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Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 20 Mar - 22:28

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

537. A la fête de la Dédicace du Temple, Jésus se manifeste aux Juifs, qui tentent de le lapider

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 234.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 537.

Le 9 septembre 1946

Mercredi 14 novembre 29
Jérusalem


      537.1 Il n’est pas possible de rester immobile en cette matinée froide et venteuse. Au sommet du mont Moriah, la bise glaciale qui souffle du nord-est s’abat, faisant voler les vêtements et rougissant les visages et les yeux. Il y a pourtant des gens qui sont montés au Temple pour les prières. En revanche, les rabbis et leurs groupes particuliers d’élèves font défaut, et le Portique paraît plus vaste, et surtout plus digne, en l’absence des rassemblements tapageurs et pompeux qui l’occupent d’ordinaire.

      Il doit être très étrange de le voir si vide, car tout le monde s’en étonne, et Pierre en est même méfiant. Mais Thomas, qui semble encore plus robuste, enveloppé comme il l’est dans un ample et lourd manteau, suggère :

      « Ils se seront enfermés dans quelque pièce de peur de perdre la voix. Tu les regrettes ? demande-t-il en riant.

      – Moi, non ! Si je pouvais ne jamais plus les voir ! Mais je ne voudrais pas que ce soit… »

      Et il regarde Judas, qui ne souffle mot, mais saisit le coup d’œil de Pierre, et intervient :

      « Ils ont vraiment promis de ne pas causer d’autres ennuis, sauf dans le cas où le Maître les… scandaliserait. Ils seront certainement sur leurs gardes, mais puisque ici on ne pèche pas et on n’offense pas, ils sont absents.

      – Cela vaut mieux ainsi, et que Dieu te bénisse, mon garçon, si tu as réussi à les rendre raisonnables. »

      Il est encore tôt. Il y a peu de monde dans le Temple. Je dis « peu », et c’est ce qu’il semble, étant donné son immensité : pour paraître bondé, il faut qu’il y ait foule. Deux ou trois cents personnes ne se remarquent même pas dans cet ensemble de cours, de portiques, d’atriums, de corridors…

      Jésus, seul Maître dans le vaste Portique des Païens, va et vient en parlant avec les siens et avec les disciples qu’il a déjà trouvés dans l’enceinte du Temple. Il répond à leurs objections et à leurs questions, ou éclaircit des points qu’ils n’ont pas su s’expliquer à eux-mêmes ou exposer aux autres.

      Surviennent deux païens. Ils le regardent et passent leur chemin sans rien dire. Des gens attachés au Temple arrivent, l’observent, mais ne disent rien eux non plus. Quelques fidèles s’approchent, saluent, écoutent, mais ils sont encore peu nombreux.

      « Restons-nous encore ici ? demande Barthélemy.

      – Il fait froid, et il n’y a personne. Pourtant, cela fait plaisir d’être ici ainsi en paix. Maître, aujourd’hui, tu es vraiment dans la Maison de ton Père et en Maître supinitus » déclare en souriant Jacques, fils d’Alphée, avant d’ajouter : « C’est ainsi que devait être le Temple à l’époque de Néhémie [1]et des rois sages et pieux.

      537.2 – Moi, je conseillerais de partir. De là, ils nous épient… intervient Pierre.

      – Qui ? Les pharisiens ?

      – Non. Ceux qui sont passés avant, et d’autres aussi. Partons, Maître…

      – J’attends des malades. Ils m’ont vu entrer en ville. La rumeur s’en est certainement répandue. Ils vont venir quand il fera plus chaud. Restons au moins jusqu’au tiers de sexte » [2] répond Jésus.

      Et il recommence à faire les cents pas pour ne pas rester immobile dans l’air froid.

      En effet, après quelque temps, quand le soleil cherche à adoucir les effets de la tramontane, une femme arrive en compagnie d’une fillette malade, et elle demande sa guérison. Jésus la satisfait. La femme dépose son obole aux pieds de Jésus en disant :

      « C’est pour les autres enfants qui souffrent. »

      Judas ramasse l’argent.

      Plus tard, on amène sur un brancard un homme âgé grabataire. Et Jésus le guérit.

      537.3 En troisième lieu survient un groupe de personnes qui prient le Maître de sortir des murs du Temple pour chasser le démon d’une fillette dont les cris déchirants se font entendre jusqu’à l’intérieur. Jésus les suit, et sort donc sur la route. Des gens, au nombre desquels se trouvent des étrangers, se pressent autour de ceux qui tiennent l’enfant. Celle-ci écume et se débat, ses yeux chavirent. Elle profère toutes sortes de mots orduriers, qui ne font qu’augmenter à mesure que Jésus s’approche d’elle, de même qu’elle se débat plus fortement. C’est avec peine que quatre hommes jeunes et robustes arrivent à la maintenir. Au milieu des insultes, on entend des cris de reconnaissance pour le Christ, des supplications angoissées de l’esprit qui la possède pour qu’il ne le chasse pas, et aussi des vérités, répétées avec monotonie :

      « Ne me faites pas voir ce maudit ! Va-t’en ! Va-t’en ! Tu es la cause de notre ruine. Je sais qui tu es. Tu es… Tu es le Christ. Tu es… Tu n’as pas reçu d’autre onction que celle de Là-Haut. La puissance du Ciel te couvre et te défend. Je te hais ! Maudit ! Ne me chasse pas ! Pourquoi nous chasses-tu et ne veux-tu pas de nous, alors que tu gardes auprès de toi une légion de démons dans un seul homme ? Ne sais-tu pas que l’enfer tout entier est dans un seul être ? Si, tu le sais… Laisse-moi ici, au moins jusqu’à l’heure de… »

      La parole s’arrête parfois, comme étranglée, d’autres fois elle change, ou s’arrête avant, ou se prolonge par des cris inhumains comme quand il crie :

      « Laisse-moi entrer au moins en lui. Ne m’envoie pas là-bas dans l’Abîme ! Pourquoi nous hais-tu, Jésus, Fils de Dieu ? Est-ce que cela ne te suffit pas d’être celui que tu es ? Pourquoi veux-tu aussi nous commander ? Nous ne voulons pas de tes ordres, nous ! Pourquoi es-tu venu pour nous persécuter, si nous, nous t’avons renié ? Va-t’en ! Ne déverse pas sur nous les feux du Ciel ! Tes yeux ! Quand ils seront éteints, nous rirons… Ah ! Non ! Pas même alors… Tu nous vaincs ! Tu nous vaincs ! Soyez maudits, toi et le Père qui t’a envoyé, et Celui qui vient de vous et est vous… Aaaah ! »

      Le dernier cri est vraiment épouvantable, le cri d’une créature égorgée dans laquelle entre lentement le fer homicide ; il a commencé lorsque Jésus, après avoir arrêté plusieurs fois, par commandement mental, les paroles de l’obsédée, y met fin en touchant du doigt le front de la fillette. Ce cri s’achève dans une convulsion horrible jusqu’à ce que, avec un fracas qui tient du ricanement et du cri d’un animal de cauchemar, le démon la quitte en hurlant : « Mais je ne vais pas loin… Ha ! Ha ! Ha ! », suivi immédiatement d’un bruit sec comme celui de la foudre, bien que le ciel soit absolument clair.

      537.4 Terrorisées, un certain nombre de personnes fuient. D’autres s’approchent encore davantage pour observer la fillette, qui s’est calmée tout d’un coup en s’affaissant dans les bras de ceux qui la tenaient. Elle reste ainsi quelques instants, puis ouvre les yeux, sourit, se voit être sans voile sur le visage et sur la tête devant des gens, et baisse son visage pour le cacher sur le bras qu’elle lève. Ceux qui l’accompagnent voudraient qu’elle remercie le Maître, mais il dit :

      « Laissez-la avec sa pudeur. Son âme me remercie déjà. Reconduisez-la chez sa mère. C’est sa place de fille… »

      Puis il tourne le dos à la foule pour rentrer dans le Temple, et reprendre la place qu’il occupait.

      « Tu as vu, Seigneur, que plusieurs juifs étaient venus derrière nous ? J’en ai reconnu quelques-uns… Les voilà ! Ce sont ceux qui nous épiaient auparavant. Regarde-les discuter… ! s’exclame Pierre.

      – Ils sont en train de décider dans lequel d’entre eux le diable est entré. Il y a aussi Nahum, l’homme de confiance d’Hanne. C’est l’homme de la situation… déclare Thomas.

      – Oui. Et tu ne l’as pas vu parce que tu avais le dos tourné, mais le feu est apparu précisément sur sa tête » dit André, qui en claque des dents. « J’étais à côté de lui, et j’ai eu une de ces peurs !…

      – Vraiment, ils étaient tous unis, eux. Pourtant j’ai vu le feu s’ouvrir sur nous et j’ai cru mourir… J’ai même tremblé pour le Maître. Il paraissait vraiment suspendu au-dessus de sa tête, témoigne Matthieu.

      – Mais non. Moi, au contraire, je l’ai vu sortir de la fillette et éclater sur le mur du Temple, réplique Lévi, le berger disciple.

      – Inutile d’en débattre entre vous : le feu n’a indiqué ni celui-ci, ni celui-là. Il a été seulement le signe que le démon s’était enfui, explique Jésus.

      – Mais il a dit qu’il n’allait pas loin !… objecte André.

      – Paroles de démon… Il ne faut pas les écouter. Louons plutôt le Très-Haut pour ces trois enfants d’Abraham guéris dans leur corps et leur âme. »

      537.5 Pendant ce temps, un grand nombre de juifs sortis d’ici ou de là — parmi lesquels on ne voit ni pharisien, ni scribe, ni prêtre — s’approchent de Jésus et l’entourent. L’un d’eux s’avance en disant :

      « Que de prodiges tu as accomplis aujourd’hui ! Vraiment, ce sont là des œuvres de prophète, et de grand prophète. Et les esprits des abîmes ont divulgué sur toi des choses étonnantes, mais leurs paroles ne peuvent être acceptées si la tienne ne les confirme pas. Nous sommes effrayés par ce que nous avons entendu, mais nous craignons aussi quelque mystification, car on sait que Belzébuth est un esprit de mensonge. Nous ne voudrions pas nous tromper, ni être trompés. Révèle-nous donc qui tu es, de ta bouche de vérité et de justice.

      – Ne vous ai-je pas manifesté de nombreuses fois qui je suis ? Cela fait presque trois ans que je le fais, et avant moi Jean au Jourdain et la voix de Dieu venue des Cieux [3].

      – C’est vrai. Mais nous n’y étions pas à ce moment. Nous… Toi qui es juste, tu dois comprendre notre angoisse. Nous voudrions croire en toi comme Messie. Mais le peuple de Dieu a été trop souvent abusé par de faux Christs. Console notre cœur, qui espère et qui attend, par une parole assurée, et nous t’adorerons. »

      Jésus les regarde sévèrement. Ses yeux semblent percer leur chair et mettre leur cœur à nu. Puis il dit :

      « En vérité, il est fréquent que les hommes sachent mieux mentir que Satan. Non, vous ne m’adorerez pas. Jamais, quoi que je vous dise. Et même si vous arriviez à le faire, qui adoreriez-vous ?

      – Qui ? Mais notre Messie !

      – Vous vaudriez tant ? Qui est pour vous le Messie ? Répondez, pour que je me rende compte de ce que vous valez.

      – Le Messie ? Mais le Messie est celui qui, par ordre de Dieu, rassemblera Israël dispersé et en fera un peuple triomphal qui tiendra le monde sous son pouvoir. Eh quoi ? Tu ne sais pas ce qu’est le Messie ?

      – Je le sais comme vous ne le savez pas. Donc, pour vous, c’est un homme qui, surpassant David, Salomon et Judas Maccabée, fera d’Israël la nation qui sera la reine du monde ?

      – C’est cela. Dieu l’a promis. Toute vengeance, toute gloire, toute revendication viendront du Messie annoncé.

      – Il est dit : “ Tu n’adoreras pas d’autre dieu que le Seigneur ton Dieu. [4] ” Pourquoi donc m’adoreriez-vous, si vous ne pouviez voir en moi que l’Homme-Messie ?

      – Et qui d’autre devons-nous voir en toi ?

      – Qui ? Et c’est avec ces sentiments que vous venez m’interroger ? Race de vipères sournoises, venimeuses, et sacrilèges aussi ! Car, si vous ne pouviez voir en moi autre chose que le Messie humain et si vous m’adoriez, vous seriez idolâtres. C’est Dieu seul qu’il faut adorer. Et en vérité, je vous dis une fois encore que celui qui vous parle est plus grand que le Messie que vous vous représentez, avec une mission, des fonctions et des pouvoirs que vous, qui êtes dépourvus d’esprit et de sagesse, vous imaginez. Le Messie ne vient pas pour donner à son peuple un royaume tel que vous le croyez. Il ne vient pas exercer des vengeances sur d’autres puissants. Son Royaume n’est pas de ce monde, et sa puissance surpasse tout autre pouvoir limité de ce monde.

      537.6 – Tu nous humilies, Jésus. Puisque tu es le Maître et que nous sommes ignorants, pourquoi ne veux-tu pas nous instruire ?

      – Voici trois ans que je le fais, et vous êtes de plus en plus dans les ténèbres, parce que vous repoussez la lumière.

      – C’est peut-être vrai. Mais ce qui a existé dans le passé peut disparaître ensuite. Eh quoi ? Toi qui fais preuve de compassion pour les publicains et les prostituées, toi qui absous les pécheurs, veux-tu te montrer sans pitié pour nous, uniquement parce que nous avons la tête dure et que nous avons du mal à comprendre qui tu es ?

      – Vous n’avez pas du mal à comprendre : vous ne le voulez pas. Etre peu intelligent ne serait pas une faute. Dieu a tant de lumières qu’il pourrait illuminer l’esprit le plus obtus, mais plein de bonne volonté. Or c’est cette dernière qui manque en vous ; pire, vous avez une volonté opposée. C’est pour cela que vous ne comprenez pas qui je suis.

      – Il est possible qu’il en soit ainsi. Tu vois comme nous sommes humbles. Mais, nous t’en prions au nom de Dieu, réponds à nos questions. Ne nous tiens pas davantage en haleine. Jusqu’à quand notre esprit devra-t-il demeurer incertain ? Si tu es le Christ, révèle-le-nous ouvertement.

      – Je vous l’ai dit. Je vous l’ai dit dans les maisons, sur les places, sur les routes, dans les villages, sur les monts, le long des fleuves, en face de la mer, devant les déserts, dans le Temple, dans les synagogues, sur les marchés, et vous ne croyez pas. Il n’est pas de lieu en Israël qui n’ait entendu ma voix. Jusqu’aux contrées qui portent abusivement le nom d’Israël depuis des siècles, mais qui se sont séparées du Temple, jusqu’aux régions qui ont donné leur nom à notre terre mais qui, de dominateurs, sont devenus sujets, et qui pourtant ne se libérèrent jamais complètement de leur erreur pour venir à la vérité, jusqu’à la Syro-Phénicie que fuient les rabbis comme une terre de péché, tous ont entendu ma voix et appris mon existence.

      Je vous l’ai dit, et vous ne croyez pas à mes paroles. J’ai agi, et vous n’avez pas considéré mes actes d’un bon œil. Si vous l’aviez fait avec l’intention droite de vous renseigner sur moi, vous seriez arrivés à avoir foi en moi, car les œuvres que je fais au nom de mon Père témoignent de moi. Les hommes de bonne volonté qui sont venus à ma suite, parce qu’ils m’ont reconnu comme Pasteur, ont cru à mes paroles et au témoignage rendu par mes œuvres.

      Eh quoi ? Croyez-vous peut-être que ce que je fais n’a pas pour but votre intérêt comme celui de toutes les créatures ? Détrompez-vous. Et ne pensez pas que tout le bien que je recherche pour vous se borne à la santé qu’une personne retrouve par ma puissance, ou à la libération de l’obsession ou du péché de tel ou tel. Ce serait une utilité limitée à l’individu. C’est trop peu de chose en comparaison de la puissance qui se trouve libérée et de la source surnaturelle — plus que surnaturelle : divine — dont elle jaillit, pour que ce soit l’unique but. Mes œuvres ont un intérêt collectif : enlever tout doute aux personnes sceptiques, convaincre celles qui sont opposées, renforcer toujours plus la foi des croyants.

      Mes œuvres témoigneront en ma faveur pour les générations à venir, et elles les convaincront. C’est pour cet intérêt collectif, en faveur de tous les hommes présents et à venir, que mon Père me donne la puissance d’agir comme je le fais. Rien ne s’accomplit sans une fin qui soit bonne dans les œuvres de Dieu. Souvenez-vous-en toujours. Méditez cette vérité. »

      537.7 Jésus s’arrête un moment. Il regarde fixement un juif qui se tient la tête inclinée et dit :

      « Toi qui es en train de réfléchir ainsi, toi dont le vêtement est couleur d’olive mûre, toi qui te demandes si Satan aussi a été créé dans un but bon, ne fais pas le malin pour t’opposer à moi et chercher l’erreur dans mes paroles. Je te réponds que Satan n’est pas l’œuvre de Dieu, mais de la libre volonté de l’ange rebelle. Dieu en avait fait son ministre glorieux et l’avait donc créé pour une bonne fin. Et voici que tu te dis maintenant : “ Dans ce cas, Dieu est fou, puisqu’il avait donné la gloire à un futur rebelle et confié ses volontés à un désobéissant. ” Je te réponds : “ Dieu n’est pas fou, mais parfait dans ses actions et ses pensées. Il est le Tout-Parfait. Même les plus parfaites des créatures sont imparfaites. Il y a toujours en elles une infériorité par rapport à Dieu. Mais Dieu, qui les aime, leur a accordé le libre arbitre, pour que, grâce à lui, elles puissent perfectionner leurs vertus et se rendre plus semblables à Dieu, leur Père. ” Et puisque tu aimes à railler et que tu cherches sournoisement quelque péché dans mes paroles, j’ajoute que, du Mal, qui s’est volontairement formé, Dieu tire encore du bien : les hommes peuvent posséder une gloire méritée. Les victoires sur le mal forment la couronne des élus. Si le Mal ne pouvait susciter quelque bienfait pour les hommes de bonne volonté, Dieu l’aurait détruit, car rien de ce qui est dans la Création ne doit être totalement dépourvu d’encouragement ou de conséquences favorables.

      Tu ne réponds rien ? Il t’est dur de devoir proclamer que j’ai lu dans ton cœur et que j’ai triomphé des soupçons injustes de ta pensée tortueuse ? Je ne t’y forcerai pas. En présence de tant de monde, je te laisserai dans ton orgueil. Je n’exige pas que tu me proclames victorieux mais, quand tu seras seul avec tes semblables et avec ceux qui vous ont envoyés, avoue que Jésus de Nazareth a lu les pensées de ton esprit et a étranglé tes objections dans ta gorge par la seule arme de sa parole de vérité.

      Mais laissons là cette interruption individuelle et revenons aux personnes nombreuses qui m’écoutent. Si l’une d’elles, une seule, se convertissait à la Lumière, je serais récompensé de la peine de parler à des pierres, ou plutôt à des tombeaux remplis de vipères.

      537.8 Je disais que ceux qui m’aiment m’ont reconnu comme Pasteur grâce à mes paroles et à mes œuvres. Mais vous, vous ne croyez pas, vous ne pouvez pas croire, parce que vous n’êtes pas de mes brebis.

      Qu’êtes-vous ? Je vous le demande. Posez-vous la question à l’intérieur de votre cœur. Vous n’êtes pas sots, vous pouvez vous connaître pour ce que vous êtes. Il vous suffit d’écouter la voix de votre âme, qui n’est pas tranquille de continuer à offenser le Fils de celui qui l’a créée. Or, bien que vous sachiez ce que vous êtes, vous ne l’admettrez pas, car vous n’êtes ni humbles ni sincères. Mais moi, je vous dis ce que vous êtes : en partie des loups, en partie des chevreaux sauvages. Mais aucun d’entre vous, malgré la peau d’agneau que vous portez pour vous faire passer pour des agneaux, n’en est un vrai. Sous une toison moelleuse et blanche, vous avez tous les couleurs féroces, les cornes pointues, les crocs et les griffes du bouc ou du fauve, et vous voulez rester tels, car vous aimez cet état et vous rêvez férocité et révolte. Vous ne pouvez donc m’aimer, et vous ne pouvez me suivre et me comprendre.

      Si vous entrez dans le troupeau, c’est pour nuire, pour apporter douleur ou désordre. Mes brebis ont peur de vous. Si elles vous ressemblaient, elles devraient vous haïr, mais elles ne savent pas haïr. Ce sont les agneaux du Prince de la paix, du Maître d’amour, du Pasteur miséricordieux. Elles ne vous haïront jamais, comme moi je ne vous haïrai jamais. C’est à vous que je laisse la haine : c’est le mauvais fruit de la triple concupiscence, par laquelle le moi se déchaîne et l’homme devient bestial, en oubliant qu’il n’est pas seulement chair, mais aussi âme. Moi, je garde ce qui est mien : l’amour. Et je le communique à mes agneaux, tout comme je vous l’offre à vous aussi pour vous rendre bons. Si vous le devenez, alors vous me comprendrez et vous viendrez à mon troupeau, semblables aux autres qui s’y trouvent. Nous nous aimerons. Les brebis et moi, nous nous aimons. Elles m’écoutent, elles reconnaissent ma voix.

      Vous, vous ne comprenez pas ce qu’est en vérité connaître ma voix. C’est ne pas avoir de doute sur son origine, la distinguer entre mille autres de faux prophètes, et y reconnaître la véritable voix venue du Ciel. Maintenant et toujours, même parmi ceux qui se croient des fidèles de la Sagesse, et le sont en partie, beaucoup ne sauront pas discerner ma voix des autres qui parleront de Dieu avec plus ou moins de justice, mais qui seront toutes inférieures à la mienne…

      537.9 – Tu annonces toujours ton départ prochain, et malgré cela tu prétends que tu parleras toujours ? Quand tu seras parti, tu ne parleras plus » objecte un juif avec le ton méprisant qu’il prendrait pour s’adresser à un handicapé mental.

      Jésus répond encore sur le même ton patient et peiné, qui n’est devenu sévère que lorsqu’il a parlé au début aux juifs, et plus tard, lorsqu’il a répondu aux objections intérieures de ce juif :

      « Je parlerai toujours, pour que le monde ne devienne pas tout entier idolâtre. Et je m’adresserai aux miens, à ceux que j’ai choisis pour vous répéter mes paroles. L’Esprit de Dieu interviendra, et ils comprendront ce que les sages eux-mêmes ne sauront pas comprendre. En effet, les savants étudieront les mots, la phrase, la manière, le lieu, l’instrument à travers lesquels la Parole se révèle, alors que ceux que j’ai choisis ne se perdront pas dans ces études inutiles, mais écouteront, éperdus d’amour, et comprendront, puisque ce sera l’Amour qui leur parlera. Eux distingueront les pages ornées des savants ou les pages menteuses des faux prophètes, des rabbis hypocrites, qui exposent des doctrines corrompues ou enseignent ce qu’ils ne pratiquent pas ; ils les distingueront des paroles simples, vraies, profondes qui viendront de moi. Mais le monde qui aime les ténèbres propices à son péché les haïra à cause de cela, car il me hait, moi qui suis la Lumière, et il hait les fils de la Lumière.

      Mes brebis me connaissent, elles me connaîtront et me suivront toujours, même sur les chemins sanglants et douloureux que je parcourrai le premier, et elles après moi. Ce sont les voies qui conduisent les âmes à la sagesse. Le sang et les larmes des personnes persécutées parce qu’elles enseignent la justice, les rendent lumineuses : elles brillent dans le brouillard des fumées du monde et de Satan, et sont comme des sillages d’étoiles pour conduire les hommes qui cherchent le chemin, la vérité et la vie, et ne trouvent personne pour les aider. Car c’est de cela que les âmes ont besoin : de frères qui les conduisent à la vie, à la vérité, au juste chemin.

      Dieu est plein de pitié pour ceux qui cherchent et ne trouvent pas, non par leur faute, mais à cause de la paresse des pasteurs idoles. Dieu est plein de pitié pour les âmes qui, laissées à elles-mêmes, se perdent et sont recueillies par les ministres de Lucifer, tout prêts à séduire les égarés, pour en faire des prosélytes de leurs doctrines. Dieu est plein de pitié pour ceux qui sont trompés seulement parce que les prétendus rabbis de Dieu se sont désintéressés d’eux. Dieu est plein de pitié pour ceux qu’attendent découragement, brouillards et mort, à cause de faux maîtres, qui n’ont de maîtres que le vêtement et l’orgueil d’être appelés de ce nom. Et comme il a envoyé les prophètes pour son peuple, comme il m’a envoyé moi pour le monde entier, il enverra, après moi, les serviteurs de la Parole, de la Vérité et de l’Amour pour répéter mes enseignements. Car ce sont mes paroles qui donnent la vie. C’est pourquoi mes brebis de maintenant et de plus tard auront la vie que je leur donne à travers ma Parole, qui est vie éternelle pour ceux qui l’accueillent ; elles ne périront jamais et personne ne pourra les arracher de mes mains.

      537.10 – Nous n’avons jamais repoussé les paroles des vrais prophètes. Nous avons toujours respecté Jean, qui a été le dernier prophète, répond un juif avec colère, tandis que ses compagnons font chorus.

      – Il est mort à temps pour ne pas être mal vu de vous et être persécuté, même par vous. S’il était encore au nombre des vivants, il vous appliquerait à vous aussi son interdiction d’un inceste charnel, car vous commettez un adultère spirituel en forniquant avec Satan contre Dieu. Et vous l’assassineriez, tout comme vous avez l’intention de me tuer. »

      Exaspérés et las de devoir feindre la douceur, les juifs manifestent bruyamment. Ils semblent déjà disposés à frapper.

      Mais, loin de s’en préoccuper, Jésus hausse la voix pour dominer le tumulte :

      « Et vous m’avez demandé qui je suis, hypocrites ? Vous prétendiez désirer le savoir pour en être certains ? Et vous dites maintenant que Jean a été le dernier prophète ? Par deux fois, vous vous condamnez pour mensonge. Une première fois parce que vous affirmez n’avoir jamais repoussé les paroles des vrais prophètes, la seconde fois parce qu'en soutenant que Jean est le dernier prophète et que vous croyez aux vrais prophètes, vous excluez que moi aussi je sois un prophète — ne serait-ce que cela —, et un vrai prophète. Bouches mensongères ! Cœurs trompeurs ! Oui, en vérité, en vérité, moi, ici, dans la maison de mon Père, je proclame que je suis plus que prophète. Moi, j’ai ce que mon Père m’a donné. C’est plus précieux que tout et que tous, car c’est une réalité sur laquelle la volonté et la puissance des hommes ne peuvent porter leurs mains rapaces. J’ai ce que Dieu m’a donné, et qui tout en étant en moi est toujours en Dieu ; personne ne peut le ravir des mains de mon Père ni des miennes, car c’est la même nature divine. Le Père et moi nous sommes un.

      – Ah ! Horreur ! Blasphème ! Anathème !! »

      Les vociférations des juifs résonnent dans le Temple, et une fois encore les pierres qu’utilisent changeurs et marchands de bestiaux pour tenir en place leurs enclos, servent de munitions à ceux qui cherchent des armes pour frapper Jésus.

      Mais le Maître se dresse, les bras croisés sur la poitrine. Il est monté sur un banc pour être encore plus haut et plus visible et, de là, il les domine. Ses yeux de saphir lancent des éclairs. Il est si majestueux qu’il les paralyse. Certains lâchent leurs pierres, d’autres les gardent dans leurs mains, mais sans avoir l’audace de les lancer contre lui. Même les vociférations se calment pour faire place à une frayeur étrange. C’est vraiment Dieu qui se manifeste dans le Christ. Et quand cela se produit, l’homme, même le plus arrogant, est épouvanté et se fait tout petit.

      Moi qui ai vu les juifs se montrer si féroces le vendredi saint, je réfléchis à ce mystère caché. Quel énigme, en effet, dans l’absence de ce pouvoir de domination chez le Christ ce jour-là. C’était vraiment l’heure des Ténèbres, l’heure de Satan, et eux seuls régnaient… La Divinité, la Paternité de Dieu avait abandonné son Christ, qui n’était plus rien que la Victime…

      537.11 Jésus reste ainsi quelques minutes, puis il recommence à parler à cette foule vendue et lâche qui a perdu toute arrogance par le seul fait d’avoir vu un éclair divin :

      « Eh bien ? Que voulez-vous faire ? Vous m’avez demandé qui j’étais. Je vous l’ai dit. Vous êtes devenus furieux. Je vous ai remis en mémoire tout ce que j’ai fait, je vous ai montré et je vous ai rappelé beaucoup d’œuvres bonnes provenant de mon Père et accomplies grâce à la puissance qui me vient de lui. Pour laquelle de ces œuvres me lapidez-vous ? Pour avoir enseigné la justice ? Pour avoir apporté aux hommes la Bonne Nouvelle ? Pour être venu vous inviter au Royaume de Dieu ? Pour avoir guéri vos malades, rendu la vue à vos aveugles, donné le mouvement aux paralytiques et la parole aux muets, pour avoir délivré les possédés et ressuscité les morts, pour avoir fait du bien aux pauvres, pardonné aux pécheurs, aimé tout le monde, même ceux qui me haïssent, autrement dit vous et ceux qui vous envoient ? Pour laquelle de ces œuvres voulez-vous donc me lapider ?

      – Ce n’est pas pour les œuvres bonnes que tu as faites que nous te lapidons, mais pour ton blasphème, parce que, étant homme, tu te fais Dieu.

      – N’est-il pas écrit dans votre Loi : “ J’ai dit : vous êtes des dieux et des fils du Très-Haut [5] ” ? Dieu a donc appelé “ dieux ” ceux auxquels il a parlé pour leur donner ce commandement : de vivre de telle sorte que la ressemblance et l’image de Dieu qui est dans l’homme apparaissent ouvertement, et que l’homme ne soit ni un démon ni une brute. L’Ecriture qualifie les hommes de “ dieux ”, or elle est toute inspirée par Dieu, et ne saurait donc être modifiée ou effacée selon le plaisir et l’intérêt de l’homme. Cela étant, pourquoi prétendez-vous que je blasphème, moi que le Père a consacré et envoyé dans le monde, quand je dis : “ Je suis le Fils de Dieu ” ? Si je n’accomplissais pas les œuvres de mon Père, vous auriez raison de ne pas croire en moi. Mais je les accomplis, et vous ne voulez pas croire en moi. Alors, croyez au moins à ces œuvres afin que vous sachiez et reconnaissiez que le Père est en moi et que je suis dans le Père. »

      537.12 La tempête de cris et de violences reprend avec encore plus de force. De l’une des terrasses du Temple où, certainement, ils étaient à l’écoute et cachés, des prêtres, des scribes et des pharisiens hurlent à qui mieux mieux :

      « Emparez-vous de ce blasphémateur ! Sa faute est désormais publique. Tous, nous l’avons entendu. A mort, le blasphémateur qui se proclame Dieu ! Donnez-lui le même châtiment qu’au fils de Shelamit, fille de Dibri [6]. Qu’on l’emmène hors de la ville et qu’on le lapide ! C’est notre droit ! Il est dit : “ Que le blasphémateur soit mis à mort. ” [7] »

      Les cris des chefs excitent la colère des juifs, qui tentent de s’emparer de Jésus et de le remettre aux magistrats du Temple pieds et mains liés. Ceux-là sont en train d’accourir, suivis par les gardes du Temple.

      Mais encore une fois, les légionnaires sont plus rapides. Surveillant depuis l’Antonia, ils ont repéré le tumulte, et ils sortent de leur caserne pour venir à l’endroit où l’on crie. Ils n’ont de respect pour personne. Les hampes des lances manœuvrent activement sur les têtes et les dos. Et, par des plaisanteries et des mots orduriers, ils s’excitent mutuellement à s’en prendre aux juifs :

      « A la niche, chiens ! Faites place ! Frappe dur sur ce teigneux, Licinus. Fichez le camp ! La peur vous rend puants plus que jamais ! Mais que mangez-vous, engeance de corbeaux, pour sentir si mauvais ? Tu as raison, Bassus. Ils se purifient, mais ils empestent. Regarde là ce gros nez ! Au mur ! Au mur, que nous prenions vos noms ! Et vous, hiboux, descendez de là-haut. Désormais nous vous connaissons. Le centurion aura à rédiger un bon rapport pour son chef. Non ! Laisse celui-là, c’est un apôtre du Rabbi. Tu ne vois pas qu’il a une figure d’homme et non de chacal ? Regarde ! Regarde comme ils s’enfuient de ce côté ! Laisse-les aller ! Pour les convaincre, il faudrait les enfiler tous sur nos lances ! Alors seulement nous les aurions domptés ! Si cela pouvait être demain ! Ah ! mais toi, tu es pris et tu ne t’échapperas pas. Je t’ai vu, tu sais ? La première pierre, c’était la tienne. Tu devras répondre d’avoir frappé un soldat de Rome… Celui-ci aussi. Il nous a maudits en insultant les enseignes. Ah oui ? Vraiment ? Viens, nous te les ferons aimer dans nos prisons… »

      Et ainsi, en les chargeant et en les raillant, en arrêtant certains, en mettant les autres en fuite, les légionnaires dégagent la vaste cour.

      Mais c’est quand les juifs voient arrêter réellement deux des leurs qu’ils se dévoilent pour ce qu’ils sont : lâches, infiniment lâches. Ou bien ils s’enfuient en caquetant comme une volée de poulets qui voient descendre l’épervier, ou bien ils se jettent aux pieds des soldats pour implorer leur pitié, avec une servilité et des flatteries révoltantes.

      Un vieil homme ridé, l’un des plus acharnés contre Jésus, s’agrippe aux chevilles d’un gradé en l’appelant « magnanime et juste ». Le gradé s’en dégage par une vigoureuse secousse qui envoie rouler le juif à trois pas en arrière. Il crie :

      « Décampe, vieux renard teigneux ! »

      Et, se tournant vers un compagnon et montrant ses griffures, il dit :

      « Ils ont des ongles de renards et le venin des serpents. Regarde ici ! Par Jupiter Maximus ! Je file aux Thermes pour effacer les marques de ce vieux baveux ! »

      A ces mots, il s’éloigne, encore irrité, la cheville tout éraflée.

      J’ai tout à fait perdu Jésus de vue. Je ne pourrais dire où il est allé, par quelle porte il est sorti. J’ai seulement vu, pendant quelque temps, émerger et disparaître dans la confusion les visages des deux fils d’Alphée et de Thomas, qui luttaient pour se frayer un chemin, et ceux de quelques disciples bergers qui en faisaient autant. Puis eux aussi ont disparu, et il ne m’est resté que les dernières criailleries des juifs perfides, occupés à courir çà et là pour empêcher les légionnaires de les arrêter et de les reconnaître. J’ai l’impression que, pour les légionnaires, ce fut une fête de pouvoir flanquer une bonne raclée aux Hébreux pour se dédommager de toute la haine dont ils sont gratifiés.




[1] Néhémie : échanson du roi perse Artaxerxés I (465-424 av. J.C.). Il reçut l’autorisation de retourner à Jérusalem où il fit reconstruire le Temple en 52 jours et restaura le culte. Son histoire est reportée dans le Livre de Néhémie.

[2] Sexte désigne l'heure de midi. "Le tiers de sexte" peut donc indiquer soit 10h, soit 13h.
 
[3] Lors du Baptême de Jésus au Jourdain (EMV  45 / 2.3). Jésus, quelques temps aupraravant, a déjà rappellé ce signe aux membres de Sanhédrin (EMV 506 / 7.203). La voix de Dieu est signalée, non dans le récit même du Baptême, mais dans le souvenir d'un témoin : André (EMV 324 / 5.12)
 
[4] Reprise de la réponse faite par Jésus à Satan qui venait le tenter : Cf. EMV 46 / 2.5 - Deutéronome 5,7-10 (Exode 20,3-6)
 
[5] Psaume 82,6. Maria Valtorta note sur une copie dactylographiée : Saint Thomas qualifie l’homme d’infini en puissance, précisément parce qu’il est ordonné à se rendre toujours plus « semblable et ressemblant à Dieu ».
 
[6] Le fils de Salumit (Shelomit) fille de Dabri (Dibri) de la tribu de Dan, blasphéma. Il était de père égyptien. On le condamna à la lapidation (Lévitique 24,11). En 560.5 déjà, les pharisiens avaient invoqué contre Jésus la loi contre les blasphmateurs, et ils le referont devant Pilate en 604.33.
 
[7] Lévitique 24,14




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-234.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/fete-de-la-dedicace.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 21 Mar - 22:07

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

538. Jésus prie dans la grotte de la Nativité, tandis que les anciens bergers devenus disciples le contemplent

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 235.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 538.

Le 11 décembre 1946

Vendredi 23 et samedi 24 novembre 29
Jérusalem


      538.1 Jésus se tient derrière le Temple, près de la Porte des Troupeaux, hors de la ville [1]. Autour de lui se trouvent les apôtres et les disciples bergers, à l’exception de Lévi. Tous sont effrayés, et même furieux. Je ne vois aucun des autres disciples qui étaient auparavant au Temple avec lui.

      Ils discutent. Je pourrais même dire que le débat a lieu entre eux, Jésus, et Judas en particulier. Ils reprochent à ce dernier les colères des juifs et le font avec une ironie quelque peu mordante. Judas les laisse dire, mais il ne cesse de répéter :

      « J’avais parlé avec des pharisiens, des scribes et des prêtres, or aucun n’était présent. »

      Ils reprochent à Jésus de ne pas avoir arrêté la discussion après l’avoir fait tomber une première fois. Jésus répond :

      « Je devais compléter ma manifestation. »

      Qui plus est, ils sont en désaccord sur l’endroit où aller, maintenant que le sabbat approche et que ce sont des jours de fête. Simon-Pierre propose la maison de Joseph d’Arimathie, puisque, à Béthanie, ils ne feraient que causer du dérangement ; d’ailleurs, Jésus a déclaré qu’il ne fallait plus s’y rendre.

      Thomas répond :

      « Joseph n’est pas chez lui, et Nicodème non plus. Ils sont partis à cause de la fête. Je les ai salués hier quand nous attendions Judas, et ils me l’ont dit.

      – Chez Nikê, alors, suggère Matthieu.

      – Elle est à Jéricho pour la fête, assure Philippe.

      – Chez Joseph de Séphoris, propose Jacques, fils d’Alphée.

      – Hum ! Joseph… dit Pierre. Nous ne serions pas un cadeau pour lui ! Il a eu des ennuis et… mais oui, je le dis ! Il vénère le Maître, mais il veut être tranquille. Il ressemble à une barque prise entre deux courants opposés… et pour être toujours à flot… il tient compte de tout le lest, même du petit Martial… au point que cela lui semble trop beau de l’avoir passé à Joseph d’Arimathie.

      – Ah ! c’est pour cela qu’il était avec lui hier ? s’exclame André.

      – Bien sûr ! Il vaut donc mieux le laisser en paix dans un petit port bien tranquille… Hé ! on n’est pas très courageux ! Et le Sanhédrin fait peur à tout le monde ! ajoute Pierre.

      – Parle pour toi, je t’en prie. Moi, je n’ai peur de personne, lance Judas.

      – Moi non plus. Pour défendre le Maître, je défierais toutes les légions. Mais nous, c’est nous… Les autres… Hé ! Ils ont leurs affaires, leurs maisons, leurs épouses, leurs filles… Ils y pensent.

      – Nous aussi, nous en avons, fait remarquer Barthélemy.

      – Mais nous sommes les apôtres et…

      – Et vous êtes pareils aux autres. Ne critiquez personne, car l’épreuve n’est pas encore venue, dit Jésus.

      – Elle n’est pas venue ? Et que veux-tu de plus que celles que nous avons déjà traversées ? Et pourtant, tu as vu aujourd’hui comme je t’ai défendu ! Tous, nous t’avons défendu. Mais moi, plus que les autres ! J’ai joué des coudes avec certaines poussées qui auraient fait chavirer une barque !… 538.2 J’ai une idée ! Allons à Nobé. Le vieil homme sera heureux !

      – Oui, oui, allons à Nobé. »

      Tous sont d’accord. Mais Jésus intervient :

      « Jean est absent. Vous feriez la route pour rien. Vous pouvez vous rendre à Nobé, mais pas chez Jean.

      – Vous pouvez ? Et toi, tu ne peux pas ?

      – Je ne le veux pas, Pierre. J’ai déjà un lieu qui m’attend en ces soirs d’Encénies. Mais, en mon absence, vous pouvez être tranquilles n’importe où. C’est pour cela que je vous dis : allez où vous voulez. Je vous bénis. Je vous rappelle que vous devez rester unis de corps et d’esprit, soumis à Pierre votre chef, mais pas comme à un maître, plutôt comme à un frère aîné. Dès que Lévi sera de retour avec mon sac, nous nous séparerons.

      – Cela non, mon Seigneur ! Te laisser partir seul, jamais de la vie ! s’exclame Pierre.

      – Toujours, si c’est moi qui le veux, Simon, fils de Jonas. Mais n’aie pas peur. Je ne resterai pas en ville. Personne, à moins d’être ange ou démon, ne découvrira mon abri.

      – C’est bien. Car il y a trop de démons qui te haïssent. Mais moi, je t’assure que tu ne partiras pas seul !

      – Il y a aussi des anges, Simon. Et moi, j’irai.

      – Mais où ? Dans quelle maison, puisque tu as refusé les meilleures, soit volontairement, soit en raison des circonstances ? Tu n’iras certainement pas, en cette saison, dans quelque grotte des montagnes ?

      – Et si c’était le cas ? Ce serait toujours moins glacial que les cœurs des hommes qui ne m’aiment pas, dit Jésus comme s’il se parlait à lui-même, en baissant la tête pour cacher une larme qui brille dans ses yeux.

      538.3 – Voici Lévi. Il arrive en courant, remarque André, qui regarde du bord de la route.

      – Alors donnons-nous la paix et séparons-nous. Si vous voulez vous rendre à Nobé, vous en avez juste le temps avant le coucher du soleil. »

      Lévi est tout essoufflé :

      « Ils te recherchent partout, Maître… Ceux qui t’aiment m’en ont informé… Ils sont entrés dans de nombreuses maisons, surtout chez de pauvres gens…

      – T’ont-ils vu ? demande Jacques, fils de Zébédée.

      – Bien sûr. Ils m’ont même arrêté. Mais moi, qui le savais déjà, j’ai répondu : “ Je vais à Gabaon ” et je suis sorti par la Porte de Damas, puis j’ai couru derrière les murs… Je n’ai pas menti, Seigneur, car eux et moi, nous allons à Gabaon après le sabbat. Cette nuit, nous resterons dans les campagnes de la cité de David… Ce sont des jours de souvenir pour nous… »

      Tout en parlant, il contemple Jésus avec un sourire angélique sur son visage viril et barbu, un sourire qui réveille dans ses traits l’enfant de cette nuit lointaine [1a].

      « C’est bien. Allez-y vous aussi, et vous de même. J’en ferai autant. Mais chacun par son chemin. Vous me précéderez dans le village de Salomon, où j’arriverai dans quelques jours. Et avant de vous quitter, je vous répète ce que je vous ai dit avant de vous envoyer deux par deux passer de ville en ville [2] : “ Allez, prêchez, annoncez que le Royaume de Dieu est tout proche. Guérissez les malades, purifiez les lépreux, ressuscitez les morts de l’esprit et de la chair en leur imposant en mon nom la résurrection spirituelle, la recherche de moi — qui suis la vie —, ou la résurrection de la mort. Et ne tirez pas orgueil de ce que vous opérez. Evitez les disputes entre vous et avec ceux qui ne nous aiment pas. N’exigez rien en échange de ce que vous faites. Allez parmi les brebis perdues de la maison d’Israël plutôt que parmi les païens et les Samaritains, et cela non par aversion, mais parce que vous n’êtes pas encore à même de les convertir. Donnez ce que vous avez, sans vous préoccuper du lendemain. Agissez en toute chose comme vous m’avez vu faire, et dans un esprit semblable au mien. Voilà, je vous donne le pouvoir d’accomplir les mêmes actions que moi ; et je veux que vous fassiez cela pour que Dieu soit glorifié. ” »

      Il souffle sur eux, les embrasse un par un et les congédie.

      538.4 Tous s’en vont à contrecœur, en se retournant plusieurs fois. Lui les salue de la main jusqu’à ce qu’il les voie tous partis, puis descend dans le lit du Cédron, parmi les buissons, et s’assied sur un rocher de la rive, près de l’eau qui gargouille, boit de cette eau claire et certainement glaciale, se lave le visage, les mains, les pieds, puis reprend ses vêtements et revient s’asseoir. Il réfléchit… et ne s’aperçoit pas de ce qui se passe autour de lui. En effet l’apôtre Jean, qui s’était éloigné avec ses compagnons, revient seul sur ses pas et l’imite en se dissimulant dans un épais buisson…

      Jésus reste là quelque temps, puis se lève, met son sac en bandoulière et, en suivant le Cédron, dans les fourrés, arrive au puits d’En-Rogel. Là, il tourne vers le sud-ouest pour prendre la route de Bethléem. A une centaine de mètres derrière, Jean le suit, tout emmitouflé dans son manteau, pour n’être pas reconnu.

      Ils marchent sans arrêt le long des chemins dégarnis par l’hiver. Jésus, de son long pas, dévore la route. Jean a du mal à avancer au même rythme, parce qu’il doit être prudent pour n’être pas découvert. A deux reprises, Jésus s’arrête et se retourne. La première fois, en passant près de la petite colline où Judas était allé parler avec Caïphe et ses compagnons, la seconde fois près d’un puits où il s’assied et grignote un peu de pain en buvant ensuite à l’amphore d’un homme. Puis il reprend sa route, tandis que le soleil descend et que le crépuscule arrive. Le tombeau de Rachel est en vue quand la dernière rougeur du couchant s’éteint en une traînée de violet. Le ciel, vers l’occident, ressemble à une tonnelle de glycine en fleurs alors qu’à l’orient on voit déjà le pur cobalt d’un froid firmament hivernal d’orient ; les premières lueurs des étoiles apparaissent aux plus lointaines limites du ciel.

      Jésus se hâte pour arriver avant la tombée de la nuit. Mais, sur une hauteur d’où l’œil embrasse toute la petite ville de Bethléem, il s’arrête, regarde, soupire… puis il descend rapidement, mais sans entrer dans la ville, en contourne les dernières habitations et va droit aux ruines de la maison — ou tour — de David, à l’endroit de sa naissance. Après avoir franchi le ruisseau qui coule près de la grotte, il pose le pied sur le petit espace couvert de feuilles sèches et jette un coup d’œil à l’intérieur. Il n’y a personne. Il entre…

      Prudemment, Jean reste en deçà, pour n’être ni vu ni entendu. Il fouille, inspecte. Mais c’est plutôt à tâtons qu’il trouve une autre étable en ruines. Il y entre à son tour et fait de la lumière dans un coin. On voit un peu de paille, une litière sale, quelques branches, du foin dans la mangeoire.

      538.5 Jean est content et se parle tout seul :

      « Au moins… j’entendrai… et… Soit nous mourons ensemble, soit je le sauve. »

      Puis il soupire :

      « Dire qu’il est né comme cela ! Et il vient ici pleurer sa douleur… Et… Ah ! Dieu éternel ! Sauve ton Christ ! Mon cœur tremble, ô Dieu très-haut, car il s’isole toujours avant de grandes œuvres… Et quelle grande œuvre peut-il faire, sinon se manifester comme le Roi Messie ? Ah ! toutes ses paroles sont en moi… Je ne suis qu’un enfant borné, et j’ai du mal à comprendre. Tous, nous avons du mal à comprendre, ô Père éternel ! Mais moi, j’ai peur. J’ai peur parce qu’il parle de mort — d’une mort cruelle —, de trahison, et d’autres horreurs… J’ai peur ! J’ai peur, mon Dieu ! Fortifie mon cœur, Seigneur éternel. Fortifie mon cœur de pauvre enfant, comme certainement tu fortifies celui de ton Fils pour les événements à venir… Je le sens ! Il est venu ici pour cela, pour t’entendre mieux que jamais, et se fortifier dans ton amour. Moi, je l’imite, ô Père très saint ! Aime-moi et fais que je t’aime, pour avoir la force de tout souffrir sans lâcheté et pour réconforter ton Fils. »

      Jean prie longuement, debout, les bras levés, à la lumière tremblante des deux branches qu’il a allumées sur le foyer primitif. Il prie jusqu’à ce que le feu soit près de s’éteindre. Il monte alors dans la large mangeoire et s’accroupit dans le foin. Ce n’est plus qu’une ombre dans l’ombre, enveloppé comme il l’est dans son manteau foncé, à l’intérieur de cette caverne entourée de ténèbres. A un moment, un premier rayon de la lune pénètre par l’ouverture tournée vers l’orient, pour dire combien profonde est la nuit. Mais Jean, fatigué, s’est endormi. Sa respiration et le léger murmure du ruisseau sont les seuls bruits en cette nuit de décembre.

      En haut, le ciel, sur lequel flottent des nuages légers comme des voiles que la lune heurte, semble parcouru tout entier par des troupes d’anges… Pourtant, il n’y a pas de chants angéliques. Par intervalles, dans les ruines, se répondent les “ hou ! hou ! hou ! ” plaintifs des oiseaux de nuit, et parfois ils se terminent par cet espèce de rire de sorcière particulier aux chouettes. De loin, arrive une plainte qui ressemble à un ululement : ce sera quelque chien enfermé dans un bercail et qui jappe à la lune, ou bien un loup auquel le vent apporte l’odeur d’une proie et qui se bat les flancs avec sa queue et hurle de désir sans oser approcher des étables bien gardées… Je ne sais.

      538.6 Puis voici des voix et des bruits de pas, ainsi qu’une lumière rougeâtre qui tremble dans les ruines. L’un derrière l’autre, apparaissent les bergers disciples Matthias, Jean, Lévi, Joseph, Daniel, Benjamin, Elie et Siméon. Matthias tient en hauteur une branche allumée pour éclairer la route. Mais celui qui court en avant, c’est Lévi, et il est le premier à passer la tête à l’intérieur de la grotte de Jésus. Il se retourne aussitôt et fait signe de s’arrêter et de se taire, puis il regarde encore… Enfin, il fait un geste pour dire aux autres de venir, et il s’écarte, en gardant un doigt sur les lèvres pour recommander de garder le silence, laissant la place aux autres qui, l’un après l’autre, regardent et se retirent, aussi émus que Lévi.

      « Que faisons-nous ? chuchote Elie.

      – Nous restons ici à le contempler, murmure Joseph.

      – Non. Il n’est permis à personne de violer les secrets spirituels des âmes. Eloignons-nous, conseille Matthias.

      – Tu as raison. Entrons dans l’étable à côté, nous serons encore sur place et près de lui, propose Lévi.

      – Allons-y » approuvent-ils.

      Mais avant de partir, ils regardent encore une fois, à la dérobée, à l’intérieur de la grotte de la Nativité, puis ils s’en vont, tout émus, en cherchant à ne pas faire de bruit.

      Mais quand ils arrivent sur le seuil de l’étable voisine, ils entendent le ronflement de Jean.

      « Il y a quelqu’un, dit Matthias en s’arrêtant.

      – Qu’est-ce que cela fait ? Entrons, nous aussi. Puisqu’un mendiant s’est réfugié ici — c’est sûrement un mendiant —, nous pouvons nous y réfugier » réplique Benjamin.

      Ils entrent, en tenant haut la branche allumée. Jean tout pelotonné sur son lit improvisé et incommode, le visage caché par ses cheveux et son manteau, continue de dormir. Ils s’approchent doucement dans l’intention de s’asseoir sur la paille étendue près de la mangeoire, et Daniel en profite pour jeter un coup d’œil plus attentif sur le dormeur.

      Il le reconnaît et dit :

      « C’est Jean, l’apôtre du Seigneur. Ils se sont réfugiés ici pour prier… et le sommeil aura vaincu l’apôtre… Retirons-nous. Il pourrait se sentir humilié de se savoir découvert endormi alors qu’il devrait être en prière… »

      538.7 Ils ressortent, puis entrent à regret dans le refuge suivant. Siméon lui-même s’en plaint :

      « Pourquoi ne pas rester sur le seuil de sa grotte, et le regarder de temps en temps ? Nous avons passé tant d’années sous la rosée et à la lumière des étoiles pour veiller les agneaux, et nous ne le ferions pas pour l’Agneau de Dieu ? Nous en avons bien le droit, nous qui l’avons adoré pendant son premier sommeil !

      – Tu as raison comme homme et comme adorateur de l’Homme-Dieu. Mais qu’as-tu vu, en regardant à l’intérieur ? L’Homme, peut-être ? Non. Sans le vouloir, nous avons passé le seuil infranchissable après avoir écarté le triple voile étendu pour protéger le mystère, et nous avons vu ce que le grand-prêtre lui-même ne voit pas en entrant dans le Saint des Saints. Nous avons vu l’amour ineffable de Dieu pour Dieu. Il ne nous est pas permis de l’épier encore. La puissance de Dieu pourrait punir nos pupilles audacieuses qui ont vu l’extase du Fils de Dieu. Soyons contents de ce que nous avons eu ! Nous voulions venir ici pour passer la nuit en prière avant de partir pour notre mission. Prier et nous rappeler la nuit lointaine… Nous avons au contraire contemplé l’amour de Dieu ! Oh ! l’Eternel nous a vraiment beaucoup aimés, en nous donnant la joie de contempler le Tout-Petit, celle de souffrir pour lui, et celle de l’annoncer au monde comme disciples de l’Enfant-Dieu et de l’Homme-Dieu ! Aujourd’hui, il nous a même accordé aussi ce mystère… Bénissons le Très-Haut et ne désirons pas davantage ! » déclare Matthias.

      J’ai l’impression que c’est le berger qui, de par sa sagesse et sa justice, a le plus d’autorité.

      « Tu as raison. Dieu nous a beaucoup aimés. Nous ne devons pas exiger davantage. 538.8 Samuel, Joseph, et Jonathan n’ont eu que la joie d’adorer le Tout-Petit et de souffrir pour lui. Jonas est mort sans pouvoir le suivre. Isaac lui-même n’est pas ici pour voir ce que nous avons vu [2a]. Et s’il y a quelqu’un qui le mérite, c’est bien Isaac, qui s’est usé à l’annoncer, dit Jean.

      – C’est vrai ! C’est vrai ! Comme il aurait été heureux de voir cela ! Mais nous le lui raconterons, s’exclame Daniel.

      – Oui. Gardons tout dans notre cœur pour le lui rapporter, suggère Elie.

      – Ainsi qu’aux autres disciples et fidèles ! s’écrie Benjamin.

      – Non, pas aux autres. Pas par égoïsme, mais par prudence et par respect pour le mystère. Si Dieu le veut, l’heure viendra où nous pourrons le raconter. Pour l’instant, nous devons savoir nous taire » reprend Matthias, qui ajoute, en s’adressant à Siméon : « Tu as été comme moi un disciple de Jean-Baptiste. Rappelle-toi comme il nous instruisait en matière de prudence sur les choses saintes : “ Si un jour Dieu, qui vous a déjà accordé de tels bienfaits, vous comble encore de dons extraordinaires, que cela ne fasse pas de vous des bavards ivres. Rappelez-vous que Dieu se manifeste aux âmes, qui sont enfermées dans la chair, parce que ce sont des joyaux célestes qui ne doivent pas être exposés aux souillures du monde. Que vos membres et vos sens soient saints, pour refréner toute poussée charnelle, et qu’il en soit autant de vos yeux, de vos oreilles, de votre langue comme de vos mains. Que votre pensée soit sainte, pour brider l’orgueil de faire savoir ce que vous possédez. Car les sens, les organes et l’intelligence doivent servir et non pas régner. Servir l’esprit, ne pas régner sur l’esprit. Ils doivent protéger l’esprit, non pas le troubler. Par conséquent mettez le sceau de votre prudence sur les mystères de Dieu en vous — à moins d’un ordre explicite —, de la même manière que l’âme est scellée par son emprisonnement temporaire dans le corps. La chair et l’intelligence seraient inutiles, mauvaises et dangereuses, si notre effort pour résister aux excitations qu’elles nous causent ne servaient pas à augmenter notre mérite, et si elles ne devenaient pas un temple pour l’autel sur lequel plane la gloire de Dieu : notre âme. ” Vous vous le rappelez ? Toi, Jean, et toi, Siméon ? J’espère que oui, car si vous ne vous rappeliez pas les paroles de notre premier maître, vraiment il serait mort pour vous. Un maître vit tant que sa doctrine demeure chez ses disciples. Et même s’il est remplacé par un maître plus grand, et pour les disciples de Jésus, par le Maître des maîtres, il n’est jamais permis d’oublier les paroles du premier, qui nous ont préparés à comprendre et à aimer avec sagesse l’Agneau de Dieu.

      – C’est vrai. Tu parles avec sagesse. Nous t’obéirons.

      538.9 – Mais comme il est pénible, fatigant, de résister alors que nous sommes ainsi tout près de lui, et de ne pas le regarder encore une fois ! Sera-t-il encore comme il était ? demande Siméon.

      – Qui sait ! Comme son visage resplendissait !

      – Plus que la lune par une nuit sereine !

      – II y avait sur sa bouche un sourire divin…

      – Et de ses yeux coulait une larme divine…

      – Il ne disait rien, mais tout était prière en lui.

      – Qu’aura-t-il donc vu ?

      – L’Eternel, son Père. En doutes-tu ? Il n’y a que cette contemplation pour donner cet aspect. Et, que dis-je ? Plutôt que de le voir, il était avec lui, en lui ! Le Verbe avec la Pensée ! Et ils s’aimaient !… Ah !… s’exclame Lévi, qui paraît en extase lui aussi.

      – C’est bien pour cela que je disais qu’il ne nous est pas permis de rester ici. Pensez qu’il n’a même pas voulu que son apôtre soit présent…

      – C’est vrai ! Maître saint ! Plus qu’une terre desséchée a soif d’eau, il a besoin d’être inondé par l’amour de Dieu ! Si grande est la haine autour de lui !…

      – Mais aussi : si grand est l’amour. Moi, je voudrais… Oui, je le fais ! Le Très-Haut est ici présent. Je m’offre et je dis : “ Seigneur, Dieu très-haut, Dieu et Père de ton peuple, qui acceptes et consacres les cœurs et les autels, et immoles les victimes qui te sont agréables, que ta volonté descende comme un feu et me consume comme victime avec le Christ, comme le Christ et par le Christ, ton Fils et ton Messie, mon Dieu et Maître. C’est à toi que je me recommande. Exauce ma prière. ” »

      Et Matthias, qui a prié debout, les bras levés, revient s’asseoir sur le tas de branchages qui leur sert de siège.

      538.10 La lune cesse d’éclairer la caverne, car elle tourne vers l’occident. Si son éclat se répand encore sur la campagne, ce n’est plus le cas à l’intérieur, de sorte que visages et objets se fondent en une seule ombre. Les paroles se font plus rares, et les voix plus basses, jusqu’au moment où la somnolence triomphe de la bonne volonté, et où il ne reste que des phrases détachées, parfois sans réponse… Le froid, qui se fait piquant vers l’aube, est un stimulant contre le sommeil, et ils se relèvent, allument des branches, réchauffent leurs membres engourdis…

      « Comment va-t-il faire, lui qui ne pense sûrement pas au feu ? demande Lévi, qui claque presque des dents.

      – Et aura-t-il au moins de quoi manger ? » s’interroge Elie, qui ajoute : « Maintenant, nous n’avons plus que notre amour et quelques pauvres vivres… or c’est aujourd’hui le sabbat…

      – Tu sais ? Déposons toute notre nourriture sur le seuil de la grotte, puis partons. Nous pourrons toujours trouver un pain avant le soir chez Rachel ou chez Elichia. Nous serons ainsi la providence de la Providence, du Fils de celui qui a pourvu à tout pour nous, propose Joseph.

      – Oui, oui ! Faisons une belle flambée pour y voir clair et bien nous réchauffer, puis portons tout là-bas, et nous nous éloignerons à l’aube, avant que lui ou l’apôtre sorte et nous voie. »

      A la lueur du feu, ils ouvrent leurs sacs et en sortent du pain, des fromages secs, quelques pommes. Puis ils prennent une charge de bois et sortent sans bruit, pendant que Matthias les éclaire avec une branche tirée du feu. Ils mettent tout devant l’entrée de la grotte, le bois par terre et par dessus le pain et les autres aliments. Puis ils s’en vont, repassent le ruisseau, l’un derrière l’autre, et s’éloignent à la première clarté silencieuse de l’aube, qu’un chant de coq déchire tout à coup.



[1] Porte des brebis au nord de la ville. Voir le plan schématique

[1a] l’enfant de cette nuit lointaine, en 30.2/3.6 ; dans le village de Salomon, c’est-à-dire de l’autre côté du Jourdain, comme dans le passage de Jn 10, 40-42, qui comble un vide du récit valtortien, ce que je vous ai dit en 265.

[2] Cf. EMV 265 / 4.128

[2a] Jonathan et Isaac sont les noms des bergers absents, Samuel, Joseph (père de Joseph, qui est présent) et Jonas sont les noms des bergers décédés.





*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-235.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/jesus-prie-dans-la-grotte-de-la-nativite.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 22 Mar - 20:43

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

539. La perfection expliquée à Jean, qui s'est accusé de fautes inexistantes

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 236.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 539.

Le 14 décembre 1946

Lundi 26 novembre 29
Bethléem


      539.1 C’est une sereine mais rigoureuse matinée d’hiver. Le givre a blanchi de ses cristaux le sol et les herbes, et il a transformé les brindilles sèches qui gisent sur le sol en précieux bijoux saupoudrés de perles.

      Jean sort de sa caverne. Son vêtement brun foncé fait ressortir sa pâleur. Il doit avoir très froid ou être souffrant, je ne sais, mais il est presque livide et a la démarche mal assurée de quelqu’un qui ne va pas bien. Il se dirige vers le ruisseau, hésite à y plonger les mains, puis se décide et, après les avoir jointes, boit une gorgée de cette eau limpide, mais certainement glaciale. Après s’être secoué les mains et avoir fini de les sécher sur un pan de son vêtement, il reste indécis… Il regarde alternativement vers les ruines où se trouve Jésus et vers son propre abri. Finalement, il retourne vers son étable à pas lents mais, arrivé à l’ouverture qui sert d’entrée, il a une sorte d’étourdissement et chancelle. Il tomberait s’il ne s’appuyait au mur à moitié en ruines, et reste là, la tête contre son bras replié, en s’arc-boutant contre le mur pendant quelque temps, puis relève la tête et regarde autour de lui… Il renonce à pénétrer dans sa tanière. En rasant le mur, en s’accrochant aux pierres branlantes et sans crépi, il fait les quelques pas qui le séparent de l’étable où se trouve Jésus et, parvenu presque sur le seuil, il se jette à genoux et gémit :

      « Jésus, mon Seigneur, aie pitié de moi ! »

      539.2 Jésus apparaît bientôt :

      « Jean ? Que fais-tu ? Qu’as-tu ?

      – Oh ! mon Seigneur ! J’ai faim ! Il y a presque deux jours que je n’ai pris aucune nourriture. J’ai faim et froid… »

      Il claque des dents.

      « Viens ! Entre ! » dit Jésus en l’aidant à se relever.

      L’apôtre, soutenu par le bras de Jésus, pleure, la tête penchée sur son épaule et soupire :

      « Ne me punis pas, Seigneur, si je t’ai désobéi… »

      Jésus lui répond en souriant :

      « Tu es déjà assez puni. Tu ressembles à un mourant… Assieds-toi ici sur cette pierre. Je vais faire du feu et te donner à manger… »

      Jésus allume des rameaux et fait une belle flambée dans le foyer rustique près de la porte. L’odeur des branches brûlées et la gaieté des flammes se répandent dans la misérable caverne. Jésus enfile sur une baguette deux morceaux de pain, les présente à la flamme et, quand il voit qu’ils sont chauds, il les couvre du cœur gras des fromages laissés par les bergers ; le fromage fond et coule sur le pain que Jésus tient au-dessus de la flamme comme si c’était un plat.

      « Mange maintenant, et ne pleure plus » dit-il en souriant toujours et en passant le pain à Jean, qui sanglote sans bruit comme un enfant épuisé, même pendant qu’il mange avec avidité cette nourriture réconfortante.

      Jésus se tourne vers la mangeoire et en rapporte des pommes qu’il pose dans la cendre, tiédie par la chaleur du bois qui brûle sur deux pierres servant de chenets.

      « Cela va mieux maintenant ? » dit-il en s’asseyant auprès de son apôtre.

      Celui-ci fait signe que oui de la tête, sans cesser de pleurer.

      Jésus lui passe un bras autour du cou et l’attire à lui, ce qui augmente les larmes de Jean, encore trop épuisé et trop troublé peut-être par la peur d’un reproche ou par l’émotion de se voir ainsi accueilli, pour savoir faire autre chose que pleurer.

      Jésus le tient étroitement serré contre lui sans parler tant que Jean mange, puis il lui dit :

      « Cela suffit pour le moment. Tu prendras les pommes plus tard. J’aurais voulu te donner un peu de vin, mais je n’en ai pas. J’ai trouvé avant-hier, à l’aube, du bois et de la nourriture à l’entrée de l’étable, mais il n’y avait pas de vin. S’il était plus tard, je pourrais aller chercher du lait auprès des bergers que j’ai vus en train de faire paître leurs troupeaux de l’autre côté du ruisseau, mais les troupeaux ne sortent pas tant que le givre n’a pas fondu…

      – Je vais mieux, Seigneur… Ne te fais pas de souci pour moi.

      – Et toi alors, de quoi t’affliges-tu ? Tu ressembles justement à un arbre sur lequel le soleil fait fondre le givre ! dit Jésus en souriant encore plus vivement et en embrassant Jean sur le front.

      – Parce que je suis rongé par les remords, Seigneur… et… 539.3 Oui ! Laisse-moi faire ! Je dois te parler à genoux, te demander pardon…

      – Pauvre Jean ! Vraiment, un effort supérieur à ce que tu peux endurer t’a affaibli même l’intelligence. Crois-tu donc que j’aie besoin de tes paroles pour te juger et t’absoudre ?

      – Oui, oui. Tu sais tout, je le sais. Mais je ne trouverai pas de paix tant que je ne t’aurai pas avoué mon péché, ou plutôt mes péchés. Laisse-moi faire, laisse-moi accuser mes fautes.

      – Eh bien, parle, si cela doit te donner la paix. »

      Jean glisse à genoux et, levant son visage en larmes, il dit :

      « J’ai péché par désobéissance, par présomption et par… j’ignore si je m’exprime bien en précisant : par humanité. Mais c’est ma faute la plus récente, la plus grave, celle qui me peine le plus et qui me montre quel serviteur inutile, égoïste et même bas, je suis. »

      Les larmes inondent vraiment son visage, tandis que le sourire de Jésus devient toujours plus lumineux. Il reste un peu penché sur son apôtre en pleurs et le divin sourire est toute une caresse sur la douleur de Jean. Mais celui-ci est si affligé qu’il n’en tire aucun réconfort, et il poursuit :

      « Je t’ai désobéi. Tu nous avais demandé de ne pas nous séparer, or je me suis tout de suite séparé de mes compagnons et je les ai scandalisés. J’ai répondu de travers à Judas, qui me faisait remarquer que je péchais. Je lui ai dit : “ Tu l’as fait hier [1], et moi aujourd’hui. Tu l’as fait pour avoir des nouvelles de ta mère, moi pour être avec le Maître et veiller sur lui, pour le défendre ”… C’était bien mon intention, mais je présumais de mes forces… Moi, pauvre incapable, te défendre, toi ! Et puis, j’ai présumé parce que je voulais t’imiter. J’ai pensé : “ Certainement, il prie et jeûne. Je ferai comme lui et dans la même intention que lui. ” Et au contraire… »

      Les pleurs font place aux sanglots tandis que l’aveu de la misère de l’homme, de la matière qui a triomphé de la volonté de l’esprit, sort de la bouche de Jean :

      « Et au contraire… j’ai dormi. Je me suis endormi aussitôt ! Je ne me suis réveillé qu’en plein jour et je t’ai vu aller au ruisseau, te laver, revenir ici. J’ai alors compris qu’on aurait bien pu s’emparer de toi sans que je sois prêt à te secourir. Et puis je voulais faire pénitence et jeûner, mais je n’en ai pas été capable. Par petits morceaux, comme pour ne pas avaler, j’ai fini par manger le premier jour le peu de pain dont je disposais. Tu sais que je n’avais rien d’autre. Et je n’étais pas encore rassasié que j’avais déjà tout fini. Le lendemain, j’ai eu encore plus faim, et cette nuit… Ah ! la nuit dernière, j’ai peu dormi à cause de la faim et du froid, et cette nuit-ci je n’ai pas dormi du tout… et je n’ai pas su résister davantage ce matin… Je suis venu parce que j’ai eu peur de mourir d’épuisement… et c’est cela qui me peine le plus : n’avoir pas su veiller pour prier et te protéger, mais avoir su le faire sous les tiraillements de la faim… Je suis un serviteur imbécile et lâche. Punis-moi, Jésus !

      539.4 – Pauvre enfant ! Je voudrais que tout le monde ait à déplorer des fautes comme les tiennes ! Mais lève-toi et écoute-moi, alors la paix reviendra dans ton cœur. As-tu aussi désobéi à Simon-Pierre ?

      – Non, Maître. Je ne l’aurais jamais fait, puisque tu nous as demandé de lui rester soumis comme à un frère aîné. Mais quand je lui ai dit : “ Mon cœur n’est pas tranquille de le voir partir seul ”, il a répondu : “ Tu as raison. Mais moi, je ne peux partir puisque j’ai l’obligation de vous conduire. Toi, vas-y, et que Dieu soit avec toi. ” Les autres ont haussé la voix, et Judas plus que les autres. Ils ont rappelé l’obéissance et ont même fait des reproches à Simon-Pierre.

      – Ils ? Sois sincère, Jean.

      – C’est vrai, Maître. C’est Judas qui a fait des reproches à Simon et m’a assez maltraité. Les autres ont seulement dit : “ Le Maître nous a ordonné de rester ensemble. ” Et c’était à moi qu’ils le disaient, pas à notre chef. Mais Simon a répondu : “ Dieu voit l’intention de l’acte et il pardonnera. Le Maître pardonnera, car c’est de l’amour. ” Après m’avoir béni, il m’a embrassé et envoyé à ta suite, comme le jour que tu es allé avec Kouza sur l’autre rive du lac [2].

      – Eh bien, je n’ai pas à t’absoudre de cette faute…

      – Parce qu’elle est trop grave ?

      – Non : parce qu’elle n’existe pas. Reviens ici, Jean, à côté de ton Maître, et écoute sa leçon. Il faut savoir appliquer les ordres avec justice et discernement, en sachant comprendre l’esprit de l’ordre, et non seulement les mots qui le composent. J’ai demandé : “ Ne vous séparez pas. ” Tu t’es séparé de tes frères et par conséquent cela aurait pu être un péché. Mais auparavant je vous avais recommandé : “ Soyez unis de corps et d’esprit, et soumis à Pierre. ” Par ces paroles, je l’ai choisi comme mon légitime représentant parmi vous, avec pleine faculté de juger et de vous commander. Par conséquent, ce que Pierre a fait ou fera en mon absence sera bien. Puisque je l’ai investi du pouvoir de vous conduire, l’Esprit du Seigneur qui est en moi sera aussi avec lui, et il le guidera pour donner les ordres que les circonstances imposent et que la Sagesse suggérera à l’Apôtre chef, pour le bien de tous. Si Pierre t’avait dit : “ N’y va pas ” et si tu étais quand même venu, le bon mouvement de ton acte — vouloir me suivre par amour pour me défendre et être avec moi dans les dangers — n’aurait pas été suffisant pour annuler ta faute. Il aurait vraiment fallu mon pardon. Mais Pierre, ton Chef, t’a dit : “ Vas-y. ” L’obéissance envers lui te justifie complètement. Es-tu convaincu ?

      – Oui, Maître.

      539.5 – Dois-je t’absoudre de la faute de présomption ? Réponds-moi sans te demander si je vois ton cœur : as-tu présumé orgueilleusement de vouloir m’imiter pour pouvoir dire : “ Par ma volonté, j’ai aboli les nécessités de la chair, parce que je peux ce que je veux ” ? Réfléchis bien… »

      Jean réfléchit, puis il dit :

      « Non, Seigneur. En m’examinant bien, non, je n’ai pas agi pour cette raison. J’espérais pouvoir jeûner parce que j’ai compris que la pénitence est une souffrance pour la chair, mais une lumière pour l’esprit. J’ai compris que c’est un moyen de fortifier notre faiblesse et obtenir beaucoup de Dieu. Tu le fais pour cela, et c’est pour cela que je voulais le faire moi aussi. Et je crois ne pas me tromper en disant que si tu jeûnes, toi qui es fort, qui es puissant, saint, nous devrions toujours jeûner, si cela était possible, pour être moins faibles et moins matériels. Mais je n’ai pas réussi. J’ai toujours faim, moi, avec une grande envie de dormir… »

      Ses larmes recommencent à couler lentement, humblement, véritable aveu des limites des capacités de l’homme.

      « Eh bien, crois-tu que cette petite misère de la chair a été inutile ? Ah ! tu te la rappelleras à l’avenir, quand tu seras tenté d’être sévère, exigeant, envers tes disciples et tes fidèles ! Elle te reviendra à l’esprit pour te dire : “ Souviens-toi que, toi aussi, tu as cédé à la fatigue, à la faim. Ne demande pas aux autres d’être plus forts que toi. Sois un père pour tes fidèles comme ton Maître l’a été pour toi, ce matin-là. ” Tu aurais très bien pu veiller et ne pas sentir ensuite cette grande faim. Mais le Seigneur a permis que tu sois soumis à ces besoins de la chair pour te rendre humble, toujours plus humble, et plein de compassion pour tes semblables. 539.6 Beaucoup ne savent pas distinguer entre tentation et faute accomplie. La première est une épreuve qui donne du mérite et n’enlève pas la grâce, la seconde est une chute qui enlève le mérite et la grâce. D’autres ne savent pas distinguer entre événements naturels et fautes, et s’imaginent avoir péché alors que — et c’est ton cas — ils ont seulement obéi à des lois naturelles bonnes. En disant “ bonnes ”, je distingue les lois naturelles des instincts effrénés. Car dans ce qu’on appelle aujourd’hui “ lois naturelles ”, tout ne l’est pas, et tout n’est pas bon. Etaient bonnes toutes les lois attachées à la nature humaine que Dieu avait données aux premiers parents : le besoin de nourriture, de repos, de boisson. Puis, avec le péché, les instincts animaux ont pénétré et se sont mêlés aux lois naturelles, de même que les dérèglements, les sensualités de toutes espèces, souillant ce qui était bon, par manque de modération. Et Satan a entretenu le feu, fomenté les vices par ses tentations. Tu comprends maintenant que, si ce n’est pas un péché de céder au besoin de repos et de nourriture, c’en est un, en revanche, de faire bombance, de s’enivrer, de rester longtemps oisif. Même le besoin de s’unir et de procréer n’est pas un péché, au contraire Dieu a donné l’ordre de le faire pour peupler d’hommes la terre ; mais l’acte d’union pour la seule satisfaction des sens n’est pas bon. Es-tu convaincu aussi de cela ?

      – Oui, Maître. Mais donne-moi une précision : ceux qui ne veulent pas procréer pèchent-ils contre Dieu ? Tu disais un jour que l’état de virginité est bon.

      – C’est le plus parfait ; en cela, il est comparable à l’état d’une personne qui, non contente de faire bon usage des richesses, s’en dépouille radicalement. Ce sont des perfections auxquelles peuvent parvenir les créatures, et elles en seront grandement récompensées. Il y a trois perfections : la pauvreté volontaire, la chasteté perpétuelle, l’obéissance absolue en tout ce qui n’est pas péché. Elles rendent l’homme semblable aux anges. Et il en est une vraiment parfaite : donner sa vie par amour pour Dieu et ses frères. Cela rend la créature semblable à moi, parce qu’elle la porte à l’amour absolu. Et celui qui aime parfaitement est semblable à

      Dieu, il est absorbé en Dieu et ne fait qu’un avec lui. 539.7 Sois donc en paix, mon bien-aimé. Il n’y a aucune faute en toi, je te l’affirme. Pourquoi donc pleures-tu davantage ?

      – C’est qu’il y a toujours une faute : celle d’avoir su venir vers toi par besoin et d’avoir su veiller à cause de la faim, mais pas par amour. Je ne me le pardonnerai jamais, cela ne m’arrivera plus. Je ne dormirai plus pendant que tu souffres. Je ne t’oublierai jamais en dormant pendant que tu pleures.

      – N’engage pas l’avenir [3], Jean. Ta volonté est prête, mais elle pourrait encore être vaincue par la chair. Tu te sentirais alors profondément et inutilement humilié, si ensuite tu te souvenais de cette promesse que tu te serais faite à toi-même, sans avoir pu la tenir en raison de la fragilité de la chair. Ecoute : voici ce que tu dois dire pour être en paix, quoi qu’il t’arrive. Répète après moi : “ Avec l’aide de Dieu, je me propose, autant qu’il me sera possible, de ne plus céder aux pesanteurs de la chair. ” Et sois ferme. Si ensuite un jour, même sans le vouloir, la chair, épuisée et affligée, arrive à vaincre ta volonté, eh bien, tu diras comme maintenant : “ Je reconnais que je suis un pauvre homme comme tous mes frères, et que cela me serve pour rabaisser mon orgueil. ” Oh ! Jean ! Jean !

      Ce n’est pas ton sommeil innocent qui pourrait me peiner ! 539.8 Tiens, prends, cela va te réconforter tout à fait. Nous allons les partager en bénissant ceux qui me les ont offertes. »

      Il saisit les pommes maintenant cuites et toutes chaudes, en donne trois à Jean et en garde trois pour lui.

      « Qui te les a données, Seigneur ? Qui est venu te trouver ? Qui savait que tu étais ici ? Je n’ai entendu ni voix ni pas. Et pourtant, je n’ai pas cessé de veiller depuis la première nuit…

      – Je suis sorti au point du jour. Il y avait du bois devant l’entrée et, posés par-dessus, du pain, du fromage et des pommes. Je n’ai vu personne. Mais seuls certains hommes ont pu avoir le désir de répéter un pèlerinage et un geste d’amour… dit lentement Jésus.

      – C’est vrai ! Les bergers ! Ils l’avaient annoncé : “ Nous allons nous rendre dans la terre de David… Ce sont des jours de souvenir… ” Mais pourquoi ne se sont-ils pas arrêtés ?

      – Pourquoi ? Ils ont adoré et…

      – Et ils ont eu pitié. Ils t’ont adoré, toi, et ils ont eu pitié de moi… Ils sont meilleurs que nous.

      – Oui. Ils ont su garder leur volonté de faire le bien, et l’accroître. Pour eux, le don que Dieu leur a fait a été sans dommage… »

      Jésus ne sourit plus. Il réfléchit et devient triste. Puis il se secoue. Il regarde Jean qui l’examine, et reprend :

      « Eh bien ! Es-tu prêt à partir ? Tu n’es plus épuisé ?

      – Non, Maître. Je ne vais pas être très résistant, je crois, car j’ai les membres endoloris, mais je pense pouvoir marcher.

      – Dans ce cas, partons. Va prendre ton sac, pendant que je rassemble les restes dans le mien, et prenons la route. Nous allons nous diriger vers le Jourdain pour éviter Jérusalem. »

      Et au retour de Jean, ils s’éloignent sur le même chemin qu’à l’aller, à travers la campagne qui se réchauffe au doux soleil de décembre.
     



[1] Judas a prétexté de mauvaises nouvelles de sa mère pour rencontrer le complot synhédriste (Cf. EMV 535 / 7.232)

[2] Lors de l'invitation de Chouza, Intendant de Hérode, tout un clan de puissants s'était réuni pour faire couronner Jésus. Jean l'avait suivi à son insu. Cf. EMV 464 / 7.156

[3] Allusion au futur : les apôtres endormis durant l'agonie du Gethsémani.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-236.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/la-perfection-expliquee-a-jean.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 23 Mar - 23:18

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

540. Jean sera un “fils” pour la Mère de Jésus. Rencontre avec Manahen et leçon sur l’amour des animaux. Conclusion de la troisième année.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 237.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 540.

Le 16 décembre 1946

Mercredi 28 novembre 29
Vers Jéricho


      540.1 Dans une région qui se ressent déjà de la proximité de la mer Morte, ils se dirigent directement vers le nord-est, en dehors de toute piste. Si l’on ne tient pas compte de l’aspérité du terrain, rempli de pierres coupantes et de cristaux de sel, et couvert d’herbes basses et épineuses, la marche est bonne et surtout tranquille, car à perte de vue il n’y a pas âme qui vive, la température est douce et le terrain est sec.

      Ils conversent. Ils doivent avoir trouvé des bergers, les jours précédents, et avoir séjourné parmi eux, parce qu’ils en discutent. Ils parlent aussi d’un enfant guéri. Doucement, en s’aimant. Même quand ils se taisent, ils échangent avec le cœur, en se regardant avec les yeux de quelqu’un qui est heureux d’être avec un ami bien-aimé. Ils s’asseyent pour se reposer et prendre un peu de nourriture, puis se remettent en route, toujours avec cet air serein dont la seule vue donne la paix à mon cœur.

      « Voici Galgala » dit Jésus en montrant au loin un groupe de maisons qui reflètent leur blancheur au soleil, sur un monticule, au nord-est. « Désormais, nous nous approchons du fleuve.

      – Nous entrons à Galgala pour la nuit ?

      – Non, Jean. J’ai évité intentionnellement toute ville, et j’en ferai de même cette fois encore. Si nous trouvons quelque autre berger, nous irons avec lui. Si, près de la route que nous allons bientôt atteindre, nous rencontrons des caravanes sur le point de s’arrêter pour la nuit, nous demanderons à être accueillis sous leurs tentes. Les nomades du désert sont toujours hospitaliers, et nous sommes à l’époque où on les rencontre facilement. Si personne ne nous reçoit, nous dormirons à la belle étoile, unis tous les deux sous nos manteaux, et nous serons veillés par les anges.

      – Oh ! oui. Tout sera mieux que la nuit de tristesse que j’ai passée à Bethléem !

      – Mais pourquoi n’es-tu pas venu à moi tout de suite ?

      – Parce que je me sentais coupable. Je me disais aussi : “ Jésus est si bon que, loin de me gronder, il me consolera ”, comme ça a été le cas. Mais la pénitence que je voulais faire, où aurait-elle été possible ?

      – Nous l’aurions faite ensemble, Jean. Moi aussi, je suis resté sans nourriture et sans feu, malgré les aliments et le bois trouvés le matin.

      – Oui. Mais quand on est avec toi, plus rien ne compte. Quand je suis avec toi, je ne souffre plus de rien. Je te regarde, je t’écoute, et je suis tout à fait heureux.

      – Je le sais. Je sais aussi qu’en personne ma pensée ne s’imprime comme en mon Jean, et encore que tu sais comprendre et te taire quand il y a lieu. Tu me comprends, oui, parce que tu m’aimes. 540.2 Jean, écoute-moi. D’ici quelque temps…

      – Quoi, Seigneur ? l’interrompt aussitôt Jean en le saisissant par le bras et en l’arrêtant pour le regarder en face, avec des yeux effrayés et interrogateurs. Il est blême.

      – D’ici quelque temps, cela fera trois ans que j’évangélise [1]. Tout ce qu’il fallait annoncer aux foules, je l’ai annoncé. Désormais, celui qui veut m’aimer et me suivre a tous les éléments pour le faire avec assurance. Quant aux autres… Quelques-uns seront persuadés par les faits, la plupart resteront sourds, même devant ceux-ci. Mais à ces derniers, j’ai peu de choses à dire. Et je les dirai. Car il faut que non seulement la miséricorde, mais également la justice soient sauvegardées. Jusqu’à présent, la miséricorde s’est tue bien des fois et sur beaucoup de points. Néanmoins, avant de se taire pour toujours, le Maître s’exprimera aussi avec la sévérité d’un juge. Mais ce n’est pas de cela que je voulais te parler. Je veux te révéler que, sous peu, ayant dit au troupeau tout ce qui était nécessaire pour qu’il m’appartienne, je me recueillerai beaucoup pour prier et me préparer. Et quand je ne prierai pas, je me consacrerai à vous. J’agirai à la fin de la même manière qu’au début. Les femmes disciples viendront, et ma Mère également. Nous nous préparerons tous à la Pâque. Jean, je te demande dès maintenant de te consacrer beaucoup à ces disciples. A ma Mère, en particulier…

      – Mon Seigneur, mais que puis-je donner à ta Mère qu’elle ne possède déjà en surabondance et au point de pouvoir en déborder sur nous tous ?

      – Ton amour. Pense que tu es pour elle comme un second fils. Elle t’aime et tu l’aimes. Vous êtes unis par un même amour : celui que vous avez pour moi. Moi, son Fils selon la chair et le cœur, je serai toujours plus… absent, absorbé par mes… occupations. Et elle souffrira, parce qu’elle sait… elle sait ce qui va arriver. Tu dois aussi la consoler à ma place, devenir tellement son ami qu’elle puisse pleurer sur ton cœur et y trouver du réconfort. Ma Mère n’est pas une inconnue. Tu as déjà vécu avec elle. Mais c’est une chose de le faire comme un disciple qui éprouve un amour respectueux pour la Mère de son Maître, et autre chose de le faire en fils. Je veux que tu te comportes en fils pour qu’elle souffre un peu moins quand elle ne m’aura plus.

      540.3 – Seigneur, tu vas mourir ? Tu parles comme un homme sur le point de mourir ! Tu me rends triste…

      – Je vous ai annoncé plusieurs fois mon départ. C’est comme si je parlais à des enfants distraits ou qui n’arrivent pas à comprendre. Oui, je vais à la mort. Je le dirai aussi aux autres, mais plus tard. A toi, je le révèle dès maintenant. Souviens-t’en, Jean.

      – Je m’efforce de toujours me rappeler tes paroles… Mais celle-là est si douloureuse…

      – … que tu fais tout pour l’oublier, veux-tu dire ? Pauvre enfant ! Ce n’est pas toi qui oublies, toi qui te rappelles. Ce n’est pas ta volonté. C’est ton humanité même qui ne peut se souvenir de cette annonce trop importante pour qu’elle puisse la supporter. Or tu ne peux imaginer combien cette prédiction, qui t’étourdit comme une masse tombée de haut sur ta tête, concernera une réalité monstrueusement grande. Et pourtant, c’est ainsi : bientôt je vais aller à la mort et ma Mère restera seule. Je mourrai avec une goutte de douceur, dans mon océan de douleur, si je vois en toi un “ fils ” pour ma Mère…

      – Oh ! mon Seigneur ! Si j’en suis capable… s’il ne m’arrive pas la même chose qu’à Bethléem, oui, je le ferai. Je veillerai sur elle avec un cœur de fils. Mais que pourrai-je lui donner qui la console, si elle te perd, toi ? Que pourrai-je lui offrir, si moi aussi je suis comme quelqu’un qui a tout perdu, que la douleur abrutit ? Comment ferai-je, moi qui n’ai pas su veiller et souffrir maintenant, dans le calme, pendant une nuit et pour un peu de faim ? Comment ferai-je ?

      – Ne te trouble pas. Prie beaucoup en ce temps-ci. Je te garderai beaucoup avec moi et avec ma Mère. Jean, tu es notre paix, et tu le seras encore à ce moment-là. Ne crains rien, Jean. Ton amour fera tout.

      – Oh oui, Seigneur ! Garde-moi beaucoup avec toi. Moi, tu le sais, je ne tiens pas à paraître, à faire des miracles, je veux — et je sais — seulement aimer… »

      Jésus dépose encore un baiser sur son front du côté des tempes, comme dans la grotte…

      540.4 Ils arrivent en vue de la route qui mène au fleuve. On y voit des pèlerins pousser leurs montures ou hâter le pas pour parvenir, avant la nuit, à un endroit où ils puissent faire étape. Mais tous sont bien emmitouflés car, après le coucher du soleil, le froid se fait vif ; personne ne remarque les deux voyageurs qui se dirigent rapidement vers le fleuve.

      Un cavalier au trot soutenu, presque au galop, les rejoint et les dépasse. Quelques mètres plus loin, il doit s’arrêter à cause d’un encombrement d’ânes près d’un petit pont à cheval sur un gros ruisseau, qui veut se donner des airs de torrent et coule en écumant vers le Jourdain ou la mer Morte. Pendant qu’il attend son tour pour passer, le cavalier se retourne et a un geste de surprise. Il descend de sa selle et, tenant son cheval par les rênes, il revient sur ses pas vers Jésus et Jean, qui ne l’ont pas remarqué.

      « Maître ! Comment se fait-il que tu sois ici ? Et seul avec Jean » demande-t-il en rejetant en arrière les bords de son couvre-chef, qui étaient baissés sur son visage pour servir de capuchon et, pour ainsi dire, de masque pour le protéger du vent et de la poussière. Le visage brun et viril de Manahen apparaît.

      « Paix à toi, Manahen. Je vais vers le fleuve pour le traverser, mais je doute que je puisse le faire avant la nuit. Et toi, où allais-tu ?

      – Dans cette tanière répugnante qu’est Machéronte. Tu ne sais pas où passer la nuit ? Viens avec moi. Je me hâtais vers une auberge sur la route des caravanes. Ou, si tu préfères, je vais dresser la tente sous les arbres du fleuve. J’ai sur la selle tout ce qu’il faut.

      – Cela me plaît davantage. Mais toi, certainement, tu préférerais l’auberge.

      – C’est toi que je préfère, mon Seigneur. Je considère comme une grande grâce de t’avoir rencontré. Allons-y donc. Je connais les rives du fleuve comme si c’étaient les couloirs de ma maison. Au pied des coteaux de Galgala, il y a un bois à l’abri des vents, avec de l’herbe en abondance pour ma monture et du bois pour faire du feu. Nous y serons bien. »

      540.5 Quittant la route qui mène au gué ou à Jéricho, ils se dirigent rapidement vers l’orient et arrivent bientôt à la lisière d’un bois touffu qui descend des pentes du coteau et s’étend sur la plaine vers les rives.

      « Je fais un détour par la maison que voilà. On me connaît. Je vais demander du lait et de la paille pour tous » dit Manahen en s’en allant à cheval.

      Il revient vite, suivi de deux hommes qui portent des bottes de paille sur leurs épaules, ainsi qu’un petit seau de cuivre plein de lait.

      Ils entrent dans le sous-bois sans parler. Manahen fait jeter la paille par terre et congédie les deux hommes. Des poches de la selle, il sort de l’amadou, un allume-feu, puis fait une flambée des nombreuses branches qui traînent sur le sol. Le feu réjouit et revigore. Placé sur deux pierres apportées par Jean, le chaudron chauffe. Pendant ce temps, Manahen, après avoir enlevé la selle du cheval, monte la tente moelleuse de poil de chameau, en la liant à deux piquets enfoncés dans le sol et en l’appuyant au tronc robuste d’un arbre centenaire. Il étend sur l’herbe une peau de brebis qui était aussi attachée à l’arçon, y place la selle et dit :

      « Maître, viens. C’est un abri de cavalier du désert, mais il protège de la rosée et de l’humidité du sol. Pour nous, la paille suffira. Et je t’assure, Maître, que les tapis précieux et les baldaquins, les sièges du palais royal me semblent beaucoup moins beaux que ton trône, et que cette tente et cette paille ; de même, les plats succulents que j’ai dégustés plus d’une fois n’auraient jamais eu la saveur du lait et du pain que nous allons prendre ensemble là-dessous. Je suis heureux, Maître !

      – Moi aussi, Manahen, et Jean également, c’est certain. La Providence nous a réunis ce soir pour notre commune joie.

      – Ce soir, mais aussi demain, Maître, et après-demain, jusqu’à ce que je te sache en sûreté parmi tes apôtres. Je pense que tu vas les rejoindre…

      – Oui, je vais les retrouver. Ils m’attendent à la maison de Salomon. »

      540.6 Manahen le regarde, puis il dit :

      « Je suis passé par Jérusalem… Et j’ai été informé par Béthanie. J’ai compris pourquoi tu ne t’y étais pas arrêté. Tu fais bien de te retirer. Jérusalem est un corps rempli de poison et de pourriture, plus que le pauvre Lazare…

      – Tu l’as vu ?

      – Oui. Il était abattu par les tourments du corps et par ceux du cœur, pour toi. Il meurt très affligé… Mais je voudrais mourir moi aussi plutôt que de voir le péché de nos compatriotes.

      – La ville était-elle en pleine effervescence ? demande Jean, qui surveille le feu.

      – Tout à fait. Elle est divisée en deux partis. Et, chose étrange, les Romains ont fait preuve de clémence envers certains hommes, arrêtés pour sédition la veille. On murmure en secret que c’est pour ne pas augmenter l’agitation. On dit aussi que le Proconsul viendra bientôt à Jérusalem, plus tôt que prévu. J’ignore si ce sera un bien. Je sais qu’Hérode l’imitera sans doute, et ce sera sûrement avantageux pour moi, car je pourrai être près de toi. Avec un bon cheval — les écuries d'Hérode Antipas ont de rapides chevaux arabes —, ce sera vite fait d’aller de la ville au fleuve, si tu t’y arrêtes…

      – Oui, je m’y arrête. Pour l’instant, du moins… »

      Jean apporte le lait chaud dans lequel chacun trempe son pain, après que Jésus l’a offert et béni. Manahen offre des dattes, blondes comme du miel.

      « Mais où avais-tu tant de provisions ? s’étonne Jean.

      – La selle d’un cavalier est un petit marché, Jean. Il y a tout le nécessaire pour l’homme et sa monture » répond Manahen avec un franc sourire sur son visage brun. 540.7Il réfléchit un instant, puis il demande : « Maître, est-il permis d’aimer les animaux qui nous servent et qui, si souvent, le font avec plus de fidélité que l’homme ?

      – Pourquoi cette question ?

      – Parce que j’ai récemment essuyé des mépris et des reproches de la part de certains qui m’ont vu recouvrir d’une couverture — qui maintenant nous sert de tente — mon cheval tout en sueur après la course qu’il avait faite.

      – Et ils ne t’ont rien dit d’autre ? »

      Manahen, interdit, regarde Jésus… et se tait.

      « Parle avec sincérité. Ce n’est pas calomnier et ce n’est pas m’offenser de me rapporter ce qu’ils t’ont dit, pour lancer une nouvelle poignée de boue contre moi.

      – Maître, tu sais tout. Vraiment, tu sais tout et il est inutile de vouloir te cacher nos pensées ou celles des autres. Oui, ils ont ajouté : “ On voit bien que tu es un disciple de ce Samaritain ! Tu es un païen comme lui, qui viole même les sabbats pour se rendre impur en touchant des animaux impurs. ”

      – Ah ! c’était sûrement Ismaël ! s’écrie Jean.

      – Oui, et d’autres avec lui. J’ai répliqué : “ Je vous comprendrais si vous me traitiez d’impur parce que je vis à la cour d’Hérode Antipas, et non parce que je prends soin d’un animal créé par Dieu. ” Or il y avait aussi des hérodiens dans le groupe — il est facile d’en voir depuis quelque temps, ce qui est des plus étonnants, car auparavant, il y avait entre eux une brouille sérieuse. Ils m’ont répondu : “ Nous ne jugeons pas les actes d’Hérode, mais les tiens. Jean-Baptiste lui-même était à Machéronte, et il était en relation avec le roi. Mais il est toujours resté un juste. Toi, au contraire, tu es un idolâtre… ” Des passants s’attroupaient, et je me suis arrêté pour ne pas les exciter. Depuis quelque temps, cette excitation est entretenue par certains de tes faux fidèles qui les poussent à se révolter contre ceux qui s’opposent à toi, ou qui commettent des injustices en prétendant être tes disciples envoyés par toi…

      – Mais c’en est trop ! Maître ? Jusqu’où iront-ils ? s’inquiète Jean.

      – Pas au-delà de la limite que je leur ai fixée. Au-delà de cette limite, c’est moi seul qui m’avancerai ; la Lumière resplendira, et personne ne pourra plus douter que je suis le Fils de Dieu. 540.8 Mais venez ici auprès de moi et écoutez. Auparavant, alimentez le feu. »

      Les deux hommes se jettent avec joie sur l’épaisse peau de brebis étendue sur le sol sous les pieds de Jésus. Ce dernier est assis sur la selle écarlate contre la tente, adossée au tronc de l’arbre. Manahen est presque allongé, le coude appuyé sur le sol, la tête contre la main, les yeux dans les yeux de Jésus. Jean est assis sur les talons, la tête posée contre la poitrine de Jésus, qu’il entoure d’un bras dans sa position habituelle.

      « Après le septième jour de la Création, Dieu lui donna pour roi l’homme fait à son image et à sa ressemblance. Il montra à l’homme toutes les créatures, et il voulut que l’homme leur donne un nom pour les distinguer les unes des autres. Et on lit dans la Genèse que “ tout nom qu’Adam donna aux animaux était bon, c’était leur vrai nom. [2] ” Il y est aussi écrit que, ayant créé l’homme et la femme, Dieu dit : “ Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance pour qu’il soit le maître des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, des bêtes, et de toute la terre ainsi que des reptiles qui rampent sur elle. [3] ”

      Puis il créa une compagne pour Adam, la femme, faite comme lui à l’image et à la ressemblance de Dieu. Et comme il ne convenait pas que la Tentation aux aguets corrompe encore plus hideusement le mâle créé à l’image de Dieu, Dieu ordonna à l’homme et à la femme : “ Croissez, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel et de tous les animaux qui se meuvent sur la terre. [4] ” Et il ajouta : “ Je vous ai donné toutes les plantes qui font une semence sur la terre et tous les arbres qui ont en eux la semence de leur espèce pour qu’ils vous servent de nourriture ainsi qu’aux animaux de la terre, aux oiseaux du ciel et à tout ce qui se meut sur la terre et a en soi une âme vivante, pour qu’ils aient la vie. [5] ”

      Les animaux, les plantes et tout ce que Dieu a créé pour l’utilité de l’homme représentent donc un don d’amour et un patrimoine confié par le Père à la garde de ses enfants, afin qu’ils s’en servent dans leur intérêt et avec gratitude envers celui de qui vient toute providence. Il faut donc les aimer et prendre soin d’eux.

      Imaginez un fils auquel son père a donné vêtements, meubles, argent, champs et maisons en lui disant : “ Je te les remets pour toi-même et tes descendants, afin que vous ayez de quoi être heureux. Servez-vous-en avec amour, en mémoire de mon amour qui vous le donne. ” Que diriez-vous si ce fils ou ses descendants laissaient tout tomber en ruines ou dilapidaient ses biens ? Vous diriez qu’ils n’ont pas fait honneur à leur père ou ancêtre, qu’ils ne l’ont pas aimé, et ses dons non plus. Pareillement, l’homme doit prendre soin de ce que Dieu, dans sa providence, a mis à sa disposition.

      Prendre soin ne veut pas dire idolâtrer, ni montrer un attachement exagéré pour les animaux ou les plantes, ou quelque bel objet. Prendre soin veut dire éprouver un sentiment de pitié et de reconnaissance pour les biens de moindre importance qui nous servent et qui ont leur vie propre, c’est-à-dire leur sensibilité.

      540.9 L’âme vivante des créatures inférieures dont parle la Genèse n’est pas semblable à celle de l’homme. C’est la vie, simplement la vie : être sensible aux jouissances actuelles tant matérielles qu’affectives. Quand un animal est mort, il est insensible, car la mort, pour lui, c’est la vraie fin. Il n’y a pas d’avenir pour lui, mais tant qu’il est vivant, il souffre de la faim, du froid, de la fatigue, et il est vulnérable aux blessures, à la souffrance, à la jouissance, à l’amour, à la haine, à la maladie et à la mort. Et l’homme, en souvenir de Dieu qui lui a donné ce moyen pour rendre moins dur son exil sur la terre, doit se montrer humain envers ces serviteurs inférieurs que sont pour lui les bêtes. Dans le livre de Moïse, n’est-il pas prescrit d’avoir des sentiments de pitié même pour les animaux, tant volatiles que quadrupèdes ? [5a]

      En vérité, je vous dis qu’il faut savoir discerner avec justesse les œuvres du Créateur. Si on les regarde lucidement, on voit qu’elles sont “ bonnes ”. Et si tel est le cas, elles doivent être aimées. On voit qu’elles sont données pour une fin bonne et par un élan d’amour, et que comme telles nous pouvons, nous devons les aimer en reconnaissant, au-delà de la réalité finie, l’Etre infini qui les a créées pour nous. On voit qu’elles sont utiles et que, comme telles, elles doivent être aimées. Rien, rappelez-le-vous bien, n’a été fait sans but dans l’univers. Dieu ne perd pas sa parfaite puissance en des inutilités. Ce brin d’herbe n’est pas moins utile que le tronc puissant auquel s’appuie notre asile temporaire. La goutte de rosée, la petite perle de givre ne sont pas moins utiles que l’immense mer. Le moucheron n’est pas moins utile que l’éléphant, et le ver qui vit dans la boue n’est pas moins utile que la baleine. Il n’y a rien d’inutile dans la Création. Dieu a tout fait dans un bon but : par amour pour l’homme. L’homme doit user de tout avec une intention droite et avec amour pour Dieu, qui lui a donné tout ce qui existe sur la terre, pour que ce soit soumis au roi de la Création.

      540.10 Tu as dit, Manahen, que l’animal sert souvent mieux les hommes que les hommes eux-mêmes. J’affirme, moi, que les animaux, les plantes, les minéraux, les éléments sont tous supérieurs à l’homme dans le domaine de l’obéissance, que ce soit en se conformant passivement aux lois de la Création, en suivant activement l’instinct qu’a mis en eux le Créateur, ou en se prêtant à la domestication dans le but pour lequel ils ont été créés. L’homme, qui devrait être la perle de la Création, en est trop souvent la laideur. Il devrait être la note qui répond le mieux au chœur des êtres célestes pour louer Dieu, au lieu de quoi il est trop souvent la note discordante qui lance des imprécations ou des blasphèmes, se révolte, ou dédie son chant à un éloge de la créature au lieu de l’adresser au Créateur. Ce qui est de l’idolâtrie, donc une offense, une souillure. Et cela, c’est le péché.

      Sois donc en paix, Manahen. Ta pitié pour un cheval trempé de sueur après t’avoir servi, n’est pas un péché. Le péché, ce sont les larmes que l’on fait verser à ses semblables et les amours effrénées qui constituent une offense envers Dieu, alors qu’il est digne, lui, de tout l’amour de l’homme.

      – Mais, en restant près d’Hérode Antipas, est-ce que je pèche ?

      – Dans quel but y restes-tu ? Par plaisir ?

      – Non, Maître. Pour veiller sur toi : tu le sais. J’y vais actuellement pour cette même raison, car je sais qu’ils ont envoyé des messagers à Hérode pour l’exciter contre toi.

      – Alors, il n’y a pas de péché. Ne préférerais-tu pas rester avec moi, dans ma pauvreté de vie ?

      – Pourquoi me poser cette question ? Je l’ai dit au début. Cette nuit sous la tente et la pauvre nourriture que nous avons mangée sont incomparables pour moi. Ah ! c’est bien parce que, pour écouter les sifflements des serpents, il faut rester près de leur tanière, sinon je resterais avec toi ! J’ai compris la vérité de ta mission. Je me suis trompé à un moment [6], mais cela m’a servi à comprendre, et je ne sortirai plus de la justice.

      – Tu vois ! Il n’y a rien d’inutile. Pour celui qui tend au bien, même l’erreur sert au bien. L’erreur tombe comme l’enveloppe d’une chrysalide, et voilà que sort le papillon qui n’est pas difforme, qui ne sent pas mauvais, qui ne rampe pas, mais qui volette à la recherche des calices de fleurs et des rayons de lumière. Ainsi sont les âmes bonnes. Elles peuvent se laisser, pour un moment, envelopper par les misères et les difficultés mortifiantes, mais ensuite elles s’en dégagent et volent de fleur en fleur, de vertu en vertu, vers la Lumière, vers la Perfection. Louons le Seigneur pour ses œuvres de continuelle miséricorde, qui agissent même à l’insu de l’homme dans son cœur et autour de lui. »

      540.11 Jésus prie, à genoux, car la tente, basse et étroite, ne permet pas d’autre position. Puis, après avoir alimenté le feu devant la tente et attaché le cheval, ils se préparent au repos, se promettant de veiller à tour de rôle sur le feu et l’animal, sur lequel Manahen a étalé la lourde toison pour lui servir de couverture et le protéger de la fraîcheur de la nuit.

      Jésus et Manahen se jettent sur la litière de paille et s’enveloppent dans leurs manteaux pour dormir. Jean, craignant d’être pris par le sommeil, fait les cent pas dehors pour nourrir le feu et surveiller le cheval. Celui-ci le regarde d’un œil noir intelligent et bat le sol en mesure avec son sabot en secouant la tête, faisant tinter les chaînettes d’argent de son harnachement ; il broute les tiges aromatiques de fenouil sauvage qui ont poussé au pied de l’arbre auquel il est attaché. Et comme Jean lui en offre de plus belles, aperçues un peu plus loin, il hennit de plaisir et cherche à frotter ses naseaux doux et rosés contre le cou de l’apôtre.

      Au loin, dans le grand silence de la nuit, on entend le paisible murmure du fleuve.


Enseignement de Jésus à Maria Valtorta



      540.12 Jésus dit :

      « A son tour, la troisième année de vie publique prend fin. Maintenant arrive la période préparatoire à la Passion, celle où tout semble se borner à un petit nombre d’actions et à quelques personnes. C’est comme si ma figure et ma mission s’estompaient. En réalité, Celui qui paraissait vaincu et écrasé était le héros, qui se préparait à l’apothéose. Et autour de lui, ce n’étaient pas les personnes, mais leurs passions qui se concentraient et se portaient à leurs limites extrêmes.

      Tout ce qui a précédé et qui, pour certains épisodes, a pu paraître sans but à des lecteurs mal disposés ou superficiels, s’éclaire ici d’une lumière sombre ou resplendissante, en particulier les figures les plus importantes, celles que beaucoup ne veulent pas reconnaître comme étant incontournables, justement parce qu’il s’y trouve des leçons pour les maîtres de maintenant : car ceux-ci ont, plus que jamais, besoin d’être instruits pour devenir de vrais maîtres spirituels. Comme je l’ai dit à Jean et à Manahen, rien n’est inutile de ce que Dieu fait, pas même un petit brin d’herbe. Ainsi, il n’est rien de superflu dans cette œuvre, ni les figures resplendissantes ni celles qui sont faibles et ténébreuses. Au contraire, pour les maîtres de l’esprit, ces dernières sont d’une plus grande utilité que les figures bien dessinées et héroïques.

      Du sommet d’une montagne, on peut embrasser toute la configuration des monts et la raison d’être des bois, des torrents, des prés et des pentes, pour passer de la plaine au sommet, d’où l’œil étreint toute la beauté du panorama. Nous en sommes mieux qu’ailleurs persuadés que les œuvres de Dieu sont toutes utiles et superbes, que l’une sert et complète l’autre et que toutes concourent à la formation de la splendeur de la Création.

      De la même façon, pour celui qui a l’esprit droit, la diversité des figures, des épisodes, des leçons, de ces trois années de vie évangélique, contemplées comme du haut du sommet de mon œuvre de Maître, servent à donner la vision exacte de ce complexe ensemble politique, religieux, social, collectif, spirituel, égoïste jusqu’au crime ou altruiste jusqu’au sacrifice, où je fus un Maître et où je suis devenu Rédempteur. Le caractère grandiose du drame n’apparaît pas en une seule scène, mais dans toutes. La figure de l’acteur principal émerge des lumières diverses dont l’éclairent les parties secondaires.

      Désormais près du sommet — le sacrifice pour lequel je m’étais incarné, une fois dévoilés tous les replis secrets des cœurs et toutes les menées des sectes —, il n’y a qu’à faire comme le voyageur arrivé tout en haut : regarder, contempler toutes choses et tous les gens. Connaître le monde hébraïque. Connaître ce que j’étais : l’Homme au-dessus des sens, de l’égoïsme, de la rancœur, l’Homme qui a dû être tenté, par tout un monde, par la vengeance, le pouvoir, même les joies honnêtes du mariage et du foyer, qui a dû tout supporter pour vivre au contact du monde et en souffrir — car infinie était la distance entre l’imperfection et le péché du monde et ma perfection — et qui, à toutes les voix, à toutes les séductions, à toutes les réactions du monde, de Satan et du “ moi ”, a su répondre : “ Non ”, et rester pur, doux, fidèle, miséricordieux, humble, obéissant, jusqu’à la mort sur la Croix.

      540.13 Comprendra-t-elle tout cela, la société d’aujourd’hui à qui je me fais connaître moi-même pour la rendre forte contre les assauts de plus en plus violents de Satan et du monde ?

      Actuellement comme il y a vingt siècles, la contradiction s’installera parmi ceux pour qui je me révèle. Encore une fois, je suis un signe de contradiction. Mais non pas moi en tant que tel, mais en raison de ce que je suscite en eux. Les bons, les hommes de bonne volonté, auront la réaction des bergers et des humbles. Les autres auront des réactions mauvaises comme les scribes, les pharisiens, les sadducéens et les prêtres de ce temps. Chacun donne ce qu’il a. Le bon qui vient au contact des mauvais déchaîne en eux un bouillonnement de plus grande perversité. Et le jugement sera déjà fait pour les hommes, comme il le fut le vendredi de la Pa­rascève, d’après la manière dont ils auront jugé, accepté et suivi le Maître qui, dans une nouvelle tentative d’infinie miséricorde, s’est fait connaître une fois encore.

      A ceux qui ouvriront les yeux, me reconnaîtront et diront :

      “ C’est lui ! Etait-ce pour cela que notre cœur brûlait dans notre poitrine pendant qu’il nous parlait et nous expliquait les Ecritures ? ”[6] .

      A eux et à toi, fidèle, affectueux petit Jean, je donne ma paix. »



[1] Jésus est parti de Nazareth pour sa Vie Publique, le dimanche 13 décembre 26 (14 Tébeth). Cf. EMV 44 / 2.1

[2] Genèse 2,19-20

[3] Genèse 1,26

[4] Genèse 1,28

[5] Genèse 1,29-30

[5a] prescrit : par exemple en Dt 22, 1-4, 6-7. Le discours sur la Création fait écho à Gn 1-2.

[6] Il s'est mêlé au complot visant à couronner Jésus (EMV 464 / 7.156)

[7] Luc 24,32




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-237.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/lecon-sur-l-amour-des-animaux.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 24 Mar - 20:09

Bonjour à tous,

Ce soir, je mets deux chapitres de l’Evangile tel qu’il m’a été révélé.

En effet, je trouve que ça vaut la peine de les mettre ensemble. Ces épisodes mettent tristement en scène les pharisiens et leurs langues de serpent…

Bonne lecture à tous,
Anayel

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

Préparation à la Passion de Jésus

541. Les juifs en visite chez Lazare

Ancienne édition : Tome 8, chapitre 1.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 541.

Le 18 décembre 1946

Mardi 18 décembre 29
Béthanie


      541.1 Chevauchant des montures de luxe, un groupe important de juifs pompeux arrive à Béthanie. Il s’agit de scribes et de pharisiens, sans compter quelques sadducéens et hérodiens, que j’ai déjà vus une autre fois, si je ne me trompe au banquet de Kouza, lorsqu’ils ont tenté Jésus pour qu’il se proclame roi [1]. Ils sont suivis de serviteurs à pied.

      Le cortège traverse lentement la petite ville, et le bruit des sabots sur le terrain durci, le tintement des harnachements, les voix des hommes attirent hors de chez eux les habitants qui regardent, et, avec une frayeur visible, s’inclinent en salutations profondes pour ensuite se redresser et se réunir en groupes volubiles.

      « Vous avez vu ?

      – Tous les membres du Sanhédrin de Jérusalem !

      – Non : Joseph l’Ancien, Nicodème et d’autres n’étaient pas là.

      – Il y avait même les pharisiens les plus connus.

      – Et les scribes.

      – Et celui qui était à cheval, qui était-ce ?

      – Ils vont sûrement chez Lazare.

      – Il doit être près de sa fin.

      – Je n’arrive pas à comprendre pourquoi le Rabbi est absent.

      – Comment pourrait-il en être autrement, puisque ceux de Jérusalem le cherchent pour le faire mourir ?

      – Tu as raison. Qui plus est, ces serpents viennent certainement pour voir si le Rabbi est ici.

      – Dieu soit loué, il n’y est pas !

      541.2 – Sais-tu ce qu’ils ont raconté à mon mari, au marché de Jérusalem ? Qu’il fallait nous tenir prêts, que Jésus va bientôt se proclamer roi et que nous devrons tous l’aider à faire… Comment se sont-ils exprimés ? Ils ont employé un mot qui revenait à dire… bref, comme si, moi, j’annonçais que je renvoie tout le monde de la maison pour devenir la maîtresse.

      – Un complot ?… Une conjuration ?… Une révolte ?… » suggèrent-ils.

      Un homme intervient :

      « Oui, ils m’en ont parlé à moi aussi. Mais je n’y crois pas.

      – Mais ce sont des disciples du Rabbi qui l’affirment !

      – Ouais ! Que le Rabbi agisse avec violence et destitue le Tétrarque pour usurper un trône qui, avec justice ou non, appartient aux hérodiens, je ne le crois pas. Tu ferais bien de conseiller à Joachim de ne pas écouter tous ces bruits…

      – Mais sais-tu que celui qui l’aidera sera récompensé sur la terre et au Ciel ? Moi, je serais bien contente que mon mari le soit. Avec notre ribambelle d’enfants, la vie est difficile. Si on pouvait avoir une place parmi les serviteurs du Roi d’Israël !

      – Ecoute, Rachel, moi je pense qu’il vaut mieux que je garde mon jardin et mes dattiers. Si c’est lui qui me le demandait, alors je laisserais tout pour le suivre. Mais de tels propos tenus par d’autres que lui !

      – Mais ce sont ses disciples !

      – Je ne les ai jamais vus avec lui, et d’ailleurs… Non. Ils se font passer pour des agneaux, mais ils ont certaines tronches de bandits qui ne me persuadent pas.

      – C’est vrai. 541.3 Depuis quelque temps, il circule des bruits étranges et on dit toujours que ce sont des disciples du Rabbi qui en sont les auteurs. Le dernier date d’avant le sabbat. Certains d’entre eux ont malmené une femme qui portait des œufs au marché, et ils lui ont dit : “ Nous les voulons au nom du Rabbi galiléen. ”

      – Tu crois qu’il pourrait vouloir cela, lui qui donne et ne prend pas ? Lui qui pourrait vivre parmi les riches et préfère rester au milieu des pauvres, et donner son manteau, comme le racontait à tout le monde cette lépreuse guérie qu’a rencontrée Jacob ? »

      Un autre homme, qui s’est joint au groupe et qui a écouté, prend la parole :

      « Tu as raison. Et cette autre rumeur qu’on colporte, alors ? Que le Rabbi provoquera sur nous de grands malheurs, sous prétexte qu’il a excité les foules et que les Romains nous puniront tous ? Vous y croyez, vous ? Moi, je ne me trompe pas, car je suis vieux et sage ; or je dis que ceux qui nous annoncent, à nous pauvres gens, que le Rabbi entend prendre le trône par la violence et même chasser les Romains — s’il pouvait en être ainsi ! si c’était possible ! —, aussi bien que ceux qui commettent des violences en son nom, ou encore ceux qui poussent à la révolte en promettant des avantages pour l’avenir, sans oublier ceux qui voudraient faire haïr le Rabbi en tant qu’individu dangereux qui amènera des malheurs, je dis que tous sont des ennemis du Rabbi, et qu’ils cherchent sa ruine pour triompher à sa place. N’y croyez pas ! Ne croyez pas aux faux amis des pauvres gens ! Voyez comme ils sont passés orgueilleusement devant nous ! Pour un peu, ils allaient me donner une volée de coups de bâtons parce que je mettais du temps à faire rentrer les brebis et que je gênais leur marche… Nos amis, ceux-là ? Jamais de la vie ! Ce sont nos vampires et — que le Seigneur ne le veuille pas ! — des vampires pour lui aussi.

      541.4 – Toi, qui te trouves près des champs de Lazare, sais-tu s’il est mort ?

      – Non, il n’est pas mort. Il est entre la vie et la mort… J’ai demandé des nouvelles de lui à Sarah, qui cueillait des feuilles de plantes aromatiques pour les lavages.

      – Dans ce cas, pourquoi sont-ils tous venus ?

      – Bah ! Ils ont tourné autour de la maison, sur l’arrière, sur les côtés, autour de l’autre maison du lépreux, puis ils sont partis vers Bethléem.

      – Je vous l’avais bien dit, moi ! Ils sont venus voir si le Rabbi était là ! Pour lui nuire. Sais-tu ce que c’était pour eux de pouvoir lui faire du mal ? Et justement dans la maison de Lazare ? Dis donc, Nathan : cet hérodien n’était-il pas l’ancien amant de Marie, fille de Théophile ?

      – C’était bien lui. Il voulait peut-être se venger, de cette façon, sur Marie… »

      Un jeune garçon arrive en courant. Il crie :

      « Il y a plein de monde dans la maison de Lazare ! Je venais du ruisseau avec Lévi, Marc et Isaïe, et nous avons vu. Les serviteurs ont ouvert le portail et pris les montures, Maximin est accouru à la rencontre des juifs et d’autres sont arrivés en faisant de grandes courbettes. Marthe et Marie sont sorties de la maison avec leurs servantes pour les saluer. On voulait en voir davantage, mais ils ont fermé le portail et tous sont entrés dans la maison. »

      L’enfant est tout agité à cause des nouvelles qu’il apporte et de ce qu’il a vu…

      Les adultes en parlent entre eux.



 [1] Cf. EMV 464.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-001.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/les-juifs-en-visite-chez-lazare.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 24 Mar - 20:25

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

542. Les juifs chez Lazare

Ancienne édition : Tome 8, chapitre 2.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 542.

Le 19 décembre 1946

Mardi 18 décembre 29
Béthanie


      542.1 Bien que brisée par la douleur et la fatigue, Marthe est toujours la maîtresse de maison qui sait accueillir et recevoir, et elle fait honneur à chacun avec une distinction parfaite. Ainsi, après avoir conduit tout ce petit monde dans une des salles, elle donne des ordres pour que l’on apporte les rafraîchissements d’usage et que ses hôtes aient tout le confort nécessaire.

      Les serviteurs circulent, mélangeant des boissons chaudes ou des vins précieux et offrant des fruits magnifiques, des dattes blondes comme la topaze, des raisins secs — quelque chose qui ressemble à nos raisins de Damas, dont les grappes sont d’une perfection fantastique —, du miel filant, le tout dans des amphores, des coupes, des plats, des plateaux de grand prix. Et Marthe veille attentivement à ce que personne ne soit laissé de côté ; elle va jusqu’à contrôler ce que les serviteurs offrent à chacun, en fonction de l’âge et peut-être des individus dont les goûts lui sont connus. C’est ainsi qu’elle arrête un serviteur qui se dirigeait vers Elchias avec une amphore remplie de vin et une coupe, pour lui dire : “ Tobie, pas de vin, mais de l’eau de miel et du jus de dattes. ” Et à un autre : “ Jean préférera sûrement du vin. [1] Offre-lui le vin blanc de raisin sec. ” Elle se charge elle-même de présenter au vieux scribe Chanania du lait chaud abondamment sucré avec du miel blond en disant :

      « Ce sera bon pour ta toux. Tu t’es sacrifié pour venir, souffrant comme tu l’es, de plus par ce temps froid. 542.2 Je suis émue de vous voir si prévenants.

      – C’est notre devoir, Marthe. Euchérie était de notre race [2], une vraie juive qui nous a tous honorés.

      – L’honneur fait à la mémoire vénérée de ma mère me touche au fond du cœur. Je répéterai à Lazare ces paroles.

      – Mais nous voulons le saluer, un si bon ami ! lance, faux comme toujours, Elchias qui s’est approché.

      – Le saluer ? Ce n’est pas possible. Il est trop épuisé.

      – Nous ne le dérangerons pas, n’est-ce pas, vous tous ? Il nous suffit d’un adieu du seuil de sa chambre, intervient Félix.

      – Vraiment, je ne le peux pas. Nicomède, le médecin, s’oppose à toute fatigue et à toute émotion.

      – Un regard à l’ami mourant ne peut le tuer, Marthe, dit Ben Calba Scheboua. Nous aurions trop de peine de ne pas l’avoir salué ! »

      Marthe est soucieuse, hésitante. Elle regarde vers la porte, peut-être pour voir si Marie vient à son aide. Mais Marie est absente.

      Les juifs remarquent son inquiétude et Sadoq, le scribe, le fait remarquer à Marthe :

      « On dirait que notre venue te trouble, femme.

      – Non, non, pas du tout. Comprenez ma douleur. Cela fait des mois que je vis auprès d’un mourant et… je ne sais plus… je ne sais plus me comporter comme autrefois aux fêtes…

      – Oh ! ce n’est pas une fête ! dit Elchias. Nous ne voulions même pas pour nous tant d’honneurs ! Mais peut-être… Peut-être veux-tu nous cacher quelque chose, et c’est pour cela que tu ne nous montres pas Lazare et que tu nous interdis sa chambre. Hé ! Hé ! On sait bien ! Mais n’aie pas peur ! La chambre d’un malade est un asile sacré pour quiconque, crois-le bien !

      542.3 – Il n’y a rien à cacher dans la chambre de notre frère. Il n’y a rien de caché. Elle n’accueille qu’un mourant auquel la simple pitié demande qu’on épargne tout souvenir pénible. Or toi, Elchias, et vous tous, vous êtes pour Lazare des souvenirs pénibles, dit Marie de sa splendide voix d’orgue, en apparaissant sur le seuil, sa main tenant écarté le rideau pourpre.

      – Marie ! gémit Marthe, suppliante, pour l’arrêter.

      – Non, ma sœur, laisse-moi parler… » Elle s’adresse aux autres : « Et pour vous retirer tout doute, que l’un de vous — ce sera un seul souvenir du passé qui revient pour l’affliger — m’accompagne, si la vue d’un mourant ne le dégoûte pas et si la puanteur de la chair qui meurt ne lui donne pas la nausée.

      – Et toi, tu n’es pas un souvenir affligeant ? » lance ironiquement l’hérodien, que j’ai déjà vu je ne sais où, en quittant son coin pour venir en face de Marie [3].

      Marthe pousse un gémissement. Marie a le regard d’un aigle menacé. Ses yeux lancent des éclairs. Elle se redresse, hautaine, oubliant la fatigue et la douleur qui la courbaient, et avec l’expression d’une reine offensée, elle rétorque :

      « Oui, moi aussi je suis un souvenir. Mais non pas de douleur, comme tu dis. Je suis le souvenir de la miséricorde de Dieu. Et en me voyant, Lazare meurt en paix, car il sait qu’il remet son esprit entre les mains de l’infinie Miséricorde.

      – Ha ! Ha ! Ha ! Ce n’était pas ainsi que tu parlais autrefois ! Ta vertu ! Tu pourrais la mettre bien en vue de celui qui ne te connaît pas…

      – Mais pas sous tes yeux, n’est-ce pas ? Au contraire, je la mets justement sous tes yeux, pour te prouver que l’on devient comme ceux que l’on fréquente. Autrefois, malheureusement, je te fréquentais, et j’étais comme toi. Maintenant, je fréquente le Saint et je deviens honnête.

      – Une chose détruite ne se reconstruit pas, Marie.

      – En effet le passé — c’est-à-dire toi, vous tous —, vous ne pouvez plus le reconstruire. Vous ne pouvez pas reconstruire ce que vous avez détruit. Pas toi qui m’inspires du dégoût, pas vous qui au temps de la douleur avez offensé mon frère, et qui maintenant, dans un but pas bien clair, voulez montrer que vous êtes ses amis.

      – Tu es bien audacieuse, femme ! Le Rabbi t’aura peut-être chassé plusieurs démons, mais il ne t’a pas rendue douce ! dit un homme d’environ quarante ans.

      – Non, Jonathas, fils d’Hanne. Il ne m’a pas rendue faible, mais forte de l’audace d’une personne honnête, qui a voulu le redevenir et qui a rompu tout lien avec le passé pour se faire une nouvelle vie. 542.4 Allons ! Lequel vient voir Lazare ? »

      Elle est impérieuse comme une reine, elle les domine tous par sa franchise, impitoyable jusque contre elle-même. Marthe, au contraire, est angoissée, elle a les larmes aux yeux, elle regarde fixement Marie d’un air suppliant pour qu’elle se taise.

      « Moi, je viens ! » dit avec un soupir de victime Elchias, faux comme un serpent.

      Ils sortent ensemble. Les autres s’adressent à Marthe :

      « Ta sœur !… Toujours ce sale caractère… Elle ne devrait pas… Elle a tant à se faire pardonner ! » s’exclame Uriel, le rabbi vu à Giscala, celui qui a frappé d’une pierre Jésus [4].

      Blessée par ces mots, Marthe retrouve sa force et lance :

      « Dieu lui a pardonné ! Tout autre pardon est sans valeur après celui-là. Et sa vie actuelle est un exemple pour le monde. »

      Mais l’audace de Marthe a vite fait de tomber et fait place aux larmes. Elle pleure en gémissant :

      « Vous êtes cruels ! Envers elle… et envers moi… Vous n’avez pitié ni de la douleur passée, ni de la douleur actuelle. Pourquoi êtes-vous venus ? Pour offenser et faire souffrir ?

      – Non, femme. Non. Uniquement pour saluer un grand juif qui meurt. Pour nulle autre raison, sois-en sûre ! Il ne faut pas mal interpréter nos intentions, qui sont droites. Nous avons appris, par Joseph et Nicodème, l’aggravation de l’état de Lazare, et nous sommes venus… comme eux, les deux grands amis du Rabbi et de Lazare. Pourquoi voulez-vous nous traiter différemment, nous qui aimons comme eux le Rabbi et Lazare ? Vous n’êtes pas justes. Peux-tu donc soutenir qu’eux, ainsi que Jean, Eléazar, Philippe, Josué et Joachim, ne sont pas venus prendre des nouvelles de Lazare, et que Manahen lui-même n’est pas venu ?…

      – Je ne soutiens rien, mais je m’étonne que vous soyez aussi bien informés de tout. Je ne pensais pas que même l’intérieur des maisons était surveillé par vous. Je ne savais pas qu’il existait un précepte nouveau en plus des six cent treize : celui d’enquêter, d’épier l’intimité des familles… 542.5 Oh ! excusez-moi ! Je vous offense ! La douleur m’affole et vous l’exaspérez.

      – Nous te comprenons, femme ! Et c’est parce que nous avons pensé que vous étiez affolées que nous sommes venus vous donner un bon conseil : envoyez chercher le Maître. Même hier sept lépreux [5] sont venus louer le Seigneur parce que le Rabbi les a guéris. Appelez-le aussi pour Lazare.

      – Mon frère n’est pas lépreux, s’écrie Marthe, bouleversée. C’est pour cela que vous avez voulu le voir ? C’est pour cela que vous êtes venus ? Non, il n’est pas lépreux ! Regardez mes mains ! Je le soigne depuis des années et il n’y a pas de lèpre sur moi. J’ai la peau rougie par les aromates, mais je n’ai pas de lèpre. Je ne…

      – Du calme, femme, du calme ! Qui prétend que Lazare est lépreux ? Et qui vous soupçonne d’un péché aussi horrible que celui de cacher un lépreux ? Et crois-tu que, malgré votre puissance [6], nous ne vous aurions pas frappés si vous aviez péché ? Nous sommes capables de passer jusque sur le corps d’un père et d’une mère, d’une épouse et des enfants, afin de faire respecter les préceptes. Je te l’affirme, moi, Jonathas, fils d’Uziel.

      – Mais certainement ! C’est exact ! » intervient Archélaüs. « Et maintenant, poussés par le bien que nous te voulons, l’amour que nous avions pour ta mère, et celui que nous avons pour Lazare, nous te recommandons d’appeler le Maître. Tu secoues la tête ? Veux-tu dire que désormais c’est trop tard ? Comment ? Tu n’as pas foi en lui, toi, Marthe, disciple fidèle ? C’est grave! Commencerais-tu, toi aussi, à douter ?

      – Tu blasphèmes, scribe. Moi, je crois au Maître comme au Dieu vrai.

      – Alors, pourquoi ne veux-tu pas essayer ? Il a ressuscité les morts… Du moins, c’est ce qu’on prétend… Peut-être ne sais-tu pas où il se trouve ? Si tu veux, nous allons le chercher, nous allons t’aider, insinue Félix.

      – Mais non ! » s’exclame Sadoq pour l’éprouver. « Dans la maison de Lazare on sait sûrement où est le Rabbi. Dis-le franchement, femme, nous partirons à sa recherche et nous te l’amènerons, et nous serons présents au miracle pour nous en réjouir avec toi, avec vous tous. »

      Marthe est hésitante, presque tentée de céder. Les autres la pressent tant qu’elle confie :

      « Je ne sais pas où il se trouve… Je ne le sais vraiment pas… Il est parti il y a plusieurs jours, et il nous a saluées comme quelqu’un qui part pour longtemps… Ce serait un réconfort pour moi de savoir où il est… Au moins de le savoir… Mais je ne le sais pas, en vérité…

      – Pauvre femme ! Mais nous t’aiderons… Nous te l’amènerons, propose Cornélius.

      542.6 – Non ! Il ne faut pas. Le Maître… c’est de lui que vous parlez, n’est-ce pas ? Le Maître a dit que nous devons espérer au-delà de ce qu’il est possible d’espérer, et en Dieu seul [7]. C’est ce que nous allons faire » tonne Marie, qui revient avec Elchias.

      Celui-ci la quitte aussitôt et se penche pour parler avec trois pharisiens.

      « Mais il meurt, à ce que j’entends raconter ! dit l’un de ces trois, qui est Doras.

      – Et alors ? Qu’il meure ! Je ne m’opposerai pas au décret de Dieu et je ne désobéirai pas au Rabbi.

      – Et que veux-tu espérer au-delà de la mort, espèce de folle ? persifle l’hérodien.

      – Quoi ? Mais la Vie ! »

      C’est un cri de foi absolue.

      « La vie ? Ha ! Ha ! Sois sincère. Tu sais que devant une mort véritable son pouvoir est nul, et dans ton stupide amour pour lui, tu ne veux pas que cela paraisse.

      – Sortez tous ! Ce serait à Marthe de le dire, mais elle a peur de vous. Moi, je crains seulement d’offenser Dieu qui m’a pardonné, et je le fais donc à la place de Marthe. Sortez tous ! Il n’y a pas de place dans cette maison pour ceux qui haïssent Jésus-Christ. Dehors ! Rentrez dans vos tanières ténébreuses ! Dehors, tous ! Ou je vous ferai chasser par les serviteurs comme un troupeau de gueux immondes. »

      Dans sa colère, elle est imposante. Lâches à l’extrême, les juifs s’esquivent devant cette femme. Il est vrai qu’elle ressemble à un archange irrité…

      La salle se désencombre et les regards de Marie, à mesure qu’ils franchissent le seuil un par un en passant devant elle, créent une immatérielle fourche Caudine [8] sous laquelle doit s’abaisser l’orgueil des juifs vaincus. Enfin, la pièce est vide.

      542.7 Marthe s’écrase sur le tapis et éclate en sanglots.

      « Pourquoi pleures-tu, ma sœur ? Je n’en vois pas la raison…

      – Oh ! tu les as offensés… et eux t’ont offensée, nous ont offensées… Maintenant, ils vont se venger… et…

      – Mais tais-toi, sotte femmelette ! Sur qui veux-tu qu’ils se vengent ? Sur Lazare ? Auparavant, ils doivent délibérer, et avant qu’ils ne décident… On ne se venge pas sur un gulal [9] ! Sur nous ? Avons-nous donc besoin de leur pain pour vivre ? Nos biens, ils n’y toucheront pas : sur eux se projette l’ombre de Rome. Sur quoi, alors ? Et même s’ils le pouvaient, ne sommes-nous pas deux femmes jeunes et fortes ? Ne pouvons-nous pas travailler ? Est-ce que Jésus n’est pas pauvre ? N’a-t-il pas été un ouvrier ? Ne serions-nous pas plus semblables à lui en étant pauvres et travailleuses ? Mais glorifie-toi de le devenir ! Espère-le ! Demande-le à Dieu !

      – Mais ce qu’ils t’ont dit…

      – Ha ! Ha ! Ce qu’ils m’ont dit ! C’est la vérité. Je me le dis moi aussi. J’ai été une femme impure. Aujourd’hui, je suis l’agnelle du Pasteur ! Et le passé est mort. Allons, viens auprès de Lazare. »


[1


Jean de Gaas, l'ami de Joseph d'Arimathie.
 
[2] Euchérie, la mère de Lazare, Marthe et Marie, était une princesse juive.
 
[3] Il s’agit sans doute de Scéva, un ancien amant de Marie de Magdala, ce qui éclaire le contexte de la scène.
 
[4] EMV 342.
 
[5] Cf. le chapitre EMV 536. Cette guérison a eu lieu le 29 novembre. Nous sommes le 22 janvier, deux mois plus tard.
 
[6] Théophile, le père de la famille de Béthanie était gouverneur (local) de Syrie. Comme tel, sa famille jouit d'une protection des romains.
 
[7] EMV 536.
 
[8] Fourche caudine : expression désignant l’humiliation des ennemis. Elle tire son origine de la bataille des Fourches Caudines en 321 av. J.C, où les romains vaincus, mains liés dans le dos, durent se courbés devant les Samnites pour passer sous un joug formé de fourches et de lances.
 
[9] Goulal (ou Golal, comme en EMV 583.4). Maria Valtorta fait suivre ce mot d’un point d’interrogation, comme si elle en ignorait le sens. En général, ce mot se traduit par « corps sans vie ».





Observations

Le golal et le sceau du Temple

A deux reprises dans l’Evangile tel qu’il m’a été révélé, Marie Madeleine utilise un terme peu connu. Tandis que son frère Lazare est mourant, elle dit à sa sœur Marthe : « Oh ! on ne se venge pas sur un gulal ! » (EMV 542.7). Maria Valtorta, qui ignore manifestement la signification de ce mot, ajoute alors un point d’interrogation sur son manuscrit. Plus loin dans l’œuvre, Marie Madeleine s’adresse à Jésus. Elle évoque la résurrection de son frère, et avoue : « Je ne pensais plus que même Toi, Maître béni, tu pourrais t'approcher du golal après tant de jours de la mort... » (EMV 583.4).


Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Les-juifs-chez-lazare

Pour qu’en 1944 Maria Valtorta découvre la signification du mot golal, il lui aurait probablement fallu consulter le Talmud ! (Eruvin 15b ; Succah 23a, 24a). Le golal (ou golel) y est en effet décrit comme une grande pierre ronde ou carrée qui fermait les tombeaux, et qui ne pouvait être enlevée que par les efforts unis de plusieurs hommes.

Dans son évangile, Matthieu n’utilise pas le mot golal, mais il précise que les synhédristes scellèrent la pierre qui était roulée à l’entrée du sépulcre (Mt 27,66). Maria Valtorta ajoute quelques détails crédibles : « la porte de pierre a été renforcée, sur ses bords, par une épaisse couche de chaux, comme si c'était un contrefort, sur le blanc opaque de laquelle se détachent les larges rosaces de cire rouge, imprimées avec d'autres, directement dans la chaux fraîche, du sceau du Temple » (EMV 617.1). Ailleurs elle précise encore : « La lourde pierre a été scellée sur le Sépulcre et les sceaux apposés sur le mortier ; on aurait dit de larges rosaces imprimées dans l’enduit et il aurait été impossible de les retirer sans que l’effraction n’apparaisse » (Cahiers 21 janvier 1944).

*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-002.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/les-juifs-chez-lazare.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 25 Mar - 21:11

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

543. Marthe envoie un serviteur prévenir le Maître

Ancienne édition : Tome 8, chapitre 3.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 543.

Le 20 décembre 1946

Jeudi 20 décembre 29
Béthanie


      543.1 Je me trouve encore dans la maison de Lazare, et je vois Marthe et Marie sortir dans le jardin pour accompagner un homme plutôt âgé, d’aspect très digne ; je ne pense pas que ce soit un Hébreu, car il a le visage complètement rasé comme les Romains.

      Une fois qu’ils sont un peu éloignés de la maison, Marie lui demande :

      « Eh bien, Nicomède ? Que dis-tu de notre frère ? Nous voyons qu’il est au plus mal… Parle. »

      L’homme ouvre les bras dans un geste de commisération qui constate le caractère inéluctable de la maladie, et il dit :

      « Il est très malade… Je ne vous ai jamais trompées depuis les premiers temps où je l’ai soigné. J’ai tout essayé, vous le savez. Mais cela n’a servi à rien. J’ai aussi… espéré, oui, j’ai espéré qu’il pourrait au moins vivre en réagissant contre l’épuisement de la maladie grâce à la bonne nourriture et aux remontants que je lui préparais. J’ai essayé aussi des poisons indiqués pour préserver le sang de la corruption et pour soutenir les forces, selon les vieux principes des grands maîtres de la médecine. Mais le mal est plus fort que les remèdes employés. Ces maladies sont une sorte de corrosion. Elles détruisent, et quand elles apparaissent à l’extérieur, l’intérieur des os est déjà envahi. Comme la sève d’un arbre monte des racines au sommet, ainsi, dans ce cas, la maladie s’est étendue des pieds à tout le corps…

      – Mais il n’a que les jambes de malades… gémit Marthe.

      – Oui. Mais la fièvre détruit là où vous pensez qu’il n’y a que santé. Regardez cette petite branche tombée de cet arbre : elle paraît rongée ici près de la cassure. Mais, voilà… (il la brise entre ses doigts). Vous voyez ? Sous l’écorce lisse, la carie s’est installée jusqu’à l’extrémité, qui donne l’impression de vivre parce qu’il y a encore des petites feuilles. Pauvres sœurs ! Lazare est désormais… mourant ! Le Dieu de vos pères, les dieux et les demi-dieux de notre médecine n’ont rien pu faire… ou voulu faire. Je parle de votre Dieu… Et donc… oui, je prévois que la mort est maintenant toute proche. Les signes en sont l’augmentation de la fièvre — symptôme de la corruption entrée dans le sang —, les mouvements désordonnés du cœur et l’absence de stimulations et de réactions chez le malade et dans tous ses organes. Vous voyez ! Il ne se nourrit plus, il ne retient pas le peu qu’il prend, et il n’assimile pas ce qu’il retient. C’est la fin…

      Et — faites confiance à un médecin qui vous est reconnaissant en souvenir de Théophile — ce qu’il faut plutôt désirer désormais, c’est la mort… Ce sont des maux effroyables. Depuis des milliers d’années, ils détruisent l’homme et l’homme n’arrive pas à les détruire. 543.2 Les dieux seuls le pourraient si… »

      Il s’arrête, les regarde en passant ses doigts sur son menton rasé. Il réfléchit, puis reprend :

      « Pourquoi n’appelez-vous pas le Galiléen ? C’est votre ami. Lui peut, car il peut tout. J’ai examiné des personnes qui étaient condamnées et qu’il a guéries. Il sort de lui une force étrange, un fluide mystérieux qui ranime et rassemble les réactions dispersées et leur impose de vouloir guérir… Je ne comprends pas… Je l’ai suivi moi aussi, en restant mêlé à la foule, et j’ai vu des choses merveilleuses… Appelez-le. Moi, je suis un païen, mais j’honore le Thaumaturge mystérieux de votre peuple. Et je serais heureux si lui pouvait ce que, moi, je n’ai pas pu.

      – Lui, il est Dieu, Nicomède. Il peut donc tout. La force que tu appelles fluide, c’est sa volonté de Dieu, explique Marie.

      – Je ne me moque pas de votre foi. Au contraire, je la pousse à grandir jusqu’à l’impossible. Du reste… On lit que les dieux sont parfois descendus sur la terre. Moi… je n’y avais jamais cru… Mais avec ma science et ma conscience d’homme et de médecin, je dois reconnaître qu’il en est ainsi, car le Galiléen opère des guérisons que seul un dieu peut opérer.

      – Pas un dieu quelconque, Nicomède. Le vrai Dieu, insiste Marie.

      – Comme tu voudras. Pour ma part, je croirai en lui et je deviendrai son disciple si je vois que Lazare… ressuscite. Car désormais, plutôt que de guérison, c’est de résurrection qu’il faut parler. Appelez-le donc, et d’urgence… car, si je ne suis pas devenu idiot, il mourra tout au plus d’ici le troisième crépuscule à partir de celui-ci. J’ai dit “ tout au plus. ” Ce pourrait être avant.

      – Oh ! si nous le pouvions ! Mais nous ne savons pas où il se trouve… soupire Marthe.

      – Moi, je le sais. C’est un de ses disciples qui m’a renseigné : il allait le rejoindre en accompagnant des malades, or deux étaient des miens. Il est au-delà du Jourdain, près du gué. C’est ce qu’il m’a dit. Vous, peut-être, connaissez mieux l’endroit ?

      – Ah ! dans la maison de Salomon, certainement ! répond Marie.

      – C’est très loin ?

      – Non, Nicomède.

      – Dans ce cas, envoyez-lui sur-le-champ un serviteur pour lui demander secours. Je vais revenir plus tard et je reste ici pour voir son action sur Lazare. Salut, dominae. Et… réconfortez-vous mutuellement. »

      Il s’incline et se dirige vers la sortie, où un serviteur l’attend pour tenir son cheval et lui ouvrir le portail.

      543.3 «Que faisons-nous, Marie ? demande Marthe après avoir vu partir le médecin.

      – Obéissons au Maître. Il a dit de le faire appeler après la mort de Lazare. C’est ce que nous ferons.

      – Mais, après sa mort… à quoi servira la venue du Maître ici ? Pour notre cœur, oui, ce sera utile. Mais pour Lazare !… J’envoie un serviteur l’appeler.

      – Non. Tu empêcherais tout miracle. Jésus nous a recommandé d’espérer et de croire contre toute réalité contraire. Et si nous le faisons, nous obtiendrons le miracle, j’en suis certaine. Sinon, Dieu nous laissera avec notre présomption de vouloir agir mieux que lui, et il ne nous accordera rien.

      – Mais tu ne vois pas combien Lazare souffre ? Tu ne te rends pas compte comment, dans les moments où il est conscient, il désire la présence du Maître ? Si tu refuses cette dernière joie à notre pauvre frère, c’est que tu n’as pas de cœur !… Notre pauvre frère ! Notre pauvre frère ! Bientôt nous n’aurons plus de frère ! Plus de père, plus de mère, plus de frère ! La famille décapitée, et nous seules, comme deux palmiers dans un désert. »

      Dans sa souffrance, elle fait une crise de nerfs tout orientale, elle s’agite, se frappe le visage, se décoiffe…

      Marie la saisit, lui impose :

      « Tais-toi ! Mais tais-toi donc ! Il peut entendre. Je l’aime plus et mieux que toi, et je sais me dominer. Tu ressembles à une femmelette malade. J’ai dit : tais-toi ! Ce n’est pas par cette agitation que l’on change les destinées, ni que l’on émeut les cœurs. Si tu le fais pour émouvoir le mien, tu te trompes. Sois-en sûre. Le mien se brise dans l’obéissance. Mais il tient bon par elle. »

      Marthe, dominée par la force de sa sœur et par ses paroles, se calme quelque peu. Mais dans sa douleur, plus sereine maintenant, elle gémit en appelant sa mère :

      « Maman ! Ah ! Maman, console-moi. Il n’y a plus de paix en moi depuis que tu es morte. Si tu étais là, Maman ! Si le chagrin ne t’avait pas tuée ! Si tu étais ici, tu nous guiderais et nous t’obéirions pour le bien de tous… Ah !… »

      Marie change de couleur. Sans faire de bruit elle pleure, le visage angoissé, en se tordant les mains sans parler.

      Marthe la regarde et dit :

      « Notre mère, quand elle fut près de mourir, m’a fait promettre d’être une mère pour Lazare. Si elle était ici…

      – Elle obéirait au Maître, car c’était une femme juste. C’est inutilement que tu essaies de m’émouvoir. Dis-moi donc que j’ai assassiné ma mère par les douleurs que je lui ai causées ! Je le reconnaîtrais. Mais si tu veux me faire reconnaître que tu as raison de vouloir appeler le Maître, je te répondrai toujours “ Non ”. Je m’y refuserai toujours. Et je suis certaine que, du sein d’Abraham, elle m’approuve et me bénit. Rentrons à la maison.

      – Plus rien ! Plus rien !

      – Tout ! C’est “ tout ” que tu devrais dire. En vérité, tu écoutes le Maître et tu sembles attentive pendant qu’il parle, mais ensuite tu ne te rappelles pas ce qu’il a dit. Ne nous a-t-il pas toujours appris qu’aimer et obéir nous rend enfants de Dieu et héritiers de son Royaume ? Comment donc peux-tu supposer que nous allons rester sans rien, si nous avons Dieu et si nous possédons le Royaume grâce à notre fidélité ? En vérité, il faut être absolues, comme je l’ai été dans le mal, pour pouvoir savoir et vouloir l’être dans le bien, dans l’obéissance, dans l’espérance, dans la foi, dans l’amour !…

      – Tu permets aux juifs de se moquer du Maître et de faire des insinuations sur son compte. Tu les as entendus avant-hier…

      – Tu penses encore aux croassements de ces corbeaux et aux cris de ces vautours ? Laisse-les donc cracher ce qu’ils ont en eux ! Que t’importe le monde ? Qu’est le monde par rapport à Dieu ? Regarde : moins que ce taon dégoûtant, engourdi par le froid ou empoisonné pour avoir sucé des ordures, et que j’écrase ainsi. »

      Elle donne un énergique coup de talon à l’insecte qui avance lentement sur le gravier du chemin. Puis elle prend Marthe par le bras :

      « Allons, viens à la maison et…

      – Au moins, envoyons quelqu’un informer Jésus de l’état de Lazare, sans rien ajouter…

      – Comme s’il avait besoin de l’apprendre par nous ! Non, c’est inutile. Il nous a recommandé : “ Quand il sera mort, faites-le-moi savoir. ” C’est ce que nous ferons, mais pas avant.

      – Personne, personne n’a pitié de ma douleur ! Et toi moins que tous…

      – Et cesse de pleurer ainsi. Je ne peux le supporter… »

      Dans sa propre souffrance, elle se mord les lèvres pour donner du courage à sa sœur et ne pas pleurer, elle aussi.

      543.4 Marcelle sort en courant de la maison, suivie de Maximin :

      « Marthe ! Marie ! Venez vite ! Lazare va mal, il ne répond plus… »

      Les deux sœurs se hâtent de rentrer… Peu après, on entend la forte voix de Marie qui donne des ordres pour organiser les secours qui s’imposent, on voit les serviteurs passer avec des potions fortifiantes et des bassins d’eau bouillante, on devine des chuchotements et on assiste à des gestes de douleur…

      Puis le calme revient tout doucement. Les serviteurs con­versent avec moins d’agitation, mais ils ponctuent leurs dires par des gestes qui marquent un grand découragement. Certains hochent la tête, plusieurs ouvrent les bras et les lèvent vers le ciel comme pour dire : “ C’est ainsi ”, d’autres pleurent et d’autres encore veulent espérer un miracle.

      543.5 Et voici de nouveau Marthe, pâle comme une morte. Elle se retourne pour voir si on la suit. Elle regarde le personnel qui se presse avec anxiété autour d’elle. De nouveau, elle se tourne vers la maison, puis ordonne à un serviteur :

      « Toi ! Viens avec moi. »

      L’homme se détache du groupe et la suit dans la tonnelle des jasmins. Marthe parle sans quitter des yeux la maison qu’elle peut apercevoir à travers l’entrelacement des branches :

      « Ecoute-moi bien. Lorsque tous les serviteurs seront revenus, et que je leur aurai donné des ordres pour qu’ils soient occupés à l’intérieur, tu iras aux écuries, tu prendras un cheval des plus rapides, tu le selleras… Si par hasard quelqu’un te voit, dis que tu vas chercher le médecin… Tu ne mentiras pas et je ne t’apprends pas à mentir, car vraiment je t’envoie auprès du Médecin béni… Emporte de l’avoine pour ta monture, de la nourriture pour toi ainsi que cette bourse pour tout ce qui pourrait arriver. Sors par la petite porte et passe par les champs labourés pour que les sabots ne fassent pas de bruit. Eloigne-toi de la maison, puis prends la route de Jéricho et galope sans jamais t’arrêter, même la nuit. As-tu compris ? Sans jamais t’arrêter. La nouvelle lune éclairera ta route si l’obscurité vient pendant que tu galopes encore. Pense que la vie de ton maître est entre tes mains et dépend de ta rapidité. Je me fie à toi.

      – Maîtresse, je te servirai comme un esclave fidèle.

      – Prends la direction du gué de Beth-Abara. Franchis-le et va au village de Béthanie, celui de l’autre côté du Jourdain. Tu sais, là où Jean baptisait au début.

      – Je connais. J’y suis allé pour me purifier, moi aussi.

      – Dans ce village se trouve le Maître. Tout le monde t’indiquera la maison où il habite. Mais si, au lieu de suivre la route principale, tu longes les rives du fleuve, cela vaut mieux. On te verra moins et tu trouveras la maison par toi-même. C’est la première de l’unique route du village qui va de la campagne au fleuve. Tu ne peux pas te tromper : une maison basse sans terrasse ni chambre haute, avec un jardin qui se trouve, quand on vient du fleuve, avant la maison, un jardin fermé par un petit portail de bois et une haie d’aubépine, je crois, une haie en somme. Tu as bien compris ? Répète. »

      Le serviteur répète patiemment.

      « C’est bien. Demande à lui parler, et à lui seul, et dis-lui que tes maîtresses t’envoient pour l’informer que Lazare est très malade, qu’il va mourir, que nous n’en pouvons plus, que Lazare souhaite le voir et demande-lui de venir immédiatement, immédiatement, par pitié. Tu as bien compris ?

      – Oui, maîtresse.

      – Ensuite, hâte-toi de revenir, de façon que personne ne remarque trop ton absence. Prends une lanterne avec toi pour les heures d’obscurité. Va, cours, galope, crève le cheval, mais reviens vite avec la réponse du Maître.

      – Je le ferai, maîtresse.

      – Va ! Va ! Tu vois ? Ils sont déjà tous rentrés dans la maison. Pars tout de suite. Personne ne te verra faire les préparatifs. Je te porterai moi-même de quoi boire et manger, je te le mettrai sur le seuil du petit portail. Va ! Et que Dieu soit avec toi. Va ! »

      Elle le pousse avec impatience, puis court rapidement vers la maison en prenant mille précautions ; aussitôt après, elle se glisse au dehors par une porte secondaire, du côté sud, avec un petit sac dans les mains, longe une haie jusqu’à la première ouverture, tourne, disparaît…


*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-003.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/marthe-envoie-un-serviteur-prevenir-le-maitre.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 26 Mar - 22:54

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

544. Délire et mort de Lazare

Ancienne édition : Tome 8, chapitre 4.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 544.

Le 21 décembre 1946

Jeudi 20 décembre 29
Béthanie


      544.1 Toutes les portes et les fenêtres de la chambre de Lazare ont été ouvertes pour lui permettre de mieux respirer. Il est absent, dans le coma, un lourd coma qui ressemble à la mort dont il ne diffère que par la respiration. Autour de lui se tiennent ses deux sœurs, Maximin, Marcelle et Noémie, attentifs au plus léger mouvement du mourant.

      Chaque fois qu’une contraction de douleur déforme la bouche de Lazare et qu’on pourrait le croire sur le point de parler, ou que ses yeux se découvrent par un battement des paupières, les deux sœurs se penchent pour saisir un mot, un regard… Mais c’est inutile. Ce ne sont que des mouvements instinctifs, indépendants de la volonté et de l’intelligence, qui toutes deux sont désormais inertes, perdues. Des mouvements suscités par la souffrance de la chair, de même que la sueur qui fait luire le visage du mourant, et le tremblement qui, par intervalles, secoue les doigts squelettiques et en contracte les articulations. Les deux sœurs l’appellent aussi, en y mettant tout leur amour. Mais le nom comme l’amour se heurte aux barrières de l’insensibilité du cerveau, et seul le silence de la nuit répond à leur invitation.

      Noémie, tout en pleurs, continue de poser contre les pieds, certainement gelés, de Lazare, des briques chaudes enveloppées dans des bandes de laine. Marcelle tient dans ses mains une coupe dans laquelle trempe un linge fin dont Marthe se sert pour humecter les lèvres desséchées de son frère. Marie, avec un autre linge, essuie la sueur abondante qui ruisselle du visage squelettique du mourant et baigne ses mains. Derrière Marie, penchée sur son frère, Maximin, appuyé à un haut chiffonnier sombre près du lit de Lazare, observe la scène.

      Rien d’autre. Un silence absolu, comme s’ils étaient dans une maison vide, dans un lieu désert. Les servantes qui apportent les briques marchent pieds nus, sans faire de bruit sur le dallage. On dirait des apparitions.

      544.2 Marie s’exclame, à un moment donné :

      « Il me semble que la chaleur revient dans ses mains. Regarde, Marthe, ses lèvres sont moins pâles.

      – Oui. Même sa respiration est plus libre. Je le remarque depuis quelque temps » constate Maximin.

      Marthe se penche et appelle doucement, mais intensément :

      « Lazare ! Lazare ! Regarde, Marie ! Il a eu comme un sourire et un battement des paupières. Il va mieux, Marie ! Il va mieux ! Quelle heure est-il ?

      – Un peu après le crépuscule.

      – Ah ! »

      Marthe se redresse en serrant ses mains sur sa poitrine, et elle lève les yeux dans un geste visible de muette, mais confiante prière. Un sourire éclaire son visage.

      Les autres la regardent avec étonnement, et Marie lui dit :

      « Je ne vois pas en quoi le fait d’avoir dépassé le crépuscule doit te réjouir… »

      Et elle la scrute, soupçonneuse, anxieuse.

      Au lieu de répondre, Marthe reprend la pose qu’elle avait auparavant.

      Une servante entre avec des briques qu’elle tend à Noémie. Marie lui ordonne :

      « Apporte deux lampes. La lumière baisse, et je veux le voir. »

      La servante sort sans bruit et revient très vite avec deux lampes allumées. Elle en pose une sur le chiffonnier contre lequel s’appuie Maximin, et l’autre sur une table encombrée de bandes et de petites amphores, placée de l’autre côté du lit.

      « Oh ! Marie ! Marie ! Regarde ! Il est vraiment moins pâle.

      – Et il paraît moins épuisé. Il se ranime ! dit Marcelle.

      – Donnez-lui encore une goutte de ce vin aromatisé qu’a préparé Sarah. Il lui a fait du bien » suggère Maximin.

      Marie prend sur le chiffonnier une petite amphore au col très fin en forme de bec d’oiseau et, avec précaution, elle fait tomber une goutte de vin dans la bouche entrouverte de son frère.

      « Doucement, Marie ! Qu’il n’étouffe pas ! conseille Noémie.

      – Oh ! il avale ! Il en cherche ! Regarde, Marthe ! Regarde ! Il tire la langue pour en obtenir… »

      Tous se penchent pour regarder, et Noémie l’appelle :

      « Mon trésor ! Regarde ta nourrice, âme sainte ! »

      Elle s’avance pour l’embrasser.

      « Regarde ! Regarde, Noémie, il boit ta larme ! Elle est tombée près des lèvres et il l’a sentie, il l’a cherchée et avalée.

      – Oh ! ma joie ! Si j’avais mon lait d’autrefois, je te le ferais passer goutte à goutte dans la bouche, mon agnelet, même si je devais m’épuiser le cœur et mourir ensuite ! »

      Je comprends alors que Noémie, nourrice de Marie, a été aussi la nourrice de Lazare.

      544.3 « Maîtresses, Nicomède est revenu, annonce un serviteur en apparaissant sur le seuil.

      – Qu’il entre ! Qu’il entre ! Il nous aidera à le ranimer.

      – Voyez ! Il ouvre les yeux, il remue les lèvres, dit Maximin,

      – Il me serre les doigts avec ses doigts ! » crie Marie, et elle se penche pour dire : « Lazare, m’entends-tu ? Qui suis-je ? »

      Lazare ouvre réellement les yeux. Son regard est vague, voilé, mais c’est toujours un regard. Il remue les lèvres non sans peine, et dit :

      « Maman !

      – Je suis Marie. Marie ! Ta sœur !

      – Maman !

      – Il ne te reconnaît pas, et il appelle sa mère. Les mourants, c’est toujours comme ça, dit Noémie, le visage baigné de larmes.

      – Mais il parle, après si longtemps, il parle ! Et c’est déjà beaucoup… Bientôt, il ira mieux. Oh ! mon Seigneur, récompense ta servante ! s’écrie Marthe avec le même geste de fervente et con­fiante prière que tout à l’heure.

      – Mais que t’est-il arrivé ? Aurais-tu vu le Maître ? T’est-il apparu ? Dis-le-moi, Marthe ! Enlève-moi cette angoisse ! » s’exclame Marie.

      544.4 L’entrée de Nicomède empêche Marthe de répondre. Tous s’adressent à lui pour lui raconter comment, après son départ, l’état de Lazare s’était aggravé au point d’être désespéré, comment ils l’avaient cru déjà mort, puis comment, à force de soins, ils lui avaient fait reprendre quelque vie, mais pour la respiration seulement. Ils ajoutent que, depuis peu, après qu’une des femmes lui avait préparé du vin aromatisé, la chaleur lui était revenue, il avait avalé et cherché à boire, il avait même ouvert les yeux et prononcé quelques mots…

      Ils parlent tous ensemble, même si leurs espoirs renaissants se heurtent à la tranquillité quelque peu sceptique du médecin, qui les laisse s’exprimer sans intervenir.

      Quand enfin ils ont terminé, il se contente de dire :

      « C’est bien. Laissez-moi voir. »

      Il les écarte pour s’approcher du lit et ordonne d’approcher les lampes et de fermer la fenêtre, parce qu’il veut découvrir le malade. Il se penche sur lui, l’appelle, l’interroge, fait passer la lampe devant le visage de Lazare, qui maintenant a les yeux ouverts et semble comme étonné de tout. Puis il le découvre, étudie sa respiration, les battements du cœur, la température et la rigidité des membres… Tous attendent anxieusement son diagnostic. Nicomède recouvre le malade, le regarde encore, réfléchit, puis il se retourne et dit :

      « Il est indéniable qu’il a repris de la vigueur. Actuellement, il va mieux que lorsque je l’ai vu, mais ne vous faites pas d’illusion : ce n’est qu’une rémission. J’en suis tellement certain — comme je l’étais qu’il approche de sa fin — que, comme vous le voyez, je suis revenu, après m’être dégagé de toute occupation, pour lui rendre la mort moins pénible, autant qu’il m’est permis de le faire… ou pour voir le miracle si… 544.5 Vous vous en êtes occupées ?

      – Oui, oui, Nicomède » interrompt Marthe, et pour empêcher toute autre parole, elle ajoute : « Mais n’avais-tu pas dit que… d’ici trois jours… Moi… »

      Elle sanglote.

      « Effectivement. Je suis un médecin. Je vis au milieu des agonies et des pleurs. Mais l’habitude de voir la souffrance ne m’a pas encore donné un cœur de pierre. Et aujourd’hui… je vous ai préparées… en vous indiquant un délai suffisamment long… et imprécis… Mais ma science me disait que la solution était plus rapide, et mon cœur mentait pour vous tromper par pitié… Allons ! Soyez courageuses… Sortez… On ne sait jamais jusqu’à quel point les mourants entendent… »

      Il pousse dehors les deux sœurs en larmes, en répétant :

      « Soyez courageuses ! Soyez courageuses ! »

      Seul reste Maximin auprès du mourant… Le médecin lui aussi s’est retiré pour préparer des médicaments, susceptibles de rendre moins angoissée l’agonie, qu’il dit prévoir très douloureuse.

      « Fais-le vivre jusqu’à demain. Il va faire nuit, comme tu vois, Nicomède. Qu’est-ce pour ta science de tenir une vie éveillée pendant moins d’un jour ? Fais-le vivre ! supplie Marthe.

      – Domina, je fais ce que je peux. Mais quand la mèche est à bout, il n’y a plus rien pour maintenir la flamme ! » répond le médecin, avant de s’éloigner.

      Désolées, les deux sœurs s’embrassent. Celle qui pleure le plus, maintenant, c’est Marie. L’autre a son espérance dans le cœur…

      544.6 La voix de Lazare arrive de la chambre. Forte, impérieuse même, inattendue après un tel dépérissement, elle les fait tressaillir. Il les appelle :

      « Marthe ! Marie ! Où êtes-vous ? Je veux me lever, m’habiller ! Dire au Maître que je suis guéri ! Je dois aller trouver le Maître. Un char, tout de suite ! Et un cheval rapide. C’est certainement lui qui m’a guéri… »

      Il parle rapidement, en marquant les mots, assis sur son lit, brûlé par la fièvre. Il essaie de se lever, mais il en est empêché par Maximin, qui dit aux femmes qui entrent en courant :

      « Il délire !

      – Non ! Laissez-le faire. Le miracle ! Le miracle ! Je suis tellement heureuse de l’avoir suscité ! Dès que Jésus a su… Dieu de nos pères, sois béni et loué pour ta puissance et ton Messie… »

      Marthe, tombée à genoux, est ivre de joie.

      Pendant ce temps, Lazare continue, toujours plus agité par la fièvre. Marthe ne comprend pas que c’est la cause de tout :

      « Il est venu tant de fois me voir malade, il est juste que j’aille le trouver pour lui dire : “ Je suis guéri. ” Je suis guéri ! Je ne sens plus aucune douleur ! Je suis fort. Je veux me lever et bouger. Dieu a voulu éprouver ma résignation. On m’appellera le nouveau Job… »

      Il prend un ton hiératique en faisant de grands gestes :

      « Le Seigneur s’est ému de la pénitence de Job… [1] et il lui a rendu le double de ce qu’il avait possédé [2]. Le Seigneur a béni les dernières années de Job, plus encore que les premières…[3]  et il vécut jusqu’à… [4] Mais non, je ne suis pas Job ! J’étais dans les flammes et il m’en a tiré [5], j’étais dans le ventre du monstre et je suis revenu à la lumière [6]. Je suis donc Jonas, et les trois compagnons de Daniel… »

      544.7 Le médecin survient, appelé par je ne sais qui. Il constate :

      « Il délire. Je m’y attendais. La corruption du sang brûle le cerveau. »

      Il s’efforce de le recoucher et recommande de le tenir, puis il sort pour retourner à ses décoctions.

      Lazare s’irrite un peu qu’on le tienne, et soudain il se met à pleurer comme un enfant.

      « Il délire vraiment, gémit Marie.

      – Non. Personne ne comprend rien. Vous ne savez pas croire. Mais oui ! Vous ne savez pas… A cette heure-ci, le Maître sait que Lazare est mourant. Oui, je l’ai fait, Marie ! Je l’ai fait sans rien te dire…

      – Ah ! malheureuse ! Tu as empêché le miracle ! crie Marie.

      – Mais non ! Tu le vois, il a commencé à aller mieux au moment où Jonas a rejoint le Maître. Il délire… Certainement… Il est faible, et il a encore le cerveau embrumé par la mort qui déjà le tenait. Mais ce n’est pas le délire que le médecin croit. Ecoute-le ! Est-ce que ce sont des paroles de délire ? »

      En effet Lazare dit :

      « J’ai consenti au décret de mort et j’ai goûté combien il est amer de mourir. Or voilà que Dieu s’est déclaré satisfait de ma résignation et me rend à la vie et à mes sœurs. Je pourrai encore servir le Seigneur et me sanctifier avec Marthe et Marie…

      Avec Marie ! 544.8 Qu’est-ce que Marie ? Marie, c’est le don de Jésus au pauvre Lazare. Il me l’avait annoncé… Que de temps est passé depuis! “ Votre pardon fera plus que tout. Il m’aidera. ” Il me l’avait promis : “ Elle fera ta joie. ” Et ce jour où j’étais fâché parce qu’elle avait amené sa honte ici, près du Saint, quelles paroles n’a-t-il pas eues pour l’inviter au retour ! La sagesse et la charité s’étaient unies pour toucher le cœur de ma sœur… Et l’autre jour, où il m’a trouvé en train de m’offrir pour elle, pour sa rédemption… Je veux vivre, pour profiter de la présence de Marie, maintenant qu’elle est rachetée ! Je veux louer avec elle le Seigneur ! Fleuves de larmes, affronts, honte, amertume… tout m’a pénétré et a tué ma vie par sa faute… Voici le feu, le feu de la fournaise ! Il revient, avec le souvenir… Marie, fille de Théophile et d’Euchérie, ma sœur, prostituée. Elle pouvait être reine mais elle s’est rendue débauche, une débauche que même le porc piétine. Et ma mère qui meurt… Et ne plus pouvoir aller chez les gens sans devoir supporter leurs mépris. A cause d’elle ! Où es-tu, malheureuse ? Le pain te manquait, peut-être, pour que tu te vendes comme tu t’es vendue ? Qu’as-tu sucé au sein de ta nourrice ? Ta mère, que t’a-t-elle enseigné ? L’une, la luxure ? L’autre, le péché ? Va-t’en, déshonneur de notre maison ! »

      Sa voix est un cri. Il semble fou. Marcelle et Noémie se hâtent de fermer hermétiquement les portes et de descendre les lourds rideaux pour atténuer le bruit, tandis que le médecin, revenu dans la pièce, s’efforce en vain de calmer le délire, qui devient de plus en plus furieux.

      Marie, jetée à terre comme une loque, sanglote sous l’inexorable accusation du mourant qui poursuit :

      « Un, deux, dix amants ! L’opprobre d’Israël passait de bras en bras… Sa mère mourait, mais elle, elle frémissait dans ses amours obscènes. Bête fauve ! Vampire ! Tu as sucé la vie de ta mère. Tu as détruit notre joie. Marthe a été sacrifiée à cause de toi : on n’épouse pas la sœur d’une courtisane. Moi… Ah ! moi ! Le chevalier Lazare, fils de Théophile… Sur moi crachaient les gamins d’Ophel ! “ Voilà le complice d’une femme adultère et impure ”, disaient scribes et pharisiens, tout en secouant leurs vêtements pour bien montrer qu’ils repoussaient le péché dont j’étais souillé à son contact ! “ Voilà le pécheur ! Celui qui ne sait pas frapper la coupable est coupable lui aussi ”, s’écriaient les rabbis quand je montais au Temple, et moi je transpirais sous le feu des yeux des prêtres… Le feu. Toi, tu vomissais le feu que tu avais en toi, car tu es un démon, Marie. Tu es dégoûtante. Tu es l’anathème. Ton feu s’en prenait à tous, car il était fait de nombreux feux et il y en avait pour les luxurieux qui paraissaient être des poissons pris au tramail, quand tu passais… Pourquoi ne t’ai-je pas tuée ? Je brûlerai dans la Géhenne pour t’avoir laissée vivre en ruinant tant de familles, en scandalisant des milliers de personnes… Qui a dit : “ Malheur à celui par qui le scandale arrive ” ? Qui l’a dit ? C’est le Maître ! Je veux le Maître ! Je le veux ! Pour qu’il me pardonne. Je veux lui dire que je ne pouvais pas la tuer parce je l’aimais… Marie était le soleil de notre maison… Je veux le Maître ! Pourquoi n’est-il pas ici ? Je ne veux pas vivre, mais être pardonné du scandale que j’ai provoqué en laissant vivre la cause. Je suis déjà dans les flammes. C’est le feu de Marie qui m’a pris, comme il prenait tout le monde. Afin d’allumer la luxure en elle, la haine contre nous, et pour brûler ma chair. Au diable ces couvertures, au diable tout ! Je suis dans le feu. Il m’a pris chair et esprit. Je suis perdu à cause d’elle. Maître ! Maître ! Ton pardon ! Il ne vient pas. Il ne peut venir dans la maison de Lazare. C’est une fosse à fumier à cause d’elle. Alors… je veux oublier. Tout. Je ne suis plus Lazare. Donnez-moi du vin. Salomon le dit : “ Donnez du vin à ceux qui ont le cœur déchiré [7], qu’ils boivent et oublient leur misère, et qu’ils ne se rappellent plus leur douleur. ” [8] Je ne veux plus me rappeler. Tous disent : “ Lazare est riche, c’est l’homme le plus riche de Judée. ” Ce n’est pas vrai. Tout n’est que paille. Ce n’est pas de l’or. Les maisons ? Ce ne sont que des nuages. Les vignes, les oasis, les jardins, les oliveraies ? Ce n’est rien que tromperie. Je suis Job. Je n’ai plus rien [9]. J’avais une perle. Elle était belle ! D’une valeur infinie. C’était mon orgueil. Elle s’appelait Marie. Je ne l’ai plus. Je suis pauvre, le plus pauvre de tous. De tous le plus trompé… Même Jésus m’a trompé. Car il m’avait dit qu’il allait me la rendre, et au contraire elle… Où est-elle ? La voilà. On dirait une courtisane païenne, la femme d’Israël, fille d’une sainte ! A demi-nue, ivre, folle… Et autour… les yeux fixés sur le corps dévêtu de ma sœur, la meute de ses amants… Elle, elle rit d’être ainsi admirée et convoitée. Je veux réparer mon crime. Je veux aller à travers Israël proclamer : “ N’allez pas chez ma sœur. Sa maison, c’est le chemin de l’enfer, et il descend dans les abîmes de la mort. ” Et puis je veux aller la trouver et la piétiner, car il est écrit : “ Toute femme impudique sera piétinée comme une ordure sur le chemin [10]. ” Oh ! tu as le courage de te montrer, à moi qui meurs déshonoré, détruit par toi ? A moi qui ai offert ma vie pour le rachat de ton âme, et sans résultat ? Comment je te voulais, demandes-tu ? Comment je te voulais pour ne pas mourir ainsi ? Voici comment je te voulais : comme Suzanne, la chaste [11]. Tu prétends qu’ils t’ont tentée [12] ? Mais n’avais-tu pas un frère pour te défendre ? Suzanne, d’elle-même, a répondu : “ Il vaut mieux pour moi tomber entre vos mains sans avoir fait le mal que de pécher en présence du Seigneur [13] ”, et Dieu fit resplendir son innocence [14]. Moi aussi, j’aurais dit ces mots contre ceux qui te tentaient, et je t’aurais défendue [15]. Mais toi ! Tu t’en es allée. Judith était veuve [16], elle vivait seule dans sa chambre à l’écart, portant le cilice sur ses reins[17]  et jeûnant [18] ; tous la tenaient en grande estime parce qu’elle craignait le Seigneur [19], et d’elle on chante : “ Tu es la gloire de Jérusalem, la joie d’Israël, l’honneur de notre peuple [20] parce que tu as agi virilement et que ton cœur a été fort, parce que tu as aimé la chasteté et qu’après ton mariage tu n’as pas connu d’autre homme. Pour cette raison, le Seigneur t’a rendue forte et tu seras bénie éternellement. [21] ” Si Marie avait été comme Judith, le Seigneur m’aurait guéri. Mais il ne l’a pas pu, à cause d’elle. C’est pour cela que je n’ai pas demandé à guérir. Là, où elle se trouve, il ne peut y avoir de miracle. Mais mourir, souffrir, ce n’est rien. Je souffrirais mille morts pourvu qu’elle soit sauvée. Seigneur très-haut ! Toutes les morts ! Toute la douleur pourvu que Marie soit sauvée ! Profiter une heure, une seule heure, de la présence de ma sœur redevenue sainte et pure comme dans son enfance ! Une heure de cette joie ! Me glorifier d’elle, la fleur d’or de ma maison, la gentille gazelle aux yeux doux, le rossignol du soir, l’amoureuse colombe… Je désire que le Maître vienne lui dire que je veux cela : Marie ! Marie ! Viens ! Marie ! Quelle douleur éprouve ton frère, Marie ! Mais si tu viens, si tu te rachètes, ma souffrance se fait douce. Qu’on aille chercher Marie ! 544.9 C’est la fin ! Je meurs ! Marie ! Faites de la lumière ! De l’air… Je… J’étouffe… Ah ! quel poids je ressens… »

      Le médecin fait un geste :

      « C’est la fin. Après le délire vient la torpeur, puis la mort. Mais il peut avoir un réveil de l’intelligence. Approchez-vous, toi surtout. Ce sera une joie pour lui. »

      Après avoir recouché Lazare, épuisé après tant d’agitation, il va trouver Marie, qui n’a cessé de pleurer par terre en gémissant :

      « Faites-le taire ! »

      Il la relève et l’amène auprès du lit.

      Lazare a fermé les yeux, mais il doit souffrir atrocement. Ce n’est que frémissement et contraction. Le médecin essaie de le calmer avec des potions… Il se passe ainsi un certain temps.

      Lazare ouvre les yeux. Il paraît avoir oublié ce qu’il était auparavant, mais il est conscient. Il sourit à ses sœurs et cherche à prendre leurs mains, à répondre à leurs baisers. Il pâlit mortellement. Il halète :

      « J’ai froid… »

      Et il claque des dents en cherchant à se couvrir jusqu’à la bouche. Il gémit :

      « Nicomède, je ne résiste plus à la souffrance. Les loups me déchirent les jambes et me dévorent le cœur. Quelle douleur ! Si telle est l’agonie, que sera la mort ? Comment faire ? Ah ! si j’avais le Maître auprès de moi ! Pourquoi ne me l’a-t-on pas amené ? Je serais mort heureux sur son sein… »

      Il pleure.

      Marthe regarde Marie sévèrement. Marie comprend son coup d’œil et, encore accablée par le délire de son frère, elle est prise de remords. Elle se penche, agenouillée comme elle l’est contre le lit, pour baiser la main de son frère en gémissant :

      « C’est moi la coupable. Marthe voulait le faire depuis deux jours déjà. Mais j’ai refusé, car il nous avait demandé de ne le prévenir qu’après ta mort. Pardonne-moi ! Toute la douleur de la vie, je te l’ai donnée… Et pourtant je t’ai aimé et je t’aime, mon frère. Après le Maître, c’est toi que j’aime plus que tous, et Dieu voit que je ne mens pas. Dis-moi que tu m’absous du passé, donne-moi la paix…

      – Domina ! » rappelle le médecin. « Le malade n’a pas besoin d’émotions.

      – C’est vrai… Dis-moi que tu me pardonnes de t’avoir refusé Jésus…

      – Marie ! C’est pour toi que Jésus est venu ici… et c’est pour toi qu’il y vient… car tu as su aimer plus que tous… Tu m’as aimé plus que tous… Une vie… de délices ne m’aurait pas… ne m’aurait pas procuré la… joie que tu m’as donnée… Je te bénis… Je t’assure… que tu as bien fait… d’obéir à Jésus… Je ne savais pas… Je sais… Je dis… c’est bien… 544.10 Aidez-moi à mourir !…Noémi… tu étais capable de… me faire dormir… autrefois… Marthe… bénie… ma paix… Maximin… avec Jésus. Aussi… pour moi… Ma part… aux pauvres… à Jésus… pour les pauvres… Et pardonnez… à tous… Ah ! quels spasmes !… De l’air !… De la lumière !… Tout tremble… Vous avez comme une lumière autour de vous, et elle m’éblouit quand… je vous regarde… Parlez… fort… »

      Il a posé sa main gauche sur la tête de Marie, et abandonné la droite dans les mains de Marthe. Il halète…

      On le soulève avec précaution pour ajouter des oreillers, et Nicomède lui fait prendre encore quelques gouttes de potion. Sa pauvre tête s’enfonce et retombe dans un abandon mortel. Toute sa vie est dans la respiration. Pourtant, il ouvre encore les yeux, regarde Marie qui soutient sa tête, et lui sourit en disant :

      « Maman ! Elle est revenue… Maman ! Parle ! Ta voix… Tu sais… le secret… de Dieu… Ai-je servi… le Seigneur ?… »

      Marie, d’une voix rendue blanche par la peine, murmure :

      « Le Seigneur te dit : “ Viens avec moi, serviteur bon et fidèle, car tu as écouté toutes mes paroles et aimé le Verbe que j’ai envoyé. [22] ”

      – Je n’entends pas ! Plus fort ! »

      Marie répète plus fort…

      « C’est vraiment maman !… » dit Lazare d’un air satisfait.

      Puis il abandonne sa tête sur l’épaule de sa sœur…

      Il ne parle plus. Il ne reste que des gémissements et des tremblements spasmodiques, la sueur et le râle. Insensible désormais à la terre, aux affections, il sombre dans le noir toujours plus absolu de la mort. Les paupières descendent sur les yeux devenus vitreux, mais où brille une dernière larme.

      « Nicomède ! Il se laisse aller ! Il se refroidit !…, s’inquiète Marie.

      – Domina, la mort sera un soulagement pour lui.

      – Garde-le en vie ! Demain, Jésus sera certainement ici. Il sera parti tout de suite. Peut-être a-t-il pris le cheval du serviteur ou une autre monture » dit Marthe. Et, s’adressant à sa sœur : « Oh ! si tu m’avais laissée l’appeler plus tôt ! » Puis, tout agitée, elle impose au médecin : « Fais-le vivre ! ».

      Le médecin ouvre les bras. Il essaie des potions fortifiantes, mais Lazare n’avale plus.

      Le râle augmente… augmente… Il est déchirant…

      « Je ne peux plus entendre ça ! gémit Noémie.

      – Oui. Il a une longue agonie… » acquiesce le médecin d’un signe de tête.

      Mais il n’a pas encore fini de parler que, avec une convulsion de toute sa personne qui se cambre et puis s’abandonne, Lazare exhale le dernier soupir.

      544.11 Les sœurs crient… en voyant ce spasme, cet abandon. Marie appelle son frère, l’embrasse. Marthe s’accroche au médecin qui se penche sur le mort, et constate :

      « Il a expiré. Désormais, il est trop tard pour attendre le miracle. Il n’y a plus rien à attendre. Trop tard !… Je me retire, domina. Je n’ai plus aucune raison de rester. Ne tardez pas pour les funérailles, car il est déjà décomposé. »

      Il abaisse les paupières sur les yeux du mort et ajoute, en le regardant :

      « Quel malheur ! C’était un homme vertueux et intelligent. Il ne devait pas mourir ! »

      Il s’incline vers les deux sœurs, qu’il salue : “ Dominae ! Salve ! ”, puis il s’en va.

      Les pleurs emplissent la pièce. Marie désormais n’a plus de force et elle se renverse sur le corps de son frère en criant ses remords, en demandant son pardon. Marthe pleure dans les bras de Noémie.

      Puis Marie s’écrie :

      « Tu n’as pas eu foi, tu n’as pas obéi ! Je l’ai tué une première fois ; toi, tu le tues maintenant ; moi, par mon péché, toi, par ta désobéissance. »

      Elle est comme folle. Marthe la soulève, l’embrasse, s’excuse. Maximin, Noémie, Marcelle essaient de les ramener toutes deux à la raison et à la résignation. Ils y parviennent en évoquant Jésus… La douleur devient plus ordonnée et, pendant que la pièce se remplit de serviteurs en larmes et que pénètrent les personnes chargées de l’ensevelissement, on emmène les deux sœurs autre part pour qu’elles pleurent leur douleur.

      Maximin, qui les conduit, remarque :

      « Il a expiré à la fin du second temps de la nuit. »

      Et Noémie :

      « Il faudra l’ensevelir demain dans la journée, avant le coucher du soleil, car le sabbat arrive. Vous avez dit que le Maître veut de grands honneurs…

      – Oui. Maximin, à toi de t’en occuper. Moi, je ne suis qu’une bonne à rien, dit Marthe.

      – Je vais envoyer les serviteurs à ceux qui sont loin et à ceux qui sont proches, et donner des ordres » propose Maximin avant de se retirer.

      Les deux sœurs pleurent, embrassées. Elles ne se font plus de reproches mutuels. Elles sanglotent. Elles essaient de se réconforter…

      544.12 Les heures passent. Le mort est préparé dans sa chambre. Ce n’est plus qu’une longue forme compressée dans des bandes sous le suaire.

      « Pourquoi est-il déjà enveloppé ainsi ? s’exclame Marthe, qui en fait des reproches.

      – Maîtresse… Son nez était une puanteur, et quand on l’a remué, il a rejeté du sang corrompu », dit en s’excusant un vieux serviteur.

      Les sœurs redoublent de larmes. Sous ces bandes, Lazare leur paraît déjà plus loin… C’est un pas de plus dans l’éloignement de la mort. Elles le veillent en pleurant jusqu’à l’aube, jusqu’au retour du serviteur parti sur l’autre rive du Jourdain. Il est abasourdi, mais rend compte de la course qu’il a faite pour apporter la réponse que Jésus vient.

      « Il a dit qu’il va venir ? Il n’a fait aucun reproche ? demande Marthe.

      – Non, maîtresse. Il a répondu : “ Je viendrai. Dis-leur que je viendrai. ” Et auparavant, il avait dit : “ Recommande-leur bien d’avoir foi et de rester tranquilles. Ce n’est pas une maladie mortelle, mais c’est la gloire de Dieu, pour que sa puissance soit glorifiée en son Fils. ”

      – Ce sont vraiment ses mots ? En es-tu sûr ? questionne Marie.

      – Maîtresse, tout le long de la route, j’ai répété les paroles !

      – Va, va. Tu es fatigué. Tu as bien rempli ta mission. Mais il est trop tard, désormais !… » soupire Marthe.

      Et dès qu’elle reste avec sa sœur, elle éclate bruyamment en sanglots.

      « Marthe, pourquoi ?… demande Marie.

      – Ah ! en plus de la mort, c’est la désillusion ! Marie ! Marie ! Tu ne te rends pas compte que, cette fois, le Maître s’est trompé ? Regarde Lazare. Il est bien mort ! Nous avons espéré au-delà de ce qui est croyable, et cela n’a pas servi. Quand je l’ai fait appeler, j’ai certainement mal agi, Lazare était déjà plus mort que vif. Et notre foi n’a eu ni résultat ni récompense. Et le Maître nous fait dire que ce n’est pas une maladie mortelle ! Le Maître, alors, n’est plus la Vérité ? Il ne l’est plus… Oh ! Tout est fini, absolument tout ! »

      Marie, quant à elle, se tord les mains. Elle ne sait que dire. La réalité est la réalité… Mais elle ne parle pas. Elle ne dit pas un mot contre son Jésus. Elle pleure. Elle est vraiment à bout.

      Marthe a une idée fixe dans le cœur : celle d’avoir trop tardé :

      « C’est ta faute, reproche-t-elle. Il voulait éprouver ainsi notre foi. Obéir, oui. Mais désobéir aussi à cause de notre foi, et lui montrer que nous croyons que lui seul pouvait et devait accomplir ce miracle. Mon pauvre frère ! Il a tant désiré sa venue ! Au moins cela : le voir ! Notre pauvre Lazare ! »

      Et les pleurs se changent en un cri lugubre auquel font écho de l’autre côté de la porte les cris des servantes et des serviteurs, selon les coutumes de l’Orient…




[1] Job 42, 9.
[2] Job 42,10.
[3] Job 42,12.
[4] Job 42,16.
[5] Daniel 3,21.
[6] Jonas 2,1.
[7] Proverbes 31, 6.
[8] Proverbes 31, 7.
[9] Job 1, 20-21.
[10] Michée 7, 10.
[11] Daniel 13, 1-3.
[12] Daniel 13, 19-22.
[13] Daniel 13, 23.
[14] Daniel 13, 60.
[15] Daniel 13, 55 et 59.
[16] Judith 8, 4.
[17] Judith 8, 5.
[18] Judith 8, 6.
[19] Judith 8, 7-8.
[20] Judith 15, 9.
[21] Judith 15, 10.
[22] À rapprocher de Matthieu 25, 21 : Son maître lui déclara : “Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.”



*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-004.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/delire-et-mort-de-lazare.html
Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 27 Mar - 20:23

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

545. Le serviteur de Béthanie apporte à Jésus le message de Marthe. Jésus prédit à Simon-Pierre que Rome deviendra chrétienne

Ancienne édition : Tome 8, chapitre 5.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 545.

Le 22 décembre 1946

Jeudi 20 décembre 29
Béthanie


      545.1 La nuit commence déjà à tomber. Le serviteur, remontant les bosquets du fleuve, éperonne son cheval, qui fume de sueur, pour lui faire franchir la dénivellation qui existe à cet endroit entre le fleuve et le chemin du village. Les flancs du pauvre animal palpitent sous la fatigue de cette longue course rapide. La sueur fait luire sa robe noire, et l’écume du mors éclabousse son poitrail de taches blanches. Il halète en cambrant son cou et en secouant la tête.

      Une fois sur le sentier, il a vite fait de rejoindre la maison. Le serviteur saute à terre, attache le cheval à la haie, et appelle.

      De derrière la maison se présente la tête de Pierre et, de sa voix un peu rauque, il demande :

      « Qui est-ce ? Le Maître est fatigué. Cela fait des heures qu’il n’est pas tranquille. Il fait presque nuit. Revenez demain.

      – Je ne veux rien du Maître, moi. Je suis en bonne santé et je n’ai qu’un mot à lui dire. »

      Pierre s’approche :

      « Et de la part de qui, si on peut le demander ? Si je ne peux reconnaître à coup sûr, je ne laisse passer personne, et surtout pas quelqu’un qui pue Jérusalem comme toi. »

      Rendu plus soupçonneux par la beauté du cheval maure richement harnaché, que par l’homme, il s’est avancé lentement. Mais quand ils sont en face l’un de l’autre, il fait un geste étonné :

      « Toi ? Mais n’es-tu pas un serviteur de Lazare ? »

      Le serviteur ne sait que répondre. Sa maîtresse lui a demandé de ne parler qu’à Jésus, mais l’apôtre semble bien décidé à ne pas le laisser passer. Le nom de Lazare, il le sait, est puissant auprès des apôtres. Il se décide à préciser :

      « Oui, je suis Jonas, serviteur de Lazare. Je dois parler au Maître.

      – Lazare va mal ? C’est lui qui t’envoie ?

      – Il va mal, oui. Mais ne me fais pas perdre de temps. Je dois repartir au plus tôt. » Et, pour convaincre Pierre, il ajoute : « Des membres du Sanhédrin sont venus à Béthanie…

      – Des membres du Sanhédrin ! Passe donc, passe ! » et il ouvre le portail en disant :  «Détache le cheval. Nous allons le faire boire et lui donner de l’herbe, si tu veux.

      – J’ai de l’avoine, mais un peu d’herbe serait la bienvenue. Pour l’eau, il vaut mieux attendre ; tout de suite, ça lui ferait du mal. »

      545.2 Ils entrent dans la pièce où se trouvent les couchettes et attachent l’animal dans un coin pour le garder à l’abri de l’air ; le serviteur lui met une couverture qui était attachée à la selle, lui donne de l’avoine et de l’herbe que Pierre a trouvée je ne sais où. Une fois dehors, Pierre conduit Jonas dans la cuisine et lui offre une tasse de lait chaud, qu’il prend dans un petit chaudron qui se trouve près du feu allumé, au lieu de l’eau que le serviteur avait demandée. Pendant que ce dernier boit et se réchauffe auprès du foyer, Pierre, qui s’abstient héroïquement de poser des questions, dit :

      « Le lait vaut mieux que l’eau que tu voulais. Et puisque nous en avons… Tu as fait tout ce chemin en une étape ?

      – En une étape, oui, et je ferai de même au retour.

      – Tu seras fatigué. Et le cheval va tenir le coup ?

      – Je l’espère. Et puis, au retour, je ne galoperai pas comme à l’aller.

      – Mais il va bientôt faire nuit. La lune commence déjà à se lever… Comment vas-tu faire au fleuve ?

      – J’espère y arriver avant qu’elle ne se couche, sinon je resterai dans le bois jusqu’à l’aube. Mais j’y serai à temps.

      – Et après ? La route est longue du fleuve à Béthanie, et la lune se couche de bonne heure. Elle en est à ses premiers jours.

      – J’ai une bonne lanterne, je l’allumerai et j’avancerai lentement. Même à petite allure, je me rapprocherai toujours de la maison.

      – Veux-tu du pain et du fromage ? Nous en avons, et aussi du poisson. C’est moi qui l’ai pêché. Parce qu’aujourd’hui je suis resté ici avec Thomas. Mais maintenant, Thomas est allé demander du pain à une femme qui nous rend service.

      – Non, ne te prive de rien. J’ai mangé en route, mais j’avais soif et besoin aussi de quelque chose de chaud. Maintenant, je me sens bien. Mais veux-tu aller chercher le Maître ? Est-il ici ?

      – Oui, oui. S’il avait été absent, je te l’aurais dit tout de suite. Il se repose à côté, car il vient tant de monde ici… J’ai même peur que cela ne fasse du bruit et n’alarme les pharisiens. Prends encore un peu de lait. D’ailleurs, tu devras laisser manger le cheval… et le faire se reposer. Ses flancs battaient comme une voile mal tendue…

      – Non. Le lait, vous en avez besoin. Vous êtes si nombreux…

      – Oui, mais à l’exception de Jésus, qui parle tant, qu’il en a la poitrine fatiguée, et des plus âgés, nous qui sommes robustes, nous mangeons des aliments qui font travailler les dents. Prends. C’est celui des brebis laissées par le vieillard. Quand nous sommes ici, la femme nous l’apporte, mais si nous en désirons davantage, tous nous en donnent. Ils nous aiment bien, et ils nous aident. 545.3Et… dis-moi un peu : ils étaient tellement nombreux, les membres du Sanhédrin ?

      – Presque tous étaient là, et d’autres avec eux : sadducéens, scribes, pharisiens, juifs de grande fortune, et même quelques hérodiens…

      – Et qu’est-ce que ces gens sont venus faire Béthanie ? Est-ce que Joseph et Nicodème étaient là ?

      – Non : ils étaient passés les jours d’avant, et Manahen aussi. Mais ceux qui sont venus dernièrement n’étaient pas de ceux qui aiment le Seigneur.

      – Je le crois bien ! Il y en a tellement peu au Sanhédrin qui l’aiment ! Que voulaient-ils exactement ?

      – Saluer Lazare, ont-ils dit en entrant…

      – Hum ! Quel amour étrange ! Ils l’ont toujours écarté pour tant de raisons… Bien !… Croyons-le aussi… Ils sont restés longtemps ?

      – Assez longtemps, oui. Et ils sont repartis contrariés. Moi, je ne sers pas à la maison, par conséquent je ne faisais pas le service des tables, mais ceux qui en étaient chargés rapportent qu’ils ont parlé avec les maîtresses et qu’ils ont voulu voir Lazare. C’est Elchias qui est allé voir Lazare et…

      – Cette peau de vache !… siffle Pierre entre ses dents.

      – Qu’est-ce que tu dis ?

      – Rien, rien ! Continue. Et il a parlé avec Lazare ?

      – Je crois. Il est allé dans sa chambre avec Marie. Mais ensuite, je ne sais pourquoi… Marie s’est agitée et les serviteurs, prêts à accourir des pièces voisines, racontent qu’elle les a chassés comme des chiens…

      – Bravo ! Voilà ce qu’il fallait faire ! Et elles t’ont envoyé le dire à Jésus ?

      – Ne me fais pas perdre plus de temps, Simon.

      – Tu as raison, viens. »

      545.4 Il le conduit à une porte, frappe, et annonce :

      « Maître, il y a là un serviteur de Lazare qui veut te parler.

      – Entre » dit Jésus.

      Pierre ouvre la porte, fait entrer le serviteur, ferme et se retire, méritoirement, près du feu pour mortifier sa curiosité.

      Jésus est assis sur le bord de son lit, dans une pièce si exigüe qu’il y a tout juste de la place pour la couche et pour la personne qui l’habite. Ce devait être auparavant un local pour les vivres car on voit encore des crochets aux murs et des planches sur des chevilles. Jésus regarde en souriant le serviteur qui s’est agenouillé, et il le salue :

      « Que la paix soit avec toi. »

      Puis il ajoute :

      « Quelles nouvelles m’apportes-tu ? Relève-toi et parle.

      – Mes maîtresses m’envoient te prier de venir tout de suite à Béthanie, car Lazare est très malade et le médecin nous avertit de sa mort prochaine. Marthe et Marie t’en supplient et elles m’ont envoyé te dire [1] : “ Viens, car toi seul peux le guérir. ”

      – Conseille-leur de rester tranquilles : ce n’est pas une maladie mortelle, mais c’est la gloire de Dieu pour que sa puissance soit glorifiée en son Fils.

      – Mais il est au plus mal, Maître ! Sa chair est gangrenée, et il ne se nourrit plus. J’ai éreinté le cheval pour arriver plus tôt…

      – Peu importe. C’est comme je te le dis.

      – Mais viendras-tu ?

      – Je viendrai. Dis-leur que je viendrai et que je leur demande d’avoir foi, une foi absolue. Tu as compris ? Va. Paix à toi et à celles qui t’envoient. Je te répète : qu’elles aient foi absolue. Va. »

      Le serviteur salue et se retire.

      545.5 Pierre court à sa rencontre :

      « Tu as fait vite! Je m’attendais à un long discours… »

      Il le regarde, le regarde… Le désir de savoir transpire par tous les pores de son visage, mais il se retient…

      « Je pars. Veux-tu me donner de l’eau pour mon cheval ? Après, je m’en irai.

      – Viens. Nous avons tout un fleuve à te proposer, en plus du puits pour nous. »

      Et Pierre, muni d’une lampe, le précède et donne l’eau demandée.

      Ils font boire le cheval. Jonas soulève la couverture, examine les fers, la sous-ventrière, les rênes, les étriers. Il explique :

      « Il a tant couru ! Mais tout est en bon état. Adieu, Simon-Pierre, et prie pour nous. »

      Il conduit le cheval dehors, sort sur la route en le tenant par la bride, met un pied dans l’étrier, et s’apprête à monter en selle. Mais Pierre le retient en lui posant une main sur le bras :

      « Tout ce que je veux savoir, c’est cela : y a-t-il danger pour lui à rester ici ? Ont-ils fait cette menace ? Voulaient-ils apprendre par les deux sœurs où nous étions ? Réponds, au nom de Dieu !

      – Non, Simon, non. Il n’en a pas été question. C’est pour Lazare qu’ils sont venus… Entre nous, nous soupçonnons que c’était pour voir si le Maître était là et si Lazare était lépreux, car Marthe criait très fort qu’il n’est pas lépreux, et elle pleurait… Adieu, Simon, paix à toi.

      – Ainsi qu’à toi et à tes maîtresses. Que Dieu t’accompagne sur le chemin du retour… »

      Il le regarde partir… et disparaître bientôt au bout de la rue — en effet, le serviteur préfère prendre la grande route éclairée par la lumière de la lune plutôt que le sentier obscur du bois le long du fleuve. Il reste pensif, puis referme la grille et revient à la maison.

      545.6 Il va trouver Jésus qui est toujours assis sur sa couche, les mains appuyées sur le bord, l’air songeur. Mais il se secoue en sentant près de lui Pierre qui le dévisage comme pour l’interroger. Il sourit.

      « Tu souris, Maître ?

      – Je te souris, Simon. Assieds-toi près de moi. Les autres sont-ils revenus ?

      – Non, pas même Thomas. Il aura trouvé des personnes à qui parler.

      – C’est bien.

      – Bien qu’il parle ? Bien que les autres tardent ? Lui, il ne parle que trop. Il est toujours gai ! Et les autres ? Je suis toujours inquiet tant qu’ils ne sont pas de retour. J’ai toujours peur, moi.

      – Et de quoi, mon Simon ? Il n’arrive rien de mal pour le moment, crois-moi. Apaise-toi et imite Thomas qui est toujours gai. Toi, au contraire, tu es bien triste depuis quelque temps !

      – Je défie quiconque t’aime de ne pas l’être ! Je suis vieux à présent, et je réfléchis plus que les jeunes. Car eux aussi t’aiment, mais ils sont vifs et se concentrent moins… Si tu désires que je sois plus gai, je le serai, je m’efforcerai de l’être. Mais pour que ce soit possible, donne-moi au moins une raison de l’être. Dis-moi la vérité, mon Seigneur, je te le demande à genoux (effectivement, il glisse à genoux). Que t’a dit le serviteur de Lazare ? Qu’ils te cherchent ? Qu’ils veulent te nuire ? Que… »

      Jésus pose sa main sur la tête de Pierre :

      « Mais non, Simon ! Rien de tout cela. Il est venu m’informer que l’état de Lazare s’est beaucoup aggravé, et nous avons parlé seulement de Lazare.

      – Vraiment, vraiment ?

      – Vraiment, Simon. Et j’ai répondu que ses sœurs doivent avoir foi.

      – Mais les membres du Sanhédrin sont allés à Béthanie, tu le sais ?

      – C’est bien naturel ! La maison de Lazare est une grande maison, et nos usages demandent que l’on rende ces honneurs à un homme puissant qui meurt. Ne t’agite pas, Simon.

      – Mais tu crois vraiment qu’ils n’ont pas profité de cette excuse pour…

      – Pour voir si j’étais là. Eh bien, ils ne m’auront pas trouvé. Allons, ne t’effraie pas ainsi, comme s’ils m’avaient déjà pris. Reviens près de moi, pauvre Simon, qui ne veut absolument pas se laisser convaincre que rien ne peut m’arriver de mal jusqu’au moment décrété par Dieu, et que, alors… rien ne pourra me défendre du Mal… »

      Pierre s’accroche à son cou et lui ferme la bouche en y déposant un baiser et en disant :

      « Tais-toi ! Tais-toi ! Ne me parle pas de telles horreurs ! Je ne veux pas les entendre ! »

      Jésus réussit à se dégager assez pour pouvoir parler, et il murmure :

      « Tu ne veux pas les entendre, et c’est une erreur ! Mais je t’excuse… 545.7 Ecoute, Simon, puisque tu étais seul ici, toi et moi seuls nous devons savoir ce qui est arrivé. Tu m’as bien compris ?

      – Oui, Maître, je n’en parlerai à aucun des compagnons.

      – Que de sacrifices, n’est-ce pas, Simon ?

      – Des sacrifices ? Lesquels ? On est bien, ici. Nous avons tout ce qu’il nous faut.

      – Ne pas questionner, ne pas parler, supporter Judas… être loin de ton lac… ce sont des sacrifices ! Mais Dieu te récompensera de tout.

      – Oh ! si c’est de cela que tu veux parler !… Au lieu du lac, j’ai le fleuve et… je m’en contente. Pour Judas… je t’ai toi, et tu es une large compensation… Et pour le reste… bagatelles ! Cela me sert à devenir moins rustre et plus semblable à toi. Comme je suis heureux d’être ici avec toi ! Dans tes bras ! Le palais de César ne me paraîtrait pas plus beau que cette maison, si je pouvais rester toujours ainsi, dans tes bras.

      – Que sais-tu du palais de César ? L’aurais-tu donc vu ?

      – Non, et je ne le verrai jamais. Mais je n’y tiens pas. Pourtant, j’imagine qu’il est grand, beau, rempli de merveilles… et d’ordures, comme Rome tout entière, je suppose. Je n’y resterais pas même si on me couvrait d’or !

      – Où ? Dans le palais de César, ou à Rome ?

      – Aux deux endroits. Anathème !

      – Mais c’est justement parce qu’ils sont tels qu’il faut les évangéliser.

      – Et que veux-tu faire à Rome ? Ce n’est qu’un lupanar ! Il n’y a rien à faire, là-bas, à moins que tu y viennes, toi. Alors !…

      – J’y viendrai. Rome est la capitale du monde. Conquérir Rome, c’est conquérir le monde.

      – Nous allons à Rome ? Tu te proclames roi, là-bas ! Miséricorde et puissance de Dieu ! Cela, c’est un miracle ! »

      Pierre s’est levé et il reste les bras tendus devant Jésus, qui lui répond en souriant :

      « J’y serai dans la personne de mes apôtres. Vous me la conquerrez et je vous aiderai. Mais j’entends quelqu’un à côté. Allons, Pierre. »




[1] Seule Marthe l’a envoyé et contre l’avis de Marie Madeleine. Jean 11,3 mentionne que ce sont "les sœurs" qui envoyèrent le messager et, en effet, toutes les deux émettent le même reproche à Jésus ; Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort, (Jean 11, 21 pour Marthe et 11,31 pour Marie). Mais si Marthe cède à l’angoisse, Marie reste fidèle à la consigne d’appeler Jésus, après la mort de Lazare.  
Le serviteur, sachant sans doute les débats entre les deux sœurs, ne veut pas dénoncer Marthe seulement.




Observations

Pierre et les lupanars romains…

Alors que Pierre clame son dégout pour Rome, Jésus lui dévoile à mi-mots sa destination future :

« – Que sais-tu du palais de César ? L’aurais-tu donc vu ?

– Non, et je ne le verrai jamais. Mais je n’y tiens pas. Pourtant, j’imagine qu’il est grand, beau, rempli de merveilles… et d’ordures, comme Rome tout entière, je suppose. Je n’y resterais pas même si on me couvrait d’or !

– Où ? Dans le palais de César, ou à Rome ?

– Aux deux endroits. Anathème !

– Mais c’est justement parce qu’ils sont tels qu’il faut les évangéliser.

– Et que veux-tu faire à Rome ?! Ce n’est qu’un lupanar ! Il n’y a rien à faire, là-bas, à moins que tu y viennes, toi. Alors !…

– J'y irai. Rome est la capitale du monde. Rome une fois conquise, c'est le monde qui est conquis.

– Nous allons à Rome ? Tu te proclames roi, là-bas ! Miséricorde et puissance de Dieu ! Cela, c’est un miracle ! »

Pierre s’est levé et il reste les bras tendus devant Jésus, qui lui répond en souriant :

« J’y serai dans la personne de mes apôtres. Vous me la conquerrez et je vous aiderai ». (EMV 545.7)


Déjà Pierre s’était scandalisé de devoir accompagner Jésus dans Magdala à la réputation scandaleuse. « Pour mon amour, tu devras entrer non pas dans une ville de plaisir, mais dans de vrais lupanars... », lui avait alors prédit Jésus (EMV 183.1).


Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Jesus-predit-que-rome-deviendra-chretienne


Dans l’Antiquité romaine, la louve (lupa), était l'animal qui symbolisait la prostituée. Les maisons de prostitution (lupanaria) étaient très fréquentes en Grèce et à Rome, dès le 6e siècle avant J.-C.

*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-004.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/jesus-predit-que-rome-deviendra-chretienne.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 28 Mar - 22:28

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

546. Le jour des funérailles de Lazare

Ancienne édition : Tome 8, chapitre 6.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 546.

Le 23 décembre 1946

Vendredi 21 décembre 29
Béthanie


       546.1 La nouvelle de la mort de Lazare doit avoir produit l’effet d’un bâton que l’on agite à l’intérieur d’une ruche. Tout Jérusalem en parle. Notables, marchands, menu peuple, pauvres gens, habitants de la ville ou des campagnes voisines, étrangers de passage mais pas tout à fait ignorants de l’endroit, étrangers qui s’y trouvent pour la première fois et qui demandent quel est celui dont la mort occasionne un tel remue-ménage ; Romains, légionnaires, employés du Temple, lévites et prêtres se rassemblent et se quittent continuellement en courant çà et là… Des gens s’attroupent pour discuter de l’événement en des expressions et termes différents. Les uns s’en félicitent, d’autres pleurent, d’autres se sentent plus mendiants qu’à l’ordinaire maintenant que leur bienfaiteur est mort; quelqu’un gémit : « Je n’aurai plus jamais un maître comme lui, plus jamais », certains énumèrent ses mérites et d’autres mettent en lumière sa richesse et sa parenté, les fonctions et les charges de son père, ainsi que la beauté de sa mère, sa richesse et sa naissance “ royale ”. D’autres, malheureusement, rappellent aussi des souvenirs familiaux sur lesquels il vaudrait mieux laisser tomber un voile, surtout quand il s’agit d’un mort qui en a souffert…

      546.2 Les nouvelles les plus disparates sur la cause de la mort de Lazare, sur l’emplacement du tombeau, sur l’absence du Christ de la maison de son grand ami et protecteur, justement en cette circonstance, tout cela alimente les débats de petits groupes. Deux opinions prévalent : la première allègue que cette absence a été provoquée par l’attitude hostile des juifs, des membres du Sanhédrin, des pharisiens et autres personnes de même acabit à l’égard du Maître ; l’autre soutient que le Maître, se trouvant en face d’une vraie maladie mortelle, s’est dérobé parce que, dans un tel cas, ses procédés frauduleux n’auraient pas réussi. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre de quelle source vient cette dernière opinion. Elle heurte un grand nombre de gens qui répliquent : « Es-tu pharisien, toi aussi ? Si oui, gare à toi, car avec nous, on ne blasphème pas le Saint ! Vipères maudites, engendrées par des hyènes accouplées au Léviathan ! Qui vous paie pour offenser le Messie ? »

      Prises de becs, insultes, quelques coups de poing aussi, et des invectives mordantes adressées aux pharisiens couverts de riches manteaux et aux scribes qui passent avec des airs de dieux sans daigner regarder la plèbe qui vocifère pour et contre eux, pour et contre le Maître, résonnent dans les rues. Et que d’accusations !

      « Voilà quelqu’un qui prétend que Jésus est un faux Maître ! C’est certainement l’un de ceux qui ont été achetés avec les deniers de ces serpents qui viennent de passer.

      – Avec leurs deniers ? Tu veux dire avec les nôtres ! C’est pour cela qu’ils nous plument ! Mais où est-il ? Je veux voir si c’est l’un de ceux qui sont venus me parler hier…

      – Il s’est enfui, mais vive Dieu ! Ici, il faut s’unir et agir. Ils sont trop impudents. »

      Autre conversation :

      « Je t’ai entendu et je te connais. Je dirai à qui de droit comment tu parles du Tribunal suprême !

      – J’appartiens au Christ, et la bave de démon ne me nuit pas. Répète-le à Hanne et à Caïphe, si tu veux, et que cela serve à les rendre plus justes. »

      Et, plus loin :

      « C’est moi, moi que tu traites de parjure et de blasphémateur parce que je suis disciple du Dieu vivant ? C’est toi le parjure et le blasphémateur qui l’offenses et le persécutes ! Je te connais, tu sais ? Je t’ai vu et entendu. Espion ! Vendu ! Saisissez-vous de lui… »

      En attendant, il lui applique sur la figure de ces gifles qui font rougir le visage osseux et verdâtre d’un juif.

      « Cornélius, Siméon [1], regardez ! Ils me malmènent » se plaint un autre, plus loin, en s’adressant à un groupe de membres du Sanhédrin.

      « Supporte cela pour la foi, et ne te souille pas les lèvres et les mains la veille d’un sabbat » répond l’un d’eux, sans même tourner les yeux vers le malheureux, sur lequel un groupe de gens du peuple exerce une justice sommaire…

      Les femmes crient pour rappeler leurs maris, en les suppliant de ne pas se compromettre.

      Les légionnaires de patrouille font dégager les rues à coups de hampes et menacent de procéder à des arrestations et de prendre des sanctions.

      La mort de Lazare, le fait principal, donne l’occasion de penser à des faits secondaires qui défoulent la longue tension des cœurs…

      Les membres du Sanhédrin, les anciens, les scribes, les sadducéens, les notables juifs, passent, l’air indifférent et sournois, comme si toute cette explosion de petites colères, de vengeances personnelles, de nervosité, ne s’enracinait pas en eux. Plus les heures s’écoulent, plus les passions fermentent et les cœurs s’enflamment.

      « Ils prétendent — écoutez un peu — que le Christ ne peut guérir les malades. Moi, j’étais lépreux et maintenant je suis en bonne santé. Les connaissez-vous ? Je ne suis pas de Jérusalem, mais jamais je ne les ai vus parmi les disciples du Christ depuis deux ans.

      – Eux ? Fais-moi voir celui du milieu ! Ah ! le scélérat ! C’est lui qui, à la dernière lune, est venu m’offrir de l’argent au nom du Christ, en prétendant que Jésus prend des hommes en solde pour s’emparer de la Palestine. Et maintenant il dit… mais pourquoi l’as-tu laissé échapper ?

      – Vous avez compris, hein ! Quelles canailles ! Pour un peu, je me laissais prendre ! Il avait raison, mon beau-père ! 546.3 Voilà Joseph l’Ancien avec Jean et Josué. Allons leur demander s’il est vrai que le Maître veut rassembler des armées. Ce sont des justes très bien renseignés. »

      Ils courent en groupe vers les trois membres du Sanhédrin et les interrogent.

      « Rentrez chez vous, hommes. Dans les rues, on pèche et l’on se nuit. Ne vous disputez pas. Ne vous alarmez plus. Occupez-vous de vos affaires et de vos familles. N’écoutez pas ceux qui colportent des illusions et ne vous laissez plus aveugler. Le Rabbi est un maître, non un guerrier. Vous le connaissez : il dit ce qu’il pense. Il ne vous aurait pas envoyé d’autres personnes vous demander de le suivre comme guerriers, s’il vous avait voulus tels. Ne lui causez aucun tort, ni à vous-mêmes, ni à votre patrie. Rentrez chez vous, hommes ! Rentrez chez vous ! Ne faites pas de ce qui est déjà un malheur — la mort d’un juste —, une suite de malheurs. Retournez chez vous, et priez pour Lazare, qui faisait du bien à tout le monde » dit Joseph d’Arimathie, qui doit être très aimé et écouté par le peuple, car il a la réputation d’être un homme juste.

      A son tour, Jean (celui qui était jaloux [2]) intervient :

      « C’est un homme de paix, pas de guerre. N’écoutez pas les faux disciples. Rappelez-vous comme les autres qui se prétendaient Messie étaient différents. Souvenez-vous, comparez, et votre justice vous montrera que de telles incitations à la violence ne peuvent venir de lui ! Retournez auprès de vos femmes qui pleurent et de vos enfants apeurés. Il est écrit : “ Malheur aux violents et à ceux qui favorisent les rixes [3]. ” »

      Un groupe de femmes en larmes aborde les trois membres du Sanhédrin, et l’une d’elles dit :

      « Les scribes ont menacé mon homme. J’ai peur ! Joseph, parle-leur.

      – Je vais le faire, mais que ton mari sache se taire. Croyez-vous par ces agitations rendre service au Maître et honorer le mort ? Vous vous trompez. Vous nuisez à l’un et à l’autre » répond Joseph.

      546.4 Puis il les quitte pour aller à la rencontre de Nicodème, qui arrive par une rue, suivi de ses serviteurs :

      « Je n’espérais pas te voir, Nicodème. Moi-même, je ne sais comment j’ai pu. Un serviteur de Lazare est venu après le chant du coq m’informer du malheur.

      – Et chez moi, plus tard. Je suis parti aussitôt. Sais-tu si le Maître se trouve à Béthanie ?

      – Non, il ne s’y trouve pas. C’est mon intendant de Bézéta [4], sur les lieux à l’heure de tierce, qui me l’a dit.

      – Moi, je ne comprends pas comment… Il accomplit des miracles pour tous, sauf pour Lazare ! s’écrie Jean.

      – C’est peut-être qu’il a déjà accordé plus qu’une guérison à cette maison : il a racheté Marie et leur a rendu paix et honneur… suppose Joseph.

      – Paix et honneur ! C’est bon pour les bons, mais beaucoup… n’ont pas rendu et ne rendent pas honneur, même maintenant que Marie… Vous ne savez pas… : il y a trois jours, Elchias y est allé avec beaucoup d’autres… et ils n’ont pas rendu honneur. Marie les a chassés. Ce sont eux qui me l’ont rapporté. Ils étaient furieux ! Je les ai laissé parler pour ne pas dévoiler mon cœur… dit Josué.

      – Et maintenant ils vont aux funérailles ? demande Nicodème.

      – Après avoir reçu l’avis du décès, ils se sont réunis au Temple pour en débattre. Les serviteurs ont dû beaucoup courir ce matin à l’aurore !

      – Pourquoi précipite-t-on ainsi les funérailles ? Juste après sexte !… [5]

      – Parce que Lazare était déjà décomposé quand il est mort. Mon intendant m’a dit que, malgré les résines qui brûlent dans les pièces, et les aromates répandus sur le défunt, la puanteur du cadavre se sent dès le portail de la maison. D’ailleurs, au couchant le sabbat commence. Il n’était pas possible de faire autrement.

      546.5 – Et tu dis qu’ils se sont réunis au Temple ? Pourquoi ?

      – Voilà… en réalité, la réunion était déjà fixée pour discuter sur Lazare. Ils veulent annoncer qu’il était lépreux… explique Josué.

      – Cela, non ! Lazare aurait été le premier à s’isoler pour obéir à la Loi » intervient Joseph pour le défendre. Et il ajoute : « J’ai parlé avec le médecin. Il a absolument exclu la lèpre. Lazare souffrait d’une consomption putride.

      – Dans ce cas, de quoi ont-ils débattu, puisque Lazare était déjà mort ? questionne Nicodème.

      – Ils se demandaient s’il convenait d’aller ou non aux funérailles après avoir été chassés par Marie. Les uns pensaient que oui, les autres que non. Mais ceux qui voulaient y aller étaient les plus nombreux, et cela pour trois motifs. Voir si le Maître y est, première raison, commune à tous. Voir s’il accomplit le miracle, deuxième raison. Et la troisième tient au souvenir des paroles récentes du Maître aux scribes, près du Jourdain, non loin de Jéricho [7], explique encore Josué.

      – Le miracle ! Quel miracle pourrait-il y avoir, maintenant qu’il est mort ? » demande Jean avec un haussement d’épaules avant d’achever : « Toujours les mêmes qui cherchent l’impossible !

      – Le Maître a ressuscité d’autres morts, fait remarquer Joseph.

      – C’est vrai. Mais s’il avait voulu le garder vivant, il ne l’aurait pas laissé mourir. La raison que tu as donnée auparavant est juste : ils ont déjà obtenu un miracle.

      – Oui. Mais Uziel s’est souvenu, et avec lui Sadoq, d’un défi exprimé il y a plusieurs lunes [8]. Le Christ a annoncé qu’il prouverait qu’il peut recomposer un corps en décomposition. C’est le cas de Lazare. Et Sadoq le scribe ajoute que, près du Jourdain, le Rabbi l’a prévenu, de lui-même, qu’à la nouvelle lune, il verrait s’accomplir la moitié de ce défi : un corps décomposé qui revit, sans plus aucune séquelle ni maladie. Or ce sont eux qui ont gagné. Si cela arrive, il est certain que c’est grâce au Maître. Il n’y aura alors plus aucun doute à son sujet.

      – Pourvu que ce ne soit pas un mal… murmure Joseph.

      – Un mal ? Pourquoi ? Les scribes et les pharisiens seront convaincus…

      – Oh ! Jean ! Mais es-tu donc un étranger pour pouvoir prétendre cela ? Tu ne connais pas tes concitoyens ? Quand donc la vérité les a-t-elle rendus saints ? Le fait qu’ils n’aient pas apporté chez moi l’invitation à la réunion ne t’éclaire-t-il pas ?

      – Chez moi non plus. Ils doutent de nous et nous laissent souvent de côté » constate Nicodème. Et il demande : « Gamaliel y a-t-il assisté ?

      – Son fils était présent. Et il viendra pour remplacer son père, qui est souffrant à Gamla de Judée.

      – Et que disait Siméon ?

      – Rien, absolument rien. Il a écouté et est reparti. Il y a un moment, il est passé avec des disciples de son père, sur la route de Béthanie. »

      Les voilà presque à la porte de Jérusalem qui ouvre sur ce chemin de Béthanie, et Jean s’écrie :

      « Vois ! Elle est gardée. Pourquoi donc ? Et ils arrêtent ceux qui sortent !

      – Il y a de l’agitation en ville…

      – Oh ! elle n’est pourtant pas des plus fortes… »

      546.6 Ils parviennent à la porte et sont arrêtés comme tout le monde.

      « Pour quelle raison, soldat ? Je suis connu de toute l’Antonia, et vous ne pouvez dire du mal de moi. Je vous respecte et je respecte vos lois, dit Joseph d’Arimathie.

      – Ordre du centurion. Le Chef va entrer dans la ville et nous voulons savoir qui sort par les portes, et spécialement par celle-ci qui donne sur la route de Jéricho. Nous te connaissons, mais nous savons aussi vos sentiments pour nous. Toi et les tiens, passez, et si vous avez de l’influence sur le peuple, dites-leur qu’il vaut mieux pour eux qu’ils restent tranquilles. Ponce n’aime pas changer ses habitudes pour des sujets qui lui portent ombrage… et il pourrait se montrer trop sévère. C’est un conseil loyal pour toi qui es loyal. »

      Ils passent…

      « Tu as entendu ? Je prévois de lourdes journées… Il faudra le conseiller aux autres plutôt qu’au peuple… » dit Joseph.

      546.7 La route de Béthanie est remplie de gens qui vont dans la même direction : à Béthanie. Tous se rendent aux funérailles. On voit des membres du Sanhédrin et des pharisiens mêlés à des sadducéens et des scribes, et ceux-ci à des paysans, des serviteurs, des intendants des différentes maisons et des domaines que Lazare possède dans la ville et dans les campagnes. Et plus on approche de Béthanie, plus il y a du monde qui débouche des sentiers et des chemins sur la route principale.

      Voici Béthanie, Béthanie en deuil de son plus grand citoyen. Tous les habitants, vêtus de leurs plus beaux atours, se tiennent déjà hors des maisons, qui sont fermées comme s’il n’y avait personne à l’intérieur. Mais ils ne sont pas encore dans la demeure du mort. La curiosité les retient près de la grille, le long du chemin. Ils observent les invités qui passent, en disent les noms et échangent leurs impressions.

      « Voici Nathanaël ben Fabba. Oh ! le vieux Mattathias, parent de Jacob [9] ! Le fils d’Hanne ! Regarde-le avec Doras, Ben Calba Scheboua et Archélaüs. Oh ! comment ont-ils fait pour venir, ceux de Galilée ? Ils y sont tous. Regarde : Eli, Yokhanan, Ismaël, Urie, Joachim, Elie, Joseph… Le vieux Chanania avec Sadoq, Zacharie et Yokhanan les sadducéens. Il y a aussi Siméon, le fils de Gamaliel, venu seul. Le rabbi n’est pas avec lui. Voilà Elchias avec Nahum, Félix, Hanne le scribe, Zacharie, Jonathas, fils d’Uriel ! Saül avec Eléazar, Tryphon ben Theudion et Joazar. Eh, voilà du beau monde ! Un autre fils d’Hanne, le plus jeune. Il parle avec Simon Carmit. Philippe avec Jean l’Antipatride. Alexandre, Isaac et Jonas de Babaon. Sadoq. Jude, descendant des Assidéens, le dernier, je crois, de cette classe. Voici les intendants des divers palais. Je ne vois pas les amis fidèles. Que de monde ! »

      Que de monde, vraiment ! Tous des gens importants… Certains ont un visage de circonstance, d’autres portent les marques d’une vraie douleur. Le portail grand ouvert engloutit cette foule, et j’y reconnais tous ceux qu’à diverses reprises j’ai vus se montrer bienveillants ou hostiles autour du Maître. Tous, sauf Gamaliel et Simon, le membre du Sanhédrin. Et j’en remarque d’autres encore que je n’ai jamais rencontrés, ou que j’ai peut-être aperçus sans connaître leur nom dans les discussions autour de Jésus… Il passe des rabbins avec leurs disciples, et des scribes en groupes compacts. Il passe des juifs dont j’entends énumérer les richesses… Le jardin est bondé. Tous vont exprimer leurs condoléances aux sœurs — qui selon l’usage, sans doute, sont assises sous le portique, donc en dehors de la maison — et se répandent ensuite dans le jardin en un continuel bariolage de couleurs et avec d’incessantes salutations et courbettes.

      Marthe et Marie sont bouleversées. Elles se tiennent par la main comme deux fillettes effrayées du vide qui s’est créé dans leur maison, du néant qui emplit leurs journées maintenant qu’elles n’ont plus Lazare à soigner. Elles écoutent les paroles des visiteurs, pleurent avec les vrais amis ou leurs employés fidèles, s’inclinent devant les membres du Sanhédrin à l’air glacial. Imposants, rigides, ils sont venus davantage pour se faire voir que pour honorer le défunt. Elles répondent, lasses de répéter les mêmes choses des centaines de fois, à ceux qui les interrogent sur les derniers instants de Lazare.

      Joseph, Nicodème, les amis les plus sûrs, se tiennent à leur côté, sobres en paroles, mais manifestant une amitié plus réconfortante que de longs discours.

      546.8 Elchias revient avec les plus intransigeants, avec lesquels il a parlé longuement. Il demande :

      « Ne pourrions-nous pas voir le mort ? »

      Marthe, avec tristesse, se passe la main sur le front et répond :

      « Depuis quand cela se fait-il en Israël ? Il est déjà préparé… »

      Des larmes descendent lentement de ses yeux.

      « Ce n’est pas l’usage, c’est vrai, mais nous le désirerions. Les amis les plus fidèles ont bien le droit de voir une dernière fois celui qu’ils aimaient.

      – Nous aussi, ses sœurs, nous aurions eu ce droit. Mais il a été nécessaire de l’embaumer sans attendre… Et quand nous sommes revenues dans la chambre de Lazare, nous n’avons plus vu que sa forme enveloppée de bandelettes…

      – Vous deviez donner des ordres clairs. Ne pouviez-vous pas, ne pourriez-vous pas enlever le suaire de son visage ?

      – Oh ! il est déjà décomposé… Et l’heure des funérailles est arrivée. »

      Joseph intervient :

      « Elchias, il me semble que nous… par excès d’amour, nous leur faisons de la peine. Laissons les sœurs en paix… »

      Siméon, fils de Gamaliel, s’avance, empêchant la réponse d’Elchias :

      « Mon père viendra dès qu’il le pourra. Je le représente. Il appréciait Lazare, et moi de même. »

      Marthe s’incline en répondant ;

      « Que l’honneur du rabbi pour notre frère soit récompensé par Dieu. »

      Elchias, à cause du fils de Gamaliel, s’écarte sans insister davantage et il discute avec les autres, qui lui font observer :

      « Mais tu ne sens pas la puanteur ? Tu veux douter ? Du reste, nous verrons s’ils murent le tombeau. On ne vit pas sans air. »

      Un autre groupe de pharisiens s’approche des sœurs. Ce sont, presque tous, ceux de Galilée. Marthe, après avoir reçu leurs hommages, ne peut s’empêcher de manifester son étonnement devant leur présence.

      « Femme, le Sanhédrin siège en des délibérations d’une extrême importance, et c’est pour cette raison que nous nous trouvons à Jérusalem » explique Simon de Capharnaüm en dévisageant Marie. Il se rappelle certainement sa conversion, mais il se borne à la regarder.

      546.9 Voici que s’avancent Yokhanan, Doras, fils de Doras, et Ismaël avec Chanania, Sadoq et d’autres que je ne connais pas. Ils s’expriment, bien avant de parler, par leurs visages de vipères. Mais ils attendent que Joseph s’éloigne avec Nicodème pour s’adresser à trois juifs, pour pouvoir blesser. C’est le vieux Chanania qui, de sa voix éraillée de vieillard croulant, commence l’attaque :

      « Qu’en dis-tu, Marie ? Votre Maître est le seul absent des nombreux amis de ton frère. Singulière amitié ! Plein d’amour tant que Lazare se portait bien ! Et de l’indifférence quand est venu le moment de l’aimer ! Tous ont obtenu des miracles de Jésus, mais ici, il n’y en a aucun. Qu’en dis-tu, femme ? Il t’a bien trompée, le beau Rabbi galiléen. Hé ! Hé ! N’affirmais-tu pas qu’il t’avait dit d’espérer au-delà de toute espérance ? Tu n’as donc pas espéré, ou bien il ne sert à rien d’espérer en lui ? Tu espérais dans la Vie, as-tu dit. C’est vrai ! Jésus prétend être lui-même “ la Vie ”. Eh ! Eh ! Mais là-dedans se trouve ton frère mort, et là-bas s’ouvre déjà la porte du tombeau. Et toujours pas de Rabbi ! Hé ! Hé !

      – Le Rabbi sait donner la mort, pas la vie » renchérit Doras avec son sourire perfide.

      Marthe incline son visage dans ses mains et pleure. C’est bien la réalité. Son espérance est bien déçue. Le Maître n’est pas là. Il n’est même pas venu les réconforter. Il aurait pourtant pu être là, maintenant. Marthe pleure, elle ne sait plus que pleurer.

      Marie pleure également. Elle aussi doit reconnaître la réalité. Elle a cru, elle a espéré au-delà de ce qui est croyable… mais rien ne s’est produit, et déjà les serviteurs roulent la pierre de l’entrée du tombeau car le soleil commence à descendre, et cela va vite en hiver. Qui plus est, on est vendredi, et tout doit être fait à temps, de façon que les hôtes n'aient pas à transgresser les lois du sabbat, qui va bientôt commencer. Elle a tant espéré, toujours espéré, trop espéré. Elle a mis toutes ses forces dans cette espérance. Et elle est déçue.

      Chanania insiste :

      « Tu ne me réponds pas ? Es-tu convaincue à présent que c’est un imposteur qui vous a exploitées et méprisées ? Pauvres femmes ! » et il hoche la tête parmi ses comparses qui l’imitent, en disant eux aussi : « Pauvres femmes ! »

      546.10 Maximin s’approche :

      « C’est l’heure. Il est temps de donner l’ordre. C’est à vous qu’il revient de le faire. »

      Marthe s’effondre. On la secourt et on la porte dans les bras au milieu des cris des serviteurs, qui comprennent que l’heure de la mise au tombeau est venue et qui entonnent les lamentations.

      Marie se tord convulsivement les mains. Elle supplie :

      « Attendez encore un peu ! Envoyez des serviteurs sur la route d’Ensémès et la fontaine, sur toutes les routes. Des serviteurs à cheval. Pour voir s’il vient…

      – Mais tu espères encore, malheureuse ? Que te faut-il pour te convaincre qu’il vous a trahies et trompées ? Il vous a ignorées avec mépris… »

      C’en est trop ! Le visage baigné de larmes, torturée et pourtant fidèle, dans le demi-cercle de tous ses hôtes rassemblés pour voir sortir la dépouille, Marie proclame :

      « Si Jésus de Nazareth a agi ainsi, c’est bien, et il nous porte un grand amour, à nous les habitants de Béthanie. Tout est pour la gloire de Dieu et la sienne ! Il a dit que cela servirait la gloire du Seigneur, parce que la puissance de son Verbe resplendira complètement. Fais ton œuvre, Maximin. Le tombeau n’est pas un obstacle au pouvoir de Dieu… »

      Elle s’écarte, soutenue par Noémie qui est accourue, et elle fait un signe… La dépouille, dans ses bandelettes, sort de la maison, traverse le jardin entre deux haies de gens, au milieu des cris de deuil. Marie tente de la suivre, mais elle chancelle. Elle rejoint les autres quand tous sont déjà près du tombeau. Elle arrive juste à temps pour voir disparaître la longue forme immobile de son frère dans la nuit du tombeau, où rougissent les torches que tiennent haut les serviteurs afin d’éclairer les marches pour ceux qui descendent avec le mort. En effet, le tombeau de Lazare est légèrement enterré, peut-être pour utiliser des couches de roches souterraines.

      Marie pousse un hurlement… C’est pour elle une vraie torture… Elle crie… Et elle mêle au nom de son frère celui de Jésus. Ils semblent lui arracher le cœur. Mais si elle ne dit que ces deux noms, elle les répète jusqu’au moment où le bruit sourd de la pierre, replacée à l’entrée de la tombe, lui apprend que Lazare n’est plus sur la terre, même avec son corps. Alors elle s’effondre et perd connaissance. Elle s’abat sur celle qui la soutient et soupire encore, pendant qu’elle s’abîme et s’anéantit dans son évanouissement : “ Jésus ! Jésus ! ” On l’éloigne.

      546.11 Maximin reste pour congédier les hôtes et les remercier au nom de toute la famille. Tous l’assurent qu’ils reviendront chaque jour pour le deuil…

      La foule s’écoule lentement. Les derniers à partir sont Joseph, Nicodème, Eléazar, Jean, Joachim et Josué. Au portail ils trouvent Sadoq avec Uriel qui ricanent méchamment :

      « Son défi ! Et nous l’avons craint !

      – Oh ! Lazare est bien mort. Comme il puait malgré les aromates ! Il n’y a pas de doute, non ! Il n’était pas nécessaire d’enlever le suaire. Je crois qu’il était déjà rongé par les vers. »

      Ils sont heureux.

      Joseph porte sur eux un regard si cinglant qu’il leur coupe la parole et les rires. Tout le monde se hâte de repartir pour arriver en ville avant la fin du crépuscule.




[1] Sans doute Simon Carmit, un ancien grand-prêtre.


[2] Jaloux, comme on le voit en EMV 409.

[3] Genèse 49, 7 : Maudite soit leur colère, car elle est violente, et leur fureur, car elle est dure ! Je les démembrerai en Jacob, je les disperserai en Israël.

[4] La résidence de Joseph d'Arimathie à Jérusalem est située près de la piscine de Bézéta (piscine probatique) au nord du Temple. (Voir le plan schématique)

[5] Sexte = midi. Lazare est mort au petit matin

[6] La prophétie sur la résurrection faite à Bethléchi. Les scribes demandaient une résurrection à partir d'un corps putride. Voir la note suivante.

[7] Le signe de Jonas dit à Cédès. Cf. EMV 342.6. Jésus prophétise plus tard que Sadoq en verra la première partie dans un mois (Cf. EMV 525.16).

[8] Il s'agit de la Porte Dorée. La route se sépare entre la direction de Jéricho et celle de Béthanie. Voir le plan schématique.

[9] Peut-être ce Jacob que l'on voit apparaître dans la délégation de scribes qui vient examiner le cas de Sabéa de Bethléchi. Ce Jacob reste à écouter Jésus en compagnie de Joël Alamot. (Cf. EMV 525.17).
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 29 Mar - 22:16

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

547. Jésus décide de se rendre à Béthanie

Ancienne édition : Tome 8, chapitre 7.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 547.

Le 24 décembre 1946

Dimanche 23 décembre 29
Béthabara


      547.1 Dans le petit jardin de la maison de Salomon, c’est tout juste si on peut encore parler de lumière. Les arbres, le pourtour des maisons au-delà de la route, et surtout le bout de la route elle-même, là où le petit chemin disparaît dans les bois qui bordent le fleuve, perdent de plus en plus la netteté de leurs contours pour se fondre en une seule ligne d’ombres plus ou moins claires, plus ou moins voilées, dans l’obscurité qui s’épaissit de plus en plus. Il n’y a plus de couleurs, il ne reste que des sons : voix d’enfants dans les maisons, appels des mères, cris des hommes pour faire rentrer les brebis ou l’âne, quelques derniers grincements de poulies sur les puits, bruissement des feuilles dans le vent du soir, bruits secs comme de petites branches qui se heurtent, des broussins répandus dans les bosquets. Dans le ciel, on assiste à la première palpitation des étoiles, encore indécise parce qu’il reste un semblant de lumière et que les premiers rayons phosphorescents de la lune commencent à se répandre dans le firmament.

      « Vous terminerez vos discussions demain. Pour l’instant, cela suffit. Il fait nuit. Et que chacun rentre chez soi. Paix à vous. Paix à vous. Oui… Oui… Demain. Hein ? Que dis-tu ? Tu as un scrupule ? La nuit porte conseil, et s’il ne passe pas, viens me voir. Il ne manquerait plus que cela ! Même des scrupules pour le fatiguer davantage ! Et ceux qui ne rêvent que de profit ! Et les belles-mères qui veulent rendre sages les épouses, et les épouses qui veulent rendre les belles-mères moins acariâtres… D’ailleurs, les unes et des autres mériteraient d’avoir la langue coupée. Et à part cela ? Toi ? Que dis-tu ? Oh ! oui, ce pauvre petit ! Jean, conduis-le au Maître. Sa mère est malade et elle l’envoie recommander à Jésus de prier pour elle. Pauvre gamin ! Il est resté en arrière à cause de sa petite taille, et il vient de loin. Comment va-t-il faire pour rentrer chez lui ? Eh ! vous tous ! Au lieu de rester ici pour profiter de la présence de Jésus, ne pourriez-vous pas mettre en pratique ce qu’il vous a dit : de vous secourir mutuellement, les plus forts aidant les plus faibles ? Allons ! Qui accompagne cet enfant chez lui ? Il pourrait — à Dieu ne plaise — trouver sa mère morte… Qu’au moins il la revoie. Vous avez des ânes… Il fait nuit ? Et quoi de plus beau que la nuit ? Moi, j’ai travaillé pendant des lustres à la lueur des étoiles, et je suis sain et robuste. Tu le conduis à la maison ? Dieu te bénisse, Ruben. Voici l’enfant. Le Maître t’a-t-il consolé ? Oui. Alors va et sois heureux. Mais il faudra lui donner à manger. Il n’a peut-être rien mangé depuis ce matin.

      – Le Maître lui a donné du lait chaud, du pain et des fruits. Il les a dans sa tunique, dit Jean.

      – Alors, pars avec cet homme. Il va te conduire à la maison avec l’âne. »

      Finalement, tout le monde est parti, et Pierre peut se reposer avec Jacques, Jude, l’autre Jacques et Thomas, qui l’ont aidé à renvoyer chez eux les plus obstinés.

      « Fermons la porte. Pourvu qu’il n’y ait pas quelqu’un qui regrette et revienne sur ses pas, comme ces deux-là. Ouf ! Le lendemain du sabbat est bien fatigant ! » s’exclame encore Pierre en entrant dans la cuisine et en fermant la porte. « Ah ! maintenant, nous allons être tranquilles ! »

      547.2 Il regarde Jésus qui est assis près de la table, sur laquelle il appuie son coude, et de sa main soutient sa tête, l’air songeur, plongé dans ses pensées. Pierre s’avance, lui pose la main sur l’épaule, et lui dit :

      « Tu es bien fatigué, hein ! Que de monde ! Ces gens viennent de partout malgré la saison.

      – Ils semblent avoir peur de nous perdre bientôt » remarque André, qui est en train de vider des poissons.

      Les autres aussi s’emploient à faire du feu et à le préparer pour griller les poissons, ou à remuer des chicorées dans un chaudron qui bout. Leurs ombres se projettent sur les murs sombres, éclairés plutôt par le feu que par la lampe.

      Pierre cherche une tasse pour proposer du lait à Jésus, qui semble très las. Mais il ne trouve pas le lait et en demande aux autres la raison.

      « C’est l’enfant qui a bu ce qu’il nous restait. On en avait déjà offert à ce vieux mendiant et à la femme du mari infirme, explique Barthélemy.

      – Et le Maître n’a rien eu ! Vous n’auriez pas dû tout donner.

      – C’est lui qui l’a voulu…

      – Ah ! c’est toujours ce qu’il veut, bien sûr, mais il ne faut pas le laisser faire. Il offre ses vêtements, il offre son lait, il s’offre lui-même et s’épuise… »

      Pierre est mécontent.

      « Du calme, Pierre ! Il vaut mieux donner que recevoir [1], dit Jésus tranquillement, en sortant de sa méditation.

      – Oui ! Et tu donnes, tu donnes et tu te consumes. Et plus tu te montres disposé à toutes les générosités, plus les hommes en profitent. »

      Et, tout en parlant, avec des feuilles rêches qui dégagent une odeur mélangée d’amandes amères et de chrysanthèmes, il frotte la table jusqu’à ce qu’elle soit bien nette pour y placer le pain, l’eau et une coupe qu’il pose devant Jésus.

      Jésus se verse aussitôt à boire, comme s’il mourait de soif. Pierre met une autre coupe de l’autre côté de la table, près d’un plat qui contient des olives et des tiges de fenouil sauvage. Il ajoute le plateau de chicorées que Philippe a déjà assaisonnées et, avec ses compagnons, il apporte des tabourets très rudimentaires pour les ajouter aux quatre sièges de la cuisine, qui ne suffisent pas pour treize personnes.

      André, qui a surveillé la cuisson du poisson grillé sur la braise, le met sur un autre plat et se dirige vers la table avec d’autres pains. Jean change la lampe de place pour la poser au centre de la table.

      Jésus se lève tandis que tous s’approchent de la table pour le souper ; il prie à haute voix pour offrir le pain, puis il bénit la table. Il s’assied, imité par les autres, et distribue le pain et les poissons, ou plutôt il dépose les poissons sur les tranches épaisses et larges de pain, en partie frais, en partie rassis, que chacun a placées devant soi. Puis les apôtres se servent de chicorée avec la grande fourchette de bois qui sert à la piquer. Même pour les légumes, le pain est utilisé comme un plat. Seul Jésus a devant lui un plat de métal, large et en assez mauvais état, qu’il emploie pour partager le poisson, en donnant un excellent morceau tantôt à l’un, tantôt à l’autre. On dirait un père parmi ses enfants, même si Nathanaël, Simon le Zélote et Philippe pourraient être ses pères ; en revanche, Matthieu et Pierre peuvent paraître ses frères aînés.

      547.3 Pendant le repas, ils parlent des événements du jour. Jean rit de bon cœur de l’indignation de Pierre envers ce berger des monts de Galaad, qui demandait que Jésus monte sur la montagne, à l’endroit où était son troupeau, pour le bénir et lui faire gagner beaucoup d’argent afin qu’il puisse constituer une dot à sa fille.

      « Il n’y a pas de quoi rire. Tant qu’il a dit : “ J’ai des brebis malades et, si elles meurent, je suis ruiné ”, j’ai eu pitié de lui. C’est comme si pour nous, pêcheurs, la barque devenait vermoulue. On ne peut pêcher ni manger, or tout le monde a le droit de manger. Mais quand il a ajouté : “ Et je désire qu’elles soient en bonne santé, car je veux devenir riche et épater le village avec la dot que je ferai à Esther et la maison que je me construirai ”, alors je suis devenu mauvais. Je lui ai répliqué : “ Et c’est pour cela que tu as fait une si longue route ? Tu ne penses qu’à la dot, à ta richesse et à tes brebis ? Tu n’as pas une âme ? ” Il m’a répondu : “ Pour elle, j’ai le temps. Pour l’instant, je me préoccupe davantage des brebis et des noces, car c’est un bon parti pour Esther, or elle commence à vieillir. ” Alors, voilà, si je ne m’étais pas rappelé que Jésus nous demande d’être miséricordieux envers tout le monde, il était frais ! Je lui ai parlé avec une véhémence impétueuse… [2]

      – On aurait dit que tu n’allais plus en finir. Tu ne prenais pas le temps de souffler. Les veines de ton cou s’étaient gonflées et tendues comme deux baguettes, intervient Jacques, fils de Zébédée.

      – Le berger était parti depuis un bon moment et toi, tu continuais à prêcher ! Heureusement que tu prétends ne pas savoir parler aux gens ! » ajoute Thomas, avant de l’embrasser en disant : « Pauvre Simon ! Quelle grosse colère tu as piquée !

      – Est-ce que je n’avais pas raison ? Qu’est-il, le Maître ? Le faiseur de fortunes de tous les prétentieux d’Israël ? Le paranymphe des mariages d’autrui, peut-être ?

      – Ne te fâche pas, Simon. Le poisson va te faire mal si tu le manges avec ce poison, plaisante Matthieu, débonnaire.

      – Tu n’as pas tort. Quand je mange mon pain avec indignation et la viande avec colère, je sens à tout le même goût détestable que lors des banquets chez les pharisiens. »

      Tout le monde rit. Jésus sourit en silence.

      547.4 Le repas prend fin. Repus de nourriture et contents de la chaleur, ils restent un peu somnolents autour de la table. Ils parlent moins aussi, quelques-uns s’endorment. Thomas s’amuse à graver avec son couteau une branche fleurie sur le bois de la table.

      Ils sont réveillés par Jésus qui déclare, en ouvrant les bras — qu’il tenait serrés sur le bord de la table — et en présentant les mains comme fait le prêtre quand il dit : “ Le Seigneur soit avec vous ” :

      « Et pourtant, il faut partir !

      – Où, Maître ? Chez l’homme aux brebis ? questionne Pierre.

      – Non, Simon, chez Lazare. Nous retournons en Judée [3].

      – Maître, rappelle-toi que les juifs te haïssent ! s’écrie Pierre.

      – Ils voulaient te lapider, il n’y a pas si longtemps, rappelle Jacques, fils d’Alphée.

      – Mais, Maître, c’est une imprudence ! rajoute Matthieu.

      – Tu ne te soucies pas de nous ? demande Judas [4].

      – Oh ! mon Maître et frère, je t’en conjure au nom de ta Mère, et au nom aussi de la Divinité qui est en toi : ne permets pas que les satans mettent la main sur ta personne pour étouffer ta parole. Tu es seul, trop seul, contre tout un monde qui te déteste et qui est puissant sur la terre, implore Jude.

      – Maître, protège ta vie ! Qu’adviendrait-il de nous, et de tant d’autres, si nous ne t’avions plus ? »

      Jean, bouleversé, le regarde avec les yeux dilatés d’un enfant effrayé et affligé.

      Pierre, après sa première exclamation, s’est tourné pour parler avec animation avec les plus âgés et avec Thomas et Jacques, fils de Zébédée. Ils sont tous d’avis que Jésus ne doit pas retourner près de Jérusalem, du moins tant que la période pascale ne rendra pas plus sûr son séjour là-bas. Ils admettent que la présence d’un très grand nombre de fidèles du Maître, venus pour les fêtes pascales de toutes les régions de Palestine, sera une défense pour le Maître. Aucun de ceux qui le haïssent n’osera s’en prendre à lui quand tout un peuple se pressera affectueusement autour de lui… Les apôtres insistent, avec angoisse, imposant presque à Jésus leurs vues… C’est l’amour qui les fait parler.

      547.5 « Paix ! Paix ! La journée ne compte-t-elle pas douze heures ? Si quelqu’un marche de jour, il ne trébuche pas car il voit la lumière de ce monde ; mais s’il marche de nuit sans visibilité, il trébuche. Je sais ce que je fais pour moi, car j’ai la Lumière en moi. Quant à vous, laissez-vous guider par celui qui voit. Et puis sachez que tant que l’heure des ténèbres n’a pas sonné, rien de mauvais ne pourra m’arriver. Mais, le moment venu, aucun éloignement ni aucune force, pas même les armées de César, ne pourront me sauver des juifs. Car ce qui est écrit doit arriver, et les forces du mal travaillent déjà en secret pour accomplir leur œuvre. Laissez-moi donc faire du bien tant que j’en ai la possibilité. L’heure vient où je ne pourrai remuer un doigt ni dire un mot pour opérer le miracle. Le monde sera vide de ma force. Heure redoutable de châtiment pour l’homme ! Pas pour moi : pour l’homme qui n’aura pas voulu m’aimer. Heure qui se répétera, par la volonté de l’homme qui aura repoussé la Divinité jusqu’à faire de lui-même un sans-Dieu, un disciple de Satan et son fils maudit. Heure qui viendra quand la fin de ce monde sera proche. L’incroyance devenue maîtresse souveraine rendra nulle ma puissance de miracle. Non pas que je puisse la perdre, mais le miracle ne peut être accordé là où il n’y a ni foi ni désir de l’obtenir, là où on en ferait un objet de mépris et un instrument au service du mal, en se servant du bien obtenu pour agir encore plus mal. Mais maintenant, je peux encore accomplir le miracle, afin de rendre gloire à Dieu. 547.6 Allons donc chez notre ami Lazare. Il dort. Allons l’éveiller de ce sommeil, afin qu’il soit frais et dispos pour servir son Maître.

      – Mais, s’il dort, tout va bien : il va finir de guérir. Le sommeil est déjà un remède. Pourquoi le réveiller ? lui fait-on remarquer.

      – Lazare est mort. J’ai attendu que son décès ait eu lieu pour me rendre à Béthanie, non pas à cause de ses sœurs ni de lui, mais à cause de vous : pour que vous croyiez, pour que votre foi grandisse. Allons chez Lazare.

      – Bon. Partons ! Nous mourrons comme il est mort et comme tu veux mourir, soupire Thomas en fataliste résigné.

      – Thomas, Thomas, et vous tous qui intérieurement critiquez et grommelez, sachez que celui qui veut me suivre doit avoir pour sa vie le même souci que l’oiseau pour le nuage qui passe. Il faut la laisser passer au gré du vent qui l’entraîne. Le vent, c’est la volonté de Dieu qui peut vous donner ou vous enlever la vie comme il lui plaît, sans que vous ayez à vous en plaindre, de même que l’oiseau ne se plaint pas du nuage qui passe, mais chante quand même, sûr qu’ensuite le beau temps reviendra. Car le nuage, c’est l’incident. Le ciel, c’est la réalité. Le ciel demeure toujours bleu même si les nuages semblent le rendre gris. Il est et reste bleu au-delà des nuages. Il en est ainsi de la vie véritable. Elle est et demeure, même si la vie humaine tombe. Celui qui veut me suivre ne doit pas connaître l’angoisse de la vie ni la peur de la perdre.

      Je vous montrerai comment on conquiert le Ciel. Mais comment pourrez-vous m’imiter, si vous redoutez de venir en Judée, vous à qui il ne sera rien fait de mal actuellement ? Craignez-vous de vous montrer avec moi ? Vous êtes libres de m’abandonner. Mais si vous voulez rester, vous devez apprendre à défier le monde avec ses critiques, ses embûches, ses moqueries, ses tourments, pour conquérir mon Royaume. 547.7 Allons donc tirer Lazare de la mort : cela fait deux jours qu’il dort dans son tombeau, puisqu’il est décédé le soir de la venue du serviteur de Béthanie. Demain, à l’heure de sexte [5], quand j’aurai congédié ceux qui attendent encore pour obtenir de moi quelque réconfort et une récompense pour leur foi, nous partirons d’ici et nous traverserons le fleuve. Nous passerons la nuit dans la maison de Nikê puis, à l’aurore, nous prendrons la route de Béthanie, celle qui passe par Ensémès. Nous serons arrivés avant sexte. Il y aura beaucoup de gens et les cœurs seront ébranlés. J’en ai fait la promesse et je la tiendrai…

      – A qui, Seigneur ? demande Jacques, fils d’Alphée, presque craintif.

      – A ceux qui me haïssent et à ceux qui m’aiment, aux deux d’une manière absolue. Ne vous rappelez-vous pas la discussion à Cédès avec les scribes ? [6] Ils pouvaient encore me traiter de menteur parce que j’avais ressuscité une fillette qui venait de mourir [7] et un mort d’un jour [8]. Ils ont dit : “ Tu n’as pas encore su faire revivre une personne en décomposition. ” En effet, Dieu seul peut tirer un homme de la fange et de la pourriture et restaurer un corps intact et vivant. Eh bien, moi je vais le faire. A la lune de Casleu, sur les rives du Jourdain, j’ai rappelé moi-même aux scribes ce défi. Je leur ai affirmé : “ A la nouvelle lune, cela s’accomplira. ” [9] Cela pour ceux qui me haïssent. Aux sœurs, ensuite, qui m’aiment d’une manière absolue, j’ai promis de récompenser leur foi si elles continuaient à espérer au-delà de ce qui est croyable [10]. Je les ai beaucoup éprouvées et beaucoup affligées, et moi seul connais les souffrances de leur cœur en ces jours, ainsi que leur parfait amour. En vérité, je vous dis qu’elles méritent une grande récompense car, plus que de ne pas voir leur frère ressuscité, elles s’inquiètent que je puisse être méprisé. Je vous paraissais pris dans mes pensées, las et triste. J’étais auprès d’elles en esprit, j’entendais leurs gémissements et je comptais leurs larmes. Pauvres sœurs ! Je brûle maintenant de ramener un juste sur la terre, un frère dans les bras de ses sœurs, un disciple parmi mes disciples. Tu pleures, Simon ? Oui. Toi et moi, nous sommes les plus grands amis de Lazare, et tes larmes contiennent ta douleur pour la souffrance de Marthe et Marie et l’agonie de l’ami, mais il y a aussi déjà la joie de le savoir

      bientôt rendu à notre amour. 547.8 Maintenant, allons préparer nos sacs avant de nous coucher, car nous nous lèverons à l’aube pour tout mettre en ordre ici où… il n’est pas sûr que nous revenions. Il faudra distribuer aux pauvres ce que nous avons, et recommander aux plus actifs d’empêcher les pèlerins de me chercher tant que je ne serai pas dans un autre lieu sûr. Il faudra encore leur conseiller de prévenir les disciples, afin qu’ils viennent me trouver chez Lazare. Tant de choses à faire ! Mais tout sera achevé avant l’arrivée des pèlerins… Allons, éteignez le feu, allumez les lampes, et que chacun aille remplir la tâche qui lui incombe avant de se reposer. Paix à vous tous. »

      Il se lève, les bénit et se retire dans sa petite pièce…

      « Il est mort depuis plusieurs jours ! s’exclame Simon le Zélote.

      – Voilà qui s’appelle un miracle ! lance Thomas.

      – Je veux voir ce qu’ils vont trouver ensuite pour douter ! dit André.

      – Mais quand le serviteur est-il venu ? demande Judas.

      – La veille du vendredi, le soir, répond Pierre.

      – Ah bon ? Et pourquoi ne l’as-tu pas dit ? reprend Judas.

      – Parce que le Maître m’avait prié de me taire, réplique Pierre.

      – Donc… quand nous arriverons là-bas… il sera depuis quatre jours au tombeau ?

      – Certainement ! Le soir du vendredi : un jour, le soir du sabbat deux jours, ce soir trois jours, demain quatre… Donc quatre jours et demi… Puissance éternelle ! Mais il sera déjà en pourriture ! s’écrie Matthieu.

      – Il y sera déjà !… Je veux voir aussi cela et puis…

      – Quoi, Simon-Pierre ? demande Jacques, fils d’Alphée.

      – Et puis si Israël ne se convertit pas, Jéovêh lui-même, au milieu des foudres, ne pourrait le convertir. »

      Ils s’éloignent en parlant ainsi.

________________________________________

[1] Cette maxime n’est pas rapportée dans les Évangiles, mais dans les Actes 20, 35 : "il faut secourir les faibles et se souvenir des paroles du Seigneur Jésus, car lui-même a dit : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir."
De telles phrases de Jésus, non citées dans les Évangiles mais dans les écrits néotestamentaires, sont dites agrapha, pluriel de agraphon.   
On en trouve aussi dans 1 Corinthiens 9, 14.
 
[2] Dans l’ancienne édition :  « Je lui ai parlé vraiment entre tramontane et sirocco... »    Sans doute une expression populaire pouvant dire qu’il a soufflé le chaud (sirocco) et le froid (Tramontane).
 
[3] Ils sont sur la rive jordanienne du Jourdain, donc en Pérée.
 
[4] Les apôtres craignent pour Jésus, sauf Judas qui craint pour sa personne.
 
[5] Sexte = midi. Les journées se déroulent de 6.00 à 18.00
 
[6] Cf. EMV 342.6.
 
[7] Myriam, la fille de Jaïre.
 
[8] Daniel de Naïm.
 
[9] Cf. EMV 525.16.
 
[10] Cf. EMV 536.11.





*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-007.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/jesus-decide-de-se-rendre-a-bethanie.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 30 Mar - 22:19

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
548. La résurrection de Lazare
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitres 8 et 9.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 548.
 
Le 26  décembre 1946
 
Mardi 25 décembre 29
Béthabara

 
       548.1 Jésus arrive à Béthanie par Ensémès. Ils doivent s’être épuisés en se hâtant par les sentiers casse-cou des monts Hadomim. A bout de souffle, les apôtres ont du mal à suivre Jésus qui avance à grands pas, comme si l’amour l’emportait sur ses ailes de feu. Jésus marche devant, la tête droite sous les tièdes rayons du soleil de midi, souriant radieusement
 
       Avant qu’ils ne parviennent aux premières maisons de Béthanie, ils sont aperçus par un petit garçon déchaussé qui se rend à la fontaine près du village avec un broc de cuivre vide. Il pousse un cri, pose le broc par terre et file au pas de course, de toute la vitesse de ses petites jambes, vers le village.
 
       « Il va sûrement prévenir que tu arrives » remarque Jude après avoir souri, comme tous les autres, de la décision… énergique du gamin, qui a même abandonné son récipient à la merci du premier venu.
 
       548.2 La petite ville, vue ainsi d’auprès de la fontaine, qui est un peu plus haute, paraît tranquille, comme déserte. Seule la fumée grise qui s’élève des cheminées indique que, dans les maisons, les femmes sont occupées à préparer le repas de midi. Quelques grosses voix masculines parmi les oliviers et les vergers vastes et silencieux avertissent que les hommes sont au travail. Malgré cela, Jésus préfère prendre un chemin qui contourne le village pour arriver chez Lazare sans attirer l’attention.
 
       Ils sont presque à mi-parcours quand ils entendent derrière eux le jeune garçon de tout à l’heure, qui les dépasse en courant puis s’arrête au milieu du chemin pour regarder Jésus d’un air pensif…
 
       « Paix à toi, petit Marc, tu as eu peur de moi, pour t’être enfui ainsi ? demande Jésus en lui faisant une caresse.
 
       – Oh ! non, Seigneur, je n’ai pas eu peur. Mais, comme pendant plusieurs jours Marthe et Marie ont envoyé des serviteurs sur nos routes pour voir si tu venais, maintenant que je t’ai vu, j’ai couru leur annoncer ton arrivée…
 
       – Tu as bien fait. Les sœurs vont se préparer le cœur à me voir.
 
       – Non, Seigneur. Les sœurs ne vont rien se préparer, car elles ne savent rien. Ils n’ont pas voulu me laisser leur parler. On m’a attrapé quand j’ai dit, en entrant dans le jardin : “ Le Rabbi est là ”, et j’ai été chassé avec ces mots : “ Tu es un menteur ou un sot. Désormais, il ne viendra plus ; nous savons maintenant qu’il ne peut pas accomplir ce miracle. ” Et comme j’affirmais que c’était bien toi, on m’a donné deux gifles comme je n’en avais encore jamais reçu… Regarde ici mes joues rouges. Elles me brûlent ! Et on m’a poussé dehors en ajoutant : “ Voilà pour te purifier d’avoir regardé un démon ! ” Et je t’observais pour voir si tu étais devenu un démon. Mais je ne le vois pas. Tu es toujours mon Jésus, beau comme les anges, dont parle maman. »
 
       Jésus se penche pour embrasser ses petites joues souffletées :
 
       « Cela va faire passer la démangeaison. Je suis peiné que tu aies souffert pour moi…
 
       – Moi pas, Seigneur, puisque ces gifles m’ont valu deux baisers de toi. »
 
       Et il s’attache aux jambes de Jésus dans l’espoir d’en obtenir d’autres.
 
       « Dis un peu, Marc, qui t’a chassé ? Les serviteurs de Lazare ? demande Jude.
 
       – Oh ! Non !… Les juifs ! Ils viennent pour le deuil tous les jours. Il y en a tant ! Ils sont dans la maison et dans le jardin. Ils viennent tôt, et repartent tard. Ils se donnent des allures de maîtres de maison. Ils maltraitent tout le monde. Tu remarques qu’il n’y a personne dans les rues ? Les premiers jours, on venait pour voir… mais ensuite… Maintenant, il n’y a que nous, les enfants, qui tourniquons pour… Oh ! mon broc ! Maman qui attend l’eau… Elle va me battre, elle aussi !… »
 
       Tous sourient de son air désolé devant la perspective d’autres claques, et Jésus lui dit :
 
       « Alors dépêche-toi…
 
       – C’est que… je voulais entrer avec toi et te voir accomplir le miracle… » Et il achève : « …et voir la tête qu’ils vont faire… pour me venger des gifles…
 
       – Non, tu ne dois pas désirer la vengeance. Tu dois être bon et pardonner… Mais ta mère attend l’eau…
 
       – J’y vais moi-même, Maître. Je sais où habite Marc. J’expliquerai à la femme, puis je te rejoindrai… » propose Jacques, fils de Zébédée.
 
       Et il s’éloigne au pas de course.
 
       Ils se remettent en marche lentement, et Jésus tient par la main l’enfant ravi…
 
       548.3 Les voilà parvenus à la grille du jardin. De nombreuses montures y sont attachées, surveillées par les serviteurs de chaque propriétaire. Les discussions des apôtres attirent l’attention de quelques juifs qui se tournent vers le portail ouvert, juste au moment où Jésus franchit la limite du jardin.
 
       « Le Maître ! » s’exclament les premiers à l’apercevoir.
 
       Ce mot court comme le bruissement du vent d’un groupe à l’autre, se propage, passe comme une vague venue de loin se briser sur la rive, parvient aux murs de la maison et y pénètre, répété certainement par de nombreux juifs présents ou par quelques pharisiens, rabbis, scribes ou sadducéens disséminés çà et là.
 
       Jésus y entre très lentement tandis que les uns accourent de tous côtés, et que les autres s’écartent du sentier où il se trouve. Et comme personne ne le salue, lui non plus ne salue personne, comme s’il ne connaissait même pas un grand nombre des individus rassemblés là pour l’observer. La plupart ont les yeux flambants de colère, sinon même de haine, hormis un petit nombre d’hommes qui sont secrètement ses disciples ou qui, du moins, ont le cœur droit et qui, s’ils ne l’aiment pas comme disciples, le respectent comme juste. A ce groupe appartiennent Joseph, Nicodème, Jean, Eléazar, un autre scribe appelé Jean lui aussi, vu à la multiplication des pains, et un troisième Jean qui a rassasié la foule à la descente du mont des Béatitudes, Gamaliel accompagné de son fils, Josué, Joachim. Il y a aussi Manahen, le scribe Joël d’Abias rencontré au Jourdain dans l’épisode de Sabéa [1], Joseph Barnabé — un disciple de Gamaliel — et Kouza, qui regarde Jésus de loin, un peu intimidé de le revoir après sa méprise, ou peut-être retenu par le respect humain et n’osant pas s’avancer comme ami. Il est certain qu’il n’est salué ni par ses amis, ni par ceux qui l’observent sans hargne, ni par ses ennemis. Et puisque, en retour, Jésus ne salue pas, il s’est contenté d’esquisser une vague inclination en posant le pied dans l’allée. Puis il a continué tout droit comme s’il était étranger à l’assistance nombreuse qui l’entoure. Le jeune garçon marche toujours à ses côtés, dans ses vêtements de petit paysan, avec ses pieds nus d’enfant pauvre, mais il a l’air en fête, le visage lumineux, avec ses petits yeux noirs, vifs, bien ouverts pour tout voir… et pour défier la foule…
 
       548.4 Marthe sort de la maison au milieu d’un groupe de juifs venus rendre visite, au nombre desquels se trouvent Elchias et Sadoq. De la main, elle protège ses yeux las de pleurer, gênés par la lumière, pour voir où est Jésus. A peine le voit-elle, elle se détache de ceux qui l’accompagnent et court vers son Maître, à quelques pas du bassin rendu tout brillant par les rayons du soleil. Après s’être inclinée, elle se jette aux pieds de Jésus et les baise puis, éclatant en sanglots, elle dit :
 
       « Paix à toi, Maître ! »
 
       Jésus aussi, dès qu’il l’a vue près de lui, lui a dit : « Paix à toi ! » et il a levé une main pour la bénir, en lâchant celle de l’enfant, que Barthélemy attire un peu en retrait.
 
       Marthe poursuit :
 
       « Mais ta servante ne connaît plus la paix. »
 
       Toujours agenouillée, elle lève la tête vers Jésus. Et, dans un cri de douleur, que l’on entend parfaitement dans le silence qui s’est fait, elle s’écrie :
 
       « Lazare est mort ! Si tu avais été ici, il ne serait pas mort. Pourquoi n’es-tu pas venu plus tôt, Maître ? »
 
       Elle prend un ton involontaire de critique. Puis elle revient au ton accablé de quelqu’un qui n’a plus la force de faire des reproches et dont l’unique réconfort est de rappeler les dernières actions et les derniers désirs d’un parent dont on a cherché à satisfaire les désirs et pour qui on n’a pas de remords dans le cœur :
 
       « Lazare, notre frère, t’a tant appelé !… Maintenant, vois ! Je suis inconsolable et Marie pleure sans pouvoir trouver la moindre paix. Et lui n’est plus ici. Tu sais combien nous l’aimions ! Nous espérions tout de toi !… »
 
       Un murmure de compassion pour la femme et de blâme à l’adresse de Jésus, un assentiment à la pensée sous-entendue : « Tu aurais pu nous exaucer, nous le méritions en raison de l’amour que nous avons pour toi, or tu nous as déçues » courent de groupe en groupe, accompagnés de hochements de tête ou de regards ironiques. Seuls quelques disciples secrets, disséminés dans la foule, éprouvent visiblement de la compassion pour Jésus, qui écoute, très pâle et affligé, la femme éplorée qui s’adresse à lui. Gamaliel, les bras croisés dans son ample et riche vêtement de laine très fine, orné de nœuds bleus, se tient un peu à l’écart dans le groupe de jeunes où se trouvent son fils et Joseph Barnabé, et observe intensément Jésus, sans haine, mais sans amour.
 
       Marthe, après s’être essuyé le visage, reprend :
 
       « Mais j’espère encore, car je sais que tout ce que tu demanderas à ton Père te sera accordé. »
 
       Par cette douloureuse et héroïque profession de foi, prononcée d’une voix que les larmes font trembler, avec un regard qui tremble d’angoisse, elle exprime l’ultime espérance qui tremble dans son cœur.
 
       « Ton frère ressuscitera. Lève-toi, Marthe. »
 
       Marthe obéit tout en restant courbée en vénération devant Jésus, à qui elle répond :
 
       « Je le sais, Maître. Il ressuscitera au dernier jour.
 
       – Je suis la Résurrection et la Vie. Quiconque croit en moi, même s’il est mort, vivra. Et celui qui croit et vit en moi ne mourra pas éternellement. En es-tu convaincue ? »
 
       Jésus, qui d’abord avait parlé à mi-voix et uniquement à Marthe, hausse le ton pour dire ces phrases où il proclame sa puissance divine, et son timbre parfait résonne comme une trompette d’or dans le vaste jardin. Une sorte de frémissement d’épouvante secoue l’assistance. Mais ensuite certains ironisent en hochant la tête.
 
       Marthe, à qui Jésus semble vouloir transmettre une espérance de plus en plus forte en tenant la main appuyée sur son épaule, lève la tête, qu’elle gardait penchée. Elle la tourne vers Jésus, plonge un regard affligé dans les lumineuses pupilles du Christ et, les mains serrées sur son cœur, elle répond avec une angoisse différente :
 
       « Oui, Seigneur. Je le crois. Je crois que tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, venu dans le monde. Et que tu peux tout ce que tu veux. Je le crois. 548.5 Maintenant, je cours prévenir Marie. »
 
       Elle s’éloigne rapidement puis disparaît à l’intérieur de la maison.
 
       Jésus reste à sa place, ou, plus exactement, il fait quelques pas et s’approche du parterre qui entoure le bassin. Ce parterre est tout éclairé de ce côté par la fine poussière du jet d’eau qu’un vent léger éparpille comme avec un plumet d’argent. Jésus paraît se perdre dans la contemplation du frétillement des poissons sous le voile de l’eau limpide, et de leurs jeux qui mettent des virgules d’argent et des reflets d’or dans le cristal des eaux frappées par le soleil.
 
       Les juifs l’observent. Ils se sont involontairement séparés en groupes bien distincts. D’un côté, en face de Jésus, tous ceux qui lui sont hostiles : habituellement divisés par esprit sectaire, les voilà maintenant d’accord pour s’opposer à Jésus. A côté de lui, derrière les apôtres, que Jacques, fils de Zébédée a rejoints, se tiennent Joseph, Nicodème et les autres à l’esprit bienveillant. Plus loin, Gamaliel, toujours à sa place et dans la même attitude, est seul, car son fils et ses disciples se sont séparés de lui pour se répartir entre les deux groupes principaux afin d’être plus proches de Jésus.
 
       548.6 Poussant son cri habituel : « Rabbouni ! », Marie sort de la maison en courant, les bras tendus vers Jésus. Elle se jette à ses pieds, qu’elle baise en sanglotant. Plusieurs juifs, qui étaient dans la maison avec elle et l’ont accompagnée, unissent à ses larmes les leurs… d’une sincérité douteuse. Maximin, Marcelle, Sarah et Noémie ont suivi Marie ainsi que tous ses serviteurs, et de grandes lamentations s’élèvent. Je crois qu’il n’est resté personne dans la maison. Marthe, en voyant sangloter ainsi Marie, redouble elle aussi de larmes.
 
       « Paix à toi, Marie. Lève-toi ! Regarde-moi ! Ce sont les personnes sans espérance qui pleurent ainsi. Alors pourquoi vous ? »
 
       Jésus se penche pour dire ces mots tout doucement, ses yeux dans les yeux de Marie. Celle-ci, à genoux, assise sur les talons, tend vers lui ses mains dans un geste d’invocation, mais ne peut parler tant elle sanglote.
 
       « Ne t’ai-je pas dit d’espérer au-delà de ce qui est croyable pour voir la gloire de Dieu ? Est-ce que par hasard ton Maître aurait changé, pour que tu aies raison d’être ainsi torturée ? »
 
       Mais Marie n’écoute pas les mots qui veulent déjà la préparer à une joie trop forte après tant d’angoisse et, finalement maîtresse de sa voix, elle s’écrie :
 
       « Oh ! Seigneur ! Pourquoi n’es-tu pas venu plus tôt ? Pourquoi t’es-tu tellement éloigné de nous ? Tu savais pourtant que Lazare était malade ! Si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Pourquoi n’es-tu pas venu ? Je devais avoir encore le temps de lui montrer que je l’aimais. Il devait vivre ! Je devais lui montrer que je persévérais dans le bien. Je l’ai tant angoissé, mon frère ! Et maintenant ! Maintenant que je pouvais le rendre heureux, il m’a été enlevé ! Tu pouvais me le laisser, donner à la pauvre Marie la joie de le consoler après lui avoir causé tant de souffrances. Oh ! Jésus ! Jésus ! Mon Maître ! Mon Sauveur ! Mon espérance ! »
 
       Et elle s’abat de nouveau, le front sur les pieds de Jésus, qui se trouvent de nouveau baignés des larmes de Marie. Elle gémit :
 
       « Pourquoi avoir agi ainsi, Seigneur ? Même à cause de ceux qui te haïssent et se réjouissent de ce qui arrive… Pourquoi as-tu fait cela, Jésus ? »
 
       Mais, contrairement à Marthe, il n’y a pas un seul reproche dans le ton de la voix de Marie, il y a seulement la détresse d’une femme qui, outre sa douleur de sœur, éprouve aussi celle d’une disciple qui sent l’estime de son Maître amoindrie dans le cœur d’un grand nombre.
 
       Jésus, tout incliné pour entendre ces paroles qu’elle murmure la face contre terre, se redresse et dit à haute voix :
 
       « Marie, ne pleure pas ! Ton Maître aussi souffre de la mort de son ami fidèle… car il a dû le laisser mourir… »
 
       Oh ! quelle ironie et quels regards de triomphe haineux chez les ennemis du Christ ! Ils le voient vaincu et s’en réjouissent, alors que ses amis s’assombrissent.
 
       Jésus dit encore plus fort :
 
       « Mais, je te le dis : ne pleure pas. Lève-toi ! Regarde-moi ! Crois-tu que, moi qui t’ai tellement aimée, j’ai agi ainsi sans raison ? Peux-tu croire que je t’ai causé cette peine inutilement ? Viens. 548.7 Allons vers Lazare. Où l’avez-vous mis ? »
 
       Jésus n’interroge pas Marie et Marthe, que leurs sanglots étouffent, mais il s’adresse à tous les autres, surtout à ceux qui, sortis avec Marie de la maison, semblent les plus troublés. Ce sont peut-être des parents plus âgés, je ne sais pas. Et ceux-ci répondent à Jésus, visiblement affligé : « Viens et vois. » Ils prennent la direction du tombeau, à l’extrémité du verger, là où le sol a des ondulations et des veines de roche calcaire qui affleurent à la surface du sol.
 
       Marthe, à côté de Jésus qui a forcé Marie à se lever et qui la conduit — car elle est aveuglée par ses larmes —, lui montre de la main l’endroit où se trouve Lazare et, quand ils s’en approchent, elle dit :
 
       « C’est ici, Maître, que ton ami est enseveli. »
 
       Et elle indique la pierre posée obliquement à l’entrée du tombeau.
 
       Pour s’y rendre, Jésus, suivi de la foule, a dû passer devant Gamaliel. Mais ils ne se sont toujours pas salués. Gamaliel s’est ensuite uni aux autres, en s’arrêtant comme tous les pharisiens les plus rigides à quelques mètres du tombeau, alors que Jésus s’avance tout près avec les sœurs, Maximin et ceux qui sont peut-être des parents. Jésus contemple l’énorme pierre qui sert de porte et forme un lourd obstacle entre lui et son ami défunt, et il pleure. Les sœurs redoublent de larmes, imitées par les intimes et les familiers.
 
       548.8 « Enlevez cette pierre » s’écrie soudain Jésus, après s’être essuyé les yeux.
 
       Tous ont un geste d’étonnement et un murmure court dans l’assistance, grossie de quelques habitants de Béthanie qui sont entrés dans le jardin et se sont placés derrière les hôtes. Je vois certains pharisiens se toucher le front en secouant la tête comme pour laisser entendre : « Il est fou ! »
 
       Personne n’exécute l’ordre. Même chez les plus fidèles, on hésite, on répugne à l’obéir.
 
       Jésus réitère plus fort son ordre, effrayant encore davantage les gens. Pris par deux sentiments opposés et après avoir pensé à fuir, ils s’approchent soudain pour voir, défiant la puanteur toute proche du tombeau que Jésus veut faire ouvrir.
 
       « Maître, ce n’est pas possible » intervient Marthe en s’efforçant de retenir ses pleurs pour parler : « Voilà déjà quatre jours qu’il est là-dessous. Et tu sais de quelle maladie il est mort ! Seul notre amour pouvait le soigner… Maintenant, l’odeur est certainement encore plus forte malgré les onguents… Que veux-tu voir ? Sa pourriture ?… On ne peut pas… même à cause de l’impureté de la corruption et…
 
       – Ne t’ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? Enlevez cette pierre, je le veux ! »
 
       C’est un cri de volonté divine…
 
       Un “ oh ! ” étouffé jaillit de toutes les poitrines. Les visages deviennent blêmes, certains tremblent comme s’il était passé sur l’assistance un vent glacial de mort.
 
       Marthe fait un signe à Maximin, et celui-ci ordonne aux serviteurs d’aller chercher les outils nécessaires pour remuer la lourde pierre.
 
       Les serviteurs partent rapidement, pour revenir avec des pics et des leviers robustes. Ils travaillent en faisant entrer la pointe brillante des pics entre la roche et la pierre, puis ils remplacent les pics par les leviers, et enfin ils soulèvent avec précaution la pierre en la faisant glisser d’un côté et en la traînant ensuite prudemment contre la paroi rocheuse. Une puanteur infecte s’échappe du trou obscur, et fait reculer la foule.
 
       Marthe demande tout bas :
 
       « Maître, tu veux y descendre ? Si oui, il faut des torches… »
 
       Mais elle est livide à la pensée qu’il puisse le faire.
 
       548.9 Jésus ne lui répond rien. Il lève les yeux vers le ciel, ouvre les bras en croix et prie d’une voix très forte, en scandant les mots :
 
       « Père ! Je te remercie de m’avoir exaucé. Je savais que tu m’exauces toujours, mais je le dis pour ceux qui sont présents ici, pour le peuple qui m’entoure, afin qu’ils croient en toi, en moi, et qu’ils sachent que tu m’as envoyé ! »
 
       Il reste encore ainsi un moment, comme en extase,  tant il est transfiguré. Silencieusement, il dit des paroles secrètes de prière ou d’adoration, je l’ignore. Ce que je sais, c’est qu’il a tellement dépassé l’humain qu’on ne peut le regarder sans se sentir le cœur trembler dans la poitrine. Il semble devenir éclatant en perdant son aspect corporel, se spiritualiser, grandir et même s’élever de terre. Tout en gardant la couleur de ses cheveux, de ses yeux, de sa peau, de ses vêtements, au contraire de ce qui s’était passé à la transfiguration du Thabor durant laquelle tout devint lumière et éclat éblouissant, il paraît dégager de la lumière ; on dirait que tout son être devient lumière. Celle-ci semble l’entourer d’un halo, en particulier son visage tourné vers le ciel, certainement ravi dans la contemplation du Père.
 
       Il reste ainsi quelque temps, puis redevient lui-même, l’Homme, mais d’une majesté puissante. Il s’avance jusqu’au seuil du tombeau. Jusqu’à ce moment, il avait gardé les bras ouverts en croix, les paumes tournées vers le ciel ; maintenant, il les tend devant lui, les paumes vers la terre, de sorte que ses mains se trouvent déjà à l’intérieur du tunnel du tombeau, toutes blanches dans le noir. Il plonge le feu bleu de ses yeux, dont l’éclat miraculeux est aujourd’hui insoutenable, dans cette obscurité muette, et, d’une voix puissante, il pousse un cri plus fort que celui par lequel, sur le lac, il avait ordonné aux vents de tomber. De cette voix que je ne lui ai jamais entendue dans aucun miracle, il s’écrie :
 
       « Lazare ! Sors ! »
 
       L’écho répercute sa voix dans la cavité du tombeau et se répand ensuite à travers tout le jardin, puis contre les ondulations du terrain de Béthanie ; je crois même qu’il s’entend jusqu’aux premiers escarpements au-delà des champs et revient de là, répété et amorti, comme un ordre qui ne peut faillir. Il est certain que, de tous les côtés, on perçoit de nouveau : « Sors ! sors ! sors ! »
 
       Tous éprouvent un frisson plus intense et, si la curiosité les cloue sur place, les visages pâlissent, les yeux s’écarquillent, les bouches s’entrouvrent involontairement avec déjà dans la gorge un cri de stupeur.
 
       Marthe, un peu en arrière et de côté, est comme fascinée en regardant Jésus. Marie, qui ne s’est jamais écartée de son Maître, tombe à genoux au bord du tombeau, une main sur la poitrine pour calmer les battements de son cœur, l’autre tenant inconsciemment et convulsivement un pan du manteau de Jésus. On se rend compte qu’elle tremble, car le manteau a de légères secousses provoquées par la main qui le tient.
 
       548.10 Quelque chose de blanc semble émerger du plus profond du souterrain. C’est d’abord une petite ligne convexe, puis elle fait place à une forme ovale, à laquelle se substituent des lignes plus amples, plus longues, de plus en plus longues. Et celui qui était mort, enserré dans ses bandelettes, avance lentement, toujours plus visible, fantomatique, impressionnant.
 
       A mesure que Lazare avance, Jésus recule, recule insensiblement, mais continuellement. La distance entre les deux reste donc la même.
 
       Marie est contrainte de lâcher le pan du manteau, mais elle ne bouge pas de sa place. La joie, l’émotion, tout la cloue là où elle se tient.
 
       Un “ oh ! ” de plus en plus net sort des gorges d’abord fermées par la crispation de l’attente. C’est d’abord un murmure à peine distinct qui se change en voix, et la voix devient un cri puissant.
 
       Lazare est désormais au bord du tombeau et il s’arrête là, raide, muet, semblable à une statue de plâtre à peine ébauchée et donc informe. C’est une longue silhouette, mince à la tête, mince aux jambes, plus large au tronc, macabre comme la mort elle-même, spectrale dans la blancheur des bandes qui se détache sur le fond sombre du tombeau. Au soleil qui l’enveloppe, les bandes paraissent çà et là laisser couler la pourriture.
 
       Jésus crie d’une voix forte :
 
       « Déliez-le et laissez-le aller. Donnez-lui des vêtements et de la nourriture.
 
       – Maître !… » balbutie Marthe.
 
       Elle voudrait peut-être en dire davantage, mais Jésus la fixe des yeux, la subjuguant de son regard étincelant, et il lance :
 
       « Ici ! Apportez immédiatement un vêtement ! Habillez-le en présence de tous et donnez-lui à manger. »
 
       Il donne des ordres, mais ne se retourne jamais vers la foule qui se tient derrière et autour de lui. Ses yeux regardent seulement Lazare, Marie qui s’est approchée du ressuscité sans souci de la répulsion que tous ressentent à la vue des bandes souillées, et Marthe, qui halète comme si son cœur allait éclater et qui ne sait si elle doit crier sa joie ou pleurer…
 
       548.11 Les serviteurs se hâtent d’exécuter les ordres. Noémie part la première en courant et revient avec des vêtements, qu’elle tient pliés sur son bras. Quelques-uns délient les lacets des bandelettes après avoir retroussé leurs manches et relevé leurs habits pour éviter qu’ils ne touchent la pourriture qui coule. Marcelle et Sarah reviennent avec des amphores de parfums, suivies de serviteurs portant, les uns des bassins et des brocs fumants d’eau chaude, les autres avec des plateaux, des bols pleins de lait, du vin, des fruits, des fouaces recouvertes de miel.
 
       Les bandelettes étroites et très longues, de lin, me semble-t-il, garnies de liserés des deux côtés, et certainement tissées pour cet usage, se déroulent comme les rubans d’une grande bobine et s’entassent sur le sol, alourdies par les aromates et la pourriture. Les serviteurs les écartent en se servant de bâtons. Ils ont commencé par la tête, et là aussi de la pourriture s’est écoulée du nez, des oreilles, de la bouche. Le suaire placé sur le visage est trempé de ces souillures, et le visage de Lazare est dévoilé, très pâle, squelettique, tout maculé. Il a les yeux tenus fermés par des pommades étendues dans les orbites, les cheveux collés, de même que la barbiche du menton. Quant au drap mis autour du corps, il tombe lentement, à mesure que les bandelettes descendent, libérant le tronc qu’elles avaient comprimé pendant des jours, et rendant une forme humaine à cette espèce de grande chrysalide. Les épaules osseuses, les bras squelettiques, les côtes à peine couvertes de peau, le ventre creusé, apparaissent lentement. A mesure que les bandes sont retirées, les sœurs, Maximin et les serviteurs s’empressent d’enlever la première couche de crasse et de baume, et s’y appliquent en changeant continuellement l’eau rendue détergente par les aromates qu’on y a mis, jusqu’à ce que la peau soit nette.
 
       548.12 Lorsqu’on a dégagé le visage de Lazare et qu’il peut voir, il tourne les yeux vers Jésus avant même de regarder ses sœurs. Il s’abstrait de tout ce qui se passe, il oublie tout, pour contempler son Jésus, avec un sourire d’amour sur ses lèvres pâles et l’éclat d’une larme au fond des yeux. Jésus lui rend son sourire. Lui aussi a une lueur de larme dans le coin de l’œil mais, sans mot dire, il dirige le regard de Lazare vers le ciel ; Lazare comprend et remue les lèvres en une prière silencieuse.
 
       Marthe croit qu’il essaie de parler sans avoir encore retrouvé sa voix, et elle demande ;
 
       « Que me dis-tu, mon Lazare ?
 
       – Rien, Marthe. Je remerciais le Très-Haut. »
 
       La prononciation est assurée, la voix forte. Les gens poussent de nouveau un “ oh ! ” étonné.
 
       Maintenant que Lazare est dégagé jusqu’aux hanches, libéré et propre, on peut le revêtir de la tunique courte, une sorte de chemisette qui dépasse l’aine pour retomber sur les cuisses.
 
       On le fait asseoir pour dégager ses jambes et les laver. Quand elles apparaissent, Marthe et Marie poussent un hurlement : sur les bandelettes qui enserraient les jambes, et sur le suaire posé dessous, les écoulements purulents sont si abondants qu’ils forment des grosses gouttes sur les toiles, mais les jambes sont manifestement tout à fait guéries. Seules des cicatrices d’un rouge-bleuâtre indiquent les endroits où elles étaient gangrenées.
 
       Dans l’assistance, les cris d’ébahissement redoublent. Jésus sourit, de même que Lazare qui regarde un instant ses jambes guéries, puis s’abstrait de nouveau pour contempler Jésus. Il semble ne pouvoir se rassasier de le voir. Les juifs, pharisiens, sadducéens, scribes et rabbis s’approchent avec précaution pour ne pas souiller leurs vêtements. Ils observent de tout près Lazare, ils observent de tout près Jésus. Mais ni Lazare ni Jésus ne s’occupent d’eux : ils se regardent, et tout le reste est inexistant.
 
       548.13 Enfin, on passe ses sandales à Lazare. Il se lève, agile, sûr de lui, prend le vêtement que Marthe lui présente et l’enfile tout seul, lie sa ceinture, ajuste les plis. Le voilà, maigre et pâle, mais semblable à tout le monde. Après avoir retroussé ses manches, il se lave encore les mains et les bras jusqu’aux coudes. Puis, avec une nouvelle eau, il se lave de nouveau la figure et la tête, jusqu’à ce qu’il se sente tout à fait net. Il essuie ses cheveux et son visage, rend la serviette au serviteur et s’avance vers Jésus. Il se prosterne, lui baise les pieds.
 
       Jésus s’incline, le relève, le serre contre son cœur en lui disant :
 
       « Bon retour, mon ami. Que la paix et la joie soient avec toi. Vis pour accomplir ton heureuse destinée. Lève la tête pour que je te donne le baiser de salutation. »
 
       Il dépose un baiser sur les joues de Lazare, qui le lui rend.
 
       C’est seulement après avoir vénéré et embrassé le Maître que Lazare parle à ses sœurs et les embrasse ; puis il embrasse Maximin et Noémie qui pleurent de joie, et certains autres que je crois être des parents ou des amis très intimes. Enfin, il embrasse Joseph, Nicodème, Simon le Zélote et quelques autres.
 
       Jésus va personnellement trouver un serviteur qui a sur les bras un plateau avec de la nourriture ; il prend une fouace avec du miel, une pomme, une coupe de vin et présente le tout à Lazare, après les avoir offerts et bénits, pour qu’il se restaure. Et Lazare mange avec l’appétit d’un homme en pleine santé. La foule pousse encore un “ oh ! ” de stupéfaction.
 
       548.14 Jésus paraît ne voir que Lazare, mais, en réalité, il observe tout et tout le monde. Remarquant qu’avec des gestes de colère Sadoq, Elchias, Chanania, Félix, Doras, Cornélius et quelques autres sont sur le point de s’éloigner, il lance :
 
       « Attends un moment, Sadoq. J’ai à te parler, à toi et aux tiens. »
 
       Ils s’arrêtent avec une figure de criminels. Joseph d’Arimathie a un geste d’effarement et fait signe à Simon le Zélote de retenir Jésus.
 
       Mais ce dernier s’avance déjà vers le groupe haineux, et il dit à haute voix :
 
       « Ce que tu as vu te suffit-il, Sadoq ? Tu m’as expliqué un jour que, pour croire, vous aviez besoin, toi et tes semblables, de voir recomposé, guéri, un homme décomposé. Es-tu satisfait de la putréfaction que tu as vue ? Es-tu capable de reconnaître que Lazare était mort et que maintenant il est vivant et en bonne santé comme il ne l’a pas été depuis des années ? Je le sais : vous êtes venus ici pour tenter ces femmes, pour accroître leur douleur et insinuer le doute. Vous êtes venus ici me chercher, dans l’espoir de me trouver caché dans la pièce du mourant. Vous êtes venus ici, non pas poussés par un sentiment d’amour et le désir d’honorer le défunt, mais pour vous assurer que Lazare était réellement mort. Et vous avez continué à venir, vous réjouissant toujours plus à mesure que le temps passait. Si tout avait eu lieu comme vous l’espériez, comme vous le croyiez désormais certain, vous auriez eu raison de vous réjouir : l’Ami qui guérit tout le monde, ne guérit pas son ami. Le Maître récompense la foi de tous, mais pas celle de ses amis de Béthanie. Le Messie est impuissant devant la réalité de la mort. Cela vous donnait raison de vous réjouir. Mais voilà : Dieu vous a répondu. Nul prophète n’a jamais pu reconstituer ce qui était, non seulement mort, mais décomposé. Dieu l’a fait. C’est le témoignage vivant de ce que je suis. Il y eut un jour où Dieu prit de la boue, lui donna une forme et y insuffla l’esprit de vie : et ce fut l’homme. J’étais là pour dire : “ Que l’on fasse l’homme à notre image et à notre ressemblance ” [3], car je suis le Verbe du Père. Aujourd’hui, moi, le Verbe, j’ai dit à ce qui était encore moins que de la boue, à la corruption : “ Vis ” et la corruption s’est faite de nouveau chair, une chair intègre, vivante, palpitante. La voici qui vous regarde. Et à la chair, j’ai réuni l’âme, qui gisait depuis quelques jours dans le sein d’Abraham. Je l’ai rappelée par ma volonté, car je peux tout, moi, le Vivant, moi, le Roi des rois auquel sont soumises toute créature et toute chose. Maintenant, que me répondez-vous ? »
 
       Il se tient devant eux, grand, fulgurant de majesté, vraiment Juge et Dieu. Ils ne répondent rien.
 
       Jésus insiste :
 
       « Ce n’est pas encore assez pour croire, pour accepter l’inconcevable ?
 
       – Tu n’as tenu qu’une partie de la promesse. Ce n’est pas le signe de Jonas…, lance brutalement Sadoq.
 
       – Vous l’aurez lui aussi. J’ai promis, et je tiendrai ma promesse » affirme le Seigneur. « Une autre personne, présente ici, attend un second signe, et elle l’aura [4]. Et comme c’est un juste, il l’acceptera. Vous, non. Vous resterez ce que vous êtes. »
 
       548.15 Faisant demi-tour, il aperçoit Simon, fils d’Eli-Hanna, membre du Sanhédrin. Il le dévisage longuement, laissant de côté ceux de tout à l’heure et, arrivé en face de Simon, il lui dit, à voix basse mais nette :
 
       « Il est heureux pour toi que Lazare ne se rappelle rien de son séjour parmi les morts ! Qu’as-tu fait de ton père, Caïn ? »
 
       Simon s’enfuit en poussant un cri de peur qui se change en un hurlement de malédiction :
 
       « Sois maudit, Nazaréen ! »
 
       Jésus réplique :
 
       « Ta malédiction monte au Ciel, et du Ciel le Très-Haut te la renvoie. Tu es marqué du signe, malheureux que tu es ! »
 
       Puis il revient en arrière, parmi les groupes médusés, presque pétrifiés. Il rencontre Gamaliel qui se dirige vers la route. Tous deux se regardent. Jésus lui murmure sans s’arrêter :
 
       « Tiens-toi prêt, rabbi. L’autre signe viendra bientôt. Je ne mens jamais. »
 
       548.16 Le jardin se vide lentement. Les juifs sont abasourdis, mais la plupart sont furieux. Si leurs regards pouvaient le réduire en cendres, Jésus serait complètement pulvérisé. Ils discutent en repartant, et sont si bouleversés par leur défaite qu’ils ne peuvent plus dissimuler, sous une apparence hypocrite d’amitié, le but de leur présence. Ils s’en vont sans saluer ni Lazare ni ses sœurs.
 
       Certains restent : tous ceux que le miracle a conquis au Seigneur, au nombre desquels se trouve Joseph Barnabé, qui se jette à genoux devant Jésus et l’adore. Un autre est le scribe Joël d’Abias qui l’imite avant de partir à son tour, et d’autres encore que je ne connais pas, mais qui doivent être influents.
 
       Pendant ce temps, Lazare, entouré de ses plus intimes, s’est retiré dans la maison. Joseph, Nicodème et les autres bons saluent Jésus et s’en vont. Après de profondes courbettes, les juifs qui étaient restés auprès de Marthe et Marie s’éloignent eux aussi. Les serviteurs ferment la grille. La maison retrouve sa paix.
 
       548.17 Jésus regarde autour de lui. Il voit de la fumée et des flammes au fond du jardin, dans la direction du tombeau. Seul, debout au milieu d’un sentier, il dit :
 
       « Le feu va faire disparaître la putréfaction… La putréfaction de la mort… Mais celle des cœurs… de ces cœurs-là, aucun feu ne la fera disparaître… Pas même le feu de l’enfer. Elle sera éternelle… Quelle horreur !… Plus que la mort… Plus que la corruption… Et…Mais qui te sauvera, ô Humanité, si tu aimes tant être corrompue ! Tu veux être corrompue. Et moi… Un seul mot m’a suffi pour arracher un homme au tombeau… Mais malgré un flot de paroles… et de souffrances, je ne pourrai arracher au péché l’homme, les hommes, des millions d’hommes. »
 
       Il s’assied et se couvre le visage de ses mains, l’air accablé…
 
       Un serviteur qui passe le voit. Il se dirige vers la maison. Peu après, Marie en sort et va trouver Jésus, légère comme si elle ne touchait pas le sol. Elle s’approche, et lui dit doucement :
 
       « Rabbouni, tu es épuisé… Viens, mon Seigneur. Tes apôtres, fatigués, sont allés dans l’autre maison, tous, sauf Simon le Zélote… Tu pleures, Maître ? Pourquoi ?… »
 
       Elle s’agenouille aux pieds de Jésus… l’observe… Jésus la regarde sans répondre. Il se lève et se dirige vers la maison, suivi de Marie.
 
       548.18 Ils entrent dans une salle. Lazare n’y est pas, ni Simon le Zélote, mais il y a Marthe, heureuse, transfigurée par la joie. Elle s’adresse à Jésus pour expliquer :
 
       « Lazare est allé se baigner pour se purifier encore. Oh ! Maître ! Maître ! Que te dire ! »
 
       Elle l’adore de tout son être. Puis elle remarque la tristesse de Jésus et l’interroge :
 
       « Tu es triste, Seigneur ? N’es-tu pas heureux que Lazare… » Il lui vient un soupçon : « Oh ! Tu es réservé avec moi. J’ai péché. C’est vrai.
 
       – Nous avons péché, ma sœur, rectifie Marie.
 
       – Non, pas toi… Oh ! Maître. Marie n’a pas péché. Marie a su obéir, moi seule ai désobéi. Je t’ai envoyé appeler, parce que… parce que je ne pouvais plus les entendre insinuer que tu n’étais pas le Messie, le Seigneur… et je ne pouvais plus voir Lazare souffrir… Il désirait tant ta venue ! Il t’appelait tant… Pardonne-moi, Jésus.
 
       – Et toi, tu ne dis rien, Marie ? demande Jésus.
 
       – Maître… moi… Je n’ai souffert que comme femme. Je souffrais parce que… Marthe, jure, jure ici, devant le Maître, que jamais, jamais tu ne parleras à Lazare de son délire… Mon Maître… je t’ai connu tout à fait, ô divine Miséricorde, dans les dernières heures de Lazare. Oh ! mon Dieu ! Mais comme tu m’as aimée, toi qui m’as pardonné, toi, Dieu, toi, le Pur, toi… si mon frère, qui pourtant m’aime, mais qui est homme, seulement homme, ne m’a pas tout pardonné au fond de son cœur ? ! Non, je m’exprime mal. Il n’a pas oublié mon passé et quand la faiblesse de la mort a émoussé en lui sa bonté que je croyais oublieuse du passé, il a crié sa douleur, son indignation pour moi… Oh !… »
 
       Marie pleure…
 
       « Ne pleure pas, Marie. Dieu t’a pardonné et a oublié. L’âme de Lazare aussi a pardonné et a oublié, elle a voulu oublier. L’homme n’a pas pu tout oublier, et quand la chair a dominé par son dernier spasme sa volonté affaiblie, l’homme a parlé.
 
       – Je n’en éprouve pas d’indignation, Seigneur. Cela m’a servi à t’aimer davantage et à aimer encore plus Lazare. Dès lors, moi aussi j’ai désiré ta venue, car j’étais trop angoissée de penser que Lazare allait mourir sans paix à cause de moi… Et ensuite, ensuite, quand je t’ai vu méprisé par les juifs… quand j’ai vu que tu ne venais pas même après la mort, pas même après que je t’avais obéi en espérant au-delà de ce qui est croyable, en espérant jusqu’à ce que le tombeau s’ouvre, alors mon âme aussi a souffert. Seigneur, si j’avais à expier — et c’est sûrement le cas —, j’ai expié, Seigneur…
 
       – Pauvre Marie ! Je connais ton cœur. Tu as mérité ce miracle. Que cela t’affermisse dans ton espérance et ta foi.
 
       – Mon Maître, désormais j’espérerai et je croirai toujours. Je ne douterai plus, jamais plus, Seigneur. Je vivrai de foi. Tu m’as donné la capacité de croire ce qui est incroyable.
 
       – Et toi, Marthe, as-tu appris ? Non, pas encore. Tu es ma Marthe, mais tu n’es pas encore ma parfaite adoratrice. Pourquoi agis-tu au lieu de contempler ? C’est plus saint. Tu vois ? Ta force, parce qu’elle était trop tournée vers les tâches terrestres, a cédé à la constatation d’affaires terrestres qui semblent parfois sans remède. En vérité, les problèmes humains n’ont pas de remède, si Dieu n’intervient pas. C’est pourquoi la créature a besoin de savoir croire et contempler, d’aimer jusqu’au bout des forces de l’homme tout entier, avec sa pensée, son âme, sa chair, son sang, avec toutes les forces de l’homme. Je le répète : je te veux forte, Marthe. Je te veux parfaite. Tu n’as pas su obéir parce que tu n’as pas su croire et espérer complètement, et tu n’as pas su croire et espérer parce que tu n’as pas su aimer totalement. Mais moi, je t’en absous. Je te pardonne, Marthe. J’ai ressuscité Lazare aujourd’hui. Maintenant, je te donne un cœur plus fort. A lui, j’ai rendu la vie. A toi, j’infuse la force d’aimer, croire et espérer parfaitement. Maintenant soyez heureuses et en paix. Pardonnez à ceux qui vous ont offensées ces jours-ci…
 
       – Seigneur, en cela j’ai péché. Il y a un instant, j’ai demandé au vieux Chanania qui t’avait méprisé : “ Qui a triomphé ? Toi ou Dieu ? Ton mépris ou ma foi ? Le Christ est le Vivant et il est la Vérité. Moi, je savais que sa gloire allait resplendir avec plus d’éclat, et toi, vieillard, refais ton âme si tu ne veux pas connaître la mort. ”
 
       – Tu as bien parlé. Mais ne discute pas avec les méchants, Marie. Et pardonne. Pardonne, si tu veux m’imiter… 548.19 Voici Lazare. J’entends sa voix. »
 
       En effet, Lazare entre, vêtu de neuf et bien rasé, bien peigné et la chevelure parfumée. Avec lui se trouvent Maximin et Simon le Zélote.
 
       « Maître ! »
 
       Lazare s’agenouille encore pour l’adorer.
 
       Jésus lui pose la main sur la tête et dit en souriant :
 
       « Ton épreuve et celle de tes sœurs est surmontée, mon ami. Soyez désormais heureux et forts pour servir le Seigneur. Mon ami, que te rappelles-tu du passé ? Je veux parler de tes derniers moments ?
 
       – Un grand désir de te voir et une grande paix au milieu de l’amour de mes sœurs.
 
       – Et qu’est-ce qui t’affligeait le plus de quitter en mourant ?
 
       – Toi, Seigneur, et mes sœurs. Toi parce que je ne pouvais plus te servir, elles parce qu’elles m’ont donné toute joie…
 
       – Ah ! moi, mon frère… soupire Marie.
 
       – Toi, plus que Marthe. Tu m’as donné Jésus et la mesure de ce qu’est Jésus. C’est lui qui t’a donnée à moi. Tu es le don de Dieu, Marie.
 
       – C’est ce que tu disais aussi en mourant… dit Marie, tout en étudiant le visage de son frère.
 
       – Parce que c’est ma constante pensée.
 
       – Mais moi, je t’ai causé tant de peine…
 
       – La maladie aussi m’a fait souffrir. Mais, par elle, j’espère avoir expié les fautes du vieux Lazare et être ressuscité, purifié pour être digne de Dieu. Toi et moi, nous avons tous deux ressuscité pour servir le Seigneur, avec Marthe au milieu de nous, elle qui fut toujours la paix de la maison.
 
       – Tu l’entends, Marie ? Lazare dit des paroles de sagesse et de vérité. Maintenant, je me retire et vous laisse à votre joie…
 
       – Non, Seigneur, reste avec nous. Ici. Reste à Béthanie et dans ma maison. Ce sera beau…
 
       – Je resterai. Je veux te récompenser de tout ce que tu as souffert. Marthe, ne sois pas triste. Marthe pense m’avoir affligé. Mais ma peine n’est pas autant pour vous que pour ceux qui ne veulent pas se racheter. Eux haïssent de plus en plus. Ils ont le venin dans le cœur… Eh bien… pardonnons.
 
       – Pardonnons, Seigneur » dit Lazare avec son doux sourire…
 
       C’est sur ces mots que tout prend fin.      
 
       Jésus dit : "On peut mettre ici la dictée du 23-3-44 pour le commentaire de la résurrection de Lazare." [5]    
 
 

Enseignement de Jésus à Maria Valtorta

Précisions de Jésus
 
       548.20 En marge [6] de la résurrection de Lazare et en rapport avec une phrase de saint Jean.
 
       Jésus dit :
 
       « Dans l’évangile de Jean, comme on le lit désormais depuis des siècles, il est écrit : “ Jésus n’était pas encore entré dans le village de Béthanie ” (Jn 11,30). Pour prévenir toute objection possible, je fais remarquer qu’entre cette phrase et celle de l’Œuvre selon laquelle j’ai rencontré Marthe à quelques pas du bassin dans le jardin de Lazare, il n’y a pas de contradiction de faits, mais seulement de traduction et de description.
 
       Béthanie appartenait pour les trois quarts à Lazare, de même qu’une grande partie de Jérusalem. Mais parlons de Béthanie. Comme Lazare en possédait les trois quarts, on pouvait dire : Béthanie de Lazare. Par conséquent, le texte ne serait pas erroné, même si j’avais rencontré Marthe dans le village ou à la fontaine, comme certains veulent le dire. Mais, en réalité, je n’étais pas entré dans le village pour éviter qu’accourent les habitants [7], tous hostiles aux membres du Sanhédrin. J’avais contourné Béthanie pour rejoindre la maison de Lazare, qui se trouvait à l’extrémité opposée quand on y entrait par Ensémès.
 
       C’est précisément pour cette raison que Jean écrit que Jésus n’était pas encore entré dans le village. Et c’est avec autant de justesse que le petit Jean écrit que je m’étais arrêté près du bassin (fontaine pour les Hébreux), déjà dans le jardin de Lazare, mais encore très loin de la maison.
 
       Considérons en outre que, durant le temps du deuil et de l’impureté (ce n’était pas encore le septième jour après la mort), les sœurs ne sortaient pas de chez elles. C’est donc dans l’enceinte de leur propriété que la rencontre a eu lieu.
 
       Il faut noter que le petit Jean ne parle pas de la venue des villageois dans le jardin avant que j’ordonne d’enlever la pierre : jusqu’alors, Béthanie ignorait ma présence, et c’est seulement quand le bruit s’en est répandu qu’ils sont accourus chez Lazare. »
 



[1] Cf. EMV 525.
 
[2] À Cédés. Cf. EMV 342.
 
[3] Genèse 1,26.
 
[4] Gamaliel qui a entendu cette prédiction de Jésus âgé de 12 ans. Cf. EMV 41.9.
 
[5] Cette dictée, consignée dans "Les Cahiers de 1944" renvoie aux visions plus détaillées rapportées ici.
 
[6] En marge… jusqu’à … accourus chez Lazare » a été écrit par Maria Valtorta sans indication de date, sur les deux faces d’un feuillet, glissé entre les pages manuscrites du cahier.
 
[7] Ou Béthanites : betaniti, dans le manuscrit original.

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Enseignement de Jésus à Maria Valtorta

 Dictée du jeudi 23 mars 1944
 
       548.22 Jésus dit :
 
       « Bien sûr, j’aurais pu intervenir à temps pour empêcher la mort de Lazare, mais je n’ai pas voulu le faire. Je savais que cette résurrection serait une arme à double tranchant, car j’allais convertir les juifs dont la pensée était droite et rendre plus haineux ceux dont la pensée ne l’était pas. C’est de ceux-ci, et après cette dernière manifestation de ma puissance, qu’allait venir ma sentence de mort. Mais j’étais venu dans ce but, et désormais l’heure était mûre pour que cela s’accomplisse. J’aurais pu aussi accourir aussitôt, mais j’avais besoin d’une putréfaction déjà avancée, pour mieux persuader, par une résurrection, les incrédules les plus obstinés. Mes apôtres eux-mêmes, destinés à porter la foi en moi dans le monde, avaient besoin, pour croire, d’être soutenus par des miracles de première grandeur.
 
       Chez les apôtres il y avait beaucoup d’humanité, je l’ai déjà dit [1]. Ce n’était pas un obstacle insurmontable. C’était au contraire une conséquence logique de leur condition d’hommes appelés à m’appartenir à un âge déjà adulte. On ne modifie pas une mentalité, une tournure d’esprit du jour au lendemain. Et moi, dans ma sagesse, je n’ai pas voulu choisir et éduquer des enfants et les faire grandir selon ma pensée pour en faire mes apôtres. J’aurais pu le faire, mais je m’y suis refusé, pour que les âmes ne me reprochent pas d’avoir méprisé ceux qui ne sont pas innocents et qu’elles ne portent à leur décharge et à leur excuse que, moi aussi, j’aurais exprimé par mon choix que ceux qui sont déjà formés ne peuvent changer.
 
       Non. Tout peut changer quand on le veut. Et en effet, avec des pusillanimes, des querelleurs, des usuriers, des sensuels, des incrédules, j’ai fait des martyrs et des saints, des évangélisateurs du monde. Seuls ceux qui l’ont refusé n’ont pas changé.
 
       548.23 J’ai aimé et j’aime les petitesses et les faiblesses — tu en es un exemple — pourvu que se trouve en elles la volonté de m’aimer et de me suivre, et de ces “ riens ” je fais mes privilégiés, mes amis, mes ministres. Je m’en sers toujours, et c’est un miracle continuel que j’accomplis, pour amener les autres à croire en moi, à ne pas anéantir les possibilités de miracle. Comme cette possibilité est faible, maintenant ! Telle une lampe à laquelle l’huile manque, elle agonise et meurt, tuée par le manque ou l’absence de foi dans le Dieu du miracle.
 
       Il y a deux formes d’exigence dans la demande du miracle. A l’une, Dieu se soumet avec amour. A l’autre, il tourne le dos avec indignation. La première est celle qui demande [2], comme je l’ai enseigné, sans défiance et sans découragement, et qui ne pense pas que Dieu ne puisse pas l’écouter parce que Dieu est bon, et que celui qui est bon exauce, parce que Dieu est puissant et peut tout. Cela, c’est de l’amour, or Dieu exauce celui qui aime. L’autre forme, c’est l’exigence des révoltés qui veulent que Dieu soit leur serviteur, se plie à leurs perversités et leur donne ce qu’eux lui refusent : l’amour et l’obéissance. Cette forme est une offense que le Seigneur punit par le refus de ses grâces.
 
       Vous vous plaignez que je n’accomplisse plus de miracles collectifs. Comment pourrais-je les accomplir ? Où sont les collectivités qui croient en moi ? Où sont les vrais croyants ? Combien y a-t-il de vrais croyants dans une collectivité ? Comme des fleurs qui survivent dans un bois brûlé par un incendie, je vois de temps à autre un esprit croyant. Le reste, Satan l’a brûlé par ses doctrines, et il le fera de plus en plus.
 
       548.24 Je vous prie, pour vous conduire surnaturellement, de garder à l’esprit ma réponse à Thomas [3]. On ne peut être mes vrais disciples si on ne sait pas donner à la vie humaine le poids qu’elle mérite en tant que moyen pour conquérir la vraie vie, et non en tant que fin. Celui qui voudra sauver sa vie en ce monde perdra la vie éternelle [4]. Je l’ai dit et je le répète. Que sont les épreuves ? Un nuage qui passe. Le Ciel reste et vous attend au-delà de l’épreuve.
 
       Moi, j’ai conquis le Ciel pour vous par mon héroïsme. Vous devez m’imiter. L’héroïsme n’est pas réservé à ceux qui doivent connaître le martyre. La vie chrétienne est un perpétuel héroïsme, car c’est une lutte incessante contre le monde, le démon et la chair. Je ne vous force pas à me suivre, je vous laisse libres, mais je ne veux pas d’hypocrites. On est, soit avec moi et comme moi, soit contre moi. Bien sûr, vous ne pouvez me tromper. Vous ne pourrez jamais me tromper. Et moi, je ne fais pas d’alliances avec l’Ennemi. Si vous me le préférez, vous ne pouvez penser m’avoir en même temps pour ami. C’est, soit lui, soit moi. Choisissez [5].
 
       548.25 La douleur de Marthe se distingue de celle de Marie à cause de la différence de caractère et d’attitude des deux sœurs. Heureux ceux qui se conduisent de manière à ne pas regretter d’avoir affligé quelqu’un qui désormais est mort, et qu’ils ne peuvent plus consoler de ce qu’ils lui ont fait subir. Mais encore plus heureux celui qui n’a pas le remords d’avoir affligé son Dieu, moi, Jésus, et qui ne craint pas de me rencontrer, mais au contraire aspire à me rencontrer et à voir se réaliser le rêve impatient de toute sa vie.
 
       Je suis pour vous un Père, un Frère, un Ami. Pourquoi donc me blessez-vous si souvent ? Savez-vous combien de temps il vous reste à vivre ? A vivre pour réparer ? Vous l’ignorez. Alors, heure par heure, jour après jour, conduisez-vous bien. Vous me rendrez toujours heureux. Et même si la douleur vient — car la douleur, c’est la sanctification, c’est la myrrhe qui préserve de la putréfaction de la chair —, vous garderez toujours la certitude que je vous aime, et que je vous aime même dans cette douleur, ainsi que la paix qui vient de mon amour. Toi, petit Jean, tu sais bien que je console même dans la douleur.
 
       548.26 Dans ma prière au Père se trouve répété ce que j’ai dit au début : il était nécessaire d’ébranler, par un miracle de première grandeur, l’aveuglement des juifs et du monde en général. La résurrection d’un homme enseveli depuis quatre jours et descendu au tombeau après une maladie bien connue, longue, chronique, répugnante, ne pouvait laisser indifférent ou sceptique. Si je l’avais guéri de son vivant, ou si je lui avais infusé le souffle aussitôt qu’il avait expiré, la hargne de mes ennemis aurait pu créer une incertitude sur la réalité du miracle. Mais la puanteur du cadavre, la pourriture des bandelettes, le long séjour au tombeau ne permettaient aucun doute. Et, miracle dans le miracle, j’ai voulu que Lazare soit dégagé et purifié en présence de tous, pour que l’on voie que, non seulement la vie, mais l’intégrité des membres était revenue là où l’ulcération de la chair avait répandu dans le sang des germes de mort. Quand je fais grâce, je donne toujours plus que vous ne demandez.
 
       548.27 J’ai pleuré devant la tombe de Lazare, et on a attribué bien des qualificatifs à ces larmes. Pourtant sachez que les grâces s’obtiennent par la douleur mêlée à une foi assurée dans l’Eternel. J’ai pleuré, moins à cause de la perte de mon ami et de l’affliction de ses sœurs, que parce que, comme un fond qui se soulève, trois idées ont affleuré à cette heure, plus vives que jamais, trois idées qui, comme trois clous, m’avaient toujours enfoncé leur pointe dans le cœur.
 
       La constatation de la ruine que Satan avait apportée à l’homme en le poussant au mal. Ruine dont la condamnation humaine était la souffrance et la mort : la mort physique, emblème et image vivante de la mort spirituelle, à laquelle la faute conduit l’âme en la plongeant — elle, qui est une reine destinée à vivre dans le royaume de la Lumière — dans les ténèbres infernales.
 
       La conviction que même ce miracle, qui advient pour ainsi dire comme le corollaire sublime de trois années d’évangélisation, n’allait pas convaincre le monde judaïque de la vérité que je lui avais apportée, et qu’aucun miracle n’allait faire, du monde à venir, un converti au Christ. Oh ! quelle douleur d’être près de mourir pour un si petit nombre !
 
       La vision mentale de ma morte prochaine. J’étais Dieu, mais j’étais homme aussi. Et pour être Rédempteur, je devais sentir le poids de l’expiation, donc aussi l’horreur de la mort, et d’une telle mort. J’étais un homme vivant, en bonne santé, qui se disait : “ Bientôt, je serai mort, je serai dans un tombeau comme Lazare. Bientôt, l’agonie la plus atroce sera ma compagne. Il me faut mourir. ” La bonté de Dieu vous épargne la connaissance de l’avenir, mais à moi, elle n’a pas été épargnée.
 
       Ah ! croyez-le bien, vous qui vous plaignez de votre sort : aucun n’a été plus triste que le mien, car j’ai eu la constante prescience de tout ce qui devait m’arriver, jointe à la pauvreté, aux privations, aux acrimonies qui m’ont accompagné de ma naissance à ma mort. Ne vous plaignez donc pas, et espérez en moi. Je vous donne ma paix. »
 

 


[1]Le 13 février 1944, en EMV 106.12.
 
[2] Matthieu 7, 7 – Luc 11, 9.
 
[3] Ma réponse à Thomas, en EMV 547.6.
 
[4] Matthieu 16, 25 – Marc 8, 35 – Luc 9, 24.

[5] Matthieu 6, 24.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-008.htm
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-009.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/resurrection-de-lazare.html

 
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 31 Mar - 21:51

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28

549. Séance du Sanhédrin, et audience de Pilate

Ancienne édition : Tome 8, chapitre 10.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 549.

Le 27 décembre 1946

Mardi 25 décembre 29
Béthabara


      549.1 Si la nouvelle de la mort de Lazare avait provoqué de l’agitation dans Jérusalem et une bonne partie de la Judée, celle de sa résurrection finit de remuer et de pénétrer même là où elle avait laissé indifférent.

      Sans doute, les quelques pharisiens et scribes, c’est-à-dire les membres du Sanhédrin présents à la résurrection, ne l’avaient pas annoncée au peuple. Mais les juifs en ont parlé, et la rumeur s’est répandue comme un éclair : d’une maison à l’autre, d’une terrasse à l’autre, des voix de femmes se la répètent, tandis qu’en bas le petit peuple la propage en se réjouissant grandement du triomphe de Jésus et du miracle pour Lazare. Les gens remplissent les rues en courant çà et là, croyant toujours arriver les premiers pour apporter cette information, mais ils sont déçus, car on la connaît à Ophel comme à Bézéta, dans Sion comme à l’Acra [1]. On est au courant dans les synagogues comme dans les magasins, au Temple et dans le palais d’Hérode.

      On connaît la nouvelle à l’Antonia, et de l’Antonia elle se répand dans les postes de garde aux portes ou vice versa. Elle emplit les palais comme les taudis : « Le Rabbi de Nazareth a ressuscité Lazare de Béthanie, qui est mort la veille du vendredi ; il a été mis au tombeau avant le début du sabbat et est ressuscité à l’heure de sexte d’aujourd’hui. »

      Les acclamations hébraïques au Christ et au Très-Haut se mêlent à celles, plus variées, des Romains : « Par Jupiter ! Par Pollux ! Par Libitina ! », etc.

      549.2 Les seuls que je ne vois pas dans cette foule bruyante, ce sont les membres du Sanhédrin. Je n’en vois pas un seul. En revanche, je remarque que Kouza et Manahen sortent d’un splendide palais, et j’entends Kouza dire :

      « J’ai aussitôt fait informer Jeanne. Il est réellement Dieu ! »

      Et Manahen répond :

      « Hérode, venu de Jéricho pour présenter ses hommages… à son maître Ponce Pilate, semble fou dans son palais, tandis qu’Hérodiade est furieuse et le pousse à donner des ordres pour arrêter le Christ. Elle tremble pour sa puissance, lui à cause de ses remords. Il claque des dents en intimant aux plus fidèles de le défendre… des fantômes. Il s’est enivré pour se donner du courage, mais le vin lui tourne la tête et lui fait voir des spectres. Il hurle que le Christ a aussi ressuscité Jean, qui lui crie maintenant aux oreilles les malédictions de Dieu. Je me suis enfui de cette Géhenne. Je me suis contenté de lui dire : “ Lazare a été ressuscité par Jésus de Nazareth. Garde-toi de toucher à lui, car il est Dieu. ” Je le maintiens dans cette peur pour qu’il ne cède pas à la volonté homicide de sa femme.

      – Moi, je devrais y aller, au contraire… Je dois y aller. Mais j’ai d’abord voulu passer chez Eliel et Elqana. Ils vivent à part, mais leur parole compte toujours en Israël ! Jeanne est contente que je les honore. Et moi…

      – C’est une bonne protection pour toi, c’est vrai. Mais elle n’égalera jamais l’amour du Maître. C’est l’unique protection qui ait de la valeur… »

      Kouza ne réplique rien. Il réfléchit… Je les perds de vue.

      549.3 De Bézéta arrive en toute hâte Joseph d’Arimathie. On l’arrête. C’est un groupe d’habitants incrédules qui se demandent s’il faut croire la nouvelle, et ils l’interrogent.

      « C’est vrai ! C’est vrai ! Lazare est ressuscité, et il est guéri aussi. Je l’ai vu de mes propres yeux.

      – Mais alors… Jésus est vraiment le Messie !

      – Ses œuvres sont celles du Messie. Sa vie est parfaite. Nous vivons à l’époque prophétisée. Satan le combat. Que chacun conclue dans son cœur qui est le Nazaréen » dit Joseph prudemment, mais aussi avec exactitude.

      Il salue et s’éloigne, les laissant débattre et finir par reconnaître :

      « C’est vraiment le Messie. »

      549.4 Un légionnaire parle dans un groupe :

      « Si je le peux, j’irai demain à Béthanie. Par Vénus et Mars, mes dieux préférés ! Je pourrai faire le tour du monde, des déserts brûlants aux terres glacées germaniques, mais me trouver là où ressuscite un homme mort depuis des jours, cela ne m’arrivera plus. Je veux voir à quoi ressemble quelqu’un qui revient de la mort. Il sera noirci par l’eau des fleuves d’outre-tombe…

      – S’il était vertueux, il sera blême après avoir bu l’eau couleur d’azur des Champs Elysées. Il n’y a pas que le Styx, là-bas…

      – Il nous dira comment sont les prairies d’asphodèles de l’Hadès… Je t’accompagne.

      – Si Ponce l’accepte…

      – Bien sûr qu’il accepte ! Il a aussitôt expédié un courrier à Claudia pour qu’elle vienne. Claudia aime ce genre de débats. Je l’ai entendue plus d’une fois discuter de l’âme et de l’immortalité avec les autres et avec ses affranchis grecs.

      – Claudia croit au Nazaréen. Pour elle, il est plus grand que tout autre homme.

      – Oui. Mais pour Valéria, il est plus qu’un homme, c’est Dieu : une espèce de Jupiter et d’Apollon pour ce qui est de la puissance et de la beauté, disent-elles, et il est plus sage que Minerve. L’avez-vous vu ? Moi, je suis venu ici pour la première fois avec Ponce et je ne sais pas…

      – Je crois que tu es arrivé à temps pour voir beaucoup de choses. Tout à l’heure, Ponce criait d’une voix de stentor : “ Ici, tout doit changer. Ils doivent comprendre que c’est Rome qui commande, et que, tous, ils sont asservis. Et plus ils sont grands, plus ils sont asservis, parce que plus dangereux. ” Je crois que c’est à cause de cette tablette qui lui avait été apportée par le serviteur d’Hanne…

      – Bien sûr, il ne veut pas les écouter… Et il nous change tous régulièrement, car… il ne veut pas que des amitiés se créent entre eux et nous.

      – Entre eux et nous ? Ha ! Ha ! Ha ! Avec ces hommes au gros nez qui sentent mauvais ? Ponce digère mal la trop grande quantité de porc qu’il mange. A moins… qu’il ne s’agisse de l’amitié avec quelque femme qui ne dédaigne pas d’embrasser des bouches rasées…, dit un soldat en riant malicieusement.

      – C’est un fait que, depuis les troubles de la fête des Tentes [2], il a demandé et obtenu le changement de toutes les troupes, et qu’il nous faut partir…

      – C’est vrai. On a déjà signalé à Césarée l’arrivée de la galère qui transporte Longinus et sa centurie. De nouveaux gradés, de nouvelles troupes… et tout cela à cause de ces crocodiles du Temple. J’étais bien ici, moi…

      – Moi, j’étais mieux à Brindisi… Mais je m’habituerai », dit celui qui vient d’arriver en Palestine.

      Ils s’éloignent eux aussi.

      549.5 Des gardes du Temple passent avec des tablettes de cire. Les gens les observent et s’étonnent :

      « Le Sanhédrin se réunit d’urgence. Que veulent-ils faire ? »

      Quelqu’un répond :

      « Montons au Temple, et voyons… »

      Ils se dirigent vers la rue qui mène au mont Moriah.

      Le soleil disparaît derrière les maisons de Sion et les monts de l’occident. Le soir tombe et va bientôt débarrasser les rues des curieux. Ceux qui sont montés au Temple en redescendent, contrariés parce qu’on les a chassés même des portes où ils s’étaient attardés pour voir passer les membres du Sanhédrin.

      549.6 L’intérieur du Temple, vide, désert, enveloppé par la lumière de la lune, paraît immense. Les membres du Sanhédrin se rassemblent lentement dans la salle. Ils sont tous présents, comme lors de la condamnation de Jésus, à l’exception de ceux qui y faisaient office de greffiers [3]. Ils se tiennent en partie à leurs places, en partie en groupes près des portes.

      Caïphe entre, avec son air mauvais et son corps de crapaud obèse, et il va à sa place.

      Ils commencent immédiatement à débattre sur les faits survenus, et ils y mettent une telle passion que la séance devient vite très animée. Ils quittent leurs places, descendent dans l’espace vide en gesticulant et en parlant à haute voix.

      Quelques-uns leur conseillent de garder leur calme et de bien réfléchir avant de prendre des décisions.

      D’autres répliquent :

      « Mais n’avez-vous pas entendu ceux qui sont venus ici après none ? Si nous perdons les juifs les plus influents, à quoi sert-il d’accumuler les accusations ? Plus il vit, et moins on nous croira si nous l’accusons.

      – Or cet événement est indéniable. On ne peut dire à la foule qui y a assisté : “ Vous avez mal vu. C’est une illusion. Vous étiez ivres. ” Le mort était bien mort, putréfié, décomposé. Il avait été déposé dans un tombeau fermé, bien muré. Le mort était couvert de bandelettes et de baumes depuis plusieurs jours. Il était lié. Et pourtant, il est sorti de sa place, il est venu tout seul, sans marcher, jusqu’à l’ouverture. Et une fois libéré, il n’était plus mort. Il respirait. Il n’y avait plus de corruption, alors qu’auparavant, quand il vivait, il était couvert de plaies et, dès sa mort, il était tout décomposé.

      – Vous avez entendu les juifs les plus influents, ceux que nous avions poussés là pour les conquérir complètement à notre cause ? Ils sont venus nous dire : “ Pour nous, il est le Messie. ” Presque tous sont venus ! Même le peuple !

      – Et ces maudits Romains pleins de fables ! Qu’en faites-vous ? Pour eux, il est Jupiter Maximus. Alors s’ils se mettent cette idée en tête… Ils nous ont fait connaître leurs histoires, et cela a été une malédiction. Anathème sur ceux qui ont voulu nous imposer l’hellénisme [4], et qui, par flagornerie, nous ont profanés par des coutumes qui ne sont pas les nôtres ! Pourtant cela sert aussi à notre information, et nous savons que le Romain a vite fait d’abattre et d’élever par des conjurations et des coups d’état. Or si certains de ces fous s’enthousiasment pour le Nazaréen et le proclament César — et par conséquent divin —, qui pourra le toucher ?

      – Mais non ! Qui veux-tu qui fasse cela ? Ils se gaussent de lui et de nous. Ses actes ont beau être grands, pour eux il reste “ un juif ”, et donc un misérable. La peur te rend stupide, ô fils d’Hanne !

      – La peur ? As-tu entendu comment Ponce Pilate a répondu à l’invitation de mon père ? Il est bouleversé, te dis-je, il est bouleversé par l’événement, et il redoute le Nazaréen. Malheureux que nous sommes ! Cet homme est venu pour notre ruine !

      549.7 – Si au moins nous n’y étions pas allés et si nous n’avions pas presque ordonné aux plus puissants des juifs d’y aller ! Si Lazare était ressuscité sans témoins…

      – Eh bien ? Qu’est-ce que cela aurait changé ? Nous ne pouvions sûrement pas le faire disparaître pour laisser croire qu’il était toujours mort !

      – Non, certes. Mais nous pouvions prétendre qu’il s’était agi d’une fausse mort. Des témoins payés pour mentir, on en trouve toujours.

      – Mais pourquoi une telle agitation ? Je n’en vois pas la raison ! Aurait-il donc provoqué le Sanhédrin et le Pontificat ? Non. Il s’est borné à accomplir un miracle.

      – Il s’est borné ? Mais tu es sot ou vendu à lui, Eléazar ? N’a-t-il pas provoqué le Sanhédrin et le Pontificat ? Et que veux-tu de plus ? Les gens…

      – Les gens peuvent dire ce qu’ils veulent, mais je suis du même avis qu’Eléazar : le Nazaréen n’a fait qu’un miracle.

      – Voilà l’autre qui le défend ! Tu n’es plus un juste, Nicodème ! Tu n’es plus un juste ! Tu agis contre nous, contre nous, comprends-tu ? Plus rien ne convaincra la foule. Ah ! malheureux que nous sommes ! Moi, aujourd’hui, j’ai été bafoué par certains juifs. Moi, bafoué ! Moi !

      – Tais-toi, Doras ! Tu n’es qu’un homme, mais c’est l’idée qui est frappée ! Nos lois, nos prérogatives !

      – Tu parles bien, Simon, et il faut les défendre.

      – Mais comment ?

      – En attaquant, en détruisant les siennes !

      – C’est vite dit, Sadoq. Mais comment les détruirais-tu, si de toi-même tu ne sais pas rendre la vie à un moucheron ? Il nous faudrait accomplir un miracle plus grand que le sien, mais aucun de nous ne peut le faire parce que… »

      L’orateur ne sait pas expliquer pourquoi, et c’est Joseph d’Arimathie qui achève :

      « Parce que nous sommes des hommes, seulement des hommes. »

      Ils se jettent sur lui en demandant :

      « Et lui, qui est-il alors ? »

      Joseph répond avec assurance :

      « Il est Dieu. Si j’avais encore des doutes…

      – Mais tu n’en avais pas. Nous le savons, Joseph. Nous le savons. Reconnais donc ouvertement que tu l’aimes !

      549.8 – Joseph ne fait rien de mal en l’aimant. Moi-même, je le reconnais pour le plus grand Rabbi d’Israël.

      – C’est toi, Gamaliel, qui dis cela ?

      – Oui, je l’affirme. Et je m’honore d’être… détrôné par lui. Jusqu’à présent, j’avais conservé la tradition des grands rabbis, dont le dernier était Hillel, mais après moi je n’aurais pas su qui pouvait recueillir la sagesse des siècles. Maintenant, je partirai satisfait, parce que je sais qu’au lieu de s’éteindre, elle deviendra plus grande, accrue qu’elle sera de la sienne, à laquelle l’Esprit de Dieu est certainement présent.

      – Mais que nous racontes-tu là, Gamaliel ?

      – La vérité. Ce n’est pas en se fermant les yeux que l’on peut ignorer ce que nous sommes. Nous ne sommes plus sages, car le principe de la sagesse est la crainte de Dieu, or nous sommes des pécheurs dépourvus de la crainte de Dieu. Si nous en avions tant soit peu, nous ne piétinerions pas le juste et nous n’aurions pas la sotte avidité des richesses du monde. Dieu donne et Dieu enlève, selon les mérites et les démérites. Et si, maintenant, Dieu nous enlève ce qu’il nous avait confié, pour le donner à d’autres, qu’il soit béni, car saint est le Seigneur, et saintes sont toutes ses actions.

      – Mais nous parlions de miracle, et nous voulions dire qu’aucun de nous ne peut en accomplir parce que Satan n’est pas avec nous.

      – Je rectifie : parce que Dieu n’est pas avec nous. Moïse sépara les eaux et ouvrit le rocher, Josué arrêta le soleil, Elie ressuscita l’enfant et fit tomber la pluie, mais Dieu était avec eux. Je vous rappelle qu’il y a six choses que Dieu hait, et qu’il exècre la septième : les yeux orgueilleux, la langue menteuse, les mains qui répandent le sang innocent, le cœur qui médite des desseins mauvais, les pieds qui courent rapidement vers le mal, le faux témoin qui profère des mensonges, et l’homme qui crée la discorde parmi ses frères [5]. Tout cela, nous le faisons. Je dis “ nous ”, mais c’est vous seuls qui les faites, car moi je m’abstiens de crier “ Hosanna ” comme de crier “ Anathème ”. 549.9 J’attends.

      – Le signe ! Naturellement, tu attends le signe ! Mais quel signe attends-tu d’un pauvre fou, si vraiment nous voulons tout lui pardonner ? »

      Gamaliel lève les mains et, les bras en avant, les yeux fermés, la tête légèrement inclinée, l’air d’autant plus hiératique qu’il s’exprime lentement et d’une voix lointaine, il répond :

      « J’ai interrogé anxieusement le Seigneur pour qu’il m’indique la vérité, et il a éclairé pour moi ces paroles de Jésus ben Sirac : “ Le Créateur de l’univers m’a donné un ordre, Celui qui m’a créée m’a fait dresser ma tente. Il m’a dit : ‘Installe-toi en Jacob, entre dans l’héritage d’Israël, plonge tes racines parmi mes élus’ ”[6]… Il m’a également éclairé celles-ci, que j’ai reconnues : “ Venez à moi, vous tous qui me désirez et rassasiez-vous de mes fruits, car mon esprit est plus doux que le miel et mon héritage plus doux qu’un rayon de miel. Mon souvenir durera dans les générations des siècles. Ceux qui me mangent auront encore faim, ceux qui me boivent auront encore soif. Celui qui m’obéit n’aura pas à en rougir, ceux qui font mes œuvres ne pécheront pas, et ceux qui me mettent en lumière possèderont la vie éternelle. ” [7] Et la lumière de Dieu s’accrut dans mon esprit tandis que mes yeux lisaient ces paroles : “ Tout cela n’est autre que le livre de la vie, l’alliance du Très-Haut, la doctrine de la vérité [8]… Dieu a promis à David de faire naître de lui le Roi très puissant qui doit rester assis éternellement sur le trône de la gloire. Il fait abonder la sagesse comme les eaux du Phisôn, comme le Tigre à la saison des fruits ; il fait déborder l’intelligence comme l’Euphrate, comme le Jourdain au temps de la moisson. Il répand la sagesse comme la lumière… Lui, le premier, l’a parfaitement connue. ” [9] Voilà les lumières que Dieu m’a données ! Mais, hélas ! que dis-je, la Sagesse qui est parmi nous est trop grande pour que nous la comprenions et que nous accueillions une pensée plus vaste que la mer et un conseil plus profond que le grand abîme. Et nous l’entendons crier : “ Comme un canal d’eaux immenses, j’ai jailli du Paradis et j’ai dit : ‘Je vais arroser mon jardin.’ Et voici que mon canal est devenu fleuve, et que le fleuve est devenu mer. Comme l’aurore, j’infuse à tous ma doctrine et je la ferai connaître à ceux qui sont le plus loin. Je pénétrerai dans les lieux les plus bas, je jetterai mon regard sur ceux qui dorment, je porterai ma lumière à ceux qui espèrent dans le Seigneur. Je répandrai ma doctrine comme une prophétie, je la transmettrai à ceux qui cherchent la sagesse, je ne cesserai pas de l’annoncer jusqu’au siècle saint. Ce n’est pas pour moi que je travaille, mais pour tous ceux qui cherchent la vérité. ” [10] Voilà ce que m’a fait lire Jéovêh, le Très-Haut. »

      Il baisse les bras et relève la tête.

      « Mais alors, à tes yeux c’est le Messie ? Dis-le !

      – Ce n’est pas le Messie.

      – Non ? Dans ce cas, qu’est-il pour toi ? Un démon, non. Un ange, non. Le Messie, non…

      – Il est celui qui est [11].

      – Tu délires ! Il est Dieu ? Pour toi, ce fou est Dieu ?

      – Il est Celui qui est. Dieu sait qui il est. Nous, nous voyons ses œuvres, or Dieu voit aussi ses pensées. Mais il n’est pas le Messie car, pour nous, Messie veut dire Roi. Lui n’est pas, ne sera pas roi. Mais il est saint, et ses œuvres sont celles d’un saint. Quant à nous, nous ne pouvons pas lever la main sur l’innocent sans commettre un péché. Moi, je ne souscrirai pas au péché.

      – Mais par ces mots tu l’as presque appelé l’Attendu !

      – C’est ce que j’ai dit. Tant qu’a duré la lumière du Très-Haut, je l’ai vu tel. Puis… quand la main du Seigneur, qui me tenait élevé dans sa lumière, m’a abandonné, je suis redevenu homme, l’homme d’Israël… alors toutes ces paroles n’ont plus été que des paroles auxquelles l’homme d’Israël, moi, vous, ceux d’avant nous et — que Dieu ne le permette pas — ceux d’après nous, donnent le sens de leur, de notre pensée, et non le sens qu’elles ont dans la Pensée éternelle qui les a dictées à son serviteur.

      549.10 – Mais nous ergotons, nous divaguons, nous perdons du temps et, pendant ce temps, le peuple s’agite, intervient Chanania de sa voix rauque.

      – C’est juste ! Il faut décider et agir, pour nous sauver et triompher.

      – Vous dites que Pilate n’a pas voulu nous écouter quand nous lui avons demandé son aide contre le Nazaréen. Mais si nous lui faisions savoir… Vous avez assuré que, si les troupes s’exaltent, elles peuvent le proclamer César… Hé ! Hé ! c’est une bonne idée ! Allons exposer au Proconsul ce danger. Nous serons honorés comme de fidèles serviteurs de Rome et… si, lui, il intervient, nous serons débarrassés du Rabbi. Allons, allons ! Toi, Eléazar, fils d’Hanne, qui es plus que tous son ami, sois notre chef » dit en riant Elchias de sa voix de serpent.

      Il y a un peu d’hésitation, puis un groupe des plus fanatiques sort pour se rendre à l’Antonia. Caïphe reste avec les autres.

      « A cette heure-ci ! Ils ne seront pas reçus, objecte quelqu’un.

      – Non, au contraire ! C’est la meilleure. Pilate est toujours de bonne humeur quand il a bu et mangé comme boit et mange un païen… »

      549.11 Je les laisse là à discourir, et la scène de l’Antonia s’éclaire à mes yeux.

      Le trajet est vite parcouru, et sans difficulté tant est limpide la clarté de la lune, qui contraste fortement avec la lumière rouge des lampes allumées dans le vestibule du palais prétorien.

      Eléazar réussit à se faire annoncer à Pilate, et on les fait passer dans une grande salle vide, complètement vide. Il n’y a qu’un siège massif, avec un dossier bas, couvert d’un drap pourpre qui ressort vivement dans la blancheur absolue de la pièce. Ils se tiennent en groupe, un peu craintifs, transis de froid, debout sur le marbre blanc du pavé. Personne ne vient. On n’entend rien. Pourtant, par intervalles, une musique lointaine rompt ce silence.

      « Pilate est à table, certainement avec des amis. Cette musique vient du triclinium [12]. Il y aura sûrement des danses en l’honneur des hôtes, pronostique Eléazar.

      – Corrompus ! Demain, je me purifierai. La luxure transpire de ces murs, lance avec dégoût Elchias.

      – Pourquoi es-tu venu, alors ? C’est toi qui l’as proposé, réplique Eléazar.

      – Pour l’honneur de Dieu et le bien de notre patrie, je peux faire n’importe quel sacrifice. Et c’en est un grand ! Je m’étais purifié après m’être approché de Lazare… et maintenant !… Quelle terrible journée ! »

      Pilate ne vient pas. Le temps passe. Eléazar, en habitué de l’endroit, essaie les portes. Elles sont toutes fermées. La crainte s’empare de tous. Des histoires effrayantes reviennent à l’esprit. Ils regrettent d’être venus. Ils se sentent déjà perdus.

      549.12 Enfin, du côté qui leur est opposé — ils se tiennent près de la porte par laquelle ils sont entrés, et par conséquent près de l’unique siège de la pièce —, voilà que s’ouvre une porte et qu’entre Pilate. Il porte un vêtement tout blanc, comme la salle. Il marche en devisant avec des invités. Tout en riant, il se tourne pour commander à un esclave, qui soulève un rideau de l’autre côté du seuil de la salle, de jeter des essences dans un brasier et d’apporter des parfums et de l’eau pour les mains, puis il ordonne qu’un serviteur vienne avec un miroir et des peignes. Il ne s’occupe pas des Hébreux, c’est comme s’ils n’existaient pas. Ceux-ci ruminent leur colère, mais n’osent pas bouger…

      Pendant ce temps, on apporte des brasiers, on répand des résines sur le feu, on verse de l’eau parfumée sur les mains des Romains. Le serviteur, par des mouvements adroits, peigne les cheveux selon la mode des riches Romains de l’époque. Les Hébreux sont exaspérés.

      Les Romains rient entre eux et plaisantent, en lançant de temps à autre un coup d’œil sur le groupe qui attend tout au fond. L’un d’eux murmure quelque chose à Pilate, qui ne s’est jamais retourné pour regarder ; mais celui-ci hausse les épaules avec un geste d’ennui et bat des mains pour appeler un esclave, auquel il ordonne à haute voix d’apporter des friandises et de faire entrer les danseuses. Les Hébreux, scandalisés, frémissent de colère. Pensez à un Elchias obligé de voir des danseuses ! Son visage est un poème de souffrance et de haine.

      Les esclaves arrivent avec toutes sortes de douceurs dans des coupes précieuses, suivis de danseuses couronnées de fleurs et à peine couvertes de voiles si aériens qu’elles semblent être dénudées. Leur corps très blanc transparaît à travers les vêtements vaporeux, teintés de rosé et de bleu clair, quand elles passent devant les brasiers allumés et les nombreuses lampes posées au fond. Les Romains admirent la grâce des corps et des mouvements, et Pilate redemande un pas de danse qui lui a particulièrement plu. Indigné, Elchias, imité par ses compagnons, se tourne vers le mur pour ne pas voir les danseuses voleter comme des papillons dans un balancement de parures inconvenantes.

      Une fois finie cette courte danse, Pilate les congédie en mettant dans la main de chacune une coupe remplie de friandises où il jette nonchalamment un bracelet. 549.13 Finalement, il daigne se tourner pour regarder les Hébreux et dit à ses amis d’un air ennuyé :

      « Et maintenant… je vais devoir passer du rêve à la réalité… de la poésie à… l’hypocrisie… de la grâce aux ordures de la vie. Quelle misère d’être Proconsul !… Salut, mes amis, et ayez pitié de moi. »

      Resté seul, il s’approche à pas lents des Hébreux. Il s’assied, examine ses mains bien soignées, et découvre sous un ongle quelque chose qui ne va pas. Il s’en occupe longuement, en tirant de son vêtement une fine baguette d’or avec laquelle il remédie au grand dommage d’un ongle imparfait…

      Enfin, il fait la grâce de tourner lentement la tête. Il ricane à la vue des juifs encore inclinés servilement, et leur lance :

      « Vous, approchez ! Et soyez brefs : je n’ai pas de temps à perdre avec des futilités. »

      Les Hébreux s’avancent dans une attitude toujours servile, jusqu’à ce qu’un : « Assez ! Pas trop près ! » les cloue au sol.

      « Parlez ! Et redressez-vous. Il ne convient qu’à des animaux de rester courbés vers le sol. »

      Et il rit. Les Hébreux se redressent sous le mépris et se tiennent en bombant le torse.

      « Alors ? Parlez ! Vous avez absolument voulu venir. Maintenant que vous êtes ici, exprimez-vous.

      – Nous voulions te dire… Pour autant que nous sachions… Nous sommes des serviteurs fidèles de Rome…

      – Ha ! Ha ! Ha ! Des serviteurs fidèles de Rome ! Je le ferai savoir au divin César, il s’en réjouira ! Il en sera heureux ! Parlez, farceurs ! Et faites vite ! »

      Les membres du Sanhédrin encaissent, mais ne bronchent pas. 549.14 Elchias prend la parole au nom de tous :

      « Tu dois savoir, ô Ponce, qu’aujourd’hui à Béthanie un homme a été ressuscité…

      – Je le sais. C’est pour me dire cela que vous êtes venus ? Je le savais depuis plusieurs heures. Il a de la chance de savoir ce que c’est que mourir et ce qu’est l’autre monde ! Mais que puis-je y faire si Lazare, fils de Théophile, est revenu à la vie [13] ? M’aurait-il apporté un message de l’Hadès ? »

      Il ironise.

      « Non. Mais sa résurrection est un danger…

      – Pour lui ? Certainement ! Le danger de devoir mourir de nouveau. Opération peu agréable. Eh bien ! Que puis-je y faire ? Suis-je Jupiter, moi ?

      – Un danger, non pour Lazare, mais pour César.

      – Pour ?… Par tous les dieux ! [14] Ai-je trop bu ? Vous avez dit : pour César ? Et en quoi Lazare peut-il nuire à César ? Vous craignez peut-être que la puanteur de son tombeau puisse corrompre l’air que respire l’Empereur ? Rassurez-vous ! Il est trop loin !

      – Il ne s’agit pas de cela. Mais Lazare, en ressuscitant, peut faire détrôner l’Empereur.

      – Détrôner ? Ha ! Ha ! Ha ! Quelle plaisanterie ! Ce n’est pas moi qui suis ivre, mais vous. Peut-être l’épouvante vous a-t-elle fait tourner la tête. Voir ressusciter… je suppose que cela peut troubler. Allez, allez au lit prendre un bon temps de repos. Et un bain chaud, bien chaud, salutaire contre les délires.

      – Nous ne délirons pas, Ponce : nous te disons que, si tu n’y mets pas bon ordre, tu connaîtras des moments difficiles. Tu seras certainement puni, si même tu n’es pas tué par l’usurpateur. D’ici peu, le Nazaréen sera proclamé roi, roi du monde, comprends-tu ? Les légionnaires eux-mêmes le feront. Ils sont séduits par le Nazaréen et l’événement d’aujourd’hui les a exaltés. Quel serviteur de Rome es-tu, si tu ne te préoccupes pas de sa paix ? Veux-tu donc voir l’Empire bouleversé et divisé à cause de ton inertie ? Veux-tu voir Rome vaincue, et les enseignes abattues, l’Empereur tué, tout détruit…

      – Silence ! C’est moi qui parle, et je vous dis : vous êtes des fous ! Mieux : vous êtes des menteurs, vous êtes des malandrins. Vous mériteriez la mort. Sortez d’ici, hideux serviteurs de vos intérêts, de votre haine, de votre bassesse. Vous êtes esclaves, pas moi. Je suis citoyen romain, et les citoyens romains ne sont assujettis à personne. Je suis le fonctionnaire impérial et je travaille pour les intérêts de la patrie. Vous… vous en êtes les sujets. Vous êtes sous notre domination. Vous êtes les galériens attachés aux bancs, et vous frémissez inutilement. Le fouet du chef est sur vous. Le Nazaréen !… Vous voudriez que je tue le Nazaréen ? Vous voudriez que je l’emprisonne ? Par Jupiter ! Si, pour le salut de Rome et du divin Empereur, je devais emprisonner les sujets dangereux ou les tuer, ici où je gouverne, c’est le Nazaréen et ses partisans, eux seuls, que je devrais laisser libres et vivants. Allez ! Dégagez et ne revenez plus jamais devant moi. Excités ! Fauteurs de troubles ! Rapaces et complices de rapaces ! Aucune de vos manigances ne m’est inconnue, sachez-le. Apprenez aussi que des armes toutes neuves et de nouveaux légionnaires ont servi à découvrir vos pièges et vos espions. Vous criez à cause des impôts romains, mais que vous ont coûté Melchias de Galaad, Jonas de Scythopolis, Philippe de Soco, Jean de Beth-Aven, Joseph de Ramaoth, et tous les autres qui vont bientôt être pris [15] ? Et ne vous approchez pas des grottes de la vallée, car il s’y trouve plus de légionnaires que de pierres, or les lois et la galère sont les mêmes pour tous. Pour tous ! Vous comprenez ? Pour tous. J’espère vivre assez longtemps pour vous voir tous enchaînés, esclaves parmi les esclaves sous le talon de Rome. Sortez ! Allez rapporter ma réponse, même toi, Eléazar, fils d’Hanne, que je ne veux plus voir chez moi : le temps de la clémence est fini, car c’est moi le Proconsul et vous les sujets. Les sujets. C’est moi qui commande, au nom de Rome. Sortez, serpents de nuit ! Vampires ! Et le Nazaréen veut vous racheter ? S’il était Dieu, il devrait vous foudroyer ! Le monde serait nettoyé de sa tache la plus répugnante. Dehors ! Et n’osez pas faire de conjurations, ou vous connaîtrez le fouet et le glaive. »

      Il se lève et sort en claquant la porte devant les membres du Sanhédrin, interdits, qui n’ont pas le temps de se remettre, car un détachement en armes les chasse de la pièce et du palais comme des chiens.

      549.15 De retour dans la salle du Sanhédrin, ils racontent tout. L’agitation est à son comble. La nouvelle de l’arrestation de plusieurs voleurs et des battues dans les grottes pour prendre les autres, trouble fortement tous ceux qui sont restés, car plusieurs, lassés d’attendre, sont partis.

      « Et pourtant nous ne pouvons pas le laisser faire, crient des prêtres.

      – Nous ne pouvons pas le laisser vivre. Lui, il agit. Nous, nous ne tentons rien et, jour après jour, nous perdons du terrain. Si nous le laissons libre, il continuera à accomplir des miracles, et tous croiront en lui. Les Romains finiront par être contre nous, et ils nous détruiront complètement. Pilate parle ainsi, mais si la foule proclamait Jésus roi, alors il aurait le devoir de nous punir, tous. Nous ne devons pas le permettre, s’écrie Sadoq.

      – D’accord, mais comment ? La voie… légale romaine a échoué. Pilate est sûr du Nazaréen. Notre voie… légale est rendue impossible. Jésus ne pèche pas…, objecte quelqu’un.

      – S’il n’y a pas de faute, il faut en inventer une, insinue Caïphe.

      – Mais ce serait un péché ! Jurer ce qui est faux ! Faire condamner un innocent ! C’est… trop !… se récrient la plupart avec horreur. C’est un crime, car cela signifiera la mort pour lui.

      – Eh bien ? Cela vous effraie ? Vous êtes stupides, et vous n’y comprenez rien. Après ce qui est arrivé, Jésus doit mourir. Vous ne réfléchissez pas qu’il vaut mieux qu’un seul homme meure plutôt qu’un grand nombre ? Par conséquent, que lui meure pour sauver son peuple, et éviter à toute la nation de périr. Du reste… Il prétend être le Sauveur. Qu’il se sacrifie donc pour sauver le peuple, expose Caïphe, que sa haine froide et rusée rend particulièrement odieux.

      – Mais, Caïphe ! Réfléchis ! Lui…

      – J’ai parlé. L’Esprit du Seigneur est sur moi, le grand-prêtre. Malheur à qui ne respecte pas le Pontife d’Israël. Les foudres de Dieu soient sur lui ! Nous avons assez attendu, assez discuté ! J’ordonne et décrète que quiconque sait où se trouve le Nazaréen vienne dénoncer l’endroit, et anathème sur qui n’obéira pas à ma parole.

      – Mais Hanne… objectent certains.

      – Hanne m’a dit : “ Tout ce que tu feras sera saint. ” Levons la séance. Vendredi, entre tierce et sexte, soyons tous ici pour délibérer. J’ai dit tous, faites-le savoir aux absents. Et que soient convoqués tous les chefs de familles et de classes, toute l’élite d’Israël. Le Sanhédrin a parlé. Allez. »

      Il se retire le premier, tandis que les autres prennent différentes directions et, en parlant à voix basse, sortent du Temple pour rentrer chez eux.



[1] Quartiers de Jérusalem. Voir le plan schématique.

[2] La fête de Soukkot a donné lieu à de nombreuses altercations entre Jésus et le Temple. Cf. EMV 485 et suivants.
 
[3] Y faisaient office de greffiers : Maria Valtorta avait déjà écrit, en mars 1945, l’épisode de la condamnation du Christ, que l’on trouvera en EMV 604.
 
[4] Hellénisme, comme le relatent 1 Maccabées 1, 10-15 | 2 Maccabées 4, 7-20 | 2 Maccabées 6, 1-11.         
Il est encore fait mention de l’hellénisme en EMV 84.6 | EMV 132.2 | EMV 272.3 | EMV 283.6 | EMV 356.4 | EMV 596.14.
 
[5] Proverbes 6,16.
 
[6] Siracide 24,8.
 
[7] Siracide 24, 19-22.
 
[8] Siracide 24,24.
 
[9] Siracide 24,25-29.
 
[10] Siracide 24,30-34.
 
[11] Rapprochement avec le Nom divin donné à Moïse sur le Sinaï : IHWH (Jéhovah) = Je Suis. Cf. Exode 3, 14.
 
[12] Triclinium = salle à manger, salle de réception.
 
[13] Théophile ayant été un ethnarque d’Antioche de Syrie, collaborateur des Romains, il est normal que Ponce le désigne comme "fils de Théophile".
 
[14] Domine (vocatif de Dominus)  : Par Dieu ! ou plutôt Par tous les dieux !
 
[15] Des bandits de grands chemins et peut-être des activistes nationalistes. Ponce fait allusion a une vaste opéraiton policière (voir la suite du texte). Pour les localisations données : Galaad est une région d'au'delà du Jourdain, en face de la Samarie – Scythopolis, la ville des Scythes, est une des dix villes de la Décapole – Soco est le lieu près duquel David tua Goliath – Bétaven (Beth Aven) est une ville proche de Béthel (Josué 7,12 – 18,12) – Ramoth est une ville de Galaad.



 
Observations

Les prairies d’asphodèles

La nouvelle de la résurrection de Lazare se propage rapidement dans Jérusalem, et alimente toutes les conversations. Maria Valtorta nous rapporte cet échange entre deux légionnaires : « Si je le peux, j’irai demain à Béthanie. Par Vénus et Mars, mes dieux préférés ! Je pourrai faire le tour du monde, des déserts brûlants aux terres glacées germaniques, mais me trouver là où ressuscite un homme mort depuis des jours, cela ne m’arrivera plus. Je veux voir à quoi ressemble quelqu’un qui revient de la mort. Il sera noirci par l’eau des fleuves d’outre-tombe… » « S’il était vertueux, il sera blême après avoir bu l’eau céruléenne des Champs Elysées. Il n’y a pas que le Styx, là-bas… » « Il nous dira comment sont les prairies d’asphodèles de l’Hadès… » (EMV 549.4)

Ce bref dialogue apparaît assurément vraisemblable…


Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Seance-du-sanhedrin-et-audience-de-pilate


L'asphodèle est une plante de la famille des Liliacées. Elle a des feuilles vert sombres et des fleurs blanchâtres, et pousse essentiellement autour de la Méditerranée. Homère (1) rapporte que les âmes des défunts errent dans les prairies asphodèles de l'Enfer. De ce fait, l'asphodèle était associée aux Déesses du monde souterrain (Déméter, Perséphone, Hécate etc.).
Dans la mythologie grecque, le Styx est un des cinq fleuves des Enfers dont les eaux rendaient invulnérable ; et les Champs Élysées y étaient le lieu de séjour enchanteur des justes. Là, résidaient les âmes des héros, poètes et prêtres, et celles de tous ceux qui s'étaient montrés bons et secourables envers autrui, pendant leur séjour terrestre, et qui s'étaient gardés de commettre des fautes.

(1) Homère, Odyssée Chant XXIV, 13-14.


*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-010.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/seance-du-sanhedrin-et-audience-de-pilate.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 1 Avr - 21:41

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
550. Les apôtres sont euphoriques. Jésus confie une mission d’amour à Lazare, et de contemplation absolue à sa sœur Marie. Jésus doit fuir en Samarie
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 11.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 550.
 
Le 30  décembre 1946
 
Vendredi 28 décembre 29
Béthanie

 
       550.1 Il fait bon rester ainsi, sans rien faire, entourés de l’amour de ses amis et près du Maître, dans les journées ensoleillées qui annoncent déjà un précoce sourire de printemps ! Le regard se pose sur les champs qui ouvrent leurs sillons à un verdoiement innocent du blé en herbe, sur les prés dont les premières fleurs multicolores rompent le vert uniforme de l’hiver, sur les haies qui, aux endroits les plus ensoleillés, présentent déjà le sourire des boutons qui s’ouvrent, sur les amandiers dont les premières fleurs éclosent à leur sommet en formant une sorte de mousse.
 
       Jésus, les apôtres, et les trois amis de Béthanie s’émerveillent. Combien semblent loin la malveillance, la douleur, la tristesse, la maladie, la mort, la haine, l’envie, tout ce qui est peine, tourment, préoccupation sur la terre !
 
       Les apôtres jubilent, et ils le manifestent. Ils expriment leur conviction — si sûre, si triomphante ! — que Jésus a d’ores et déjà vaincu tous ses ennemis, que sa mission continuera désormais sans obstacles, qu’il sera reconnu comme Messie même par ceux qui s’obstinaient davantage à le nier. Ils parlent avec un peu d’exaltation, comme rajeunis, tant ils sont heureux, en faisant des projets pour l’avenir, en rêvant… en rêvant tellement… et si humainement…
 
       550.2 Le plus enthousiaste, à cause de son caractère qui le porte aux extrêmes, c’est Judas. Il se félicite d’avoir su attendre et d’avoir su agir, il se félicite de sa longue foi dans le triomphe du Maître, il se félicite d’avoir défié les menaces du Sanhédrin… Il est tellement euphorique qu’il finit par révéler ce qu’il a toujours tenu caché jusqu’ici, au grand étonnement de ses compagnons :
 
       « Oui, ils voulaient m’acheter, ils voulaient me séduire par des flatteries, et, voyant qu’elles ne servaient pas, par des menaces. Si vous saviez ! Mais moi, je les ai payés de la même monnaie. J’ai feint de ressentir de la sympathie pour eux, comme eux pour moi. Je les ai flattés comme eux me flattaient, et je les ai trahis comme eux voulaient me trahir… Car c’est bien ce qu’ils voulaient ! Me faire croire que c’était dans une bonne intention qu’ils éprouvaient le Maître pour pouvoir le proclamer solennellement le Saint de Dieu. Mais moi, je les connais ! Je les connais ! Et dans toutes les manigances qu’ils m’annonçaient, je m’y prenais de façon telle que la sainteté de Jésus se manifeste avec plus d’éclat que le soleil de midi dans un ciel sans nuages… J’ai joué un jeu dangereux! S’ils l’avaient compris ! Mais j’étais prêt à tout, même à mourir, pour servir Dieu dans mon Maître. Et ainsi je savais tout… J’ai dû parfois vous paraître fou, mauvais, sauvage. Si vous aviez su ! Moi seul, je connais mes nuits, les précautions que je devais prendre pour faire du bien sans attirer l’attention de personne ! Vous me suspectiez tous quelque peu, j’en suis conscient, mais je ne vous en garde pas rancune. Ma manière de faire… oui… pouvait susciter des soupçons, mais mon but était bon et je ne me préoccupais que de cela. Jésus ne sait rien, ou plutôt je crois que lui aussi me suspecte. Mais je saurai me taire sans exiger de lui le moindre éloge. Et taisez-vous, vous aussi. Un jour, dans les premiers temps où j’étais avec lui — toi, Simon le Zélote, et toi, Jean, vous étiez avec moi —, il m’a reproché de m’être vanté d’avoir le sens pratique [1]. Depuis lors… je ne lui ai jamais fait ressortir cette qualité, mais j’ai continué à m’en servir, pour son bien. J’ai agi comme une mère pour son enfant inexpérimenté : elle écarte les obstacles de son chemin, elle plie pour lui la branche sans épines et lève celle qui peut le blesser, ou bien, par des gestes avisés, elle l’amène à son insu à faire ce qu’il doit savoir faire et à éviter ce qui est mal. Ainsi le fils croit être arrivé de lui-même à marcher sans trébucher, à cueillir une belle fleur pour sa mère, à faire ceci ou cela spontanément. C’est ainsi que je me suis comporté envers le Maître, car la sainteté ne suffit pas dans un monde d’hommes et de satans. Il faut aussi combattre à armes égales, au moins en hommes… et parfois… même un rien de fourberie d’enfer n’est pas de trop. C’est mon idée. Mais lui ne veut pas en entendre parler… Il est trop saint… Voilà ! Moi, je comprends tout et tout le monde, et je ne vous tiens pas rigueur des mauvaises pensées que vous avez pu avoir sur mon compte. Maintenant, vous voilà au courant. Aimons-nous en bons compagnons, et faisons tout pour son amour et sa gloire. »
 
       Et il désigne Jésus, qui se promène beaucoup plus loin dans une allée ensoleillée en devisant avec Lazare, qui l’écoute avec un sourire extasié sur le visage.
 
       550.3 Les apôtres s’éloignent vers la maison de Simon. Inversement, Jésus s’approche avec son ami. Je les écoute. Lazare dit :
 
       « Oui : j’avais compris que, si tu me laissais mourir, c’est que tu avais une bonne raison, certainement. Je pensais que c’était pour m’épargner la vue de la persécution qu’ils te font subir. Et — tu sais que je dis la vérité — j’étais content de mourir pour ne pas la voir. Elle m’aigrit, elle me trouble. Vois-tu, Maître, j’ai pardonné tant de choses à ceux qui sont les chefs de notre peuple. J’ai dû pardonner jusqu’aux derniers jours… Elchias… Mais ma mort et ma résurrection ont annulé tout ce qui s’y rapportait. A quoi bon me rappeler leurs dernières actions pour m’en affliger ? J’ai tout pardonné à Marie. Elle semble en douter. Et même, depuis que je suis ressuscité, elle a adopté à mon égard une attitude que… je ne sais comment définir. J’ignore la raison de ce changement. Elle est d’une douceur et d’une soumission si étranges chez ma Marie… Même dans les premiers moments où, rachetée par toi, elle est revenue ici, elle n’était pas ainsi… Comme Marie te dit tout, peut-être en sais-tu quelque chose, peut-être peux-tu m’en parler… J’ignore si ceux qui sont venus ici lui ont fait trop de reproches [2]. J’ai toujours cherché à amoindrir le souvenir de sa faute quand je la voyais absorbée dans le souvenir de son passé, pour guérir sa souffrance. Elle n’arrive pas à trouver la paix. Elle semble tellement… au-dessus de ce qui pourrait être de l’avilissement. A certains, elle pourrait paraître même peu repentie… Mais moi, je comprends… Je sais. Elle fait tout pour expier. Je crois qu’elle fait de grandes pénitences, de toutes sortes. Je ne m’étonnerais pas que sous ses vêtements, elle porte un cilice et que sa chair connaisse la morsure des fouets… Mais l’amour fraternel que je lui porte, et qui veut la soutenir en mettant un voile entre le passé et le présent, les autres n’en font pas preuve… Sais-tu si, peut-être, elle a été maltraitée par ceux qui ne savent pas pardonner… elle qui a tant besoin de pardon ?
 
       – Je l’ignore, Lazare. Marie ne m’en a pas parlé. Elle m’a seulement confié qu’elle a beaucoup souffert en entendant les pharisiens insinuer que je n’étais pas le Messie sous prétexte que je ne te guérissais pas ou que je ne te ressuscitais pas.
 
       – Et… elle ne t’a rien dit de moi ? Tu sais… j’avais si mal… Je me rappelle que ma mère, à ses derniers moments, révéla des choses qui nous étaient passées inaperçues, à Marthe et à moi. Ce fut comme si le fond de son âme et de son passé était revenu à la surface dans les derniers soulèvements du cœur. Moi, je ne voudrais pas… Mon cœur a tant souffert pour Marie… et s’est tant efforcé de ne jamais lui laisser comprendre à quel point cela m’a meurtri… Je ne voudrais pas l’avoir affligée, maintenant qu’elle est bonne, alors que par amour fraternel d’abord, par amour pour toi ensuite, je ne l’ai jamais frappée au temps infâme où elle était un opprobre. Que t’a-t-elle dit à mon sujet, Maître ?
 
       – Sa douleur d’avoir eu trop peu de temps pour te manifester son saint amour de sœur et de condisciple. En te perdant, elle a mesuré l’étendue des trésors d’affection qu’elle avait piétinés autrefois… et maintenant, elle est heureuse de pouvoir te montrer tout l’amour qu’elle veut, pour te dire que, à ses yeux, tu es son saint et bien-aimé frère.
 
       – Ah ! voilà ! J’en avais l’intuition ! Je m’en réjouis, mais je craignais de l’avoir offensée… Depuis hier, je pense, je pense… j’essaie de me souvenir… mais je n’y arrive pas…
 
       – Mais pourquoi veux-tu te le remettre en mémoire ? Tu as l’avenir devant toi. Le passé est resté dans la tombe, ou plutôt il n’y est même pas resté : il a brûlé en même temps que les bandelettes funèbres, mais si cela doit t’apaiser, je vais te rapporter les derniers mots que tu as adressés à tes sœurs, en particulier à Marie : tu as dit que c’était grâce à Marie que je suis venu ici et que j’y viens encore, parce que Marie sait aimer mieux que quiconque. C’est vrai. Tu as ajouté qu’elle t’a aimé plus que tous ceux qui t’ont aimé. Cela aussi est vrai, car elle t’a aimé en se renouvelant par amour pour Dieu et pour toi. Tu lui as confié précisément que toute une vie de délices ne t’aurait pas donné la joie qu’elle t’a procurée. Et tu les as bénies comme un patriarche bénissait ses enfants préférés. Tu as pareillement béni Marthe que tu appelais : ta paix, et Marie que tu appelais : ta joie. As-tu retrouvé ta sérénité, maintenant ?
 
       – Maintenant, oui, Maître.
 
       – Dans ce cas, puisque la paix permet la miséricorde, pardonne aussi aux chefs du peuple qui me persécutent. Car tu voulais dire que tu peux tout pardonner, sauf le mal qu’ils me font.
 
       – C’est cela, Maître.
 
       – Non, Lazare. Moi, je leur pardonne. Tu dois aussi leur pardonner si tu veux être semblable à moi.
 
       – Semblable à toi ! Cela m’est impossible, je suis un simple homme !
 
       – L’homme est resté là-dessous. L’homme ! Ton esprit… 550.4 Tu sais ce qui arrive à la mort de l’homme…
 
       – Non, Seigneur, je ne me souviens de rien de ce qui m’est arrivé » interrompt vivement Lazare.
 
       Jésus sourit et répond :
 
       « Je ne parlais pas de ton savoir personnel, de ton expérience particulière, mais de ce que tout croyant connaît sur ce qui lui arrive après sa mort.
 
       – Ah ! le jugement particulier ! Je sais. Je crois. L’âme se présente à Dieu, et Dieu la juge.
 
       – C’est cela. Et le jugement de Dieu est juste et inviolable, sa valeur est infinie. Si l’âme jugée est coupable mortellement, elle devient une âme damnée. Si elle est légèrement coupable, elle est envoyée au purgatoire. Si elle est juste, elle va dans la paix des limbes en attendant que j’ouvre la porte des Cieux. J’ai donc rappelé ton esprit après qu’il était déjà jugé par Dieu. Si tu avais été damné, je n’aurais pas pu te rappeler à la vie, car j’aurais annulé le jugement de mon Père. Pour les damnés, il n’y a plus de changement possible. Ils sont jugés pour toujours. Tu étais donc au nombre de ceux qui n’étaient pas damnés. Tu faisais partie de la classe des bienheureux ou de la classe de ceux qui le seront après leur purification. Mais réfléchis, mon ami : la volonté sincère de repentir que l’homme peut avoir alors qu’il est encore homme, c’est-à-dire chair et âme, a valeur de purification ; un rite symbolique de baptême dans l’eau, voulu par esprit de contrition des souillures contractées dans le monde et à cause de la chair, a, pour nous autres juifs, valeur de purification ; par conséquent, imagine quelle valeur aura le repentir plus réel et plus parfait, beaucoup plus parfait, d’une âme libérée de la chair, consciente de ce qu’est Dieu, instruite de la gravité de ses erreurs, éclairée sur l’immensité de la joie qui s’est éloignée pendant des heures, pendant des années ou pendant des siècles — la joie de la paix des limbes, qui bientôt sera la joie de la possession de Dieu enfin atteinte — ; imagine ce que sera la purification double, triple, du repentir parfait, de l’amour parfait, du bain dans l’ardeur des flammes allumées par l’amour de Dieu et par l’amour des âmes, dans lequel et par lequel les esprits se dépouillent de toute impureté et d’où ils sortent beaux comme des séraphins, couronnés de ce qui ne couronne même pas les séraphins : leur martyre d’ici-bas et dans l’au-delà contre les vices et grâce à l’amour. Qu’est-ce que cela sera ? Dis-le donc, mon ami.
 
       – Mais… je ne sais pas… une perfection. Ou plutôt… une nouvelle création.
 
       – Exactement. C’est le mot juste. L’âme en est comme créée à nouveau, elle devient semblable à celle d’un enfant. Elle est neuve. Tout son passé d’homme n’existe plus. Une fois le péché originel disparu, l’âme, exempte de toute ombre de taches, sera digne du Paradis. J’ai rappelé ton âme qui déjà s’était recréée par son attachement au Bien, par l’expiation de la souffrance et de la mort, et grâce au parfait repentir et au parfait amour que tu avais atteints au-delà de la mort. Tu as donc l’âme tout à fait innocente d’un bébé né depuis quelques heures. Et si tu es un nouveau-né, pourquoi veux-tu endosser sur cette enfance spirituelle les vêtements lourds, accablants de l’homme adulte ? Les âmes joyeuses des petits enfants ont des ailes et non des chaînes. Eux m’imitent facilement, parce qu’ils n’ont pas encore construit leur personnalité. Ils deviennent comme je suis, car ma figure et mon enseignement peuvent s’imprimer, sur leur âme vierge de toute empreinte, sans confusion de lignes. Ils ont l’âme exempte de souvenirs humains, de ressentiments, de préjugés. Il ne s’y trouve rien. Et je puis y être, moi qui suis parfait, absolu comme je suis dans le Ciel. Toi qui es comme re-né, nouvellement né — puisque dans ta vieille chair, la puissance motrice est nouvelle, sans passé, pure, sans traces de ce qui a été —, toi qui es revenu pour me servir et seulement pour cela, tu dois être comme je suis, plus que tous. Regarde-moi. Regarde-moi bien. Mire-toi en moi, reflète-toi en moi. Soyons deux miroirs qui se regardent pour réfléchir l’un dans l’autre la figure de ce qu’ils aiment. Tu es un homme et tu es un enfant. Tu es homme quant à l’âge, tu es enfant quant à la pureté du cœur. Tu as sur les enfants l’avantage de connaître déjà le bien et le mal, et d’avoir déjà su choisir le bien, avant même d’être baptisé dans les flammes de l’amour. Eh bien ! je te dis, à toi dont l’âme a été purifiée : “ Sois parfait comme l’est notre Père des Cieux [3]et comme je le suis. Sois parfait, c’est-à-dire sois semblable à moi qui t’ai aimé au point d’aller contre toutes les lois de la vie et de la mort, du ciel et de la terre pour avoir de nouveau sur la terre un serviteur de Dieu, pour moi un véritable ami, et au Ciel un bienheureux, un grand bienheureux. ” Je le dis à tous : “ Soyez parfaits. ” Eux, pour la plupart, n’ont pas le cœur que tu avais : digne du miracle, digne d’être pris comme instrument pour rendre gloire à Dieu en son Fils bien-aimé. Et eux n’ont pas tes dettes d’amour envers Dieu… Je puis le dire, je peux l’exiger de toi. Et en premier lieu, j’exige que tu n’éprouves aucune rancœur à l’égard de ceux qui m’ont offensé et m’offensent encore. Pardonne, pardonne, Lazare. Tu as été plongé dans les flammes allumées par l’amour. Tu dois être “ amour ”, pour ne plus jamais connaître autre chose que l’étreinte amoureuse de Dieu.
 
       – Et en agissant ainsi, j’accomplirai la mission pour laquelle tu m’as ressuscité ?
 
       – En agissant ainsi, tu l’accompliras.
 
       – Cela me suffit, Seigneur. Je n’ai pas besoin d’en demander et d’en savoir davantage. Te servir était mon rêve. Si je t’ai servi même dans le peu de chose que peut faire un homme malade et mort, et si je peux te servir avec les pauvres moyens de cet homme qui a recouvré la santé, mon rêve est réalisé et je ne demande rien de plus. Sois béni, Jésus, mon Seigneur et mon Maître ! Et qu’avec toi soit béni Celui qui t’a envoyé.
 
       – Béni soit toujours le Seigneur Dieu tout-puissant. »
 
       550.5 Ils se dirigent vers la maison, mais s’arrêtent de temps à autre pour observer le réveil des arbres. Jésus lève un bras et, grand comme il est, cueille un petit bouquet de fleurs sur un amandier qui se chauffe au soleil contre le mur méridional de la demeure.
 
       Marie sort et, à leur vue, s’approche pour entendre ce que dit Jésus :
 
       « Tu vois, Lazare ? A eux aussi, le Maître a dit : “ Sortez. ” Et ils ont obéi pour servir le Seigneur.
 
       – Quel mystère que la germination ! Il paraît impossible que, d’un tronc dur et d’une semence résistante puissent sortir des pétales si fragiles et des tiges si tendres, pour se changer en fruits ou en arbres. Est-ce une erreur, Maître, de dire que la sève ou le germe correspondent à l’âme de la plante ou de la semence ?
 
       – Ce n’est pas une erreur puisque c’en est la partie vitale. Chez eux, elle n’est pas éternelle, créée pour chaque espèce au premier jour de l’existence des arbres ou des blés. Chez l’homme, elle est éternelle, ressemblant à son Créateur, créée chaque fois pour chaque nouvel être conçu. Mais c’est par elle que la matière vit. C’est pourquoi j’affirme que c’est seulement par son âme qu’un homme vit, non seulement ici, mais dans l’au-delà. Il vit par son âme.
 
       Nous autres Hébreux, nous ne traçons pas de dessins sur les tombeaux comme le font les païens. Mais si nous en faisions, il nous faudrait toujours représenter, non pas le flambeau éteint, la clepsydre vide ou quelque autre symbole de fin de vie, mais bien la semence jetée dans le sillon qui fleurit en épi. C’est en effet la mort de la chair qui libère l’âme de son écorce et la fait fructifier dans les parterres du Seigneur. La semence, c’est l’étincelle de vie que Dieu a déposée dans notre poussière et qui devient épi si nous savons par la volonté — mais aussi par la douleur — rendre fertile la motte qui l’enserre. La semence, le symbole de la vie qui se perpétue… Mais Maximin t’appelle…
 
       – J’y vais, Maître. Il sera venu des régisseurs. Tout était arrêté ces derniers mois. Ils s’empressent maintenant de me rendre leurs comptes…
 
       – Que tu approuves d’avance, car tu es un bon maître.
 
       – Et parce que ce sont de bons serviteurs.
 
       – Le bon maître fait les bons serviteurs.
 
       – Dans ce cas, je deviendrai certainement un bon serviteur, car j’ai en toi un Maître parfait. »
 
       A ces mots, il s’éloigne en souriant, agile, bien différent du pauvre Lazare qu’il était depuis des années.
 
       550.6 Marie reste avec Jésus.
 
       « Et toi, Marie, deviendras-tu une bonne servante de ton Seigneur ?
 
       – C’est toi qui peux le savoir, Rabbouni. Moi… moi, je sais seulement que j’ai été une grande pécheresse. »
 
       Jésus sourit :
 
       « Tu as vu Lazare ? Lui aussi était un grand malade, or ne te semble-t-il pas qu’il est maintenant en excellente santé ?
 
       – C’est exact, Rabbouni. Tu l’as guéri. Ce que tu fais est toujours parfait. Lazare n’a jamais été aussi fort et joyeux que depuis qu’il est sorti du tombeau.
 
       – Tu l’as dit, Marie. Ce que je fais est toujours parfait. C’est pour cela aussi que ta rédemption l’est, car c’est moi qui l’ai accomplie.
 
       – C’est vrai, mon Sauveur bien-aimé, mon Rédempteur, mon Roi, mon Dieu. C’est vrai. Et si tu le veux, je serai, moi aussi, une bonne servante de mon Seigneur. Moi, de mon côté, je le désire. Je ne sais pas si toi tu le veux.
 
       – Oui, Marie, sois une bonne servante pour moi. Aujourd’hui plus qu’hier, demain plus qu’aujourd’hui, jusqu’à ce que je te dise : “ Cela suffit, Marie. Voici venue l’heure de ton repos. ”
 
       – D’accord, Seigneur. Alors je voudrais que tu m’appelles, comme tu as appelé mon frère à sortir du tombeau. Oh ! appelle-moi, toi, hors de la vie !
 
       – Non, pas hors de la vie. Je t’appellerai à la Vie, à la vraie Vie. Je t’appellerai à quitter ce tombeau qu’est la chair et la terre. Je t’appellerai aux noces de ton âme avec ton Seigneur [4].
 
       – Mes noces ! Tu aimes les vierges, Seigneur…
 
       – J’aime ceux qui m’aiment, Marie.
 
       – Tu es divinement bon, Rabbouni ! C’est pour cela que j’étais bouleversée d’entendre dire que tu étais mauvais parce que tu ne venais pas. C’était comme si tout s’écroulait. Je me répétais, non sans peine : “ Non. Non ! Tu ne dois pas accepter cette évidence. Ce qui te paraît flagrant est un rêve. La réalité, c’est la puissance, la bonté, la divinité de ton Seigneur. ” Ah ! combien j’ai souffert ! Autant que de la mort de Lazare et de ses paroles… Ne t’en a-t-il rien dit ? Ne se souvient-il pas ? Dis-moi la vérité…
 
       – Je ne mens jamais, Marie. Il craint d’avoir trop parlé et d’avoir révélé ce qui avait été la douleur de sa vie. Mais je l’ai rassuré, sans mentir, de sorte qu’il est maintenant tranquillisé.
 
       – Merci, Seigneur. Tes paroles… m’ont fait du bien, comme les soins d’un médecin qui met à nu les racines d’un mal et les brûle. Elles ont fini de détruire la Marie d’autrefois. J’avais encore une trop haute idée de moi. Désormais… je mesure le fond de mon abjection et je sais que je dois faire une longue route pour en remonter. Mais je la ferai, si tu m’aides.
 
       550.7 – Je t’aiderai, Marie, même quand je serai parti.
 
       – Comment, mon Seigneur ?
 
       – En accroissant ton amour dans une mesure incalculable. Pour toi, il n’y a pas d’autre voie que celle-là.
 
       – Elle est encore trop douce pour ce que j’ai à expier ! C’est par leur amour que les hommes sont sauvés. C’est comme cela qu’ils méritent le Ciel. Mais ce qui suffit pour les purs, les justes, n’est pas suffisant pour la grande coupable que je suis.
 
       – Il n’y a pas d’autre voie pour toi, Marie : quelle que soit celle que tu prendras, elle sera toujours amour. Amour si tu rends service en mon nom. Amour si tu évangélises. Amour si tu t’isoles. Amour si tu deviens martyre [5]. Amour si tu te fais martyriser. Tu ne sais qu’aimer, Marie. C’est ta nature. Les flammes ne peuvent que brûler, soit qu’elles rampent sur le sol pour consumer des herbes, soit qu’elles s’élèvent en une merveilleuse étreinte autour d’un tronc, d’une maison, ou d’un autel pour s’élancer vers le ciel. A chacun sa nature. La sagesse des maîtres spirituels consiste à savoir faire fructifier les tendances de l’homme en le conduisant à la voie par laquelle il peut le mieux se développer. Cette loi existe même chez les plantes et les animaux, et il serait sot de vouloir exiger qu’un arbre fruitier ne donne que des fleurs ou des fruits différents de ceux qui correspondent à sa nature, ou qu’un animal joue un rôle propre à une autre espèce. Pourrais-tu demander à cette abeille, dont le destin est de faire du miel, de devenir un oiseau qui chante dans le feuillage des haies ? Ou à ce rameau d’amandier que je tiens dans les mains, ainsi qu’à tout l’arbuste d’où il provient, de laisser suinter de son écorce des résines odoriférantes au lieu de produire des amandes ? L’abeille travaille, l’oiseau chante, l’amandier donne son fruit, l’arbre résineux ses résines aromatiques, et tous remplissent leur office. Il en est ainsi des âmes. Ton rôle à toi, c’est d’aimer.
 
       – Alors, brûle-moi, Seigneur. Je te le demande comme une grâce.
 
       – La force d’amour que tu possèdes ne te suffit-elle pas ?
 
       – C’est trop peu, Seigneur. Elle pouvait servir pour aimer des hommes, pas pour toi qui es le Seigneur infini.
 
       – Mais, justement parce que je le suis, il conviendrait d’avoir un amour sans limites…
 
       – Oui, mon Seigneur. C’est cela que je veux : que tu mettes en moi un amour sans limites.
 
       – Marie, le Très-Haut, qui sait ce qu’est l’amour, a dit à l’homme : “ Tu m’aimeras de toutes tes forces. ” [6] Il n’exige pas davantage, car il sait quel martyre c’est d’aimer de toutes ses forces…
 
       – Peu importe, mon Seigneur. Donne-moi un amour infini pour t’aimer comme tu dois être aimé, pour t’aimer comme je n’ai aimé personne.
 
       – Tu me demandes une souffrance semblable à un bûcher qui brûle et consume, Marie. Il brûle et se consume lentement… Réfléchis bien.
 
       – Il y a longtemps que j’y pense, mon Seigneur, mais je n’osais te le demander. Maintenant, je sais vraiment à quel point tu m’aimes, et j’ose le faire. Donne-moi cet amour infini, Seigneur. »
 
       Jésus la regarde. Elle se tient devant lui, encore amaigrie par les veilles et la souffrance, avec un vêtement modeste, une coiffure simple, comme une petite fille sans malice ; elle a un visage pâle où s’allume le désir, les yeux suppliants et pourtant déjà étincelants d’amour ; en un mot, elle est déjà plus séraphin que femme. C’est vraiment la contemplatrice qui demande le martyre de la contemplation absolue.
 
       Après l’avoir bien regardée, comme pour mesurer sa volonté, Jésus lui dit un seul mot :
 
       « Oui.
 
       – Ah ! mon Seigneur ! Quelle grâce de mourir d’amour pour toi ! »
 
       Elle tombe à genoux pour baiser les pieds de Jésus.
 
       « Lève-toi, Marie, prends ces fleurs. Ce seront celles de tes noces spirituelles. Sois douce comme le fruit de l’amandier, pure comme sa fleur, lumineuse comme l’huile que l’on extrait de son fruit quand on l’allume, et parfumée comme cette huile saturée d’essences quand on la fait couler dans les banquets ou sur la tête des rois, parfumée par tes vertus. Alors, tu verseras vraiment sur ton Seigneur le baume qui lui sera infiniment agréable. »
 
       Marie prend les fleurs mais, au lieu de se lever, elle anticipe les baumes de l’amour par ses baisers et ses larmes qu’elle répand sur les pieds de son Maître.
 
       550.8 Lazare les rejoint :
 
       « Maître, il y a un petit garçon qui te demande. Il était allé chez Simon pour te chercher et n’y a trouvé que Jean, qui l’a conduit ici. Mais il ne veut parler à personne d’autre que toi.
 
       – C’est bien, amène-le-moi. Je vais sous la tonnelle des jasmins. »
 
       Marie rentre dans la maison avec Lazare. Jésus va sous la tonnelle. Lazare revient en tenant par la main cet enfant que j’ai vu chez Joseph de Séphoris [6a]. Jésus le reconnaît tout de suite et le salue :
 
       « Toi, Martial ? Que la paix soit avec toi. Pourquoi es-tu ici ?
 
       – On m’envoie te dire quelque chose… »
 
       Et il jette un coup d’œil à Lazare, qui comprend et s’apprête à s’éloigner.
 
       « Reste, Lazare. C’est Lazare, mon ami. Tu peux parler devant lui, mon enfant, car je n’ai pas d’ami plus fidèle que lui. »
 
       Rassuré, le garçon reprend :
 
       « C’est Joseph l’Ancien qui m’envoie — car j’habite maintenant avec lui — te demander de te rendre immédiatement à Bethphagé, chez Cléonte. Il doit te parler tout de suite, mais vraiment tout de suite. Et il te prie de venir seul, parce que ce doit être en grand secret.
 
       – Maître ! Qu’arrive-t-il ? questionne Lazare, impressionné.
 
       – Je l’ignore, Lazare. Il nous suffit d’y aller. Viens avec moi.
 
       – Tout de suite, Seigneur. Nous pouvons faire chemin avec l’enfant.
 
       – Non, Seigneur. J’y vais tout seul. Joseph me l’a recommandé. Il a dit : “ Si tu sais te débrouiller seul, je t’aimerai comme un père ”, or moi, je veux que Joseph m’aime comme un fils. Je pars au pas de course. Toi, viens après. Salut, Seigneur. Salut, homme.
 
       – Paix à toi, Martial. »
 
       Le petit garçon s’envole comme une hirondelle.
 
       « Allons-y, Lazare. Apporte-moi mon manteau. Moi, je me mets déjà en chemin car, comme tu le vois, l’enfant n’arrive pas à ouvrir la grille, et il ne veut sûrement appeler personne. »
 
       Jésus se hâte vers la grille, Lazare vers la maison. Le premier ouvre les fermetures de fer à l’enfant, qui file comme une flèche. Le second apporte son manteau à Jésus, puis tous deux prennent la direction de Bethphagé.
 
       550.9 « Que peut bien vouloir Joseph, pour envoyer si secrètement un enfant ?
 
       – Un enfant échappe à ceux qui peuvent surveiller, répond Jésus.
 
       – Tu crois que… Tu soupçonnes que… Tu te sens en danger, Seigneur ?
 
       – J’en suis certain, mon ami.
 
       – Comment ? Même maintenant ? Mais tu ne pouvais pas donner une preuve plus grande !…
 
       – La haine croît sous l’aiguillon de la réalité.
 
       – Oh ! c’est à cause de moi, alors ! Je t’ai porté tort !… Ma peine est sans pareille ! s’exclame Lazare, qui est manifestement accablé.
 
       – Ce n’est pas à cause de toi. Ne t’afflige pas sans raison. Tu as été le moyen, mais la cause a été la nécessité, tu comprends, la nécessité de donner au monde la preuve de ma nature divine. Si ce n’avait pas été toi, cela aurait été un autre, car je devais prouver au monde que, en Dieu que je suis, je peux tout ce que je veux. Or ramener à la vie un homme mort depuis plusieurs jours et déjà décomposé, ce ne peut être que l’œuvre de Dieu.
 
       – Ah ! Tu veux me consoler. Mais ma joie, toute ma joie, est dissipée… Je souffre, Seigneur. »
 
       Jésus fait un geste comme pour dire : “ Qu’y faire ! ” puis tous deux gardent le silence.
 
       Ils marchent à vive allure. La distance est courte entre Béthanie et Bethphagé, et ils ont tôt fait d’arriver.
 
       550.10 Joseph fait les cent pas sur la route à l’entrée du village. Il a le dos tourné quand Jésus et Lazare débouchent d’un sentier caché par une haie. Lazare le hèle.
 
       « Oh ! paix à vous ! Viens, Maître. Je t’ai attendu ici pour te voir tout de suite, mais allons dans l’oliveraie. Je ne veux pas qu’on nous remarque… »
 
       Il les conduit derrière les maisons, dans un bosquet d’oliviers dont les frondaisons touffues et ébouriffées qui cachent les pentes, sont un refuge commode pour parler discrètement.
 
       « Maître, je t’ai envoyé l’enfant, qui est éveillé et obéissant et qui m’aime beaucoup, parce que je devais te parler et que je ne devais pas être vu. J’ai longé le Cédron pour venir ici… Maître, tu dois partir sur-le-champ. Le Sanhédrin a décrété ton arrestation et demain, dans les synagogues, on lira le décret. Quiconque sait où tu te trouves, a le devoir de l’indiquer. Je n’ai pas besoin de te dire, Lazare, que ta maison sera la première perquisitionnée. Je suis sorti à sexte du Temple et je me suis hâté ; car pendant qu’ils parlaient, j’avais déjà fait mon plan. Je suis allé à la maison, j’ai pris l’enfant. Je suis sorti à cheval par la Porte d’Hérode comme pour quitter la ville, puis j’ai traversé le Cédron et je l’ai suivi. J’ai laissé l’animal à Gethsémani, j’ai envoyé en vitesse l’enfant qui connaissait déjà la route pour être venu avec moi à Béthanie. Maître, pars immédiatement en lieu sûr. Sais-tu où te rendre ? As-tu un endroit où t’abriter ?
 
       – Mais ne suffit-il pas qu’il s’éloigne d’ici ? De la Judée, tout au plus ?
 
       – Non, Lazare, ce n’est pas assez : ils sont furieux. Il faut qu’il aille là où eux n’iront pas le trouver…
 
       – Mais ils fouinent partout ! Tu ne voudrais pas que le Maître quitte la Palestine !… s’exclame Lazare, tout agité.
 
       – Mais que dois-je te dire ? ! Le Sanhédrin le veut…
 
       – C’est à cause de moi, n’est-ce pas ? Dis-le !
 
       – Hum ! Oui… ! A cause de toi… mais plutôt parce que tous se convertissent à lui, or eux… ne veulent pas de cela.
 
       – Mais c’est un crime ! C’est un sacrilège… C’est… »
 
       Jésus, pâle mais calme, lève la main pour imposer le silence :
 
       « Tais-toi, Lazare. Chacun fait son travail. Tout est écrit. Je te remercie, Joseph, et je t’assure que je vais m’éloigner. Va, va, Joseph. Qu’ils ne remarquent pas ton absence… Que Dieu te bénisse. Par Lazare, je te ferai savoir où je suis. Va ! Je te bénis toi, Nicodème et tous ceux qui ont le cœur droit. »
 
       Il l’embrasse, puis ils se séparent. Jésus et Lazare passent par l’oliveraie pour rentrer à Béthanie, tandis que Joseph se dirige vers la ville.
 
       550.11 « Que vas-tu faire, Maître ? demande Lazare avec angoisse.
 
       – Je ne sais pas. Les femmes disciples doivent arriver ces jours-ci avec ma Mère. J’aurais voulu les attendre…
 
       – Je pourrais les accueillir en ton nom, et te les amener. Mais, toi, en attendant où vas-tu ? Je ne pense pas que ce soit dans la maison de Salomon… ni chez des disciples connus. Demain ! C’est immédiatement que tu dois partir !
 
       – J’aurais bien un endroit où aller, mais je voudrais attendre ma Mère. Son angoisse commencerait trop tôt si elle ne me trouvait pas…
 
       – Où iras-tu, Maître ?
 
       – A Ephraïm.
 
       – En Samarie ?
 
       – En Samarie. Les Samaritains sont moins samaritains que beaucoup d’autres, et ils m’aiment. Ephraïm se trouve à la frontière…
 
       – Ah ! c’est pour s’opposer aux juifs qu’ils te feront honneur et qu’ils te défendront ! Mais… attends ! Pour venir, ta Mère est obligée de passer par la route de la Samarie ou par celle du Jourdain. J’irai avec des serviteurs par l’une, et Maximin avec d’autres serviteurs par l’autre, et l’un de nous la rencontrera. Nous ne reviendrons qu’avec elles. Tu sais que personne de la maison de Lazare ne peut trahir. Tu vas te rendre pendant ce temps à Ephraïm, en partant tout de suite. Ah ! il était dit que je ne pourrais pas profiter de ta présence ! Mais j’arriverai par les monts d’Hadomim. Je suis en bonne santé, désormais. Je peux faire ce que je veux. Et même, oui ! Je ferai croire que je prends la route de la Samarie pour aller à Ptolémaïs afin de m’embarquer pour Antioche. Tout le monde sait que j’y possède des terres… Mes sœurs resteront à Béthanie… Toi… Oui, je vais faire préparer deux chars et vous vous en servirez pour aller à Jéricho. Puis, demain, à l’aube, vous continuerez à pied. Oh ! Maître ! Mon Maître ! Sauve-toi ! Sauve-toi ! »
 
       Après l’excitation du premier moment, Lazare tombe dans la tristesse et pleure. Jésus soupire, mais ne dit mot. D’ailleurs, que pourrait-il dire ?
 
       550.12 Parvenus à la maison de Simon, ils se séparent. Jésus entre. Les apôtres, déjà étonnés que le Maître soit parti sans rien dire, se serrent autour de Jésus, qui leur ordonne :
 
       « Prenez les vêtements et faites les sacs. Il nous faut partir sur-le-champ. Dépêchez-vous, et rejoignez-moi chez Lazare.
 
       – Même les vêtements mouillés ? Ne pouvons-nous les reprendre à notre retour ? demande Thomas.
 
       – Nous ne reviendrons pas. Emportez tout. »
 
       Les apôtres s’éloignent en se lançant des coups d’œil expressifs. Jésus va chercher ses affaires chez Lazare et salue les sœurs, consternées…
 
       Les chars sont vite prêts, des chars lourds, couverts, tirés par des chevaux robustes. Jésus prend congé de Lazare, de Maximin, des serviteurs qui sont accourus.
 
       Ils montent dans les véhicules, qui attendent à une sortie de derrière la maison. Les cochers fouettent les animaux et le voyage commence, par la même route que Jésus a empruntée pour ressusciter Lazare quelques jours plus tôt.
 
 


[1] Un sens pratique fait aussi de mensonges ! Cf. EMV 74.2.
 
[2] En fait, c'est Lazare lui-même qui, dans le délire de son agonie, a laissé apparaître des reproches et des souffrances enfouis. Cf. EMV 544.8.
 
[3] Matthieu 5,48.
 
[4] Voir la vision de la mort de Marie Madeleine (extraits des "Cahiers de 1944)
 
[5] Voir la vision du 30 mars 1944.
 
[6] Deutéronome 6,5.

[6a] J'ai vu, en 508.4/5.



 
 *SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-011.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/jesus-doit-fuir-en-samarie.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 2 Avr - 22:41

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
551. A l’occasion d’une halte chez Nikê, les apôtres apprennent la publication du décret contre Jésus par le Sanhédrin. Ils arrivent à la frontière de la Judée
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 12.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 551.
 
Le 2janvier 1947
 
Samedi 29 décembre 29
Jéricho, vers Ephraïm

 
       551.1 En ce début d’une aurore fraîche et limpide, les champs qui entourent la maison de Nikê sont tout un verdoiement de blés nouveaux de quelques centimètres, d’une couleur délicate comme celle d’une très claire émeraude. Plus près de la maison le verger, aux arbres nus, paraît encore plus sombre et plus massif face à la délicatesse des jeunes pousses, sous un ciel d’une sérénité paradisiaque. La maison, toute blanche sous le premier soleil, est couronnée par le vol des colombes.
 
       Nikê est déjà levée, et elle veille avec sollicitude à ce que le petit groupe sur le départ ait ce qui donnera des forces pour la route. Elle commence par congédier les deux serviteurs de Lazare qu’elle a retenus pour la nuit. Bien restaurés, ils s’en vont en mettant leurs chevaux au trot. Puis elle rentre dans la cuisine, où les servantes préparent du lait et des aliments sur de grands feux. D’un haut récipient, elle verse de l’huile dans plusieurs gourdes, et du vin dans de petites outres de peau. Elle presse une servante, qui prépare des formes de pain minces comme des fouaces, pour qu’elle se hâte de les mettre au four déjà prêt. Sur de larges tables où sèchent des fromages, à la chaleur de la cuisine, elle choisit les pièces les plus belles. Elle prend du miel et le fait couler dans de petits récipients bien fermés. Puis elle fait des paquets avec tous ces aliments ; l’un d’eux contient un chevreau ou un agneau entier que la servante sort de la broche sur laquelle il rôtissait. Un deuxième contient des pommes, rouges comme du corail, un troisième des olives toutes préparées, un autre encore des raisins secs. Il y a aussi un paquet d’orge mondé. 551.2 Elle est en train de glisser ce dernier dans un petit sac, quand Jésus entre dans la cuisine en saluant toutes les femmes qui s’y trouvent.
 
       « Maître, paix à toi. Déjà levé ?
 
       – J’aurais dû l’être plus tôt. Mais mes disciples étaient si fatigués que je les ai laissés dormir un peu plus longtemps. Que fais-tu, Nikê ?
 
       – Je prépare… Cela ne sera pas lourd, tu vois ? Douze sacs, et j’ai calculé les forces de ceux qui vont les porter.
 
       – Et moi ?
 
       – Oh ! Maître ! Tu as déjà ton fardeau… »
 
       Et dans les yeux de Nikê brille une larme.
 
       « Viens dehors, Nikê, nous allons parler en paix. »
 
       Ils sortent et s’éloignent de la maison.
 
       « Mon cœur pleure, Maître…
 
       – Je le sais, mais il faut être très forte, en pensant qu’on ne m’a pas fait souffrir…
 
       – Oh ! cela, jamais ! Mais j’avais cru pouvoir rester à tes côtés, et c’est pourquoi j’étais venue à Jérusalem. Autrement, je serais restée ici, où j’ai ma maison de campagne…
 
       – Lazare aussi, tout comme Marie et Marthe, croyaient pouvoir rester avec moi. Et tu vois…
 
       – Je le vois, oui, je le vois. Je ne vais plus à Jérusalem, puisque tu n’y es pas. Je serai plus près de toi en restant ici, et je pourrai t’aider.
 
       – Tu as déjà tant donné…
 
       – Ce n’est que si peu de chose…. Je voudrais pouvoir porter ma maison là où tu vas. Mais je viendrai, je viendrai sûrement me rendre compte de ce qui te manque. Maintenant, ce que tu m’as dit de faire est juste : je vais rester ici jusqu’à ce qu’ils soient persuadés que tu n’y es pas. Mais après…
 
       – La route est longue et pénible pour une femme, et très peu sûre.
 
       – Je n’ai pas peur ! Je suis trop vieille pour plaire comme femme, et je ne porte pas de trésors pour être une proie. Les voleurs sont meilleurs que beaucoup qui se croient saints, mais qui en réalité veulent te dérober la paix et la liberté…
 
       – Ne les déteste pas, Nikê.
 
       – Cela m’est plus pénible que toute autre chose. Mais j’essaierai de ne pas haïr par amour pour toi… J’ai pleuré toute la nuit, Seigneur !
 
       – Je t’entendais aller et venir dans la maison, aussi infatigable qu’une abeille. Tu me donnais l’impression d’être une mère en peine pour son fils persécuté… Ne pleure pas. Ce sont les coupables qui doivent pleurer. Pas toi. Dieu est bon avec son Messie. Aux heures les plus tristes, il me fait toujours trouver auprès de moi un cœur maternel…
 
       – Et comment vas-tu faire avec ta Mère ? Tu m’avais dit qu’elle allait bientôt venir…
 
       – Elle viendra à Ephraïm… Lazare se charge de l’avertir. 551.3 Voici Simon-Pierre et mes frères…
 
       – Ils savent ?
 
       – Rien encore, Nikê. Je le leur apprendrai quand nous serons loin…
 
       – Et moi, quand je viendrai, je t’informerai de ce qui se passe ici et à Jérusalem. »
 
       Ils se dirigent vers les apôtres, qui sortent l’un après l’autre de la maison à la recherche de Jésus.
 
       « Venez, mes frères. Restaurez-vous avant de partir. Tout est prêt.
 
       – A cause de nous, Nikê n’a pas dormi de la nuit. Remerciez cette bonne amie disciple » dit Jésus en entrant dans la vaste cuisine. Là, sur une table que l’on dirait de réfectoire tant elle est grande, fument des bols remplis de lait. Les fouaces, à peine sorties du four, exhalent une odeur appétissante. Nikê y étend généreusement du beurre et du miel, en expliquant que c’est une nourriture fortifiante pour ceux qui doivent faire une longue route pendant ces heures encore très fraîches.
 
       Le repas est vite achevé. Nikê en a profité pour glisser dans les derniers paquets le pain qui sort du four, croustillant et odorant. Chaque apôtre prend sa charge, liée de façon qu’on puisse la porter sans gêne excessive.
 
       L’heure du départ est venue. Jésus salue et bénit. Les apôtres saluent. Mais Nikê tient à les accompagner jusqu’au bout de ses champs, après quoi elle revient lentement sur ses pas, en pleurant dans son voile, tandis que Jésus et les siens s’éloignent par un chemin secondaire que Nikê lui a indiqué.
 
       551.4 La campagne est encore déserte. Le sentier traverse des champs de blé en herbe et des vignes dégarnies. On ne voit pas de bergers, car ils n’amènent pas les troupeaux dans les terres cultivées. Le soleil réchauffe légèrement l’air matinal. Sur les talus, les premières fleurs resplendissent comme des joyaux sous le voile de la rosée que le soleil fait luire. Les oiseaux gazouillent leurs premiers chants d’amour. La belle saison arrive. Tout se pare et renaît, tout aime… Et Jésus marche vers l’exil qui précède la mort voulue par la haine.
 
       Pensifs, les apôtres gardent le silence. Ce départ subit les a désorientés. Ils étaient si sûrs d’être désormais tranquilles ! Ils avancent, plus courbés que ne pourrait leur imposer le poids de leurs sacs et des provisions de Nikê. Ce qui les afflige, c’est la déception, la constatation de ce qu’est le monde et de ce que sont les hommes.
 
       Jésus, au contraire, sans être souriant, n’est pas triste ni accablé. Il chemine la tête haute, devant tous les autres, sans plastronner, mais aussi sans peur. Il marche comme un homme qui sait là où il doit aller et ce qu’il doit faire. Il avance, courageux, comme un héros que rien ne trouble ou n’effraie.
 
       Le chemin secondaire aboutit à une grande voie ; Jésus la prend, toujours en direction du nord, et les apôtres le suivent sans mot dire. C’est la route qui vient de Galilée et mène en Judée par la Décapole et la Samarie, aussi de nombreux voyageurs y circulent-ils, surtout des caravanes de marchands.
 
       Le temps passe et le soleil réchauffe de plus en plus, quand Jésus laisse la grand-route pour reprendre un autre petit chemin qui, à travers des champs de blé, se dirige vers les premières collines.
 
       Les apôtres se regardent. Ils commencent peut-être à comprendre qu’ils ne vont pas en Galilée par la route qui suit la vallée du Jourdain, mais qu’ils se dirigent vers la Samarie. Mais ils ne parlent pas encore.
 
       Jésus, arrivé aux premiers bois sur les collines, dit :
 
       « Arrêtons-nous et reposons-nous tout en mangeant. Le soleil indique le milieu du jour. »
 
       Ils sont au bord d’un petit torrent qui a peu d’eau, car il ne pleut pas depuis quelque temps, mais qui paraît limpide sur le fond caillouteux. Sur ses rives, de grosses pierres peuvent servir de tables et de siège [1]s. Ils s’asseyent après que Jésus a béni et offert la nourriture, et ils mangent en silence, comme perdus dans leurs pensées.
 
       551.5 Jésus les secoue en disant :
 
       « Vous ne me demandez pas où nous allons ? Le souci du lendemain vous rend muets, ou je ne vous semble plus être votre Maître ? »
 
       Les Douze lèvent la tête. Ce sont douze visages affligés ou du moins en désarroi qui se tournent vers le visage paisible de Jésus. Un même “ Oh ! ” jaillie des douze bouches. Et l’exclamation de tous est suivie de la réponse de Pierre qui parle au nom de tous :
 
       « Maître, tu sais bien que tu es toujours pour nous le Maître mais, depuis hier, c’est comme si nous savions que c’est bien toi, mais tu nous sembles… déjà presque lointain. Tu nous as donné cette impression depuis que tu as parlé avec ton Père [2] avant d’appeler Lazare et depuis que tu l’as tiré de là, ainsi lié, par le seul moyen de ta volonté, pour lui rendre la vie par la seule force de ta puissance. Tu nous fais presque peur. Je parle pour moi… mais je crois qu’il en est ainsi pour tous… Et maintenant… Nous… Ce départ… si rapide et si mystérieux !
 
       – Avez-vous une double peur ? Sentez-vous le danger plus menaçant ? Avez-vous l’impression de ne pas avoir la force d’affronter et de surmonter les dernières épreuves ? Dites-le en toute liberté. Nous sommes encore en Judée. Nous sommes près des routes basses pour la Galilée. Chacun peut s’en aller s’il le veut, et partir à temps pour ne pas être en butte à la haine du Sanhédrin… »
 
       Les apôtres sont remués par ces paroles. Ceux qui étaient presque allongés sur l’herbe attiédie par le soleil s’asseyent ; ceux qui étaient assis se lèvent.
 
       Jésus poursuit :
 
       « C’est qu’à partir d’aujourd’hui je suis le Persécuté légal. Sachez-le. A cette heure-ci, on va lire dans les quelque cinq cents synagogues de Jérusalem et dans celles des villes qui ont pu le recevoir, le décret publié hier à sexte [3], selon lequel je suis le grand Pécheur ; et quiconque sait où je me trouve a le devoir de me dénoncer au Sanhédrin pour que je sois arrêté… »
 
       Les apôtres crient comme s’ils le voyaient déjà pris. Jean s’attache à son cou en gémissant :
 
       « Ah ! je l’ai toujours prévu ! »
 
       Il pleure à gros sanglots. Certains s’emportent contre le Sanhédrin, d’autres invoquent la justice divine, fondent en larmes ou restent figés comme des statues.
 
       « Taisez-vous. 551.6 Ecoutez-moi. Je ne vous ai jamais trompés. Je vous ai toujours dit la vérité. Quand je l’ai pu, je vous ai défendus et protégés. Votre présence à mes côtés m’a été aussi agréable que si vous étiez des fils. Je ne vous ai pas caché non plus quelle sera ma dernière heure… mes dangers… ma Passion. Mais tout cela me concernait moi seul. Désormais, ce sont vos dangers, votre sécurité, celle de vos familles qu’il faut prendre en considération. Je vous prie de le faire avec une liberté absolue. N’examinez pas la situation en fonction de l’amour que vous avez pour moi, en fonction du choix que j’ai fait de vous. Supposez, puisque je vous délie de toute obligation envers Dieu et son Christ, supposez que nous venions de nous rencontrer ici pour la première fois et que, après m’avoir écouté, vous mesuriez s’il vous convient ou non de suivre l’Inconnu dont les paroles vous ont impressionnés. Imaginez que vous m’entendez et me voyez pour la première fois, et que je vous dise : “ Prenez en compte que je suis persécuté et haï, et que celui qui m’aime et me suit est persécuté et haï comme moi, dans sa personne, dans ses intérêts, dans ses affections. Sachez que cette persécution peut se terminer même par la mort et la confiscation des biens de votre famille. ” Réfléchissez, décidez. Je vous aimerai pareillement, même si vous me dites : “ Maître, je ne peux plus venir avec toi. ” Vous vous attristez ? Non, il ne faut pas. Nous sommes de bons amis, qui décidons dans la paix et l’amour ce qu’il convient de faire, avec une compassion réciproque. Moi, je ne puis vous laisser aller au-devant de l’avenir sans vous faire réfléchir. Je ne vous mésestime pas.
 
       Je vous aime tous, mais je suis le Maître. Il est évident que le Maître connaît ses disciples. Je suis le Berger, et il est évident que le Berger connaît ses agneaux. Je sais que mes disciples, amenés à une épreuve sans y être suffisamment préparés, non seulement dans la sagesse qui vient du Maître, et qui est donc bonne et parfaite, mais aussi dans la réflexion qui doit venir d’eux-mêmes, pourraient faillir, ou du moins ne pas triompher comme des athlètes dans un stade. Il convient de prendre la juste mesure de nos capacités, dans les petits problèmes comme dans les grands. En tant que Berger, je dois dire à mes agneaux : “ Voilà que je m’avance maintenant dans un pays de loups et de vautours. Avez-vous la force d’aller parmi eux ? ” Je pourrais vous citer déjà quels sont ceux qui n’auront pas la force de supporter l’épreuve, bien que je puisse vous rassurer : aucun de vous ne tombera sous la main des bourreaux qui sacrifieront l’Agneau de Dieu. Ma capture est d’une telle valeur qu’elle leur suffira… Pourtant, je vous recommande de réfléchir. Je vous disais autrefois : “ Ne craignez pas ceux qui tuent. ” [4] Et encore : “ Celui qui, après avoir mis la main à la charrue, se retourne pour considérer le passé et ce qu’il pourrait perdre ou acquérir, n’est pas apte à ma mission. ” [5] Mais c’étaient des règles destinées à vous indiquer ce que signifie être mon disciple, même pour l’avenir, lorsque je ne serai plus le Maître, mais que mes fidèles seront maîtres. Elles vous étaient données pour renforcer votre âme. Mais même cette force, que vous avez indéniablement atteinte par rapport au peu de chose que vous étiez — je parle de votre esprit — est encore trop peu par rapport à la violence de l’épreuve. Ne pensez pas : “ Le Maître est scandalisé par nous ! ” Je ne le suis pas. Je vous assure que vous ne devez pas et ne devrez pas vous scandaliser de votre faiblesse. Dans tous les temps à venir, il y aura, parmi les membres de mon Eglise, aussi bien agneaux que pasteurs, des personnes qui resteront en deçà de la grandeur de leur mission. Il y aura des époques où les pasteurs idolâtres et les fidèles idolâtres seront plus nombreux que les vrais pasteurs et les vrais fidèles. Epoques d’éclipse de l’esprit de foi dans le monde, mais une éclipse n’est pas la mort d’un astre. C’est uniquement un obscurcissement momentané plus ou moins partiel de l’astre. Après, sa beauté réapparaît et semble plus lumineuse. Ainsi en sera-t-il de mon Bercail. Je vous conseille donc de réfléchir. Je vous le dis comme Maître, comme Pasteur et comme Ami. Je vous laisse discuter entre vous en toute liberté. Je vais prier là-bas, dans ce bosquet. Un par un, vous viendrez me confier votre pensée, et moi je bénirai votre sincère honnêteté, quelle qu’elle soit. Et je vous aimerai pour ce que vous m’avez déjà donné jusqu’ici. Adieu. »
 
       Il se lève et s’éloigne.
 
       551.7 Les apôtres sont abasourdis, perplexes, remués. Au début, ils n’arrivent même plus à parler. Pierre est le premier à s’exprimer :
 
       « Que l’enfer m’engloutisse, si je voulais le quitter ! Je suis sûr de moi. Même si tous les démons de la Géhenne, avec le Léviathan en tête, s’opposaient à moi, je ne m’écarterais pas de lui par peur !
 
       – Et moi non plus. Dois-je être inférieur à mes filles ? dit Philippe.
 
       – Moi, je suis sûr qu’ils ne lui feront rien, lance Judas avec effronterie. Le Sanhédrin menace, mais c’est pour se convaincre qu’il existe encore. Il est le premier à être conscient qu’il n’est rien si Rome n’y consent. Ses condamnations ! C’est Rome qui condamne !
 
       – Mais en ce qui concerne la religion, il est encore le Sanhédrin, fait remarquer André.
 
       – Aurais-tu donc peur, mon frère ? Rappelle-toi qu’il n’y a jamais eu de poltrons dans la famille, menace Pierre, qui se sent l’esprit belliqueux.
 
       – Je n’ai pas peur, et j’espère pouvoir le montrer. Je me contente de donner mon avis à Judas.
 
       – Tu as raison. Mais l’erreur du Sanhédrin, c’est de vouloir se servir de l’arme politique pour ne pas vouloir dire et ne pas vouloir s’entendre dire qu’ils ont levé la main sur le Christ. Je le sais avec certitude. Ils voudraient, ou plutôt ils auraient voulu faire tomber le Christ dans le péché afin d’en faire un objet de mépris pour la foule. Mais le tuer ! Eux ! Non ! Ils ont peur ! Une peur qu’on ne peut comparer à un effroi humain, car c’est une terreur d’âme. Ils le savent bien, eux, qu’il est le Messie ! Ils le savent même si bien, qu’ils se rendent compte que c’en est fini pour eux, car les temps nouveaux arrivent. Ils veulent l’abattre, mais pas s’en charger eux-mêmes ! Aussi cherchent-ils une raison politique pour que ce soit le Proconsul, pour que ce soit Rome qui l’abatte. Or le Christ ne porte aucun tort à Rome, et Rome ne fera rien contre lui. Et le Sanhédrin hurle en vain.
 
       – Alors, tu restes avec lui, Judas ?
 
       – Mais certainement. Plus que tous !
 
       – Moi, je n’ai rien à perdre ou à gagner en restant ou en partant. J’ai seulement le devoir de l’aimer. Et je le ferai, déclare Simon le Zélote.
 
       – Moi, je reconnais qu’il est le Messie et par conséquent je reste à sa suite, affirme Nathanaël.
 
       – Moi aussi. Je l’ai su à partir du moment où Jean le Baptiste me l’a indiqué [6], dit Jacques, fils de Zébédée.
 
       – Nous sommes ses frères. A la foi nous joignons l’amour du sang, n’est-ce pas, Jacques ? intervient Jude.
 
       – Il est mon soleil depuis des années. Je suis son cours. S’il tombe dans l’abîme creusé par ses ennemis, je le suivrai, répond Jacques, fils d’Alphée.
 
       – Et moi ? Comment oublier qu’il m’a racheté ? dit Matthieu.
 
       – Mon père me maudirait mille fois si je le quittais. Du reste, ne serait-ce que pour l’amour de Marie, je ne me séparerai jamais de Jésus » assure Thomas.
 
       551.8 Jean reste silencieux, tête baissée, l’air accablé. Les autres prennent son attitude pour de la faiblesse et plusieurs l’interrogent.
 
       « Et toi ? Toi seul veux t’en aller ? »
 
       Jean lève la tête. Tout semble pur en lui, jusqu’à son attitude et ses regards. Fixant de ses yeux bleu clair, limpides, ceux qui l’interrogent, il répond :
 
       « Je priais pour nous tous. Car nous voulons agir et dire, or nous présumons de nous-mêmes et, ce faisant, nous ne nous apercevons pas que nous mettons en doute les paroles du Maître. S’il affirme que nous ne sommes pas préparés, c’est signe que nous ne le sommes pas. Si c’est encore le cas après trois ans, nous ne le serons pas dans quelques mois…
 
       – Que dis-tu là ? Dans quelques mois ? Et qu’en sais-tu ? Serais-tu prophète, par hasard ? »
 
       Et ils l’assaillent de reproches.
 
       « Je ne sais rien.
 
       – Alors ? Que sais-tu ? Jésus t’a parlé, peut-être ? Tu connais toujours ses secrets… insinue Judas, l’air envieux.
 
       – Ne me critique pas, mon ami, si je sais comprendre que le temps serein prendra bientôt fin. Quand ? Je l’ignore. Je sais que cela arrivera. C’est lui qui l’assure. Combien de fois il l’a dit ! Nous, nous ne voulons pas croire. Mais la haine des autres confirme ses paroles… C’est pourquoi je prie, car il n’y a rien d’autre à faire que supplier Dieu de nous rendre forts. Tu ne te souviens pas, Judas, qu’il nous a recommandé de prier le Père pour être forts dans les tentations [7] ? Toute force vient de Dieu. J’imite mon Maître, comme il est juste de le faire…
 
       – Bref, tu restes ? insiste Pierre.
 
       – Et où veux-tu que j’aille, si je ne reste pas avec lui qui est ma vie et mon bien ? Mais puisque je suis un pauvre enfant, le plus misérable de tous, je demande tout à Dieu, le Père de Jésus et le nôtre.
 
       – C’est dit. Donc nous restons tous ! 551.9 Allons le trouver. Il est sûrement triste. Notre fidélité le réjouira » conclut Pierre.
 
       Jésus est prosterné en prière. Le visage par terre, dans l’herbe, il supplie certainement le Père. Mais il se lève quand il entend le bruit des pas et il regarde ses Douze. Il les scrute d’un air sérieux, un peu triste.
 
       « Sois content, Maître. Aucun de nous ne t’abandonne, annonce Pierre.
 
       – Vous avez pris votre décision trop rapidement et…
 
       – Les heures ou les siècles ne changeront pas notre pensée, affirme Pierre.
 
       – Ni les menaces, notre amour », déclare Judas.
 
       Jésus cesse de les observer en bloc et les dévisage un par un, en un long regard que tous soutiennent sans peur. Il s’attarde particulièrement sur Judas, qui montre plus d’assurance que tous. Ouvrant les bras en un geste de résignation, il dit :
 
       « Allons. Tous, vous avez marqué votre destin. » Il revient à sa place précédente, prend son sac et ordonne : « Prenons la route d’Ephraïm, celle qu’ils nous ont indiquée.
 
       – En Samarie ? »
 
       La stupeur est à son comble.
 
       « En Samarie. A sa frontière, du moins. Jean-Baptiste lui aussi est allé vivre dans ces parages jusqu’à ce que vienne l’heure où il devait prêcher le Christ [8].
 
       – Ce n’est pas comme ça qu’il a été sauvé ! objecte Jacques, fils de Zébédée.
 
       – Je ne cherche pas à me sauver, mais à sauver. Et je sauverai jusqu’à l’heure marquée. C’est vers les brebis les plus malheureuses que va le Pasteur persécuté, afin qu’elles, les abandonnées, aient leur part de sagesse pour les préparer aux temps nouveaux. »
 
       Il marche de son pas rapide, après la halte qui a servi à se reposer et à respecter le sabbat, car il veut arriver avant que la nuit rende les sentiers impraticables.
 
       551.10 Quand ils arrivent au petit torrent qui descend d’Ephraïm et coule vers le Jourdain, Jésus appelle Pierre et Nathanaël, et leur donne une bourse en disant :
 
       « Allez de l’avant chercher Marie, femme de Jacob. Je me rappelle [9] que Malachie m’avait confié qu’elle était la plus pauvre de l’endroit, bien qu’elle ait une grande maison, maintenant qu’elle n’y a plus ses enfants.[10]. Nous demeurerons chez elle. Remettez-lui une bonne somme pour qu’elle nous loge tout de suite sans faire mille discours. Vous connaissez la maison, cette maison ombragée par quatre grenadiers, tout à côté du pont sur le torrent.
 
       – Nous la connaissons, Maître. Nous allons faire ce que tu dis. »
 
       Ils s’éloignent d’un bon pas, et Jésus les suit lentement avec les autres.
 
       De la cuvette divisée en deux par le torrent, on aperçoit le village qui blanchit aux dernières lueurs du jour et aux premières clartés de la lune. Il n’y a pas âme qui vive quand ils arrivent à la maison, déjà tout éclairée par la lune. Seul le torrent se fait entendre dans le silence du soir. Si l’on se tourne en direction de l’horizon, on voit une grande partie du ciel étoilé qui se penche sur une vaste étendue de terrains dévalant vers la plaine déserte qui descend au Jourdain. Une paix profonde règne sur la terre.
 
       Ils frappent à la porte. Pierre ouvre :
 
       « Tout est fait, Seigneur. La vieille femme a fondu en larmes lorsque nous lui avons remis de l’argent. Elle n’avait plus un sou. Je lui ai dit : “ Ne pleure pas, femme. Là où passe Jésus de Nazareth, toute douleur disparaît. ” Elle m’a répondu : “ Je le sais. J’ai souffert ma vie durant, et désormais j’étais vraiment à bout, je n’aurais pu en supporter davantage. Mais au crépuscule de ma vie, le Ciel s’est ouvert pour moi et il m’amène l’Etoile de Jacob pour me donner la paix. ” En ce moment, elle est à côté, en train de préparer les pièces fermées depuis si longtemps. Hum ! c’est bien peu, mais la femme paraît très bonne. La voilà ! 551.11 Femme ! Le Rabbi est ici ! »
 
       Une petite vieille fluette, aux doux yeux mélancoliques, se présente et s’arrête, l’air confus, manifestement intimidée, à quelques pas de Jésus.
 
       « Paix à toi, femme. Je ne te dérangerai pas beaucoup.
 
       – Je… je voudrais… je voudrais que tu me marches sur le cœur pour te rendre plus douce l’entrée dans ma pauvre maison. Viens, Seigneur, et que Dieu entre avec toi. »
 
       Elle a repris son souffle et de la hardiesse sous la lumière du regard de Jésus.
 
       Ils entrent tous et ferment la porte. La maison est vaste comme une hôtellerie et vide comme un endroit abandonné. Seule la cuisine est gaie, grâce à une belle flambée dans le foyer au milieu de la pièce.
 
       Barthélemy, qui était en train d’alimenter le feu, se retourne, et dit en souriant :
 
       « Réconforte notre hôtesse, Maître : elle est affligée de ne pas pouvoir t’honorer.
 
       – Ton cœur me suffit, femme. Ne te soucie de rien. Demain, nous aviserons. Je suis un pauvre, moi aussi. Apportez les provisions. Entre pauvres, on partage le pain et le sel, sans honte et avec un amour fraternel. Pour toi, femme, cet amour est filial, car tu pourrais être ma mère, et je t’honore comme telle… »
 
       Marie verse des larmes silencieuses de vieille femme affligée en essuyant ses yeux à son voile, et elle murmure :
 
       « J’avais trois garçons et sept filles. Un garçon a été emporté par le torrent et un autre par la fièvre. Le troisième m’a abandonnée. Cinq filles ont attrapé la maladie de leur père, et elles sont mortes. La sixième est morte en couches et la septième… Ce que la mort n’a pas fait, le péché l’a fait. Dans ma vieillesse, je ne suis pas honorée par mes enfants et cela me rend si… Dans le village, ils sont bons… Mais pour la pauvre femme… Toi, tu es bon pour la mère…
 
       – J’ai une Mère, moi aussi. Et en toute femme qui est mère, j’honore la mienne. Mais ne pleure pas. Dieu est bon. Aie foi, et les enfants qui te restent pourront revenir vers toi un jour. Les autres sont en paix…
 
       – Je pense que c’est un châtiment parce qu’ils sont de cet endroit…
 
       – Aie foi. Dieu est plus juste que les hommes… »
 
       Les apôtres qui étaient allés dans les différentes pièces avec Pierre, reviennent en apportant les vivres. Ils réchauffent l’agneau rôti par Nikê et le déposent sur la table. Jésus offre et bénit. Il insiste pour que la petite vieille se joigne à eux, au lieu de rester dans son coin à manger les pauvres radis qui composent son dîner…
 
       L’exil aux confins de la Judée est commencé…

 


[1] Une narration de 2011 mentionne ce torrent oublié, sauf de Maria Valtorta : "Ce torrent d’Éphraïm, oublié aujourd’hui, qui n’apparait que dans les vieux récits, les photographies anciennes, les souvenirs des vieillards, et les visions de Maria Valtorta, la mystique italienne …"
[2] Cf. EMV 548.9.
 
[3] Cf. EMV 549.15.
 
[4] Matthieu 10,28 – Luc 12,4
 
[5] Luc 9,62.
 
[6] Cf. EMV 45.5.
 
[7] Il nous a dit en EMV 80.10.
 
[8] Ennon (Aenon).
 
[9] Jésus lors de son voyage pour les derniers Tabernacles était passé à Éphraïm où il avait été très bien accueilli Cf. EMV 484.1/7.
 
[10] Malachie est le nom du chef de la synagogue d’Ephraïm, comme nous le verrons en EMV 552.5 et par la suite. Il s’agit du notable rencontré en EMV 484.1/2.



*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-012.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/decret-du-sanhedrin-contre-jesus.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 3 Avr - 22:00

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
552. Préparatifs et accueils à Ephraïm
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 13.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 552.
 
Le 8 janvier 1947
 
Dimanche 30 décembre 29
Ephraïm

 
       552.1 « Maître, paix à toi, disent Pierre et Jacques, fils de Zébédée, qui reviennent à la maison, chargés de brocs remplis d’eau.
 
       – Paix à vous ! D’où venez-vous ?
 
       – Du torrent. Nous sommes allés chercher de l’eau et nous retournerons en prendre pour le ménage, puisque nous sommes au repos… Et il n’est pas juste que la vieille femme se fatigue pour nous. Elle est à côté, en train de faire du feu pour chauffer l’eau. Mon frère est parti ramasser du bois dans la forêt. Comme il ne pleut pas depuis quelque temps, il brûle comme de la bruyère, explique Jacques, fils de Zébédée.
 
       – Oui. Mais le problème est que… il avait beau faire à peine jour, on nous a vus au torrent et dans la forêt. Dire que j’étais allé au torrent pour ne pas me rendre à la fontaine ! dit Pierre.
 
       – Et pourquoi, Simon ?
 
       – Parce que, à la fontaine, il y a toujours du monde ; les gens pouvaient nous reconnaître et accourir ici… »
 
       Pendant qu’ils parlent, les deux fils d’Alphée, Judas et Thomas sont entrés dans le long corridor qui sépare en deux la maison, de sorte qu’eux aussi entendent les derniers mots de Pierre et la réponse de Jésus :
 
       « Ce qui ne serait pas arrivé aux premières heures du jour serait certainement arrivé plus tard, demain tout au plus, puisque nous restons ici…
 
       – Ici ? Mais… Je croyais que c’était seulement une escale…» disent plusieurs.
 
       « – Ce n’est pas une simple escale. C’est un séjour. Nous ne partirons d’ici que pour revenir à Jérusalem, à la Pâque [1].
 
       – Oh ! moi, j’avais cru que, quand tu parlais d’un pays de loups et de vautours, tu citais cette région [2], que tu voulais traverser, comme tu l’as déjà fait à d’autres reprises, pour te rendre dans d’autres contrées sans suivre les routes fréquentées par les juifs et les pharisiens… » dit Philippe en arrivant à son tour.
 
       D’autres renchérissent :
 
       « C’est ce que je croyais moi aussi.
 
       – Vous avez mal compris. Ce n’est pas ici, le pays des loups et des vautours dont je parlais, bien que de vrais loups aient leurs tanières sur les monts [3], mais je ne parle pas des animaux…
 
       – Oh ! cela, on l’avait compris ! s’écrie Judas, quelque peu ironique. Pour toi, qui t’appelles l’Agneau, il est clair que ce sont les hommes qui sont des loups. Nous ne sommes pas complètement idiots.
 
       – Non. Vous ne l’êtes pas, si ce n’est pour ce que vous ne voulez pas comprendre, c’est-à-dire ce qui concerne ma nature et ma mission, ainsi que la peine que vous me causez en ne travaillant pas assidûment à vous préparer à l’avenir. C’est pour votre bien que je parle et que je vous instruis par mes actes et mes paroles. Mais vous rejetez ce qui trouble votre humanité : l’annonce de souffrances à venir et l’exigence de redoubler d’efforts contre votre moi. 552.2 Ecoutez-moi, avant que des étrangers ne viennent se mêler à nous. Je vais vous diviser en deux groupes de cinq, et sous la conduite de votre chef de groupe, vous parcourrez les campagnes voisines, comme dans les premiers temps. Rappelez-vous tout ce que je vous ai dit alors et mettez-le en pratique. La seule exception, c’est que vous passerez en annonçant désormais la proximité du jour du Seigneur, même aux Samaritains, pour qu’ils soient préparés quand il viendra, et qu’il vous soit plus facile d’obtenir leur conversion au Dieu unique. Soyez pleins de charité et de prudence, exempts de préjugés. Vous voyez, et vous verrez davantage, que ce qui nous est refusé ailleurs nous est permis ici. Par conséquent, soyez bons avec les innocents qui paient pour les fautes de leurs pères. Pierre sera le chef de Jude, Thomas, Philippe et Matthieu. Jacques, fils d’Alphée, sera le chef d’André, Barthélemy, Simon le Zélote et Jacques, fils de Zébédée. Judas et Jean resteront avec moi. Il en sera ainsi à partir de demain. Aujourd’hui, nous nous reposerons en faisant ce qui nous prépare aux jours à venir. Nous passerons le sabbat tous unis. Faites en sorte, par conséquent, d’être rentrés ici avant le sabbat, pour repartir quand il sera passé. Ce sera le jour de l’amour entre nous, après avoir aimé le prochain dans le troupeau sorti du bercail paternel. Maintenant, que chacun de vous remplisse sa tâche. »
 
       Il reste seul et se retire dans une pièce au fond du corridor.
 
       La maison résonne de pas et des voix, bien que tous soient dans les pièces et qu’on ne voie personne en dehors de la petite vieille, qui traverse plusieurs fois le couloir pour vaquer à ses occupations, dont l’une est certainement le pain, car elle a les cheveux enfarinés et les mains couvertes de pâte.
 
       552.3 Après quelque temps, Jésus sort et monte sur la terrasse de la maison. Il marche là-haut en méditant et en jetant parfois un coup d’œil sur ce qui l’entoure.
 
       Il est rejoint par Pierre et Judas qui, visiblement, ne sont pas très gais. Pour Pierre, c’est probablement une peine de se séparer de Jésus. Sûrement c’en est une pour Judas, de rester sans pouvoir aller se mettre en vue dans les villes. Il est certain qu’ils sont très dépités quand ils montent sur la terrasse.
 
       « Venez ici : admirez quel beau panorama on voit d’ici ! »
 
       Et Jésus montre l’horizon aux aspects variés. Au nord-ouest, des monts élevés, boisés, qui s’allongent comme une épine dorsale du nord au sud. L’un d’eux, en arrière d’Ephraïm, est un véritable géant vert qui dépasse les autres [4]. Au nord-est et au sud-est, des collines plus douces ondulent. Le village se trouve dans une cuvette verdoyante avec des fonds lointains [5], sans relief entre les deux chaînes, l’une plus haute, l’autre plus basse, qui descendent du centre de la région vers la plaine du Jourdain. Par une échancrure entre les monts les moins élevés, on entrevoit cette plaine émeraude, au-delà de laquelle coule le Jourdain bleu. Au cœur du printemps, ce doit être un endroit magnifique, entièrement vert et fertile. Pour le moment, les vignes et les vergers interrompent par leur couleur sombre la verdure des champs de blé, où les tiges tendres sortent des sillons [6], et celle des pâturages nourris par un sol fertile.
 
       Si l’apôtre Jean qualifie de désert les terres qui se trouvent au-delà d’Ephraïm [7], c’est la preuve que le désert de Judée était bien doux, du moins dans cette région. C’était plutôt un désert uniquement parce qu’il ne s’y trouvait pas de villages : il était entièrement occupé par des bois et des pâturages parcourus de joyeux petits torrents. Il était bien différent des terres qui avoisinent la mer Morte : celles-ci peuvent à juste titre être appelées “ désert ” en raison de leur aridité, de l’absence de végétation, si on excepte les touffes de plantes basses, épineuses, tordues, couvertes de sel, qui poussent entre les rochers et les sables salés. Mais ce doux désert qui se trouve au-delà d’Ephraïm sur d’assez longs espaces se pare de vignes, d’oliviers et de vergers, et actuellement sourient au soleil les amandiers épars çà et là avec leurs touffes d’un blanc rosé, sur les pentes qui seront bientôt couvertes par les festons des vignes d’où sort une nouvelle frondaison.
 
       « Je pourrais presque croire que je suis dans ma ville ! lance Judas.
 
       – Cela ressemble aussi à Yutta, avec la différence que le torrent s’y trouve en contrebas et la ville plus haut. Ici, au contraire, le village semble être situé dans une vaste cuve avec le fleuve au milieu. C’est un pays de riches vignobles ! Il doit être très beau et très bon, pour leurs propriétaires, de posséder ces terres, constate Pierre.
 
       – “ Que son pays soit béni par le Seigneur avec les fruits du ciel et les rosées, avec les sources qui jaillissent de l’abîme, avec les fruits que font pousser le soleil et la lune, ceux des cimes de ses montagnes antiques, ceux des collines éternelles et avec les moissons abondantes des blés ” [8], est-il écrit. Et c’est sur ces paroles du Pentateuque qu’ils fondent leur orgueilleux entêtement à se croire supérieurs. C’est ainsi. Même la parole de Dieu et les dons de Dieu, s’ils tombent sur des cœurs pris par l’orgueil, deviennent une cause de ruine, non par eux-mêmes, mais à cause de la vanité qui altère leur substance bonne, dit Jésus.
 
       – Bien sûr. Et, du juste Joseph, ils n’ont gardé que la fureur du taureau et le cou de rhinocéros [9]. Je n’aime pas rester ici. 552.4 Pourquoi ne me laisses-tu pas partir avec les autres ? se lamente Judas.
 
       – Tu n’aimes donc pas rester avec moi ? demande Jésus, qui cesse d’admirer le paysage et se tourne pour dévisager Judas.
 
       – Avec toi, si, mais pas avec les habitants d’Ephraïm.
 
       – La belle raison ! Et nous, alors, qui parcourrons la Samarie ou la Décapole — nous ne pourrons aller que dans ces régions dans le temps prescrit d’un sabbat au sabbat suivant —, nous nous trouverons peut-être parmi des saints ? décoche Pierre en guise de reproche à Judas, qui ne répond rien.
 
       – Que t’importe de qui tu es voisin si tu sais tout aimer à travers moi ? Aime-moi dans le prochain et tout endroit sera pareil pour toi » dit calmement Jésus.
 
       Judas ne répond pas non plus à Jésus. Pierre gémit :
 
       « Et dire que, moi, je dois partir… Je resterais si volontiers ici ! D’autant plus… pour ce que je sais faire ! Choisis au moins pour chef Philippe ou ton frère, Maître [10]. Moi… quand il s’agit de commander : “ faisons ceci, allons à cet endroit ”, je sais encore. Mais si je dois parler !… Je gâterai tout.
 
       – L’obéissance te permettra de tout mener à bien. Ce que tu feras me plaira.
 
       – Dans ce cas… si cela te plaît, cela plaît à moi aussi. Il me suffit de te faire plaisir. 552.5 Mais voilà ! Je l’avais bien dit ! La moitié de la ville arrive… Regarde ! Le chef de la synagogue… les notables… leurs femmes… les enfants et le peuple !
 
       – Allons à leur rencontre » ordonne Jésus.
 
       Il se hâte de descendre par l’escalier en hélant les autres apôtres pour qu’ils sortent avec lui de la maison.
 
       Les habitants d’Ephraïm s’avancent en montrant les signes de la plus grande déférence et, après les salutations de règle, un homme, peut-être le chef de la synagogue, prend la parole au nom de tous :
 
       « Béni soit le Très-Haut pour cette journée, et béni soit son Prophète, qui est venu à nous parce qu’il aime chacun au nom du Dieu très-haut. Béni sois-tu, Maître et Seigneur, qui t’es souvenu de notre cœur et de nos paroles, et qui es venu te reposer parmi nous. Nous t’ouvrons nos cœurs et nos maisons en demandant ta parole pour notre salut. Béni soit ce jour car, par lui, l’homme qui sait l’accueillir avec un esprit droit verra le désert fructifier.
 
       – Tu as bien parlé, Malachie. L’homme qui sait accueillir avec un esprit droit Celui qui vient au nom de Dieu, verra fructifier son propre désert et devenir domestiques les arbres robustes, mais sauvages qui s’y trouvent [11]. Je resterai parmi vous. Et vous viendrez à moi, en bons amis. Quant à mes apôtres, ils porteront ma parole à ceux qui savent l’accueillir.
 
       – Ce n’est pas toi qui nous enseigneras, Maître ? demande Malachie, l’air un peu déçu.
 
       – Je suis venu ici me recueillir et prier, pour me préparer aux grands événements à venir. Vous déplaît-il que j’aie choisi votre village pour me reposer ?
 
       – Oh non ! Te voir prier, ce sera déjà nous rendre sages. Merci de nous avoir choisis pour cela. Nous ne troublerons pas ta prière et nous ne permettrons pas que tu sois dérangé par tes ennemis. Car on sait déjà ce qui est arrivé et ce qui arrive encore en Judée [12]. Nous ferons bonne garde. Et nous nous contenterons de l’une de tes paroles quand il te sera facile de la donner. Accepte, en attendant, ces dons de l’hospitalité.
 
       – Je suis Jésus, et je ne repousse personne. J’accepte donc ce que vous m’offrez pour vous montrer que je ne vous repousse pas. Mais si vous voulez m’aimer, remettez désormais aux pauvres du village ou aux gens de passage, ce que vous me donneriez, à moi. Je n’ai besoin que de paix et d’amour.
 
       – Nous le savons. Nous savons tout. Et nous comptons te donner ce dont tu as besoin au point de te faire t’écrier : “ La terre qui devait être pour moi l’Egypte, c’est-à-dire la douleur, a été pour moi, comme pour Joseph, fils de Jacob, une terre de paix et de gloire. [13] ”
 
       – Si vous m’aimez, en acceptant ma parole, c’est ainsi que je parlerai. »
 
       Les habitants remettent leurs offrandes aux apôtres et se retirent, hormis Malachie et deux autres qui parlent à voix basse à Jésus.
 
       Il reste aussi les enfants, pris par la fascination habituelle que Jésus exerce sur les plus petits. Ils restent, sourds à la voix de leurs mères qui les appellent, et ils ne s’en vont pas tant que Jésus ne les a pas caressés et bénis. Alors, gazouillant comme des hirondelles, ils s’envolent, suivis par les trois hommes.

 


[1] Le séjour à Ephraïm va donc durer plusieurs mois.
 
[2] Philippe, et plusieurs autres, n'avaient donc pas compris les propos de Jésus, en EMV 551.6.
 
[3] Il y a eu des loups jusqu'à une époque récente comme en témoigne cette narration de 2011 à Taybeh (Éphraïm) : "Continuons à descendre doucement le fond incliné du vallon, creusant la colline parallèlement à la route de Jéricho. Magnifiques olivaies aux troncs noueux et centenaires dont les frondaisons argentées rayonnent dans la lumière printanière sur les parterres de fleurs éphémères. Jonquilles, anémones, narcisses, pâquerettes, violettes, saxifrages, clochettes, pétales, pistils, corolles étoilées… Fraicheur multicolore d’une flore montagnarde et méditerranéenne. Laissons à gauche la grotte aux loups, ou aux chacals – Magharet-Al-Wawi -, où gitait parfois une petite meute il y a quelques décennies à peine…".
 
[4] C'est le mont Baal-Haçor (Tel Asour aujourd'hui). C'est le plus haut sommet (1011m) de la région, à 2km au nord-ouest d'Ephraïm.
 
[5] Aujourd'hui le village est sur le haut de la colline.
 
[6] Conforme à l'état du blé à la fin de l'hiver.
 
[7] Jean 11,54 : "Jésus se retira dans la région proche du désert, dans une ville nommée Ephraïm, où il séjourna avec ses disciples".
 
[8] Cf. Deutéronome 33,13-16.
 
[9] "Eux", ce sont les habitants d'Ephraïm. Judas, en réponse à Jésus, évoque "librement" la suite du Deutéronome 33,17, montrant sa bonne connaissance de ce texte concernant la tribu de Joseph, et la tribu d'Ephraïm. 

Rhinocéros ou buffle ? : Les exégètes sont partagés ! Le texte de la Vulgate donne: "eius cornua rinocerotis".
 
[10] Jude ou Philippe, du groupe dirigé par Pierre.
 
[11] Peut-on voir dans cette conversation une allusion à Isaïe 32,15-16 ? La réponse de Jésus le laisse supposer. Traduction de la Bible de Sacy : "Jusqu’à ce que l’esprit soit répandu sur nous du haut du ciel, et que le désert se change en un champ cultivé et plein de fruits".
 
[12] Les messagers, partis le vendredi après-midi, ont pu transmettre la nouvelle jusqu'aux confins de la Samarie.
 
[13] Allusion à la vente  de Joseph de Jacob comme esclave en Égypte (Genèse 37,28 et 37,36), puis à son succès auprès du pharaon (Genèse 39,1-6).



 
*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-013.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/preparatifs-et-accueils-a-ephraim.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 4 Avr - 21:51

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
553. Début du sabbat à Ephraïm. Les voleurs du mont Hadomim. Trois enfants secourus
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 14.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 553.
 
Le 11  janvier 1947
 
Vendredi 4 janvier 30
Ephraïm

 
       553.1 Les dix apôtres, fatigués et couverts de poussière, rentrent à la maison. Ils s’empressent de questionner la femme, qui leur ouvre la porte en les saluant :
 
       « Où se trouve le Maître ?
 
       – En forêt, je crois, en train de prier comme toujours. Il est sorti de grand matin et n’est plus revenu.
 
       – Et personne n’est allé le chercher ? Mais que font ces deux-là ?! s’écrie Pierre, tout agité.
 
       – Ne t’inquiète pas, homme. Parmi nous, il est en sécurité comme s’il était chez sa Mère.
 
       – En sécurité ! En sécurité ! Vous vous rappelez Jean-Baptiste ? Il était peut-être en sécurité ? [1]
 
       – Non, parce qu’il n’a pas su lire dans le cœur de celui qui lui parlait. Mais si le Très-Haut a permis cela pour Jean-Baptiste, il ne le permettra certainement pas pour son Messie. Tu dois le croire encore mieux que moi, qui suis femme et samaritaine.
 
       – Marie a raison. Mais où est-il allé exactement ?
 
       – Je l’ignore. Il va tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Parfois seul, parfois avec des enfants, qui l’aiment tant. Il leur apprend à prier en reconnaissant Dieu en toutes choses. Mais aujourd’hui, il est seul, car il n’est pas venu à sexte. Quand il a les enfants avec lui, il revient, parce que ce sont des oiseaux qui veulent la becquée à des heures régulières… »
 
       La petite vieille sourit, en se rappelant peut-être ses dix enfants, puis elle soupire… parce que joies et douleurs s’entremêlent dans les souvenirs de la vie.
 
       « Et Judas et Jean, où sont-ils ?
 
       – Judas est à la fontaine, Jean ramasse du bois. Je n’en avais plus, car j’ai lavé tous vos vêtements pour vous les donner propres à votre départ.
 
       – Que Dieu te récompense, mère. Tu as beaucoup de travail à cause de nous… dit Thomas en posant une main sur l’épaule maigre et voûtée, comme pour la caresser.
 
       – Oh !… Ce n’est pas de la fatigue, c’est comme si j’avais mes enfants… » reprend-elle en souriant, avec une larme qui brille dans ses yeux enfoncés de vieille femme.
 
       553.2 Jean rentre, ployant sous une grosse charge de bois ; on dirait que le couloir plutôt sombre s’éclaire à sa venue. J’ai toujours remarqué la clarté qui semble s’allumer là où est Jean. Son sourire d’enfant, si doux, si franc, son œil limpide et rieur comme un beau ciel d’avril, sa voix joyeuse quand il salue affectueusement ses compagnons, sont comme un rayon de soleil ou un arc-en-ciel de paix. Tous l’aiment, à l’exception de Judas dont je ne sais s’il l’aime ou s’il le déteste, mais qui certainement l’envie et souvent se moque de lui, parfois l’offense. Mais, en ce moment, Judas n’est pas là.
 
       Ils l’aident à déposer sa charge et lui demandent où peut être Jésus. Jean aussi est un peu inquiet de son retard mais, plus confiant en Dieu que les autres, il dit :
 
       « Son Père le préservera du mal. Nous devons croire au Seigneur. » Et il ajoute : « Mais venez. Vous êtes fourbus et couverts de poussière. Nous vous avons gardé tout prêts votre dîner et de l’eau chaude. Venez, venez… »
 
       553.3 Judas revient à son tour, avec ses brocs qui débordent.
 
       « Paix à vous. Le voyage a-t-il été facile ? » demande-t-il.
 
       Mais il n’y a guère de bonté dans sa voix : on y sent plutôt un mélange de mépris et de mécontentement.
 
       « Oui, nous avons commencé par la Décapole.
 
       – Par peur d’être lapidés ou de vous contaminer ? questionne ironiquement Judas.
 
       – Ni l’un ni l’autre, mais par prudence de débutants. Et — ce n’est pas pour te faire des reproches — c’est moi qui l’ai proposé, moi dont les cheveux ont blanchi sur les parchemins » répond Barthélemy.
 
       Judas ne rétorque rien. Il part dans la cuisine, où ceux qui sont revenus se restaurent avec ce qui a été préparé.
 
       Pierre regarde Judas s’en aller, et il hoche la tête sans mot dire. Jude, de son côté, agrippe Jean par la manche et demande :
 
       « Comment a-t-il été ces jours-ci ? Toujours aussi agité ? Sois sincère…
 
       – Je suis toujours sincère, Jude. Mais je t’assure qu’il n’a pas fait souffrir. Le Maître est presque toujours seul. Moi, je reste avec la vieille mère, qui est si bonne ; j’écoute ceux qui viennent parler au Maître, et ensuite je le lui rapporte. Judas, de son côté, va au village. Il s’y est fait des amis… Que voulez-vous ! Il est ainsi… Il ne sait pas rester tranquille comme nous le saurions, nous…
 
       – Pour moi, qu’il fasse ce qu’il veut ! Il me suffit qu’il ne fasse pas souffrir.
 
       – Non. Pour cela, non. Il s’ennuie certainement. 553.4 Mais… Voilà le Maître ! J’entends sa voix. Il parle avec quelqu’un… »
 
       Ils courent dehors et voient Jésus s’avancer, dans le crépuscule qui descend, avec deux enfants sur les bras et un autre agrippé à son vêtement, et il les encourage, car ils pleurent.
 
       « Dieu te bénisse, Maître ! Mais d’où viens-tu, si tard ? »
 
       Jésus, en entrant dans la maison, répond :
 
       « J’arrive de chez les voleurs et j’ai fait une proie, moi aussi. J’ai marché après le coucher du soleil, mais mon Père m’en absoudra car j’ai accompli un acte de miséricorde… Prends-les, Jean, et toi aussi, Simon… J’ai les bras rompus… et je suis vraiment éreinté. »
 
       Il s’assied sur un tabouret près de la cheminée et sourit, fatigué, mais heureux.
 
       « De chez les voleurs ? Mais où donc es-tu allé ? Qui sont ces enfants ? Mais as-tu mangé ? Où étais-tu ? Il n’est pas prudent d’être dehors ainsi à la tombée de la nuit, et si loin !… Nous étions inquiets. Tu n’étais pas dans le bois ? »
 
       Ils parlent tous ensemble.
 
       « Je n’étais pas dans le bois. J’ai pris la direction de Jéricho…
 
       – Imprudent ! Sur ces chemins, tu peux trouver des gens qui te haïssent ! lui reproche Jude.
 
       – J’ai suivi le sentier qu’ils nous ont montré. Cela fait des jours que je voulais aller là-bas… Il y a des malheureux à racheter. A moi, ils ne pouvaient rien me faire de mal et je suis arrivé à temps pour ces enfants. Donnez-leur de quoi manger. Je crois qu’ils sont presque à jeun, car ils avaient peur des voleurs, et je n’avais pas de nourriture sur moi. Si au moins j’avais trouvé un berger !… Mais la proximité du sabbat avait déjà rendu déserts les pâturages…
 
       553.5 – Bien sûr ! Il n’y a que nous qui ne respectons pas le sabbat depuis quelque temps… remarque Judas, toujours blessant.
 
       – Comment parles-tu ? Qu’est-ce que tu insinues ? lui demandent-ils.
 
       – Je note que cela fait deux sabbats que nous travaillons après le coucher du soleil.
 
       – Judas, tu sais pourquoi nous devions marcher le dernier sabbat. Le péché n’appartient pas toujours à celui qui l’accomplit, mais aussi à celui qui force à l’accomplir. Et aujourd’hui… Je le sais : tu veux me dire qu’aujourd’hui encore j’ai violé le sabbat. Je te réponds que, aussi grande que soit la loi du repos sabbatique, le précepte de l’amour l’est davantage. Je ne suis pas tenu de me justifier à tes yeux, mais je le fais pour t’apprendre la mansuétude, l’humilité, et cette grande vérité que devant une nécessité sainte on doit savoir appliquer la loi avec souplesse d’esprit. Notre histoire possède des exemples d’une telle nécessité [2]. Je suis allé à l’aurore vers les monts Hadomim, car je sais qu’il s’y trouve des malheureux dont l’âme est rendue lépreuse par le crime. J’espérais les rencontrer, leur parler, revenir avant le coucher du soleil. Je les ai bien trouvés, mais je n’ai pu leur faire le discours prévu, car il y avait autre chose à dire… Ils avaient recueilli ces trois enfants qui pleuraient sur le seuil d’un pauvre bercail de la plaine. Ils étaient descendus de nuit pour voler des agneaux, et même pour tuer le berger s’il avait résisté. La faim est cruelle dans la montagne, en hiver… Et quand ce sont des cœurs cruels qui en souffrent, elle rend les hommes plus féroces que des loups. Ces gamins étaient donc là avec un petit berger à peine plus âgé qu’eux, et épouvanté comme eux. Le père des enfants, je ne sais pour quelle raison, était mort pendant la nuit. Il avait peut-être été mordu par quelque animal, ou son cœur l’avait lâché… Il était froid sur la paille près des brebis. L’aîné s’en est aperçu parce qu’il dormait à côté de lui. Ainsi les voleurs, là où ils auraient peut-être tué, trouvèrent un mort et quatre enfants en larmes. Ils abandonnèrent le mort et poussèrent en avant les brebis et le petit berger ; or, comme chez les plus farouches il peut y avoir une pitié qui ne s’éteint pas facilement, ils recueillirent aussi les enfants… Je les ai trouvés en train de discuter de ce qu’ils devaient faire. Les plus féroces voulaient tuer le berger de dix ans, dangereux témoin de leur vol et de leur refuge. Les moins durs voulaient le renvoyer en le menaçant, tout en retenant le troupeau. Mais tous voulaient garder les petits enfants.
 
       – Pour en faire quoi ? Ils n’ont pas de famille ?
 
       – Leur mère est morte. C’est pour cela que leur père les avait emmenés avec lui aux pâturages d’hiver, et maintenant il traversait ces montagnes pour remonter vers sa maison déserte. Pouvais-je laisser les petits aux voleurs pour qu’ils les rendent semblables à eux ? Je leur ai parlé… En vérité, je vous dis qu’ils m’ont compris mieux que beaucoup d’autres. Ils ont si bien compris qu’ils m’ont laissé les enfants et qu’ils accompagneront demain le petit berger sur la route de Sichem — c’est en effet dans ces campagnes que demeurent les frères de leur mère. En attendant, j’ai recueilli les enfants et je les garderai avec nous jusqu’à l’arrivée de leurs oncles.
 
       – Et tu t’imagines que les voleurs… dit Judas en riant.
 
       – Je suis certain qu’ils ne toucheront pas à un seul cheveu du jeune garçon. Ce sont des malheureux. Nous ne devons pas juger pourquoi ils le sont, mais nous devons essayer de les sauver. Une bonne action peut être le commencement de leur salut… »
 
       Jésus incline la tête, perdu dans je ne sais quelle pensée [3].
 
       553.6 Les apôtres et la vieille femme parlent, échangent des sentiments de compassion et s’empressent de réconforter les enfants apeurés…
 
       Jésus lève la tête en entendant pleurer le plus petit, un enfant brun d’environ trois ans, et il dit à Jacques qui s’efforce vainement de lui faire prendre du lait :
 
       « Donne-le-moi et va prendre mon sac… »
 
       Et il sourit en voyant le petit s’apaiser sur ses genoux et boire avidement le lait qu’il repoussait auparavant. Les autres, un peu plus grands, mangent la soupe qu’on a mise devant eux, mais des larmes coulent de leurs yeux.
 
       « Hélas ! Que de misères ! Que nous, nous souffrions, c’est juste, mais des innocents !… gémit Pierre, qui ne peut voir souffrir des enfants.
 
       – Tu es un pécheur, Simon. Tu fais des reproches à Dieu, persifle Judas.
 
       – Il est possible que je sois un pécheur, mais je ne fais pas de reproche à Dieu. Je dis seulement… Maître, pourquoi les enfants doivent-ils souffrir ? Eux n’ont pas de péchés.
 
       – Tous en ont, au moins le péché originel » déclare Judas.
 
       Pierre ne réplique pas, il attend la réponse de Jésus. Ce dernier, qui berce l’enfant maintenant repu et somnolent, répond :
 
       « Simon, la souffrance est la conséquence de la faute.
 
       – Bien. Alors… quand tu auras enlevé la faute, les enfants ne souffriront plus ?
 
       – Ils souffriront encore. Ne t’en scandalise pas, Simon. La douleur et la mort existeront toujours sur la terre. Même les plus purs souffrent et souffriront ; ce seront même eux qui souffriront pour tous : ce seront les hosties propitiatoires pour le Seigneur.
 
       – Mais pourquoi ? Je ne comprends pas…
 
       – Il y a bien des choses que l’on ne comprend pas sur la terre. Sachez croire au moins qu’elles sont voulues par l’Amour parfait. Et quand la grâce rendue aux hommes fera connaître aux plus saints d’entre eux les vérités cachées, on verra alors que ce seront justement les plus saints qui voudront être victimes, parce qu’ils auront compris la puissance de la souffrance… 553.7L’enfant dort. Marie, tu l’emmènes ?
 
       – Certainement, Maître. A enfant apeuré, court sommeil et beaucoup de larmes, et l’oiseau sans nid a besoin d’une aile maternelle, dit-on chez nous [4]. Mon lit est grand, maintenant que je suis seule à l’occuper. Je vais y porter les enfants et je veillerai sur eux. Eux aussi vont oublier leur douleur dans le sommeil. Venez, portons-les au lit. »
 
       Elle prend le plus petit des genoux de Jésus et s’en va, suivie de Pierre et de Philippe, tandis que Jacques, fils de Zébédée, revient avec le sac de Jésus.
 
       Jésus l’ouvre et fouille à l’intérieur. Il en retire un lourd vêtement, le déplie, en observe la taille. Il n’est pas satisfait. Il cherche le manteau, foncé comme le vêtement, le met de côté et referme le sac pour le rendre à Jacques.
 
       Pierre revient avec Philippe. La petite vieille est restée avec les trois frères, et Pierre voit tout de suite les effets dépliés mis de côté. Il dit :
 
       « Tu veux changer de vêtements, Maître ? Las comme tu l’es, un bain chaud devrait te remettre en forme [5]. Il y a de l’eau et nous allons réchauffer ce que tu veux mettre, puis nous souperons et nous irons nous reposer. Cette histoire des pauvres enfants m’a bien remué… »
 
       Jésus sourit, mais ne répond pas à la question. Il dit seulement :
 
       « Louons le Seigneur, qui m’a fait arriver à temps pour sauver ces innocents. »
 
       Puis, fatigué, il se tait…
 
       La petite vieille revient avec les haillons des enfants.
 
       « Il faudrait les changer… Ils sont déchirés et couverts de boue… Mais je n’ai plus les affaires de mes fils pour les remplacer. Je les laverai demain…
 
       – Non, Mère. Après le sabbat, tu vas coudre trois petits habits dans ceux-ci, qui sont à moi.
 
       – Mais, Seigneur, sais-tu que tu n’as plus maintenant que trois rechanges ? Si tu en enlèves une, avec quoi restes-tu ? Lazare n’est pas ici comme quand tu as donné ton manteau à la lépreuse ! [6] s’exclame Pierre.
 
       – Laisse-moi faire. Il en reste deux et c’est déjà trop pour le Fils de l’homme. Prends, Marie. Demain, au coucher du soleil, tu commenceras ton travail, et le Persécuté aura la joie de secourir le pauvre dont il comprend les peines. »
 

 


 
[1] Jean-Baptiste s'était réfugié à Ennon, hors de portée du Sanhédrin, mais il fut attiré dans un piège.
 
[2] Voir, à ce propos, ce que Jésus répond aux pharisiens qui reprochent à la troupe apostolique de cueillir des épis un sabbat (Matthieu 12, 1-8 - Marc 2, 23-28). Il fait référence à David en fuite qui, tenaillé par la faim, en vient à manger les "pains de propositions" normalement réservés aux prêtres.
 
[3] Peut-être pense-t-il alors à Dismas, le bon larron Cf. le chapitre suivant EMV 554.12 (note n° 6).
 
[4] Sans doute des dictons de cette région de Samarie.
 
[5] Un bain chaud avait déjà été utilisé pour Jésus et Jean transis de froid et de fatigue. Cf. EMV 481.3.
 
[6] Voir EMV 536.5



 
*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-014.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/les-voleurs-du-mont-hadomim.html


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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 5 Avr - 20:53

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
554. Le sabbat à Ephraïm, sur un îlot du torrent. Le péché originel expliqué aux trois enfants par une parabole
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 15.
Nouvelle édition : Tome 8, chapitre 554.
 
Le 12 janvier 1947
 
Samedi 5 janvier 30
Ephraïm

 
      554.1 « Levez-vous, nous irons le long du torrent. Comme des Hébreux hors de leur patrie et là où il n’y a pas de synagogues, nous allons célébrer le sabbat entre nous. Venez, mes enfants… ”, dit Jésus aux apôtres, oisifs dans le jardin de la maison ; et il tend la main vers les trois pauvres gamins qui se sont groupés dans un coin.

      Ils accourent, laissant apparaître une joie timide sur leur petit visage précocement pensif d’enfants qui ont connu des drames trop lourds pour eux, et les deux aînés glissent leur petite main dans celles de Jésus. Mais le plus petit veut être pris dans les bras, et Jésus le satisfait en disant au plus grand :

      « Tu vas rester à côté de moi et tu tiendras mon vêtement comme hier. Mais Isaac est trop fatigué et trop petit pour marcher tout seul… »

      Le bambin boit le sourire de Jésus et accepte, se contentant de marcher près de Jésus comme un petit homme.

      « Donne-moi le petit, Maître. Tu dois ressentir encore ta fatigue d’hier, et Ruben souffre de ne pas te donner la main… » dit Barthélemy,

      Il s’apprête à saisir le petit garçon, mais celui-ci s’agrippe au cou de Jésus.

      « Il est têtu comme tous ceux de sa race ! fulmine Judas.

      – Non : il a peur. Tu ne comprends rien aux enfants ! Ils sont ainsi. Quand ils sont affligés ou effrayés, ils cherchent un refuge auprès du premier qui leur a souri et qui les a réconfortés » réplique Barthélemy.

      Et, puisqu’il ne peut prendre dans ses bras le plus petit, il donne la main au plus grand, après lui avoir caressé les cheveux et souri paternellement.

      554.2 Une fois sortis de la maison — où il ne reste que la femme —, ils vont de l’autre côté du village en suivant le torrent. Qu’elles sont belles, ses berges couvertes d’herbe nouvelle et constellées de fleurs des prés ! L’eau est limpide et gazouille entre les rochers ; bien qu’elle soit peu abondante, elle fait entendre des notes de harpe et clapote en se brisant contre les plus gros cailloux épars sur le fond sableux, ou en s’insinuant entre les échancrures de quelque minuscule îlot couvert de roseaux. Près de la rive, les oiseaux s’envolent des arbres avec des trilles joyeux, se posent sur une branche en plein soleil en chantant leurs premières chansons printanières, ou descendent, gracieux et vifs, pour chercher des insectes et des vers dans le sol, ou pour boire près des berges. Deux tourterelles sauvages prennent leur bain dans une anse de la rive et se becquettent en roucoulant, puis s’envolent en emportant dans leurs becs un flocon de laine laissé par quelque brebis sur une branche d’aubépine qui fleurit au sommet.

      « Elles font cela pour construire leur nid, dit le plus grand des enfants. Elles ont sûrement des tourtereaux… »

      Il baisse la tête, bas, très bas, et après avoir esquissé un léger sourire aux premières mots, il pleure sans bruit en essuyant ses yeux de sa main.

      Avec son bon cœur de père de famille, Barthélemy le prend dans ses bras, comprenant quelle blessure ont pu provoquer les deux tourterelles en s’occupant de leur nid, et il soupire. Le petit garçon pleure sur son épaule et le deuxième, voyant ces larmes, se met à pleurer à son tour, imité par le troisième qui appelle son père de sa voix grêle d’enfant qui commence à parler.

      Judas s’en mêle :

      « Aujourd’hui, ce sera cela, notre prière du sabbat ! Tu aurais pu les laisser à la maison ! Une femme est plus indiquée que nous dans ces cas-là, et…

      – Mais elle ne fait que pleurer, elle aussi ! D’ailleurs, j’ai moi-même envie d’en faire autant… Car ce sont des drames… qui font trop de peine… lui répond Pierre, en prenant dans ses bras le deuxième enfant.

      – Oui, ce sont des choses qui font pleurer, c’est vrai. Et Marie, femme de Jacob, cette pauvre vieille femme affligée, n’est pas très capable de consoler… confirme Simon le Zélote.

      – Il ne semble pas que, nous non plus, nous y parvenions vraiment. 554.3 Le seul qui pouvait les consoler, c’était le Maître, et il ne l’a pas fait.

      – Il ne l’a pas fait ? Et que devait-il faire de plus ? Il a convaincu les voleurs. Il a parcouru plusieurs milles avec les enfants dans les bras, il s’est occupé d’avertir leur parenté…

      – Tout cela est secondaire. Lui, qui est Celui qui commande même à la mort, pouvait, ou plutôt devait descendre au bercail et ressusciter le berger. Il l’a bien fait pour Lazare qui n’était utile à personne ! Ici, il s’agit d’un père, qui plus est veuf, et d’enfants qui restent seuls… Cette résurrection s’imposait. Je ne te comprends pas, Maître…

      – Et nous, nous ne te comprenons pas, toi qui te montres si irrespectueux…

      – Paix, paix ! Judas ne comprend pas. Il n’est pas le seul à ne pas comprendre les raisons de Dieu, et les conséquences du péché. Toi aussi, Simon-Pierre, tu ne vois pas pourquoi les innocents doivent souffrir. Ne jugez donc pas Judas s’il ne comprend pas pourquoi l’homme n’est pas ressuscité. Si Judas réfléchissait, lui qui me reproche toujours de partir seul et au loin, il comprendrait que je ne pouvais aller si loin… En effet, le bercail se trouvait dans la plaine de Jéricho, mais au-delà de la ville, vers le gué. Qu’auriez-vous dit si je m’étais absenté pendant trois jours au moins ?

      – Tu pouvais commander par ton esprit au mort de ressusciter.

      – Es-tu plus exigeant que les pharisiens et les scribes, qui ont voulu avoir la preuve d’un mort déjà décomposé pour pouvoir dire que je ressuscite réellement les morts ?

      – Mais eux le voulaient parce qu’ils te haïssent. Moi, je le voudrais parce que je t’aime et que je voudrais te voir écraser tous tes ennemis.

      – Ton vieux sentiment et ton amour désordonné… Tu n’as pas su déraciner de ton cœur les vieux arbres pour les remplacer par de jeunes plants ; et les vieux, développés par la Lumière de laquelle tu t’es approché, sont devenus encore plus robustes. Ton erreur est celle de beaucoup de gens, présents et à venir, celle des hommes qui, malgré les secours de Dieu, ne changent pas parce qu’ils ne répondent pas par une volonté héroïque aux secours de Dieu.

      – Est-ce que, par hasard, les autres disciples ont détruit les vieux arbres ?

      – Ils les ont au moins beaucoup taillés et greffés. Toi, tu ne l’as pas fait. Tu n’as même pas regardé avec attention s’ils méritaient une greffe, la taille, ou s’il fallait les enlever. Tu es un jardinier imprévoyant, Judas.

      – Seulement pour mon âme cependant, car pour les jardins je sais m’y prendre.

      – Tu sais t’y prendre, oui. Pour tout ce qui concerne la terre, tu t’y connais. Je voudrais te voir les mêmes capacités pour les réalités du Ciel.

      – Mais ta lumière devrait faire d’elle-même toutes sortes de prodiges en nous ! N’est-elle pas bonne, peut-être ? Si elle fertilise le mal et lui donne de la force, alors elle n’est pas bonne, et c’est sa faute si nous ne devenons pas bons.

      – Parle pour toi, mon ami. Moi, je ne trouve pas que le Maître ait renforcé mes tendances mauvaises, rétorque Thomas.

      – Moi non plus.

      – Ni moi, renchérissent André et Jacques, fils de Zébédée.

      – Pour moi, bien au contraire, sa puissance m’a délivré du mal et m’a refait à neuf. Pourquoi parles-tu ainsi ? Est-ce que tu réfléchis avant d’ouvrir la bouche ? » demande Matthieu.

      554.4 Pierre est sur le point de s’exprimer, mais il préfère s’éloigner, et il se met à marcher vivement avec l’enfant à son cou, en imitant le balancement d’une barque pour le faire rire. En passant, il prend Jude par un bras et lui crie :

      « Allons là-bas, dans cette île ! Elle est remplie de fleurs comme une corbeille. Venez, Nathanaël, Philippe, Simon, Jean… Un bon saut, et on y est. Le torrent, ainsi divisé, ne forme plus que deux ruisseaux de chaque côté de l’île… »

      Et il bondit le premier en posant le pied sur un affleurement de sable large de quelques mètres, couvert d’herbe comme une prairie, tapissé des premières fleurs, au milieu desquelles se trouve un seul peuplier grand et élancé dont la cime ondule à une brise légère. Les apôtres qu’il a appelés le rejoignent lentement, suivis par ceux qui se trouvaient plus près de Jésus, mais ce dernier reste en arrière pour parler avec Judas.

      « Mais il n’a pas encore fini, celui-là ? demande Pierre à son frère.

      – Le Maître est en train de travailler son cœur, répond André.

      – Eh ! il serait plus facile de faire pousser des figues sur cet arbre que de faire naître la justice dans le cœur de Judas.

      – Et dans son cerveau, renchérit Matthieu.

      – Il est horripilant parce qu’il veut toujours paraître le plus malin et avoir le dernier mot, dit Jude.

      – Il souffre parce qu’il n’a pas été choisi pour évangéliser. Moi, je le sais, explique Jean.

      – Pour ma part… S’il veut prendre ma place… Je ne tiens pas vraiment à y aller ! s’exclame Pierre.

      – Aucun de nous n’y tient, mais lui, si. D’un autre côté, mon Frère ne veut pas l’envoyer. Ce matin, je lui en ai parlé, car j’avais compris d’où venait la mauvaise humeur de Judas. Mais Jésus m’a répondu : “ C’est justement parce qu’il a le cœur si malade que je le garde près de moi. Ce sont ceux qui souffrent et qui sont faibles, qui ont besoin d’un médecin et de quelqu’un pour les soutenir. ”

      – Oui !… C’est bien !… 554.5 Venez, mes enfants ! Prenons ces beaux roseaux pour en faire des petits bateaux. Voyez comme ils sont beaux ! Et, mettons ces fleurs à l’intérieur, en guise de pêcheurs. Regardez si elles ne ressemblent pas à des têtes, avec un chapeau blanc et rouge… Ici, nous allons faire le port, et là, les maisons des pêcheurs… Maintenant, nous allons attacher les barques avec ces grands joncs, et vous pourrez les faire se déplacer sur l’eau, comme ça… Et puis vous les tirez sur la rive après la pêche… Vous pouvez aussi faire le tour de l’île… attention aux rochers, hein !… »

      Pierre est admirable de patience. Il a travaillé avec son couteau des morceaux de roseaux, en les taillant d’un nœud à l’autre et en les découvrant d’un côté pour transformer les roseaux en petites barques, il a mis pour servir de pêcheurs des pâquerettes encore en bouton, il a creusé dans le sable un port lilliputien et fabriqué des maisons avec le sable humide. Une fois atteint son but d’amuser les enfants, il s’assied, manifestement satisfait, en murmurant :

      « Pauvres gosses !… »

      Jésus pose le pied sur l’île au moment même où les deux bambins commencent leur jeu, et il les caresse en déposant à terre le plus petit, qui s’associe au jeu de ses frères.

      « Je suis à vous. Et maintenant parlons de Dieu, car parler de Dieu et parler à Dieu c’est se préparer à la mission. Et après avoir prié, c’est-à-dire parlé à Dieu, nous parlerons de Dieu, qui est présent en toutes choses, afin d’enseigner ce qui est bon. Allons, levez-vous et prions. »

      Et il entonne des psaumes en hébreu, auxquels s’associent les apôtres.

      En entendant chanter ces hommes, les enfants, qui s’étaient éloignés avec leurs petits bateaux, suspendent leur babillage et leurs jeux, et s’approchent. Ils écoutent avec attention, les yeux fixés sur Jésus qui, pour eux, est tout ; puis, avec l’esprit d’imitation de cet âge, ils prennent la même pose que ceux qui prient et essaient de suivre le chant en fredonnant l’air, car ils ne connaissent pas les paroles des psaumes. Jésus baisse les yeux vers eux, et il les regarde avec un sourire qui encourage le chant des petites voix innocentes. Se sentant approuvés, ils reprennent courage…

      Le chant des psaumes s’achève. 554.6 Jésus s’assied sur l’herbe et prend la parole:

      « Quand les rois d’Israël, celui de Joram et celui de Juda, se réunirent pour combattre le roi de Moab, ils s’adressèrent au prophète Elisée pour lui demander conseil. Celui-ci répondit à l’envoyé du roi : “ Si je n’avais pas de respect pour Josaphat, roi de Juda, je ne t’aurais même pas regardé. Mais maintenant, amenez-moi un joueur de harpe. ” Et pendant que le harpiste jouait, Dieu parla à son prophète pour ordonner de faire creuser plusieurs fossés dans le torrent à sec, afin qu’il s’emplisse d’eau pour les hommes et les bêtes. Et, à l’heure du sacrifice du matin, le torrent, sans qu’il y eût du vent ou de la pluie, s’emplit comme le Seigneur l’avait dit [1]. Quelles sont selon vous les leçons de cet épisode ? Parlez ! »

      Les apôtres se consultent. Les uns pensent :

      « Dieu ne parle pas quand le cœur est troublé. Elisée veut calmer l’indignation qui lui vient de se trouver en face du roi d’Israël, pour pouvoir entendre Dieu. »

      D’autres disent:

      « C’est une leçon de justice. Elisée, pour ne pas punir le roi de Juda innocent, sauve même le coupable. »

      D’autres encore :

      « C’est une leçon d’obéissance et de foi. Ils ont creusé les fossés pour obéir à un commandement stupide en apparence, et ils ont attendu l’eau avec foi, bien que le ciel soit serein et sans vent.

      – Vous avez bien répondu, mais pas complètement. Quand le cœur est troublé, Dieu ne parle pas. C’est vrai. Mais il n’est pas besoin de harpe pour calmer le cœur. Il suffit d’avoir la charité, cette harpe spirituelle qui donne des notes de paradis. Quand une âme vit dans la charité, elle a le cœur calme, elle entend la voix de Dieu et la comprend. ”

      – Alors Elisée n’avait pas la charité puisqu’il était troublé.

      – Elisée appartenait au temps de la Justice. Il faut savoir transporter au temps de la Charité les épisodes anciens et les voir, non pas à la lumière des foudres, mais à celle des astres. Vous appartenez au temps nouveau. Pourquoi donc êtes-vous si souvent plus irascibles et plus troublés que les hommes des temps anciens ? Dépouillez-vous du passé. Je le répète, même si cela ne plaît pas à Judas de l’entendre encore une fois : déracinez, taillez, greffez, plantez de nouveaux arbres. Renouvelez-vous, creusez les fossés de l’humilité, de l’obéissance, de la foi. Ces rois surent le faire or, à deux contre un, ils n’étaient pas de Juda, et n’entendirent pas Dieu mais le prophète de Dieu leur répéter les volontés du Très-Haut. Ils seraient morts de soif par suite du manque d’eau s’ils n’avaient pas su obéir. Mais ils obéirent, et l’eau remplit les fossés qu’ils avaient creusés, de sorte que, non seulement ils échappèrent à la soif, mais ils vainquirent leurs ennemis. Je suis l’Eau de la vie. Creusez des fossés dans vos cœurs pour pouvoir me recevoir.

      554.7 Et maintenant, écoutez : je ne fais pas de longs discours. Je vous livre des pensées pour que vous les méditiez. Vous serez toujours comme ces enfants, et même moins qu’eux, car eux sont innocents alors que vous ne l’êtes pas, si bien que la lumière spirituelle est plus trouble en vous si vous ne vous habituez pas à méditer. Vous écoutez toujours, mais ne retenez jamais, car votre intelligence est en sommeil au lieu d’être active. Réfléchissez donc : quand la Sunamite perdit son fils, elle voulut aller trouver le prophète bien que son mari lui dise que ce n’était pas le premier du mois et que ce n’était pas le sabbat. Mais elle savait qu’elle devait s’y rendre, car certaines démarches ne souffrent pas de retard. Et parce qu’elle sut avoir cette bonne intelligence spirituelle, son fils ressuscita [2]. Qu’en dites-vous?

      – Que c’est un reproche pour moi à propos du sabbat, dit Judas.

      – Tu vois donc, Judas, que quand tu veux, tu sais comprendre ? Ouvre donc ton esprit à la justice.

      – Oui… mais tu n’as pas violé le sabbat pour ressusciter l’homme.

      – J’ai fait davantage : j’ai empêché la ruine, la mort de ces enfants, la vraie mort, et j’ai rappelé aux voleurs que…

      – Oh ! attends pour prétendre avoir fait quelque chose ! Moi, je ne crois pas que ces vauriens t’obéiront…

      – Si le Maître l’affirme…

      – Elisée lui-même, dans le récit de la Sunamite, déclare : “ Le Seigneur l’a tenu secret pour moi. ” Donc on ne sait pas toujours tout, même par les prophètes, réplique Judas.

      – Notre Frère est plus qu’un prophète, objecte Jude.

      – Je le sais. C’est le Fils de Dieu. Mais c’est aussi l’Homme. Comme tel, il peut lui arriver de ne pas connaître des choses de moindre importance, comme une conversion et un retour… Maître, sais-tu vraiment toujours, toujours tout ? Je me le demande souvent… insiste Judas avec un désir tenace de savoir.

      – Et dans quelle intention ? Pour t’apporter la paix, pour te donner un conseil, pour te causer du tourment ? demande Jésus.

      – Mais… Je ne saurais. Je me le demande et…

      – Et tu sembles troublé même en te le demandant, constate Thomas.

      – Moi ? Il est sûr que la perplexité trouble toujours…

      – Que de subtilités ! Moi, je ne me pose pas tant de questions. Je crois sans tant chercher à connaître, et je ne suis pas du tout angoissé ni troublé. Mais laissons parler le Maître. Elle ne me plaît pas, cette leçon. Dis-nous plutôt une belle parabole, Maître. Elle plaira aussi aux enfants, dit Pierre.

      554.8 – J’ai encore une question à poser. Celle-ci : que signifie pour vous la farine qui enlève l’amertume à la soupe des fils des prophètes ? [3] »

      C’est un profond silence qui y répond.

      « Comment ? Vous ne savez pas quoi dire ?

      – Peut-être la farine absorbe-t-elle l’amertume… propose Matthieu, peu sûr de lui.

      – Tout aurait été amer, même la farine.

      – Par un miracle du prophète qui ne voulait pas mortifier le serviteur, suggère Philippe.

      – Aussi. Mais pas pour cette seule raison.

      – Le Seigneur a voulu faire briller la puissance du prophète, même sur les choses matérielles, dit Simon le Zélote.

      – Oui, mais ce n’est pas encore la juste signification. Les vies des prophètes anticipent ce qui sera dans la plénitude des temps : dans mon temps. Ils font voir mon jour terrestre sous des symboles et des figures. Donc… »

      Silence. Ils se regardent. Puis Jean baisse la tête, son visage s’enflamme, et il sourit.

      « Pourquoi ne dis-tu pas ce que tu penses, Jean ? lui demande Jésus. Ce n’est pas manquer à l’amour que de parler, puisque tu ne le fais pas pour humilier quelqu’un.

      – Je pense que cela signifie ceci : au temps de la faim de vérité et de la disette de sagesse, celui où tu es venu, tous les arbres sont retournés à l’état sauvage et ont donné des fruits amers, immangeables, comme empoisonnés pour les fils des hommes, de sorte que c’est en vain qu’ils les cueillent et les accommodent pour s’en nourrir. Mais la bonté de l’Eternel t’envoie, toi, farine de grain de choix, et toi, par ta perfection, tu enlèves le poison de toutes nourritures en leur rendant leur bonté première, et en rendant de nouveau comestibles les arbres des Ecritures, que les siècles ont dénaturés, et le palais des hommes que la concupiscence a corrompus. Dans ce cas, Celui qui ordonne d’apporter la farine et la verse dans la soupe amère, c’est ton Père, et c’est toi la farine qui se sacrifie afin de se faire nourriture pour les hommes. Une fois que tu auras été consommé, il n’y aura plus rien d’amer dans le

      monde, car tu auras rétabli l’amitié avec Dieu. 554.9 Je peux m’être trompé…

      – Non, tu ne t’es pas trompé. C’est bien le symbole.

      – Oh ! et comment as-tu fait pour y penser ? » s’étonne Pierre.

      C’est Jésus qui lui répond :

      « Je reprends tes mots de tout à l’heure : un bon saut, et l’on arrive sur l’île paisible et fleurie de la spiritualité. Mais il faut avoir le courage de le faire, en abandonnant la rive, le monde. Sauter sans se demander si quelqu’un rira de la gaucherie de notre bond ou se moquera de notre simplisme de préférer au monde un îlot solitaire. Sauter sans avoir peur de se blesser, de se mouiller ou d’être déçu. Quitter tout pour se réfugier en Dieu. S’établir sur l’île séparée du monde, et en sortir uniquement pour distribuer, à ceux qui sont restés sur la rive, les fleurs et les eaux pures recueillies dans l’île de l’esprit, où pousse un arbre unique : celui de la Sagesse. En restant près de lui, loin des bruits fracassants du monde, on en saisit toutes les paroles et on devient maître en sachant être disciple. Cela aussi est un symbole. 554.10 Mais maintenant, nous allons raconter une jolie parabole pour les enfants. Venez ici, tout près. »

      Les trois garçons s’approchent si près qu’ils s’asseyent tout bonnement sur les jambes de Jésus, qui les enlace de ses bras, et commence son récit :

      « Un jour le Seigneur Dieu dit : “ Je vais faire l’homme, et l’homme vivra dans le paradis terrestre où se trouve le grand fleuve qui ensuite se divise en quatre, formant le Phison, le Géhon, l’Euphrate et le Tigre, qui parcourent la terre. L’homme sera heureux, car il possédera toutes les beautés et tout ce qui est bon dans la Création, et mon amour pour la joie de son esprit. ” [5] Et c’est ce qu’il fit. C’était comme si l’homme se trouvait sur une grande île, mais encore plus fleurie que celle-ci, avec des arbres de toutes espèces et tous les animaux. Et tout au-dessus était l’amour de Dieu, qui servait de soleil à l’âme, et la voix de Dieu était dans les vents, plus mélodieuse qu’un chant d’oiseau.

      Mais voilà que, dans cette belle île fleurie, au milieu de toutes les bêtes et de toutes les plantes, entra en rampant un serpent différent de ceux qui avaient été créés par Dieu — ils étaient bons, sans crochet venimeux, sans férocité dans les replis de leur corps sinueux. Mais ce serpent-là s’était vêtu d’une peau aux couleurs des plus admirables pierres précieuses. Il s’était même fait plus beau, au point de ressembler à un grand collier de roi qui avançait en ondulant au milieu des magnifiques plantes du Jardin. Il alla s’enrouler autour d’un arbre qui s’élevait au milieu du Jardin, un bel arbre solitaire, beaucoup plus grand que celui-ci, et couvert de feuilles et de fruits merveilleux. Placé là, le serpent avait l’air d’un bijou, il brillait au soleil, et tous les animaux le regardaient, car aucun se souvenait de l’avoir vu être créé, ni même de l’avoir vu avant ce moment. Mais personne ne s’en approchait. Tous, au contraire, s’éloignaient de l’arbre maintenant qu’il avait le serpent autour de son tronc.

      Seuls l’homme et la femme s’en approchèrent, la femme avant l’homme parce qu’elle était charmée par cette apparition luisante et majestueuse qui bougeait la tête, semblable à une fleur à moitié éclose. Elle écouta ce que disait le serpent et désobéit au Seigneur, puis elle fit désobéir Adam. Ce fut seulement ensuite qu’ils virent le serpent pour ce qu’il était et qu’ils comprirent leur péché, car désormais ils avaient perdu l’innocence du cœur. Et ils se cachèrent pour échapper à Dieu qui les cherchait, puis ils mentirent à Dieu qui les interrogeait.

      Alors Dieu mit des anges à la limite du Jardin et en chassa les hommes. Ce fut comme si les hommes étaient jetés de la rive tranquille de l’Eden dans les fleuves remplis d’eau comme quand arrivent les crues du printemps. Mais Dieu laissa pourtant dans le cœur de ceux qui étaient chassés le souvenir de leur destinée éternelle, c’est-à-dire de leur passage du beau jardin, où ils entendaient la voix aimante de Dieu, au Paradis où ils auraient profité complètement de Dieu. Et avec ce souvenir, le Seigneur leur laissa le saint désir de retrouver le paradis perdu, en menant une vie de juste.

      Mais, mes enfants, vous avez vu tout à l’heure que, tant qu’un bateau descend en suivant le courant, il avance facilement. Au contraire, quand il le remonte, il a du mal à rester en surface, à ne pas être bousculé par l’eau, à ne pas faire naufrage au milieu des herbes et du sable, ou des pierres du cours d’eau. Si Simon-Pierre n’avait pas attaché vos petites barques avec les joncs souples de la rive, vous les auriez toutes perdues, comme c’est arrivé à Isaac quand il a lâché le jonc.

      Il arrive la même chose aux hommes jetés sur les courants de la terre : il leur faut toujours rester entre les mains de Dieu, en lui confiant leur volonté, qui est — comme le jonc — aux mains du bon Père qui est dans les Cieux et qui est le Père de tous et spécialement des innocents. Et ils doivent avoir l’œil bien ouvert pour éviter les herbes et les roseaux, les pierres, les tourbillons et la boue qui pourraient retenir, briser ou engloutir la barque de leur âme en arrachant le fil de la volonté qui les tient unis à Dieu. Car le Serpent, qui n’est plus dans le Jardin, se trouve maintenant sur la terre, et il cherche justement à mener les âmes au naufrage, et à les empêcher de remonter par l’Euphrate, le Tigre, le Géhon et le Phison jusqu’au grand Fleuve qui court dans le Paradis éternel et arrose les arbres de la Vie et du Salut. Or ce sont ces derniers qui portent les fruits perpétuels dont profiteront tous ceux qui ont su remonter le courant pour se réunir à Dieu et à ses anges sans avoir jamais plus à souffrir de rien.

      554.11 – Maman disait cela aussi, dit le plus grand des enfants.

      – Oui, elle disait ça, gazouille le plus petit.

      – Tu ne peux pas le savoir. Moi si, parce que je suis grand. Mais si tu racontes des choses qui ne sont pas vraies, tu n’entreras pas dans le Paradis.

      – Pourtant, Papa disait qu’il n’y avait rien de vrai, objecte le cadet.

      – Parce que lui ne croyait pas au Seigneur de Maman.

      – Ton père n’était pas samaritain ? demande Jacques, fils d’Alphée.

      – Non, il était d’ailleurs. Mais Maman était samaritaine, et nous sommes samaritains parce qu’elle voulait que nous soyons comme elle. Et elle nous parlait du Paradis et du Jardin, mais pas aussi bien que toi. Moi, j’avais peur du serpent et de la mort, car Maman disait que le serpent, c’était le diable, et parce que Papa prétendait que la mort est la fin de tout. A cause de cela, j’étais très malheureux d’être seul ; je disais aussi qu’il est inutile d’être bon désormais : quand nos parents étaient en vie, nous les réjouissions par notre bonté, mais, eux disparus, il n’y avait plus personne à qui faire ce plaisir. Maintenant, je sais… et je serai bon. Je n’enlèverai jamais mon fil des mains de Dieu de peur d’être emporté par les eaux de la terre.

      – Mais Maman, elle est allée en haut ou en bas ? demande, perplexe, le deuxième enfant.

      – Que veux-tu dire, mon petit ? questionne Matthieu.

      – Je dis : où est-elle ? Elle est allée au fleuve du Paradis éternel ?

      – Espérons-le, mon enfant. Si elle était bonne…

      – C’était une Samaritaine… lance avec mépris Judas.

      – Et alors ? il n’y a pas de Paradis pour nous, sous prétexte que nous sommes samaritains ? Alors, nous n’aurons pas Dieu, nous ? Lui l’a appelé “ le Père de tous. ” Moi qui suis orphelin, cela me plaisait de penser que j’ai encore un Père… Mais s’il n’y en a pas pour nous… »

      Il baisse la tête avec tristesse.

      « Dieu est le Père de tous, mon enfant. Est-ce que, par hasard, je t’ai moins aimé parce que tu es samaritain ? Je t’ai arraché aux voleurs, et je t’arracherai au démon, de la même façon que je lui arracherais le petit garçon du grand-prêtre du Temple de Jérusalem, s’il ne considérait pas comme une violence que le Rédempteur sauve son enfant. D’ailleurs, j’en fais encore plus pour toi, parce que tu es seul et malheureux. Pour moi, il n’y a aucune différence entre l’âme d’un juif et celle d’un Samaritain. Et d’ici peu, il n’y aura plus de séparation entre la Samarie et la Judée, car le Messie aura un peuple unique qui portera son nom, et auquel appartiendront tous ceux qui l’aimeront.

      – Moi, je t’aime, Seigneur. Mais tu me conduis auprès de ma mère ? dit le plus grand des trois enfants.

      – Tu ne sais pas où elle se trouve. Cet homme a seulement dit qu’il nous faut espérer… dit le cadet.

      – Moi, je l’ignore, mais le Seigneur le sait. Il a su où nous étions, alors que nous, nous ne savions même pas où nous étions.

      – Avec des voleurs… Ils voulaient nous tuer… »

      La terreur revient sur le petit visage du cadet.

      « Les voleurs étaient de vrais démons, mais lui nous a sauvés parce que nos anges l’ont appelé.

      – Maman aussi, les anges l’ont sauvée. Je le sais, parce que je rêve toujours d’elle.

      – Tu es un menteur, Isaac. Tu ne peux pas rêver d’elle : tu ne t’en souviens pas. »

      Le petit pleure en disant :

      « Non, non. Moi, je rêve vraiment d’elle !

      – Ne traite pas ton frère de menteur, Ruben. Son âme peut bien voir sa mère, car le bon Père des Cieux peut permettre à l’orphelin de rêver d’elle et de la connaître partiellement, comme il nous permet de le connaître lui-même. Car, de cette connaissance limitée, vient la bonne volonté de le connaître parfaitement, ce que l’on obtient en étant toujours très bons. 554.12 Et maintenant, partons. Le sabbat est sanctifié puisque nous avons parlé de Dieu. »

      Il se lève et entonne d’autres psaumes.

      Des habitants d’Ephraïm s’approchent en entendant le chœur. Ils attendent avec respect la fin du psaume pour saluer, et s’adressent à Jésus :

      « Tu as préféré venir ici, plutôt qu’avec nous ? Tu ne nous aimes donc pas ?

      – Aucun de vous ne m’avait invité. Je suis donc venu ici avec mes apôtres et les enfants.

      – C’est vrai. Mais nous croyions que ton disciple t’avait fait part de notre désir. »

      Jésus regarde Jean et Judas. Ce dernier répond :

      « J’ai oublié de le dire hier, et aujourd’hui, avec ces enfants, je n’y ai plus pensé. »

      Jésus, pendant ce temps, quitte l’îlot et passe le minuscule bras d’eau pour aller auprès des habitants d’Ephraïm. Les apôtres le suivent, tandis que les enfants s’attardent à délier les deux barques de roseau qui restent et, à Pierre qui les questionne, ils expliquent :

      « Nous voulons les garder pour nous rappeler la leçon.

      – Et moi ? Je l’ai perdue ! Je ne me souviendrai pas, et je n’irai pas au Paradis, pleurniche le plus petit.

      – Attends ! Ne pleure pas. Je te fais tout de suite le petit bateau. Bien sûr. Toi aussi, tu dois garder en mémoire cette leçon. Eh ! il faudrait que, tous, nous en fassions un avec son jonc attaché à la proue, pour nous rappeler. Ce serait plus utile pour nous, les hommes, que pour vous, les enfants ! Hélas ! »

      Après avoir taillé le jonc et fabriqué la barque, Pierre prend contre lui les trois enfants, en une seule brassée, et il saute le ruisseau pour aller auprès de Jésus.

      « Ce sont eux ? demande Malachie d’Ephraïm.

      – Oui.

      – Et ils sont de Sichem ?

      – C’est ce que disait le petit pâtre : que ses parents venaient des campagnes.

      – Pauvres enfants ! Mais si personne de leur parenté ne venait, que ferais-tu ?

      – Je les garderais avec moi. Mais ils viendront.

      – Ces voleurs… Ne vont-ils pas venir, eux aussi ?

      – Ils ne viendront pas, mais n’ayez pas peur d'eux. Même s’ils venaient… C’est moi qui les volerais et non pas eux qui vous voleraient. Je leur ai déjà enlevé leurs quatre proies, et j’espère avoir arraché un peu de leur âme au péché, au moins pour l’un ou l’autre [6].

      – Pour ces enfants, nous allons t’aider. Tu nous le permettras ?

      – Oui. Et ce n’est pas parce qu’ils sont de votre région, mais parce que ce sont des innocents, or aimer les innocents est un chemin qui mène rapidement à Dieu.

      – Mais toi seul ne fais pas de distinction entre innocents et innocents. Un Judéen n’aurait pas recueilli ces petits Samaritains, pas plus qu’un Galiléen. Nous ne sommes pas aimés. Et ce manque d’amour pour nous, ils l’ont aussi à l’égard des personnes qui ne savent même pas encore ce que c’est que d’être samaritain et juif. Et cela, c’est cruel.

      – Oui. Mais il n’en sera plus ainsi quand on suivra ma Loi. Tu vois, Malachie ? Ils sont dans les bras de Simon-Pierre, de mon frère et de Simon le Zélote. Aucun d’eux n’est samaritain, ni père. Et pourtant, tu ne serres pas tes enfants sur ton cœur avec autant d’amour que le font mes disciples pour les orphelins de Samarie. Voici quelle est l’idée messianique : réunir tout le monde dans l’amour. C’est la vérité de l’idée messianique. Un seul peuple sur la terre sous le sceptre du Messie. Un seul peuple dans le Ciel sous le regard d’un seul Dieu. »

      Tout en parlant, ils se dirigent vers la maison de Marie, femme de Jacob.


[1] 2 Rois 3,14-17.

[2] La femme de Chounem (ou sunamite) qui hébergeait Élisée à chaque passage dans sa ville. Son fils, né d'une prédiction d'Élisée mourut. 2 Rois 4,19-37.

[3] 2 Rois 4,40-41.

[4] Genèse 2,10-15.

[5] Chalem (Scialem), le petit-fils de Nahum, l'homme de confiance d'Hanne. Cet enfant difforme viendra demander la mort à Jésus (EMV 583).

[6] Dismas. Il a probablement été arrêté par les romains à cette époque (EMV 524). Jésus anticipe donc la victoire de sa Passion.



 
*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-015.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/le-peche-originel-explique-par-une-parabole.html
Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 6 Avr - 21:53

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
555. Enseignement nocturne à Simon-Pierre sur l'examen de conscience et sur la souffrance des bons et des innocents
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 16.
Nouvelle édition : Tome 9, chapitre 555.
 
Le 15 janvier 1947
 
Dimanche 6 janvier 30
Ephraïm

 
555.1 Jésus est seul dans une petite pièce. Assis sur sa couche, il réfléchit ou il prie. Un lumignon à huile sur une étagère éclaire la pièce de sa petite flamme jaunâtre palpitante. Il doit faire nuit, car on n’entend pas un bruit dans la maison ni sur le chemin. Seul le torrent, à l’extérieur, paraît gronder plus fort dans le silence de la nuit.

Jésus lève la tête pour regarder la porte. Il écoute, se lève, va ouvrir, et voit Pierre dehors.

« Toi ici ? Viens. Que veux-tu, Simon ? Tu es encore debout, toi qui as tant de route à faire ? [1] »

Il le prend par la main, l’attire à l’intérieur, referme la porte sans bruit, puis il le fait asseoir près de lui, sur le bord du lit.

« Je voulais te dire, Maître… oui, je voulais te dire que tu as vu aujourd’hui encore ce que je vaux. Je ne suis pas capable d’autre chose que d’amuser des enfants, de consoler une vieille femme, de rétablir la paix entre deux bergers en désaccord à cause d’une agnelle qui a perdu son lait. Je suis un pauvre homme, si bête que je ne comprends même pas ce que tu m’expliques. Mais c’est une autre chose. Maintenant, je voulais te demander de me garder ici, justement pour cette raison. Moi, je ne tiens pas à partir quand tu n’es pas avec nous. Et je ne sais pas m’y prendre… Accepte, Seigneur ! »

Pierre parle avec chaleur, mais en tenant les yeux fixés sur les carreaux grossiers et ébréchés du pavage.

« Regarde-moi, Simon » ordonne Jésus. Et comme Pierre obéit, Jésus le regarde intensément avant de lui demander : « Et c’est tout ? C’est pour cette seule raison que tu veilles ? C’est tout ce qui explique pourquoi tu demandes à rester ici ? Sois sincère, Simon. Ce n’est pas murmurer que de confier à ton Maître toute ta pensée. Il faut savoir distinguer entre parole oiseuse et parole utile. Une parole oiseuse — et c’est généralement dans l’oisiveté que fleurit le péché —, c’est par exemple rapporter les manquements d’autrui à quelqu’un qui n’y peut rien. Il s’agit tout simplement d’un manque de charité, même si ce qui est révélé est vrai. De même, c’est un manque de charité de faire des reproches plus ou moins acerbes sans y joindre un conseil. Et je parle des reproches justifiés. Les autres sont injustes, et sont des péchés contre le prochain. Mais quand on voit son prochain mal agir et qu’on en souffre, parce qu’en péchant il offense Dieu et fait du tort à son âme, quand on se rend compte que par soi-même on n’est pas capable d’estimer la portée du péché d’autrui, et qu’on ne se sent pas assez sage pour dire une parole qui puisse convertir, et qu’alors on s’adresse à un juste, à un sage, pour lui partager son souci, alors on ne commet pas de péché : en effet, le but de ces confidences est de mettre fin à un scandale et de sauver une âme. C’est comme si une personne avait un parent souffrant d’une maladie répugnante : elle cherchera certainement à la tenir cachée au peuple, mais en secret, elle ira dire au médecin : “ D’après moi, mon parent a telle ou telle maladie, mais je ne suis capable ni de le conseiller ni de le soigner. Viens toi-même, ou dis-moi ce que je dois faire. ” Cette personne manque-t-elle donc d’amour envers son parent ? Non, au contraire ! Elle en manquerait si elle feignait de ne pas s’apercevoir de la maladie et la laissait se développer jusqu’à la mort, par un sentiment mal compris de prudence et d’amour. 555.2 Un jour — mais pas dans des années —, tes compagnons et toi devrez écouter les confidences des cœurs, non pas comme vous le faites maintenant en tant qu’hommes, mais comme prêtres, c’est-à-dire médecins, maîtres et pasteurs des âmes, de la même manière que je suis moi-même Médecin, Maître et Pasteur. Vous devrez écouter, décider et conseiller. Votre jugement aura la même valeur que si Dieu en personne l’avait prononcé… »

Pierre se détache de Jésus, qui le tenait serré contre lui, et il dit en se levant :

« Ce n’est pas possible, Seigneur. Ne nous impose jamais cela. Comment veux-tu que nous jugions comme Dieu, si nous ne savons même pas juger comme hommes ?

– Vous saurez vous y prendre à ce moment-là, car l’Esprit de Dieu planera sur vous et vous pénétrera de ses lumières. Vous saurez juger en considérant les sept conditions des faits que l’on viendra vous soumettre pour obtenir un conseil ou le pardon. Ecoute bien, et essaie de t’en souvenir. A cette époque, l’Esprit de Dieu te rappellera mes paroles. Mais toi, cherche de ton côté à te rappeler avec ton intelligence, puisque Dieu te l’a donnée pour que tu la mettes en œuvre sans paresse ni présomption spirituelle qui portent à attendre et à exiger tout de Dieu. Quand tu seras maître, médecin et pasteur à ma place et dans mon rôle, et quand un fidèle viendra pleurer à tes pieds les troubles dûs à ses actes ou à ceux d’autrui, tu devras toujours garder à l’esprit l’ensemble de ces sept questions.

Qui : qui a péché ?

Quoi : quelle est la matière du péché ?

Où : en quel lieu ?

Comment : en quelles circonstances ?

Avec quoi ou avec qui : l’instrument ou la personne qui a été la matière du péché ?

Pourquoi : quelles sont les impulsions qui ont rendu la situation favorable au péché ?

Quand : dans quelles conditions ou avec quelles réactions, et si c’est accidentellement ou par suite d’habitudes malsaines ?

En effet, tu vois, Simon, la même faute peut avoir des nuances et des degrés infinis en fonction des circonstances qui l’ont permise et des individus qui l’ont accomplie. Par exemple… Considérons deux péchés parmi les plus répandus, celui de la concupiscence charnelle et celui de la concupiscence des richesses.

Une personne a commis un péché de luxure, ou croit l’avoir commis. Car parfois l’homme confond le péché et la tentation, ou bien il porte le même jugement sur des excitations créées artificiellement par un désir malsain, et les pensées qui s’élèvent par la réaction d’une souffrance maladive, ou aussi parce que parfois la chair et le sang ont des appels imprévus qui résonnent dans l’âme avant qu’elle ait le temps de se mettre en garde pour les étouffer. Il vient te dire : “ J’ai péché par luxure. ” Un prêtre imparfait répondrait : “ Anathème sur toi. ” Mais toi, mon Pierre, tu ne dois pas tenir ce langage. Car tu es le Pierre de Jésus, tu es le successeur de la Miséricorde. Alors, avant de condamner, tu dois examiner et toucher doucement et prudemment le cœur qui pleure devant toi pour connaître tous les aspects de la faute réelle ou supposée, ou du scrupule.

J’ai dit : doucement et prudemment. Rappelle-toi toujours que tu n’es pas seulement maître et pasteur, tu es aussi médecin. Le médecin n’envenime pas les plaies. Prompt à couper si la gangrène s’est installée, il sait pourtant découvrir et soigner d’une main légère s’il y a seulement une blessure avec déchirure de parties vivantes qu’il faut rassembler, et non arracher. Rappelle-toi toujours que tu n’es pas seulement médecin et pasteur, tu es aussi maître. Un maître adapte sa manière de s’exprimer à l’âge de ses disciples. Il serait scandaleux, le pédagogue qui révélerait à de jeunes enfants les lois animales que les innocents ignorent en leur donnant ainsi des connaissances et des malices prématurées. Quand on s’occupe des âmes, c’est avec prudence qu’on doit les interroger. Il faut se respecter et respecter les autres.

Cela te sera facile si, en toute âme, tu vois un fils. Un père est naturellement le maître, le médecin et le guide de ses enfants. Aussi, quelle que soit la personne qui se trouve devant toi, troublée par une faute ou par la crainte d’avoir péché, aime-la d’un amour de père, et tu sauras juger sans blesser et sans scandaliser. 555.3 Tu me suis ?

– Oui, Maître, je comprends très bien. Je devrai être prudent et patient, convaincre qu’il faut découvrir les blessures, mais les discerner par moi-même, sans attirer l’attention d’autrui sur elles, et c’est seulement quand je verrai qu’il y a réellement blessure que je pourrai dire : “ Tu vois ? Tu t’es fait du mal pour telle ou telle raison. ” Mais si je vois que la personne redoute seulement de s’être blessée, parce qu’elle s’est fait des idées, alors… écarter les nuages sans donner, par un zèle inutile, des lumières qui pourraient éclairer de vraies sources de fautes. Est-ce que j’ai raison ?

– Tout à fait. Donc, si quelqu’un vient t’avouer : “ J’ai commis un péché de luxure ”, examine qui tu as en face de toi. Certes, le péché peut se produire à tout âge. Mais on le rencontre plus facilement chez un adulte que chez un enfant, et différentes seront les questions à poser et les réponses à donner selon qu’il s’agit de l’un ou de l’autre. Après cette première enquête, vient la deuxième sur la matière du péché, puis la troisième sur le lieu, la quatrième sur les circonstances, la cinquième sur les complices éventuels, la sixième sur la raison qui l’a provoqué, et la septième sur le moment et le nombre de fois.

Alors que pour un adulte, et un adulte vivant dans le monde, à chaque question tu verras correspondre une circonstance qui prouve la réalité de la faute, tu te rendras généralement compte que, dans le cas d’enfants en âge ou en esprit, il te faudra répondre à de nombreuses questions : “ Il n’y a ici que de la fumée, mais pas de faute réelle. ” Parfois même, tu discerneras, au lieu de fange, un lys qui tremble d’avoir été éclaboussé par la boue et qui confond la goutte de rosée descendue dans son calice avec cette souillure. Ce sont des âmes si désireuses du Ciel, qu’elles craignent que soit une tache une simple ombre de nuage qui les place un instant dans l’obscurité en s’interposant entre elles et le soleil, puis passe sans laisser de traces sur leur candide corolle. Ces âmes sont tellement innocentes et désireuses de le rester, que Satan les effraie par des imaginations ou en excitant l’aiguillon de la chair ou la chair elle-même, en profitant de réelles maladies de la chair. Ces âmes doivent être consolées et soutenues, car ce ne sont pas des pécheresses mais des martyres. Ne l’oublie jamais.

Et souviens-toi toujours de juger même ceux qui pèchent par avidité pour les richesses ou autres biens d’autrui de la même manière. Mais il faut du discernement : c’est une faute maudite d’être avide et sans pitié en volant le pauvre, et contre la justice en faisant tort aux citoyens, aux serviteurs ou aux peuples ; mais moins grave, beaucoup moins grave est la faute de celui à qui on a refusé du pain et qui en dérobe au prochain pour passer sa faim et celle de ses enfants. Rappelle-toi, aussi bien pour le luxurieux que pour le voleur, qu’il faut de la mesure quand on juge le nombre des fautes, les circonstances et leur gravité, et encore de la mesure pour juger du degré de connaissance du pécheur pour le péché commis, au moment où il le commettait. En effet, celui qui agit en pleine connaissance de cause pèche davantage que celui qui le fait par ignorance, et celui qui agit en y consentant librement pèche davantage que celui qui est poussé au péché. En vérité, je te dis que certains actes auront beau avoir l’apparence du péché, ils seront un martyre et obtiendront la récompense promise.

Et rappelle-toi surtout, dans tous les cas, avant de condamner, que toi aussi tu as été un homme et que ton Maître, que personne n’a jamais pu trouver en état de péché, n’a jamais condamné personne qui s’est repenti d’avoir péché.

Pardonne soixante-dix-sept fois sept fois, et même soi­xante-dix-sept fois soixante-dix-sept fois, les péchés de tes frères et de tes enfants [2]. Car fermer les portes du salut à un malade, uniquement parce qu’il est retombé dans sa maladie, c’est vouloir le faire mourir. 555.4 As-tu compris ?

– Oui, tout à fait…

– Alors, dis-moi le fond de ta pensée.

– Eh oui ! Je te le dis parce que je vois que tu connais vraiment tout, et je comprends que ce n’est pas ronchonner que de te prier d’envoyer Judas à ma place, car il souffre de ne pas y aller. Je te le rapporte, non pour l’accuser d’être envieux et me scandaliser à son propos, mais pour lui donner la paix et… te donner la paix, car cela doit être bien pénible pour toi d’avoir toujours à tes côtés ce vent d’orage…

– Judas s’est encore plaint ?

– Oui… Il a déclaré que chaque mot de toi le blesse. Même ce que tu as dit pour les enfants. Il assure que c’est en pensant à lui que tu as affirmé qu’Eve s’est approchée de l’arbre parce qu’elle était attirée par ce qui y scintillait comme une couronne de roi. Moi, vraiment, je n’avais trouvé aucun rapport. Mais je suis ignorant. Barthélemy et Simon le Zélote, au contraire, ont estimé que Judas a été “ piqué au vif ”, car il est ensorcelé par tout ce qui brille et séduit la vanité. Et ils pourraient bien avoir raison, car ils sont sages. Sois bon avec tes pauvres apôtres, Maître ! Fais plaisir à Judas, et à moi avec lui. De toutes façons, tu le vois, je sais seulement amuser les enfants… et être un enfant dans tes bras. »

Il se serre contre son Jésus, qu’il aime vraiment de toutes ses forces.

« Non. Je ne puis te faire ce plaisir. N’insiste pas. C’est toi qui pars en mission, justement parce que tu es tel que tu es. Judas, justement parce qu’il est tel qu’il est, reste ici. Mon frère aussi m’en avait parlé, et malgré mon amour pour lui, je lui ai répondu “ non ”. Même si ma Mère m’en priait, je ne céderais pas. Ce n’est pas une punition, mais un remède. Et Judas doit le prendre. Si cela ne sert pas à son âme, cela servira à la mienne, car je ne pourrai pas me reprocher d’avoir omis quelque chose pour le sanctifier. »

Jésus a parlé sur un ton sévère, impérieux. Pierre laisse retom­ber les bras et baisse la tête en soupirant.

« Ne sois pas peiné, Simon. Nous aurons l’éternité pour être unis et nous aimer. 555.5 Mais tu avais autre chose à me dire…

– Il est tard, Maître. Tu dois dormir.

– Toi, plus que moi, Simon. Tu dois prendre la route à l’aube.

– Oh ! pour ma part… Etre ici avec toi me repose davantage que si j’étais au lit.

– Parle donc. Tu sais que, moi, je dors peu…

– Voilà ! J'ai la tête dure, je le sais et je le reconnais sans honte. Et si c’était pour moi, il m’importerait peu d’avoir beaucoup de connaissances, car je pense que la plus grande sagesse, c’est de t’aimer, te suivre et te servir de tout son cœur. Mais tu m’envoies ici et là ; les gens m’interrogent, et il faut bien que je leur réponde. Je pense que, ce que je te demande à toi, d’autres peuvent me le demander, car les hommes ont les mêmes pensées. Tu disais hier que les innocents et les saints souffriront toujours, et même que ce seront eux qui souffriront pour tous [3]. J’ai du mal à comprendre cela, d’autant plus que, d’après toi, eux-mêmes le désireront. Alors je pense que, puisque c’est difficile pour moi, ce peut l’être pour les autres. S’ils me questionnent, que dois-je répondre ? Dans ce premier voyage, une mère m’a dit : “ Il n’était pas juste que ma petite fille meure dans de telles souffrances, car elle était bonne et innocente. ” Ne sachant que répondre, je lui ai cité les paroles de Job : “ Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. Que soit béni le nom du Seigneur. ” [4] Mais je n’étais pas convaincu moi-même, et je ne l’ai pas convaincue. Je voudrais une autre fois savoir que dire…

– C’est juste. 555.6 Ecoute. Cela paraît être une injustice, or c’est une grande justice que les meilleurs souffrent pour tous. Mais, dis-moi un peu, Simon, qu’est-ce que la terre, toute la terre ?

– La terre ? Un espace grand, très grand, fait de poussière et d’eau, de roches, de plantes, d’animaux et de créatures humaines.

– Et puis ?

– Et puis c’est tout… à moins que tu ne veuilles que je dise qu’elle est pour l’homme un lieu de châtiment et d’exil.

– La terre est un autel, Simon, un autel immense. Elle devait être un autel de louange perpétuelle à son Créateur. Mais la terre est remplie de péchés. Elle doit donc être un autel de perpétuelle expiation, de sacrifice, sur lequel brûlent les hosties. La terre devrait, comme les autres mondes répandus dans la création [5], chanter des psaumes à Dieu qui l’a faite. Regarde ! »

Jésus pousse les volets de bois et, par la fenêtre grand ouverte, entrent la fraîcheur de la nuit, la musique du torrent, les rayons de la lune, et on voit le ciel criblé d’étoiles.

« Regarde ces astres ! Ils chantent les louanges de Dieu, leur voix est lumière et mouvement dans les espaces infinis du firmament. Cela fait des millénaires que cette mélodie s’élève des champs bleus du ciel jusqu’au Ciel de Dieu. Nous pouvons considérer les astres et les planètes, les étoiles et les comètes comme des créatures sidérales qui, telles des prêtres, des lévites, des vierges et des fidèles sidéraux, doivent chanter dans un temple sans limites les louanges du Créateur. Ecoute, Simon : tu entends le bruissement de la brise dans les feuillages, et le clapotis de la rivière dans la nuit. La terre aussi chante, comme le ciel, avec les vents, l’eau, le pépiement des oiseaux et le bruit des animaux. Mais si la lumineuse louange des astres qui le peuplent suffit au firmament, ce n’est pas assez du chant des vents, des eaux et des bêtes, pour le Temple qu’est la terre. Car, à côté des vents, des eaux et des animaux qui chantent inconsciemment les louanges de Dieu, la terre est habitée par l’homme. Or l’homme est la créature parfaite, au-dessus de tout ce qui est vivant, dans le temps et dans le monde ; il est fait de matière comme les animaux, les minéraux et les plantes, et d’esprit comme les anges du Ciel ; comme ces derniers, il est destiné, s’il reste fidèle dans l’épreuve, à connaître et à posséder Dieu, par la grâce d’abord, au Paradis ensuite. L’homme, cette synthèse qui embrasse tous les états [6], a une mission que les autres créatures n’ont pas et qui devrait être pour lui, non pas un devoir seulement, mais une joie : aimer Dieu. Rendre intelligemment et volontairement un culte d’amour à Dieu, en retour de l’amour qu’il a montré à l’homme en lui donnant la vie, puis le Ciel après la vie. Rendre un culte intelligent.

Réfléchis, Simon : quel profit Dieu retire-t-il de la création ? Aucun. La création n’accroît pas Dieu, elle ne le sanctifie pas, elle ne l’enrichit pas. Il est infini, et il l’aurait été même si la création n’avait pas existé. Mais Dieu-Amour voulait être aimé, et il a créé dans ce but. C’est seulement de l’amour que Dieu peut recevoir de la création, et cet amour, qui est intelligent et libre uniquement chez les anges et les hommes, fait la gloire de Dieu, la joie des anges, la religion pour les hommes. Si, un jour, il ne s’élevait plus louanges et supplications d’amour de ce grand autel qu’est la terre, celle-ci cesserait d’exister. Car, une fois l’amour éteint, la réparation le serait également, et la colère de Dieu anéantirait l’enfer que serait devenue la terre. Elle doit donc aimer pour exister. En outre, elle doit être le Temple qui aime et prie avec l’intelligence des hommes. Mais dans le Temple, dans tout temple, quelles victimes offre-t-on ? Les victimes pures, sans tache ni tare. Elles seules sont agréables au Seigneur, avec les prémices, puisqu’il faut donner ce qu’il y a de mieux au père de la famille et à Dieu, le Père de la famille humaine, les prémices de toutes choses et ce qui est excellent.

555.7 Mais j’ai dit que la terre a un double devoir de sacrifice : celui de la louange et celui de l’expiation. En effet, l’humanité qui l’habite a péché en ses premiers parents et continue de le faire, ajoutant au péché de manque d’amour pour Dieu les mille autres fautes que constituent ses attachements aux tentations du monde, de la chair et de Satan. Coupable, coupable humanité qui, bien qu’elle ait la ressemblance avec Dieu, et en propre l’intelligence ainsi que des secours divins, ne cesse d’être pécheresse, et toujours plus. Les astres obéissent, les plantes obéissent, les éléments obéissent, les animaux obéissent et, comme ils le peuvent, louent le Seigneur. Les hommes n’obéissent pas et ne louent pas suffisamment le Seigneur. Il en découle la nécessité d’âmes hosties qui aiment et expient pour tous. Ce sont les enfants qui, innocents et ignorants, paient l’amer châtiment de la douleur pour ceux qui ne savent que pécher ; ce sont les saints qui se sacrifient volontairement pour tous.

D’ici peu — un an ou un siècle, c’est toujours “ peu ” par rapport à l’éternité —, on ne célébrera plus d’autres holocaustes sur l’autel du grand Temple de la terre que celui des victimes humaines, consumées avec le sacrifice perpétuel : ce seront des hosties unies à l’Hostie parfaite. Ne sois pas bouleversé, Simon. Je ne dis pas que j’établirai un culte semblable à celui de Moloch, de Baal et d’Astarté. Ce sont les hommes eux-mêmes qui nous immoleront. Tu comprends ? Ils nous immoleront. Et nous irons joyeusement à la mort, afin d’expier et d’aimer pour tous. Puis viendront les temps où les hommes n’immoleront plus les hommes. Mais il y aura toujours des victimes pures que l’amour — l’amour de Dieu et l’amour pour Dieu — consumera avec la grande Victime dans le Sacrifice perpétuel. En vérité, elles seront les hosties du temps et du Temple à venir. Ce qui plaît à Dieu, ce ne sont pas les agneaux et les boucs, les veaux et les colombes, mais le sacrifice du cœur. David en a eu l’intuition. Et dans le temps nouveau, temps de l’esprit et de l’amour, seul ce sacrifice sera agréable.

Considère, Simon, que si un Dieu a dû s’incarner pour apaiser la justice divine pour le grand Péché, pour les nombreux péchés des hommes, dans le temps de la vérité seuls les sacrifices des esprits des hommes pourront apaiser le Seigneur. Tu penses : “ Mais pourquoi le Très-Haut a-t-il donné l’ordre d’immoler les petits des animaux et les fruits des plantes ? ” Je te réponds : parce que, avant ma venue, l’homme était un holocauste souillé, et parce qu’on ne connaissait pas l’Amour. Désormais, il sera connu. Com­me j’aurai rendu à l’homme la grâce par laquelle il peut connaître l’Amour, il sortira de sa léthargie, il se souviendra, comprendra, vivra, et prendra la place des boucs et des agneaux, devenant hostie d’amour et d’expiation, pour imiter son Maître et Rédempteur. La souffrance, jusqu’à présent châtiment, se changera en amour parfait, et bienheureux seront ceux qui l’embrasseront pour cette raison.

– Mais les enfants…

– Tu veux dire ceux qui ne savent pas encore s’offrir… Sais-tu quand Dieu parle en eux ? Le langage de Dieu est d’ordre spirituel. L’âme le comprend, or elle n’a pas d’âge. Pour ce qui est de la capacité à comprendre Dieu, je vais même jusqu’à affirmer que l’âme d’un enfant, étant sans malice, est plus adulte que celle d’un vieillard pécheur. Je t’affirme, Simon, que tu vivras assez pour voir de nombreux petits enseigner aux adultes, et aussi à toi-même, la sagesse de l’amour héroïque. Mais en ces petits qui décèdent de mort naturelle, c’est Dieu qui opère directement, pour les raisons d’un amour si élevé que je ne puis te l’expliquer, car elles découlent des sagesses écrites dans les livres de la Vie et qui ne seront lues qu’au Ciel par les bienheureux. Lues, ai-je dit, mais en vérité, il suffira de regarder Dieu pour connaître non seulement Dieu, mais aussi son infinie sagesse… 555.8 Nous avons fait venir le coucher de la lune, Simon… L’aube sera bientôt là, et tu n’as pas dormi…

– Peu importe, Maître. Pour quelques heures de sommeil que j’ai perdues, j’ai acquis beaucoup de sagesse, et je suis resté avec toi. Mais, si tu le permets, je m’en vais maintenant, non pour dormir, mais pour méditer sur tes paroles. »

Il est déjà près du seuil, sur le point de sortir, quand il s’arrête, l’air pensif :

« Encore une précision, Maître : est-il juste que, à une personne qui souffre, je dise que la douleur n’est pas un châtiment mais une… grâce, quelque chose comme… comme notre vocation, belle même si elle est difficile, belle même si elle peut paraître rebutante et triste à l’ignorant ?

– Tu peux dire cela, Simon. C’est la vérité. La douleur n’est pas un châtiment quand on sait l’accueillir et en user avec justice. La souffrance est comme un sacerdoce, Simon, un sacerdoce ouvert à tous, un sacerdoce qui donne un grand pouvoir sur le cœur de Dieu, ainsi qu’un grand mérite. Né avec le péché, il peut apaiser la Justice. En effet, Dieu sait faire servir au bien même ce que la Haine a créé pour faire souffrir. Moi, je n’ai pas voulu d’autre moyen pour effacer la faute, car il n’y a pas de moyen plus grand que celui-là. »




[1] Pierre conduit un groupe d'apôtre qui évangélise toute la semaine les contrées environnantes.

[2] Reprise de l'enseignement aux apôtres avant leur envoi en mission (EMV 278.3).
 
[3] Tu disais … : ce thème de la souffrance a déjà été abordé en EMV 436.4 | EMV 553.6 | EMV 554.3 et le sera dans le dernier discours de Jésus, en EMV 638.14/15.
 
[4] Cf. Job 1, 21.
 
[5] À plusieurs reprises Jésus, dans l’Œuvre de Maria Valtorta, mentionne la pluralité des mondes (des millions) sans préciser s’ils sont habités ou non et quelle est la fonction de chacun. Voir notamment à ce propos Les Cahiers28 août 1943, pages 262/263 | 5 juin 1943, page 48 | 22 août 1943, page 250 et suivantes | 11 décembre 1943, page 552 | 16 janvier 1944, page 68.
 
[6] Tous les états est corrigé par Maria Valtorta en toutes les natures.
Elle note en effet sur une copie dactylographiée :       
“La nature minérale est présente en l’homme — puisque sa matière se compose de substances minérale —, ainsi que la nature animale et l’état spirituel.”          
Voir, à ce propos, la fiche thématique sur l’âme.
 
[7] David en a eu l’intuition, dans le Psaume 50 (Hébreu 51), 18‑19.
 
[8] Donné l’ordre, comme en Exode 22, 28‑29 | Exode 34, 19.



*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-016.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/enseignement-a-simon-pierre-sur-l-examen-de-conscience.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 7 Avr - 21:27

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
556. Un autre sabbat à Ephraïm. Discours aux Samaritains sur le vrai Temple et sur les temps nouveaux
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 17.
Nouvelle édition : Tome 9, chapitre 556.
 
Le 17 janvier 1947
 
Samedi 12 janvier 30
Ephraïm

 
      556.1 Les apôtres sont de nouveau réunis dans la maison de Marie, femme de Jacob, ce qui me laisse supposer que c’est encore un jour de sabbat.

      Les enfants se tiennent toujours parmi eux, à côté de Jésus, près du foyer. C’est justement cela qui fait dire à Judas :

      « En attendant, une semaine est passée, et les membres de leur famille ne sont pas venus. »

      A ces mots, il rit en hochant la tête.

      Jésus ne lui répond pas. Il caresse le cadet. Judas interroge Pierre et Jacques, fils d’Alphée :

      « Vous assurez que vous avez parcouru les deux routes qui conduisent à Sichem ?

      – Oui. Mais, à bien y réfléchir, c’était inutile. Les voleurs ne prennent sûrement pas les voies fréquentées, surtout maintenant que les détachements romains ne cessent de les parcourir [1], répond Jacques, fils d’Alphée.

      – Dans ce cas, pourquoi les avoir suivies ? insiste Judas.

      – C’est comme ça !… Aller ici ou là, pour nous, c’est pareil. Alors nous avons pris celles-là.

      – Et personne n’a rien pu vous dire ?

      – Nous n’avons rien demandé.

      – Dans ce cas, comment voulez-vous savoir s’ils étaient passés ou non ? » reprend Judas avec un rire sarcastique. « Les personnes en chemin portent-elles des enseignes ou laissent-elles des traces ? Je ne crois pas. Nous aurions déjà été trouvés au moins par des amis. Au contraire, nul n’est venu ici depuis que nous y sommes.

      – Nous ignorons pourquoi personne n’est venu ici » dit patiemment Jacques, fils d’Alphée. « Le Maître le sait. Pas nous. Puisque les gens ne laissent pas de traces de leur passage, ceux qui, comme nous, se retirent dans un endroit ignoré de tous, ne peuvent être trouvés, si on ne leur indique pas le lieu du refuge. Or nous ignorons si notre Frère en a parlé à nos amis.

      – Tu voudrais croire et faire croire qu’il ne l’a pas révélé au moins à Lazare et à Nikê ? »

      Jésus reste silencieux. Il prend un enfant par la main et sort…

      «Je ne veux rien croire mais, même s’il en est comme tu le laisses entendre, tu ne peux encore juger, pas plus qu’aucun de nous, des raisons de l’absence des amis…

      – Elles sont faciles à comprendre ! Personne ne veut avoir d’ennuis avec le Sanhédrin, et d’autant moins les riches et les puissants. C’est tout ! 556.2 Il n’y a que nous pour savoir nous exposer aux dangers.

      – Sois juste, Judas ! Le Maître n’a forcé aucun de nous à rester avec lui. Pourquoi es-tu resté, si tu as peur du Sanhédrin ? lui fait remarquer Jacques, fils d’Alphée.

      – D’ailleurs, tu peux nous quitter quand tu veux. Tu n’es pas enchaîné… l’interrompt l’autre Jacques, fils de Zébédée.

      – Pour cela, non ! Vraiment pas ! On est ici et on y reste. Tous. Ceux qui le voulaient devaient s’en aller avant. Plus maintenant. Moi, je m’y oppose si le Maître n’a pas d’objection, dit lentement mais avec fermeté Pierre en donnant un coup de poing sur la table.

      – Et pourquoi ? Qui es-tu pour commander à la place du Maître ? rétorque Judas avec violence.

      – Un homme qui raisonne, non pas en Dieu comme lui le fait, mais en homme.

      – Tu me soupçonnes ? Tu me prends pour un traître ? lance nerveusement Judas.

      – Tu l’as dit. Non pas que je te considère comme volontairement tel, mais tu es si… insouciant, Judas, si changeant ! Et tu as trop d’amis. Tu aimes trop la grandeur, en tout. Toi, tu ne saurais pas tenir ta langue ! Que ce soit pour répliquer à quelque perfide, ou pour montrer que tu es l’Apôtre, tu parlerais. C’est pourquoi tu es ici et tu y restes, ainsi tu ne nuis à personne et tu ne te crées pas de remords.

      – Dieu ne contraint pas la liberté de l’homme, et toi, tu prétends le faire ?

      – Oui. Mais enfin dis-moi : te pleut-il sur la tête ? Le pain te manque-t-il ? L’air est-il mauvais ? Le peuple t’offense-t-il ? Rien de cela. La maison est solide, même si elle n’est pas riche, l’air est bon, la nourriture ne t’a jamais manqué, la population t’honore. Alors pourquoi es-tu ici si inquiet, comme si tu étais en prison ?

      – “ Il y a deux nations que mon âme déteste, et la troisième n’est pas une nation : les habitants de la montagne de Seïr, les Philistins et le peuple stupide qui demeure à Sichem [2]. ” Je te réponds par les paroles du sage, et j’ai raison de penser ainsi. Vois si ces peuples nous aiment !

      – Hum ! En vérité, il ne me semble pas que les autres, le tien et le mien, soient bien meilleurs. Nous avons reçu des pierres en Judée et en Galilée, en Judée plus encore qu’en Galilée, et dans le Temple de Judée plus qu’en tout autre lieu. Je ne trouve pas que l’on nous ait maltraités ni sur les terres des Philistins, ni ici, ni ailleurs…

      – Où, ailleurs ? Nous ne sommes pas allés ailleurs, heureusement. Du reste, s’il avait été question d’aller ailleurs, je ne serais pas venu, pas plus que je ne le ferai à l’avenir. 556.3 Je ne veux pas me contaminer davantage.

      – Te contaminer ? Ce n’est pas cela qui t’impressionne, Judas, fils de Simon. Tu ne veux pas t’aliéner ceux du Temple. C’est cela qui t’afflige » intervient paisiblement Simon le Zélote, resté dans la cuisine avec Pierre, Jacques, fils d’Alphée, et Philippe.

      Les autres sont partis l’un après l’autre avec les deux enfants pour rejoindre le Maître… fuite méritoire, puisqu’il s’agit de ne pas manquer à la charité.

      « Non, ce n’est pas pour cette raison. Mais je n’aime pas perdre mon temps et apporter la sagesse à des sots. Regarde ! A quoi cela a-t-il servi de prendre avec nous Hermastée ? Il est parti pour ne plus revenir. Joseph soutient qu’il l’a quitté en disant qu’il serait de retour pour la fête des Tentes. L’as-tu vu, peut-être ? Un renégat… [3]

      – J’ignore pourquoi il n’est pas revenu, et je ne le juge pas. Mais je te demande : est-il le seul à avoir abandonné le Maître et même à lui être devenu hostile ? N’y a-t-il pas des renégats chez nous autres juifs, et parmi les Galiléens ? Peux-tu le soutenir ? [4]

      – Non, c’est vrai. Mais moi, enfin, je me sens mal à l’aise à Sichem. Si l’on savait que nous sommes ici ! Si l’on savait que nous sommes en relation avec les Samaritains, jusqu’à entrer dans leurs synagogues le sabbat ! Jésus y tient… Malheur, si on l’apprenait ! L’accusation serait justifiée…

      – Et le Maître condamné, veux-tu dire. Mais il l’est déjà. Il l’est déjà avant qu’on cela soit connu. Il a été condamné, même, après avoir ressuscité un juif en Judée. Il est haï et accusé d’être samaritain, et ami des publicains comme des prostituées. Il l’est depuis… toujours. Et toi, mieux que tous, tu sais qu’il ne l’est pas !

      – Que veux-tu dire, Nathanaël ? * Que veux-tu dire ? Qu’est-ce que j’ai à y voir ? Que puis-je savoir de plus que vous ? »

      Judas est très agité.

      « Mon garçon, tu me donnes l’impression d’être un rat entouré d’ennemis ! Mais tu n’es pas un rat, et nous ne sommes pas armés de bâtons pour te capturer et te tuer. Pourquoi tant d’angoisse ? Si ta conscience est en paix, pourquoi t’énerves-tu à cause d’innocentes paroles ? Qu’a donc dit Barthélemy pour que tu t’irrites ainsi ? N’est-il donc pas vrai que nous, ses apôtres, qui dormons auprès de lui et vivons avec lui, nous pouvons savoir et témoigner, mieux que personne, qu’il aime, non pas le Samaritain, le publicain, le pécheur, la courtisane en tant que tels, mais leur âme ? C’est parce qu’il se soucie d’elles — et seul le Très-Haut peut savoir quel effort le Très-Pur doit faire pour approcher ce que nous, hommes pécheurs, nous appelons “ ordure ” — qu’il fréquente les Samaritains, les publicains et les courtisanes. Tu ne comprends pas Jésus, mon garçon, tu ne le connais toujours pas ! Encore moins que les Samaritains eux-mêmes, les Philistins, les Phéniciens et tous ceux que tu voudras » dit Pierre.

      Ses dernières paroles sont empreintes de tristesse. Judas ne parle plus et les autres aussi se taisent.

      556.4 La vieille Marie entre pour annoncer :

      « Les gens de la ville sont dans la rue. Ils disent que c’est l’heure de la prière du sabbat, et que le Maître a promis de parler…

      – Je vais lui en faire part, femme. Et toi, dis aux habitants d’Ephraïm que nous allons venir » lui répond Pierre,

      Il sort dans le jardin pour avertir Jésus.

      « Et toi, qu’est-ce que tu fais ? Tu viens ? Si tu ne veux pas venir, éloigne-toi, sors avant que le Maître ne soit affligé par ton refus, lance Simon le Zélote à Judas.

      – Je vous accompagne. Ici, on ne peut pas parler ! On dirait que je suis le plus grand des pécheurs. Tout ce que je peux dire est mal compris. »

      L’entrée de Jésus dans la cuisine met fin au dialogue.

      Les treize sortent, se joignent aux habitants d’Ephraïm, pénètrent avec eux dans la ville et ne s’arrêtent qu’au seuil de la synagogue. Malachie est sur le pas de la porte, il salue et les invite à entrer.

      Je ne relève pas de différence entre le lieu de prière des Samaritains et ceux que j’ai vus dans d’autres régions. Ce sont les mêmes lampes, les mêmes pupitres et les mêmes étagères avec les rouleaux posés dessus, le siège du chef de synagogue ou de celui qui enseigne à sa place, sinon qu’ici il y a beaucoup moins de rouleaux qu’ailleurs.

      « Nous avons déjà fait nos prières en t’attendant. 556.5 Si tu veux parler… Quel rouleau demandes-tu, Maître ?

      – Je n’ai besoin d’aucun d’eux. Du reste, tu n’aurais pas ce que je veux expliquer [5] » répond Jésus.

      Se tournant vers l’assemblée, il commence son discours :

      « Quand les Hébreux furent renvoyés dans leur patrie par Cyrus, roi des Perses, afin de reconstruire le Temple de Salomon détruit cinquante ans plus tôt, l’autel fut rétabli sur ses bases, et sur lui brûla l’holocauste journalier, soir et matin, ainsi que l’holocauste extraordinaire du premier jour du mois et celui des solennités consacrées au Seigneur, sans oublier les holocaustes des offrandes individuelles [6]. Ensuite, après avoir rétabli ce qui était indispensable et imposé pour le culte, ils mirent la main, la seconde année du retour, à ce que l’on pourrait appeler le cadre du culte, l’aspect extérieur. Cela n’était pas coupable, puisque leur intention était d’honorer l’Eternel, mais ce n’était pas indispensable. Car le culte que l’on rend à Dieu, c’est l’amour pour lui ; or l’amour se manifeste et se consume dans le cœur, non pas par les pierres taillées, les bois précieux, l’or et les parfums. Plus qu’à honorer le Seigneur, cet aspect extérieur est propre à satisfaire l’orgueil d’une nation ou d’une ville.

      Dieu veut un temple spirituel. Il ne se contente pas d’un temple de murs et de marbres, mais vide d’âmes pleines d’amour. En vérité, je vous dis que le temple d’un cœur pur et aimant est le seul qui plaît à Dieu, le seul où il fait sa demeure avec ses lumières. Il est absurde de distinguer les régions et les villes d’après la beauté particulière de leurs lieux de prière ! Pourquoi rivaliser de richesses et d’ornements dans les maisons où l’on invoque Dieu ? Le fini pourrait-il satisfaire l’Infini, fût-il dix fois plus beau que le Temple de Salomon et les palais royaux réunis ? Dieu, l’Infini qui ne peut être contenu et honoré par aucun espace ni aucune magnificence matérielle, trouve dans le cœur de l’homme l’unique lieu digne de l’honorer comme il convient. C’est là qu’il peut — et veut — être enfermé, car l’âme du juste est un temple sur lequel plane, parmi les parfums de l’amour, l’Esprit de Dieu, et bientôt elle sera un temple où l’Esprit un et trine fera réellement sa demeure, comme au Ciel.

      Il est encore écrit que, dès que les maçons eurent jeté les fondations du Temple, les prêtres vinrent avec leurs ornements et les trompettes, accompagnés des lévites avec les cymbales, suivant les ordonnances de David. Et ils chantèrent “ qu’il faut louer Dieu parce qu’il est bon et que sa miséricorde est éternelle ”. Le peuple exultait. Mais beaucoup de prêtres, de chefs, de lévites et d’anciens versèrent un déluge de larmes en pensant au Temple d’autrefois. Ainsi, on ne pouvait distinguer les plaintes des cris de jubilation, tant tout était mêlé [7]. On lit également que certains peuples voisins molestèrent les ouvriers qui édifiaient le Temple. Ils voulaient se venger d’avoir été repoussés par les bâtisseurs quand ils s’étaient proposés d’y participer ; car eux aussi cherchaient le Dieu d’Israël, le Dieu unique et vrai. Ces difficultés interrompirent les travaux tant qu’il ne plut pas à Dieu de les faire reprendre [8]. On peut lire cela dans le livre d’Esdras.

      556.6 Combien d’enseignements peut-on tirer du passage que je viens de citer, et lesquels ?

      Il y a d’abord celui dont j’ai parlé il y a un instant : la nécessité que le culte vienne du cœur, au lieu d’être exprimé par les pierres et les bois, ou encore par des vêtements, des cymbales et des chants dont toute vie spirituelle est bannie. Un autre enseignement est que l’absence d’amour réciproque est toujours cause de retard et de trouble, même s’il s’agit d’un but qui est bon en soi. Là où il n’y a pas de charité, Dieu n’est pas. Inutile de chercher Dieu si l’on ne se met pas d’abord dans les conditions de pouvoir le trouver. Dieu se trouve dans l’amour. Celui ou ceux qui s’établissent dans la charité trouvent Dieu, sans même avoir à faire de pénibles recherches. Et celui qui a Dieu avec lui réussit dans toutes ses entreprises.

      Dans le psaume, sorti du cœur d’un sage après une méditation sur les pénibles événements qui accompagnèrent la reconstruction du Temple et des murs, il est dit : “ Si le Seigneur ne bâtit la maison, c’est en vain que travaillent les bâtisseurs. Si le Seigneur ne garde la ville, c’est en vain que veillent les gardes. ” [9]

      Or, comment Dieu peut-il aider à l’édification de la maison s’il sait que ses futurs habitants, qui ne montrent pas d’amour pour leurs voisins, n’ont pas le Seigneur dans le cœur ? Et comment protégera-t-il les villes et renforcera-t-il leurs défenseurs si, à cause de la haine dont elles font preuve envers leurs voisines, il ne peut y demeurer ? Est-ce que cela vous a servi, ô peuples, d’être séparés par des barrières de haine ? Est-ce que cela vous a rendus plus grands ? Plus riches ? Plus heureux ? La haine ou la rancœur ne servent jamais à rien, l’homme seul n’est jamais fort, celui qui n’aime pas n’est jamais aimé. Et il ne sert à rien, comme dit le psaume, de se lever avant le jour pour devenir grands, riches et heureux. Que chacun prenne son repos pour se réconforter des épreuves de la vie, car le sommeil est un don de Dieu, comme l’est la lumière et toute autre chose dont jouit l’homme. Que chacun prenne son repos, mais ait pour compagne la charité, dans son repos comme dans ses veilles. Alors ses travaux prospéreront ainsi que sa famille et ses intérêts, et surtout son âme. C’est ainsi qu’il conquerra la couronne royale des fils du Très-Haut et des héritiers de son Royaume.

      556.7 Il est écrit que, pendant les hosannas du peuple, certains pleuraient à chaudes larmes parce qu’ils repensaient au passé et le regrettaient. Mais, dans le tumulte des cris, il n’était pas possible de distinguer les différentes voix.

      Fils de Samarie ! Et vous, mes apôtres, fils de Judée et de Galilée ! Aujourd’hui aussi, on entend des hosannas et des pleurs pendant que le nouveau Temple de Dieu s’élève sur ses fondements éternels. De nos jours aussi, il en est qui s’opposent aux travaux et qui cherchent Dieu là où il n’est pas. De nos jours aussi, il en est qui veulent construire selon l’ordre de Cyrus et non selon l’ordre de Dieu, c’est-à-dire selon l’ordre du monde et non selon les voix de l’esprit. De nos jours aussi, il en est qui versent des larmes stupides et humaines sur un passé pitoyable, sur un passé qui ne fut ni bon ni sage, à tel point qu’il a provoqué l’indignation de Dieu. De nos jours aussi, tout cela existe, comme si nous étions dans le brouillard des temps reculés et non dans la clarté du temps de la Lumière.

      Ouvrez votre cœur à la Lumière, remplissez-vous de ses rayons pour y voir clair, vous au moins à qui je parle, moi qui suis Lumière. Voici venus les temps nouveaux, les temps où tout se reconstruit. Mais malheur à ceux qui ne voudront pas y entrer et s’opposeront aux bâtisseurs du Temple de la foi nouvelle ; j’en suis la pierre angulaire [10] et je m’y donnerai tout entier pour faire le mortier qui joindra les pierres, afin que l’édifice se dresse, solide et fort, admirable dans le cours des siècles, aussi vaste que la terre qu’il embrasera entièrement de sa lumière. Je parle à dessein de lumière et non pas d’ombre, car mon Temple sera formé d’âmes et non de matières opaques. Avec mon Esprit éternel, je serai une pierre de ce Temple, de même que tous ceux qui suivront ma parole et la foi nouvelle : ils seront autant de pierres incorporelles, enflammées, saintes. Cette lumière du nouveau Temple se propagera sur la terre, et la couvrira de sagesse et de sainteté. Ne resteront au-dehors que ceux qui, avec des larmes impures, pleureront et regretteront le passé, parce qu’il était pour eux une source de profits et d’honneurs tout humains.

      556.8 Ouvrez-vous aux temps et au Temple nouveaux, hommes de Samarie ! En eux, tout est neuf ; les anciennes séparations et les frontières matérielles, de pensée et d’esprit, n’existent plus. Chan­tez, puisque l’exil hors de la cité de Dieu va prendre fin. Etes-vous donc heureux d’être considérés comme des exilés, comme des lépreux par les autres juifs d’Israël ? Etes-vous heureux de vous sentir comme expulsés du sein de Dieu ? Car cela, vous le sentez, vos âmes le sentent, vos pauvres âmes à l’étroit dans vos corps, et sur lesquelles vous faites dominer votre intelligence butée qui ne veut pas reconnaître devant les autres hommes : “ Nous nous sommes trompés, mais maintenant, telles des brebis égarées, nous revenons au Bercail. ” Si vous ne voulez pas le dire aux autres hommes — c’est déjà mal agir —, au moins dites-le à Dieu. Même si vous étouffez le cri de votre âme, malheureuse d’être exilée de la maison du Père universel et très saint, Dieu entend ses gémissements.

      Ecoutez les paroles du psaume graduel [11]. Vous êtes bien des pèlerins qui, depuis des siècles, vous dirigez vers la haute Cité, vers la vraie Jérusalem, vers la Jérusalem céleste. C’est de là, du Ciel, que vos âmes sont descendues pour animer une chair, c’est là qu’elles désirent retourner. Pourquoi voulez-vous sacrifier vos âmes, leur faire perdre l’héritage du Royaume ? Quelle faute ont-elles commise pour être entrées dans des corps conçus en Samarie ? Elles viennent d’un même Père. Elles ont le même Créateur que les âmes de Judée ou de Galilée, de Phénicie ou de la Décapole. Dieu est l’aboutissement de toutes. Chacune tend vers ce Dieu, même si des idolâtries de toutes espèces ou de funestes hérésies, des schismes, des manques de foi la maintiennent dans l’ignorance du vrai Dieu. Cette ignorance serait même totale, si l’âme ne gardait un souvenir embryonnaire, mais ineffaçable de la Vérité, et une aspiration vers elle. Ah ! faites grandir ce souvenir et cette aspiration. Ouvrez les portes à votre âme. Que la lumière y entre ! Que la vie y entre ! Que la vérité y entre ! Que le chemin soit ouvert ! Que tout entre en flots lumineux et vitaux, comme les rayons du soleil, les flots et les vents des équinoxes, pour que de son embryon, l’arbre s’élance vers les hauteurs, toujours plus près de son Seigneur.

      Sortez de l’exil ! Chantez avec moi : “ Quand Jéovêh ramena les captifs de Sion, nous étions comme en rêve ; alors notre bouche s’emplit de rire et nos lèvres de chansons. Alors on disait chez les païens : ‘Merveilles que fit pour eux le Seigneur.’ ” Oui, le Seigneur a fait des merveilles pour vous, et vous déborderez de joie [12].

      556.9 Mon Père ! Je te prie pour eux comme pour tous. Fais revenir ces prisonniers qui, à tes yeux et aux miens, sont enserrés dans les chaînes d’une erreur obstinée. Ramène-les, Père, comme un torrent qui se jette dans un grand fleuve, dans la grande mer de ta miséricorde et de ta paix. Mes serviteurs et moi, c’est dans les larmes que nous semons en eux ta vérité. Père, fais qu’au temps de la grande moisson, nous puissions, nous tous tes serviteurs qui enseignons ta vérité, moissonner joyeusement dans ces sillons — qui actuellement semblent n’être couverts que de plantes épineuses et vénéneuses — le blé de choix de tes greniers. Père ! Père ! A cause des fatigues, des larmes, des souffrances, de la sueur, des morts qui ont été et seront les compagnons des semeurs, fais que nous puissions venir à toi en portant, comme des gerbes, les prémices de ce peuple, les âmes qui à nouveau seront nées à la justice et à la vérité pour ta gloire. Amen. »

      556.10 Le silence était vraiment impressionnant, tant il était absolu malgré la foule compacte qui emplissait la synagogue et son parvis. Peu à peu, il fait place à un chuchotement discret, puis à un murmure qui grandit jusqu’à devenir une rumeur, et s’épanouit enfin en hosannas. Les gens gesticulent, commentent et acclament…

      Comme tout, ici, est différent de la conclusion des discours du Temple ! Malachie intervient au nom de tous :

      « Toi seul peux dire ainsi la vérité, sans offenser ni mortifier qui que ce soit ! Tu es vraiment le Saint de Dieu ! Prie pour notre paix. Nous sommes endurcis par des siècles de… croyances et d’affronts, et nous devons rompre cette dure écorce qui nous enveloppe. Aie pour nous de la compassion.

      – Davantage encore : de l’amour. Faites preuve de bonne volonté, et l’écorce se fissurera d’elle-même. Que la lumière vienne à vous. »

      Il se fraie un chemin et sort, suivi de ses apôtres.

* Nathanaël et Barthélémy sont les deux noms de la même personne.




[1] Une vaste opération policière contre les bandits de grands chemins a été lancée par les romains. Voir ce qu'en dit Ponce Pilate (EMV 549.14, page 476). C'est probablement au cours de cette opération policière que Dismas, le bon larron, sera capturé.

[2] Siracide 50,25-26.

[3] Hermastée est parti évangéliser son pays, la Philistie (EMV 486). Il meurt, probablement assassiné (EMV 564).

[4] Allusion à la défection massive des disciples après le discours sur le "Pain de Vie" (EMV 354.15).

[5] Les samaritains se limitaient à la Torah (les cinq premiers livres, dits de Moïse) et ignoraient les prophètes. Maria Valtorta l’a rappelé en EMV 483.1.

[6] Esdras 1,1 et suivants.

[7] Esdras 3,12.

[8] Esdras 4,1 et suivants.

[9] Un sage, c’est-à-dire Salomon. Psaume 126 (Hébreu 127), 1-2.

[10] Pierre angulaire : allusion au Psaume 117 (Hébreu 118), 22 et Isaïe 28, 16.

[11] Psaume 121 (Hébreu 122) : Quelle joie, quand on m’a dit : Nous allons à la maison du Seigneur ! Nos pas s’arrêtent enfin chez toi, Jérusalem, Jérusalem, ville bien bâtie, bien ceinturée de ses murailles. C’est chez toi que les tribus d’Israël, les tribus du Seigneur, viennent en pèlerinage pour louer le Seigneur.         
Les psaumes graduels (Psaumes 119 à 133 (Hébreu 120‑134), ou psaumes des montées, étaient chantés par les pèlerins en route vers Jérusalem pour monter au Temple. Il en est déjà fait mention en EMV 195.4. Un de ces psaumes est cité juste après.

[12] Psaume 125 (Hébreu 126) : Quand le Seigneur ramena les captifs de Sion, nous étions comme en rêve; alors notre bouche s’emplit de rire et nos lèvres de chansons. Alors on disait chez les païens : Merveilles que fit pour eux Seigneur !






*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-017.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/discours-aux-samaritains-sur-le-vrai-temple-et-sur-les-temps-nouveaux.html
Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 8 Avr - 22:26

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
557. Les oncles des trois enfants arrachés aux voleurs arrivent de Sichem
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 18.
Nouvelle édition : Tome 9, chapitre 557.
 
Le 18 janvier 1947
 
Lundi 14 janvier 30
Ephraïm

 
      557.1 Jésus est seul dans la petite île au milieu du torrent. Sur la rive, au-delà du torrent, les trois enfants jouent ; ils chuchotent comme s’ils ne voulaient pas troubler la méditation de Jésus. Parfois, le plus jeune pousse un petit cri de joie en découvrant un caillou de belle couleur ou une fleur nouvelle ; les autres le font taire en lui disant : “ Tais-toi ! Jésus prie… ” et le chuchotement reprend pendant que les petites mains brunes édifient des petits blocs de sable et des cônes qui, dans leur imagination enfantine, devraient être des maisons et des montagnes.

      Au-dessus, le soleil resplendit, gonflant toujours plus les bourgeons sur les arbres et ouvrant les boutons dans les prés. Le feuillage gris-vert du peuplier tremble, et les oiseaux, à son sommet, se chamaillent en des rivalités d’amour qui se terminent tantôt par un chant, tantôt par un cri de douleur.

      Jésus prie. Assis dans l’herbe, séparé par une touffe de joncs du sentier de la rive, il est absorbé dans son oraison mentale. Par moments, il lève les yeux pour regarder les enfants jouer, puis il les rabaisse pour se plonger dans ses pensées.

      557.2 Un bruit de pas parmi les arbres de la rive et l’arrivée subite de Jean sur la petite île mettent en fuite les oiseaux, qui s’envolent avec des cris effrayés de la cime du peuplier, mettant fin à leur carrousel.

      Jean ne voit pas tout de suite Jésus, qui est caché par des joncs et, un peu interdit, il appelle :

      « Où es-tu, Maître ? »

      Jésus se lève tandis que les trois enfants crient de la rive opposée :

      « Il est là-bas ! Derrière les hautes herbes. »

      Mais Jean a déjà vu Jésus, et il s’avance vers lui :

      « Maître, la famille, les parents des enfants sont arrivés, avec beaucoup de gens de Sichem. Ils sont allés chez Malachie, et Malachie les a conduits à la maison. Je suis venu te chercher.

      – Et Judas, où est-il ?

      – Je ne sais pas, Maître. Il est sorti dès que tu es parti ici, et il n’est pas rentré. Il doit être en ville. Veux-tu que j’aille le chercher ?

      – Non, il ne faut pas. Reste ici avec les enfants. Je veux d’abord parler à leur famille.

      – Comme tu veux, Maître. »

      Une fois que Jésus s’est éloigné, Jean rejoint les garçons et se met à les aider dans leur grande entreprise d’établir un pont sur un fleuve imaginaire fait de longues feuilles de roseau disposées sur le sol pour représenter l’eau…

      557.3 Jésus entre dans la maison de Marie, femme de Jacob, qui l’attend sur le seuil et qui lui dit :

      « Ils sont montés sur la terrasse. Je les y ai conduits en leur offrant de se reposer, mais voici Judas qui accourt du village. Je vais l’attendre puis préparer de quoi restaurer les pèlerins. Ils sont bien fatigués. »

      Jésus aussi attend Judas dans l’entrée, qui est un peu sombre par rapport à la lumière extérieure. Judas n’aperçoit pas tout de suite Jésus et, d’un air hautain, il lance à la femme :

      « Où sont les gens de Sichem ? Déjà partis, peut-être ? Et le Maître ? Personne ne l’appelle ? Jean… » A la vue de Jésus, il change de ton pour dire : « Maître ! Je suis accouru dès que j’ai appris, par pur hasard… Tu étais déjà à la maison ?

      – Il y avait Jean, et il est venu me chercher.

      – Je l’aurais fait aussi. Mais, à la fontaine, des gens m’ont invité à leur expliquer certaines choses… »

      Sans lui répondre, Jésus va accueillir les hommes qui l’attendent, assis en partie sur les murets de la terrasse, en partie dans la pièce qui s’ouvre sur elle. Dès qu’ils le voient, ils se lèvent pour lui faire honneur.

      Jésus, après les avoir salués collectivement, les salue chacun par son nom, à l’étonnement joyeux de ceux-ci qui lui disent :

      « Tu te souviens encore de nos noms ? »

      Ce doit être des habitants de Sichem.

      Jésus répond :

      « De vos noms, de vos visages et de vos âmes. Vous avez accompagné les oncles des enfants ? Ce sont eux ?

      – Ce sont eux. Ils sont venus les chercher, et nous nous sommes joints à eux pour te remercier de ta pitié pour ces petits enfants d’une femme de Samarie. Il n’y a que toi pour agir de la sorte ! Tu es toujours le Saint qui ne fait que des œuvres saintes. Nous aussi, nous nous souvenons toujours de toi. Alors, quand nous avons appris que tu étais ici, nous sommes venus te voir et te dire combien nous te sommes reconnaissants d’avoir choisi de te réfugier chez nous et de nous avoir aimés dans les fils de notre sang. 557.4 Mais maintenant, écoute les oncles des enfants. »

      Jésus, suivi de Judas, se dirige vers eux et les salue de nouveau pour les inviter à parler.

      « Nous ne savons pas si tu le sais, mais nous sommes les frères de la mère des enfants. Nous étions très fâchés contre elle, parce que, sottement et contre nos conseils, elle avait voulu ce mariage malheureux. Notre père fut faible avec l’unique fille de sa nom­breuse descendance, à tel point que nous nous sommes fâchés avec lui et que, pendant plusieurs années, nous ne nous sommes pas parlé ni vus. Puis, sachant que la main de Dieu s’appesantissait sur la femme, et que la misère s’était installée dans sa maison — car une union impure n’est pas protégé par la bénédiction divine —, nous avons repris chez nous notre vieux père pour qu’il ne subisse pas d’autre douleur que la misère dans laquelle la femme était tombée. Puis nous avons appris son décès. Tu étais passé depuis peu et nous parlions de toi entre nous… Alors, surmontant notre indignation, nous avons proposé à son époux par l’intermédiaire de lui et lui (il désigne deux habitants de Sichem) de reprendre les enfants. Ils étaient par moitié de notre sang. Il répondit qu’il préférait les savoir morts tragiquement que vivants de notre pain. Nous n’avons eu ni les enfants ni le corps de notre sœur, même pas cela, alors que nous aurions souhaité l’ensevelir selon nos rites ! Nous avons alors juré de le haïr toujours, lui et sa descendance. Et la haine l’a frappé comme une malédiction, au point qu’après avoir été libre, il devint serviteur, puis… un cadavre, mort comme un chacal dans une tanière puante. Nous n’aurions jamais dû l’apprendre, car tout était fini entre nous depuis longtemps. 557.5 Et nous avons eu bien peur lorsque, il y a maintenant huit nuits, nous avons vu les voleurs surgir dans notre aire. Mais quand nous avons connu la raison de leur venue, l’indignation, plus que la douleur, nous mordit comme du venin. Nous nous sommes hâtés de congédier ces voleurs en leur offrant une bonne récompense pour obtenir leur amitié, mais nous avons été étonnés de les entendre dire qu’ils s’étaient déjà payés et qu’ils ne voulaient rien d’autre. »

      Un éclat de rire ironique de Judas rompt à l’improviste le silence attentif que tous gardent. Il s’exclame :

      « Leur conversion ! Totale ! En vérité ! »

      Jésus le regarde avec sévérité, les autres avec étonnement, et celui qui parle reprend :

      « Que pouvais-je attendre de plus d’eux ? N’était-ce pas déjà beaucoup d’être venus amener le petit berger en défiant les dangers sans prendre de récompense ? A vie malheureuse, manière d’agir malheureuse. C’est sûr, le butin trouvé sur ce sot, mort comme un vagabond, n’a pas dû être bien important ! Vraiment pas… Et à peine suffisant pour eux, qui ont dû suspendre leurs larcins pendant dix jours au moins. Leur honnêteté nous a tellement surpris que nous leur avons demandé qui leur avait inculqué cette pitié. C’est ainsi que nous avons appris qu’un rabbi leur avait parlé… Un rabbi ! Ce ne pouvait être que toi ! Nul autre rabbi d’Israël ne pourrait faire ce que tu as fait. Après leur départ, nous avons interrogé de plus près le jeune pâtre, encore tout effrayé, et nous avons obtenu plus de détails. Nous avons d’abord appris que le mari de notre sœur était mort et que les enfants se trouvaient à Ephraïm chez un juste, puis que ce juste, un rabbi, leur avait parlé. Nous avons aussitôt pensé que c’était toi. Entrés à Sichem à l’aurore, nous en avons parlé avec ces hommes-ci, car nous n’avions pas encore décidé si nous accueillerions les enfants, ou non. Mais eux nous ont dit : “ Comment ! Voudriez-vous que ce soit en vain que le Rabbi de Nazareth ait aimé ces enfants ? Parce que c’est certainement lui, n’en doutez pas. Allons tous le trouver, car sa bienveillance est grande envers les fils de Samarie. ” Et, une fois réglées nos affaires, nous sommes venus. 557.6 Où sont les garçons ?

      – Près du torrent. Judas, va leur dire de venir. »

      Judas obéit.

      « Maître, c’est une rencontre difficile pour nous. Ils nous rappellent toutes nos peines, et nous nous demandons encore si nous allons les recevoir chez nous. Ce sont les enfants du plus violent ennemi que nous ayons eu au monde…

      – Ce sont des fils de Dieu. Ce sont des innocents. La mort efface le passé et l’expiation obtient le pardon, même de Dieu. Voudriez-vous vous montrer plus sévères que Dieu, et plus cruels que les larrons ? Plus obstinés qu’eux ? Les larrons voulaient tuer le jeune pâtre et garder les petits. Le premier par prudence, les seconds par humaine pitié envers des enfants sans défense. Le Rabbi a parlé, et non seulement ils n’ont pas tué le petit berger, mais ils ont même accepté de vous l’amener. Après avoir vaincu le crime, devrais-je connaître la défaite avec des cœurs droits ?

      – C’est que… Nous sommes quatre frères, et il y a déjà tren­te-sept enfants à la maison…

      – Et là où trente-sept passereaux trouvent leur nourriture, parce que le Père des Cieux leur procure le grain, est-ce que quarante n’en trouveront pas ? Est-ce que la puissance du Père ne pourra pas fournir leur nourriture à trois autres, ou plutôt quatre, de ses fils ? Est-ce que cette divine Providence est limitée ? Est-ce que l’Infini aura peur de rendre vos semences, vos brebis et vos arbres plus féconds, pour qu’il y ait suffisamment de pain, d’huile, de vin, de laine et de viande pour vos enfants et les quatre autres pauvres petits restés seuls ?

      – Ils sont trois, Maître !

      – Ils sont quatre. Le jeune pâtre est orphelin lui aussi. Pourriez-vous, si Dieu vous apparaissait ici, soutenir que votre pain est tellement compté que vous ne pouvez nourrir un orphelin ? Avoir pitié de l’orphelin est un commandement du Pentateuque…

      – Nous ne le pourrions pas, Seigneur, c’est vrai. Nous ne serons pas inférieurs aux voleurs. Nous donnerons pain, vêtement et logement même au petit berger, et par amour pour toi.

      – Par amour. Par amour total : pour Dieu, pour son Messie, pour votre sœur, pour votre prochain. Voilà l’hommage et le pardon qu’il faut à votre sang, et non un froid tombeau pour ses cendres. Le pardon, c’est la paix. Paix pour l’esprit de l’homme qui a péché. Mais ce ne serait qu’un pardon mensonger, tout extérieur, sans aucune paix pour l’esprit de la morte, qui est votre sœur et la mère de ces petits, si la juste expiation de Dieu s’augmentait du tourment de savoir que ses enfants innocents paient pour son péché. La miséricorde de Dieu est infinie, mais unissez-y la vôtre pour donner la paix à la morte.

      – Nous le ferons ! Nous le ferons ! Notre coeur ne se serait soumis à personne, sauf à toi, Rabbi, qui es passé un jour parmi nous pour y laisser une semence qui n’est pas morte et qui ne mourra pas.

      – Amen ! 557.7 Voilà les enfants… »

      Jésus les montre qui marchent au bord du torrent vers la maison, et il les appelle…

      Lâchant la main des apôtres, ils accourent en criant : “ Jésus ! Jésus ! ” Ils entrent, montent l’escalier, arrivent sur la terrasse et s’arrêtent, tout intimidés devant tant d’étrangers qui les regardent.

      « Approchez, Ruben, Elisée et Isaac. Voici les frères de votre mère : ils sont venus vous chercher pour vous adjoindre à leurs enfants. Vous voyez comme le Seigneur est bon ? C’est vraiment comme cette colombe de Marie, femme de Jacob, que nous avons vue avant-hier donner la becquée à un petit qui n’était pas le sien, mais celui de son frère mort. Dieu vous recueille et vous donne à vos oncles pour qu’ils prennent soin de vous et que vous ne soyez plus orphelins. Allons ! Saluez-les.

      – Le Seigneur soit avec vous, seigneurs » dit timidement le plus grand en regardant par terre.

      Les deux plus petits lui font écho.

      « Celui-ci ressemble beaucoup à sa mère, et cet autre aussi, mais celui-là (le plus grand), c’est tout à fait son père, remarque l’un des oncles.

      – Mon ami, je ne crois pas que tu sois assez injuste pour faire une différence d’amour à cause d’une ressemblance de visage, dit Jésus.

      – Oh ! non, vraiment. J’observais… et je réfléchissais… Je ne voudrais pas qu’il ait aussi le cœur de son père.

      – C’est un enfant encore tendre. Ses simples paroles trahissent pour sa mère un amour bien plus vif que tout autre amour.

      557.8 – Il les tenait pourtant mieux que nous ne croyions. Ils sont bien vêtus et bien chaussés. Il avait peut-être fait fortune…

      – Mes frères et moi, nous portons des vêtements neufs, car Jésus nous a habillés. Nous n’avions ni chaussures ni manteaux, nous étions tout à fait comme le berger, dit le second, qui est moins timide que le premier.

      – Nous te dédommagerons de tout, Maître » répond un autre oncle, avant d’ajouter : « Joachim de Sichem avait les offrandes de la ville, mais nous y joindrons encore de l’argent…

      – Non, je ne veux pas d’argent. Je veux une promesse. Une promesse d’amour pour eux, que j’ai arrachés aux voleurs. Les offrandes… Malachie, prends-les pour les pauvres que tu connais et fais-en une part pour Marie, car sa maison est bien misérable.

      – Comme tu veux. S’ils sont bons, nous les aimerons.

      – Nous le serons, seigneur. Nous savons qu’il faut l’être pour retrouver notre mère et remonter le fleuve jusque dans le sein d’Abraham, et ne pas enlever des mains de Dieu le filin de notre barque pour ne pas être emportés par le courant du démon, débite Ruben tout d’un trait.

      – Mais que dit l’enfant ?

      – C’est une parabole qu’il a entendue de moi. Je l’ai dite pour consoler leur cœur et donner à leur âme une ligne de conduite. Les enfants l’ont retenue et ils l’appliquent à toutes leurs actions. Familiarisez-vous avec eux pendant que je m’adresse aux hommes de Sichem…

      557.9 – Maître, encore un mot. Ce qui nous a étonnés chez les voleurs, c’est qu’ils nous aient prié de demander au Rabbi, qui avait avec les enfants, de leur pardonner d’avoir mis tellement de temps pour venir. La raison en est que toutes les routes ne leur étaient pas ouvertes et que la présence d’un enfant parmi eux empêchait de longues marches à travers les gorges sauvages [1].

      – Tu entends, Judas ? » dit Jésus à l’Iscariote, qui ne réplique pas.

      Après cela, Jésus s’isole avec les habitants de Sichem, qui lui arrachent la promesse d’une visite, si brève qu’elle soit, avant la grande chaleur de l’été. Et ils racontent à Jésus ce qui se vit en ville, entre autres comment ceux qui ont eu leur âme ou leur corps guéris se souviennent de lui.

      Pendant ce temps, Jean et même Judas s’efforcent de fami­lia­riser les enfants avec leurs oncles…




[1] La région est quadrillée par une opération policière de grande envergure (voir le chapitre précédent).
[/color]




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-018.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/les-oncles-des-trois-enfants-arraches-aux-voleurs-arrivent-de-sichem.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 10 Avr - 22:30

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
558. Avec le groupe qui retourne à Sichem. La parabole de la goutte qui creuse le rocher
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 19.
Nouvelle édition : Tome 9, chapitre 558.
 
Le 21 janvier 1947
 
Mardi 15 janvier 30
Ephraïm

      558.1 Jésus est en train de marcher sur une route isolée. Entouré des habitants de Sichem, il suit les oncles des enfants. Ils traversent une région déserte : on ne voit aucune ville. Les garçons ont été mis en selle sur des ânes, et un parent tient la bride tout en les surveillant. Les autres ânes qui n’ont pas de cavaliers — les habitants de Sichem ont préféré marcher pour rester près de Jésus — pré­cèdent le groupe des hommes ; trottant en bande, ils braient de temps à autre, heureux de rentrer à l’écurie sans être chargés, par une splendide journée, entre des talus bordés d’herbe nouvelle où ils plongent de temps en temps le museau pour en goûter une bouchée, puis, en un pas amusant, caracolent pour rejoindre leurs compagnons montés. Cela fait rire les enfants.

      Jésus parle avec les Sichémites ou écoute leurs conversations. Il est visible que les Samaritains sont fiers d’avoir le Maître parmi eux, et rêvent plus qu’il ne convient. Ils vont jusqu’à dire à Jésus, en montrant les hautes montagnes à la gauche des voyageurs — qui font route vers le nord :

      « Tu vois ? Les monts Ebal et Garizim [1] ont une mauvaise renommée, mais pour toi, au moins, ils sont bien meilleurs que Sion, et ils le seraient totalement si tu le voulais, et si tu choisissais d’y de­meurer. Sion est toujours un repaire de Jébuséens, et ceux de maintenant te sont encore plus hostiles que les anciens pour David [2]. Lui a pris la citadelle par violence, mais toi qui n’agis pas ainsi, tu n’y régneras pas. Jamais. Reste parmi nous, Seigneur, et nous t’honorerons.»

      Jésus répond :

      « Dites-moi : m’auriez-vous aimé si j’avais voulu vous conquérir par la violence ?

      – Sincèrement… non. Nous t’aimons justement parce que tu es tout amour.

      – C’est donc à cause de l’amour, que je règne dans vos cœurs ?

      – Oui, Maître. Mais c’est parce que nous avons accueilli ton amour. Eux, ceux de Jérusalem, ne t’aiment pas.

      – C’est vrai, ils ne m’aiment pas. 558.2 Mais vous, qui êtes tous d’habiles commerçants, dites-moi : quand vous voulez vendre, acheter, faire des bénéfices, perdez-vous courage parce qu’à certains endroits on ne vous aime pas, ou bien négociez-vous malgré cela, en vous préoccupant uniquement de faire de bons achats et de bonnes ventes, sans vous demander si l’amour de vos acheteurs ou de vos vendeurs intervient dans l’argent que vous gagnez ?

      – C’est seulement de l’affaire que nous nous préoccupons. Peu nous importe s’il y manque l’amour de ceux qui traitent avec nous. Une fois l’affaire conclue, tout contact cesse. Le profit demeure… Le reste n’a pas de valeur.

      – Eh bien, moi aussi, qui suis venu servir les intérêts de mon Père, je ne dois pas me préoccuper de cela. Si, là où je les sers, je trouve amour, mépris ou dureté, je ne m’en soucie guère. Dans une ville commerçante, ce n’est pas avec tous que l’on traite pour acheter, vendre et obtenir des bénéfices. Mais même si l’on fait affaire avec un seul et que le profit est bon, on se dit que le voyage n’a pas été inutile, et on y retourne autant que nécessaire. Car ce que l’on n’obtient qu’avec une seule personne la première fois, on l’obtient avec trois la seconde, avec sept la quatrième, avec des dizaines les autres fois. N’en est-il pas ainsi ? Et moi, j’agis pour les conquêtes du Ciel comme vous pour vos marchés : j’insiste, je persévère, je trouve qu’un petit nombre c’est déjà beaucoup, car une seule âme sauvée est d’une grande importance et me récompense de tous mes efforts. Chaque fois que j’y vais et que je surmonte tout ce qui peut être réaction humaine, quand il s’agit de conquérir, comme Roi spirituel, ne serait-ce qu’une seule personne, non, je ne prétends pas que ma démarche, ma souffrance, mes fatigues ont été vaines : au contraire, j’appelle saints, aimables et désirables les mépris, les injures, les accusations. Je ne serais pas un bon conquérant si je m’arrêtais devant les obstacles des forteresses de granit.

      – Mais il te faudrait des siècles pour les vaincre. Toi… tu es un homme. Tu ne vivras pas des siècles. Pourquoi perdre ton temps là où l'on ne veut pas de toi ?

      – Je vivrai beaucoup moins. Je ne serai bientôt plus parmi vous, je ne verrai plus les aurores et les couchers de soleil comme les pierres milliaires des jours qui commencent et des jours qui s’achèvent, mais je les contemplerai uniquement comme des beautés de la Création, et je louerai pour eux le Créateur qui les a faits et qui est mon Père ; je ne verrai plus fleurir les arbres et mûrir les blés, et je n’aurai pas besoin des fruits de la terre pour me garder en vie, car revenu dans mon Royaume, je me nourrirai d’amour. Et pourtant, j’abattrai les nombreuses forteresses barricadées que sont les cœurs des hommes.

      558.3 Observez cette pierre, là, au-dessous de la source, au flanc de la montagne. La source est bien faible, elle ne jaillit pas, mais l’eau en coule goutte à goutte, une goutte qui tombe depuis des siècles sur cette pierre en saillie sur le flanc de la montagne. Or la pierre est bien dure. Ce n’est pas du calcaire friable ni de l’albâtre mou, c’est du basalte très dur [3]. Voyez cependant comment il s’est formé, au centre de la masse convexe et malgré cette forme, un minuscule miroir d’eau, pas plus large que le calice d’un nénuphar, mais suffisant pour refléter le ciel bleu et désaltérer les oiseaux. Cette concavité dans la masse convexe, serait-ce l’homme qui l’a faite pour mettre un joyau d’azur dans la pierre sombre et une coupe d’eau fraîche pour les oiseaux ? Non, il ne s’en est pas occupé. Depuis des siècles, une goutte creuse par un travail incessant et régulier ce rocher, depuis des siècles des hommes passent devant, mais nous sommes peut-être les premiers à observer ce basalte noir avec, au milieu, ce liquide turquoise. Nous en admirons la beauté, et nous louons l’Eternel de l’avoir voulu pour charmer nos yeux et rafraîchir les oiseaux qui font leurs nids près d’ici.

      Mais dites-moi : la première goutte qui a coulé au-dessous de cette corniche basaltique qui surmonte le rocher et qui est tombée de sa hauteur sur la roche, a-t-elle suffi à creuser la coupe qui reflète le ciel, le soleil, les nuages et les étoiles ?

      Non. L’une après l’autre, des milliards de gouttes se sont succédé, jaillissant comme une larme de là-haut, tombant avec un scintillement pour frapper le rocher et y mourir avec une note de harpe ; elles ont creusé d’une profondeur inappréciable tant la matière dure était nulle. Et il en fut ainsi pendant des siècles, avec le mouvement régulier du sable dans un sablier, pour marquer le temps : tant de gouttes à l’heure, tant au cours d’une veille, tant entre l’aube et le couchant, entre la nuit et l’aurore, tant par jour, tant d’un sabbat à l’autre, tant d’une nouvelle lune à une nouvelle lune, tant d’un mois de Nisan à un mois de Nisan, et d’un siècle à un siècle. Le rocher résistait, la goutte persistait.

      L’homme, qui est orgueilleux, donc impatient et peu partisan de l’effort, aurait jeté la masse et la gouge après les premiers coups en disant : “ Il est impossible de creuser une telle roche. ” Or la goutte l’a creusée. C’était ce qu’elle devait faire, ce pourquoi elle a été créée. Elle a coulé, une goutte après l’autre, pendant des siècles, pour arriver à entailler le rocher. Et elle ne s’est pas arrêtée ensuite en disant : “ Maintenant, c’est le ciel qui pensera à alimenter la coupe que j’ai formée, avec les rosées et les pluies, les gelées et les neiges. » Mais elle a continué à tomber, et c’est elle seule qui emplit cette coupe minuscule pendant les chaleurs de l’été, pendant les rigueurs de l’hiver, alors que les pluies violentes ou légères plissent le miroir, mais ne peuvent ni l’embellir ni l’élargir ni l’approfondir parce qu’il est déjà plein, utile, beau. La source sait que ses filles, les gouttes, s’en vont mourir dans le petit bassin, mais elle ne les retient pas. Au contraire, elle les pousse vers leur sacrifice et, pour qu’elles ne restent pas seules en tombant ainsi dans la tristesse, elle leur envoie de nouvelles sœurs pour que celle qui meurt ne soit pas seule et se voit perpétuée en d’autres.

      558.4 Moi aussi, en frappant des centaines de fois les forteresses des cœurs endurcis et en me perpétuant dans les successeurs que j’enverrai jusqu’à la fin des siècles, j’ouvrirai en eux des passages, et ma Loi entrera comme un soleil partout où il y a des créatures. Mais si, ensuite, elles refusent la lumière et ferment les passages qu’un inépuisable effort aura ouverts, mes successeurs et moi n’en serons pas coupables aux yeux de notre Père. Si cette source s’était frayé un autre chemin, en voyant la dureté du rocher, et s’était égouttée plus loin, sur un terrain herbeux, dites-moi : aurions-nous trouvé, nous, ce joyau étincelant et les oiseaux ce limpide réconfort ?

      – On ne l’aurait même pas vu, Maître.

      – Tout au plus… un peu d’herbe plus touffue même en été aurait indiqué l’endroit où la source s’égouttait.

      – Ou… moins d’herbe qu’ailleurs, les racines pourrissant en raison d’une humidité continuelle.

      – Et de la boue. Rien de plus. Ces gouttes auraient été inutiles.

      – Vous l’avez dit : un égouttement inutile, superflu. Moi même, si je devais m’attacher uniquement aux cœurs disposés à m’accueillir par justice ou par sympathie, mon œuvre serait imparfaite. En effet, j’agirais, cela oui, mais sans effort et même en y trouvant une grande satisfaction, un compromis agréable entre le devoir et le plaisir. Il n’est pas pénible de travailler là où l’amour vous entoure et rend dociles les âmes à purifier. Mais s’il n’y a pas de fatigue, il n’y a pas de mérite, et guère de profit : on fait peu de conquêtes, puisqu’on se borne aux personnes déjà justes. Je ne serais pas celui que je suis, si je ne cherchais pas à racheter le monde entier, d’abord à la vérité, puis à la grâce.

      558.5 – Et tu penses y parvenir ? Que pourras-tu faire de plus que tu n’aies déjà fait pour amener tes adversaires à ta parole ? Quoi donc ? Si même la résurrection de l’homme de Béthanie n’a pas suffi pour faire reconnaître aux juifs que tu es le Messie de Dieu ?

      – J’ai encore quelque chose de plus grand à accomplir, de beaucoup plus grand que ce que j’ai déjà fait.

      – Quand, Seigneur ?

      – Quand la lune de Nisan sera pleine [4]. Faites attention, à ce moment-là.

      – Y aura-t-il un signe dans le ciel ? On dit que, au moment de ta naissance, le ciel s’est fait entendre par des lumières, des chants et des étoiles extraordinaires.

      – C’est vrai. Pour dire que la Lumière était venue dans le monde. Alors, au mois de Nisan, on verra des signes sur la terre et dans le ciel ; des ténèbres, des secousses, le rugissement de la foudre dans le firmament ainsi que des tremblements dans les entrailles ouvertes de la terre feront croire à la fin du monde. Mais ce ne sera pas la fin. Ce sera le commencement, au contraire. D’abord, à ma venue, le Ciel enfanta pour les hommes le Sauveur et, comme c’était une action de Dieu, la paix accompagnait l’événement. Au mois de Nisan, ce sera la terre qui, de sa propre volonté, enfantera pour elle le Rédempteur ; et comme ce sera une action des hommes, elle ne sera pas accompagnée de la paix. On assistera au contraire à d’horribles convulsions. Dans l’horreur de l’heure du siècle et de l’enfer, la terre se déchirera sous les flèches enflammées de la colère divine, et elle criera sa volonté, trop ivre pour en comprendre la portée, trop possédée par Satan pour l’empêcher. Telle une folle qui enfante, elle croira détruire le fruit considéré comme maudit, sans comprendre qu’au contraire elle le relèvera en des lieux où plus jamais la douleur et les pièges ne le rejoindront. A partir de ce moment, l’arbre, ce nouvel arbre, étendra ses branches sur toute la terre, à travers tous les siècles, et Celui qui vous parle sera reconnu — avec amour ou avec haine — comme étant le vrai Fils de Dieu et le Messie du Seigneur. Et malheur à ceux qui le reconnaîtront sans vouloir l’avouer, et sans se convertir à moi !

      558.6 – Où cela arrivera-t-il, Seigneur ?

      – A Jérusalem. Elle est bien la cité du Seigneur.

      – Dans ce cas, nous n’y serons pas car, en Nisan, la Pâque nous retient ici. Nous sommes fidèles à notre Temple.

      – Il vaudrait mieux que vous soyez fidèles au Temple vivant, qui n’est ni sur le mont Moriah ni sur le mont Garizim, mais qui, étant divin, est universel. Mais je sais attendre votre heure, celle à laquelle vous aimerez Dieu et son Messie en esprit et en vérité.

      – Nous croyons que tu es le Christ. C’est pour cela que nous t’aimons.

      – Aimer, c’est quitter le passé pour entrer dans mon présent. Vous ne m’aimez pas encore parfaitement. »

      Les Samaritains se regardent par en dessous, silencieusement. Puis l’un d’eux prend la parole :

      « Pour toi, pour venir à toi, nous le ferions. Mais, même si nous le voulions, nous ne pourrions pas entrer là où sont les juifs. Tu le sais. Ils ne veulent pas de nous…

      – Et vous ne voulez pas d’eux. Mais soyez en paix. D’ici peu, il n’y aura plus deux régions, deux Temples, deux pensées opposées, mais un seul peuple, un seul Temple, une seule foi pour tous ceux qui aspirent à la vérité. 558.7 Mais je dois maintenant vous quitter. Les enfants sont désormais consolés et distraits et, pour moi, le chemin de retour à Ephraïm pour arriver avant la nuit est long. Ne vous agitez pas. Cela pourrait attirer l’attention des petits, et il ne faut pas qu’ils remarquent mon départ. Continuez. Moi, je m’arrête ici. Que le Seigneur vous guide sur les sentiers de la terre et sur ceux de sa Voie. Allez. »

      Jésus s’approche de la montagne et les laisse s’éloigner. Le dernier écho que l’on perçoit de la caravane qui retourne à Sichem, c’est le joyeux éclat de rire d’un enfant qui retentit dans le silence du chemin de montagne.




[1] Ebal est un lieu de culte des Israélites pendant la période des Juges. C’est le lieu sur lequel les fils d’Israël devaient prononcer les malédictions (Dt 11, 29).        
Garizim est proche de l’actuelle Naplouse. Aux alentours de 330 av. J.‑C., la population samaritaine a bâti au sommet de la montagne un temple devenu le centre religieux du samaritanisme, à la façon du Temple de Jérusalem pour le judaïsme.

[2] David : il s’agit de l’épisode de la prise de Jérusalem, que relatent 
2 Samuel 5, 6‑10 | 1 Chroniques 11, 4‑9.

[3] Précision géologique qu'il conviendrait d'expertiser. Le basalte, une pierre très dure, se trouve au sud, dans la Pérée et au nord dans la Gaulanitide. Se trouvait-elle aussi dans la région comprise entre Ephraïm et Sichem ?

[4] La passion aura lieu lors de la pleine lune de Nisan. C’est dans moins de 2 mois.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-019.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/la-parabole-de-la-goutte-qui-creuse-le-rocher.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 11 Avr - 20:06

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
559. A Ephraïm des pélerins arrivent de la Décapole. Une mission secrète de Manahen
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 20.
Nouvelle édition : Tome 9, chapitre 559.
 
Le 22 janvier 1947
 
Mercredi 23 janvier 30
Ephraïm


      559.1 La nouvelle de la présence de Jésus à Ephraïm doit s’être répandue, peut-être parce que les habitants eux-mêmes s’en sont vantés ou pour quelque autre raison. Toujours est-il que nombreux sont désormais ceux qui viennent le trouver, des malades pour la plupart, des affligés, mais aussi des gens désireux de le voir. Je m’en rends compte en entendant Judas déclarer à un groupe de pèlerins venus de la Décapole [1]:

      « Le Maître est absent. Mais Jean et moi sommes là, et c’est la même chose. Dites donc ce que voulez et nous le ferons.

      – Mais vous ne pourrez jamais enseigner ce que le Maître enseigne, objecte quelqu’un.

      – Nous sommes d’autres Jésus, homme. Souviens-t’en toujours. Mais si tu tiens à entendre le Maître, reviens avant le sabbat et retourne chez toi après. Le Maître est maintenant un vrai maître. Il ne parle plus sur tous les chemins, ni dans les forêts, ni sur les rochers comme un vagabond, et à tout instant comme un esclave. Il parle ici le jour du sabbat comme cela lui convient. Et il fait bien ! Pour ce que cela lui a servi de se fatiguer et d’aimer jusqu’à s’épuiser !

      – Mais ce n’est pas notre faute si les juifs…

      – Juifs ou non, vous êtes tous à mettre dans le même panier ! Vous avez été et serez tous pareils. Lui, il est tout à vous. Vous, vous ne faites rien pour lui. Lui, il donne. Vous, vous ne donnez pas, même pas l’aumône que l’on accorde au mendiant.

      – Mais nous l’avons, notre offrande pour lui. La voilà, si tu ne nous crois pas. »

      559.2 Jean, qui a gardé le silence mais souffre manifestement, regarde Judas avec une expression de supplication, de reproche, d’avertissement. Finalement, il ne peut plus se taire. Alors que Judas tend déjà la main pour saisir l’offrande, il retient le bras de son compagnon :

      « Non, Judas. Pas cela ! Tu connais l’ordre du Maître. » Puis il se tourne vers les arrivants pour ajouter : « Judas s’est mal expliqué et vous avez mal compris. Ce n’est pas ce qu’il voulait dire. C’est seulement l’offrande d’une foi sincère, d’un amour fidèle que nous, moi, mes compagnons, vous, nous devons donner en échange de tout ce que le Maître nous apporte. Quand nous marchions à travers la Palestine, il acceptait vos offrandes parce qu’elles nous étaient nécessaires pour nos déplacements ; de plus, nous rencontrions de nombreux mendiants sur notre route, et bien des misères cachées se faisaient connaître à nous. Maintenant, ici, nous n’avons besoin de rien — que la Providence en soit louée — et nous ne voyons pas de mendiants. Reprenez donc votre offrande et remettez-la, au nom de Jésus, à des malheureux. Ce sont les désirs de notre Seigneur et Maître, et ses ordres à ceux d’entre nous qui vont évangéliser les villes. Mais si vous avez des malades avec vous ou si quelqu’un a un vrai besoin de parler au Maître, dites-le. J’irai le chercher à l’endroit où il s’isole pour prier, car son esprit a un grand besoin de se recueillir dans le Seigneur. »

      Judas bougonne quelque chose entre ses dents, mais il ne contredit pas Jean ouvertement. Il s’assied près du foyer allumé comme s’il se désintéressait de l’affaire.

      « En réalité… nous n’en avons pas un grand besoin. Nous avons appris sa présence ici, et nous avons traversé le fleuve pour venir le voir. Mais si nous avons mal fait…

      – Non, mes frères. Ce n’est pas mal de l’aimer et d’aller à sa recherche, même si cela est difficile et fatigant. Et votre bonne volonté aura sa récompense. Je vais annoncer au Seigneur votre venue, et il viendra sûrement. Mais si ce n’était pas le cas, je vous apporterais sa bénédiction. »

      Et Jean sort dans le jardin pour aller trouver le Maître.

      « Laisse ! Je m’en charge » lance Judas impérieusement

      Et il se lève pour courir dehors.

      Jean le regarde partir et n’objecte rien. Il rentre dans la cuisine où sont entassés les pèlerins. Mais, immédiatement, il leur propose :

      « Voulez-vous marcher à la rencontre du Maître ?

      – Mais s’il ne voulait pas…

      – Oh ! ne donnez pas d’importance à un malentendu, je vous en prie. 559.3 Vous connaissez certainement les raisons pour lesquelles nous sommes ici. Ce sont les autres qui obligent le Maître à ces mesures de prudence, ce n’est pas la volonté de son cœur. Lui a toujours les mêmes sentiments pour vous tous.

      – Nous le savons. Les premiers jours, après la lecture du décret, il y a eu toute une recherche au-delà du Jourdain et aux endroits où ils pouvaient penser le trouver : à Beth-Abara, comme à Béthanie, à Pella, à Ramoth-Galaad, et aussi ailleurs. Et nous savons que ça s’est passé ainsi en Judée et en Galilée. Les maisons de ses amis ont été très surveillées car… si ses amis et ses disciples sont nombreux, il a aussi beaucoup d’ennemis qui croient servir le Très-Haut en persécutant le Maître. Puis les recherches ont subitement cessé et le bruit s’est répandu qu’il était ici [2].

      – Mais vous, par qui l’avez-vous appris ?

      – Par ses disciples.

      – Mes compagnons ? Où ?

      – Non. Aucun d’eux. D’autres, des nouveaux, car nous ne les avions jamais vus avec le Maître ni avec ses anciens disciples. Nous avons même été étonnés qu’il ait envoyé des inconnus révéler le lieu de sa présence, mais ensuite nous avons pensé qu’il a agi de la sorte parce que les nouveaux n’étaient pas connus des juifs en tant que disciples.

      – Je ne sais pas ce que vous dira le Maître, mais je vous re­commande de ne faire confiance, dorénavant, qu’à des disciples connus. Soyez prudents. Chacun, dans ce pays, sait ce qui est arrivé à Jean-Baptiste [3]…

      – Tu penses que…

      – Si Jean, haï par une seule femme, fut capturé et mis à mort, qu’en sera-t-il de Jésus, qui est également haï par le Palais royal et le Temple, et par les pharisiens, les scribes, les prêtres et les hérodiens ? Soyez donc vigilants pour ne pas avoir de remords… Mais le voilà qui arrive. Allons à sa rencontre. »

      559.4 C’est une nuit profonde et sans lune, mais éclairée par les étoiles. Comme je ne vois pas la position de la lune ni à quelle phase elle en est, je ne saurais dire l’heure. Je vois uniquement que c’est une nuit sereine. Ephraïm a entièrement disparu sous le voile noir de la nuit. Le torrent lui-même n’est plus qu’un clapotis. Son écume et son scintillement sont totalement masqués par la voûte verte des arbres des rives, qui interdisent même cette lumière, qui n’en est pas une, qui vient des étoiles.

      Un oiseau de nuit se lamente quelque part. Puis il se tait à cause d’un bruissement de feuillage et d’un crissement de roseaux rompus qui provient du côté de la montagne et se rapproche de la maison en suivant le torrent. Alors, une forme élancée et robuste émerge de la rive sur le sentier qui monte vers la maison. Elle s’arrête un moment comme pour s’orienter, rase le mur en tâtant avec les mains, trouve la porte, l’effleure et la dépasse, tourne, toujours en tâtonnant, au coin de la maison, jusqu’à atteindre l’entrée du jardin. Le visiteur nocturne essaie de l’ouvrir, la pousse, entre. Il longe les murs qui donnent sur le jardin. Il reste perplexe devant la porte de la cuisine. Puis il poursuit jusqu’à l’escalier extérieur, le monte à tâtons et s’assied sur la dernière marche, ombre noire dans l’ombre.

      Vers l’orient, la couleur du ciel nocturne — un voile noir dont on remarque seulement qu’il est tel à cause des étoiles qui le parsèment —, commence à changer de nuance, c’est-à-dire à prendre une teinte que l’œil arrive à percevoir pour ce qu’elle est : un gris d’ardoise qui ressemble à un brouillard épais et fumeux, mais est seulement une première clarté de l’aube qui s’avance. Et c’est lentement le miracle quotidien, toujours nouveau, de la lumière qui revient.

      L’individu, qui s’était accroupi par terre, recouvert par un manteau foncé, remue, s’étire, lève la tête, rejette son manteau un peu en arrière. C’est Manahen. Il est habillé comme un homme quelconque, et porte un lourd vêtement marron et un manteau assorti, d’une étoffe rude de travailleur ou de pèlerin, unie, sans boucles ni ceinture. Un cordon de laine retient son habit à la taille. Il se lève, déploie sa stature et regarde le ciel, où la lumière qui augmente permet de distinguer ce qui l’entoure.

      559.5 En bas, une porte s’ouvre en grinçant. Manahen se penche sans faire de bruit pour voir qui sort de la maison. C’est Jésus, qui referme précautionneusement la porte et se dirige vers l’escalier. Manahen rentre un peu et s’éclaircit la gorge pour attirer l’attention de Jésus, qui lève la tête et s’arrête au milieu de l’escalier.

      « C’est moi, Maître. C’est Manahen. Viens vite, car je dois te parler. Je t’ai attendu…» chuchote-t-il en se penchant pour le saluer.

      Jésus grimpe les dernières marches :

      « Paix à toi. Quand es-tu arrivé ? Comment ? Pourquoi ? deman­de-t-il.

      – Je crois avoir posé le pied ici juste après le chant du coq. Mais j’étais dans les buissons, là-bas au fond, depuis hier à la seconde veille.

      – Toute la nuit dehors !

      – Il n’y avait pas moyen de faire autrement. Je devais te parler, à toi seul. Je devais connaître le chemin pour trouver la maison, et n’être pas vu. Aussi, je suis venu de jour et je me suis caché là-haut. J’ai vu s’apaiser la vie dans la ville. J’ai vu Judas et Jean rentrer à la maison. Jean est même passé presque à côté de moi avec sa charge de bois ; il ne m’a pas aperçu, car j’étais bien caché dans le fourré. J’ai vu, tant qu’il a fait assez clair, une vieille femme entrer et sortir, et le feu briller dans la cuisine. Puis je t’ai vu descendre de là-haut quand le crépuscule était déjà terminé, et la porte s’est fermée. Alors je suis venu à la lumière de la lune nouvelle et j’ai reconnu le chemin. Je suis même entré dans le jardin. La porte est plus inutile que s’il n’y en avait pas. J’ai entendu vos voix, mais je devais te parler seul à seul. Je suis reparti pour revenir à la troisième veille et être ici. Je sais que tu te lèves habituellement avant le jour pour prier, et j’ai espéré que tu ferais de même aujourd’hui. Je loue le Très-Haut qu’il en soit ainsi.

      559.6 – Mais quelle raison avais-tu de venir me trouver avec tant de difficultés ?

      – Maître, Joseph et Nicodème souhaitent te rencontrer, et ils ont pensé le faire de manière à esquiver toute surveillance. Ils ont essayé d’autres fois, mais Belzébuth doit puissamment aider tes ennemis. Ils devaient toujours renoncer à venir, car leur maison n’était pas laissée sans surveillance, de même que celle de Nikê. Celle-ci devait d’ailleurs venir avant moi. C’est une femme cou­rageuse, et elle s’était mise en route seule par le mont Hadomim. Mais elle fut suivie et arrêtée près de la “ Montée du sang ” [4]. Alors, pour ne pas trahir ta demeure et pour justifier les vivres qu’elle avait sur sa monture, elle dit : “ Je monte chez un de mes frères qui se trouve dans une grotte dans la montagne. Si vous voulez venir, vous qui enseignez Dieu, vous ferez une œuvre sainte, car il est malade et il a besoin de Dieu. ” Par cette ruse audacieuse, elle les convainquit de partir. Mais elle n’a plus osé venir ici et elle alla réellement trouver quelqu’un qu’elle dit être dans une grotte et que tu lui as confié.

      – C’est vrai. Mais comment Nikê a-t-elle pu le faire savoir aux autres ?

      – En se rendant à Béthanie. Lazare est absent, mais les sœurs y sont. Il y a Marie. Et Marie est-elle une femme à s’effrayer de quoi que ce soit ? Elle s’est habillée comme peut-être Judith elle-même ne l’a pas fait pour aller trouver le roi, et elle est montée au Temple, publiquement, avec Sarah et Noémie, puis elle est allée à son palais de Sion. De là, elle a envoyé Noémie chez Joseph en leur confiant ce qu’il fallait dire. Et pendant que, par stratagème, les juifs se rendaient chez elle ou envoyaient des gens… lui rendre honneur, la vieille Noémie, en habits négligés, allait à Bézèta chez l’Ancien [5]. Nous nous sommes mis d’accord pour que ce soit moi — le nomade que personne ne soupçonne quand on le voit chevaucher à toute allure d’une résidence d’Hérode à l’autre — qui vienne t’annoncer que, la nuit entre le vendredi et le sabbat, Joseph et Nicodème, venant l’un d’Arimathie et l’autre de Rama, se rencontreraient à Goféna avant le coucher du soleil et t’attendraient là. Je connais l’endroit et la route, et je viendrai ici le soir pour te conduire. A moi, tu peux te fier, mais ne te fie qu’à moi, Maître. Joseph recommande que personne ne soit au courant de notre rencontre. Pour le bien de tous.

      – Même pour ton bien à toi, Manahen ?

      – Seigneur… moi, je suis moi. Mais je n’ai pas à sauvegarder des biens et des intérêts de famille comme Joseph.

      – Cela confirme mes paroles : les richesses matérielles sont toujours un fardeau… Mais dis bien à Joseph que personne n’entendra parler de notre rencontre.

      – Alors je peux repartir, Maître. Le soleil est levé et tes disciples pourraient se réveiller.

      – Va, et que Dieu soit avec toi. Je t’accompagne pour te montrer l’endroit où nous nous trouverons la nuit du sabbat… »

      Ils descendent sans bruit et sortent du jardin pour se rendre aussitôt sur les rives du torrent.




[1] Voir la carte de la Palestine historique.

[2] Système d'enquête efficace ? Information fournie par Judas ? On ne sait …

[3] Jean-Baptiste a été attiré hors de la zone où il s'était réfugié puis capturé (cf. EMV 180. Dans l'ancienne édition, il s'agit du tome 3, chapitre 40, page 236)

[4] On qualifiait de “Montée du sang” — explique Maria Valtorta sur une copie dactylographiée — un passage du mont Hadomim, en raison des crimes que les voleurs y accomplissaient.

[5] Joseph d'Arimathie (Joseph l'Ancien) a une maison dans ce quartier nord de Jérusalem.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-020.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/une-mission-secrete-de-manahen.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 12 Avr - 18:17

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
560. Dialogue dans la nuit, près de Goféna, avec Joseph d’Arimathie, Nicodème et Manahen.
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 21.
Nouvelle édition : Tome 9, chapitre 560.
 
Le 23 janvier 1947
 
Vendredi 25 janvier 30
Goféna


      560.1 C’est un chemin bien difficile que celui qu’a pris Manahen pour conduire Jésus à l’endroit où on l’attend : un étroit sentier de montagne, hérissé de pierres, qui traverse maquis et forêts. La lumière très claire de la lune à son premier quartier arrive difficilement à percer l’enchevêtrement des branches, et parfois disparaît tout à fait. Manahen y supplée par des torches qu’il a préparées et qu’il porte en bandoulière comme des armes sous son manteau. Lui devant, Jésus derrière, ils avancent sans parler dans le grand silence de la nuit. A deux ou trois reprises, un animal sauvage, en courant à travers les bois, imite un bruit de pas si bien que Manahen s’arrête, aux aguets. Mais à part cela, rien ne vient troubler leur marche déjà si fatigante.

      « Voici Goféna, Maître. Nous allons maintenant tourner : je compterai trois cents pas et je serai aux grottes où ils nous attendent depuis le coucher du soleil. Le chemin t’a paru long ? Nous avons pourtant pris des raccourcis qui, je crois, respectent la distance légale. [1]»

      Jésus fait un geste comme pour dire :

      « On ne pouvait faire autrement. »

      Manahen, attentif à compter les pas, se tait. Ils parviennent dans un défilé rocheux et nu, ressemblant à une caverne qui s’élève entre les parois de la montagne qui se touchent presque. On dirait une fracture produite par quelque cataclysme, tant elle est étrange, comme si un énorme coup de couteau dans la masse de la montagne l’avait coupée sur un bon tiers à partir du sommet. Au-dessus, tout en haut, au-delà des parois perpendiculaires, au-delà de l’agitation bruyante des arbres qui ont poussé sur les bords de l’énorme entaille, resplendissent les étoiles, mais la lumière de la lune ne descend pas dans ce gouffre. La lueur fumeuse de la torche réveille des oiseaux de proie, qui crient en agitant leurs ailes au bord de leurs nids, au milieu des crevasses.

      560.2 Manahen dit : « Voilà ! » et à l’intérieur d’une fente de la paroi rocheuse, il lance un cri qui ressemble à la plainte d’un gros hibou.

      Venant du fond, une lueur rougeâtre s’avance par un autre couloir rocheux, pourtant fermé en haut. Joseph survient :

      « Le Maître ? demande-t-il, car il ne voit pas Jésus qui se tient un peu en arrière.

      – Je suis ici, Joseph. Paix à toi.

      – A toi, la paix. Viens ! Venez. Nous avons fait du feu pour voir les serpents et les scorpions et pour chasser le froid. Je vous précède. »

      Il fait demi-tour et, par les lacets du sentier dans les entrailles de la montagne, il les conduit vers un endroit éclairé par des flammes. Là, près du foyer, se trouve Nicodème, qui jette des branches de genévrier sur le feu [2].

      « Paix à toi aussi, Nicodème. Me voici parmi vous. 560.3 Parlez.

      – Maître, personne ne s’est aperçu de ta venue ?

      – Et qui donc, Nicodème ?

      – Tes apôtres ne sont pas avec toi ?

      – Jean et Judas seulement. Les autres évangélisent depuis le lendemain du sabbat jusqu’au crépuscule du vendredi. Mais j’ai quitté la maison avant sexte en disant qu’il ne fallait pas m’attendre avant l’aube du lendemain du sabbat. Ils sont désormais trop habitués à mes absences de plusieurs heures pour que cela éveille des soupçons chez quelqu’un. Soyez donc tranquilles. Nous avons tout le temps de parler sans aucune crainte d’être surpris. Ici… l’endroit est commode.

      – Oui, c’est une tanière de serpents et de vautours… ainsi que de voleurs à la belle saison, quand ces montagnes sont remplies de troupeaux. Mais en ce moment, ils préfèrent d’autres lieux où ils tombent plus rapidement sur les bercails et les caravanes. Nous regrettons de t’avoir fait venir jusqu’ici, mais nous pourrons en repartir par des chemins différents sans attirer l’attention de personne. Car, Maître, le Sanhédrin garde à l’œil ceux qu’il soupçonne d’amour pour toi.

      – Sur ce point, je suis en désaccord avec Joseph. Il me semble que c’est nous, maintenant, qui voyons des ombres là où il n’y en a pas. J’ai aussi l’impression que cette suspicion s’est beaucoup apaisée depuis quelques jours… intervient Nicodème.

      – Tu te trompes, mon ami, je t’assure. Le climat s’est apaisé en ce sens qu’ils ne s’efforcent plus de rechercher le Maître, car ils savent désormais où il se trouve. Aussi, c’est lui qu’ils surveillent, et non pas nous. C’est pourquoi j’ai recommandé de ne dire à personne que nous allions nous rencontrer, pour que personne ne soit tenté de… faire n’importe quoi, dit Joseph.

      560.4 – Je ne crois pas que les habitants d’Ephraïm… objecte Manahen.

      – Pas eux, ni qui que ce soit de Samarie, ne serait-ce que pour prendre le contre-pied de ce que nous faisons de l’autre côté…

      – Non, Joseph, ce n’est pas pour cette raison. Mais eux n’ont pas dans le cœur ce mauvais serpent que vous avez. Eux ne craignent pas d’être dépouillés de quelque prérogative. Ils n’ont pas à défendre des intérêts de secte ou de caste. Ils n’ont rien, hormis un besoin instinctif de se sentir pardonnés et aimés par Celui qu’ont offensé leurs ancêtres et qu’ils continuent à offenser en restant en dehors de la Religion parfaite. S’ils sont en dehors, c’est que, vous comme eux, vous êtes orgueilleux, de sorte qu’aucun des deux côtés ne sait renoncer à la rancune qui sépare et se tendre la main au nom de l’unique Père. Oui, même si une telle bonne volonté avait existé chez eux, vous la briseriez, car vous, vous ne savez pas pardonner. Vous ne savez pas déclarer, en foulant aux pieds toute sottise : “ Le passé est mort, car le Prince du siècle à venir s’est levé et il nous rassemble tous sous son signe. ” De fait, je suis venu et je rassemble. Mais vous ! Pour vous, mon simple désir de vous voir tous rassemblés est anathème !

      – Tu es sévère avec nous, Maître.

      – Je suis juste. 560.5 Pouvez-vous soutenir que vous ne m’avez pas reproché dans votre cœur certains de mes actes ? Pouvez-vous soutenir que vous approuvez que ma miséricorde soit identique pour les juifs, les Galiléens, les Samaritains et les païens, et même encore plus grande pour eux et pour les grands pécheurs, justement parce qu’ils en ont encore plus besoin ? Pouvez-vous soutenir que vous n’attendez pas de moi des actes d’une violente majesté pour manifester mon origine surnaturelle et surtout — faites bien attention — ma mission de Messie, d’après l’idée que vous vous en faites ?

      Soyez sincères : à part la joie de votre cœur devant la ré­surrection de votre ami, n’auriez-vous pas préféré que j’arrive à Béthanie beau et cruel comme nos anciens à l’égard des Amorites [3] et des Basanites [4], et comme Josué envers les habitants de Aï [5] et de Jéricho [6] ou, mieux encore, en faisant s’écrouler au son de ma voix les pierres et les murs sur mes ennemis, comme les trompettes de Josué [7] le firent avec les murs de Jéricho ? Vous auriez peut-être voulu que je fasse pleuvoir du ciel de grosses pierres sur mes ennemis, comme cela s’est produit dans la descente de Béteron encore au temps de Josué ou, comme à une époque plus récente, que je fasse intervenir des cavaliers célestes chamarrés d’or s’élançant dans l’air, armés de lances comme des cohortes, et un défilé de cavaliers en escadrons bien ordonnés, tout cela suivi d’attaques de part et d’autre dans une effervescence de boucliers et d’armées coiffées de heaumes avec leur épée dégainée et lançant des flèches pour terroriser mes ennemis ? Oui, vous auriez préféré cela parce que, vous avez beau m’aimer beaucoup, votre amour est encore impur. Vous désirez ce qui n’est pas saint, ce qui alimente votre idée fixe d’israélites, votre vieille idée d’un Messie conquérant. On la retrouve aussi bien chez Gamaliel que chez le plus humble homme en Israël, chez le grand-prêtre, le Tétrarque, le paysan, le berger, le nomade, l’homme de la Diaspora… Un tel Messie est la hantise de ceux qui redoutent qu’il ne les réduise à rien. Il est l’espoir de ceux qui aiment leur patrie avec la violence d’un amour humain. Il est le rêve de ceux qui sont opprimés sous d’autres puissances, dans d’autres terres. Ce n’est pas votre faute. La notion pure de ce que je suis, telle que Dieu l’a donnée, s’est couverte au cours des siècles de scories inutiles. Et peu savent, par la souffrance, ramener l’idée messianique à sa pureté initiale. Mais maintenant qu’approchent les temps où sera donné le signe qu’attend Gamaliel, et avec lui tout Israël, maintenant que viennent les temps de ma parfaite manifestation, Satan travaille à rendre plus imparfait votre amour et à altérer davantage votre pensée. Son heure vient, je vous l’affirme. Et en cette heure de ténèbres, même ceux qui voient clair aujourd’hui ou ont seulement la vue basse, seront complètement aveugles. Peu, bien peu, reconnaîtront en l’Homme abattu le Messie. Peu verront en lui le vrai Messie, justement parce qu’il sera abattu comme l’ont annoncé les prophètes. Moi, je voudrais, pour le bien de mes amis, que pendant qu’il fait encore jour, ils sachent me voir et me connaître, pour pouvoir me reconnaître et me voir même quand je serai défiguré et dans les ténèbres de l’heure du monde… 560.6 Mais dites-moi maintenant ce que vous vouliez me confier. L’heure avance rapidement et l’aube va venir. Je parle pour vous, car moi, je ne crains pas de rencontres dangereuses.

      – Voilà : nous voulions te prévenir que quelqu’un doit avoir révélé l’endroit où tu te trouves, et cette personne n’est certainement ni Nicodème, ni Manahen, ni Lazare, ni ses sœurs, ni Nikê, ni moi. A qui d’autre as-tu parlé du lieu que tu as choisi pour refuge ?

      – A personne, Joseph.

      – Tu en es sûr ?

      – Oui.

      – Et as-tu donné des ordres à tes disciples pour qu’ils ne disent rien ?

      – Avant le départ, je ne leur ai pas indiqué l’endroit. Arrivé à Ephraïm, je leur ai donné l’ordre d’aller évangéliser et d’agir à ma place. Et je suis sûr de leur obéissance.

      – Et… tu es seul à Ephraïm ?

      – Non. Jean et Judas sont avec moi, comme je vous l’ai déjà dit. Mais je lis dans tes pensées : Judas ne peut m’avoir fait tort par son irréflexion, car il ne s’est jamais éloigné de la ville, or à cette époque, il n’y passe pas de pèlerins venus d’ailleurs.

      – Alors… c’est sûrement Belzébuth qui a parlé, car, au Sanhédrin, on sait que tu es ici.

      – Eh bien ? Comment réagissent-ils à ma conduite ?

      – De manières très différentes. Certains reconnaissent que c’est logique : puisqu’ils t’ont banni des lieux saints, il ne te restait qu’à te réfugier en Samarie. D’autres prétendent que cela révèle qui tu es réellement : un Samaritain d’esprit plus encore que de race, et cela leur suffit pour te condamner. Tous se réjouissent d’avoir pu t’imposer le silence et de pouvoir te désigner aux foules comme l’ami des Samaritains. Ils disent : “ Nous avons déjà gagné la bataille. Le reste ne sera qu’un jeu d’enfants. ” Mais, nous t’en prions, fais que cela ne soit pas vrai.

      – Ce ne sera pas vrai. Laissez-les parler. Ceux qui m’aiment ne se troubleront pas à cause des apparences. Laissez tomber le vent. C’est un vent de terre. Puis viendra le vent du Ciel, et le voile s’ouvrira pour qu’apparaisse la gloire de Dieu. 560.7 Souhaitez-vous me faire part d’autre chose ?

      – Non, pour ce qui te concerne. Sois vigilant, sois prudent, ne sors pas de là où tu es. Nous ajoutons que nous te ferons savoir…

      – Non. Pas besoin. Restez où vous êtes. Je vais avoir bientôt avec moi les femmes disciples et — cela oui — dites à Elise et à Nikê de rejoindre les autres, si elles le désirent. Dites-le aussi aux deux sœurs. Comme le lieu où je me trouve est désormais connu, ceux qui ne craignent pas le Sanhédrin peuvent venir pour notre réconfort mutuel.

      – Les deux sœurs ne peuvent se déplacer jusqu’au retour de Lazare. Il est parti en grande pompe ; Jérusalem tout entière a su qu’il se rendait dans ses propriétés lointaines, et on ne sait quand il reviendra. Mais son serviteur est déjà revenu de Nazareth, et il a dit — cela aussi, nous devions te l’apprendre — que ta Mère viendrait avec les autres avant la fin de cette lune. Elle se porte bien et de même Marie, femme d’Alphée. Le serviteur les a vues, mais elles tardent un peu, car Jeanne veut les accompagner, or elle ne le peut qu’à la fin de cette lune. 560.8 Et puis, voilà, si tu nous le permets, nous voudrions te venir en aide… en amis fidèles, même si imparfaits, comme tu le dis.

      – Non. Les disciples qui vont évangéliser apportent la veille de chaque sabbat ce qu’il faut pour eux et pour nous qui restons à Ephraïm. Nous n’avons pas besoin de plus. L’ouvrier vit de son salaire. Cela est juste. Le reste serait du superflu. Donnez-le à des malheureux. C’est ce que j’ai imposé aussi aux habitants d’Ephraïm et à mes apôtres eux-mêmes. J’exige qu’à leur retour ils n’aient pas le moindre sou en réserve, que toute obole soit donnée en cours de route, et qu’ils ne gardent pour nous que le nécessaire pour notre nourriture très frugale de la semaine.

      – Mais pourquoi, Maître ?

      – Pour leur enseigner le détachement des richesses et la nécessité pour l’esprit de dominer les préoccupations du lendemain. C’est pour cela et pour mes autres bonnes raisons de Maître que je vous prie de ne pas insister.

      – Comme tu voudras. Mais nous regrettons de ne pouvoir te servir.

      – L’heure viendra où vous le ferez… 560.9 N’est-ce pas la première lueur de l’aube ? dit-il en se tournant vers l’orient, c’est-à-dire du côté opposé à celui par lequel il est venu, et en montrant une clarté timide qui apparaît par une ouverture sur des fonds lointains [8].

      – Oui. Nous devons nous quitter. Moi, je retourne à Goféna où j’ai laissé ma monture, et Nicomède, par cet autre côté, descendra vers Bérot et de là à Rama, une fois le sabbat passé.

      – Et toi, Manahen ?

      – Moi, je vais prendre ouvertement les grandes routes en direction de Jéricho, où se trouve Hérode en ce moment. J’ai laissé mon cheval dans une maison de pauvres gens qui, pour une obole, n’ont honte de rien, pas même du Samaritain pour lequel ils me prennent. Mais pour le moment, je reste avec toi. Dans mon sac, j’ai des vivres pour deux.

      – Alors saluons-nous. 560.10 Nous nous retrouverons lors de la Pâque.

      – Non ! Tu ne voudrais pas t’exposer à ce danger ! s’exclament Joseph et Nicodème. Ne fais pas cela, Maître !

      – En vérité, vous êtes de mauvais amis, car vous me conseillez le péché et la lâcheté. Pourriez-vous ensuite m’aimer, si vous réfléchissez à ma conduite ? Dites-le, soyez sincères. Où devrais-je aller adorer le Seigneur à la Pâque des Azymes ? Sur le mont Garizim [9], peut-être? Ne devrais-je pas paraître devant le Seigneur dans son Temple de Jérusalem comme le doit tout homme d’Israël aux trois grandes fêtes annuelles ? Ne vous souvenez-vous pas qu’on m’accuse déjà de violer le sabbat, bien que — Manahen est ici pour en témoigner — bien qu’aujourd’hui même, pour me plier à votre désir, j’ai pris mon départ le soir à un endroit pouvant concilier votre demande avec la loi sabbatique ?

      – Nous aussi, nous nous sommes arrêtés à Goféna pour cette raison… et nous ferons un sacrifice pour expier une transgression involontaire pour un motif qui s’imposait. Mais toi, Maître !… Ils te verront aussitôt…

      – Même s’ils ne me voyaient pas, je ferai en sorte qu’ils me voient.

      – Tu cours à ta perte ! C’est comme si tu te tuais…

      – Non. Votre esprit est tout enveloppé de ténèbres. Ce n’est pas comme si je voulais me tuer, mais c’est uniquement obéir à la voix de mon Père qui me dit : “ Va, l’heure est venue. ” J’ai toujours essayé de concilier la Loi avec la nécessité, même le jour où j’ai dû m’enfuir de Béthanie et me réfugier à Ephraïm parce qu’il n’était pas encore temps qu’on se saisisse de moi. L’Agneau du salut ne peut être immolé que pendant la Pâque des Azymes. Voudriez-vous que, si j’ai agi ainsi à l’égard de la Loi, je n’en fasse pas autant pour obéir à mon Père ? Allez, allez ! Ne vous affligez pas ainsi ! Et pourquoi suis-je venu, si ce n’est pour être proclamé roi de toutes les nations ? Car c’est bien la signification de “ Messie ”, n’est-ce pas ? Cela veut également dire “ Rédempteur ”. Or le véritable sens de ces deux mots ne correspond pas à ce que vous vous figurez.

      560.11 Mais moi, je vous bénis en implorant qu’un rayon céleste des­cende sur vous avec ma bénédiction, car je vous aime et vous m’aimez. Je voudrais que votre justice soit toute lumineuse. Car vous n’êtes pas mauvais, mais vous êtes vous aussi le “ vieil Israël ”, et vous n’avez pas la volonté héroïque de vous dépouiller du passé et de vous renouveler.

      Adieu, Joseph. Sois juste. Juste comme celui qui fut mon tuteur pendant tant d’années, et qui fut capable de se renouveler complètement pour servir le Seigneur son Dieu. S’il était présent parmi nous, comme il vous enseignerait à savoir servir Dieu parfaitement, à être justes, justes, justes ! Mais il est bon qu’il soit déjà dans le sein d’Abraham… Pour ne pas voir l’injustice d’Israël. Quel saint serviteur de Dieu !… Lui qui était un nouvel Abraham, c’est le cœur transpercé, mais avec une volonté parfaite que, loin de me conseiller la lâcheté, il m’aurait dit la parole dont il avait l’habitude de se servir quand quelque chose de pénible pesait sur nous : “ Elevons notre esprit. Nous rencontrerons le regard de Dieu, et nous oublierons que ce sont les hommes qui nous font souffrir ; et faisons tout ce qui est pénible comme si c’était le Très-Haut qui nous le présentait. De cette façon, nous sanctifierons nos plus petits faits et gestes, et Dieu nous aimera. ” C’est ainsi qu’il m’aurait encouragé à subir les plus grandes douleurs… Il nous aurait réconfortés… Oh ! ma Mère !… »

      Jésus laisse aller Joseph, qu’il tenait dans les bras, et, certainement plongé dans la contemplation de son prochain martyre et de celui de sa pauvre Mère, il baisse la tête en silence… Puis il se redresse et embrasse Nicodème :

      « La première fois que tu es venu à moi comme disciple secret, je t’ai dit que, pour avoir le Royaume de Dieu en vous et y entrer, il est nécessaire que votre esprit renaisse et que vous aimiez la Lumière plus que le monde ne l’aime [10]. Aujourd’hui — et c’est peut-être la dernière fois que nous nous rencontrons en secret — je te répète les mêmes paroles. Renais spirituellement, Nicodème, pour pou­voir aimer la lumière que je suis et pour que j’habite en toi comme Roi et Sauveur. Allez, et que Dieu soit avec vous. »

      560.12 Les deux membres du Sanhédrin disparaissent du côté opposé à celui par lequel Jésus est arrivé.

      Quand le bruit de leurs pas s’est éloigné, Manahen, qui s’était placé à l’entrée de la grotte pour les regarder partir, fait demi-tour pour dire d’un air très expressif :

      « Pour une fois, ce seront eux qui violeront la distance permise un jour de sabbat ! Et ils n’auront pas de paix tant qu’ils n’auront pas réglé leur dette envers l’Eternel par le sacrifice d’un animal ! Ne vaudrait-il pas mieux pour eux sacrifier leur tranquillité en disant ouvertement qu'ils sont à toi ? Ne serait-ce pas plus agréable au Très-Haut ?

      – Ce le serait certainement, mais ne les juge pas. Ce sont des pâtes qui lèvent lentement, mais, le moment venu, quand beaucoup qui se croient meilleurs qu’eux s’écrouleront, eux se dresseront contre tout un monde.

      – Dis-tu cela pour moi, Seigneur ? Enlève-moi plutôt la vie, mais fais que je ne te renie pas.

      – Tu ne renieras pas. Mais tu as déjà en toi des éléments différents des leurs pour t’aider à rester fidèle.

      560.13 – Oui. Je suis… hérodien, ou plutôt je l’étais. En effet, comme je me suis détaché du Conseil, je me suis détaché du parti quand je l’ai vu lâche et injuste comme les autres envers toi. Etre hérodien !… Pour les autres castes, c’est être à peine moins que païen. Je ne prétends pas que nous soyons des saints, c’est vrai. Dans un but impur, nous avons commis l’impureté. Je parle comme si j’étais encore l’hérodien d’autrefois, avant que je sois à toi. Nous sommes donc doublement impurs, selon le jugement humain, parce que nous nous sommes alliés aux Romains et parce que nous l’avons fait dans un but intéressé. Mais réponds-moi, Maître, toi qui dis toujours la vérité et qui ne t’en abstiens pas par crainte de perdre un ami : entre nous, qui sommes alliés avec Rome pour… en obtenir encore d’éphémères triomphes personnels, et les pharisiens, les chefs des prêtres, les scribes, les sadducéens qui s’allient à Satan pour t’abattre, quels sont les plus impurs ? Moi, comme tu vois, maintenant que j’ai vu que le parti des hérodiens se déclare contre toi, je les ai quittés. Je ne dis pas cela pour que tu me félicites, mais pour te faire part de ma pensée. Quant aux pharisiens et aux prêtres, scribes et sadducéens, ils s’imaginent pouvoir tirer profit de cette alliance imprévue des hérodiens avec eux ! Les malheureux ! Ils ne savent pas que les hérodiens le font pour avoir plus de mérite et par conséquent plus de protection de la part des Romains, après quoi… une fois que ce qui les unit actuellement sera devenu sans objet, ils en profiteront pour abattre ceux qu’ils prennent maintenant comme alliés. C’est ainsi que l’on joue des deux côtés. Tout est basé sur le mensonge, et cela me répugne tellement, que je me suis rendu indépendant de tout. Toi… Tu es un grand fantôme qui les effraie. Tous ! Et tu es aussi un prétexte pour le jeu louche des intérêts des divers partis. Le motif religieux ? L’indignation sacrée devant “ le blasphémateur ”, comme ils t’appellent ? Tout cela n’est que mensonge ! L’unique raison est, non pas la défense de la religion, ni quelque zèle sacré pour le Très-Haut, mais leurs intérêts, cupides, insatiables. Ce sont des ordures, ils me dégoûtent. Et je voudrais… Oui, je voudrais que les rares personnes qui ne sont pas comme eux soient plus audacieuses. Ah ! cela me pèse désormais d’avoir une double vie ! Je voudrais te suivre, toi seul. Mais je te sers ainsi plus que si je te suivais. Cela me pèse… Néanmoins, tu dis que ce sera bientôt… Comment… 560.14 Seras-tu réellement immolé parce que tu es l’Agneau ? N’est-ce pas qu’une manière de parler ? La vie d’Israël est un tissu de symboles et de figures…

      – Et tu voudrais qu’il en soit ainsi pour moi… Mais en ce qui me concerne, ce n’est pas une figure.

      – Non ? En es-tu sûr ? Je pourrais… Nous serions nombreux à pouvoir réitérer les gestes antiques, te faire oindre comme Messie et te défendre. Il suffirait d’un mot, et c’est par milliers que se lèveraient les défenseurs du vrai Pontife, saint et sage. Je ne parle plus d’un roi terrestre, puisque je sais maintenant que ton Royaume est tout spirituel. Mais puisque, humainement parlant, nous ne serons plus jamais forts et libres, qu’il y ait au moins ta sainteté pour soutenir et guérir Israël corrompu. Personne, comme tu le sais, n’aime le sacerdoce actuel et ceux qui le soutiennent. Le veux-tu, Seigneur ? Ordonne et j’agirai.

      – Manahen, tu as déjà beaucoup changé ta manière de voir. Mais tu es encore aussi loin du but que la terre l’est du soleil. Je serai Prêtre, et pour l’éternité, Pontife immortel dans un organisme que je vivifierai jusqu’à la fin des siècles. Mais je ne serai pas oint avec l’huile d’allégresse, ni proclamé et défendu par la violence d’actes voulus par une poignée de fidèles pour jeter notre patrie dans le schisme le plus féroce et la rendre plus esclave qu’elle ne l’a jamais été. Crois-tu qu’une main d’homme puisse oindre le Christ ? En vérité, je te dis que non. La véritable Autorité qui m’oindra Pontife et Messie, c’est celle de Celui qui m’a envoyé. Nul autre que Dieu ne pourrait oindre Dieu comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs, pour l’éternité.

      – Alors, il n’y a vraiment rien à faire ? Oh ! que cela me peine !

      – Si, il y a tout à faire : m’aimer. Tout revient à cela. Aimer non pas la créature qui a pour nom Jésus, mais ce qu’est Jésus. M’aimer humainement et spirituellement, comme moi je vous aime avec mon esprit et mon humanité, pour être avec moi au-delà de l’humanité. 560.15 Regarde cette belle aurore. La lumière paisible des étoiles n’arrivait pas ici à l’intérieur, mais l’éclat triomphant du soleil, si. Ainsi en adviendra-t-il dans le cœur des personnes qui arriveront à m’aimer avec justice. Viens au-dehors, dans le silence de la montagne dont les voix rauques des intérêts humains n’altèrent pas la pureté. Regarde là-haut ces aigles s’éloigner, en larges vols, à la recherche de leur proie [11]. Voyons-nous cette proie ? Non. Mais eux, si. Car l’œil de l’aigle est plus perçant que le nôtre, et des hauteurs où il se déplace, il voit un large horizon et sait choisir. Moi aussi, je vois ce que vous ne distinguez pas et, des hauteurs où plane mon esprit, je sais choisir mes douces proies, non pour les dévorer comme le font les vautours et les aigles, mais pour les emporter avec moi. Nous serons si heureux là-haut, dans le Royaume de mon Père, nous qui nous aimons ! »

      Tout en parlant, Jésus est sorti s’asseoir au soleil sur le seuil de la grotte. Il a Manahen à côté de lui et l’attire à lui sans mot dire, en souriant à je ne sais quelle vision…




[1] La distance légale est de 1.100 m (2.000 coudées ou 6 stades).

[2] Le genévrier de Phénicie (Juniperus phoenicea) est un arbuste à feuille persistante qui pousse dans les rocailles, les maquis, surtout sur sol calcaire. On le rencontre sur tout le bassin méditerranéen.

[3] Les Amorrhéens ou Amorites, étaient une peuplade très puissante de Canaan. Ils furent voués à l’anéantissement, à cause de leur méchanceté, lorsque la patience de Dieu fut à son terme Ces récits sont racontés en Nombres 21, 21‑35 | Deutéronome 2, 26‑37 | Josué 6‑8 | Josué 10 | 2 Maccabées 5, 1-4.

[4] Le pays de Basan était occupé par un peuple de haute stature, très fort, les Rephaïm. Le dernier roi de cette race de géants fut Og, que les Israélites vainquirent et tuèrent à l’époque de Moïse. (Nombres 21, 33-35).

[5] Aï est une des villes anéanties par Josué au moment de la conquête de la Terre Promise (Josué 7, 1-8 ; 35). Elle se trouvait à l'est de Béthel et au nord de Mikmas, c'est-à-dire dans la région où se trouve actuellement Jésus (cf. Google maps).

[7] Bataille de Bet-Hôron contre les cinq rois amorrhéens (Josué 10,10-11).

[8] Cette indication peut situer Goféna à l'est d'Ephraïm. Pour notre part, nous interprétons qu'elle concerne l'orientation du chemin menant à la grotte. Notre hypothèse situe Goféna au sud d'Ephraïm.

[9] Sur le mont Garizim où se trouvait le Temple des Samaritains (dont il est déjà fait mention en EMV 558.6), en opposition avec celui de Jérusalem : Deutéronome 11, 26‑32 | Deutéronome 27, 11‑13 | Josué 8, 30‑35 | 2 Maccabées 6, 1‑2.

[10] Cf. EMV 116.4/11.

[11] L'aigle est cité 35 fois dans la Bible. C'est donc un oiseau familier de Palestine. Les aigles les plus communs actuellement sont : l’aigle impérial (Aquila heliaca), l’aigle royal (Aquila chrysaetos) et le circaète jean-le-blanc (Circaetus gallicus). (Voir l'article source).



Observation

L’huile d’allégresse

Peu avant la Passion, le disciple Manaën se confie à Jésus. « Nous serions nombreux à pouvoir réitérer les gestes antiques, te faire oindre comme Messie et te défendre ». En effet dans l’Ancien Testament les prophètes, les rois, les prêtres étaient oins avec de l’huile parfumée et cela était censé les consacrer à une mission et leur donner le pouvoir d’accomplir les actions des rois, des prophètes, des prêtres. L'onction royale était le signe de l'élection divine et le don de l'Esprit.

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Dialogue-avec-joseph-d-arimathie-nicodeme-et-manahen

Le Christ dissuade Manaën : « Je ne serai pas oint avec l'huile d'allégresse, ni proclamé et défendu par la violence d’actes voulus par une poignée de fidèles (...). La véritable Autorité qui m’oindra Pontife et Messie, c'est celle de Celui qui m'a envoyé. Nul autre que Dieu ne pourrait oindre Dieu comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs, pour l'éternité ». (EMV 560.12).
Quelle est cette huile d’allégresse à laquelle Jésus fait allusion dans ce récit rapporté par Maria Valtorta ? Benoît XVI nous éclaire, en commentant le verset 8 du Psaume 45 : « Dieu, ton Dieu t'a donné l'onction d'une huile d'allégresse, comme à nul de tes rivaux ». Le saint Père déclare : « Qu'est-ce que cette huile d'allégresse avec laquelle a été oint le vrai Roi, le Christ ? (...) L'huile d'allégresse, qui a été répandue sur le Christ et de Lui, jusqu'à nous, c'est l'Esprit Saint, le don de l'Amour (...) Dans l’Église antique, l’huile consacrée a été considérée, d’une manière particulière, comme signe de la présence de l’Esprit Saint qui, à partir du Christ, se communique à nous. Il est l’huile d’allégresse. ». (Benoît XVI Homélie du 1/4/2010). L’onction du Seigneur, à la différence des onctions anciennes des prophètes, des rois et des prêtres n’était pas avec une huile visible, c’était l’huile d’allégresse du Saint Esprit Lui-même, comme nous l’a transmis Maria Valtorta.
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-021.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/dialogue-avec-joseph-d-arimathie-nicodeme-et-manahen.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 13 Avr - 21:36

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
561. Le séphorim Samuel, ancien sicaire, devient disciple.
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 22.
Nouvelle édition : Tome 9, chapitre 561.
 
Le mercredi 5 février 1947.
 
Samedi 26 janvier 30
Goféna


       561.1 Jésus est seul et encore dans la caverne. Un feu brille pour donner lumière et chaleur, et il se dégage une forte odeur de résine et de fagot dans l’antre, au milieu des crépitements et des étincelles. Jésus s’est retiré au fond, dans une crevasse où l’on a jeté des branches sèches, et il y reste en méditation. La flamme ondoie de temps à autre, baisse ou se ravive successivement au gré des bourrasques qui courent à travers les bois, pénètrent en hurlant à l’intérieur de la caverne et la font résonner comme un buccin. Ce n’est pas un vent continu. Il tombe, puis se relève comme les flots de la mer par temps de grande marée. Quand il souffle fort, la cendre et les feuilles sèches sont poussées vers l’étroit couloir rocheux par lequel Jésus est entré dans la plus grande grotte, et la flamme ploie jusqu’à lécher le sol de ce côté ; puis, une fois le coup de vent tombé, elle se redresse, frétille et recommence à flamber toute droite. Jésus ne s’en occupe pas. Il médite.

      Peu à peu, au mugissement du vent s’unit le bruit de la pluie qui, d’abord légère, puis drue, frappe les feuillages des fourrés. Un véritable ouragan a vite fait de changer les sentiers en petits torrents grondants. Et c’est maintenant le battement de l’eau qui domine, car le vent tombe peu à peu. La lumière très relative d’un crépuscule orageux, et celle du feu qui, faute d’être alimenté, rougit mais ne flambe plus, éclaire à peine la caverne. L’obscurité est déjà complète dans les coins. Vêtu de sombre, Jésus n’est plus visible. Son visage est penché sur ses genoux qu’il tient relevés, et c’est à peine, quand il le relève, si on voit une blancheur se détacher sur la paroi obscure.

      561.2 Un bruit de pas et des mots haletants comme d’une personne épuisée résonnent hors de la grotte, sur le sentier, puis une ombre obscure d’où l’eau dégoutte de tous côtés se profile dans le vide de l’entrée.

      L’homme — car c’est un homme à la barbe touffue et noire — pousse un “ ah ! ” de soulagement et jette à terre son couvre-chef détrempé par l’eau, secoue son manteau et monologue :

      « Hum ! Tu as beau le secouer, Samuel, il semble être tombé dans la cuve d’un foulon ! Et tes sandales ? De vraies barques ! Des barques au fond du fleuve ! Je suis trempé jusqu’aux os ! Regarde ici ces ruisseaux qui tombent des cheveux ! On dirait une gouttière rompue qui laisse passer l’eau par mille trous. Ça commence bien ! A-t-il peut-être Belzébuth pour le défendre ? Ouais ! La mise est belle… mais… »

      Il se laisse tomber sur une pierre près du feu. Il n’y a plus de flammes, mais des tisons rouges qui forment des dessins étranges, dernière trace de vie du bois consumé. Il essaie de les raviver en soufflant dessus. Il enlève ses sandales et cherche à essuyer ses pieds boueux avec un pan du manteau moins trempé que le reste. Mais c’est avec de l’eau qu’il s’essuie. Le mal qu’il se donne ne sert qu’à enlever la boue de ses pieds pour la mettre sur le manteau.

      Il continue à parler tout seul :

      « Maudits soient-ils, lui, et tous les autres ! J’ai même perdu ma bourse, c’est sûr ! C’est déjà bien que je n’aie pas perdu la vie… “ C’est le chemin le plus sûr ”? m’ont-ils affirmé. Oui, mais ce ne sont pas eux qui l’ont pris ! Si je ne voyais pas cette flamme ! Qui a pu l’allumer ? Quelque malheureux comme moi. Où peut-il être maintenant ? Là, il y a un trou… Probablement une autre grotte… N’y aurait-il pas des voleurs ? Après tout… quel sot je fais ! Que pourraient-ils me prendre, puisque je n’ai pas le moindre sou ? Mais peu importe. Ce feu est plus qu’un trésor. Si je pouvais avoir quelques branches pour le raviver ! Je me déshabillerais, je sécherais mes vêtements ! Or je n’ai que ce vêtement jusqu’à mon retour !…

      561.3 – Si tu veux des branches, mon ami, il y en a ici » dit Jésus sans quitter sa place.

      L’homme, qui tournait le dos à Jésus, sursaute en entendant cette voix inattendue, et il bondit sur ses pieds en se retournant. Il paraît effrayé.

      « Qui es-tu ? demande-t-il en écarquillant les yeux pour essayer d’y voir quelque chose.

      – Un voyageur comme toi. C’est moi qui ai allumé le feu, et je suis content qu’il t’ait servi pour te diriger. »

      Jésus s’avance avec une brassée de bois et la jette près du feu en ordonnant :

      « Ranime la flamme avant que la cendre ne recouvre tout. Je n’ai pas d’amadou ni d’allume-feu, car celui qui me l’a prêté est parti après le coucher du soleil. »

      Jésus parle amicalement, mais il ne s’avance pas pour que le feu l’éclaire. Au contraire, il retourne dans son coin en restant plus que jamais enveloppé dans son manteau.

      561.4 L’homme, pendant ce temps, se penche pour souffler fort sur des feuilles qu’il a jetées sur le feu et reste ainsi occupé jusqu’à ce que la flamme jaillisse. Il rit en jetant des branches de plus en plus grosses qui ravivent le brasier. Jésus, retourné s’asseoir à sa place, l’observe.

      « Je devrais maintenant me déshabiller pour faire sécher mes vêtements. Je préfère rester nu qu’ainsi trempé. Mais je n’y arrive pas. Il y a eu un glissement de terrain, et je me suis trouvé enseveli sous un éboulis de terre et d’eau. Ah ! me voilà frais ! Regarde ! J’ai déchiré mon vêtement. Maudit voyage! Si encore j’avais transgressé le sabbat ! Mais non, je me suis arrêté jusqu’au coucher du soleil. Après… Et maintenant comment vais-je faire ? Pour me sauver, j’ai laissé tomber ma bourse, et maintenant elle sera dans la vallée, ou accrochée à quelque buisson qui sait où…

      – Voici mon vêtement. Il est sec et chaud. Mon manteau me suffit. Prends-le. Je suis en bonne santé, ne crains rien.

      – Et bon. Tu es un bon ami. Comment te remercier ?

      – En m’aimant comme un frère.

      – En t’aimant comme un frère ! Tu ne sais même pas qui je suis ! Et si j’étais mauvais, voudrais-tu de mon amour ?

      – Je le voudrais pour te rendre bon. »

      L’homme, qui est jeune, à peu près de l’âge de Jésus, baisse la tête et réfléchit. Il a le vêtement de Jésus dans les mains, mais il ne le voit pas. Il pense, et machinalement il se le passe sur la peau nue, car il s’est déshabillé même de ses sous-vêtements.

      561.5 Jésus, qui était revenu dans son coin, lui demande :

      « Depuis quand n’as-tu pas mangé ?

      – Depuis sexte. J’aurais dû dîner en arrivant dans le village, dans la vallée. Mais je me suis égaré et j’ai perdu ma bourse et mon argent.

      – Voici. J’ai encore ici des restes de nourriture. Ils devaient me servir pour demain, mais prends-les. A moi, le jeûne ne me pèse pas.

      – Mais… si tu dois marcher, tu auras besoin de forces…

      – Oh ! je ne vais pas loin : à Ephraïm seulement…

      – A Ephraïm ? Tu es Samaritain ?

      – Cela t’indispose ? Je ne suis pas Samaritain.

      – Effectivement… tu as l’accent de Galilée. Qui es-tu ? Pourquoi ne découvres-tu pas ton visage ? Tu dois te cacher parce que tu es coupable ? Je ne te dénoncerai pas.

      – Je suis un voyageur, je te l’ai déjà dit. Mon nom ne te dirait rien, ou te dirait trop. Du reste, qu’est-ce que le nom, quand je t’offre un vêtement pour tes membres glacés, du pain pour ta faim, et surtout ma pitié pour ton cœur ? As-tu besoin de connaître mon nom pour te sentir revigoré par les vêtements secs, la nourriture et l’affection ? Mais si tu veux m’en donner un, appelle-moi “ Pitié ”. Je n’ai rien de honteux qui m’oblige à me cacher. Mais ce n’est pas pour cette raison que tu ne me dénoncerais pas. Car tu as en ton cœur un dessein qui n’est pas bon, et une mauvaise pensée engendre de mauvaises actions. »

      L’homme sursaute et s’approche de Jésus. Mais il ne voit de lui que les yeux, et même ceux-ci sont voilés par les paupières baissées.

      « Mange, mange, mon ami. Il n’y a rien d’autre à faire. »

      561.6 Tandis que Jésus reste pelotonné dans son coin, l’homme revient auprès du feu, et se restaure lentement, sans parler. Il est pensif. La chaleur du feu, le pain et la viande rôtie que Jésus lui a donnés, le mettent en train. Il se lève, s’étire, tend le cordon qui lui servait de ceinture, d’un éclat de roche à un piton rouillé fixé là qui sait par qui et depuis quand, et il étend dessus son vêtement, son manteau, son couvre-chef pour les faire sécher. Il secoue ses sandales et les présente à la flamme qu’il alimente généreusement.

      Jésus semble sommeiller. L’homme s’assied à son tour et réfléchit, puis il se retourne pour dévisager l’inconnu. Il demande :

      « Tu dors ? »

      Jésus répond :

      « Non. Je réfléchis et je prie.

      – Pour qui ?

      – Pour tous les malheureux, de toutes sortes. Il y en a tant !

      – Tu es un pénitent ?

      – Oui. La terre a grand besoin de pénitence pour donner aux faibles qui l’habitent la force de repousser Satan.

      – Tu as raison. Tu parles comme un rabbi. Et je m’y connais car je suis séphorim [1]. Je suis avec le rabbi Jonathas ben Uziel, son plus cher disciple. Et maintenant, si le Très-Haut m’assiste, je lui deviendrai encore plus cher. Mon nom sera exalté par tout Israël. »

      Jésus ne répond rien.

      561.7 Après un un certain temps, l’homme se lève et vient s’asseoir à côté de Jésus. Tout en lissant ses cheveux de la main — ils sont presque secs — et en remettant sa barbe en forme, il dit :

      « Ecoute. Tu as indiqué que tu allais à Ephraïm. Mais y vas-tu par hasard ou y résides-tu ?

      – J’habite à Ephraïm.

      – Mais tu n’es pas samaritain, as-tu dit !

      – Je le répète : je ne suis pas samaritain.

      – Mais qui peut habiter là? si ce n’est… Ecoute : on assure que c’est à Ephraïm que s’est réfugié le Rabbi de Nazareth, le proscrit, le maudit. Est-ce vrai ?

      – C’est vrai. Jésus, le Christ du Seigneur, s’y trouve.

      – Ce n’est pas le Christ du Seigneur ! C’est un menteur ! C’est un blasphémateur ! Un démon ! C’est la cause de tous nos malheurs. Et personne ne se dresse pour l’abattre afin de venger tout un peuple ! s’écrie-t-il avec une violence fanatique.

      – T’a-t-il donc fait du mal pour que tu en parles avec de tels accents de haine ?

      – Pas à moi, non. C’est à peine si je l’ai aperçu une fois lors de la fête des Tentes, et dans un tel tumulte que j’aurais du mal à le reconnaître [2]. Car, si je suis disciple du grand rabbi Jonathas ben Uziel, c’est depuis peu que je suis définitivement au Temple. Auparavant… cela m’était impossible pour plusieurs raisons, et c’est seulement quand le rabbi était chez lui que j’étais à ses pieds pour boire ses paroles de justice et son enseignement. Mais toi… tu m’as demandé si je le détestais, et j’ai senti un reproche caché dans tes paroles. Tu es peut-être un partisan du Nazaréen ?

      – Non, je ne le suis pas. Mais quiconque est juste condamne la haine.

      – La haine est sainte quand elle est dirigée contre un ennemi de Dieu et de la patrie. Le Rabbi nazaréen en est un, et il est saint de le combattre, de le haïr.

      – Combattre l’homme, ou l’idée qu’il représente et la doctrine qu’il proclame ?

      – Tout ! Tout ! On ne peut combattre une théorie si on épargne son auteur. C’est en l’homme que se trouvent sa doctrine et sa pensée. Il faut tout détruire, sans quoi cela ne sert à rien. Quand on embrasse une idée, on embrasse l’homme qui la représente et en même temps sa doctrine. Je le sais, car j’en fais l’expérience avec mon maître : ses idées sont les miennes, ses désirs une loi pour moi.

      – En effet, un bon disciple agit ainsi. Il faut cependant savoir discerner si le maître est bon, et ne suivre qu’un bon maître. Car il n’est pas permis de perdre sa propre âme pour l’amour d’un homme.

      – Jonathas ben Uziel est bon.

      – Non, il ne l’est pas.

      – Que dis-tu là ? C’est à moi que tu parles ? Alors que nous sommes seuls ici et que je pourrais te tuer pour venger mon maître ? Je suis fort, tu sais ?

      – Je n’ai pas peur. Je ne crains pas la violence. Pourtant, même si tu me frappes, je ne réagirai pas.

      561.8 – Ah ! j’ai compris ! Tu es un disciple du Rabbi, un “ apôtre ”. C’est ainsi qu’il appelle ses disciples les plus fidèles, et tu vas le rejoindre. Peut-être que celui qui était avec toi était l’un de tes semblables. Et tu attends quelqu’un comme toi.

      – J’attends quelqu’un. Oui.

      – Le Rabbi peut-être ?

      – Il n’est pas nécessaire que je l’attende. Il n’a pas besoin de ma parole pour être guéri de son mal. Il n’a pas l’âme malade, pas plus que le corps. J’attends une pauvre âme empoisonnée, délirante, pour la guérir.

      – Tu es un apôtre ! On sait qu’il les envoie évangéliser, car il a peur d’y aller lui-même depuis qu’il a été condamné par le Sanhédrin. C’est pour cela que tu connais sa doctrine ! Ne pas réagir contre celui qui offense, c’est l’un de ses enseignements.

      – C’est l’un de ses enseignements, car lui, il enseigne l’amour, le pardon, la justice, la douceur. Il aime ses ennemis comme ses amis, parce qu’il voit tout en Dieu.

      – Oh ! s’il me rencontrait, ou plutôt si, comme je l’espère, je le rencontre, je ne crois pas qu’il m’aimera. Ce serait un sot ! Mais je ne puis parler avec toi, son apôtre. Et je regrette d’avoir tenu ces propos, il y a un instant. Tu vas les lui rapporter.

      – Cela n’est pas nécessaire. Mais en vérité, je t’assure qu’il t’aimera, et même qu’il t’aime déjà, bien que tu te rendes à Ephraïm pour l’entraîner dans un piège et le livrer au Sanhédrin, qui a promis une grande récompense à celui qui le fera.

      – Tu es… prophète ou bien tu as l’esprit de python [3] ? Il t’a communiqué sa puissance ? Tu es donc un maudit, toi aussi ? Et moi, j’ai accepté ton pain, ton vêtement, tu as été pour moi un ami ! Il est écrit : “ Tu ne lèveras pas la main contre celui qui t’a fait du bien. [4] ” Or c’est ce que tu as fait ! Pourquoi, si tu savais que moi… Peut-être pour m’empêcher d’agir ? Mais si je t’épargne toi, parce que tu m’as donné le pain et le sel, le feu et le vêtement, et que je manquerais à la justice en te faisant tort, je n’épargnerai pas ton Rabbi, car lui, je ne le connais pas, et il ne m’a pas fait du bien, mais du mal.

      – Ah ! malheureux ! Tu ne te rends pas compte que tu délires ? Comment quelqu’un que tu ne connais pas peut-il t’avoir fait du mal ? Comment peux-tu respecter le sabbat, si tu ne respectes pas le précepte de ne pas tuer ?…

      – Je ne tue pas.

      – Physiquement, non. Mais il n’y a pas de différence entre celui qui tue et celui qui remet la victime aux mains du tueur. Tu respectes la parole d’un homme qui dit de ne pas nuire à celui qui t’a fait du bien, et ensuite tu ne respectes pas celle de Dieu ! Et, au moyen d’un piège et pour une poignée d’argent, pour un peu d’honneurs — honneurs pourris d’avoir su livrer un innocent —, tu te prépares à commettre un crime !

      – Je n’agis pas seulement pour l’argent et pour les honneurs, mais pour faire un acte agréable à Jéovêh et salutaire pour notre patrie. 561.9 Je répète le geste de Yaël [5] et de Judith. »

      Il est plus fanatique que jamais.

      « Sisera et Holopherne étaient des ennemis de notre patrie. Ils étaient des envahisseurs, ils étaient cruels. Mais qu’est le Rabbi de Nazareth ? Qu’est-ce qu’il envahit ? Qu’est-ce qu’il usurpe ? Il est pauvre et ne veut pas de richesses. Il est humble, et ne veut pas d’honneurs. Il se montre bon avec tous. Des milliers de personnes ont reçu ses bienfaits. Pourquoi le haïssez-vous ? Et toi, pourquoi le hais-tu ? Il ne t’est pas permis de nuire à ton prochain. Tu sers le Sanhédrin, mais qui te jugera dans l’autre vie : le Sanhédrin ou Dieu ? Et comment te jugera-t-il ? Je ne dis pas : comment te jugera-t-il parce que tu auras tué le Christ ; mais : comment te jugera-t-il parce que tu auras tué un innocent. Tu ne crois pas que le Rabbi de Nazareth soit le Christ, c’est pourquoi ce crime ne te sera pas imputé. Dieu est juste, et il ne compte pas comme faute un acte accompli sans une complète connaissance. Il ne te jugera donc pas pour avoir tué le Christ puisque, à tes yeux, Jésus de Nazareth ne l’est pas. Mais il t’accusera d’avoir assassiné un innocent, car tu sais qu’il est innocent. Ils t’ont empoisonné, enivré par leurs paroles de haine, mais tu ne l’es pas au point de ne pas comprendre qu’il est innocent. Ses œuvres parlent en sa faveur. Votre peur — moins celle des disciples que celle des maîtres — redoute et voit des choses qui n’existent pas. La peur de ceux qui craignent d’être supplantés par lui. Ne craignez pas. Jésus vous ouvre les bras pour vous appeler : “ Frères ” ! Il n’envoie pas contre vous des troupes. Il ne vous maudit pas. Il voudrait seulement vous sauver, vous les grands et les disciples des grands, comme il veut sauver le dernier homme d’Israël ; vous, plus que le plus petit d’Israël, plus que l’enfant qui ignore encore ce que sont la haine et l’amour : vous en avez besoin plus que les ignorants et les enfants, parce que vous savez quelle est la réalité, et vous péchez en connaissance de cause. Si tu dépouilles ta conscience d’homme des idées qu’on y a déposées, si tu la purifies des poisons qui la font délirer, peut-elle avancer que le Christ est coupable ? Reconnais-le ! Sois sincère : l’as-tu vu un jour manquer à la Loi, ou conseiller d’y manquer ? L’as-tu vu être bagarreur, avide, luxurieux, calomniateur, dur de cœur ? Parle ! L’as-tu vu irrespectueux envers le Sanhédrin ? Il vit comme un proscrit, pour obéir au verdict du Sanhédrin. Il pourrait lancer un appel, et toute la Palestine le suivrait pour marcher contre le petit nombre de ceux qui le haïssent. Mais lui, au contraire, conseille à ses disciples la paix et le pardon. Puisqu’il est capable de rendre la vie aux morts, la vue aux aveugles, le mouvement aux paralytiques, l’ouïe aux sourds, la délivrance aux possédés — car ni le Ciel ni l’Enfer ne sont insensibles à ses volontés —, il pourrait vous foudroyer de ses foudres divines et se débarrasser ainsi de ses ennemis. Au lieu de cela, il prie pour vous et guérit vos familles, vous guérit le cœur, vous donne le pain, le vêtement, le feu. 561.10 Car c’est moi : je suis Jésus de Nazareth, le Christ, celui que tu cherches pour obtenir la somme promise à celui qui le livrera au Sanhédrin et les honneurs du libérateur d’Israël. Je suis Jésus de Nazareth, le Christ. Me voici. Prends-moi donc. Comme Maître et comme Fils de Dieu, je te libère de l’obligation et du péché de lever ou d’avoir levé la main sur celui qui t’a fait du bien. »

      Jésus s’est levé en dégageant la tête de son manteau, et il tend les mains comme pour qu’on se saisisse de lui et qu’on le lie. Mais, grand comme il est — et il paraît encore plus élancé avec son seul sous-vêtement court et presque étriqué, avec son manteau foncé qui pend de ses épaules, le torse bien droit, les yeux fixés sur le visage de son persécuteur, dans le reflet mobile des flammes qui allument des points lumineux sur ses cheveux flottants et font briller ses larges pupilles dans le cercle bleu saphir des iris — si majestueux, franc, sans peur, il impose plus de respect que s’il était entouré d’une armée chargée de le défendre.

      L’homme est comme fasciné… paralysé par l’étonnement. C’est seulement après un moment qu’il arrive à murmurer : “ Toi ! Toi ! Toi ! ” Il semble ne pas savoir dire autre chose.

      Jésus insiste :

      « Prends-moi donc ! Enlève ce cordon inutile, tendu pour soutenir un vêtement sale et déchiré, et lie mes mains. Je te suivrai comme un agneau suit le boucher, et je ne te haïrai pas si tu me conduis à la mort. Je te l’ai dit. C’est la fin qui justifie l’acte et en change la nature [6]. A tes yeux, je fais la ruine d’Israël et tu crois sauver ta patrie en me tuant. Pour toi, je suis coupable de tous les crimes, par conséquent tu sers la justice en supprimant un malfaiteur. Tu n’es donc pas plus coupable que le bourreau qui exécute un ordre qu’il a reçu. Veux-tu m’immoler ici, sur place ? A mes pieds, se trouve le couteau avec lequel j’ai découpé la nourriture. Prends-le. La lame, qui a servi à l’amour pour mon prochain, peut se changer en couteau de sacrificateur. Ma chair n’est pas plus dure que la viande d’agneau rôti que mon ami m’avait laissée pour ma faim et que je t’ai donnée pour te nourrir, toi, mon ennemi. Mais tu crains les patrouilles romaines. Elles arrêtent ceux qui tuent un innocent et elles ne nous laissent pas rendre la justice, car nous sommes les sujets et eux les maîtres. Aussi n’oses-tu pas me tuer, puis repartir vers ceux qui t’envoient portant sur les épaules l’Agneau égorgé comme une marchandise qui sert à gagner de l’argent. Eh bien, laisse ici mon cadavre, et cours avertir tes maîtres — car tu n’es pas un disciple, mais un esclave, tant tu as renoncé à cette souveraine liberté de pensée et de volonté que Dieu lui-même laisse aux hommes. Et tu sers servilement tes maîtres, jusqu’à commettre un crime. Mais tu n’es pas coupable. Tu es “ empoisonné ”. Tu es l’âme empoisonnée que j’attendais. Allons donc ! La nuit et l’endroit favorisent le crime. Je m’exprime mal : la rédemption d’Israël ! 561.11 Mon pauvre enfant ! Tu prononces sans le savoir des paroles prophétiques ! Ma mort sera vraiment rédemption, et non seulement d’Israël, mais de toute l’humanité. Je suis venu pour être immolé. Je brûle de l’être pour être le Sauveur, et le Sauveur de tous. Toi qui es séphorim du docte Jonathas ben Uziel, tu connais certainement Isaïe. Voici : l’Homme des douleurs se tient devant toi [7]. Et si je ne semble pas l’être, si je ne semble pas être celui que même David a vu, avec les os à nu et disloqués [8], si je ne suis pas comme le lépreux annoncé par Isaïe [9], c’est parce que vous ne voyez pas mon cœur. Je ne suis qu’une plaie. Le manque d’amour, la haine, la dureté, votre injustice m’ont blessé et meurtri de toutes parts. Est-ce que je ne dissimulais pas mon visage lorsque tu me méprisais à cause de ce que je suis réellement : le Verbe de Dieu, le Christ ? Mais je suis habitué à la souffrance ! Et ne me jugez-vous pas comme un homme frappé par Dieu ? Est-ce que je ne me sacrifie pas parce que je le veux, pour vous guérir ?

      561.12 Allons ! Frappe ! Regarde : je ne suis pas effrayé, et tu ne dois pas avoir peur non plus. Pour ma part, c’est que je suis l’Innocent et que je ne crains pas le jugement de Dieu ; moi, parce qu’en présentant mon cou à ton couteau, je fais en sorte que s’accomplisse la volonté de Dieu, en anticipant de quelque temps mon heure pour votre bien [10]. Même quand je suis né, j’en ai anticipé l’heure par amour pour vous, pour vous donner la paix avant le temps. Mais vous, de cette angoisse d’amour que j’éprouve, vous inventez une arme de négation… Ne crains rien ! Je n’appelle pas sur toi le châtiment de Caïn, ni les foudres de Dieu. Je prie pour toi. Je t’aime. Rien de plus. Je suis trop grand pour ta main d’homme ? C’est vrai ! En effet, l’homme ne pourrait frapper Dieu si Dieu ne se plaçait pas volontairement entre les mains de l’homme. Eh bien, je m’agenouille devant toi. Le Fils de l’homme est devant toi, à tes pieds. Frappe donc ! »

      Jésus se met à genoux, et présente le couteau, qu’il tient par la lame, à son persécuteur qui recule en murmurant :

      « Non ! Non !

      – Allons ! Un moment de courage… et tu seras plus célèbre que Yaël et Judith ! Regarde, je prie pour toi. Isaïe le dit [11] : “ … et il pria pour les pécheurs. ” Tu ne viens toujours pas ? Pourquoi t’éloi­gnes-tu ? Ah ! peut-être crains-tu de ne pas voir comment meurt un Dieu. Voilà, je viens ici, près du feu. Le feu ne fait jamais défaut lors des sacrifices, il en fait partie. Voilà. Maintenant, tu me vois bien. »

      Il s’est agenouillé à côté du foyer.

      « Mais ne me regarde pas ainsi ! Ne me regarde pas ! Où dois-je donc fuir pour ne pas voir ton regard ? dit l’homme.

      – Qui ? Qui veux-tu ne pas voir ?

      – Toi… et mon crime. Vraiment, mon péché est devant moi ! 561.13Où fuir ? »

      L’homme est terrorisé…

      « Sur mon cœur, mon fils ! Ici, dans mes bras cessent les cauchemars et les peurs. Ici, c’est la paix. Viens ! Viens ! Rends-moi heureux ! »

      Jésus s’est levé et tend les bras. Le feu est entre eux deux. Jésus rayonne dans le reflet des flammes.

      L’homme tombe à genoux en se couvrant le visage et en criant :

      « Aie pitié de moi, Dieu ! Aie pitié de moi ! Efface mon péché ! Je voulais frapper ton Christ ! Pitié ! Ah ! il ne peut y avoir de pitié pour un tel crime ! Me voilà damné ! »

      Hocquetant, en larmes face contre terre, il gémit : “ Pitié ” et lance des imprécations : “ Maudits ! ”…

      Jésus contourne la flamme et s’avance vers lui ; il se penche, lui touche la tête et lui dit :

      « Ne maudis pas ceux qui t’ont dévoyé. Ils t’ont obtenu le plus grand bienfait : celui que je te parle, et que je te tienne ainsi dans mes bras. »

      Le prenant par les épaules, il le relève et, s’asseyant par terre, il l’attire sur son cœur. L’homme s’abandonne sur ses genoux avec des sanglots moins violents, mais si purificateurs ! Jésus caresse sa tête brune et le laisse se calmer.

      L’homme lève enfin la tête et, le visage tout changé, il gémit :

      « Ton pardon ! »

      Jésus s’incline et dépose un baiser sur son front. 561.14 L’homme jette ses bras autour de son cou et, la tête penchée sur l’épaule de Jésus, il pleure et raconte, il voudrait raconter comment on l’avait manipulé pour le pousser au crime. Mais Jésus le lui défend :

      « Tais-toi ! Tais-toi ! Je n’en ignore rien. Quand tu es entré, je t’ai reconnu, à la fois pour ce que tu étais et pour ce que tu voulais faire. J’aurais pu m’éloigner et m’enfuir. Je suis resté pour te secourir. Tu es sauvé. Le passé est mort. Ne le rappelle pas.

      – Mais… tu me fais ainsi confiance ? Et si je péchais de nouveau ?

      – Non. Tu ne pécheras pas de nouveau. Je le sais. Tu es guéri.

      – Oui, je le suis. Mais eux sont si rusés ! Ne me renvoie pas chez eux.

      – Et où veux-tu aller, où ils ne soient pas ?

      – Avec toi, à Ephraïm. Si tu vois mon cœur, tu te rendras compte que ce n’est pas un piège que je te tends, mais seulement une prière pour que tu me protèges.

      – Je le sais. Viens, mais je t’avertis que là se trouve Judas, vendu au Sanhédrin et traître du Christ.

      – Divine miséricorde ! Cela aussi, tu le sais ? ! »

      Sa stupeur est à son comble.

      « Je sais tout. Il croit que j’en ignore tout, mais c’est l’inverse. Et je sais aussi que tu es si bien converti que tu ne parleras pas à Judas, ni à aucun autre de cela. Cependant, pense à ceci : si Judas est capable de trahir son Maître, que ne saura-t-il pas faire pour te nuire ? »

      L’homme réfléchit longuement, puis il dit :

      « Peu importe ! Si tu ne me chasses pas, je reste avec toi, au moins pour quelque temps. Jusqu’à la Pâque, jusqu’à ce que tu te joignes à tes disciples. Je m’unirai à eux. Ah ! s’il est vrai que tu m’as pardonné, ne me chasse pas !

      – Je ne te chasse pas. 561.15 Maintenant, allons là-bas, sur ces feuilles, pour attendre le matin, puis, à l’aube, nous partirons pour Ephraïm. Nous dirons que le hasard nous a réunis et que tu es venu parmi nous. C’est la vérité.

      – Oui, c’est la vérité. A l’aube, mes vêtements seront secs et je te rendrai les tiens…

      – Non. Laisse ici ces vêtements : c’est le symbole de l’homme qui se dépouille de son passé et revêt une nouvelle tenue. La mère de Samuel l’ancien a chanté dans sa joie : “ Le Seigneur fait mourir et fait vivre, il conduit au séjour des morts et en fait revenir. ” Tu es mort, et te voilà revenu à la vie. Tu viens du séjour des morts vers la vraie Vie. Abandonne les vêtements qui ont subi le contact du tombeau rempli de pourriture. Et vis ! Vis pour ta vraie gloire : servir Dieu avec justice, le posséder pour l’éternité. »

      Une fois qu’ils se sont installés dans le creux où se sont accumulées les feuilles, le silence s’installe vite, car l’homme, épuisé, s’est endormi, la tête appuyée contre l’épaule de Jésus, qui prie encore…

      561.16 … Et c’est par une belle matinée de printemps qu’ils arrivent, par le sentier du torrent — qui va redevenir limpide après l’averse et dont le courant plus fourni chante plus fort et brille au soleil entre ses rives, que la pluie rend toujours luisantes — devant la maison de Marie, femme de Jacob.

      Sur le seuil, Pierre pousse un cri et court à leur rencontre. Il se précipite pour étreindre Jésus, qui est enveloppé dans son manteau, et il dit :

      « Oh ! mon Maître béni ! Quel triste sabbat tu m’as fait passer ! Je ne me décidais pas à partir sans t’avoir vu. J’aurais été perdu cette semaine, si j’étais parti avec l’incertitude au cœur et sans ton adieu ! »

      Jésus l’embrasse, sans se défaire de son manteau. Pierre est tellement occupé à contempler son Maître qu’il ne remarque même pas la présence de l’étranger qui l’accompagne.

      Entre-temps, les autres sont accourus, et Judas s’écrie :

      « Samuel, toi ici ?

      – Oui. Le Royaume de Dieu est ouvert à tous, en Israël. J’y suis entré », répond l'homme, sûr de lui.

      Judas a une sorte de petit rire étrange, mais il ne répond rien.

      L’attention de tous se porte sur le nouveau venu, et Pierre demande :

      « Qui c’est ?

      – Un nouveau disciple. Le hasard nous a fait nous rencontrer. Ou plus exactement, c’est Dieu qui a suscité cette rencontre, et j’ai accueilli cet homme comme étant envoyé à moi par le Père. C’est bien ce que je vous dis de faire, vous aussi. Vous étiez sur le point de partir mais, puisque l’entrée d’une personne dans le Royaume des Cieux est l’occasion d’une grande fête, déposez vos sacs et vos manteaux et restons unis jusqu’à demain. 561.17 Et maintenant, Simon, laisse-moi aller, car j’ai donné mes vêtements à cet homme, or l’air frais du matin est mordant, si je reste dehors.

      – Ah, j’en avais bien l’impression ! Mais tu vas te rendre malade, Maître, en agissant ainsi !

      – Moi, je ne voulais pas, c’est lui qui a insisté, dit Samuel pour s’excuser.

      – Oui, il avait été emportée par une crue, et c’est par sa seule volonté qu’il a été sauvé. Afin que rien ne subsiste en lui de ce moment pénible, et pour qu’il vienne à nous libre de toute saleté, je lui ai demandé d’abandonner ses habits déchirés et souillés, et je l’ai revêtu des miens » explique Jésus.

      Tout en parlant, il regarde Judas, qui de nouveau rit bizar­rement, comme au début et comme lorsque Jésus a annoncé que l’entrée d’une personne dans le Royaume des Cieux est l’occasion d’une grande fête. Puis il se hâte d’entrer dans la maison pour aller s’habiller.

      Les autres s’approchent du nouveau-venu et lui donnent le baiser de paix.




[1] Le mot Sophêr désigne un scribe. Son pluriel est Sopherîm (les scribes). L'emploi du pluriel ici (Séphorim) peut sembler étrange, mais dans la Bible on retrouve cet emploi pluriel/singulier sans que nous en comprenions la vraie portée. Ainsi Él désigne Dieu, mais c'est son pluriel Elohîms qui est couramment utilisé sans qu'il n'y ait de confusion entre les dieux et Dieu. Il en est de même pour Adonaï qui est le pluriel d’Adôn (Seigneur).    

On voit en EMV 202.1 et en EMV 594.4 également que les séphorim semblent distincts des docteurs. Les scribes sont souvent associés aux pharisiens, bien que les premiers constituent une classe d’israélites et les seconds un parti ou une secte. L’origine, la fonction, et la dégénérescence des uns et des autres sont précisées par Jésus dans le discours qui commence en 596.14 et dont on trouve diverses anticipations, comme en EMV 252.10.

[2] Probablement EMV 491.

[3] L’esprit de python : esprit qui, selon la légende grecque, inspirait devins et pythonisses, qui dans l’Antiquité prédisaient l’avenir.

[4] Il est dit… Cette phrase ne se retrouve pas l’Ancien Testament, même si certains passages peuvent s’en rapprocher. Il s’agit sans doute d’un précepte de rabbin, peut-être consigné dans la Mishna, car Jésus le considère, un peu plus bas, comme “la parole d’un homme”.

[5] Yaël fit entrer le général Sisera ennemi dans sa tente et, une fois endormi, elle lui transperça la tempe avec un pieu (Juges 4, 11-22).      
Judith déduisit le général ennemi Holopherne et, lors d'un banquet, alors qu'il était assoupi de vin, elle lui tranche la tête avec une épée. (Judith 13,1 et suivants).

[6] En introduisant cette affirmation sur la fin qui justifie l’acte et en change la nature, Jésus fait référence au cas particulier de son interlocuteur : celui‑ci pensait tuer un faux Messie, il y était poussé par des personnes ayant autorité, et il était convaincu de faire une bonne action. C’est de la même manière que Jésus justifie les cas considérés en EMV 159.5/6 et en EMV 580.3. Il ne s’agit donc pas de l’affirmation d’un principe moral qu’il faudrait considérer comme valable dans toute situation (= La fin justifie les moyens).

[7] Isaïe 53,1-12.

[8] Psaume 21 (Hébreu 22).

[9] Isaïe 52, 13‑15 | Isaïe 53, 1‑12. David et Isaïe préfigurent Jésus en l’Homme des douleurs.          
On trouvera cette mention à d’autres passages, tels que EMV 10.6 | EMV 22.3 | EMV 41.7 | EMV 194.5 | EMV 275.10 | EMV 324.8.11 | EMV 361.5 | EMV 382.7 | EMV 395.5 | EMV 414.3 | EMV 436.5 | EMV 520.7 | EMV 565.9 | EMV 597.5.7/11 | EMV 598.8 | EMV 601.1/2 | EMV 604.41 | EMV 609.30 | EMV 610.13 | EMV 625.7/8.

[10] En anticipant, par les mérites de Marie, sa Mère, comme on le voit en EMV 52.9 (“Grâce à sa prière, j’anticipe même le temps de la grâce”), en EMV 136.6 (“J’ai hâté la venue du Christ par la force de son amour”), en EMV 412.3 (“Son parfum de sainteté fut si puissant qu’il m’a aspiré du Ciel”), en EMV 620.1 (où il est dit que les prières de Marie firent en sorte d’anticiper même la résurrection du Christ), ainsi qu’en EMV 649.14.

[11] Isaïe 53,12




SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-022.htm
https://valtorta.fr/preparation-a-la-passion-de-jesus/le-sephorim-samuel-devient-disciple.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par sofoyal Mer 14 Avr - 1:36

Bonjour!
J'ai relu cet épisode avec grande émotion comme à chaque fois.

La puissance de psychologie qui se déploie, pour acculer l'homme au projet coupable est remarquable et véritable.
L'expression "Ca ne s'invente pas" est adéquate ici.

Par l'internet (seulement), je connais une personne qui m'évoque très fortement ce Samuel.
Un rabbin juif, de ceux qui publient leurs enseignements sur l'internet.
Bien sûr je ne le nommerai pas. (Jésus dirait: "C'est une âme")
Il a le même bouillonnement passionnel, la même exaltation guerrière 
quand il s'agit de combattre le Christianisme et le Christ Jésus.
La même folle assurance qu'il n'est pas le messie mais l'ennemi du vieil Israël.

Qu'il plaise à Dieu de donner à son Fils, en ce temps, des conquêtes juives tel que ce rabbin,
Car il lui a bien donné Samuel, qui en son temps, 
venait pour le saisir et le livrer.
                                             Et puis Saul...

C'est possible.

Pensons à prier parfois pour les cœurs de Son peuple qui sont fermés au Sauveur.

Quelle belle œuvre que ce récit!


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Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Signat10
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 14 Avr - 21:42

Bonjour @Sofoyal,

Je vais spécialement prier pour ce rabbin et tous nos frères juifs, afin qu'ils découvrent que Jésus est le Chemin, la Vérité et la Vie Wink

Qu'il est doux, je trouve, de le découvrir dans son Humanité et sa Divinité. Quand je pense que Jésus s'est dévoilé totalement aux juifs de l'époque, je trouve fou qu'ils ne se soient pas rendus à son amour.

Mais c'est ainsi. Et Jésus laisse les âmes libres...

Prions pour eux Jésus, j'ai confianc

Fraternellement,
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 14 Avr - 21:48

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
562. Des bruits courent à Nazareth
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 23.
Nouvelle édition : Tome 9, chapitre 562.
 
Le jeudi 6 février 1947.
 
Dimanche 27 janvier 30
Nazareth


       Alphée, fils de Sarah, dit :

      562.1 « Je vous assure que vous êtes tous stupides de croire n’importe quoi. Plus stupides et ignorants que des eunuques qui, mutilés comme ils le sont, ne connaissent même pas les règles de l’instinct. Des hommes parcourent les villes en disant anathème de la part du Maître, et d’autres portent des ordres qui ne peuvent pas, non, par le vrai Dieu, qui ne peuvent pas venir de lui ! Vous ne le connaissez pas, mais moi, je le connais. Et je ne peux croire qu’il ait ainsi changé, et qu’ils aillent de tous côtés ! Vous prétendez que ce sont ses disciples ? Or qui les a jamais vus avec lui ? Vous racontez que des rabbis et des pharisiens vous ont fait part de ses péchés ? Or qui les a constatés ? L’avez-vous jamais entendu parler d’obscénités ? L’avez-vous jamais vu en état de péché ? Alors ? Comment pouvez-vous imaginer que, s’il était pécheur, Dieu lui ferait accomplir des œuvres aussi grandes ? Vous êtes stupides, je vous le dis, retardés, ignorants comme des rustres qui voient pour la première fois un histrion sur un marché et croient vraies ses sornettes. Voilà ce que vous êtes ! Voyez si les hommes sages et à l’intelligence ouverte se laissent séduire par les paroles des faux disciples ! Ces derniers sont les vrais ennemis de l’Innocent, de notre Jésus que vous n’êtes pas dignes d’avoir pour fils ! Voyez si Jeanne, femme de Kouza — je parle bien de l’épouse de l’intendant d’Hérode, la princesse Jeanne —, s’éloigne de Marie ! 562.2 Voyez si… Est-ce que je fais bien de le dire ? Mais oui, car je ne parle pas pour parler, mais pour vous persuader tous. Avez-vous remarqué, à la dernière lune, cet élégant char venu dans le village et qui est allé s’arrêter devant la maison de Marie ? Vous savez, celui qui avait une capote belle comme une maison ? Eh bien, savez-vous qui était à l’intérieur et en est descendu pour se prosterner devant Marie ? Lazare, fils de Théophile, Lazare de Béthanie, comprenez-vous ? Le fils du premier magistrat de Syrie [1], le noble Théophile, époux d’Euchérie, de la tribu de Juda et de la famille de David ! Le grand ami de Jésus, l’homme le plus riche et le plus instruit d’Israël, aussi bien pour notre histoire que pour celle du monde entier, l’ami des Romains, le bienfaiteur de tous les pauvres, celui qui est ressuscité quatre jours après avoir été mis au tombeau. Aurait-il, lui, abandonné Jésus pour croire au Sanhédrin ? Vous supposez que la raison en est que Jésus l’a ressuscité ? Non, mais Lazare sait que le Christ, c’est Jésus. Et savez-vous ce qu’il est venu dire à Marie ? De se tenir prête à partir avec lui en Judée. Comprenez-vous ? Lazare accompagne Marie comme s’il était son serviteur ! Moi, je suis au courant : j’étais présent quand il est entré et l’a saluée en se prosternant à terre sur le pauvre pavage de sa petite pièce. Lui qui est vêtu comme Salomon, lui qui est habitué aux tapis, il était là, par terre, pour baiser le bord du vêtement de cette femme de notre ville et la saluer : “ Je te salue, Marie, Mère de mon Seigneur. Moi qui suis ton serviteur, le dernier des serviteurs de ton Fils, je viens te parler de lui et me mettre à ta disposition. ” Comprenez-vous ? J’étais tellement ému que… lorsqu’il m’a salué, moi aussi, en m’appelant : “ frère dans le Seigneur ”, je n’ai plus su dire un mot. Mais Lazare est intelligent, et il a compris. Puis il a dormi dans le lit de Joseph après avoir envoyé ses serviteurs en avant-garde pour qu’ils l’attendent à Séphoris — car il allait dans ses terres d’Antioche. Il a recommandé aux femmes de se tenir prêtes car, à la fin de cette lune, il passera les prendre pour leur éviter la fatigue du voyage. Jeanne se joindra à la caravane avec son char pour conduire les femmes disciples de Capharnaüm et de Bethsaïde. Tout cela serait-il sans importance à vos yeux ? »

      562.3 Le bon Alphée, fils de Sarah, reprend enfin son souffle dans le groupe réuni au milieu de la place. Puis Aser et Ismaël ainsi que les deux cousins de Jésus, Simon et Joseph — le premier plus ouvertement, le second avec plus de réticence —, viennent à son secours en approuvant ses paroles.

      Joseph intervient :

      « Jésus n’est pas un bâtard. S’il a besoin de faire connaître quoi que ce soit, il a ici des parents tout disposés à s’en charger. Et il a des disciples fidèles et puissants, comme Lazare. Or Lazare n’a accrédité aucune de ces rumeurs.

      – Et il nous a, nous aussi. Auparavant nous étions des âniers, et des ânes comme nos ânes. Mais maintenant, nous sommes ses disciples et, s’il s’agit d’ordonner : “ Faites ceci ou cela ”, nous en sommes capables, déclare Ismaël.

      – Néanmoins, la condamnation suspendue à la porte de la synagogue a été apportée par un envoyé du Sanhédrin, et elle porte le sceau du Temple, objectent certains.

      – C’est vrai. Mais qu’est-ce que cela prouve ? Nous qui sommes connus dans tout Israël pour comprendre ce qu’est réellement le Sanhédrin et qui, pour ce motif, sommes considérés comme des gens de rien, croirions-nous qu’en cela seulement le Temple est sage ? Ne connaissons-nous donc plus les scribes, les pharisiens et les chefs des prêtres ? rétorque Alphée.

      – C’est vrai, Alphée a raison. 562.4 J’ai décidé de descendre à Jérusalem pour apprendre auprès de vrais amis ce qu’il en est, et cela dès demain, dit Joseph.

      – Et tu resteras là-bas ?

      – Non. Je reviendrai, mais j’y retournerai pour la Pâque. Je ne puis m’absenter longtemps de la maison. C’est une fatigue que je m’impose, mais c’est pour moi un devoir d’y aller. Je suis le chef de famille, et c’est sur moi que repose la responsabilité de la présence de Jésus en Judée. J’ai insisté pour qu’il y aille… [2] L’homme peut se tromper dans ses jugements. Je croyais que ce serait un bien pour lui. Au contraire… Que Dieu me pardonne ! Mais je dois au moins suivre de près les conséquences de mon conseil pour soulager mon Frère, répond Joseph, à l'élocution lente et hautaine.

      – Autrefois, tu ne parlais pas ainsi. Mais toi aussi, tu es séduit par l’amitié des grands. Tes yeux sont remplis de fumée, lance un Nazaréen.

      – Ce n’est pas l’amitié des grands qui me séduit, Eliachim, mais j’y suis poussé par la conduite de mon Frère. Si je me suis trompé et si maintenant je me ravise, je montre que je suis un homme juste, parce que l’erreur est humaine, et que je ne suis pas têtu comme une mule.

      562.5 – Et tu dis que Lazare va vraiment venir ? Oh ! nous voulons le voir ! A quoi peut ressembler un homme qui revient de la mort ? Il doit être perdu dans les rêves, comme épouvanté. Que raconte-t-il de son séjour parmi les morts ? demandent plusieurs à Alphée.

      – Il est comme vous et moi : gai, vif, tranquille. Il ne parle pas de l’autre monde. C’est comme s’il n’en avait gardé aucun souvenir. Mais il se rappelle son agonie.

      – Pourquoi ne nous as-tu pas prévenus lorsqu’il est passé dans le village ?

      – Pour que vous envahissiez la maison ! Je me suis retiré, moi aussi. Il faut faire preuve d’un peu de finesse, non ?

      – Mais quand il va revenir, ne pourra-t-on pas le voir ? Avertisnous. Tu seras certainement le gardien de la maison de Marie, comme toujours.

      – Bien sûr ! J’ai le privilège d’être près d’elle, mais moi, je n’avertis personne. Débrouillez-vous tout seuls. Un char d’une telle dimension ne passe pas inaperçu, et Nazareth n’est ni Antioche, ni Jérusalem… Montez la garde, soyez vigilants. Mais c’est sans importance. 562.6 Agissez plutôt de telle sorte que sa ville ne passe pas pour stupide en prenant pour argent comptant les fables des ennemis de notre Jésus. Ne soyez pas crédules, n’ajoutez foi ni à ceux qui le traitent de Satan, ni à ceux qui vous poussent à la révolte en son nom. Vous en éprouveriez du remords un jour. Si le reste de la Galilée tombe dans le piège et croit ce qui n’est pas vrai, tant pis pour elle. Adieu. Je m’en vais, car la nuit tombe… »

      Et Alphée s’éloigne, tout heureux d’avoir défendu Jésus.

      Les autres restent à discuter. Mais, bien qu’ils soient divisés en deux camps — et le plus nombreux est malheureusement celui des crédules —, une idée proposée par quelques amis de Jésus finit par prévaloir : avant de s’agiter et de faire bon accueil aux calomnies et aux invitations à l’insurrection, mieux vaut attendre de voir ce que vont faire les autres villes galiléennes “ plus rusées que Nazareth qui, pour le moment, rient au nez des faux envoyés ”, comme dit Aser le disciple.




[1] Théophile était ethnarque d’Antioche de Syrie. L’un des chefs de communauté, collaborateur des romains.

[2] J’ai insisté en EMV 478.5/11.


Dernière édition par Anayel le Sam 17 Avr - 22:20, édité 1 fois
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 15 Avr - 20:55

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Maria_28
 
563. De faux disciples à Sichem. L'esclave muet de claudia Procula est guéri à Ephraïm
 
Ancienne édition : Tome 8, chapitre 24.
Nouvelle édition : Tome 9, chapitre 563.
 
Le 7 février 1947.
 
Lundi 18 février 30
Sichem, Ephraïm


    563.1 La place principale de Sichem est égayée par une note printanière, due à la frondaison nouvelle des arbres qui, en double rangée le long du carré constitué par les murs des maisons, la bordent en formant une sorte de galerie tout autour. Le soleil, qui joue avec les feuilles tendres des platanes, dessine sur le sol des broderies de lumières et d’ombres. Le bassin, au milieu de la place, est une plaque d’argent sous le soleil.

      Des gens parlent çà et là en groupes et discutent de leurs affaires. Quelques-uns — apparemment des étrangers, car tout le monde se demande de qui il s’agit — entrent sur la place, observent, et accostent le premier groupe qu’ils trouvent. Ils saluent, on les salue, avec étonnement. Mais quand ils disent : « Nous sommes des disciples du Maître de Nazareth », toute défiance tombe. Certains vont prévenir les autres groupes, tandis que ceux qui sont restés demandent :

      « Est-ce lui qui vous envoie ?

      – C’est lui. Une mission très secrète. Le Rabbi est en grand danger. Plus personne ne l’aime en Israël et lui, qui est si bon, demande que, vous au moins, vous lui restiez fidèles.

      – Mais c’est ce que nous voulons ! Que devons-nous faire ? Qu’attend-il de nous ?

      – Lui, il ne veut que l’amour, car il se fie — trop — à la protection de Dieu. Mais avec ce que l’on dit de lui en Israël… Vous ignorez qu’on l’accuse de satanisme et d’insurrection ? Savez-vous ce que cela peut entraîner ? Des représailles des Romains, sur tous. Nous, qui sommes déjà si malheureux, nous serons encore plus frappés ! Et condamnation de la part des saints de notre Temple. Certainement que les Romains… 563.2 Ne serait-ce que pour votre propre bien, vous devriez vous agiter, le persuader de se défendre, le protéger et le mettre pour ainsi dire dans l’impossibilité d’être pris et de nuire ainsi, contre son gré. Persuadez-le de se retirer sur le mont Garizim. Là où il est, il est encore trop exposé, et il n’apaise ni la colère du Sanhédrin ni les soupçons des Romains. Le mont Garizim a bien le droit d’asile ! Inutile de le mettre au courant. Si nous lui en parlions, il nous dirait que nous sommes anathèmes, car nous lui conseillerions la lâcheté. Mais il ne s’agit pas de cela : c’est une question d’amour, de prudence. Nous ne pouvons pas lui en parler. Mais vous, il vous aime. Il a déjà préféré votre région aux autres. Organisez-vous donc pour l’accueillir. Cela vous permettra de savoir avec précision s’il vous aime ou non. S’il devait refuser votre secours, ce serait signe qu’il ne vous aime pas, par conséquent il vaudrait mieux qu’il parte ailleurs. Croyez-le bien, c’est avec douleur que nous disons cela, car nous l’aimons : sa présence est un danger pour qui lui accorde l’hospitalité. Mais, voilà, vous êtes meilleurs que tous et vous ne vous souciez pas des dangers. Pourtant, il est juste que si vous risquez les représailles des Romains, vous le fassiez en un échange d’amour. Nous vous conseillons cela pour le bien de tous.

      – Vous parlez bien. Nous allons suivre vos conseils. Nous irons le trouver…

      – Surtout, faites attention ! Qu’il ne s’aperçoive pas que c’est nous qui vous l’avons suggéré !

      – Ne craignez rien ! Ne craignez rien ! Nous saurons nous y prendre, naturellement. Nous mettrons en évidence que les Samaritains, que l’on méprise, valent mieux que des Judéens ou des Galiléens quand il s’agit de défendre le Christ. 563.3 Venez, entrez chez nous, vous qui êtes les envoyés du Seigneur. Ce sera comme si lui entrait ! Il y a si longtemps que la Samarie attend d’être aimée par les serviteurs de Dieu ! »

      Les Sichémites s’éloignent en encadrant comme en triomphe ces gens, qui sont sûrement — je ne crois pas me tromper — des émissaires du Sanhédrin ; et ils disent :

      « Nous voyons qu’il nous aime, car c’est en quelques jours le second groupe de disciples qu’il nous envoie, et nous avons bien fait de traiter les premiers avec amour. C’est bien d’être aussi bons avec lui à cause des petits enfants de cette femme morte qui était des nôtres ! Il nous connaît, désormais… »

      Et ils s’en vont, tout heureux.

      563.4 Ephraïm tout entière s’est déversée dans les rues pour voir cet événement insolite qu’est un défilé de chars romains qui la traverse. Il y a de nombreux chars et des litières couvertes, escortées par des esclaves, précédées et suivies par des légionnaires. Les gens se font des signes entendus et chuchotent. Arrivé à la route qui bifurque pour Béthel et Rama, le cortège se sépare en deux parties. Un char et une litière avec une escorte de soldats restent arrêtés, tandis que le reste poursuit sa route.

      Le rideau de la litière s’écarte un instant, et une main de femme, blanche et ornée de pierres précieuses, fait signe au chef des esclaves de s’approcher. L’homme obéit sans mot dire. Il écoute. Il aborde un groupe de femmes curieuses et demande :

      « Où se trouve le Rabbi de Nazareth ?

      – Dans cette maison. Mais à cette heure, habituellement, il est près du torrent. Il y a une petite île du côté des saules, là où se trouve le peuplier. Il reste à cet endroit pour prier des journées entières. »

      L’homme revient et fait son rapport. La litière se remet en route. Le char, lui, ne bouge pas. Les soldats suivent la litière jusqu’au bord du cours d’eau, et ils barrent le chemin. Seule la litière longe le ruisseau jusqu’à la hauteur de la petite île qui, au cours de la saison, est devenue très boisée : c’est un fourré impénétrable de verdure, surmonté par le fût et la frondaison argentée du peuplier. Sur un ordre, la litière passe le petit torrent, dans lequel entrent les porteurs aux vêtements courts. Claudia Procula en descend avec une affranchie, et elle fait signe à un esclave noir qui escorte la litière de la suivre. Les autres reviennent sur la rive.

      563.5 Tous trois pénètrent dans la petite île et se dirigent vers le peuplier qui domine au centre. Les hautes herbes étouffent le bruit de leurs pas. Elle arrive ainsi à l’endroit où se trouve Jésus, assis au pied de l’arbre, plongé dans sa prière. Elle l’appelle en s’avançant seule, tandis que d’un geste impérieux elle cloue sur place ses deux personnes de confiance.

      Jésus lève la tête et, à la vue de la femme, il se lève aussitôt. Il la salue, mais reste debout, adossé au tronc du peuplier. Il ne manifeste ni étonnement, ni ennui ou indignation devant cette intrusion.

      Claudia, après avoir salué, expose tout de suite ce qui l’amène :

      « Maître, il est venu chez moi — ou plutôt chez Ponce Pilate — certaines gens [1]… Je ne ferai pas de longs discours. Mais puisque je t’admire, je te dis, comme je l’aurais dit à Socrate s’il avait vécu de nos jours, ou à n’importe quel homme vertueux injustement persécuté : “ Je n’ai pas beaucoup de pouvoir, mais je vais faire mon possible. ” Et pour l’instant, je vais écrire là où je le peux pour qu’on te protège, et aussi pour qu’on te rende… puissant. Il y a sur des trônes ou à de hautes positions tant de gens qui ne le méritent pas…

      – Domina, je ne t’ai pas demandé d’honneurs ni de protections. Que le vrai Dieu te récompense de t’en être souciée. Mais offre tes honneurs et ta protection à ceux qui en désirent vivement. Moi, je n’y aspire pas.

      – Ah ! voilà ! C’est ce que je voulais entendre ! Alors, tu es vraiment le Juste que je pressentais ! Les autres, tes indignes calomniateurs, sont venus nous trouver et…

      – Inutile de m’en parler, domina. Je sais.

      – Sais-tu aussi ce que l’on dit : que, à cause de tes péchés, tu as perdu tout pouvoir et que c’est pour cette raison que tu vis ici, rejeté ?

      – Je suis au courant de cela aussi. Et je sais que tu as cru plus facilement à cette dernière assertion qu’à la première, car ta mentalité de païenne est capable de discerner la puissance ou la bassesse humaine d’un individu, mais tu ne peux encore comprendre ce qu’est le pouvoir de l’esprit. Tu as… perdu tes illusions sur tes dieux qui, dans vos religions, se manifestent par de continuelles oppositions et avec un pouvoir bien fragile, sujet à de faciles interdictions à cause des désaccords entre eux. Et tu crois qu’il en est ainsi du vrai Dieu. Mais ce n’est pas le cas. Tel j’étais quand tu m’as vu la première fois guérir un lépreux, et tel je suis maintenant. Et tel je serai quand je semblerai tout à fait détruit. 563.6 Cet homme, c’est bien ton esclave muet, n’est-ce pas ?

      – Oui, Maître.

      – Dis-lui de venir. »

      Claudia pousse un cri, et l’homme s’avance, puis se prosterne contre le sol entre Jésus et sa maîtresse. Son pauvre cœur de sauvage ne sait qui honorer davantage. Il a peur de se faire punir en vénérant le Christ plus que sa maîtresse, mais malgré cela, après avoir lancé un regard suppliant vers Claudia, il réitère son geste de Césarée [2] : il prend le pied nu de Jésus dans ses deux grosses mains noires et, se jetant le visage contre le sol, il glisse sa tête sous le pied de Jésus.

      « Domina, écoute. Selon toi, est-il plus facile de conquérir seul un royaume ou de faire renaître une partie du corps qui n’existe plus ?

      – Il est plus facile de conquérir un royaume, Maître. La fortune sourit aux audacieux, mais personne, sauf toi, ne peut faire renaître un mort et rendre des yeux à un aveugle.

      – Et pourquoi ?

      – Parce que… Parce que seul Dieu peut tout faire.

      – Alors, pour toi, je suis Dieu ?

      – Oui… ou, du moins, Dieu est avec toi.

      – Dieu peut-il être avec un homme mauvais ? Je parle du vrai Dieu, non de vos idoles, qui sont des délires de celui qui cherche ce dont il pressent l’existence sans savoir de quoi il s’agit, et se crée des fantômes pour apaiser son âme.

      – Non… je ne dirais pas cela. Nos prêtres eux-mêmes perdent leur pouvoir quand ils commettent une faute.

      – Quel pouvoir ?

      – Mais… celui de lire dans les signes du ciel et dans les réponses des victimes, dans le vol, dans le chant des oiseaux. Tu sais… Les augures, les aruspices…

      – Je sais, je sais. Eh bien ? Regarde. Quant à toi, homme qu’un cruel pouvoir humain a privé d’un don de Dieu, relève la tête et ouvre la bouche. Et par la volonté du Dieu vrai, unique, Créateur des corps parfaits, retrouve ce que l’homme t’a enlevé. »

      Il a mis son doigt blanc dans la bouche ouverte du muet.

      Curieuse, l’affranchie ne sait pas rester à sa place, et elle s’avance pour regarder. Claudia s’incline pour observer.

      Jésus enlève son doigt en s’écriant :

      « Parle, et sers-toi de la partie de corps qui est née à nouveau pour louer le vrai Dieu. »

      Et à l’improviste, comme une sonnerie de trompette, d’un instrument jusqu’alors muet, répond un cri, guttural mais net : “ Jésus ! ” Le Noir tombe par terre en pleurant de joie, et il lèche, il lèche vraiment les pieds nus de Jésus, comme pourrait le faire un chien reconnaissant.

      « Ai-je perdu mon pouvoir, domina ? A ceux qui l’insinuent, donne cette réponse. Quant à toi, relève-toi et sois bon en pensant combien je t’ai aimé. Tu es resté dans mon cœur depuis les jours de Césarée. Et avec toi tous tes pareils, regardés comme une marchandise, considérés comme moindres que des bêtes, alors qu’en raison de votre conception vous êtes des hommes, égaux à César, peut-être meilleurs par la volonté de votre cœur… 563.7 Tu peux te retirer, domina, il n’y a rien à ajouter.

      – Si. Il y a autre chose. Il y a que j’avais douté… Il y a que, avec douleur, j’en étais presque venue à croire ce que l’on disait de toi. Et pas seulement moi. Pardonne-nous à toutes, sauf Valéria, qui a toujours gardé sa conviction et même s’y ancre de plus en plus. Et accepte mon cadeau : cet homme. Il ne pourrait plus me servir maintenant qu’il a la parole… et accepte aussi mon argent.

      – Non. Ni l’un, ni l’autre.

      – Alors tu ne me pardonnes pas !

      – Je pardonne même à ceux de mon peuple, doublement coupables de ne pas me reconnaître pour ce que je suis. Et ne devrais-je pas vous pardonner, à vous qui êtes privés de toute connaissance divine ? Voilà : j’ai dit que je n’acceptais ni l’argent ni l’homme. Maintenant, je prends l’un et l’autre, et avec l’un j’affranchis l’autre. Je te rends ton argent parce que j’achète l’homme, et je l’achète pour le rendre à la liberté, afin qu’il retourne dans son pays pour annoncer que Celui qui aime tous les hommes se trouve sur la terre, et qu’il les aime d’autant plus qu’il les voit plus malheureux. Reprends ta bourse.

      – Non, Maître, elle t’appartient. L’homme n’en est pas moins libre. Il est à moi, je te l’ai donné. Tu le libères. Nul besoin d’argent pour cela.

      – Dans ce cas… Tu as un nom ? demande-t-il à l’ancien esclave.

      – Nous l’appelions Callixte [3], par dérision. Mais quand il fut pris…

      – Peu importe. Garde ce nom et rends-le vrai en devenant très beau spirituellement. Va, et sois heureux, puisque Dieu t’a sauvé. »

      S’en aller ! Le Noir ne se lasse pas de l’embrasser et de répéter : “ Jésus ! Jésus ! ” et il met encore le pied de Jésus sur sa tête en disant :

      « Toi, mon seul Maître.

      – Moi, ton vrai Père. Domina, tu te chargeras de lui afin qu’il rentre dans son pays. Sers-toi de l’argent pour cela, et que le surplus lui soit remis. Adieu, domina, et ne fais plus jamais bon accueil aux voix des ténèbres. Sois juste, et apprends à me connaître. Adieu, Callixte. Adieu, femme. »

      Alors Jésus, mettant fin à l’entretien, saute par dessus le torrent, et passe du côté opposé à celui où est arrêtée la litière, puis il s’enfonce dans les buissons, les saules et les roseaux.

      563.8 Claudia rappelle les porteurs et, l’air songeur, remonte dans la litière. Mais si elle garde le silence, l’affranchie et Callixte parlent pour dix, et les légionnaires eux-mêmes perdent leur allure de statues devant le prodige d’une langue qui est née à nouveau. Claudia est trop pensive pour ordonner le silence. A moitié allongée dans la litière, le coude appuyé sur les oreillers, la tête posée sur sa main, elle n’entend rien. Elle est absorbée dans ses réflexions. Elle ne s’aperçoit même pas que l’affranchie n’est pas avec elle, mais parle comme une pie avec les porteurs, tandis que Callixte discute avec les légionnaires qui, s’ils restent en rangs, ne respectent plus le silence. L’émotion est trop grande pour le leur permettre !

      Revenant sur leurs pas, ils se retrouvent à la bifurcation pour Béthel et Rama. La litière quitte Ephraïm pour se joindre au reste du défilé.




[1] Éléazar Ben Anna et une délégation du Sanhédrin après la résurrection de Lazare (EMV 549.10).

[2] Cf. EMV 426.9.

[3] Callixte, en grec, signifie "le plus beau".
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par sofoyal Ven 16 Avr - 1:40

Bonjour @Anayel!

Ah! le bel épisode!
Dans son exil précoce, ou il se nourrit de prière profonde
Jésus  resplendit de puissance et de sérénité.

Sur un plan personnel, étant né en Martinique 
et donc de descendance africaine, 
cet épisode pour moi signe l'entrée de mes ancêtres 
dans le monde de Jésus quand il était sur notre terre.
Et c'est très émouvant.

C'est d'autant plus émouvant il y a  une information sur le prénom Calixte 
qui me laisse à la fois heureux et pensif.
(Elle est facile à vérifier sur google)

En France, ce prénom qui n'est pas si courant, 
est porté dans pour une écrasante majorité
dans  trois départements d'outremer. 
La Guyane, la Guadeloupe et la Martinique. 
C'est la que se trouve la descendance déportée des africains continentaux.
(Je sais qu'il y en a aussi en Afrique)

Quelque part, sans être une preuve absolue, 
c'est pour moi un signe de l'Amour du Sauveur et de notre Dieu pour ceux de ma race.
Je reste donc pensif et heureux.

                                                        
(Trouvé sur google

Entre 1900 et 2019, il est né 2053 "Calixte" sur tout le territoire français, outremer inclus.

Sur ces 2053
824 sont nés en Guadeloupe, Guyane ou Martinique, 
Et  35 à la Réunion.
Soit un total de 859 "Calixte" né dans les DOM.)

                                              sunny sunny sunny
                                          Gloire à toi Seigneu


_________________
Sofoyal Colombe
Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 21 Signat10
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