la fin, mais la séparation temporaire de l’époux et de l’épouse, et le devoir d’aimer dure aussi au-delà de la mort.
 
       C’est pour cela que je dis vouloir que les veufs eux aussi restent chastes. Mais l’homme ne sait pas être chaste. Et c’est aussi pour cette raison que je dis que les conjoints ont le devoir de s’améliorer l’un l’autre. Ne hoche pas la tête. Tel est le devoir, et il faut l’accomplir si on veut vraiment me suivre.
 
       531.15 – Tu es dur, aujourd’hui, Maître.
 
       – Non. Je suis Maître et j’ai en face de moi une personne qui peut grandir dans la vie de la grâce. Si tu n’étais pas celle que tu es, je t’imposerais moins. Mais tu as du caractère, et la souffrance purifie et trempe toujours plus ton métal. Un jour, tu te souviendras de moi et tu me béniras d’avoir été ce que je suis.
 
       – Mon mari ne reviendra pas en arrière…
 
       – Et toi, tu iras de l’avant. En tenant par la main ton enfant, tu marcheras sur le chemin de la Justice, sans haine, sans vengeance, mais aussi sans attente inutile et sans regret pour ce qui est perdu.
 
       – Tu sais donc que je l’ai perdu !
 
       – Je le sais, mais ce n’est pas toi qui l’as perdu, c’est lui qui t’a perdue. Il ne te méritait pas. Maintenant, écoute… C’est dur. Oui. Tu m’as apporté des roses et des sourires innocents pour me consoler… Moi… Je ne puis que te préparer à porter la couronne d’épines des épouses abandonnées… Mais réfléchis : si le temps pouvait revenir en arrière et te ramener à ce matin où Fausta était mourante, et si ton cœur était contraint de choisir entre ta fille et ton mari, devant nécessairement perdre l’un des deux, que choisirais-tu ? »
 
       La femme réfléchit, pâle mais courageuse malgré sa souffrance après les quelques larmes qu’elle a versées au début du dialogue… Puis elle se penche sur sa fille, qui est assise sur le pavé et s’amuse à mettre de petites fleurs blanches tout autour des pieds de Jésus. Elle la prend, l’embrasse et s’écrie :
 
       « C’est elle que je choisirais, car à elle je peux donner mon cœur même et la faire grandir comme j’ai appris que l’on doit vivre. Mon enfant ! Et être unies aussi au-delà de la vie. Je serai toujours sa mère, et elle toujours ma fille ! »
 
       Et elle la couvre de baisers tandis que la petite se serre à son cou, tout amour et sourires.
 
       « Dis-moi, oh ! dis-moi, Maître, toi qui apprends à vivre en héros, comment l’élever pour entrer toutes les deux dans ton Royaume ? Quelles paroles, quels actes lui enseigner ?…
 
       – Il n’est pas besoin de paroles ni d’actes particuliers. Sois parfaite pour qu’elle reflète ta perfection. Aime Dieu et ton prochain pour qu’elle apprenne à aimer. Vis sur la terre avec tes affections en Dieu. Elle t’imitera. Cela pour l’instant. Plus tard, mon Père, qui vous a aimées d’une manière très spéciale, pourvoira à vos besoins spirituels, et vous deviendrez sages dans la foi qui portera mon nom. C’est tout ce qu’il faut faire. Dans l’amour de Dieu, tu trouveras tout frein contre le mal. Dans l’amour du prochain, tu auras une aide contre l’accablement de la solitude. Et enseigne à pardonner. A toi-même… et à ton enfant. Comprends-tu ce que je veux dire ?
 
       – Je comprends… C’est juste… 531.16 Maître, je te quitte. Bénis une pauvre femme… qui est plus pauvre qu’une mendiante dont le compagnon est fidèle…
 
       – Où es-tu maintenant ? A Jérusalem ?
 
       – Non, à Béther. Jeanne, qui est si bonne, m’a envoyée dans son château… Je souffrais trop là-haut… Je vais y rester jusqu’à ce que Jeanne vienne à Jérusalem, ce qui ne va pas tarder. Elle descend en Judée avec ta Mère et les autres disciples aux premières tiédeurs du printemps. Ensuite, je resterai avec elle quelque temps. Puis les autres viendront, et je les accompagnerai. Mais le temps aura déjà pansé ma blessure.
 
       – Le temps, et surtout Dieu et le sourire de ta fille. Adieu, Valéria. Que le Dieu vrai, que tu cherches dans un bon esprit, te réconforte et te protège. »
 
       Jésus pose la main sur la tête de la petite pour la bénir. Puis il s’approche de la porte fermée en demandant :
 
       « Tu es venue seule ?
 
       – Non, avec une affranchie. Le char m’attend dans le bois à l’entrée du village. Nous verrons-nous encore, Maître ?
 
       – Pour la Dédicace, je serai à Jérusalem, au Temple.
 
       – J’y serai, Maître. J’ai besoin de tes paroles pour ma nouvelle vie…
 
       – Pars tranquille. Dieu ne laisse pas sans aide celui qui le cherche.
 
       – Je le crois… Ah ! notre monde païen est bien triste !
 
       – Il y a de la tristesse partout où il n’y a pas de vraie vie en Dieu. Même en Israël, on pleure… C’est parce qu’on ne vit plus selon la Loi de Dieu. Adieu. Que la paix soit avec toi. »
 
       La femme s’incline profondément, puis elle suggère quelque chose à l’enfant. La fillette lève alors la tête, tend ses petits bras et répète de sa petite voix de pinson :
 
       « Ave, Domine Jesu ! »
 
       Jésus se penche pour cueillir sur sa petite bouche le baiser innocent qui déjà s’y forme, et la bénit encore… Puis il rentre dans la pièce et s’assied d’un air pensif près des fleurs éparses sur le sol.
 



[3] Qu’il te l’a rendue, en EMV 155.4/5.
 
[4] Là où (tu seras) Caius, (je serai) Caia : au temps des anciens Romains, la formule de l’union conjugale pour la mariée était brève, mais parlante : ubi Caius ibi Caia.
 
[5] Libitina est la déesse romaine des funérailles.
 
[6] Genèse 2,24




Observations

L'étreinte de Libitine

Lorsque la jeune épouse de Valérien accouche d’une fille, son mari, qui espérait un fils, laisse libre cours à son acrimonie : « Qu'on lui donne le nom de Libitina, et qu'elle soit consacrée à la déesse » (EMV 531.1 ou L7 chap. 228). Libitine est encore évoquée dans l’œuvre à une autre occasion. Cette fois, c’est par un vieil épicurien qui vient d’écouter Jésus et se recommande à Lui : « prie ton Dieu pour le vieux Crispus, ton unique auditeur de Tibériade. Prie pour qu'avant l'étreinte de Libitina je puisse t'entendre de nouveau et, avec les ressources que je crois pouvoir créer en moi avec tes paroles, te comprendre mieux et comprendre mieux la Vérité » (EMV 242.11).

Pour apprécier pleinement la pertinence de ces expressions, il convient de savoir qui était Libitine.


Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Valeria-et-le-divorceLa porte Libitine


Libitine était la déesse romaine des funérailles, (parfois identifiée avec la déesse grecque Proserpine). Malgré son importance évidente, elle reste assez mystérieuse. On sait seulement qu'elle veillait au déroulement des funérailles. Son nom apparait dans les écrits des poètes (1) mais on ne connaît aucune légende où elle apparaisse. Sous Auguste et sous Tibère, les registres mortuaires étaient dénommés les éphémérides de Libitine. Après un décès, on allait au temple de Libitine pour annoncer le décès et prévenir les libitinaires, officiers des pompes funèbres qui se chargeaient de toute la cérémonie. C’est par la porte Libitine que l’on sortait les gladiateurs morts dans l’arène (2)…

(1) Voir par exemple : Horace Odes 3, 30, "La mort ne m’engloutira pas ; à Libitine échappant largement..." ; Horace Satires 2, 6: "Alors que sans pitié Libitine moissonne... Grands et petits, personne à son arrêt n'échappe..." ; Juvenal Satire 12: "... car si le riche malade échappe à Libitine...", etc.

(2) M. Bescherelle, aîné, Dictionnaire universel de la langue française 1856 Volume II (G-Z)


*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-228.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/valeria-et-le-divorce.html


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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 13 Mar - 21:03

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

531. A Nobé, malades et pèlerins viennent de partout. Valéria et le divorce. La guérison du petit Lévi (partie 3)

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 228.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 531.

Le 15 novembre 1946

Dimanche 18 novembre 29
Nobé


531.17 Après quelque temps, on frappe.

« Entre. »

La porte s’entrouvre et dans l’entrebâillement apparaît la bonne tête de Pierre.

« C’est toi ? Viens…

– Non. C’est toi qui devrais venir avec nous. Il fait froid ici. Quelles belles fleurs ! Elles ont dû coûter cher ! »

Tout en parlant, Pierre observe son Maître.

« Oui, elles sont d’un grand prix. Mais l’acte et la façon dont on me les a données ont plus de valeur que les fleurs. Elles m’ont été apportées par la petite fille de Valéria, l’amie romaine de Claudia.

– Hé ! je sais ! je sais ! Mais pourquoi ?

– Pour me consoler. Elles savent ce que je souffre, et Valéria a eu cette délicatesse. Elle a pensé que les fleurs d’une innocente pourraient me réconforter…

– Une Romaine !… Et nous qui sommes du peuple d’Israël, nous ne te causons que de la douleur… Judas a deviné juste. Il disait qu’il avait vu un char arrêté et que la femme était certainement une Romaine… et… il était troublé, Maître… »

Pierre a un ton interrogateur, mais Jésus se borne à demander :

« Où est Judas ?

– Dehors. Je veux dire sur la route, près du bois. Il veut voir qui est venu te trouver…

– Descendons. »

Judas est déjà dans la cuisine. Il se retourne en voyant entrer Jésus et dit :

« Même si tu voulais le nier, tu ne pourrais disconvenir que cette femme est venue pour… se plaindre de quelque chose ! Ont-elles donc encore autre chose à dire ? Leur seule occupation, c’est épier, rapporter et…

– Je ne suis pas tenu de te répondre, mais je le fais pour tout le monde. Simon-Pierre sait déjà de qui il s’agit, et je révèle à tous la raison de sa venue. Les personnes en apparence les plus heureuses peuvent, elles aussi, avoir besoin de réconfort et de conseil…

531.18 André, monte chercher les fleurs apportées par la fillette, et porte-les au petit Lévi.

– Pourquoi ?

– Parce qu’il est mourant.

– Il est mourant ? Mais moi, je l’ai vu à l’heure de tierce, et il était bien portant, dit Barthélemy, stupéfait.

– Il était en bonne santé, mais avant ce soir, il sera mort.

– S’il est aussi mal, il ne se réjouira pas des fleurs…

– Non. Mais, dans la famille saisie d’effroi, les fleurs envoyées par le Sauveur apporteront une parole lumineuse. »

Jésus s’assied tandis que tous discutent sur la fragilité de la vie. Elise met son manteau en disant :

« J’accompagne André… Cette pauvre mère !… »

On voit André et Elise s’éloigner avec les fleurs dans leurs mains…

Jésus se tait. Judas aussi, l’air indécis. Jésus est silencieux mais pas sévère… Judas tourne autour de lui, rongé par le désir de savoir, par l’angoisse torturante de quelqu’un qui n’a pas la conscience tranquille. Il finit par attirer Pierre à part pour l’interroger. Il semble ensuite rassuré et va déranger Matthieu qui écrit tranquillement sur un coin de la table.

André revient en courant, tout essoufflé :

« Maître… l’enfant est vraiment mourant… A l’improviste… On dirait des fous… Mais quand Elise a dit : “ C’est le Seigneur qui les envoie ” — moi… je croyais qu’ils comprenaient : “ pour le lit funèbre ” —, la mère et le père… ont dit en même temps: “ Oh ! c’est vrai ! Cours l’appeler. Il va le guérir. ”

– C’est une parole de foi. Allons-y. »

Et Jésus sort presque au pas de course. Naturellement, tous le suivent, même le vieux Jean, en claudiquant derrière tout le monde.

531.19 La maison se trouve au bout du village, mais Jésus y arrive rapidement et se fraie un passage parmi les gens qui encombrent la porte ouverte. Il va droit à une pièce située au fond de l’entrée, car c’est une maison vaste qui compte beaucoup d’habitants, peut-être frères.

Dans la pièce, penchés sur le lit improvisé, le père, la mère et Elise… Ils ne voient Jésus que lorsqu’il dit :

« Paix à cette maison. »

Alors les malheureux parents quittent le lit et se jettent aux pieds de Jésus. Seule Elise, occupée à frictionner avec des substances aromatiques les membres qui se refroidissent, reste à sa place.

L’enfant est vraiment à toute extrémité, son corps a déjà la pesanteur et l’abandon de la mort, et son petit visage est cireux avec des narines fuligineuses et des lèvres violacées. Il respire difficilement, avec des spasmes, et chaque respiration semble être la dernière, tant elle vient longtemps après la précédente.

Sa mère pleure, le visage sur les pieds de Jésus. Son père, lui aussi courbé jusqu’à terre, répète :

« Aie pitié ! Aie pitié ! »

Il ne sait dire autre chose.

Jésus tend les bras :

« Lévi, viens vers moi. »

Le petit garçon — il doit avoir cinq ans environ — a comme une secousse, comme si quelqu’un l’avait appelé à haute voix pendant son sommeil. Il s’assied sans effort et de ses poings, il se frotte les yeux, regarde autour de lui avec étonnement et, à la vue de Jésus qui lui sourit, il se jette en bas de son lit et se dirige avec assurance, dans sa petite tunique, vers le Sauveur.

Les parents, tout courbés, ne s’aperçoivent de rien, mais les exclamations d’Elise qui s’écrie “ Bonté divine ! ”, des apôtres et des curieux qui, de l’entrée, poussent un “ Oh ! ” de stupéfaction, les avertissent de ce qui arrive ; ils lèvent la tête et voient leur petit garçon, là, en bonne santé, comme s’il n’avait jamais été mourant…

La joie fait rire, pleurer, crier ou se taire, selon les réactions de chacun. Chez eux, elle produit une stupeur muette, presque effrayée… Il y a trop de différence entre la situation précédente et l’actuelle, et les deux pauvres parents, déjà étourdis par la douleur, hésitent à accueillir la joie.

531.20 Quand enfin ils y parviennent, l’enfant est déjà dans les bras de Jésus ; alors au mutisme succède un déluge désordonné de paroles, mêlées à des cris de joie et de bénédiction, qu’il est difficile de suivre. Mais cela me permet d’établir que, vers la sixième heure, l’enfant, qui jouait dans le jardin, était rentré à la maison en se plaignant de douleurs abdominales. Sa grand-mère l’avait pris dans ses bras et tenu près du feu, et il semblait aller mieux. Mais ensuite, un peu avant la neuvième heure, il avait été pris de vomissements de matières fécales et était aussitôt entré en agonie. Bref, la péritonite foudroyante classique.

Son père avait couru à Jérusalem aux premiers signes du mal et était revenu avec un médecin. Ce dernier, après avoir vu le petit garçon qui, entre-temps, s’était remis à vomir, avait dit : “ Il ne peut pas vivre ” et était reparti… En effet, d’une minute à l’autre, l’état de l’enfant empirait, et déjà il se refroidissait. Les parents, dans l’angoisse de ce malheur imprévu, étaient incapables de penser à son salut prochain. C’est seulement quand André et Elise étaient entrés avec des fleurs en disant : “ Jésus les envoie à Lévi ” qu’ils avaient eu une sorte de lumière intérieure et avaient pensé : “ Jésus va le sauver. ”

« Et tu l’as sauvé, sois béni éternellement ! Tes fleurs ! L’espérance ! La foi ! Oh oui ! la foi en ton amour pour nous ! Mais comment as-tu su ? Béni es-tu ! Demande-nous ce que tu veux ! Ordonne comme à des esclaves ! Nous te devons tout !… »

Jésus les écoute, tenant toujours l’enfant dans ses bras. Il les laisse parler jusqu’à épuisement, jusqu’à ce que ce défoulement ait permis à leurs nerfs de se calmer après avoir été soumis à une telle tension. Puis il dit doucement :

« J’aime les enfants et les cœurs fidèles. Vous tous, habitants de Nobé, êtes très bons pour moi. Si je suis bon avec ceux qui me haïssent, que ne donnerai-je pas à ceux qui m’aiment ? Je savais… et je savais aussi que la douleur vous faisait oublier la Source de la Vie. J’ai voulu vous en montrer le chemin…

– Mais pourquoi ne pas être venu de toi-même, Seigneur ? Tu craignais peut-être que nous ne t’accueillions pas ?

– Non. Je savais que vous m’auriez accueilli avec amour. Mais parmi ceux qui sont autour de nous, quelqu’un avait besoin d'être persuadé que je n’ignore rien de ce qui concerne les hommes et l’état des cœurs [7]. J’ai aussi voulu que d’autres comprennent que Dieu répond à ceux qui l’invoquent avec foi. 531.21 Maintenant, soyez dans la paix et grandissez toujours dans la foi en la miséricorde de Dieu. Que la paix soit avec vous tous. Adieu, Lévi. Va trouver ta mère maintenant. Adieu, femme. Consacre aussi au Seigneur celui que tu portes en ton sein en souvenir de la bonté dont le Seigneur a fait preuve envers toi. Adieu, homme. Garde ton âme dans la justice. »

Il fait demi-tour pour partir en passant, non sans peine, à travers les proches qui se pressent dans l’entrée : grands-parents, oncles, cousins du miraculé, tous veulent parler à Jésus, le bénir, être bénis par lui, baiser ses vêtements, ses mains…

Puis, après la nombreuse parenté, ce sont les villageois qui veulent en faire autant, mais ceux-ci se répandent sur la route à la suite de Jésus en laissant à sa joie la maisonnée bénie par le miracle. Et dans les chemins sombres désormais, avec le bruit habituel des heures de fête, Nobé tout entière reconduit Jésus à la maisonnette de Jean, et il faut toute l’autorité des apôtres pour persuader les villageois de rentrer chez eux et de laisser en paix le Maître ; à l’autorité, ils doivent même ajouter des moyens plus énergiques, en les menaçant que, s’ils ne le laissent pas dormir, le lendemain, ils partiraient tous, pour réussir dans leur entreprise.

Finalement, le Fatigué peut se reposer…




[7] Judas, de plus en plus dissimulateur.



*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-228.htm
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 14 Mar - 20:59

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

532. Préparatifs pour la fête des Encénies. Une prostituée est envoyée auprès de Jésus pour le tenter. Il quitte Nobé

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 229.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 532.

Le 21 novembre 1946

Lundi 19 novembre 29
Nobé


      532.1 Les peuples considérés dans leur ensemble, et les hommes individuellement, sont toujours un peu enfants et un peu sauvages, ou du moins primitifs, très sensibles par conséquent à tout ce qui sent la nouveauté, l’extraordinaire, et a un air de fête.

      L’approche des solennités a toujours le pouvoir d’exalter les hommes, comme si la festivité faisait disparaître ce qui les rend tristes et las. Un je-ne-sais-quoi d’entrain, de surexcitation, frappe tout le monde, comme si cette proximité ressemblait au tam-tam des sauvages lors de leurs fêtes idolâtres ou de leurs entreprises belliqueuses.

      A quelques jours des Encénies, les apôtres sont dans cet état d’euphorie. Bavards, joyeux, ils se mettent à faire des projets, à rappeler les fêtes passées. Un peu de mélancolie marque les conversations, mais ensuite l’air de fête les reprend et les pousse à agir pour que tout soit beau pendant la solennité.

      Les lampes dans la maison de Jean sont-elles peu nombreuses ? Oh ! la maison de Thomas à Rama en est pleine ! Et Thomas va a Rama prendre des lampes. L’huile n’est pas abondante ? Peu importe : Elise a beaucoup d’huile à Bet-Çur, et elle l’offre. Aussitôt André et Jean partent pour Bet-Çur en chercher. Il faut un feu doux de brindilles pour cuire les fouaces ? Voici les deux Jacques qui vont parcourir les collines pour en ramasser. Il semble qu’il y ait peu de farine, d’orge et de miel pour les plats rituels ? Et que fait Nikê à Jérusalem, elle qui s’est presque offensée de ce qu’on ne lui demande jamais rien, si ce n’est pour donner de son miel blond, de la farine et de l’orge de son beau domaine ? Pierre et Simon le Zélote partent chez elle tandis que Jude aide Elise à embellir la maison. Partageant la même allégresse, le vieux Barthélemy, aidé de Philippe, donne une bonne couche de chaux à la cuisine enfumée pour la rendre plus gaie.

      Judas se réserve la partie décorative et ne cesse de revenir avec des branches à feuillage persistant garnies de baies odorantes [1], et il les dispose avec grâce sur les étagères et autour du manteau du foyer.

      Et, la veille des Encénies, la maisonnette semble préparée pour accueillir une épouse, tant elle paraît changée, avec sa brillante vaisselle de cuivre, ses lampes qui éclairent comme autant de soleils, ses rameaux joyeux sur les murs blanchis, tandis que l’odeur du pain et des fouaces se répand dans l’air déjà parfumé par les rameaux coupés.

      Jésus laisse faire. Il paraît bien loin de tous, très pensif, triste même. Il répond à ceux qui l’interrogent, et quémandent un compliment pour ce qu’ils ont fait. Ce sont ces questions qui me permettent de reconstituer les travaux accomplis par les disciples : “ N’ai-je pas eu une bonne idée, moi, d’aller à la maison prendre des lampes ? ” ; ou : “ Avons-nous bien fait, Philippe et moi, de tout blanchir ? C’est clair et gai, et la pièce paraît plus grande ” ; ou encore : “ Tu vois, Maître ? Elise est contente. Il lui semble être dans sa maison du temps de ses fils. Aujourd’hui, elle chantait en remplissant d’huile les lampes, en pétrissant son miel dans la farine et en le délayant dans le lait pour l’orge ” ; et encore : “ Elchias dira ce qu’il voudra, mais un peu de verdure, cela fait bien. D’ailleurs… si le Créateur a fait les branchages, c’est pour que nous nous en servions, n’est-ce pas ? ” Mais si Jésus répond aussi à ces questions, qui expriment une soif d’éloge, sa pensée est absente. Et cela se voit.

      532.2 La nuit tombe. Avant de partir s’enfermer dans leurs maisons, les habitants passent la tête dans la cuisine pour saluer une dernière fois le Maître, puis le silence s’établit à Nobé. C’est l’heure du dîner, l’heure du repos pour les enfants et pour les vieillards, pour tous ceux que la maladie ou l’âge rend délicats.

      Ce doit être l’usage de faire des cadeaux pour les Encénies. Je vois en effet qu’à peine le vieux Jean s’est retiré dans sa petite pièce près de la cuisine, Elise et les apôtres se mettent à finir l’une un vêtement, les autres des objets utiles taillés dans le bois, et un rideau en filet, avec des ficelles teintes en rouge, vert, jaune et indigo, travail spécial des pêcheurs.

      Thomas, Matthieu, Barthélemy et Simon le Zélote s’occupent à regarder.

      « Voilà. J’ai fini, » dit Elise en se levant et en secouant le vêtement pour le débarrasser des fils qui pouvaient y rester.

      « Cela lui tiendra chaud, pauvre vieux ! s’exclame Pierre en palpant l’étoffe. Ah ! sans les femmes, nous, les hommes, nous sommes vraiment malheureux. Je me demande, sans toi, à quoi nous serions réduits après des mois d’absence de la maison. Je suis capable de faire cela, mais s’il fallait accrocher une boucle !…

      – Tu as été rapide, toi aussi. Tu ressembles à mon épouse, déclare Barthélemy.

      – Moi aussi, j’ai fini. Le bois était bon, facile à découper et en même temps résistant, dit Jude en déposant sur la table sombre une boîte pouvant servir au sel ou aux épices.

      – Mon œuvre, au contraire, est encore inachevée. Il y a une veine dure qui ne veut pas se laisser travailler. Je regretterais de ne pas parvenir à tout terminer. C’était beau, ces veines sombres sur le bois plus clair. Regarde, Jésus : ne font-elles pas penser à des sommets de montagnes peints sur du bois ? » demande Jacques, fils d’Alphée.

      Il montre une espèce de vase dont je ne sais à quel usage il peut être destiné, d’une forme vraiment élégante, avec un couvercle en forme de dôme et des veines gracieuses sur la panse et le couvercle. Mais c’est justement sur le couvercle, près de la poignée, que le bois résiste avec opiniâtreté.

      « Insiste, insiste, tu y arriveras. Chauffe le fer au rouge. Tu attaqueras la fibre et tu réussiras. Une fois enlevée la première couche…, répond Jésus, qui a observé.

      – Mais ne va-t-il pas s’abîmer avec le feu ? demande Matthieu.

      – Non, s’il s’en sert habilement. Du reste, il n’y a que ce moyen, sinon il faudra tout jeter. »

      Jacques chauffe le poinçon coupant, puis approche la pointe rougie de l’endroit qui résiste. Odeur de bois brûlé…

      « Assez ! Maintenant travaille et tu vas réussir » dit Jésus.

      Pour aider son cousin, il tient le couvercle serré comme dans un étau. A deux reprises, la lame glisse et effleure les doigts de Jésus.

      « Enlève ta main, mon Frère. Je ne voudrais pas te blesser… » dit Jacques.

      Mais Jésus continue à tenir le vase. La troisième fois, le ciseau fait saigner le pouce de Jésus.

      « Voilà ! Tu vois ? Tu t’es fait mal ! Laisse-moi voir !

      – Ce n’est rien. Deux gouttes de sang… » répond Jésus en secouant son doigt pour que tombe le sang qui coule de la coupure. « Essuie plutôt le couvercle, il est taché, ajoute-t-il ensuite.

      – Non, laissez-le ! Il est précieux tel qu’il est. Essuie ton doigt sur mon voile, Maître. Ton sang est un sang béni » dit Elise.

      Et elle enveloppe la main de Jésus dans le lin de son voile.

      Le couvercle, cause de tant de malheurs, est vaincu. La rayure est achevée.

      « Il voulait d’abord faire du mal, commente Simon le Zélote.

      – Oui ! Et ensuite il s’est laissé faire, ce bois têtu ! dit Thomas.

      – Par le fer, le feu et la douleur. On dirait l’une des phrases chères aux Romains, remarque Simon.

      – Je ne sais pourquoi, cela me rappelle certains passages des prophètes. Nous aussi, nous sommes du bois têtu [2]… faudra-t-il donc le fer, le feu et la douleur pour nous rendre bons ? demande Barthélemy.

      – En vérité, ce sera nécessaire. Et cela ne suffira pas. Moi, je travaille avec le feu et avec ma douleur, mais tous les cœurs ne savent pas imiter ce bois… 532.3 Chut ! Dehors, il y a quelqu’un… C’est un bruit de pas… »

      Ils écoutent. Tout est silencieux.

      « C’est peut-être le vent, Maître. Il y a des feuilles sèches dans le jardin…

      – Non. C’étaient des pas…

      – Quelque animal nocturne. Moi, je n’entends rien.

      – Moi non plus… moi non plus… »

      Jésus paraît écouter. Puis il lève la tête et regarde fixement Judas qui, lui aussi, tend l’oreille, plus que les autres. Il le scrute avec une telle insistance que Judas demande :

      « Pourquoi me regardes-tu ainsi, Maître ? »

      Mais il n’y a pas de réponse, car une main frappe à la porte.

      Des quatorze visages que la lampe éclaire, seul celui de Jésus reste immuable. Les autres changent de couleur.

      « Ouvrez ! Ouvre, Judas de Kérioth !

      – Moi, non, je n’ouvre pas ! Ce pourrait être des malfaiteurs venus exprès pendant la nuit. Qu’il n’arrive pas que je te nuise !

      – Ouvre, toi, Simon, fils de Jonas.

      – Jamais de la vie ! Je jette la table contre l’entrée, plutôt ! dit Pierre, en faisant mine de joindre le geste à la parole.

      – Ouvre, Jean, ne crains rien.

      – Oh ! si vraiment tu veux faire entrer cette personne, moi, je pars chez le vieillard. Je ne veux rien voir », lance Judas.

      Ce disant, il parcourt en quatre grands pas la distance qui le sépare de la porte du vieil homme et disparaît dans sa chambre.

      Jean, debout près de la porte, la main sur la clé, regarde Jésus avec effroi et murmure :

      « Seigneur !…

      – Ouvre, n’aie pas peur.

      – Mais oui. Nous sommes treize hommes forts. Ils ne vont pas être une armée ! Avec quatre poings et beaucoup de cris — Elise, tu vas hurler s’il le faut —, nous les mettrons en fuite. Nous ne sommes pas dans un désert ! ” s’exclame Jacques, fils de Zébédée.

      Il enlève son habit et retrousse les manches de sa tunique ou de son sous-vêtement, prêt à se défendre. Pierre l’imite.

      532.4 Encore hésitant, Jean ouvre la porte, passe la tête par l’ouverture et ne voit rien. Il crie :

      – Qui est là ? »

      Une voix de femme répond, faible, comme si elle était souffrante :

      « Une femme. Je veux voir le Maître.

      – Ce n’est pas une heure pour venir dans les maisons, lance Pierre, qui s’était placé derrière Jean. Si tu es malade, comment es-tu dehors à cette heure ? Si tu es lépreuse, comment t’aventures-tu dans un village ? Si tu es affligée, reviens demain. Va, retourne à tes affaires.

      – Par pitié ! Je suis seule sur la route. J’ai froid. J’ai faim. Et je suis malheureuse. Appelez-moi le Maître. Lui, il a pitié… »

      Les apôtres regardent Jésus, interdits. Jésus est très sévère et se tait. Ils referment la porte.

      « Que fait-on Maître ? Nous lui donnons au moins un peu de pain ? Il n’y a pas de place, il faudra aller dans les maisons avec une inconnue… suggère Philippe.

      – Attends. Moi, je vais voir, dit Barthélemy en saisissant une lampe pour y voir clair.

      – Il n’est pas nécessaire d’y aller. La femme n’a ni faim, ni froid et elle sait très bien où aller. Elle n’a pas peur de la nuit. Mais c’est une malheureuse, bien qu’elle ne soit ni malade ni lépreuse. C’est une prostituée, et elle vient me tenter. Je vous dis cela pour que vous sachiez que je sais, pour que vous vous persuadiez que je sais. Et j’ajoute qu’elle n’est pas poussée par quelque caprice personnel, mais elle vient parce qu’elle est payée pour cela. »

      Jésus parle à haute voix, assez fort pour qu’on puisse l’entendre dans la pièce à côté, où se trouve Judas.

      « Et qui veux-tu qui ait fait cela ? Dans quel but ? » demande Judas lui-même en réapparaissant dans la cuisine. « Certainement pas les pharisiens ; les scribes non plus, ni les prêtres si c’est une prostituée. Et je ne crois pas que les hérodiens soient assez… rancuniers pour se donner certains ennuis pour… Et je ne sais pas non plus pour quelle raison.

      – Je vais te donner la raison : c’est pour pouvoir arriver à dire que je suis un pécheur, quelqu’un qui a des relations avec les pécheresses publiques. Et tu sais autant que moi qu’il en est ainsi. Mais je t’assure que je ne maudis ni elle ni ceux qui l’ont envoyée. Je suis encore et toujours la Miséricorde. Je vais trouver cette femme. Si tu juges bon de m’accompagner, viens donc. Je vais la trouver, car c’est vraiment une malheureuse. En disant l’être, elle croit mentir, car elle est jeune, belle et bien payée, en bonne santé et contente de sa vie infâme. Mais elle est malheureuse. C’est l’unique vérité qu’elle ait dite au milieu de tant de mensonges. Précède-moi et assiste à l’entretien.

      – Moi, non, je n’y assisterai pas ! Pourquoi devrais-je le faire ?

      – Afin de témoigner à ceux qui t’interrogent.

      – Et qui veux-tu qui m’interroge ? Parmi nous, il n’y a personne pour poser des questions, et les autres… Je ne vois personne, moi.

      – Obéis. Passe devant.

      – Non. Je refuse d’obéir à un tel ordre, et tu ne peux m’obliger à approcher une prostituée.

      – Pour qui te prends-tu ? Pour le grand-prêtre ? J’y vais, moi, Maître, et sans craindre quoi que ce soit, affirme Pierre.

      – Non. J’y vais tout seul. Ouvre. »

      532.5 Jésus sort dans le jardin. Dans le noir absolu d’une nuit encore sans lune, on ne voit rien. La porte de la cuisine s’ouvre de nouveau, et Pierre sort avec une lampe.

      « Prends au moins cela, Maître, si vraiment tu ne veux pas de moi » dit-il à haute voix, avant d’ajouter tout bas : « Mais sache que nous nous tenons derrière la porte. Si nécessaire, appelle…

      – Oui. Va. Et ne vous disputez pas. »

      Jésus prend la lampe et la lève pour y voir. Derrière le gros tronc du noyer, il y a une forme humaine. Jésus fait deux pas vers elle, et ordonne :

      « Suis-moi. »

      Puis il va s’asseoir sur le petit banc de pierre contre la maison, du côté de l’orient.

      La femme s’avance, toute voilée et courbée. Jésus pose la lampe sur la pierre, près de lui.

      « Parle. »

      Cette injonction est tellement autoritaire, raide, elle est tellement divine que la femme, au lieu d’avancer et de parler, recule et s’incline plus encore, en silence.

      « Parle, te dis-je. Tu as demandé à me voir, je suis venu. Parle » dit-il avec une nuance de douceur dans la voix.

      Silence.

      « Dans ce cas, c’est moi qui prends la parole. Je te demande : pourquoi me hais-tu au point de servir ceux qui cherchent ma ruine, y rêvent de toutes les manières et en cherchent toutes les causes possibles ? Réponds ! Quel mal t’ai-je fait, malheureuse ? Quel mal t’a fait l’Homme qui, même dans son cœur, ne t’a pas méprisée pour la vie infâme que tu mènes ? Est-ce qu’il t’a corrompue, lui qui, même dans son cœur, ne t’a pas désirée, pour que tu doives le haïr plus que ceux qui t’ont prostituée et qui te méprisent chaque fois qu’ils viennent à toi ? Réponds ! Que t’a fait Jésus de Nazareth, le Fils de l’homme, que tu connais à peine de vue pour l’avoir rencontré dans les rues de la ville, Jésus qui ignore ton visage et qui ne se soucie pas de tes grâces — car c’est seulement de ton âme qu’il recherche l’image souillée, défigurée, pour la connaître et pour la guérir ? Parle donc !…

      532.6 Tu ne sais pas qui je suis ? Si, tu le sais en partie. Tu le sais même aux deux tiers. Tu sais que je suis un homme jeune, et que je te plais. C’est ce que t’a dit ton animalité effrénée. Alors ta langue de femme ivre en a fait part à celui qui a recueilli l’aveu de tes sens et s’en est fait une arme pour me nuire [3].

      Tu sais que je suis Jésus de Nazareth, le Christ. Tu l’as appris par ceux qui, exploitant ton désir charnel, t’ont payée pour que tu viennes ici me tenter. Ils t’ont dit : “ Il prétend être le Christ, les foules l’appellent le Saint, le Messie. Mais ce n’est qu’un imposteur. Nous avons besoin d’avoir les preuves de sa misère d’homme. Donne-les-nous, et nous te couvrirons d’or. ” Poussée par un résidu de justice, le dernier reste du trésor de justice que Dieu avait mis dans ta chair avec l’âme, et que tu as brisé et dispersé, tu ne voulais pas me faire de mal — car, à ta manière, tu m’aimais. Alors ils t’ont dit : “ Nous ne lui ferons aucun mal, au contraire. Nous t’abandonnons l’homme en te donnant les moyens de le faire vivre en roi près de toi. Il nous suffit de pouvoir nous dire, pour avoir la conscience en paix, qu’il n’est qu’un homme. Cela nous prouve que nous sommes dans la vérité en refusant de croire qu’il est le Messie. ” C’est ce qu’ils t’ont dit, et tu es venue. Mais si j’acceptais ta flatterie, ce serait l’enfer sur moi. Eux sont déjà tout prêts à me couvrir de boue et à s’emparer de moi. Et toi, tu sers d’instrument pour cela.

      Tu vois que, moi, je ne t’interroge pas. Je parle parce que je sais tout, sans avoir besoin de demander. Mais si tu connais ces deux vérités, tu ignores la troisième. Tu ignores qui je suis, excepté que je suis homme et Jésus. Tu vois l’homme. Les autres te disent : “ C’est le Nazaréen. ” Mais moi, je vais t’apprendre qui je suis : je suis le Rédempteur. Pour racheter, je dois être sans péché. Ma possible sensualité d’homme, vois comme je l’ai foulée aux pieds ! Comme je le fais avec cette chenille dégoûtante, qui se dirigeait dans les ténèbres, d’une débauche à l’autre pour ses amours lascives ; ainsi je l’ai foulée aux pieds pour toujours. En ce moment aussi, je la foule aux pieds. Et c’est ainsi que je suis disposé à t’arracher ta maladie, t’en délivrer, afin de te rendre saine et sainte. Car je suis le Rédempteur, et cela seulement. J’ai pris un corps d’homme pour vous sauver, pour détruire le péché, non pas pour pécher. Je l’ai pris pour enlever vos péchés, pas pour pécher avec vous. Je l’ai pris pour vous aimer, mais d’un amour qui donne sa parole, son sang, sa vie, tout, pour vous conduire au Ciel, à la Justice, non pas pour vous aimer comme une bête. Et même pas comme un homme, car je suis plus qu’un homme.

      532.7 Sais-tu exactement qui je suis ? Non. Tu ne connaissais même pas la portée de ce que tu venais faire. Et je te le pardonne sans que tu me le demandes. Tu ne savais pas. Mais ta prostitution ! Comment as-tu pu vivre dans cet état ? Tu n’étais pas ainsi. Tu étais bonne. Oh, malheureuse ! Tu ne te rappelles pas ton enfance ? Tu ne te souviens pas des baisers de ta mère, de ses paroles ? Et les heures de prière ? Les paroles de la Sagesse que tu entendais expliquer le soir par ton père et au sabbat par le chef de la synagogue, ne t’en souviens-tu pas ? Qui t’a rendue sotte et ivre ? Tu ne te rappelles pas ? Tu ne regrettes rien ? Dis-moi : es-tu vraiment heureuse ? Tu ne réponds pas ? Alors je parle pour toi et je peux l’affirmer : non, tu n’es pas heureuse. Quand tu te réveilles, tu trouves à ton chevet ta honte pour te donner le premier tour quotidien de torture. Et la voix de ta conscience te crie son reproche pendant que tu te coiffes et te parfumes pour plaire. Tu sens une odeur infâme dans les essences les plus fines, et les mets les plus rares te donnent la nausée. Tes colliers te pèsent comme une chaîne, ce qu’ils sont effectivement. Pendant que tu ris et séduis, quelque chose en toi gémit. Et tu t’enivres pour vaincre l’ennui et le dégoût de ta vie. Tu hais ceux que tu prétends aimer pour en tirer profit. Mais tu te maudis toi-même. Ton sommeil est lourd de cauchemars. La pensée de ta mère est une épée dans ton cœur. Et la malédiction de ton père ne te laisse pas en paix. Et puis ce sont les offenses de ceux que tu rencontres, les cruautés de ceux qui usent de toi, sans jamais la moindre pitié. Tu es une marchandise. Tu t’es vendue. Or, on utilise une acquisition à son gré : on la déchire, on la consume, on la méprise, on crache sur elle. C’est le droit de l’acheteur. Tu ne peux te révolter… Cette situation te rend-elle heureuse ? Non. Tu es désespérée. Tu es enchaînée. Tu es torturée. Sur la terre, tu es une loque dégoûtante que chacun peut fouler aux pieds. Si, en une heure de peine, tu essaies de trouver du réconfort en élevant ton esprit vers Dieu, tu sens la colère de Dieu sur toi, la prostituée, et le Ciel te paraît fermé plus encore qu’à Adam. Si tu te sens mal, tu as la terreur de mourir, car tu connais ton sort. C’est pour toi l’Abîme.

      532.8 Malheureuse ! Et cela ne suffisait toujours pas ? Tu voudrais à la chaîne de tes fautes ajouter celle de causer la ruine du Fils de l’homme ? De Celui qui t’aime ? Du seul qui t’aime ? Car c’est aussi pour ton âme qu’il s’est revêtu de chair. Je pourrais te sauver, si tu le voulais. L’abîme de la Sainteté miséricordieuse se penche sur l’abîme de ton abjection, et elle attend de toi un désir de salut pour te tirer de l’abîme de ta souillure. Tu penses dans ton cœur qu’il est impossible que Dieu te pardonne. Tu fondes cet avis sur la comparaison avec le monde, qui ne te pardonne pas d’être une prostituée. Mais Dieu n’est pas le monde. Dieu est bonté. Dieu est pardon. Dieu est amour.

      Tu es venue vers moi, payée pour me nuire. En vérité, je te dis que le Créateur, pour sauver une créature, peut tourner en bien même ce qui est mal. Et, si tu le veux, c’est en bien que se changera ta rencontre avec moi. N’aie pas honte de ton Sauveur. N’aie pas honte de lui montrer ton cœur nu. Même si tu veux le cacher, il le voit et pleure sur lui. Pleure. Aime. Ne crains pas de te repentir. Sois audacieuse dans la contrition comme tu l’as été dans la faute. Tu n’es pas la première prostituée qui pleure à mes pieds et que je ramène à la justice… Je n’ai jamais chassé une créature, si coupable qu’elle soit. J’ai cherché au contraire à l’attirer et à la sauver. C’est ma mission.

      L’état d’un cœur ne me fait pas horreur. Je connais Satan et ses œuvres. Je connais les hommes et leurs faiblesses. Je connais la condition de la femme qui paie, comme il est juste, les conséquences de la faute d’Eve plus durement que l’homme. Je sais donc juger et compatir, et je t’assure que, plus qu’envers les femmes tombées, je suis sévère à l’égard de ceux qui les amènent à la chute. En ce qui te concerne, malheureuse, je suis plus sévère pour ceux qui t’ont envoyée que pour toi, qui es venue sans savoir exactement à quel jeu tu te prêtais. J’aurais préféré que tu aies été poussée par un désir de rédemption comme tes autres sœurs. Mais si tu exauces le désir de Dieu et si tu fais d’une mauvaise action la pierre angulaire de ta nouvelle vie, je te dirai la parole de paix… »

      532.9 Jésus, qui au début était très sévère, s’est adouci peu à peu, mais il est encore grave… Il est ce Dieu qui exclut toute faiblesse de sentiment, mais aussi toute erreur d’appréciation sur sa bonté. Maintenant, il se tait et regarde la femme. Celle-ci, qui est restée debout à environ deux mètres de lui, s’est courbée de plus en plus. Au milieu de son discours, elle a porté au visage, en les appuyant sur son voile, deux belles mains qui se détachent sur le manteau foncé, tout ornées d’anneaux. Elle a des bracelets aux poignets, les bras nus jusqu’aux coudes.

      Je ne saurais dire si elle pleure ou non. Si oui, c’est certainement en silence, car on n’entend pas de sanglots et on ne voit aucun soubresaut. Elle ressemble à une statue, tant elle est immobile dans ses vêtements sombres. Soudain, elle tombe à genoux et se pelotonne sur le sol. Alors, elle pleure vraiment et ne se retient pas de le faire voir. Puis, dans cette position, comme un chiffon par terre, elle parle :

      « C’est vrai ! Tu es vraiment un prophète… Tout est vrai… Ils m’ont payée pour cela… Mais ils m’avaient dit que c’était pour un pari… Ils t’auraient découvert dans ma maison… Mais aussi près de toi…

      – Femme, je n’écoute que le récit de tes fautes… interrompt Jésus.

      – C’est juste. Je n’ai pas le droit d’accuser quelqu’un, car je suis une fosse d’immondices. Tout est exact. Je ne suis pas heureuse… Je ne me réjouis pas des richesses, des festins, des amours… Je rougis en pensant à ma mère… J’ai peur de Dieu et de la mort… Je hais les hommes qui me paient. Tout ce que tu as dit est vrai. Mais ne me chasse pas, Seigneur. Personne, depuis ma mère, ne m’a jamais parlé comme toi. D’ailleurs, tu l’as fait avec encore plus de douceur que ma mère : dans les derniers temps, elle était devenue dure avec moi à cause de ma conduite… Pour ne plus l’entendre, je me suis enfuie à Jérusalem… Mais toi… Pourtant, c’est comme si ta douceur était de la neige sur le feu qui me dévore. Mon feu se calme, c’est même un autre feu. Il était ardent, mais il ne donnait ni lumière ni chaleur. J’étais de glace et dans les ténèbres. Oh ! combien j’ai voulu souffrir ! Que de douleurs inutiles et maudites je me suis causées ! Seigneur, je t’ai dit à travers la porte entrouverte que j’étais une malheureuse, et je t’ai supplié d’avoir pitié. C’étaient des paroles mensongères qu’ils m’avaient demandé de te dire pour t’attirer dans ce piège. Ils avaient ajouté qu’ensuite ma beauté allait faire le reste… 532.10 Ma beauté ! Mes vêtements !… »

      La femme se lève. Maintenant qu’elle s’est redressée, je vois qu’elle est grande. Elle s’est débarrassée de son voile et de son manteau, et elle apparaît dans sa vraie beauté de femme brune à la peau très blanche. Ses yeux, valorisés par le bistre, sont grands et très beaux. Peut-être les pleurs les ont-ils déjà lavés, car elle a un regard d’innocence étonnée qu’il est étrange de trouver chez une créature de ce genre. Elle ôte et piétine l’étoffe du manteau, déchire son voile, arrache les boucles précieuses de l’un et de l’autre et les jette au sol, retire ses bagues et ses bracelets, lance au loin les ornements de sa tête, empoigne ses boucles frisées remplies de barrettes brillantes et les détache, puis elle dépeigne ses cheveux coiffés avec art dans une rage de sacrifice qui est même effrayante. Le collier qu’elle porte au cou, arraché violemment, s’égrène sur le sol, et son pied chaussé de sandales ornées piétine les pierres précieuses et les écrase ; la ceinture de prix suit le sort commun, de même qu’une broche qui retenait avec art l’étoffe du vêtement sur la poitrine. Et tout cela pendant que, d’une voix basse et angoissée, elle répète :

      « Bon débarras, objets maudits ! Adieu à vous, ainsi qu’à ceux qui me les ont donnés. Au loin, ma beauté ! Au loin, mes cheveux ! Au loin, ma peau de jasmin ! »

      D’un geste vif, elle saisit une pierre pointue qu’elle voit sur le sol et se frappe jusqu’au sang le visage et la bouche ; elle se griffe de ses ongles teints. Le sang dégoutte des blessures, ses traits se gonflent sous les coups… jusqu’à ce que sa furie s’apaise. Haletante, épuisée, défigurée, dépeignée, déchirée, son vêtement souillé par le sang et la terre, elle se jette par terre aux pieds de Jésus en gémissant :

      « Maintenant, tu peux me pardonner, si tu vois mon cœur, car il ne reste rien de mon passé, plus rien de… 532.11 Tu as triomphé, Seigneur, de tes ennemis et de ma chair… Pardonne-moi mon péché…

      – Je te l’avais déjà pardonné quand je suis venu à ta rencontre. Lève-toi, et ne pèche jamais plus.

      – Dis-moi ce que je dois faire.

      – Eloigne-toi des lieux de ton péché, de ceux qui savent qui tu es. Ta mère…

      – Ah ! mon Seigneur ! Elle ne m’accueillera plus. Elle me déteste depuis que mon père est mort, par ma faute, en me maudissant.

      – Tu es accueillie par Dieu qui est Dieu, et il t’accueille parce qu’il est Père : par conséquent, ta mère, qui t’a engendrée et qui est femme comme toi, peut-elle ne pas t’accueillir ? Va humblement la trouver. Pleure à ses pieds comme tu pleures aux miens. Fais-lui tes aveux comme tu me les as faits. Dis-lui ta souffrance, invoque sa pitié. Ta mère attend ce moment depuis des années. Elle l’attend pour mourir en paix. Supporte ses paroles de reproche aimant comme tu as supporté les miennes. Moi, j’étais pour toi l’étranger, et pourtant tu m’as écouté. C’est ta mère, tu as donc un double devoir de l’écouter avec respect.

      – Tu es le Messie, tu es plus grand que ma mère.

      – C’est ce que tu dis maintenant. Mais quand tu es venue pour me tenter, tu ignorais que j’étais le Messie, mais tu as écouté mes paroles.

      – Tu étais si différent des hommes… ainsi… Tu es saint, Jésus de Nazareth !

      – Ta mère est sainte, comme mère et comme créature. Par ses prières, tu as trouvé miséricorde auprès de Dieu. Une bonne mère est toujours sainte ! Et Dieu veut qu’on lui fasse honneur.

      – Je l’ai déshonorée. Tout le village le sait.

      – Raison de plus pour aller à elle et lui dire : “ Mère, pardon. ” Et pour lui consacrer ta vie, pour la dédommager des peines qu’elle a souffertes à cause de toi.

      – Je le ferai… 532.12 Mais… Seigneur, ne me renvoie pas à Jérusalem. Eux m’attendent… et je ne sais pas si je saurai résister aux menaces… Garde-moi ici jusqu’à l’aube, et ensuite…

      – Attends un instant. »

      Jésus se lève, se dirige vers la porte de la cuisine, frappe, se fait ouvrir. Il dit :

      « Elise, viens dehors. »

      Elise obéit. Jésus la conduit vers la femme qui, voyant venir une autre femme, âgée qui plus est, a un mouvement de honte et cherche à couvrir son visage et son vêtement provocant avec les restes de son manteau et du voile déchirés.

      « Ecoute, Elise. Je quitte immédiatement cette maison. Tu diras à mes apôtres de me rejoindre à l’aurore à la Porte d’Hérode. Tous, sauf Judas, qui doit venir avec moi. Tu feras dormir cette femme avec toi. Tu peux prendre mon lit, car je ne reviendrai pas à Nobé avant longtemps. Demain, quand Jean s’éveillera, lui et toi accompagnerez cette femme là où elle vous dira. Tu lui donneras un vêtement ordinaire et l’un de tes manteaux. Et vous l’aiderez en tout.

      – C’est bien, Seigneur. Il sera fait comme tu veux. Je regrette pour Jean…

      – Moi aussi, je voulais lui faire plaisir, mais la haine des hommes interdit au Fils de l’homme d’accorder une heure de fête à un juste…

      – Et ensuite, Seigneur ?

      – Ensuite ? Tu peux rentrer à Bet-Çur, en attendant… Adieu, Elise. Que ma bénédiction et ma paix soient avec toi. Adieu, femme. Je te confie à une mère et à un juste. Cependant, si tu crois devoir retourner prendre tes affaires…

      – Non. Je ne veux rien avoir du passé.

      – Mais, ma brave femme ! Tu ne peux certainement pas tout laisser à l’abandon. N’as-tu ni serviteurs ni parents ? dit Elise.

      – Je n’ai qu’une servante… et…

      – Tu devras la congédier, tu devras…

      – Je te prie de le faire, toi, à ton retour. Aide-moi à guérir tout à fait, femme. »

      Une véritable angoisse transparaît dans sa voix.

      « Oui, ma fille ! Oui. Ne t’inquiète pas. Demain, nous penserons à tout. Pour l’instant, accompagne-moi en haut. »

      Elise la prend par la main et la conduit à l’étage par l’escalier dans une des petites chambres.

      532.13 Puis elle descend rapidement :

      « J’ai pensé qu’il serait bon que tout le monde te voie sans elle, Seigneur. Et que l’on ne sache pas où elle se trouve. Ces bijoux… »

      Elle se penche pour ramasser bagues et bracelets, boucles et épingles de coiffure, ainsi que la ceinture et autant de perles du collier brisé qu’elle peut en trouver :

      « Qu’est-ce que j’en fais, Seigneur ?

      – Viens avec moi. Tu as raison. Il est bon qu’ils me voient. »

      Ils entrent dans la cuisine. Tous regardent Jésus d’un air interrogateur. Le vieux Jean s’est levé aussi, peut-être réveillé par une discussion.

      « Elise, donne à Thomas les objets précieux. Thomas, tu les vendras demain à quelque orfèvre. Cela servira pour les pauvres. Oui, ce sont des bijoux de femme, de cette femme. C’est la réponse à ceux qui pensent qu’une chair peut tenter le Fils de l’homme et le détourner de sa mission. C’est ainsi que je montre, à ceux qui me haïssent, que toute machination est inutile pour trouver matière d’accusation contre moi. Jean, Elise te dira ce que tu dois faire. Je te bénis…

      – Tu me quittes, Seigneur ? »

      Le vieillard est affligé.

      « Je le dois. Adieu. Que la paix soit avec toi. » Il se tourne vers les apôtres : « Allez vous reposer. Tous, sauf Judas qui vient avec moi.

      – Mais où ? Il fait nuit, objecte Judas.

      – Prier. Cela ne te fera pas de mal, à moins que tu ne craignes l’air de la nuit si tu le respires avec moi. »

      Judas baisse la tête, et c’est de mauvaise grâce qu’il prend son manteau pendant que Jésus prend le sien.

      « Demain, à la Porte d’Hérode, à l’aurore. Nous irons au Temple et…

      – Non ! »

      Le refus est unanime. Celui de Judas est le plus ferme.

      « Nous irons au Temple. N’as-tu pas dit que tu les as convaincus de me laisser en paix ?

      – C’est vrai.

      – Dans ce cas, nous irons au Temple. Viens. »

      Et il se dirige vers la sortie.

      « Et voilà déjà finie la fête que nous avions préparée ! soupire Pierre.

      – Finie avant de commencer, dois-tu dire » lui répond Jacques, fils de Zébédée.

      Jésus est déjà sur le seuil de la porte ouverte. Il se retourne et bénit. Puis il disparaît dans la nuit. Dans la cuisine, tous sont muets. Enfin, Matthieu demande à Elise :

      « Mais que s’est-il donc passé ?

      – Je ne sais pas. Il y avait une femme en pleurs. Et il m’a dit la même chose qu’à vous. Qui était-ce, d’où et pourquoi est-elle venue, je ne sais…

      – Bien. Allons… »

      Et tous s’en vont, sauf Matthieu et Barthélemy, qui dorment à la maison.




[1] Dans l’ancienne édition : "Semper virens" (toujours verdoyants) désigne plusieurs arbres : le cyprès, le buis, le chèvrefeuille, … Il s'agit peut-être ici du Buxus sempervirens (Buis toujours vert) à l'odeur caractéristique.

[2] "Comme il les (Abraham, Isaac et Jacob) éprouva pour scruter leur coeur, de même ce n’est pas une vengeance que Dieu tire de nous, mais c’est plutôt un avertissement dont le Seigneur frappe ceux qui le touchent de près." (Judith 8,27) – "Jérusalem, tu vas avoir affaire à moi: je vais te purifier au feu, fondre tes scories comme avec de la soude, et supprimer tous tes déchets" (Isaïe 1,25) – "Tout ce qui t’advient, accepte-le et, dans les vicissitudes qui t’humilient, montre-toi patient. Car l’or est éprouvé dans le feu, et les élus dans la fournaise de l’humiliation. Dans la maladie et l’indigence, garde-lui ta confiance". (Siracide 2,4-5)

[3]  Judas lors d'une de ses nuits de débauche. Cf. EMV 530 / 7.227





Observations

Par le fer et par le feu

A Nobé les apôtres fabriquent quelques objets en bois pour le vieux Jean, notable de cette ville qui a accueilli Jésus et les apôtres. D’un geste maladroit Jacques d’Alphée blesse légèrement Jésus avec un ciseau à bois chauffé au rouge. Simon le Zélote observe : « Par le fer, le feu et la douleur. Cela semble une des phrases chères aux romains". » (EMV 532.2). La justesse et l’à propos de cette sentence méritent d’être soulignés.


Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Une-prostituee-est-envoyee-aupres-de-jesus-pour-le-tenter

Le serment de Junius Brutus (Fragonard)


La remarque de Simon rappelle en effet une formule latine courante à cette époque : igni ferroque et les variantes igne atque ferro, ferro ignique (1) etc. Voir aussi le serment de Brutus, quelques décennies avant la vie publique de Jésus : « Je jure de poursuivre par le fer et par le feu, par tous les moyens qui seront en mon pouvoir, l'orgueilleux Tarquin… » (rapporté par Tite Live) (2). Cette locution latine devint en français "à feu et à sang", et en italien « Col ferro e col fuoco ».

(1) Voir par exemple Cicéron Philippiques Oratio tertia decima 47 ; Virgile L'Enéide, VIII-420 ; Tite Live, Histoire de Rome, livre 3, 68 ; Suétone Vie des César, Claude 21,6 etc.[/size]
(2) Tite Live, Histoire de Rome, livre 1, 59, 1.



*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-229.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/une-prostituee-est-envoyee-aupres-de-jesus-pour-le-tenter.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 15 Mar - 20:57

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533. En route pour Jérusalem avec Judas, qui paraît prendre une décision

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 230.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 533.

Le 25 novembre 1946

Mercredi 21 novembre 29
En route pour Jérusalem


    533.1 L’aube illumine l’horizon. Le bois d’oliviers qui couvre la colline s’éclaire tout doucement et sort de l’obscurité. Les troncs, encore dans l’ombre, sont invisibles alors que les frondaisons argentées se montrent déjà. On dirait qu’une nappe de brouillard s’est étendue sur la colline, mais ce n’est que la grisaille des feuillages dans la lumière incertaine du matin.

      Jésus est seul sous les oliviers, mais ce n’est pas Gethsémani : Gethsémani est parallèle, pour ainsi dire, au mont Moriah, alors qu’ici ce dernier reste en face. Nous sommes donc au nord de Jérusalem, au-delà des tombeaux des rois. Jésus prie encore, et il ne s’arrête pas quand le gazouillis des oiseaux lui indique que le jour est venu. C’est seulement quand le premier rayon du soleil, maintenant levé, éclaire partiellement l’or — jusqu’à ce moment plutôt terne — des dômes du Temple, qu’il se met debout, se lève et secoue son manteau ; quelques petites feuilles sèches restent attachées à la lourde étoffe, souillée de traces de terre. De la main, il se lisse la barbe et les cheveux, puis rajuste son vêtement et sa ceinture, examine les brides de ses sandales, remet son manteau et descend de la colline par un sentier à peine marqué entre les troncs. Peut-être se dirige-t-il vers une maisonnette à mi-pente, du toit de laquelle monte un peu de fumée. Mais non. Il tourne et prend un chemin plus large qui descend vers la route principale qui mène à la ville.

      533.2 Derrière lui, Judas dégringole de la colline. Je dis bien “ dégringole ”, car il court comme un fou pour rattraper le Maître et, arrivé à portée de voix, il l’appelle. Jésus s’arrête, et Judas le rejoint, tout essoufflé :

      « Maître… heureusement pour moi que j’ai pensé à venir te chercher ! Tu t’en allais sans moi ? Hier soir, tu me demandais de t’attendre à la maison, parce que tu allais certainement venir. Au contraire…

      – N’ai-je pas dit à tout le monde de m’attendre à la Porte d’Hérode [1] à l’aurore ? Voici l’aurore, et je me rends à la Porte d’Hérode.

      – Oui, mais… c’était pour les autres. Nous deux, nous étions ensemble.

      – Ensemble ? »

      Jésus est très sérieux.

      « Mais oui, Maître. Nous sommes venus ensemble. C’est toi qui l’as voulu. Puis tu as préféré aller prier tout seul, mais j’étais disposé à t’accompagner.

      – A Nobé, tu as montré clairement qu’il ne t’était pas agréable de passer la nuit en prière avec ton Maître, et je t’ai épargné de faire un acte de vertu forcé. Il n’aurait servi à rien. Le bien, il faut savoir le faire spontanément pour qu’il ait du parfum et qu’il soit fécond. Dans le cas contraire, ce n’est qu’une… comédie, parfois pire.

      – Mais, moi… 533.3 Pourquoi te montres-tu si sévère à mon égard depuis quelque temps ? Tu ne m’aimes plus ?

      – C’est à plus juste titre que, moi, je pourrais te demander : tu ne m’aimes plus ? Mais je ne te pose pas cette question, parce qu’elle serait vaine et que je ne fais jamais rien d’inutile.

      – Naturellement ! Car tu sais bien que je t’aime !

      – Je voudrais bien le savoir, Judas de Kérioth. Et je voudrais pouvoir t’affirmer : je sais que tu m’aimes. Mais tout comme je ne fais jamais rien d’inutile, je ne dis jamais des paroles fausses. Je ne te dis donc pas que je sais que tu m’aimes.

      – Comment donc, Maître ! Je ne t’aimerais pas ? Est-ce que je ne travaille pas pour toi ? Peux-tu en douter ? Cela me peine. Pourtant, dès que je comprends qu’un acte te chagrine, je ne le fais plus et je veille à ce qu’on ne le fasse plus ! Regarde : j’ai compris qu’il te déplaisait que je… sorte la nuit. Je ne suis plus sorti. J’ai compris que les discussions de tes adversaires t’épuisent. Je suis allé — et on ne m’a pas épargné les offenses — leur demander d’y renoncer, et tu vois que tu n’as plus été importuné. Et j’espère que tu ne le seras pas non plus au Temple. Tu n’es pas juste, Maître, avec le pauvre Judas !

      – Tu es le premier de mes disciples à me taxer d’injustice…

      – Oh ! pardon ! Mais tes paroles, ta sévérité, m’affligent tellement que je n'arrive plus à réfléchir. Cela m’affole, crois-moi. Allons, ma paix, faisons la paix entre nous. Je veux être avec toi, comme si je ne faisais qu’un avec toi. Ensemble, toujours…

      – Autrefois, nous l’étions. Mais maintenant, dis-moi, Judas : quand donc le sommes-nous ?

      – Tu me demandes ça à cause de cette nuit-là ? Ou encore parce que je ne t’ai pas accompagné à Beth-Abara ? Mais tu sais pourquoi je ne suis pas venu : pour ton bien… Et cette nuit-là… Je suis un homme jeune, Seigneur ! Mais à part ces moments où, je l’avoue, je peux m’être trompé, et même où je me suis sûrement trompé, je suis toujours auprès de toi.

      – Ce n’est pas de la proximité physique que je parle, mais de l’intimité spirituelle, celle de la pensée et du cœur. Tu es loin de ton Sauveur, Judas, et tu t’en éloignes de plus en plus.

      – Voilà ! Tous les reproches sont pour moi ! Vois pourtant avec quelle humilité je les reçois. Je t’ai dit : “ Renvoie-moi. ” Tu m’as retenu… et alors, qu’attends-tu de moi ?

      – Ce que j’attends ! Je voudrais ne pas avoir pris inutilement une chair pour toi. C’est cela que je voudrais ! Mais désormais tu appartiens à un autre père, à un autre pays, tu parles une autre

      langue… 533.4 Ah ! Que faire, mon Père, pour purifier le temple profané de celui qui est ton fils et mon frère ? »

      Jésus, très pâle, pleure en s’adressant à son Père.

      Judas aussi prend un visage terreux et s’écarte un peu en silence. Jésus le dépasse de quelques pas et descend, la tête penchée, enfermé dans sa douleur. Alors Judas fait un geste de mépris, de menace, je dirais de cruel serment derrière le dos de l’Innocent. Son visage, jusqu’alors masqué par une patine hypocrite de douceur et d’humilité, se fait anguleux, dur, brutal, cruel. Vraiment démoniaque. Une vraie haine, une haine qui n’est pas humaine, luit dans le feu de ses yeux noirs, et cette flamme de haine se concentre sur la haute personne de Jésus. Puis, après un haussement d’épaules et un coup de pied coléreux, Judas met un point final à son raisonnement intérieur, et il se remet en chemin, après s’être repris, comme quelqu’un qui a décidé irrévocablement de son choix.

      533.5 Les remparts de la ville sont maintenant proches. Des gens se pressent aux portes : étrangers, maraîchers, habitants des villages voisins. Parmi ceux qui se trouvent près des murs se tiennent les onze apôtres qui, à la vue du Maître, s’avancent à sa rencontre.

      « Maître, pendant que nous attendions ici, il est venu un homme qui te cherchait. Il a dit que Valéria te prie d’aller près de la synagogue des affranchis romains, mais d’y aller vraiment ; elle s’y trouvera.

      – C’est bien. Nous irons là-bas. Passons d’abord chez Joseph de Séphoris, car mon vêtement n’est pas propre.

      – Où as-tu dormi, Seigneur ? demande Pierre.

      – Nulle part, Simon. J’ai prié sur la colline et la terre était humide, boueuse même. Tu vois…

      – Pourquoi prier ainsi en plein air, Seigneur ? Cela pourrait te faire du mal…

      – Les éléments ne nuisent pas au Fils de l’homme. Ce qui vient de Dieu est bon… Ce sont les hommes qui haïssent l’Homme. »

      Pierre soupire… Ils s’éloignent vers la maison du Galiléen, suivis par les autres…



[1] La Porte d'Hérode correspond à une porte du nord de l'enceinte actuelle de la vieille ville. Elle est donnée pour la Porte des moutons. Au temps de Jésus, cette enceinte n'existait pas. Il peut donc s'agir de la porte des brebis, mais ce n'est pas certain.



*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-230.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/judas-parait-prendre-une-decision.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 17 Mar - 23:12

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534. Enseignements et guérisons à la synagogue des affranchis romains. Une mission confiée aux païens

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 231.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 534.

Le 26 novembre 1946

Mercredi 21 novembre 29
En route pour Jérusalem


      534.1 La synagogue des Romains se trouve exactement à l’opposé du Temple, près de l’hippodrome [1]. Il y a des gens qui attendent Jésus et, à peine signale-t-on son arrivée au début de la route, que des femmes, les premières, vont à sa rencontre. Jésus marche avec Pierre et Jude.

      « Salut, Maître. Je te remercie de m’avoir exaucée. Tu viens d’entrer en ville ?

      – Non. J’y suis depuis l’heure de prime. Je suis allé au Temple.

      – Au Temple ? On ne t’y a pas insulté ?

      – Non. Il était tôt, et on ignorait ma venue.

      – Je t’avais fait appeler pour cela… et aussi parce qu’il y a ici des païens qui voudraient t’écouter. Depuis plusieurs jours, ils allaient t’attendre au Temple, mais on se moquait d’eux, on les menaçait même. Hier, j’y étais moi aussi, et j’ai compris qu’ils t’attendaient pour t’insulter. J’ai envoyé des hommes à toutes les portes. On obtient tout, avec de l’or…

      – Je t’en suis reconnaissant. Mais il m’est impossible, à moi qui suis Rabbi d’Israël, de ne pas monter au Temple. Ces femmes, qui sont-elles ?

      – Mon affranchie Tusnilde, barbare deux fois, Seigneur, des forêts de Teutoburg [1a]. C’est une proie de ces avancées imprudentes qui ont coûté tant de sang humain [2]. Mon père en a fait cadeau à ma mère, qui me l’a donnée pour mon mariage. Elle est passée de ses dieux aux nôtres et des nôtres à toi, car elle suit ce que je fais. Elle est tellement bonne ! Les autres femmes sont des épouses de païens qui t’attendent, de toutes les régions, la plupart souffrantes, venues sur les navires de leurs maris.

      – Entrons dans la synagogue… »

      Le chef, debout sur le seuil, s’incline et se présente :

      « Matthatias Sicule, Maître. A toi louanges et bénédictions.

      – Paix à toi.

      – Entre. Je ferme la porte pour que nous soyons tranquilles. La haine est telle que les briques ont des yeux et les pierres des oreilles pour t’observer et te dénoncer, Maître. Peut-être ceux-ci, qui nous laissent faire pourvu qu’on ne touche pas à leurs intérêts, valent-ils mieux, dit le vieux chef qui marche à côté de Jésus pour lui faire traverser une petite cour et l’emmener dans une vaste pièce, qui sert de synagogue.

      534.2 – Commençons par guérir les malades, Matthatias. Leur foi mérite d’être récompensée » dit Jésus.

      Et il passe d’une femme à l’autre en leur imposant les mains.

      Quelques-unes sont en bonne santé, mais c’est l’enfant qu’elles tiennent dans leurs bras qui est souffrant, et Jésus guérit l’enfant. Une fillette, complètement paralysée, s’écrie, après avoir été guérie :

      « Sitaré te baise les mains, Seigneur ! »

      Jésus, qui était déjà passé, se retourne en souriant et demande :

      « Tu es syrienne ? »

      La mère explique :

      « Phénicienne, Seigneur, d’au-delà de Sidon. Nous sommes sur les rives du Tamiri [3] ; j’ai dix fils et deux autres filles, une qui s’appelle Sira et l’autre Tamira. Sira est veuve, bien qu’elle ne soit guère plus âgée qu’une enfant, de sorte qu’étant libre, elle s’est établie auprès de son frère ici, dans la ville ; elle est une de tes fidèles. C’est elle qui nous a appris que tu peux tout.

      – Elle n’est pas avec toi ?

      – Si, Seigneur, derrière ces femmes.

      – Viens » ordonne Jésus.

      La femme s’avance, craintive.

      « Tu ne dois pas avoir peur de moi si tu m’aimes, dit Jésus pour l’encourager.

      – Je t’aime. C’est pour cela que j’ai quitté Alexandroscène : je pensais que j’allais encore t’entendre et… que je pourrais apprendre à accepter ma douleur… »

      Elle pleure.

      « Quand es-tu devenue veuve ?

      – A la fin de votre Adar… Si tu avais été là, Zénos ne serait pas mort. C’est ce qu’il disait… car il t’avait entendu et il croyait en toi…

      – Dans ce cas, il n’est pas mort, femme, car celui qui croit en moi vit. 534.3 La vraie vie n’est pas ce temps où vit la chair. La vie est celle que l’on obtient en croyant, en suivant la Voie, la Vérité, la Vie, et en agissant conformément à sa parole. Même s’il s’est agi de croire et de suivre pendant peu de temps, et de travailler pendant peu de temps, vite interrompu par la mort du corps, et même s’il s’agit d’un seul jour, d’une seule heure, je te dis en vérité que cette créature ne connaîtra plus la mort. En effet, mon Père, qui est le Père de tous les hommes, ne tiendra pas compte du temps passé à suivre ma Loi et à croire en moi, mais de la volonté de l’homme de vivre jusqu’à sa mort en conformité avec cette Loi et cette foi.

      Je promets la vie éternelle à celui qui croit en moi et agit conformément à mes paroles, en aimant le Sauveur, en propageant cet amour, en mettant en pratique mes enseignements dans le temps qui lui est accordé. Les ouvriers de ma vigne, ce sont tous ceux qui viennent et disent : “ Seigneur, accueille-moi parmi tes ouvriers ”, et qui restent fermes dans cette volonté, jusqu’à ce que mon Père juge terminée leur journée. En vérité, en vérité je vous dis qu’il y aura des ouvriers qui auront travaillé une seule heure, leur dernière heure, et qui auront une récompense plus rapide que ceux qui auront travaillé depuis la première heure, mais toujours avec tiédeur, poussés au travail uniquement par la pensée de ne pas mériter l’enfer, c’est-à-dire par la peur du châtiment. Ce n’est pas cette façon de travailler que mon Père récompense par une gloire immédiate. Au contraire, à ces calculateurs égoïstes qui ont le souci de faire le bien et seulement le peu de bien suffisant pour ne pas obtenir une peine éternelle, le Juge éternel demandera une longue expiation. Ils devront ainsi apprendre à leurs dépens à se donner un esprit actif en amour, et en un amour vrai, tout tourné vers la gloire de Dieu.

      Et j’ajoute qu’à l’avenir beaucoup — en particulier des païens — seront les ouvriers d’une heure et même de moins d’une heure ; mais ils deviendront glorieux dans mon Royaume parce que, pendant cette heure unique où ils auront correspondu à la grâce qui les aura invités à entrer dans la vigne du Seigneur, ils auront atteint la perfection héroïque de la charité [4]. Par conséquent rassure-toi, femme : ton mari n’est pas mort, mais il vit. Il n’est pas perdu pour toi, mais uniquement séparé de toi pour quelque temps. Maintenant, comme une épouse qui n’est pas encore entrée dans la maison de l’époux, tu dois te préparer aux vraies noces immortelles avec celui que tu pleures. Ah ! heureuses noces de deux âmes qui se sont sanctifiées et qui se réunissent de nouveau pour l’éternité, là où il n’y a plus de séparation, ni de crainte de désaffection, ni de peine, là où les esprits jubileront dans l’amour de Dieu et dans l’amour réciproque ! La mort, pour les justes, c’est la vraie vie, car rien ne peut menacer la vitalité de l’âme, c’est-à-dire sa permanence dans la justice. Ne pleure pas et ne regrette pas ce qui est caduc, Sira. Elève ton esprit, et vois avec justice et vérité. Dieu t’a aimée en sauvant ton conjoint du danger que les œuvres du monde ruinent sa foi en moi.

      – Tu m’as consolée, Seigneur. Je vivrai comme tu dis. Sois béni, et ton Père avec toi, pour l’éternité. »

      534.4 Au moment où Jésus va passer, le chef de la synagogue intervient :

      « Puis-je te faire une objection, sans que cela te paraisse être une offense ?

      – Parle. Je suis ici comme Maître, pour apporter la sagesse à ceux qui m’interrogent.

      – Tu as dit que certains deviendront tout de suite glorieux au Ciel. Le Ciel n’est-il pas fermé ? Est-ce que les justes ne sont pas dans les limbes en attendant d’y entrer ?

      – Effectivement : le Ciel est fermé, et il ne sera ouvert que par le Rédempteur. Mais son heure est venue. En vérité, je te dis que le jour de la Rédemption pointe déjà à l’orient et que sa clarté illuminera bientôt le monde. En vérité, je te dis qu’il n’y aura plus d’autre fête comme celle-ci, avant ce jour. En vérité, je te dis que déjà je force les portes, car je suis parvenu au sommet du mont de mon sacrifice… Déjà mon sacrifice presse sur les portes du Ciel, parce qu’il a commencé son œuvre. Quand il sera accompli — souviens-t’en, homme —, alors s’ouvriront les rideaux sacrés et les portes célestes. Car Jéovêh ne sera plus présent par sa gloire dans le Saint des Saints, et il sera inutile de mettre un voile entre l’Inconnaissable et les mortels. L’humanité qui nous a précédés et qui fut juste retournera à l’endroit qui lui était destiné, à la suite du Premier-né, déjà complet dans sa chair et dans son esprit, et avec ses frères dans le vêtement de lumière qu’ils porteront jusqu’au moment où leurs chairs seront appelées, elles aussi, à la jubilation. »

      534.5 Jésus prend le même ton chantant particulier qu’un chef de synagogue ou qu’un rabbi qui répète les paroles bibliques ou les psaumes, et il poursuit [4a] :

      « Il m’a dit : “ Prophétise sur ces ossements. Tu leur diras : ‘ Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur… Voici que je vais faire entrer en vous l’esprit, et vous vivrez. Je mettrai sur vous des nerfs, je ferai pousser sur vous de la chair, je tendrai sur vous de la peau, je vous donnerai un esprit et vous vivrez, et vous saurez que je suis le Seigneur… Voici que j’ouvre vos tombeaux… Je vais vous faire remonter de vos tombeaux… Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez, et je vous installerai sur votre terre ’. [5] ” »

      Puis il reprend sa manière habituelle de parler, baisse les bras — qu’il avait tendus en avant —, et dit :

      « Il y a deux résurrections de ce qui est desséché, mort à la vie. Elles se reflètent toutes les deux dans les paroles du prophète. La première, c’est la résurrection à la Vie et dans la Vie — c’est-à-dire dans la grâce qui est vie — de ceux qui accueillent la Parole du Seigneur, l’Esprit engendré par le Père. Cet Esprit est Dieu comme le Père dont il est le Fils, et il s’appelle Verbe, le Verbe qui est vie et qui donne la vie, cette vie dont tous ont besoin et dont Israël est privé comme les païens. Car si, pour qu’Israël obtienne la vie éternelle, il lui suffisait jusqu’à présent d’espérer et d’attendre la vie qui vient du Ciel, dorénavant, il lui faudra accueillir la vie pour avoir la vie. Or je suis la Vie. Et en vérité, je vous dis que les membres de mon peuple qui ne m’accueilleront pas n’obtiendront pas la vie. Ma venue sera pour eux une cause de mort, car ils auront repoussé la Vie qui venait à eux pour se donner.

      L’heure est venue où Israël sera partagé entre les vivants et les morts. C’est le moment de choisir de vivre ou de mourir. La Parole a parlé, elle a montré son origine et sa puissance, elle a guéri, enseigné, ressuscité, et bientôt elle aura accompli sa mission. Ceux qui ne viennent pas à la vie n’ont plus d’excuse. Le Seigneur passe. Une fois passé, il ne revient pas. Il n’est pas revenu en Egypte rendre la vie aux fils premiers-nés [5a] de ceux qui l’avaient méprisé et opprimé en ses enfants. Il ne reviendra pas non plus cette fois-ci, une fois que l’immolation de l’Agneau aura décidé des sorts. Ceux qui ne m’accueillent pas avant mon Passage, ceux qui me haïssent et me haïront, n’auront pas mon sang sur leurs esprits pour les sanctifier ; ils ne vivront pas, et ils n’auront pas leur Dieu avec eux pour le reste de leur pèlerinage sur la terre. Sans la divine Manne, sans la nuée protectrice et lumineuse, sans l’Eau qui vient du Ciel, privés de Dieu, ils erreront comme des vagabonds à travers ce vaste désert qu’est la terre, toute la terre. Elle n’est en effet qu’un désert, s’il manque à ceux qui la parcourent l’union avec le Ciel, la proximité du Père et Ami : Dieu.

      Il y a ensuite une seconde résurrection, celle-là universelle, dans laquelle les os calcinés et dispersés depuis des siècles redeviendront frais et couverts de nerfs, de chair et de peau. Et ce sera le Jugement. La chair et le sang des justes jubileront avec leur âme dans le Royaume éternel, et la chair et le sang des damnés souffriront avec leur âme dans le châtiment éternel. Je t’aime, Israël ; je t’aime, monde païen ; je t’aime, humanité ! Et c’est pour cet amour que je vous invite à la vie et à la résurrection bienheureuses. »

      Les gens rassemblés dans la vaste salle sont comme fascinés. Il n’y a pas de différence entre l’étonnement des Hébreux et celui des autres, qui viennent d’ailleurs ou ont une foi différente. Je dirais même que ceux dont l’étonnement marque le plus de respect, ce sont les étrangers.

      534.6 Un vieillard très digne marmonne entre ses dents.

      « Qu’as-tu dit, homme ? demande Jésus en se retournant.

      – J’ai dit que… Je me répétais des paroles que j’avais entendues de mon maître d’enseignement quand j’étais jeune : “ Il est accordé à l’homme de s’élever par la vertu à la perfection divine. Il y a dans la créature un reflet du Créateur, qui se révèle d’autant mieux qu’elle se perfectionne dans la vertu ; c’est comme si elle brûlait la matière au feu de la vertu. Et il est accordé à l’homme de connaître l’Etre qui, au moins une fois dans la vie d’un homme, se montre à la créature avec une affection sévère ou paternelle, pour qu’elle puisse dire : ‘Je dois être bon. Pauvre de moi si je ne le suis pas ! Parce qu’une Puissance immense a brillé devant moi pour me faire comprendre que la vertu est un devoir et qu’elle est signe de la noble nature de l’homme.’ Vous trouverez cet éclair de la Divinité tantôt dans la beauté de la nature, tantôt dans la parole d’un mourant, dans le regard d’un malheureux qui vous scrute et vous juge, ou encore dans le silence de la personne aimée qui réprouve à part soi une action déshonorante ; vous le trouverez dans la frayeur d’un enfant devant l’un de vos actes de violence, ou dans le silence des nuits quand vous êtes seuls avec vous-mêmes et que, dans la pièce la plus close et la plus isolée, vous percevrez un autre moi, bien plus puissant que le vôtre, qui vous parle avec des mots ineffables. Et ce sera Dieu, ce Dieu qui doit exister, Dieu que la Création adore même sans en avoir conscience, ce Dieu unique qui satisfait vraiment le sentiment des hommes vertueux, eux qui ne se sentent pas satisfaits ni consolés par nos cérémonies et nos doctrines, ni devant les autels complètement vides, bien qu’une statue les surmonte. ” Je connais bien ces paroles, car depuis de nombreux lustres, je les répète comme ma loi et mon espérance. J’ai vécu, travaillé, et aussi souffert et pleuré. Mais j’ai tout supporté et j’espère, avec vertu, rencontrer avant de mourir ce Dieu dont Hermogène [6] m’avait promis que j’allais le connaître. Je me disais à l’instant que je l’ai vraiment vu. Et j’ai entendu sa parole, mais pas comme un éclair ou comme un son sans écho. Mais c’est sous une sereine et très belle forme d’homme que m’est apparu le Divin ; je l’ai entendu, et je suis rempli d’un étonnement sacré. L’âme, cette réalité que les hommes véritables admettent, mon âme t’accueille, ô Perfection, et elle te dit : “ Enseigne-moi ton chemin, ta vie et ta vérité pour qu’un jour moi, qui suis un homme solitaire, je m’unisse à toi, qui es la suprême Beauté. ”

      – Nous nous réunirons. Et j’ajoute que, plus tard, tu seras réuni à Hermogène.

      – Mais il est mort sans te connaître !

      – Ce n’est pas la seule connaissance matérielle qui est nécessaire pour me posséder. L’homme qui arrive par sa vertu à sentir le Dieu inconnu et à vivre en conformité pour rendre hommage à ce Dieu inconnu, peut bien se dire qu’il a connu Dieu : car Dieu s’est révélé à lui pour récompenser sa vie vertueuse. Malheur s’il était nécessaire de me connaître personnellement ! Bientôt, plus personne ne pourrait s’unir à moi. En effet, c’est moi qui vous le dis, bientôt le Vivant quittera le royaume des morts pour retourner au Royaume de la Vie, et les hommes n’auront plus d’autre possibilité de me connaître que par la foi et l’esprit. Mais, au lieu de s’arrêter, la connaissance de ma personne se propagera, et avec perfection, car elle sera exempte de tout ce qui est pesanteur des sens. Dieu parlera, Dieu agira, Dieu vivra, Dieu se révélera aux âmes de ses fidèles avec son inconnaissable et parfaite nature. Les hommes aimeront le Dieu-Homme. Et le Dieu-Homme aimera les hommes avec des moyens nouveaux, avec des moyens ineffables que son amour infini aura laissés sur la terre avant de s’en retourner auprès du Père, une fois que tout aura été accompli.

      534.7 – Oh ! Seigneur ! Seigneur ! » s’écrient plusieurs. « Dis-nous donc comment nous pourrons te trouver et savoir que c’est toi qui nous parles, et où tu seras, quand tu seras parti ! »

      Certains ajoutent :

      « Nous sommes païens et nous ne connaissons pas ta loi. Nous n’avons pas le temps de rester ici et de te suivre. Comment ferons-nous pour avoir cette vertu qui nous fait mériter de connaître Dieu ? »

      Jésus sourit avec une lumineuse beauté, suscitée par la joie des conquêtes qu’il a faites parmi les païens, et il explique doucement :

      « Ne vous préoccupez pas de connaître beaucoup de lois. Eux (il pose les mains sur les épaules de Pierre et de Jude) iront apporter ma Loi dans le monde. Mais tant qu’ils ne seront pas venus, prenez pour Loi ce que je vais vous dire : cela résume toute ma Loi de salut.

      Aimez Dieu de tout votre cœur. Aimez les autorités, votre famille, vos amis, vos serviteurs, le peuple, et même vos ennemis, comme vous vous aimez vous-mêmes. Et pour être sûrs de ne pas pécher, avant de faire n’importe quelle action — qu’il s’agisse d’un ordre ou qu’elle soit spontanée —, demandez-vous : “ Aimerais-je qu’on me fasse ce que je m’apprête à faire à cette personne ? ” Et si vous voyez que ce n’est pas le cas, renoncez-y.

      Ces quelques mots vous permettront de tracer en vous le chemin par lequel Dieu viendra à vous et par lequel vous irez à lui. En effet, nul n’aimerait qu’un fils soit ingrat envers son père, personne n’aimerait être tué ou volé, nul ne voudrait qu’on lui enlève son épouse, qu’on déshonore sa sœur ou sa fille, qu’on s’empare de sa maison, de ses champs ou de ses fidèles serviteurs. Avec cette règle, vous serez de bons enfants et de bons parents, des maris aimants, des frères affectueux, des commerçants honnêtes, de vrais amis. Ainsi vous serez vertueux, et Dieu viendra à vous.

      534.8 J’ai autour de moi non seulement des Hébreux et des prosélytes chez qui il n’y a pas de malice — je veux dire qui ne sont pas venus à moi pour me prendre en défaut comme le font ceux qui vous ont chassés du Temple pour vous empêcher de venir à la Vie —, mais aussi des païens de tous les pays du monde. Je vois des Crétois et des Phéniciens [7] mêlés aux habitants du Pont et de la Phrygie [8], et il y a aussi des personnes originaires des plages qui bordent la mer inconnue [9], chemin vers des terres ignorées où je serai aussi aimé. Et je vois des Grecs avec des Sicules et des habitants de la Cyrénaïque avec des Asiatiques [10]. Eh bien, je vous dis : allez ! Faites savoir à vos concitoyens que la Lumière est dans le monde et proposez-leur de venir à la lumière. Prévenez-les que la Sagesse a quitté les Cieux afin de se faire pain pour les hommes, eau pour les hommes affaiblis. Apprenez-leur que la Vie est venue pour guérir et ressusciter ce qui est malade ou mort. Et dites… dites que le temps passe aussi vite qu’un éclair en été. Que vienne celui qui désire Dieu. Son âme connaîtra Dieu. Que vienne celui qui désire guérir. Ma main, tant qu’elle sera libre, accordera la guérison à ceux qui l’invoquent avec foi.

      Ajoutez… Oui ! Faites preuve d’empressement et annoncez que le Sauveur attend ceux qui espèrent et désirent une aide divine, à la Pâque, dans la Cité sainte. Parlez-en à ceux qui en ont besoin, aussi bien qu’aux simples curieux. Du mouvement impur de la curiosité peut jaillir pour eux l’étincelle de la foi en moi, de la foi qui sauve. Allez ! Jésus de Nazareth, le Roi d’Israël, le Roi du monde, appelle, pour les rassembler, les représentants du monde afin de leur donner les trésors de ses grâces et les prendre comme témoins de son élévation, qui consacrera son triomphe pour les siècles des siècles, comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Allez ! Allez !

      A l’aube de ma vie terrestre vinrent, de divers endroits, les représentants de mon peuple pour adorer le Tout-Petit en qui l’Immense se cachait. La volonté d’un homme, qui se croyait puissant [11] et était un serviteur de la volonté de Dieu, avait ordonné un recensement dans l’Empire. Obéissant à un ordre inconnu et inéluctable du Très-Haut, ce païen devait se faire le héraut de Dieu qui voulait que tous les hommes d’Israël, éparpillés partout sur la terre, viennent dans la terre de ce peuple-là, près de Bethléem Ephrata, pour s’étonner des signes venus du Ciel au premier vagissement d’un Nouveau-Né. Et comme cela ne suffisait pas encore, d’autres signes parlèrent aux païens, et leurs représentants vinrent adorer le Roi des rois, petit, pauvre, loin de son couronnement terrestre, mais déjà Roi en présence des anges [12].

      L’heure est venue où je serai Roi à la face des peuples avant de retourner là d’où je viens.

      Au couchant de ma journée terrestre, au soir de ma vie humaine, il est juste qu’il y ait des hommes de tous les peuples pour voir Celui que l’on doit adorer et en qui se cache toute la miséricorde. Que les bons, ces prémices de cette moisson nouvelle, bénéficient de cette miséricorde qui s’ouvrira comme les brumes de Nisan pour gonfler les fleuves des eaux du salut, capables de faire fructifier les arbres plantés sur les rives, comme on le lit dans Ezéchiel. [12a] »

      534.9 Et Jésus se remet à guérir les malades, hommes et femmes, et il écoute leurs noms, car maintenant tous veulent dire le leur : « Je m’appelle Zilla… Moi, Zabdi… Moi, Gail… Moi, André… Moi, Théophane… Moi, Selima… Moi, Olinto… Moi, Philippe… Moi, Elissa… Moi, Bérénice… Ma fille, Gaia… Moi, Argénide… Moi… Moi… Moi… »

      Il a fini. Il voudrait bien partir, mais combien lui demandent de rester, de parler encore !

      Un homme — sans doute borgne, car il a un œil couvert d’un bandeau — dit, pour le retenir encore :

      « Seigneur, j’ai été frappé par un homme, qui était jaloux de la prospérité de mon commerce. J’ai sauvé avec peine ma vie, mais j’ai perdu un œil, crevé par le coup. Aujourd’hui, mon rival est devenu pauvre et il est mal considéré ; il s’est enfui dans une bourgade près de Corinthe. Moi, je suis de Corinthe [13]. Comment devrais-je me conduire envers celui qui a failli me tuer ? Ne pas faire aux autres ce qu’on n’aimerait pas subir, c’est bien, mais de lui, j’ai déjà subi… du mal, beaucoup de mal… »

      Sa figure est si expressive qu’on y lit sa pensée non formulée : « et je devrais donc prendre ma revanche… »

      Mais Jésus le regarde avec une lueur de sourire dans son œil bleu saphir, oui, mais avec la dignité d’un Maître sur tout son visage, et il l’interroge :

      « C’est toi, un Grec, qui me demandes cela ? Vos grands hommes n’ont-ils peut-être pas dit que les mortels deviennent semblables à Dieu quand ils correspondent à deux dons qu’il leur accorde pour les rendre semblables à lui et qui sont : pouvoir être dans la vérité et faire du bien à son prochain ?

      – Ah oui ! Pythagore ! [14]

      – Et n’ont-ils pas dit que l’homme se rapproche de Dieu, non par la science ou la puissance, ou autrement, mais en faisant du bien ?

      – Ah oui ! Démosthène ! [15] Mais, excuse-moi, Maître, si je te pose une question… Tu n’es qu’un Hébreu, or les Hébreux n’aiment pas nos philosophes… D’où tiens-tu ces connaissances ?

      – Homme, j’étais la Sagesse qui inspirait aux intelligences ce qu’expriment ces paroles. Je suis là où le bien est actif. Toi qui es grec, écoute les conseils des sages à travers lesquels c’est encore moi qui parle. Fais du bien à celui qui t’a nui, et tu seras appelé saint par Dieu. Et maintenant, laissez-moi partir. D’autres m’attendent. Adieu, Valéria [15a], et ne crains rien pour moi. Ce n’est pas encore mon heure. Quand l’heure sera venue, toutes les armées de César seront incapables d’opposer une barrière à mes adversaires.

      – Salut, Maître, et prie pour moi.

      – Pour que la paix te possède. Adieu. Paix à toi, chef de synagogue. Paix à ceux qui croient et à ceux qui tendent à la paix. »

      Et avec un geste qui se veut tout à la fois salut et bénédiction, il sort de la salle, traverse la cour et reprend son chemin…




[1] Une des tours du Palais d'Hérode. Ainsi nommé en souvenir de Hippicos, un de ses frères d'armes.

[1a] Des forêts de teutoburg : le nom de ces forêts reste lié à la célèbre défaite du général romain Varus, qui valut à la Germanie de rester indépendante et de n e pas être incluse dans l'Empire romain.

[2] Désastre de Varus. Trois légions furent massacrées par le germain Arminius (9 ap JC)

[3] Probablement une rivière au nord de Sidon (aujourd'hui Saïda au Liban). Peut-être la rivière Nahr.

[4] Cf. la parabole des ouvriers de la onzième heure (Matthieu 20,1-16) donnée pour la première fois à Alexandroscène de Phénicie

[4a] poursuit en citant Ez 37, 4-6.12-14.

[5] Ezéchiel 37,4 et suivants

[5a] fils premiers-nés dont parle Ex 11, 4-8 ; 12, 29-30.

[6] De quel Hermogène s'agit-il ? Il y eu un Hermogène, disciple de Socrate, mais il ne peut s'agir de lui, Socrate étant mort en 400 av. J.C.

[7] Habitants du Liban actuel autour des villes de Tyr et de Sidon.

[8] Deux régions du nord de la Turquie actuelle : Le Pont, à l'est, en bordure de la Mer Noire et la Phrygie à l'ouest près du Bosphore.

[9] Mare incognita ou mare incognitum. Ce terme désigne généralement la mer australe. Est-cela que veut désigner Jésus ?

[10] Les sicules sont les habitants de Transylvanie entre la Hongrie et la Roumanie actuelles. La Cyrénaïque correspond à la Lybie actuelle.

[11] L'empereur César Auguste.

[12] Référence au chœur des anges lors de la naissance de Jésus, puis de "l'étoile" qui conduisit, quelques mois plus tard, les trois mages à Bethléem.

[12a] On le lit dans Ez 17, 5-8 ; 19, 10-11.

[13] En Grèce, à l'ouest d'Athènes.

[14] Dans les "Vers d'Or" de Pythagore, mathématicien grec né vers 580 av. J.C. à Samos.

[15] Démosthène, homme d'État athénien, orateur réputé (384-322 av. JC)

[15a] Valéria est la Romaine qui a accueilli et salué Jésus au commencement de la vision. Déjà connue, son nom est indiqué à la fin du chapitre précédent (533.5).




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-231.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/une-mission-confiee-aux-paiens.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 18 Mar - 21:36

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

535. Judas sommé de se présenter chez Caïphe

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 232.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 535.

Le 2 décembre 1946

Mercredi 21 novembre 29
Jérusalem


      535.1 Jésus, Pierre, Jude et Thomas sont absents, mais je vois les neuf autres qui se dirigent vers le faubourg d’Ophel.

      Sur les routes, ce n’est pas la grande foule de la Pâque, de la Pentecôte ou de la fête des Tentes. Il s’agit pour la plupart d’habitants de la ville. Peut-être que les Encénies n’étaient pas très importantes et n’exigeaient pas la présence des juifs à Jérusalem. Il n’y avait que ceux qui se trouvaient par hasard à Jérusalem, ou les villageois voisins, qui venaient dans la ville pour monter au Temple. Les autres, à cause de la saison ou du caractère spécial de la fête, étaient restés chez eux.

      Pourtant, beaucoup de disciples qui, par amour du Seigneur, ont quitté maisons et famille, intérêts et travaux, se trouvent à Jérusalem, et ils se sont unis aux apôtres. Je ne vois cependant pas Isaac, ni Abel [1], ni Philippe, pas plus que Nicolaï, qui est allé accompagner Sabéa à Aéra. Ils discutent familièrement, racontant et écoutant tout ce qui s’est passé pendant leur séparation. On dirait pourtant qu’ils ont déjà vu le Maître, peut-être au Temple, car ils ne s’étonnent pas de son absence. Ils marchent lentement et, de temps à autre, ils s’arrêtent, comme pour attendre, regardant en avant et en arrière, ou observant les chemins qui descendent de Sion sur cette route qui mène aux portes méridionales de la ville.

      535.2 Judas se tient parmi les tout derniers, et il joue à l’orateur dans un groupe de disciples pleins de bonne volonté plutôt que de science. A deux reprises, il est appelé nommément par certains juifs qui suivent le groupe, sans pourtant s’y mêler. Je ne sais quelles sont leurs intentions ni de quoi ils sont chargés. Par deux fois, Judas hausse les épaules sans même se retourner, mais, la troisième fois, il est obligé de le faire, car un juif quitte son groupe, traverse d’autorité celui des disciples, agrippe Judas par la manche et l’oblige à s’arrêter en lui disant :

      « Viens ici un moment, car nous avons à te parler.

      – Je n’ai pas le temps et je ne peux pas, répond Judas sur un ton tranchant.

      – Vas-y, vas-y, nous t’attendons, lui propose André, qui est le plus proche de lui, car tant que nous ne voyons pas Thomas, nous ne pouvons sortir de la ville.

      – C’est bon, allez de l’avant, je vous rejoins bientôt » dit Judas sans montrer le moindre désir de faire ce qu’on lui demande.

      Resté seul, il lance à l’importun :

      « Eh bien ? Que veux-tu ? Que me voulez-vous ? Vous n’avez pas encore fini de m’ennuyer ?

      – Oh ! quels grands airs tu te donnes ! Pourtant, quand nous t’appelions pour te donner de l’argent, tu ne trouvais pas que nous t’ennuyions ! Tu es orgueilleux, homme ! Mais il y a quelqu’un qui peut te rendre humble… Souviens-t-en.

      – Je suis un homme libre et…

      – Non, tu n’es pas libre. Libre est celui que, d’aucune manière, nous ne pouvons rendre esclave, et tu connais son nom. Mais toi !… Tu es esclave de tout et de tous, et pour commencer de ton orgueil. Bref… fais attention : si tu ne viens pas avant sexte [2] chez Caïphe, malheur à toi ! »

      C’est une vraie menace.

      « C’est bien ! Je viendrai, mais vous feriez mieux de me laisser tranquille, si vous voulez…

      – Quoi ? Quoi, marchand de promesses, bon à rien… »

      Judas se libère en repoussant violemment celui qui le tient, et il se sauve en lançant :

      « Je parlerai quand j’y serai. »

      535.3 Il rejoint les autres de son groupe. Il paraît songeur, un peu embarrassé. André lui demande avec sollicitude :

      « De mauvaises nouvelles ? Non, hein ! Peut-être ta mère… »

      Judas, qui au début l’avait regardé de travers et s’apprêtait à lui faire une réponse acerbe, se fait plus humain :

      « Oui. Des nouvelles pas bien bonnes… Tu sais… la saison… Maintenant… car il me revient maintenant à l’esprit un ordre du Maître. Si cet homme ne m’avait pas arrêté, j’allais l’oublier… Mais il m’a indiqué le lieu où il habite et, en l’entendant, je me suis rappelé son commandement. Alors, quand j’irai là-bas pour cette raison, je passerai chez cet homme et j’en saurai davantage… »

      André, simple et honnête comme il est, est bien loin de soupçonner que son compagnon puisse mentir, et il dit gentiment :

      « Tu peux y aller tout de suite. Je me charge d’en parler aux autres. Va, va ! Enlève-toi ce souci…

      – Non, non. Je dois attendre Thomas à cause de l’argent. Un moment de plus ou de moins… »

      Les autres, qui s’étaient arrêtés, les regardent venir.

      « Judas a reçu de tristes nouvelles, confie André, prévenant.

      – Oui… en quelques mots. Mais j’en saurai davantage quand j’irai faire ce que je dois…

      – Quoi donc ? demande Barthélemy.

      535.4 – Voilà Thomas qui arrive en courant » annonce Jean au même instant.

      Judas en profite pour ne pas répondre.

      « Je vous ai fait attendre longtemps ? C’est que je voulais mener à bien une bonne affaire… et j’y suis parvenu. Regardez cette belle bourse : cela va servir aux pauvres. Le Maître sera content [3].

      – C’était nécessaire. Nous n’avions plus le moindre sou pour les mendiants, remarque Jacques, fils d’Alphée.

      – Confie-la-moi, demande Judas, en tendant la main vers la lourde bourse que Thomas tient sous bonne garde.

      – Mais… Jésus m’a chargé de la vente, et je dois lui remettre en mains propres ce que j’ai reçu.

      – Tu lui en indiqueras le montant. Donne-la-moi maintenant, je suis pressé de partir.

      – Non, je ne te la donne pas ! Jésus m’a dit pendant que nous traversions le Sixte : “ Ensuite, tu me rapporteras la somme. ” C’est ce que je compte à faire.

      – De quoi as-tu peur ? Que je l’allège ou que je t’enlève le mérite de la vente ? A Jéricho, moi aussi, j’ai vendu, et avantageusement. Depuis des années, c’est moi qui suis chargé de l’argent. C’est mon droit.

      – Oh ! écoute : si tu veux faire toute une histoire pour cela, tiens ! Je me suis acquitté de ma tâche, et je ne me soucie pas du reste. Tiens, prends. Il y a tant de choses plus belles que ça !… »

      Et Thomas passe la bourse à Judas.

      « Vraiment, si le Maître a dit… objecte Philippe.

      – Trêve de discussions ! Marchons plutôt, maintenant que nous sommes tous ensemble. Le Maître nous a recommandé d’arriver à Béthanie avant sexte [4]. Nous en avons à peine le temps, dit Jacques, fils de Zébédée.

      – Alors moi, je vous quitte. Allez de l’avant. Je fais seulement un aller-retour.

      – Mais non ! Jésus a dit bien clairement : “ Restez tous unis ”, rappelle Matthieu.

      – Il parlait de vous. Mais moi, je dois partir, surtout maintenant que j’ai appris ces mauvaises nouvelles de ma mère !…

      – C’est une interprétation possible. Si Judas a reçu des ordres que nous ne connaissons pas… » intervient Jean, conciliant.

      Les autres, hormis André et Thomas, semblent peu enclins à le laisser partir, mais ils finissent par céder :

      « Eh bien, va. Mais fais vite et sois prudent… »

      Et Judas décampe par une ruelle qui mène sur la colline de Sion, pendant que ses compagnons reprennent leur marche.

      535.5 « Néanmoins… ce n’est pas convenable » constate Simon le Zélote, après quelque temps. « Nous n’avons pas bien agi. Le Maître avait dit : “ Restez toujours ensemble et soyez bons. ” Nous avons désobéi au Maître. Cela me tourmente.

      – C’est aussi ce que je pensais… » lui répond Matthieu.

      Les apôtres sont tous en groupe depuis qu’ils ont dû décider de ce qu’il convenait de faire. J’ai remarqué que les disciples s’écartent toujours avec respect quand les apôtres se réunissent pour discuter.

      Barthélemy tranche :

      « Agissons de la manière suivante : congédions ceux qui nous suivent, dès maintenant, sans attendre d’être sur la route de Béthanie. Puis séparons-nous en deux groupes et restons à attendre Judas, les uns sur la voie d’en-bas, les autres sur la voie d’en-haut. Les plus agiles sur la première, les autres sur la seconde. Même si le Maître nous précède, il nous verra arriver ensemble, car un groupe attendra l’autre à l’entrée de Béthanie. »

      C’est décidé. Ils congédient les disciples, puis ils se dirigent tous ensemble vers l’endroit d’où l’on peut bifurquer vers Gethsémani et prendre la voie haute [5] sur le mont des Oliviers, ou suivre la route basse qui longe le Cédron et mène à Béthanie et Jéricho…  

      535.6 Pendant ce temps, Judas court comme si on le poursuivait. Il continue pendant quelque temps à monter la rue étroite qui mène vers le sommet de la colline de Sion en direction du couchant, puis tourne par une ruelle encore plus étroite, presque une venelle, qui, au lieu de monter, descend vers le sud. Il est soupçonneux ; il se hâte et, de temps en temps, il se retourne, comme effrayé. Il craint visiblement d’être suivi.

      Après avoir contourné des maisons construites sans aucun ordre, la ruelle tortueuse débouche sur une vaste campagne. Une colline s’élève de l’autre côté de la vallée qui se trouve au-delà des murs ; c’est une colline basse, couverte d’oliviers, qui contraste avec l’aride pierraille de la vallée du Hinnom. Judas traverse en hâte les haies qui bornent les jardins des dernières maisons contre les murs, ces misérables maisons des pauvres de Jérusalem. Pour sortir de la ville, il ne passe pas par la Porte de Sion toute proche, mais il monte en courant vers une autre porte un peu à l’ouest. Le voilà hors de la cité. Il trotte comme un poulain pour faire vite. Il passe comme le vent près d’un aqueduc, puis près des tristes grottes des lépreux du Hinnom, sourd à leurs lamentations. Il est clair qu’il cherche les endroits que les autres évitent.

      Il va directement vers la colline couverte d’oliviers, solitaire au sud de la ville. Une fois arrivé sur ses pentes, il pousse un soupir de soulagement et ralentit sa marche. Il rajuste son couvre-chef, sa ceinture, son vêtement qu’il avait relevé, regarde en se protégeant du soleil — car il l’a dans les yeux — vers l’orient, vers l’endroit où se trouve la route d’en-bas qui conduit à Béthanie et Jéricho, mais il ne voit rien qui le trouble. Au contraire, un coin de la colline le dissimule. Il sourit. Il se met à monter plus lentement, pour apaiser son essoufflement. Entre-temps, il réfléchit, mais en s’assombrissant peu à peu. Il est manifeste qu’il monologue intérieurement, en silence. A un certain moment, il s’arrête, retire la bourse de sa poitrine, l’observe, puis la remet après en avoir divisé le contenu, en en mettant une partie dans sa propre bourse, peut-être pour que soit moins visible le volume qu’il a caché.

      535.7 Une maison s’élève au milieu des oliviers. C’est une belle demeure, la plus belle de la colline, car les autres maisons éparses sur les pentes sont bien humbles, qu’il s’agisse de dépendances de la belle demeure ou d’habitations indépendantes. On y accède par une sorte de chemin ensablé qui traverse les oliviers bien alignés. Judas frappe à la porte, se fait reconnaître, entre, puis se dirige avec assurance de l’autre côté de l’atrium, dans une cour carrée qui a de nombreuses portes sur ses côtés.

      Il ouvre l’une d’elles et pénètre dans une vaste pièce où se trouvent diverses personnes : je reconnais le visage sournois et haineux de Caïphe, celui d’Elchias le pharisien, l’air de fouine de Félix — le membre du Sanhédrin —, la tête de vipère de Simon. Plus loin se trouve Doras, fils de Doras, dont les traits rappellent de plus en plus ceux de son père, et avec lui Cornélius et Tolmaï. Et il y a les autres scribes, Sadoq et Chanania, âgé, parcheminé, mais jeune en méchanceté, et encore Calba Scheboua l’Ancien, Nathanaël ben Fabba et puis un certain Doro, un Simon, un Joseph, un Joachim que je ne connais pas. Caïphe cite les noms, moi je les écris. Il achève : « … rassemblés ici pour te juger. »

      Judas a un air curieux : à la fois peureux, dépité, violent, mais il se tait. Il n’a plus rien d’arrogant. Railleurs, les autres l’entourent, et chacun y va de sa question :

      « Eh bien ! Qu’as-tu fais de notre argent ? Que nous dis-tu, homme sage, homme qui fait tout, vite et bien ? Où est ton travail ? Tu es un menteur, un bavard, un bon à rien. Où est la femme ? Même elle, tu ne l’as plus ? C’est donc Jésus que tu sers, au lieu de nous, hein ? Est-ce ainsi que tu nous aides ? »

      C’est un assaut criant, braillant, menaçant, dont beaucoup de mots m’échappent.

      535.8 Judas les laisse l’invectiver à leur aise. Quand ils sont fatigués et essoufflés, il prend la parole :

      « J’ai fait ce que j’ai pu. Est-ce ma faute si c’est un homme que personne ne peut faire pécher ? Vous vouliez éprouver sa vertu, avez-vous dit. Moi, je vous ai donné la preuve qu’il ne pèche pas. J’ai donc servi votre dessein. Avez-vous peut-être réussi, vous tous, à le mettre dans la situation d’un accusé ? Non. A chacune de vos tentatives pour le faire apparaître comme un pécheur, pour l’attirer dans un piège, il est sorti plus grand qu’avant. Si donc vous, avec votre hargne, vous n’êtes parvenus à rien, devais-je réussir, moi qui ne le hais pas, qui suis seulement déçu d’avoir suivi un pauvre innocent, trop saint pour pouvoir être un roi, et un roi qui écrase ses ennemis ? Quel mal m’a-t-il fait, pour que je lui veuille du mal ? Je parle ainsi, car je pense que vous le haïssez au point de vouloir sa mort. Je ne peux plus croire que vous désirez seulement convaincre le peuple que c’est un fou, et nous persuader, me persuader, pour notre bien, et lui-même par pitié pour lui. Vous êtes trop généreux avec moi, et trop furieux de le voir plus fort que le mal, pour que je puisse le croire. Vous m’avez demandé ce que j’ai fait de votre argent. J’en ai fait l’usage que vous savez. Pour convaincre la femme, j’ai dû beaucoup dépenser… Je n’y suis pas arrivé avec la première et…

      535.9 – Tais-toi donc ! Rien n’est vrai. Elle était folle de lui, et elle est sûrement venue aussitôt. Du reste, tu l’as garanti, car tu disais qu’elle te l’avait avoué. Tu es un voleur. Qui sait à quoi t’a servi notre argent !

      – A ruiner mon âme, assassins d’une âme ! A faire de moi un sournois, un homme qui n’a plus de paix, qui devient suspect à Jésus et à ses compagnons. Car, sachez-le, lui m’a découvert… Ah ! s’il m’avait chassé ! Mais il ne me chasse pas. Non, il ne me chasse pas. Il me défend, il me protège, il m’aime !… Votre argent… pourquoi donc en ai-je accepté le premier sou ?

      – Parce que tu es un malheureux. Tu as profité de notre argent, et maintenant tu pleures de l’avoir dépensé. Menteur ! En attendant, rien n’a réussi, et les foules autour de lui deviennent plus nombreuses et sont de plus en plus fascinées. Notre ruine approche, et par ta faute !

      – Par ma faute ? Alors pourquoi n’avez-vous pas osé l’arrêter et l’accuser de vouloir se faire roi ? Vous m’avez pourtant avoué que vous avez voulu le tenter, bien que je vous aie assuré que c’était inutile, puisqu’il n’a aucun désir de pouvoir. Pourquoi ne l’avez-vous pas amené à pécher contre sa mission, si vous êtes tellement puissants ?

      – Parce qu’il s’est échappé de nos mains. C’est un démon qui disparaît, quand il le veut, comme de la fumée. Il est comme un serpent : il fascine, et on ne peut plus rien faire quand il vous scrute.

      – Quand il scrute ses ennemis, c’est-à-dire vous. Car moi, je vois que quand il porte les yeux sur ceux qui ne le haïssent pas de tout leur être — comme vous le faites —, alors son regard fait bouger, il fait agir. Ah ! quel regard ! Quand il me dévisage ainsi, il me rend bon, moi qui suis un monstre pour moi-même, et pour vous qui me le faites devenir dix fois plus !

      – Que de paroles ! Tu nous avais assuré que, pour le bien d’Israël, tu allais nous aider. Mais tu ne comprends pas, malheureux, que cet homme est notre ruine ?

      – Notre ruine ? Celle de qui ?

      – Mais de tout le peuple ! Les Romains…

      – Non. C’est seulement votre ruine. C’est pour vous, que vous craignez. Vous savez que Rome ne sévira pas contre nous à cause de Jésus. Vous le savez, comme moi je le sais, comme le peuple le sait. Mais vous tremblez parce que vous redoutez qu’il vous rejette du Temple, du Royaume d’Israël. Et il ferait bien de débarrasser son aire de vous, espèces de hyènes immondes… ordures, vipères !… »

      Il est en rage.

      535.10 Rendus furieux à leur tour, ils se saisissent de lui, le secouent, et c’est tout juste s’ils ne le jettent pas par terre… Caïphe lui crie au visage :

      « D’accord, c’est vrai. Mais s’il en est ainsi, nous avons le droit de défendre ce qui nous appartient. Et puisque les petits moyens ne suffisent plus pour le convaincre de fuir, de laisser le champ libre, nous allons désormais agir par nous-mêmes, et te laisser de côté, toi qui n’es qu’un lâche serviteur, qu’un marchand de paroles. Et après Jésus, nous nous occuperons de toi, n’en doute pas et… »

      Elchias fait taire Caïphe et lui lance avec son flegme glacial de serpent venimeux :

      « Non. Tu exagères, Caïphe. Judas a fait ce qu’il a pu. Tu ne dois pas le menacer. Au fond, n’a-t-il pas les mêmes intérêts que nous ?

      – Mais es-tu stupide, Elchias ? Moi, partager les intérêts de cet individu ? Ce que je veux, c’est que Jésus soit écrasé ! Or Judas veut qu’il triomphe, pour triompher avec lui. Et tu prétends… crie Simon.

      – Paix, paix ! Vous dites toujours que je suis sévère. Mais voilà qu’aujourd’hui je suis le seul qui soit bon. Il faut comprendre Judas et l’excuser. Il nous aide comme il le peut. C’est pour nous un bon ami, mais c’est aussi, naturellement, un ami du Maître. Son cœur est angoissé… Il voudrait sauver le Maître, lui-même, et Israël… Comment concilier ce qui est si opposé ? Laissons-le parler. »

      La meute se calme. Judas peut enfin s’exprimer :

      « Elchias a raison. Moi… Qu’attendez-vous de moi ? Je ne le sais pas encore exactement. J’ai fait mon possible. Je ne puis davantage. Jésus est trop grand pour moi. Il lit dans mon cœur… et il ne me traite jamais comme je le mérite. Moi, je suis un pécheur, il le sait et il m’absout. Si j’étais moins lâche, je devrais… Je devrais me tuer pour me mettre dans l’impossibilité de lui faire du mal. »

      Judas s’assied, accablé, le visage dans les mains, les yeux écarquillés et perdus dans le vide. Manifestement, le combat entre ses instincts contraires le fait souffrir…

      « Fariboles ! Que veux-tu qu’il sache ? Tu agis ainsi parce que tu t’es repenti de t’être mis en avant ! s’écrie le dénommé Cornélius.

      – Et s’il en était ainsi ? Oh, s’il en était ainsi ! Si je m’étais réellement repenti et si j’étais devenu capable de persister dans ce sentiment !…

      – Mais vous le voyez ? Vous l’entendez ? Nos pauvres deniers ! croasse Chanania.

      – Nous n’avons que faire d’un homme qui ne sait pas ce qu’il veut. Celui que nous avons choisi est pire qu’un faible d’esprit ! renchérit Félix.

      – Un faible d’esprit ? Un pantin, devrais-tu dire ! Le Galiléen le tire avec une ficelle, et il va au Galiléen. Si c’est nous qui le tirons, il vient à nous, s’écrie Sadoq.

      – Eh bien, si vous êtes tellement plus habiles que moi, agissez tout seuls. Moi, à partir d’aujourd’hui, je m’en désintéresse. N’attendez plus un renseignement, plus un mot. D’ailleurs, je ne pourrai plus vous les donner car, désormais, Jésus est sur ses gardes et il me surveille…

      – Mais si tu as dit qu’il t’absout ?

      – Oui. Il m’absout, mais c’est justement parce qu’il sait tout. Il sait tout ! Il sait tout ! Oh ! »

      Judas se cache la tête dans les mains.

      « Alors déguerpis, espèce de femmelette en vêtements d’homme, avorton mal bâti ! Fiche le camp ! Nous agirons par nous-mêmes. Et prends garde, prends garde à ne pas lui parler de cela, sinon nous te le ferons payer.

      – Je m’en vais ! Je m’en vais ! Si seulement je n’étais jamais venu ! 535.11 Rappelez-vous pourtant ce que je vous ai déjà dit : Jésus a rencontré ton père, Simon, et ton beau-frère, Elchias. Je ne crois pas que Daniel ait divulgué quoi que soit. J’étais présent, et je ne l’ai jamais vu faire d’aparté. Mais ton père ! Il n’a pas parlé, d’après mes condisciples. Il n’a même pas révélé ton nom. Il s’est borné à raconter que son fils l’a chassé parce qu’il aimait le Maître et qu’il n’approuvait pas ta conduite. Mais il a déjà reconnu que nous nous voyons, que je viens chez toi… Et il pourrait dire le reste, aussi. Tecua n’est pas au bout du monde… Ne prétendez pas ensuite que c’est moi qui ai parlé, quand trop de personnes déjà connaissent vos projets.

      – Mon père ne parlera plus jamais. Il est mort, annonce lentement Simon.

      – Mort ? Tu l’as tué ? Quelle horreur ! Pourquoi donc t’ai-je indiqué l’endroit où il était ?

      – Moi, je n’ai tué personne. Je n’ai pas bougé de Jérusalem. Il y a tant de manières de mourir… Tu es étonné qu’un vieillard — et un vieillard qui va exiger de l’argent — soit tué ? Du reste… c’est sa faute ! S’il était resté tranquille, s’il n’avait pas eu des yeux, des oreilles et une langue pour voir, écouter, et faire des reproches, il serait encore honoré et servi dans la maison de son fils… déclare Simon avec une lenteur exaspérante.

      – En somme… tu l’as fait tuer ? Parricide !

      – Tu es fou : le vieux a été frappé, il est tombé, sa tête a heurté le sol, il est mort. Un accident, un simple accident. Cela a été mauvais pour lui d’exiger de l’argent d’un malandrin…

      – Je te connais, Simon. Et je ne puis croire… Tu es un assassin… »

      Judas en est tout interdit. L'autre se moque de lui :

      « Et toi, tu délires ! Tu vois un crime là où il n’y a qu’un malheur. Je l’ai appris seulement avant-hier, et j’ai pris des mesures pour tirer vengeance et lui rendre honneur. Mais, si j’ai pu honorer le cadavre, je n’ai pas pu prendre l’assassin. Ce sera quelque voleur, descendu du mont Hadomim pour étaler sur les marchés le produit de ses vols… Qui pourrait l’attraper maintenant ?

      – Je ne te crois pas… Je ne te crois pas… Je pars ! Je pars ! Laissez-moi sortir !… Vous êtes… pires que des chacals… Je pars ! Je pars ! »

      Sur ce, il ramasse son manteau qui était tombé et s’apprête à se retirer.

      535.12 Mais Chanania le saisit de sa main de rapace :

      « Et la femme ? Où se trouve la femme ? Qu’a-t-elle dit ? Qu’a-t-elle fait ? Tu es au courant ?

      – Je ne sais rien… Laissez-moi m’en aller…

      – Tu mens ! Tu es un menteur ! hurle Chanania.

      – Je l’ignore. Je le jure. Elle est venue, c’est sûr, mais personne ne l’a vue. Ni moi qui ai dû partir aussitôt avec le Rabbi, ni mes compagnons. Je les ai habilement interrogés… J’ai seulement vu les bijoux brisés qu’Elise a apportés dans la cuisine… et je ne sais rien d’autre. Je le jure par l’Autel et le Tabernacle !

      – Qui pourrait te croire ? Tu es un lâche. Tout comme tu trahis ton Maître, tu peux nous trahir nous aussi. Mais prends garde à toi !

      – Je ne trahis pas. Je le jure par le Temple de Dieu !

      – Tu es un parjure. Ton visage le révèle. C’est Jésus que tu sers, et pas nous…

      – Non. Je le jure sur le nom de Dieu.

      – Dis-le, si tu l’oses, pour confirmer ton serment !

      – Je le jure sur Jéovêh ! »

      Il prend un teint terreux en bredouillant ainsi le nom du Seigneur, Il tremble, il balbutie, il ne sait même plus le prononcer normalement. Il semble dire un j, un h, un v traînant, pour ainsi dire terminé en aspiration. Je le reconstituerais ainsi : Jeocvèh. Bref, sa prononciation est étrange.

      Un silence lourd de peur règne dans la pièce. Ils se sont même écartés de Judas… Mais ensuite Doras et un autre reviennent à la charge :

      « Répète ce serment pour confirmer que tu ne serviras que nous…

      – Ah, non ! Maudits ! Cela, non ! Je vous jure que je ne vous ai pas trahis et que je ne vous dénoncerai pas au Maître, et déjà je fais un péché. Mais mon avenir, je ne le lie pas à vous, à vous qui, demain, au nom de mon serment, pourriez m’imposer… n’importe quoi, même un crime. Non ! Dénoncez-moi au Sanhédrin comme sacrilège, dénoncez-moi comme assassin aux Romains. Je ne me défendrai pas. Je me ferai tuer… Et ce sera la meilleure solution pour moi. Mais moi, je ne jure plus… je ne jure plus… »

      Il se dégage par des efforts violents de celui qui le tient et s’enfuit en criant :

      « Sachez pourtant que Rome vous surveille, que Rome aime le Maître… »

      Un bruit de porte retentissant qui fait résonner la maison indique que Judas est sorti de ce repaire de loups.

      535.13 Ils se dévisagent… La rage, et peut-être l’effroi, les rend livides… Et, ne pouvant passer leur colère et leur peur sur personne, ils se disputent. Chacun cherche à faire endosser à l’autre la responsabilité des démarches qui ont été faites et des conséquences qu’elles peuvent avoir. Les uns font tel reproche, les autres tel autre. Les uns à propos du passé, les autres en pensant à l’avenir. Certains crient : « Tu as voulu séduire Judas » ; d’autres : « Vous avez eu tort de le maltraiter, vous vous êtes découverts ! » ; certains proposent : « Courons-lui après avec de l’argent, avec des excuses… »

      « Ah ! cela non ! » s’écrie Elchias, qui reçoit le plus de reproches. « Laissez-moi faire, et vous devrez reconnaître que je suis sage. Judas, quand il n’aura plus d’argent, deviendra doux comme un agneau ! » Il rit comme un serpent. « Il tiendra bon aujourd’hui, demain, peut-être un mois… Mais ensuite… Il est trop vicieux pour pouvoir vivre dans la pauvreté que le Rabbi lui impose…. et il viendra à nous… Ha ! Ha ! Laissez-moi faire ! Laissez-moi faire ! Moi, je sais…

      – Oui. Mais, en attendant… Tu as entendu ? Les Romains nous épient ! Les Romains aiment Jésus ! Et c’est vrai. Ce matin encore, comme hier et avant-hier, il y en avait qui l’attendaient sur le Parvis des Gentils. Les femmes de l’Antonia y sont toujours… Elles viennent même de Césarée pour l’entendre…

      – Caprices de femmes ! Je ne m’en soucie guère. L’homme est beau et il parle bien. Elles sont folles des bavards démagogues et des philosophes. Pour elles, le Galiléen est l’un d’eux, rien de plus. Et il leur sert de distraction dans leur oisiveté. Il faut de la patience pour réussir ! De la patience, de la ruse, et du courage aussi. Mais vous n’en avez pas : vous voulez agir, mais sans paraître. Moi, je vous ai dit ce que je compte faire. Mais vous ne voulez pas…

      – Personnellement, je crains le peuple. Il aime trop le Galiléen. Amour par ci, amour par là… Qui le touche ? Si nous le chassons, lui, nous serons chassés, nous… Il faut… dit Caïphe.

      – Ne laissons plus l’occasion s’échapper. Combien nous en avons perdu ! A la première qui se présente, il faut faire pression sur ceux qui sont incertains parmi nous, et puis agir aussi avec les Romains.

      – C’est vite dit ! Mais quand et où avons-nous eu la possibilité de le faire ? Jésus ne pèche pas, ne cherche pas le pouvoir, ne…

      – Si elle n’existe pas, créons-la… Et maintenant, partons. En attendant, demain, nous le surveillerons… Le Temple est à nous. Dehors, c’est Rome qui commande. Dehors, il y a le peuple pour le défendre. Mais à l’intérieur du Temple… »



[1] Il y a deux disciples de ce prénom : Abel de Corozaïn et Abel de Bethléem de Galilée. Il s'agit probablement du dernier.
 
[2] Midi
 
[3] Il s'agit du produit de la vente des bijoux de la prostituée envoyée pour tenter Jésus (cf. EMV 529 / 7.229).
 
[4] Le XYSTE était, chez les grecs, un vaste portique à colonnades où s'exerçaient les athlètes. Hérode le Grand avait construit à Jérusalem, entre le Temple et le palais des Hasmonéens, sur la dépression du Tyropoeon, un xyste grec, entouré de colonnes, pour les exercices de gymnastique. Ce pouvait être une restauration du gymnase inauguré un siècle auparavant par le grand-prêtre Jason lorsque celui-ci, sous Antiochus, avait introduit les mœurs grecques à Jérusalem (2Maccabées 4,12). En tout cas c'est à partir d'Hérode qu'il est appelé le Xyste, à l'exemple des gymnases helléniques.
 
[5] Voir le plan schématique de Jérusalem. La voie basse, qui longe la vallée du Cédron, semble plus ardue que celle qui coupe à travers le mont des oliviers.



 
*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-232.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/judas-somme-de-se-presenter-chez-caiphe.html
Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 20 Mar - 10:07

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 20 Maria_28

536. La guérison de sept lépreux. L’arrivée à Béthanie avec les apôtres réunis. Jésus prépare Marthe et Marie à la mort de Lazare

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 233.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 536.

Le 4 décembre 1946

Jeudi 22 novembre 29
Jérusalem


      536.1 Jésus, Pierre et Jude marchent rapidement. L’endroit, proche de Jérusalem, est triste et pierreux. Comme je ne vois pas les arbres du mont des Oliviers, mais un monticule, ou plutôt des monticules peu ou pas du tout verdoyants à l’ouest de la ville, au nombre desquels se trouve le triste Golgotha, je pense être vraiment en dehors de la cité, du côté occidental.

      « Avec ce que nous avons pu acquérir, nous aurons de quoi donner. Ce doit être terrible de vivre dans des tombeaux l’hiver, dit Jude, chargé de paquets, tout comme l’est Pierre.

      – Je suis content de m’être rendu chez les affranchis [1] pour obtenir ces deniers pour les lépreux. Pauvres malheureux ! En ces jours de fête, personne ne pense à eux. Tout le monde se réjouit… mais eux pensent à leurs maisons perdues… Hélas ! Si du moins ils croyaient en toi ! Est-ce que cela arrivera, Maître ? demande Pierre, toujours si simple, si attaché à son Jésus.

      – Espérons-le, Simon, espérons-le. Prions en attendant… »

      Et ils continuent leur route en priant.

      536.2 La sinistre vallée du Hinnom apparaît, avec ses tombeaux de vivants.

      « Allez en avant et donnez » ordonne Jésus.

      Les deux apôtres s’éloignent en parlant à haute voix. Des visages de lépreux se font voir aux entrées des grottes et des abris.

      « Nous sommes les disciples du Rabbi Jésus, dit Pierre. Il va venir, et il nous envoie pour vous apporter de l’aide. Combien êtes-vous ?

      – Sept ici, et trois de l’autre côté, au-delà de En-Rogel » répond l’un d’eux au nom de tous.

      Pierre ouvre son paquet, Jude le sien. Ils font dix parts du pain, du fromage, du beurre, des olives. Mais où mettre l’huile, qui est dans une petite jarre ?

      « Que l’un de vous apporte un récipient et le mette sur le rocher. Vous partagerez l’huile en frères que vous êtes, et au nom du Maître qui prêche l’amour envers son prochain » dit Pierre.

      Les apôtres s’approchent d’un gros rocher, pendant qu’un lépreux descend en boitant et y dépose une cruche ébréchée. Il les regarde verser l’huile, et s’étonne :

      « Vous n’avez pas peur d’être si près de moi ? »

      Il n’y a en effet que le rocher pour les séparer.

      « Nous n’avons peur, nous, que d’offenser l’amour. Jésus nous a envoyés vous secourir, car celui qui appartient au Christ doit aimer comme le Christ aime. Puisse cette huile ouvrir votre cœur, lui apporter la lumière comme si déjà elle était allumée dans la lampe de votre cœur. Le temps de la grâce est venu pour ceux qui espèrent dans le Seigneur. Ayez foi en lui, il est le Messie et guérit les corps et les âmes. Il peut tout, car il est l’Emmanuel » [1a] déclare Jude, qui en impose toujours par sa dignité.

      Le lépreux reste avec sa cruche dans les mains et le regarde, comme fasciné. Puis il dit :

      « Je sais qu’Israël a son Messie : les pèlerins qui viennent en ville à sa recherche en parlent, et nous écoutons leurs conversations. Mais moi, je ne l’ai jamais vu, car je suis arrivé depuis peu. Et vous assurez qu’il me guérirait ? Parmi nous, certains blasphèment contre lui, d’autres le bénissent, et moi, je ne sais qui croire.

      – Ceux qui le maudissent sont-ils bons ?

      – Non. Ils sont cruels et ils nous maltraitent. Ils veulent les meilleures places et les plus grosses parts. Pour cette raison, nous ne savons pas si nous pourrons rester ici.

      – Tu vois donc que seul celui qui laisse l’enfer l’habiter hait le Messie. C’est que l’enfer se sent déjà vaincu par lui. Mais moi, je te dis qu’il faut l’aimer, et avec foi, si on veut avoir du Très-Haut la grâce, ici et au-delà de la terre, affirme encore Jude.

      – Si je veux avoir la grâce ! Je suis marié depuis deux ans et j’ai un petit garçon qui ne me connaît pas. Je suis lépreux depuis quelques mois à peine. Vous le voyez. »

      Effectivement, il a peu de marques.

      « Dans ce cas, adresse-toi au Maître avec foi. 536.3 Regarde ! Il arrive. Avertis tes compagnons et reviens ici. Il passera et te guérira. »

      L’homme monte la côte en boitant, et il appelle :

      « Urie ! Joab ! Adina ! Et vous aussi qui ne croyez pas. Le Seigneur vient nous sauver. »

      Une, deux, trois. Trois détresses de plus en plus grandes s’avancent. Mais la femme se montre à peine. C’est une horreur vivante… Peut-être pleure-t-elle, peut-être parle-t-elle, il est impossible de comprendre : sa voix est un son inarticulé qui sort de ce qui était la bouche, mais qui maintenant n’est plus que deux mâchoires dépourvues de dents, découvertes, horribles…

      « Oui, je t’assure qu’ils m’ont dit de venir vous appeler, parce que Jésus vient nous guérir.

      – Moi, non ! Je n’ai pas cru les autres fois… et il ne m’écoutera plus… d’ailleurs, je ne peux plus marcher » émet plus distinctement la femme, qui sait avec quelle difficulté !

      Elle s’aide jusque de ses doigts pour tenir les lambeaux de ses lèvres afin de se faire comprendre.

      « Nous te porterons, Adina… » proposent les deux hommes et celui de la cruche.

      « Non… Non… j’ai trop péché… »

      Et elle s’affaisse là où elle est…

      Trois autres accourent comme ils peuvent, et interviennent avec autorité :

      « En attendant, donne-nous l’huile, puis allez trouver Belzébuth si vous voulez.

      – L’huile est pour tous ! » rétorque celui qui tient la cruche, en cherchant à défendre son trésor.

      Mais les trois lépreux, violents, cruels, le maîtrisent et la lui arrachent.

      « Voilà ! C’est toujours comme ça… Nous avions enfin un peu d’huile, après si longtemps !… Mais le Maître arrive… Allons le trouver. Tu ne viens vraiment pas, Adina ?

      – Je n’ose pas… »

      536.4 Les trois hommes descendent vers le rocher, et s’arrêtent pour attendre Jésus ainsi que les apôtres, partis à sa rencontre. Et une fois qu’il est arrivé, ils crient :

      « Aie pitié de nous, Jésus d’Israël ! Nous espérons en toi, Seigneur ! »

      Jésus lève la tête. Il les dévisage de son regard inimitable et demande :

      « Pourquoi désirez-vous la santé ?

      – Pour nos familles, pour nous… C’est horrible de vivre ici…

      – Vous n’êtes pas seulement chair, mes enfants. Vous avez une âme aussi, et elle a plus de valeur que la chair. C’est d’elle que vous devez vous préoccuper. Ne demandez donc pas seulement la guérison pour vous, pour vos familles, mais surtout pour avoir le temps de connaître la Parole de Dieu et de vivre pour mériter son Royaume. Etes-vous des justes ? Devenez-le davantage. Etes-vous des pécheurs ? Demandez de vivre pour avoir le temps de réparer le mal que vous avez commis… Où est la femme ? Pourquoi ne vient-elle pas ? Elle n’ose pas affronter le visage du Fils de l’homme, alors qu’elle n’a pas craint d’avoir à rencontrer le visage de Dieu quand elle péchait ? Allez lui dire qu’il lui a été beaucoup pardonné à cause de son repentir et de sa résignation, et que l’Eternel m’a envoyé pour absoudre tous les péchés de ceux qui se sont repentis de leur passé.

      – Maître, Adina ne peut plus marcher…

      – Allez l’aider à descendre ici et apportez un autre récipient. Nous vous donnerons encore de l’huile…

      – Seigneur, il y en a à peine pour les autres, lui glisse Pierre à voix basse, pendant que les lépreux vont chercher la femme.

      – Il y en aura pour tous. Aie foi, car il est plus facile pour toi d’avoir foi sur ce point qu’il ne l’est pour ces malheureux de croire que leur corps redeviendra ce qu’il était. »

      Pendant ce temps, là-haut, dans les grottes, une rixe a éclaté entre les trois mauvais lépreux à propos de la répartition de la nourriture…

      536.5 La femme descend, portée dans les bras… et elle gémit comme elle le peut :

      « Pardon ! Pour le passé ! Pour n’avoir pas demandé pardon les autres fois !… Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! »

      Ils la déposent au pied du rocher, et placent sur celui-ci une sorte de marmite toute bosselée.

      Jésus demande :

      « Qu’en dites-vous ? Est-il plus facile d’augmenter la quantité d’huile contenue dans un vase ou de faire repousser la chair là où la lèpre l’a détruite ? »

      Un silence… puis la femme déclare :

      « La quantité d’huile. Mais aussi la chair parce que tu peux tout. Et tu peux même me rendre l’âme de mes premières années. Je crois, Seigneur ! »

      Ce sourire divin ! C’est comme une lumière qui se répand, pleine de douceur, de joie, de tendresse ! Elle est dans ses yeux, sur ses lèvres, et dans sa voix quand il dit :

      « En raison de ta foi, sois guérie et pardonnée. Et vous de même. Prenez aussi de l’huile et de la nourriture pour vous restaurer. Et allez vous montrer au prêtre, comme cela est prescrit. Demain, à l’aube, je reviendrai avec des vêtements, et vous pourrez partir en respectant la décence. Allons ! Louez le Seigneur : vous n’êtes plus malades ! »

      Jusqu’à ce moment, ils avaient les yeux fixés sur le Seigneur, mais tout à coup, ils se regardent et crient leur stupéfaction. La femme voudrait se redresser, mais elle est trop nue pour le faire. Son vêtement tombe en lambeaux et ne cache plus sa nudité. Elle reste à moitié dissimulée par le rocher, par pudeur… pudeur qui n’est pas due seulement à la présence de Jésus, mais aussi à celle de ses compagnons. Les traits de son visage sont recomposés, plus amaigris seulement à cause des privations. Elle pleure en répétant : « Béni ! Béni ! Béni ! », et ses bénédictions se mêlent aux blasphèmes horribles des trois mauvais lépreux, rendus furieux de voir les autres guéris. Ordures et pierres volent.

      536.6 « Vous ne pouvez rester ici. Venez avec moi. Il ne vous arrivera aucun mal. Regardez : la route est vide. L’heure de sexte [2] fait rentrer les habitants chez eux. Vous irez jusqu’à demain auprès des autres lépreux. Ne craignez rien. Suivez-moi. Tiens, femme… » ajoute-t-il en lui donnant son manteau pour qu’elle puisse se couvrir.

      Un peu craintifs, un peu abasourdis, les quatre anciens lépreux le suivent comme quatre agneaux. Ils parcourent ce qui reste de la vallée du Hinnom, traversent la route et se dirigent vers Siloan, cet autre triste emplacement de lépreux. Jésus s’arrête au pied des talus et commande :

      « Montez les avertir que, demain, je serai ici à la première heure. Allez et faites la fête avec eux en annonçant le Maître de la Bonne Nouvelle. »

      Il leur fait remettre tout ce qui reste de nourriture et les bénit avant d’en prendre congé…

      « Allons, maintenant. L’heure de sexte est déjà passée » dit Jésus en faisant demi-tour pour revenir sur la voie basse qui mène à Béthanie.

      Mais aussitôt, un cri le rappelle :

      « Jésus, Fils de David, aie aussi pitié de nous !

      – Ils n’ont pas attendu l’aube, eux, constate Pierre.

      – Allons les trouver. Il est rare que je puisse faire du bien sans que ceux qui me haïssent troublent la paix des bénéficiaires ! » répond Jésus.

      Et il revient sur ses pas en tenant sa tête droite vers les trois lépreux de Siloan qui se sont présentés sur le terre-plein de la petite colline et qui répètent leur cri, aidés par ceux qui sont déjà guéris et se tiennent derrière eux.

      Jésus se contente de tendre les mains et de dire :

      « Qu’il vous soit fait comme vous demandez. Allez et vivez dans les voies du Seigneur. »

      Il les bénit tandis que la lèpre s’efface de leurs corps comme fond au soleil une légère couche de neige. Puis Jésus se hâte de partir, suivi par les bénédictions des miraculés qui, de leur terre-plein, tendent les bras en une étreinte qui paraît plus vraie que si elle était réelle.

      536.7 Ils reprennent le chemin de Béthanie. Il suit le cours du Cédron qui tourne à angle aigu, à une centaine de pas après Siloan. Mais une fois ce virage passé, on peut voir l’autre partie de la route qui continue vers Béthanie. Or voici qu’arrive Judas, tout seul et marchant rapidement.

      « Mais c’est Judas ! s’écrie Jude, le premier à l’apercevoir.

      – Que fait-il ici ? Seul ? Ohé ! Judas ! » crie Pierre.

      Judas se retourne tout d’un coup. Il est pâle, presque verdâtre. Pierre lui en fait la remarque :

      « Aurais-tu vu le démon, pour être ainsi de la couleur des laitues ?

      – Que fais-tu ici, Judas ? Pourquoi as-tu quitté tes compagnons ? » demande en même temps Jésus.

      Mais Judas s’est déjà repris, et il explique :

      « J’étais avec eux, quand j’ai rencontré un homme qui avait des nouvelles de ma mère. Regarde… » Il fouille dans sa ceinture, puis de la main il se frappe le front : « Je l’ai laissée chez cet homme ! Je voulais te faire lire cette lettre… Ou bien je l’ai perdue en route… Elle ne va pas très bien, elle a même été malade… Mais voilà nos compagnons… Ils se sont arrêtés. Ils t’ont vu… Maître, je suis bouleversé…

      – Je le vois.

      – Maître… voici les bourses. J’en ai fait deux pour… pour ne pas attirer l’attention… J’étais seul… »

      Les apôtres Barthélemy, Philippe, Matthieu, Simon et Jacques, fils de Zébédée, un peu gênés, s’approchent de Jésus affectueusement, mais avec la conscience d’avoir failli.

      Jésus les regarde et dit :

      « Ne faites plus jamais cela. Il n’est pas bon pour vous de vous séparer. Si je vous le demande, c’est parce que je sais que vous avez besoin de vous soutenir mutuellement. Vous n’êtes pas assez forts pour pouvoir agir seuls. Unis, l’un freine ou soutient l’autre. Divisés…

      – C’est moi, Maître, qui ai donné ce mauvais conseil, parce que nous nous sommes souvenus ensuite que tu avais dit de ne pas nous séparer, d’aller tous ensemble à Béthanie ; Judas était parti avec une raison valable, et nous n’avons pas pensé à l’accompagner. Pardonne-moi, Seigneur, reconnaît Barthélemy avec humilité et franchise.

      – Bien sûr que je vous pardonne. Mais je vous le répète : ne le faites plus. Souvenez-vous qu’obéir préserve toujours au moins d’un péché : celui de se croire capable d’agir par soi-même. Vous ne savez pas à quel point le démon rôde autour de vous afin de saisir tous les moyens de vous faire pécher et nuire à votre Maître, qui est déjà tellement persécuté ! Ces temps sont de plus en plus difficiles pour moi et pour l’Institution que je suis venu former. C’est pourquoi il faut prendre beaucoup de précautions pour éviter qu’elle soit, je ne dis pas blessée et tuée, car elle ne le sera jamais jusqu’à la fin des siècles, mais traînée dans la boue. Ses adversaires vous regardent attentivement, ils ne vous perdent jamais de vue, de même qu’ils soupèsent tous mes actes et toutes mes paroles pour avoir de quoi me dénigrer. Si vous vous montrez querelleurs, divisés, imparfaits de quelque manière que ce soit — et même si ça n’a guère d’importance — eux rassemblent et déforment ce que vous avez fait, pour le lancer comme du fiel, en guise d’accusation contre moi et mon Eglise qui est en train de se former. Vous le voyez ! Je ne vous fais pas de reproches, mais je vous donne des conseils pour votre bien. Ah ! ne savez-vous pas, mes amis, qu’ils caricatureront même ce qu’il y a de meilleur et le présenteront pour pouvoir m’accuser avec un semblant de justice ? Allons, donc : à l’avenir, soyez plus obéissants et plus prudents. »

      Les apôtres sont tout émus par la douceur de Jésus. Judas ne cesse de changer de couleur. Il reste humblement un peu en arrière de tous, jusqu’à ce que Pierre lui dise :

      « Que fais-tu là ? Tu n’as pas plus de torts que les autres. Viens donc devant avec nous. »

      Et il est bien forcé d’obéir.

      536.8 Ils marchent rapidement car, bien que le soleil brille, il y a une légère bise qui les invite à hâter le pas pour se réchauffer. Et ils ont déjà fait un bout de chemin quand Nathanaël, qui a froid et le dit en s’emmitouflant plus que jamais dans son manteau, remarque que Jésus n’a que son seul vêtement :

      « Maître, qu’as-tu fait de ton manteau ?

      – Je l’ai donné à une lépreuse. Nous avons guéri et consolé sept lépreux.

      – Mais tu dois avoir froid ! Prends le mien » dit Simon le Zélote, en ajoutant : « Dans les tombeaux glacials, je me suis habitué au vent d’hiver.

      – Non, Simon. Regarde ! Voilà déjà Béthanie. Nous serons bientôt dans la maison, et je n’ai pas du tout froid. J’ai eu aujourd’hui beaucoup de joie spirituelle, et elle est plus agréable qu’un chaud manteau.

      – Mon frère, tu nous attribues des mérites que nous n’avons pas. C’est toi, pas nous, qui as guéri et consolé… dit Jude.

      – Vous avez préparé les cœurs à avoir foi dans le miracle. Vous avez donc avec moi et comme moi aidé à guérir et consoler. Si vous saviez comme je me réjouis de vous associer à moi en toutes mes œuvres ! Ne vous rappelez-vous pas les paroles de mon cousin Jean, fils de Zacharie : “ Il faut qu’il croisse et que je diminue ” ? Il disait cela à juste titre, car tout homme, si grand soit-il, fût-ce même Moïse et Elie, s’assombrit comme une étoile enveloppée par les rayons du soleil à l’apparition de Celui qui vient des Cieux et qui est plus grand que tout homme, puisqu’il est Celui qui vient du Père très saint. Quant à moi, je suis le fondateur d’un Organisme qui durera autant que les siècles et qui sera saint comme son Fondateur et Chef, d’un Organisme qui durera pour me représenter, et ne fera qu’un avec moi, de même que les membres et le corps de l’homme ne font qu’un avec la tête qui les domine ; eh bien ! moi aussi je dois dire : “ Il faut que ce corps s’illumine et que, moi, je perde de mon éclat. ” Vous devrez me continuer. Moi, bientôt, je ne serai plus parmi vous, ici sur terre, matériellement, pour diriger mes apôtres, les disciples et ceux qui me suivent… Je serai, cependant, spirituellement avec vous, toujours, et vos âmes sentiront mon Esprit, elles recevront ma lumière. Mais vous devrez paraître en première ligne, lorsque je serai retourné là d’où je suis venu. C’est pour cela que je m’applique graduellement à vous préparer à avoir le premier rôle. Vous me faites observer parfois : “ Tu nous envoyais davantage en mission, dans les premiers temps. ” Vous deviez être connus. Maintenant que vous l’êtes, maintenant que, pour ce petit coin de la terre, vous êtes déjà “ les Apôtres ”, je vous garde toujours unis à moi, participant à toute mon action, de façon que le monde dise : “ Il les a associés aux œuvres qu’il accomplit, parce qu’ils resteront après lui pour le continuer. ” Oui, mes amis. Vous devez être toujours plus en avant, devenir plus éclairés, me continuer, être moi, pendant que moi, comme une mère qui lentement cesse de soutenir son petit enfant qui a appris à marcher, je me retire… Ce passage ne doit pas être brusque. Les petits du troupeau, les humbles fidèles en seraient effrayés. Je les passe doucement de moi à vous, pour qu’ils n’aient pas l’impression d’être seuls, même un seul instant. Et vous, aimez-les beaucoup, comme moi je les aime. Aimez-les en souvenir de moi, comme je les ai aimés… »

      536.9 Perdu dans ses pensées intimes, Jésus se tait. Il en sort seulement quand, un peu en dehors de Béthanie, il rencontre les apôtres, qui arrivent par l’autre chemin. Une fois réunis, ils continuent vers la maison de Lazare. Jean annonce qu’ils sont déjà attendus, car les serviteurs les ont vus, et il ajoute que Lazare est très malade.

      « Je le sais. C’est pour cela que je vous ai annoncé que nous resterons dans la maison de Simon [3]. Mais je n’ai pas voulu m’éloigner sans le saluer encore une fois.

      – Mais pourquoi ne le guéris-tu pas ? Ce serait juste ! Tu laisses tous tes meilleurs serviteurs mourir. Pour ma part, je ne comprends pas… lance Judas, toujours audacieux, même dans ses meilleurs moments.

      – Il n’est pas nécessaire que tu comprennes à l’avance.

      – Bien sûr, ce n’est pas nécessaire. Mais sais-tu ce que disent tes ennemis ? Que tu guéris quand tu peux, pas quand tu veux, que tu protèges quand tu peux… Ne sais-tu pas que ce vieillard de Terça est déjà mort ? Et mort assassiné ?

      – Mort ? Qui ? Eli-Hanna ? Comment ? » demandent-ils tous avec curiosité.

      Pierre est le seul à vouloir en savoir plus :

      « D’ailleurs, comment le sais-tu ?

      – Je l’ai appris par hasard tout à l’heure, dans la maison où je suis allé, et Dieu sait que je ne mens pas. Il paraît que c’est un voleur, arrivé en qualité de marchand, qui l’a tué au lieu de payer sa place…

      – Pauvre vieux ! Quelle vie malheureuse ! Quelle triste mort ! Tu ne réagis pas, Maître ? s’étonnent plusieurs.

      – Il n’y a rien à dire, sinon que ce vieil homme a servi le Christ jusqu’à sa mort. S’il pouvait en être ainsi de tous !

      – Dis un peu, fils d’Alphée, n’est-ce pas ce que tu prévoyais ? demande Pierre à Jude.

      – C’est possible. Un fils qui chasse son père par haine, et une haine de cette nature, peut être capable de tout. Mon Frère, elles sont bien vraies tes paroles : “ Le frère s’opposera à son frère et le père à ses enfants. ”

      – Oui. Et qui agira ainsi croira servir Dieu. Ils ont des yeux aveugles, des cœurs endurcis, une âme sans lumière. Et pourtant vous devrez les aimer, dit Jésus.

      – Mais comment ferons-nous pour aimer ceux qui nous traiteront ainsi ? Ce sera déjà beaucoup si nous ne réagissons pas et si nous supportons leurs actions avec résignation… s’exclame Philippe.

      – En temps voulu, je vous donnerai un exemple qui vous instruira. Et si vous m’aimez, vous m’imiterez.

      536.10 – Voici Maximin et Sarah. Lazare doit aller bien mal, si les sœurs ne viennent pas à ta rencontre ! » remarque Simon le Zélote.

      Les deux serviteurs accourent et se prosternent. Leurs visages, et même leurs vêtements, laissent transparaître cet aspect abattu qu’impriment la douleur et la lassitude aux membres des familles où on lutte contre la mort. Ils se bornent à dire : “ Maître, viens… ” mais avec un air affligé plus expressif qu’un long discours. Puis ils s’empressent de conduire Jésus à la porte du petit appartement de Lazare, tandis que les autres serviteurs s’occupent des apôtres.

      Au léger coup contre la porte, Marthe accourt, l’entrouvre et passe dans l’entrebâillement son visage amaigri et pâle :

      « Maître ! Viens. Béni sois-tu ! »

      Jésus entre, traverse la pièce qui précède celle du malade, et entre dans la chambre. Lazare dort. Lazare ? C’est un squelette, une momie jaunâtre qui respire… Son visage a les traits d’une tête de mort, et le sommeil révèle encore davantage combien il est ravagé, déjà décharné, cadavérique. Sa peau cireuse et tirée luit aux angles pointus des pommettes, des mâchoires, sur le front, sur les orbites tellement creusées qu’elles semblent sans yeux, sur le nez tranchant qui semble démesurément allongé, tant le contour des joues s’est effacé. Les lèvres sont pâles au point de disparaître, et il semble qu’elles ne puissent se fermer sur les deux rangées de dents à moitié découvertes, entrouvertes… C’est déjà un visage de mort.

      536.11 Jésus s’incline pour regarder. Il se redresse, se tourne vers les deux sœurs qui le regardent, toute leur âme concentrée dans leurs yeux, âme douloureuse, âme pleine d’espoir. Il leur fait un signe, et sans bruit sort dans la petite cour qui précède les deux pièces. Marthe et Marie le suivent. Elles ferment la porte derrière elles.

      Tous trois seuls entre ces quatre murs, sous le ciel bleu, ils se regardent en silence. Les sœurs n’arrivent même plus à parler, encore moins à exprimer leur demande.

      Mais Jésus prend la parole :

      « Vous savez qui je suis. Moi, je sais qui vous êtes. Vous savez que je vous aime. Moi, je sais que vous m’aimez. Vous connaissez ma puissance. Moi, je connais votre foi en moi. Vous savez aussi, et toi particulièrement Marie, que plus on aime et plus on obtient. C’est aimer que de savoir espérer et croire au-delà de toute mesure et de toute réalité qui puisse démentir la foi et l’espérance. Eh bien, pour ces raisons, je vous dis de savoir espérer et croire en dépit de toute réalité contraire. Vous me comprenez ? Je dis : sachez espérer et croire en dépit de toute réalité contraire. Je ne puis m’arrêter que quelques heures. Le Très-Haut sait combien, comme homme, je voudrais m’arrêter, ici avec vous, pour l’aider et le consoler, vous assister et vous réconforter. Mais comme Fils de Dieu, je sais qu’il est nécessaire que je m’en aille, que je m’éloigne… Que je ne sois pas ici quand… vous me désirerez plus que l’air que vous respirez. Un jour, bientôt, vous en comprendrez les raisons, qui actuellement peuvent vous paraître cruelles. Ce sont des raisons divines. Elles sont douloureuses pour moi en tant qu’homme, comme pour vous. Douloureuses maintenant. Maintenant, parce que vous ne pouvez en embrasser la beauté et la sagesse, et moi je ne puis vous le révéler. Quand tout sera accompli, alors vous comprendrez et vous vous réjouirez… Ecoutez : quand Lazare sera… mort — ne pleurez pas ainsi ! — faites-moi appeler immédiatement. En attendant, occupez-vous des funérailles et invitez beaucoup de monde, comme il convient pour Lazare et pour votre maison. C’est un grand juif. Peu l’estiment pour ce qu’il est. Mais il est plus grand que beaucoup aux yeux de Dieu… Je vous ferai savoir où je suis afin que vous puissiez toujours me trouver.

      – Mais pourquoi n’être pas ici, au moins à ce moment-là ? Nous nous résignons, oui, à sa mort… Mais toi… Mais toi… Mais toi… »

      Marthe sanglote, ne pouvant rien dire de plus, étouffant ses larmes dans ses vêtements…

      Marie, au contraire, regarde Jésus, fixement, comme hypnotisée… mais elle ne pleure pas.

      « Sachez obéir, sachez croire, espérer… sachez dire toujours oui à Dieu… Lazare vous appelle… Allez-y. Je vais venir bientôt… Et si je n’ai plus la possibilité de vous parler à part, rappelez-vous ce que je vous ai dit. »

      Et tandis qu’elles rentrent en toute hâte, Jésus s’assied sur un banc de pierre et prie.




[1] Cf. EMV 534

[1a] Il est l'Emmanuel, comme en Esaïe 7, 14 ; 8, 8 ; qui signifie "Dieu est avec nous", comme en : Psaume 46, 8.12 ; Esaïe 8,10. Déjà dit en 76.7.9 et en 478.9.

[2] Midi.

[3] Celle de Simon le Zélote, l'apôtre.


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*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-233.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/jesus-prepare-marthe-et-marie-a-la-mort-de-lazare.html
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