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Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 23 Nov - 21:54

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

461. Le Grec Zénon et la lettre de Syntica, avec la nouvelle de la mort de Jean d'En-dor (partie 3)

Ancienne édition : Tome 6, chapitre 153.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 461.

Vision du mardi 23 juillet 1946

Samedi 11 août 29
Tibériade


[Précédemment, Syntica parle et dit : ] Je parle pour les frères qui ne peuvent croire que nous aussi, les païens, nous aspirons au bien. C’est aux frères que je dis que, sous la cuirasse païenne, il y a des cœurs déçus par le vide du paganisme, qui ont la nausée de la vie qu’ils mènent, dictée par les coutumes, qui sont las de la haine, du vice, de la dureté. Il y a des âmes honnêtes, mais qui ne savent pas où s’appuyer, pour trouver un apaisement à leurs aspirations au bien. Donnez-leur une foi qui les assouvisse, ils mourront pour elle en la portant toujours plus en avant, tel un flambeau dans les ténèbres, comme les athlètes des jeux helléniques. ” »

      461.15 Jésus replie la première feuille. Ceux qui l’ont écouté commentent le style, la force, les idées de Syntica, et ils se demandent pourquoi elle n’est plus à Antigonie. Pendant ce temps, Jésus déroule la deuxième feuille.

      Pierre, qui jusque là était resté assis, se rapproche comme pour mieux entendre et se dresse de nouveau sur la pointe des pieds, pour voir, en se serrant contre Jésus.

      « Simon, il fait si chaud, et tu te colles à moi », dit Jésus en souriant. « Retourne à ta place. N’as-tu pas entendu jusqu’à présent ?

      – Entendu ? Oui. Mais je n’ai pas vu, et maintenant je veux voir, car c’est à partir de cette feuille que tu as changé et que tu as pleuré… Et ce n’est pas simplement pour Jean… On savait bien qu’il était mourant… »

      Jésus sourit, mais pour empêcher Pierre de jeter un coup d’œil par derrière sur l’écrit, il s’adosse à la colonne la plus proche, sans s’inquiéter de s’éloigner du lustre qui, s’il n’éclaire plus la feuille, éclaire vivement, en revanche, le visage de Jésus.

      Pierre, bien décidé à voir, à comprendre, traîne un tabouret en face de Jésus et s’y assied, en gardant les yeux fixés sur le visage du Maître.

      « “ J’en suis tellement convaincue que, restée seule, j’ai quitté Antigonie pour Antioche, certaine de pouvoir mieux travailler sur ce terrain où, comme à Rome, toutes les races se fondent et se mélangent, que là où Israël est maître… Je ne puis, moi, une femme, partir à la conquête de Rome, mais si je ne peux rejoindre la Ville, je jette la semence sur la fille la plus belle de la Ville, celle qui ressemble le plus à sa mère dans tout l’Univers… Sur combien de cœurs tombera-t-elle ? En combien germera-t-elle ? En combien se trouvera-t-elle transportée ailleurs ou attendra-t-elle les apôtres pour germer ? Je ne sais, je ne cherche même pas à savoir. J’agis. J’offre mon travail au Dieu que j’ai connu et qui satisfait mon esprit et mon intelligence. C’est en ce Dieu que je crois comme à un Dieu unique et tout puissant. Je sais qu’il ne déçoit pas l’homme de bonne volonté. Cela me suffit et soutient mon effort.

      461.16 Maître : Jean est mort le sixième jour avant les nones de juin selon les Romains, à peu près à la nouvelle lune de Tamuz pour les Hébreux.

      Seigneur… A quoi bon te dire ce que tu sais ? Je le fais pourtant à cause des frères. Jean est mort en juste, et pour révéler la vérité sur ses souffrances, je devrais dire en martyr.

      Je l’ai assisté avec toute la pitié qu’une femme peut ressentir, avec tout le respect que l’on a pour un héros, avec tout l’amour que l’on porte à un frère, mais cela n’a pas empêché une souffrance telle que moi, non par ennui ou par lassitude, mais par compassion, je priais l’Eternel de l’appeler à la paix. Lui disait : ‘A la liberté.’

      Quelles paroles sortaient de sa bouche ! Comment donc un homme, qui est descendu jusque dans les bas-fonds, comme il le disait, peut-il s’élever à une sagesse si lumineuse ? Ah ! la mort est vraiment le mystère qui dévoile notre origine, et la vie est le décor qui cache le mystère. Un décor qui nous est donné vierge, sans textures, et sur lequel nous pouvons tracer ce que nous voulons. Il avait écrit beaucoup de choses, et toutes n’étaient pas belles. Mais les dernières étaient sublimes. Du ciel ténébreux d’en bas, sur lequel se trouvaient des dessins de douleur humaine et d’humaine violence, il était passé, comme un sage artiste, à des traits de plus en plus lumineux décorant de vertu la fin de sa vie chrétienne, pour terminer dans la clarté éblouissante d’une âme perdue en Dieu.

      Je te l’affirme : il n’a pas parlé, mais chanté son dernier poème. Il n’est pas mort, mais il s’est élevé. Et je ne pouvais distinguer exactement quand c’était encore l’homme qui parlait ou déjà l’esprit, fils de Dieu.

      Seigneur : j’ai lu, tu le sais, toutes les œuvres des philosophes afin d’y chercher une pâture pour une âme attachée par la double chaîne de l’esclavage et du paganisme. Mais c’étaient des œuvres d’hommes. Ici, ce n’étaient plus des paroles humaines, mais surnaturelles, celles d’un esprit supérieur, ou plutôt d’un esprit à demi-divin.

      J’ai veillé sur le mystère, qui d’ailleurs n’aurait pas été compris par ceux qui nous logeaient : ils étaient bons avec l’homme, mais juifs dans le sens le plus large et le plus complet du mot… Et quand, dans les dernières touches de l’amour, Jean ne fut plus qu’une expression d’amour, j’ai éloigné tout le monde et j’ai recueilli, moi seule, ce que certainement tu sais…

      Seigneur… cet homme est mort, il est ‘enfin sorti de sa prison pour entrer dans la liberté’, comme il le disait de son filet de voix des derniers jours, et avec un regard embrasé par l’extase, en me serrant la main et en me dévoilant, par ses paroles, le Paradis. Cet homme est mort en m’enseignant à vivre, à pardonner, à croire, à aimer. Il est mort en me préparant au dernier temps de ta vie.

      Seigneur, je sais tout : au long des soirées d’hiver, il m’avait instruite sur les prophètes. Je connais le Livre comme une vraie juive, mais je sais aussi ce que le Livre ne spécifie pas…

      Mon Maître et mon Seigneur… je l’imiterai ! Et je voudrais la même faveur, mais je pense qu’il est plus héroïque de ne pas la demander et de faire ta Volonté… ” »

      461.17 Jésus replie la feuille et il est sur le point de prendre la troisième.

      « Non, non, Maître ! » s’exclame Pierre. « Ce n’est pas possible… Il y a autre chose. La page n’a pas pu se terminer aussi vite ! Tu ne lis pas tout ! Pourquoi, Seigneur ? Allez, protestez, vous aussi ! Syntica a écrit plus pour nous que pour lui, mais lui ne lit pas.

      – N’insiste pas, Pierre !

      – Si, j’insiste ! Et comment, j’insiste ! J’ai vu, tu sais, que ton œil allait plus bas tout d’un coup et j’ai vu par transparence que tu n’as pas lu les dernières lignes. Je ne serai pas tranquille tant que tu n’auras pas lu la fin de cette feuille. Tu avais pleuré auparavant !… Eh quoi ? Y a-t-il par hasard de quoi pleurer dans ce que tu as lu ? C’est une peine, oui, de le savoir mort… mais une pareille mort ne fait pas pleurer ! Moi, je croyais qu’il avait eu une mauvaise mort, en perdant son âme… Au contraire… Lis, allons ! Mère ! Jean ! Vous qui obtenez tout…

      – Ecoute-le, mon Fils, et même si c’est quelque chose de pénible à apprendre, nous boirons tous le calice…

      – Qu’il en soit comme vous voulez…

      “ Je connais le Livre comme une vraie juive. Mais je sais aussi ce que le Livre ne spécifie pas : que désormais ta Passion ne tardera pas à s’accomplir, puisque Jean est mort et que tu lui as promis un court séjour dans les limbes. C’est lui qui me l’a révélé. Et il m’a dit que tu lui avais promis de l’enlever avant qu’il connaisse comment et jusqu’où peut arriver la haine d’Israël envers toi, et cela pour empêcher que, par amour pour toi, il n’en vienne à haïr ceux qui te tortureront. Maintenant, il est mort… et tu es donc près de mourir… Non, de vivre. Vraiment de vivre avec ta Doctrine, avec toi-même en nous, avec la Divinité en nous, après que le Sacrifice nous aura rendu la vie de l’âme, la grâce, l’union avec le Père, avec le Fils, avec l’Esprit Saint.

      Maître, mon Sauveur, mon Roi, mon Dieu… forte est ma tentation — ou plutôt elle a été forte — de te rejoindre, maintenant que Jean dort avec son corps dans le tombeau et qu’avec son âme il repose dans l’attente. Te rejoindre pour être avec mes sœurs disciples, près de ton autel. Mais les autels doivent être ornés non seulement de la victime, mais de guirlandes en l’honneur de Dieu, en l’honneur de qui on offre le sacrifice. Je mets ma guirlande violette de disciple lointaine au pied de ton autel. J’y joins l’obéissance, le travail, le sacrifice de ne pas te voir et de ne pas t’entendre… Ah ! Ce sera bien dur ! C’est bien dur maintenant que sont terminés tes colloques surnaturels avec Jean, et que je n’en profite plus !… Seigneur, lève ta main sur ta servante pour qu’elle sache faire ta seule volonté et qu’elle sache te servir. ” »

      461.18 Jésus replie la feuille et regarde les visages de ceux qui l’écoutent. Ils sont pâles, mais Pierre murmure :

      « Je ne comprends pas pourquoi tu as pleuré… Je croyais qu’il y avait autre chose…

      – Je pleurais parce que je comparais l’ancien galérien, meurtrier de son épouse, et l’esclave païenne avec de trop nombreux juifs.

      – J’ai compris ! Tu es angoissé de voir les Hébreux inférieurs aux païens, et les prêtres et les chefs inférieurs aux galériens. Tu as raison. J’étais stupide ! Quelle femme que cette femme-là ! Dommage qu’elle ait dû s’éloigner ! »

      Jésus déplie la troisième feuille.

      « “ Et sache imiter en toutes choses ton disciple et frère qui est déjà dans la paix, qui y est allé après avoir accompli toutes les purifications… en ton honneur et pour alléger tes souffrances. ”

      -Ah ! non, la suite ! »

      Pierre a sauté agilement sur son siège avant que Jésus puisse s’écarter, et il voit qu’il n’est pas possible que Jésus en soit déjà là où son œil regarde. Il faut préciser que le parchemin s’enroule sur lui-même à mesure qu’on le laisse libre en haut, aussi plusieurs lignes sont-elles désormais cachées au sommet de la feuille.

      Jésus lève la tête, et avec le visage plus doux que triste, doux mais plein de fermeté, il repousse son apôtre et lui dit :

      « Pierre, ton Maître sait ce qui te fait du bien ! Laisse-moi te donner ce qui est bon pour toi… »

      Pierre est touché par ces mots, et davantage encore par le regard de Jésus, tellement implorant, et dans ses yeux brille une larme prête à tomber. Il descend de son siège en disant :

      « J’obéis… Mais que pouvait-il bien y avoir à cet endroit ! »

      461.19 Jésus reprend sa lecture :

      « “ Et maintenant que j’ai parlé des autres, je parle de moi. J’ai quitté Antigonie après l’enterrement de Jean. Ce n’est pas que je n’y ai pas été bien traitée, mais je me rendais compte que ce n’était pas ma place. C’était plutôt une impression : je sentais qu’il me fallait le faire. Comme je te l’ai dit, j’avais connu de nombreuses familles parce que beaucoup venaient nous trouver. J’ai préféré m’installer auprès de celle de Zénon, car c’est précisément dans ce milieu que je compte travailler.

      Une dame romaine voulait m’accueillir dans sa splendide maison près des colonnades d’Hérode. Une très riche Syrienne me proposait une place de directrice dans la fabrique d’étoffes que son mari, de Tyr, a installée à Séleucie. Une prosélyte, veuve, mère de sept enfants, qui habite près du pont de Séleucie voulait m’avoir en souvenir de Jean, qui avait été le maître de ses garçons. Une famille gréco-assyrienne qui possède des magasins dans une rue près du Cirque, me demandait d’aller chez elle, parce que, à l’époque des jeux, je pouvais leur être utile. Enfin un Romain, déjà centurion, je crois, certainement militaire, et resté ici avec je ne sais quelle fonction précise, guéri lui aussi par le baume [10], insistait pour que je vienne chez lui.

      Non, je ne voulais pas des riches, ni des marchands. Je voulais des âmes, et des âmes grecques et romaines, car je sens que c’est par elles que doit commencer l’expansion de ta Doctrine dans le monde.

      Et me voici dans la maison de Zénon, sur les pentes du mont Sulpius, près des casernes. Du sommet, la citadelle surplombe, menaçante. Cependant, malgré son aspect si peu engageant, elle vaut mieux que les riches palais de l’Onpholus et du Nimpheus, et j’y ai des amis : un soldat qui te connaît, du nom d’Alexandre. C’est un cœur simple d’enfant, enfermé dans un grand corps de soldat. Et le tribun lui-même [11], arrivé depuis peu de Césarée, qui, sous sa chlamyde [12] a un cœur droit. Dans sa rude simplicité, Alexandre est plus proche de la vérité. Mais le tribun aussi t’admire comme un rhéteur parfait, un philosophe ‘ divin ’, comme il dit. S’il ne peut encore accueillir la vérité, il n’est pas hostile à la Sagesse. Mais les conquérir, eux et leurs familles, en te faisant quelque peu connaître, cela veut dire jeter la semence de cette connaissance au septentrion et au midi, à l’orient et à l’occident, puisque les troupes sont comme des grains secoués par le van ou plutôt des balles que le tourbillon, dans notre cas le bon vouloir des Césars et les besoins de l’Empire, répand dans toutes les directions.

      Un jour viendra où tes apôtres, tels des oiseaux qui prennent leur envol, se répandront sur la Terre, et ce sera pour eux une grande aide de trouver dans les lieux de leur apostolat une personne, ne serait-ce qu’une seule, qui n’ignore pas que tu as existé. C’est dans cette pensée aussi que je soigne les membres douloureux des anciens gladiateurs, et les blessures des jeunes. C’est pour cela aussi que je n’évite plus les dames romaines, et que je supporte ceux qui me faisaient souffrir… Tout cela pour toi.

      Si je me trompe, donne-moi les conseils de ta sagesse. Sache seulement — mais tu le sais déjà — que mes erreurs viennent de mon incapacité, mais pas de quelque malice.

      Seigneur, ta servante t’en a tant dit… c’est pourtant peu de choses de ce qu’elle a dans le cœur. Mais tu vois mon âme, Seigneur… Quand verrai-je ton visage ? Quand reverrai-je ta Mère, les frères ?… La vie est un rêve qui passe. La séparation passera. Je serai en toi et avec eux, et ce sera la joie et la liberté pour moi, pour moi aussi, comme pour Jean.

      Je me prosterne à tes pieds, mon Sauveur, bénis-moi en me donnant ta paix. A Marie de Nazareth, aux disciples mes compagnes, paix et bénédiction. Aux apôtres et aux disciples, paix et bénédiction. A toi, Seigneur, gloire et amour. ”

      461.20 Voici la lecture terminée. Mère, viens avec moi. Vous, attendez-moi, ou bien reposez-vous. Je ne vais pas rentrer. Je reste en prière avec ma Mère. Jeanne, si on me cherche, je suis dans le pavillon, près du lac. »

      Pierre a tiré Marie à part, et il lui parle, tout excité, mais à voix basse. Marie lui sourit et murmure quelque chose, puis elle rejoint son Fils qui suit le sentier à peine visible dans la nuit.

      « Que voulait Simon ?

      – Savoir, mon Fils. C’est un enfant… un grand enfant… Mais il est si bon !

      – Oui, il est très bon, et il t’a priée, toi qui es toute bonne, pour savoir… Il a trouvé mon point faible : toi et Jean. Je le sais, je fais semblant de ne pas le savoir, mais je le sais. Mais je ne puis toujours céder pour lui faire plaisir…

      Il ne fallait pas, Jonathas. Nous serions restés même dans l’obscurité », dit-il en voyant le majordome accourir avec une lanterne en argent qu’il pose sur la table et des coussins qu’il place sur les sièges du pavillon.

      « C’est Jeanne qui me l’a ordonné. Paix à toi, Maître.

      – Et à toi aussi. »

      Ils restent seuls.

      « Je disais que je ne puis toujours lui faire plaisir. Ce soir, je ne le pouvais pas. Toi seule peux connaître les passages que j’ai tus. C’est pour cela que j’ai voulu t’avoir avec moi, et aussi pour rester avec toi, Maman… Rester avec toi, dans les dernières heures avant une séparation, c’est rassembler une grande force, très douce, pour en être riche aux nombreux moments de solitude au milieu du monde qui ne me comprend pas, ou me comprend mal. Et rester avec toi, aux premières heures d’un retour, c’est retrouver immédiatement des forces dans ta douceur, après toutes les coupes si rebutantes et si amères que je dois boire dans le monde… »

      Marie le caresse en silence. Debout près de Jésus assis, c’est la Mère qui réconforte le Fils. Mais il la fait asseoir et lui dit :

      « Ecoute… »

      Alors Marie, attentive, assise en face de lui, devient un disciple suspendu aux lèvres de Jésus son Maître.

      461.21 « Syntica écrit en parlant d’Antioche : “ Je ne sais pas toujours distinguer où cesse la volonté des hommes et où commence celle de Dieu, car je n’ai pas assez de sagesse ; mais ce qui m’a amenée ici, c’est une volonté plus forte que mon désir, et c’était peut-être la volonté de Dieu. Il est certain que, sans doute par une grâce du Ciel, j’aime désormais cette ville : avec les sommets du mont Casius et de l’Aman, qui veillent sur elle des deux côtés, et la crête verte des Montagnes Noires plus au loin, elle me rappelle beaucoup ma patrie perdue. Et il me semble que c’est le premier pas du retour vers ma terre : non pas celui d’une pèlerine épuisée qui y retourne pour y mourir, mais celui d’une messagère de vie, qui vient donner la vie à celle qui fut sa mère. J’ai l’impression que c’est d’ici, après m’être reposée comme une hirondelle qui reprendra son vol, et m’être nourrie de Sagesse, que je dois voler vers la ville où j’ai vu la lumière, et d’où je veux, je voudrais m’élever vers la Lumière lorsque je lui aurai donné la lumière que j’ai moi-même reçue.

      Ceux qui sont mes frères en toi, je le sais, n’approuveraient pas cette manière de voir. Ce n’est que pour eux qu’ils veulent ta sagesse, mais ils se trompent. Un jour, ils comprendront que le monde attend, et que le monde qu’ils méprisent sera le meilleur. Moi, je leur prépare le chemin. Pas ici seulement, mais avec les gens si nombreux qui séjournent ici, puis retournent dans d’autres pays — et je ne me soucie pas de savoir si ce sont des païens ou des prosélytes, des Grecs ou des Romains, ou s’ils proviennent d’autres colonies de l’Empire ou de la Diaspora. Je parle, j’éveille le désir de te connaître… La mer n’est pas faite d’un nuage qui s’y est déversé ; elle est faite de nuées innombrables qui se déversent sur la Terre, et s’en vont à la mer. Je serai un nuage, la mer sera le christianisme. Je veux multiplier la connaissance de ta personne, pour contribuer à former la mer du christianisme. Moi qui suis grecque, je sais parler aux Grecs, non pas tant en raison de la langue que de la tournure d’esprit… Comme je suis une ancienne esclave des Romains, je sais travailler leurs esprits dont je connais les points sensibles. Et, après avoir vécu parmi les Hébreux, je sais aussi comment m’y prendre avec eux, spécialement ici où les prosélytes sont nombreux. Jean est mort pour ta gloire. Moi, je vivrai pour ta gloire. Bénis nos âmes. ”

      461.22 Et plus loin, là où elle parle de la mort de Jean, là où je n’ai pas laissé Simon lire, elle a écrit : “ Jean est mort après avoir accompli toutes les purifications, même la dernière : il a pardonné à ceux qui, par leurs manières d’agir, l’ont tué et t’ont contraint à l’éloigner. Je sais leurs noms, au moins celui du principal d’entre eux. Jean me l’a révélé en me disant : ‘ Méfie-toi toujours de lui. C’est un traître. Il m’a trahi, il le trahira, Lui et ses compagnons, mais je pardonne à Judas comme Lui, il pardonnera. L’abîme où il gît est déjà si grand, que je ne veux pas l’approfondir encore en refusant de lui pardonner de m’avoir tué en me séparant de Jésus. Mon pardon ne le sauvera pas. Rien ne le sauvera, car c’est un démon. Je ne devrais pas dire cela, moi qui ai été assassin, mais j’avais du moins une offense pour me rendre fou. Lui s’attaque à quelqu’un qui ne lui a pas fait de mal, et il finira par trahir son Sauveur. Mais je lui pardonne car, de sa haine, la bonté de Dieu a tiré du bien pour moi. Tu vois ? J’ai tout expié. Le Maître me l’a dit hier soir [13]. J’ai tout expié. Maintenant je sors de prison, maintenant j’entre vraiment dans la liberté, libéré aussi du poids du souvenir du péché de Judas envers un malheureux qui avait trouvé la paix auprès de son Seigneur. ’

      Moi aussi, à son exemple, je lui pardonne de m’avoir arrachée à toi, à ta Mère bénie, à mes sœurs disciples, de m’avoir empêchée de t’entendre, de te suivre jusqu’à la mort, pour être présente à ton triomphe de Rédempteur. C’est pour toi que je le fais, en ton honneur, et pour alléger tes souffrances. Sois en paix, mon Seigneur. Le nom de l’opprobre qui se trouve dans les rangs de tes disciples ne franchira jamais mes lèvres. Pareillement, rien ne sortira de ce que j’ai entendu auprès de Jean quand son moi parlait avec ton invisible et béatifiante Présence. J’ai hésité à venir te voir avant de me fixer dans ma nouvelle demeure, mais j’ai senti que je me serais trahie par la répulsion que j’éprouve à l’égard de Judas, et que je t’aurais nui auprès de tes ennemis. J’ai donc sacrifié ce réconfort… certaine que ce sacrifice ne restera pas sans fruit ni sans récompense. ”

      461.23 Voilà, Mère. Pouvais-je lire cela à Simon ?

      – Non. Ni à lui, ni aux autres. Dans ma douleur, j’ai la joie de cette mort sainte de Jean… Mon Fils, prions pour qu’il sente notre amour et… pour que Judas ne soit pas l’opprobre… Oh ! c’est horrible !… Et pourtant… nous pardonnerons…

      – Prions… »

      Ils se lèvent et prient dans la lumière tremblante de la lampe, au milieu des rideaux que forment les branches pendantes, pendant que le ressac fait entendre sa respiration syncopée contre la rive…





[10] Le "baume de Marie" déjà auteur de miracles. Cf. la guérison de Démété (cf. Tome 5, chapitre 8).

[11] Publius Quintilianus.

[12] Manteau court des soldats romains.

[13] Jésus avait promis à Jean d’Endor de lui apparaître pour accompagner ses derniers moments.




Observations


Quand Zénon d’Antioche interrogeait Jésus



Alors qu’il apporte à Jésus une lettre de Syntyche, le grec Zénon (1) en profite pour l’interroger sur sa doctrine. « Est-il vrai que tu vis pour te préparer à la mort, pour donner au monde la sagesse de vivre en dieu et non en brute, comme le font maintenant les hommes ? Est-il vrai que tu affirmes qu'il n'y a qu'une richesse qui mérite qu'on l'atteigne : celle de la vertu ? Est-il vrai que tu es venu pour racheter, mais que la rédemption commence en nous-mêmes, quand on suit tes enseignements ? Est-il vrai que nous possédons une âme et que nous devons en prendre soin car c'est une chose divine, immortelle, incorruptible par sa nature, mais à laquelle, en vivant en brutes, nous pouvons faire perdre son caractère divin, sans pouvoir la détruire ? Réponds, ô Grand !”

“C'est vrai. Tout est vrai.”

“Par Zeus, c'est cela que disait notre très Grand. Mais cela semblait une musique à laquelle il manquait une note, une lyre à laquelle il manquait une corde. De temps à autre on sentait un vide que le philosophe ne franchissait pas. Tu l'as comblé, si réellement tu es venu non seulement pour enseigner mais encore pour mourir sans y être contraint par personne, mais par la volonté personnelle d'obéir à Dieu, ce qui change ta mort de suicide en sacrifice… » (EMV 461.Cool


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Portrait de Socrate

Le « très Grand » évoqué par Zénon, c’est bien sûr Socrate, dont Platon résuma ainsi l’enseignement suggéré ici : « Mon occupation est de vous persuader, jeunes et vieux, qu'avant le soin du corps et des richesses, avant tout autre soin, est celui de l'âme et de son perfectionnement. Je ne cesse de vous dire que ce n'est pas la richesse qui fait la vertu; mais, au contraire, que c'est la vertu qui fait la richesse, et que c'est de là que naissent tous les autres biens publics et particuliers » (2)

(1) Il s’agit très probablement du futur évêque de Diospolis (Lydda) mentionné par la tradition orthodoxe (Troparion Tome 3). Il montre ici avoir très bien assimilé ce que Syntyche, la disciple grecque, a pu lui rapporter de la doctrine de Jésus !
(2) Platon, Apologie de Socrate.


Zénon d’Antioche et les chèvres helléniques


La disciple grecque Syntyche, exilée à Antioche, fait parvenir une lettre à Jésus. Elle y présente en quelques lignes son messager, Zénon, un grec comme elle. « Lui, avec sa finesse de grec, dit qu'il trait les vaches du Tibre pour leur faire cracher les chèvres helléniques » (EMV 461.13). Cette expression truculente, qui certainement "sonnait vrai" il y a deux mille ans, mérite peut-être quelques commentaires de nos jours...

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Denier d’argent de L. Sulla (81 av. J.-C).

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Jupiter enfant assis sur le dos de la chèvre Amalthée.


Dans la bouche du marchand grec, « les vaches du Tibre » représentent bien sûr ses clients romains, qu’il considère avec un mépris non dissimulé. Tandis que « les chèvres helléniques » sont certainement les pièces de monnaies reçues en échange de ses services. En effet, selon la mythologie grecque, Zeus enfant fut allaité par une chèvre nommée Amalthée (1). Cette chèvre nourricière de Jupiter, ou plus symboliquement sa célèbre « corne d’abondance » furent souvent représentées sur les monnaies grecques et plus tard sur des monnaies romaines (2).
Maria Valtorta aurait-elle pu imaginer de telles expressions de sa propre initiative ?

(1) Amálê theía signifie « tendre déesse ». Le jeune Zeus ayant cassé par mégarde une des cornes d’Amalthée, en tirait tous les fruits qu’il désirait. Ovide (Fastes V,111-128) donne une version un peu différente.
(2) Comme par exemple des monnaies de bronze d’Hadrien, puis des monnaies d'or et d'argent de Domitien[/left]


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Sintica
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 24 Nov - 20:47

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462. Discours et guérisons aux sources thermales d'Emmaüs de Tibériade

Ancienne édition : Tome 6, chapitre 154.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 462.

Vision du vendredi 26 juillet 1946

Dimanche 12 août 29
Tibériade


      462.1 Le lac n’est qu’une énorme sardoine insérée dans le chaton des collines qu’éclairent très faiblement les étoiles, car la lune est déjà couchée. Jésus est seul dans le pavillon vert, la tête appuyée sur ses avant-bras, posés sur la table près de la lampe dont la lueur agonise. Mais il ne dort pas. De temps à autre, il lève la tête, regarde encore, sur la table, les feuilles dépliées que recouvre la lampe et, de nouveau, il incline la tête sur ses avant-bas.

      Le silence est absolu. Le lac lui-même semble dormir dans le calme accablant de la nuit. Puis voilà, en même temps, un bruissement du vent dans les feuillages, le claquement solitaire d’une vague sur la rive, un changement dans la nature, comme un réveil des éléments. La pâle clarté de l’aube qui pointe à peine est déjà une lueur, bien que l’œil ne s’en aperçoive pas encore quand il regarde le jardin désert. C’est le miroir du lac qui donne un reflet de ce retour de la lumière, parce que sa teinte foncée se fait plus claire, et lentement, par le reflet du ciel où l’aurore s’annonce, il passe de la couleur du plomb au gris-ardoise, puis au gris-fer pour prendre une nuance d’opale ; et enfin le voilà qui reflète le ciel dans ses eaux d’un bleu paradisiaque.

      462.2 Jésus se lève, rassemble les feuilles, prend la lampe qui s’est éteinte au premier souffle de la brise et se dirige vers la maison. Il rencontre une servante qui s’incline, puis un jardinier qui se dirige vers les parterres ; ils se saluent mutuellement. Il entre dans l’atrium où les autres serviteurs commencent leurs premiers travaux.

      « Paix à vous. Pouvez-vous appeler mes disciples ?

      – Ils sont déjà levés, Seigneur, et le char pour les femmes est prêt. Jeanne aussi est levée. Elle se tient dans l’atrium intérieur. »

      Jésus traverse la maison pour se rendre à l’atrium, qui se trouve du côté de la rue. Effectivement, tous sont rassemblés là.

      « Partons. Mère, que le Seigneur soit avec toi. Marie, avec toi aussi, et que ma paix vous accompagne. Adieu, Simon. Porte ma paix à Salomé et aux enfants. »

      Jonathas ouvre le lourd portail. Dans la rue se trouve le char couvert. Complètement déserte, la rue, entre les maisons, n’est pas encore très éclairée. Les femmes montent avec leur parent dans le char, qui s’éloigne.

      « Nous aussi, mettons-nous en route immédiatement. André, cours en avant là où sont les barques et dis aux employés de nous rejoindre à Tarichée.

      – Comment ? Nous y allons à pied ? Nous arriverons tard…

      – Peu importe. Allez de l’avant pendant que je prends congé de Jeanne. »

      Les apôtres s’éloignent…

      « Je te suis, Seigneur, ou plutôt je te précède, car je pars avec la barque.

      – Tu devras attendre longtemps…

      – Cela ne compte guère. Laisse-moi venir.

      – Qu’il en soit comme tu veux. Kouza est absent ?

      – I1 n’est pas rentré, Seigneur.

      – Tu lui diras que je le salue, et que je l’exhorte à être juste. Caresse pour moi les enfants. Et… toi qui as compris le Maître, fais comprendre à Kouza qu’il est dans l’erreur, et avec lui tous ceux qui veulent faire du Christ un roi temporel. »

      Jésus aussi sort sur le chemin et rejoint rapidement les apôtres.

      « Prenons la direction d’Emmaüs. Beaucoup de malheureux vont aux sources, les uns pour obtenir la guérison, d’autres pour y trouver quelque secours.

      – Mais nous n’avons pas la moindre piécette » objecte Jacques, fils de Zébédée.

      Jésus ne répond pas.

      462.3 De minute en minute, la foule remplit les rues, et on distingue deux catégories de personnes bien différentes. Il y a des gens du peuple, maraîchers, marchands, serviteurs, esclaves, qui se hâtent vers les marchés, et de riches jouisseurs qui, en litière ou à cheval, se rendent eux aussi aux sources, que je suppose être thermales puisqu’elles doivent guérir.

      Tibériade doit être assez cosmopolite, car on reconnaît des habitants de diverses nations : des Romains alourdis par leur vie oisive et vicieuse, des Grecs pomponnés et certainement pas moins licencieux que les Romains — mais le masque que leur laisse le vice n’a pas la même expression que celui des Romains —, des gens de la côte phénicienne, des Hébreux, pour la plupart âgés. Accents, langues, vêtements diffèrent. On voit quelques pâles visages de malades, hommes ou femmes, ou des visages las de patriciennes… et aussi des mines de bons vivants des deux sexes qui avancent en groupes, les uns à cheval, près des litières, les autres en litière, se livrant à des railleries, à des discussions sur des sujets futiles, faisant des paris…

      La route est belle, ombragée par de grands arbres qui laissent voir, dans les intervalles de leurs troncs, d’un côté le lac, de l’autre la campagne. Le soleil, maintenant levé, ravive les teintes des eaux et de la végétation.

      Plusieurs se retournent pour regarder Jésus et un murmure suit son passage : paroles admiratives des femmes, plaisanteries des hommes — parfois méprisantes —, ronchonnements, ou même quelques plaintes que Jésus accueille, les seules auxquelles il prête attention et qu’il exauce.

      Quand il rend leur agilité aux membres d’un Tyrien, ankylosés par l’arthrite, l’indifférence ironique de plusieurs païens est ébranlée.

      « Oh ! » s’écrie un vieux Romain au visage boursouflé de noceur. « Oh ! c’est beau de guérir ainsi. Je l’appelle.

      – Il ne le fera pas pour toi, vieux Silène [1]. Que voudrais-tu faire, une fois guéri ?

      – Revenir à la jouissance !

      – Alors, inutile d’aller trouver le triste Nazaréen.

      – J’y vais, et je parie tout ce que je possède que…

      – Ne parie pas. Tu vas perdre.

      – Laisse-le parier : il est encore ivre. Nous profiterons de son argent. »

      462.4 Le vieil homme descend en titubant de la litière. Il rejoint Jésus, qui écoute une mère juive lui parler de sa fille, une fillette exsangue qu’elle conduit par la main.

      « N’aie pas peur, femme. Ta fille ne va pas mourir. Retourne chez toi. Ne la conduis pas aux sources. Elle n’y trouverait pas la santé du corps, et perdrait la pureté de son âme. Ce sont des lieux d’une licence dégradante »

      Il dit cela à haute voix, de façon que tous l’entendent.

      « J’ai foi, Rabbi. Je retourne chez moi. Bénis tes servantes, Maître. »

      Jésus les bénit et il est sur le point de s’éloigner.

      Le Romain le tire par son vêtement :

      « Guéris-moi » ordonne-t-il.

      Jésus le regarde et demande :

      « Où ? »

      Les Romains, et avec eux des Grecs et des Phéniciens, se sont rassemblés et ils ricanent et parient. Des juifs, qui se sont écartés en murmurant : « Profanation ! Anathème ! » et d’autres mots du même genre, s’arrêtent pourtant, par curiosité…

      « Où ? » demande encore Jésus.

      – De partout, je suis malade… Hi ! hi ! hi ! »

      Je ne sais s’il rit ou s’il pleure, tant est étrange le cri qui lui sort de la bouche. On dirait que la graisse flasque, que lui ont laissée des années de vice, gêne jusqu’à ses cordes vocales. L’homme énumère ses infirmités et dit sa peur de mourir.

      Jésus le regarde sévèrement et répond :

      « En effet, tu dois craindre la mort car tu t’es tué toi-même. »

      Et il lui tourne le dos. L’autre cherche à le rattraper par son vêtement pendant que l’assistance ricane, mais Jésus se libère et s’éloigne.

      « Pouce vers le bas, Appius Fabius ! Pouce vers le bas ! Celui que l’on appelle le roi des juifs ne t’a pas fait grâce. Donne-nous ta bourse, tu as perdu ton pari. »

      Grecs et Romains font du vacarme en entourant l’homme déçu. Ce dernier les écarte en les bousculant et se met à courir, aussi vite qu’il le peut — obèse comme il l’est —, en relevant son vêtement et en titubant de toute sa masse graisseuse. Mais il trébuche et tombe dans la poussière au milieu des éclats de rire de ses amis, qui le traînent près d’un arbre, contre le tronc duquel l’homme ivre se serre en pleurant, avec le hoquet stupide des ivrognes.

      462.5 Les sources sont certainement proches, car la foule est de plus en plus dense, affluant de routes nombreuses vers un seul endroit. Il règne dans l’air une odeur d’eaux sulfureuses.

      « Nous descendons vers la rive pour éviter ces gens impurs ? demande Pierre.

      – Ils ne sont pas tous impurs. Il y a parmi eux beaucoup de juifs » dit Jésus.

      Les voilà arrivés aux Thermes : c’est une série d’édifices de marbres blancs, en face du lac, séparés par des avenues et en retrait du lac, que borde une vaste place plantée d’arbres sous lesquels circulent ceux qui sont arrivés, en attendant le bain, ou pour réagir après le bain. Des têtes de méduses en bronze, qui font saillie dans le mur d’un édifice, projettent des eaux fumantes dans une vasque de marbre. Celle-ci est blanche à l’extérieur, et rougeâtre à l’intérieur, comme si elle était recouverte de fer rouillé. De nombreux juifs vont aux sources, et boivent l’eau minérale avec des coupes. Je ne vois que des Hébreux le faire, et à ce pavillon. Je crois deviner que les juifs fidèles ont voulu avoir un endroit particulier pour éviter les contacts avec les païens.

      De nombreux malades attendent les soins sur des brancards et, à la vue de Jésus, plusieurs crient :

      « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi. »

      Jésus se dirige vers eux : paralytiques, arthritiques, ankylosés, atteints de fractures, dont les os ne se ressoudent pas, malades d’anémie, d’affections glandulaires, femmes flétries avant l’âge, enfants prématurément vieillis… [2] Il y a encore, sous les arbres, des mendiants qui se lamentent et demandent l’aumône.

      Jésus s’arrête près des malades. La rumeur se répand que le Rabbi s’apprête à parler et à guérir. Les gens, même les étrangers, s’approchent pour voir.

      Jésus regarde tout autour de lui. Il sourit en voyant sortir le Grec envoyé par Syntica, les cheveux encore humides de la douche qu’il a prise. Il élève tout à coup la voix pour se faire entendre :

      « La miséricorde ouvre les portes à la grâce. Soyez miséricordieux pour obtenir miséricorde. Tous les hommes sont pauvres en quelque chose : les uns manquent d’argent, pour d’autres ce sont les affections, la liberté, la santé, et tous les hommes ont besoin de l’aide de Dieu, qui a créé l’univers et qui peut, lui, le Père unique, secourir ses enfants. »

      Il fait une pause comme pour donner aux gens le temps de choisir entre l’écouter ou se rendre aux bains. Mais la plupart délaissent les bains. Juifs et païens se pressent pour l’entendre. Des Romains sceptiques dissimulent leur curiosité sous des plaisanteries :

      « Aujourd’hui, il ne manque rien pour que ce lieu ressemble aux Thermes romains : il y a même un rhéteur ! » disent-ils.

      Le Grec Zénon fend la foule en s’écriant :

      « Par Zeus ! J’allais me rendre à Tarichée, et c’est ici que je te trouve ! »

      462.6 Jésus reprend :

      « Hier, on m’a dit : “ C’est difficile de suivre ce que tu fais. ” Non, ce n’est pas difficile. Ma doctrine se base sur l’amour, et il n’est jamais difficile de suivre l’amour. Que prêche ma doctrine? Le culte d’un Dieu vrai, l’amour pour notre prochain. L’homme, cet éternel enfant, a peur des ombres, et il suit des chimères parce qu’il ne connaît pas l’amour. L’amour est sagesse et lumière. Il est sagesse parce qu’il s’abaisse pour instruire, il est lumière parce qu’il vient pour éclairer. Là où se trouve la lumière, les ombres disparaissent, et là où est la sagesse, les chimères périssent. Parmi ceux qui m’écoutent, il y a des gentils. Ils disent : “ Où est Dieu ? ” Ou bien : “ Qui nous prouve que ton Dieu est le vrai ? ” Ou encore : “ De quelle façon nous assures-tu que tes paroles sont véridiques ? ” Les gentils ne sont pas les seuls à me faire cette objection. D’autres aussi me demandent : “ Par quel pouvoir fais-tu cela ? ” Par le pouvoir qui me vient du Père, du Père qui a mis toute chose au service de l’homme, sa créature préférée, et qui m’envoie pour instruire les hommes, mes frères. Le Père, qui a donné aux entrailles du sol le pouvoir de guérir par les eaux des sources, peut-il avoir limité la puissance de son Christ ? Et qui, quel Dieu sinon le Dieu vrai, peut accorder au Fils de l’homme d’accomplir les prodiges qui réparent les membres détruits ? Dans quel temple d’idoles voit-on que les aveugles recouvrent la vue et les paralytiques le mouvement ? Dans quel temple les mourants, sur le “ je le veux ” d’un homme, se redressent-ils en meilleure santé que les bien-portants ? Eh bien, moi, pour glorifier le Dieu vrai, et pour que vous le connaissiez et le louiez, je dis à tous ceux qui sont rassemblés ici, quelles que soient leur race et leur religion, qu’ils obtiendront la santé qu’ils demandent aux eaux, et qu’ils l’auront par moi. Je suis l’Eau vive qui donne la vie du corps et celle de l’âme à ceux qui croient en moi, et qui accomplissent des œuvres de miséricorde d’un cœur droit. Je ne demande rien de difficile : seulement un mouvement de foi et un mouvement d’amour. Ouvrez votre cœur à la foi. Ouvrez votre cœur à l’amour. Donnez pour posséder. Offrez de pauvres pièces de monnaie pour obtenir l’aide de Dieu. Commencez par aimer vos frères. Sachez faire preuve de miséricorde. Les deux tiers d’entre vous sont malades à cause de leur égoïsme et de leur concupiscence. Abattez l’égoïsme, réfrénez vos passions. Vous y gagnerez en santé physique et en sagesse. Rabaissez votre orgueil, et vous recevrez les bienfaits du vrai Dieu. Je vous demande l’obole pour les pauvres, puis je vous ferai le don de la santé. »

      462.7 Jésus relève un pan de son manteau et le tend pour recevoir les pièces de monnaie. Celles que païens et juifs s’empressent d’y jeter sont nombreuses. Mais il arrive aussi des bagues et d’autres bijoux qu’y jettent avec insouciance des dames romaines. Lorsqu’elles s’approchent de Jésus, elles le regardent, et il en est qui lui murmurent quelque parole, à laquelle Jésus acquiesce ou répond brièvement.

      L’offrande est terminée. Jésus appelle les apôtres pour qu’ils lui amènent les mendiants et, aussi vite que le trésor s’était constitué, le voilà dispersé jusqu’au dernier sou. Il reste des bijoux que Jésus rend aux donatrices, car personne ici n’est à même de les échanger contre de l’argent. Pour les consoler, il leur dit :

      « Le désir vaut l’acte. L’offrande est aussi précieuse que si elle avait été distribuée, car Dieu regarde à l’intention de l’homme. »

      Puis il se redresse et s’écrie :

      « De qui me vient la puissance ? Du vrai Dieu. Père, resplendis en ton Fils. C’est en ton nom que j’ordonne aux malades : allez ! »

      Voici maintenant ce spectacle que j’ai si souvent vu : les malades se lèvent, les estropiés se redressent, les paralytiques bougent, les visages se colorent, les yeux s’illuminent, tout cela accompagné du cri des hosannas, des louanges des Romains parmi lesquels il y a deux femmes et un homme guéris, qui, voulant imiter les juifs mais n’arrivant pas à s’humilier comme eux pour baiser les pieds du Christ, s’inclinent, saisissent un pan de son vêtement et le baisent.

      Puis Jésus s’éloigne pour se soustraire à la foule, mais il n’y parvient pas, car, hormis quelque païen buté ou quelque juif à l’obstination encore plus coupable, tout le monde le suit sur la route qui mène à Tarichée.




[1] Dieu proche des satyres.

[2] Réflexion pertinente de Maria Valtorta : Les termes de Tibériade soignaient ces maladies. Voir les connaissances topographiques remarquables.




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Lac de Tibériade
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 25 Nov - 22:46

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

463. Discours sur la nature du royaume messianique

Ancienne édition : Tome 6, chapitre 155.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 463.

Vision du samedi 27 juillet 1946

Dimanche 12 août 29
Tarichée


      463.1 La petite péninsule de Tarichée s’avance dans le lac en formant une anse profonde au sud-ouest. Il n’est pas faux de dire que, plutôt qu’une péninsule, c’est un isthme entouré d’eau sur presque tout son pourtour, et réuni à la terre par une sorte de langue de terre. Il en était du moins ainsi au temps de Jésus, à l’époque où je la vois. J’ignore si par la suite, au cours de vingt siècles, les sables et les graviers charriés par un petit torrent, qui débouche juste au sud-ouest de l’anse, ont pu modifier l’aspect de l’endroit en ensablant la petite baie et en élargissant par conséquent la langue de terre de l’isthme.

      La baie est paisible, couleur azur, avec des bandes de jade là où se reflètent les feuillages verts des arbres qui s’avancent de la côte vers le lac. Des barques nombreuses se balancent légèrement sur les eaux presque calmes.

      Ce qui me frappe, c’est une digue bizarre : avec ses arches qui reposent sur les graviers de la rive, elle forme une sorte de promenade, un môle, que sais-je, tourné vers l’ouest. Je ne comprends pas si on l’a édifiée pour orner, ou dans quelque but utile qui m’échappe. Ce passage, digue ou môle, est recouvert d’une épaisse couche de terre où sont plantés des arbres très rapprochés, assez petits, qui forment une galerie verte au-dessus de la route. Beaucoup de gens passent le temps sous cette galerie bruissante à laquelle la brise, les eaux et les frondaisons apportent l’agrément appréciable de la fraîcheur.

      On voit nettement la sortie du Jourdain et l’irruption des eaux du lac dans le lit du fleuve qui fait quelques tourbillons, quelques engorgements près des soubassements d’un pont, que je crois romain à cause de son architecture : il repose sur des piles robustes, construites en brise-lames (je ne sais si je m’explique bien, je veux dire comme ceci : Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Ch463-PontJourdain2) contre les arêtes desquelles le courant vient se disperser. Cela suscite tout un jeu nacré de lumières, sous le soleil qui les frappe à l’endroit où les eaux se brisent et débordent pour s’écouler dans la gorge encaissée du fleuve, après s’être étendues à leur aise dans le lac. Non loin du pont, sur l’autre rive, s’étend une petite ville toute blanche, dont les maisons sont éparses dans la verdure d’une campagne fertile [1]. Plus haut vers le nord, mais sur la côte orientale du lac, se trouve le bourg qui précède Hippos [2] et les forêts qui s’élèvent sur la falaise, au-delà desquels se trouve Gamla, bien visible au sommet de sa colline.

      Une foule nombreuse a suivi Jésus à partir d’Emmaüs et elle s’est augmentée de ceux qui déjà l’attendaient à Tarichée. Parmi eux se trouve Jeanne, venue en barque. Jésus se dirige justement vers la digue plantée d’arbres et il s’arrête au milieu, ayant à sa droite les eaux du lac, à sa gauche la plage. Les gens qui le peuvent se placent sur la route ombragée, les autres descendent sur la plage, encore un peu humide à cause de la forte marée nocturne ou pour quelque autre raison, et en partie protégée du soleil par les arbres de la digue. D’autres encore font accoster les barques et s’y installent place à l’ombre des voiles.

      463.2 Jésus fait signe qu’il va parler, et tout le monde se tait.

      « Il est dit : “ Tu t’es mis en campagne pour sauver ton peuple, pour le sauver grâce à ton Christ. [3] ” Il est dit : “ Et je me réjouirai dans le Seigneur et j’exulterai en Dieu, mon Sauveur. [4] ”

      Le peuple d’Israël a pris pour lui cette parole et lui a donné un sens national, personnel, égoïste, qui ne correspond pas à la vérité sur la personne du Messie. Il lui a donné un sens étroit qui abaisse la grandeur de l’idée messianique au niveau d’une manifestation de puissance humaine et d’un écrasement par le Christ des conquérants qui occupent Israël.

      Mais la vérité est différente. Elle est grande, illimitée. Elle vient du Dieu vrai, du Créateur et Seigneur du ciel et de la terre, du Créateur de l’humanité, de celui qui a multiplié les astres dans le firmament, couvert la terre de plantes de toute espèce, et l’a peuplée d’animaux. Tout comme il a mis des poissons dans les eaux, et des oiseaux dans l’air, il a multiplié les enfants des hommes, de l’homme créé par lui, pour être le roi de la création et sa créature de prédilection.

      Or comment le Seigneur, le Père du genre humain tout entier, pourrait-il se montrer injuste envers les descendants de ceux qui sont nés de l’homme et de la femme, formés par lui avec de la terre comme matière, et son divin souffle pour âme ? Et comment traiter les uns différemment des autres, comme s’ils ne venaient pas d’une même origine, comme si d’autres branches avaient été créées par quelque autre être surnaturel et antagoniste, dont les descendants seraient étrangers, bâtards, méprisables ?

      Le vrai Dieu n’est pas un pauvre dieu de tel ou tel peuple, une idole, une figure irréelle. Il est la Réalité sublime, il est la Réalité universelle, il est l’Etre unique, suprême, créateur de tout ce qui existe, donc, de tous les hommes. Il est le Dieu de tous les hommes. Il les connaît, même si eux ne le connaissent pas. Il les aime, même si eux, faute de le connaître, ne l’aiment pas. Il les aime, même si, le connaissant mal, ils l’aiment mal, ou encore si, bien que le connaissant, ils ne savent pas l’aimer.

      La paternité ne cesse pas quand un enfant est ignorant, sot ou mauvais. Le père s’efforce d’instruire son enfant, car c’est faire preuve d’amour. Il peine pour rendre plus capable son enfant déficient. Par ses larmes, par son indulgence, par des châtiments salutaires, par des pardons miséricordieux, il essaie de corriger son enfant mauvais et de le rendre bon. C’est ce que fait tout père humain. Alors le Dieu Père serait-il inférieur à un père humain ? Il aime tous les hommes et veut leur salut. Roi d’un Royaume infini, Roi éternel, il regarde son peuple, formé de tous les peuples répandus sur la terre, et il dit : “ Voilà le peuple de ceux que j’ai créés, le peuple qui doit être sauvé par mon Christ. Voilà le peuple pour lequel le Royaume des Cieux a été créé. Et voici l’heure de le sauver par le Rédempteur. ”

      463.3 Qui est le Christ ? Qui est le Sauveur ? Qui est le Messie ? Nombreux sont les Grecs présents ici, et ceux, même s’ils ne sont pas grecs, qui savent ce que veut dire le mot “ Christ ”. Le Christ est le Consacré, celui qui a été oint de l’huile royale pour accomplir sa mission. Consacré pour quoi ? Serait-ce pour la pauvre gloire d’un trône ? Serait-ce pour celle, plus grande, d’un sacerdoce ? Non. Consacré pour réunir sous un sceptre unique, en un peuple unique, sous une doctrine unique, tous les hommes, pour qu’ils soient frères entre eux, et enfants d’un unique Père, des enfants qui connaissent le Père, et qui suivent sa Loi pour prendre part à son Royaume.

      Roi au nom du Père qui l’a envoyé, le Christ règne comme il convient à sa nature, c’est-à-dire divinement, parce qu’il vient de Dieu. Dieu a disposé toute chose pour servir de marchepied à son Christ, non pas pour accabler, mais pour sauver tous les hommes. En effet, son nom est Jésus, ce qui, en langue hébraïque signifie Sauveur. Quand il aura sauvé des embûches et de la blessure la plus cruelle, il aura sous ses pieds une montagne, et une multitude de toutes races la couvrira, pour symboliser qu’il règne et s’élève au-dessus de la terre entière et au-dessus de tous les peuples.

      Mais le Roi sera nu, sans autre richesse que son Sacrifice, pour symboliser qu’il ne tend qu’aux choses de l’esprit et que ces dernières se conquièrent et se rachètent par les valeurs spirituelles et l’héroïsme du sacrifice, et non par l’or ou la violence. Il le sera pour répondre aux hommes qui le craignent, comme à ceux qui, par un amour faux, l’exaltent ou le rabaissent en voulant faire de lui un roi selon le monde, ou encore à ceux qui le haïssent sans autre raison que la crainte d’être dépouillés de ce qui leur est cher. Il le montrera ainsi qu’il est un Roi spirituel — et cela seulement —, envoyé pour enseigner aux âmes le moyen de conquérir le Royaume, l’unique Royaume que je suis venu fonder.

      Moi, je n’apporte pas de lois nouvelles. Pour les juifs, je confirme la Loi du Sinaï. Je dis aux païens : la loi pour posséder le Royaume n’est pas autre chose que la loi de la vertu que toute créature morale s’impose en s’élevant par elle-même. Grâce à la foi au Dieu vrai, cette loi morale, cette loi de vertu humaine, devient une loi de morale surnaturelle.

      463.4 Vous, les païens, vous avez l’habitude de proclamer dieux les grands hommes de vos nations et vous les rangez parmi les troupes des dieux nombreux et irréels dont vous peuplez l’Olympe. Vous vous êtes créés tous ces dieux pour avoir quelque chose à quoi vous puissiez croire, car une religion est nécessaire à l’homme, comme est nécessaire une foi, la foi étant l’état permanent de l’homme, et l’incrédulité un accident anormal.

      Or ces hommes élevés au rang de dieux n’ont même pas toujours de valeur simplement humaine, car leur grandeur vient soit de la force brutale, soit d’astuces ingénieuses, soit encore d’une puissance acquise d’une façon quelconque. De sorte qu’ils traînent avec eux, comme qualités surnaturelles, des misères que l’homme sage voit pour ce qu’elles sont : des pourritures de passions déchaînées.

      Pour preuve que je dis la vérité, méditez ceci : dans votre Olympe chimérique, vous n’avez pas su mettre un seul de ces grands esprits qui ont réussi à avoir l’intuition de l’Etre suprême et ont été des intermédiaires actifs entre l’homme animal et la Divinité, dont ils ont pressenti instinctivement l’existence grâce à leur sens de la méditation et de la vertu. De l’esprit du philosophe — du vrai grand philosophe — qui raisonne, à l’esprit du vrai croyant qui adore le vrai Dieu, il n’y a qu’un pas ; en revanche, de l’esprit de ce croyant au moi de l’astucieux, du tyran ou de celui dont les exploits ne sont que terre à terre, il y a un abîme.

      Et pourtant, vous n’avez pas placé dans votre Olympe les hommes qui, par la vertu de leur vie, se sont tellement élevés au-dessus de la masse humaine qu’ils se sont approchés des royaumes de l’esprit. En revanche, vous y avez mis ceux que vous avez craints comme des maîtres cruels, ou que vous avez adulés avec une servilité d’esclaves, ou bien que vous avez admirés comme des modèles vivants de cette liberté des instincts animaux qui, pour vos appétits anormaux, paraissent être le summum et le but de la vie. Et vous avez envié les hommes qui ont été admis parmi les dieux, laissant de côté ceux qui se sont approchés davantage de la divinité par la pratique et la doctrine enseignée et vécue d’une vie vertueuse.

      En vérité, je vous donne maintenant le moyen de devenir des dieux. Celui qui fait ce que je dis, et croit ce que j’enseigne, montera vers l’Olympe véritable et sera dieu, fils de Dieu dans un Ciel où il n’y a pas de corruption d’aucune sorte et où l’Amour est l’unique loi ; dans un Ciel où l’on s’aime spirituellement, sans que la pesanteur et les pièges des sens opposent les habitants, ainsi qu’il arrive dans vos religions.

      Je ne viens pas vous demander des actes d’héroïsme extraordinaires. Je viens vous dire : vivez comme des créatures douées d’une âme et de la raison, et non comme des bêtes. Vivez de manière à mériter de vivre, de vivre réellement, par la partie immortelle qui est en vous, dans le Royaume de Celui qui vous a créés.

      463.5 Moi, je suis la Vie. Je viens vous enseigner la route qui y mène. Je viens vous donner la vie à tous, pour vous ressusciter de votre mort, de votre tombeau de péché et d’idolâtrie. Je suis la Miséricorde. Je viens vous appeler, vous réunir tous. Je suis le Christ Sauveur. Mon Royaume n’est pas de ce monde. Et pourtant, pour celui qui croit en moi et en ma parole, un royaume naît dans son cœur, dès les jours de ce monde : c’est le Royaume de Dieu, le Royaume de Dieu en vous.

      Il est dit de moi que je suis celui qui apportera la justice parmi les nations. C’est vrai. Car si les citoyens de toutes les nations suivaient mon enseignement, les haines, les guerres, les abus de pouvoir prendraient fin. Il est écrit à mon sujet que je n’élèverai pas la voix pour maudire les pécheurs, ni la main pour détruire ceux qui ressemblent à des roseaux broyés et à des mèches fumantes à cause de leur manière inconvenante de vivre. C’est vrai. Je suis le Sauveur, et je viens fortifier les hommes qui chancellent, donner de l’huile à ceux dont la mèche est fumeuse faute de combustible.

      Il est dit de moi que je suis celui qui ouvre les yeux des aveugles, qui tire les prisonniers de leur geôle, et qui amène à la lumière ceux qui étaient dans les ténèbres de la prison. C’est vrai. Les plus aveugles sont ceux qui, même avec la vue de l’âme, ne voient pas la Lumière, c’est-à-dire le vrai Dieu. Moi qui suis la Lumière du monde, je viens pour qu’ils voient. Les plus captifs sont ceux qui ont pour prisons leurs passions mauvaises. Toute autre chaîne disparaît avec la mort, mais les chaînes des vices durent et lient même après la mort de la chair. Moi, je viens les dénouer. Je viens faire sortir des ténèbres de cette prison souterraine qu’est l’ignorance de Dieu, tous ceux que le paganisme étouffe sous l’amas de ses idolâtries.

      463.6 Venez à la Lumière et au Salut. Venez à moi, car mon Royaume est le vrai Royaume et ma Loi est bonne. Elle ne vous demande que d’aimer le Dieu unique et votre prochain, et par conséquent de répudier les idoles et les passions qui vous rendent durs de cœur, arides, sensuels, voleurs ou homicides.

      Le monde dit : “ Accablons le pauvre, le faible, l’homme seul.

      Que la force soit notre droit, la dureté le fond de notre être, et que l’intransigeance, la haine, la férocité soient nos armes. Puisqu’il ne réagit pas, que le juste soit foulé aux pieds ; opprimons la veuve et l’orphelin dont la voix est faible. ”

      Moi, je dis : soyez pleins de douceur et de bonté, pardonnez à vos ennemis, secourez les faibles ; dans les ventes et les achats, soyez justes ; soyez magnanimes même quand vous avez le droit de votre côté. Ne profitez pas de votre puissance pour accabler ceux qui ont déjà de la peine. Ne vous vengez pas. Laissez à Dieu le soin de votre sauvegarde. Soyez modérés en tous vos désirs, car la tempérance est la preuve de la force morale, alors que la concupiscence est la preuve de la faiblesse. Soyez des hommes et non des brutes, et ne craignez pas d’être descendus trop bas et de ne pouvoir vous relever.

      En vérité, je vous l’affirme : une eau bourbeuse peut redevenir une eau limpide en s’évaporant au soleil ; elle se purifie en se laissant chauffer et élever vers le ciel pour retomber en une pluie pure et une rosée salutaire, pourvu qu’elle sache se laisser frapper par le soleil. De la même façon, les âmes qui s’approcheront de la grande Lumière qu’est Dieu, et qui crieront vers lui : “ J’ai péché, je suis fange, mais j’aspire à toi, la Lumière ”, deviendront des âmes purifiées qui monteront vers leur Créateur. Enlevez à la mort son horreur en faisant de votre vie une monnaie pour acquérir la Vie. Dépouillez-vous du passé comme d’un vêtement souillé et revêtez-vous de vertu.

      Je suis la Parole de Dieu, et je vous dis en son nom que celui qui fera preuve de foi et de bonne volonté, qui aura le regret du passé et une droite intention pour l’avenir, qu’il soit juif ou païen, deviendra enfant de Dieu et possèdera le Royaume des Cieux.

      Je vous ai demandé au commencement : “ Qui est le Messie ? ” Je vous réponds maintenant : c’est moi qui vous parle, et mon Royaume est dans votre cœur si vous l’accueillez. Puis il sera au Ciel, que je vous ouvrirai si vous savez persévérer dans ma Doctrine. Le Messie, c’est cela, et rien de plus. C’est le Roi d’un royaume spirituel dont, par son sacrifice, il ouvrira les portes à tous les hommes de bonne volonté. »

      463.7 A la fin de son discours, Jésus va s’éloigner en prenant un petit escalier qui mène de la digue à la rive. Peut-être veut-il rejoindre la barque de Pierre qui tangue près d’un quai rudimentaire. Mais il se retourne tout à coup, parcourt la foule des yeux et s’écrie :

      « Qui m’a appelé pour son âme et sa chair ? »

      Personne ne répond.

      Il réitère sa question et tourne ses yeux lumineux sur la foule qui l’entoure par derrière, non seulement sur la route, mais aussi en bas sur la grève. Encore le silence.

      Matthieu remarque :

      « Maître, qui sait combien, en ce moment, ont soupiré vers toi sous l’émotion de tes paroles…

      – Non. Une âme a crié : “ Pitié ”, et je l’ai entendue. Et pour vous dire que c’est vrai, je lui réponds : “ Qu’il te soit fait selon ta demande, car le mouvement de ton cœur est juste. ”»

      Grand, magnifique, il tend impérieusement la main vers le rivage.

      Il essaie encore de se diriger vers le petit escalier, mais il trouve en face de lui Kouza, descendu — on le comprend — de quelque barque, et qui le salue profondément.

      « Je suis à ta recherche depuis plusieurs jours. J’ai fait le tour du lac, toujours à ta poursuite, Maître. Il est urgent que je te parle. Sois mon hôte. J’ai beaucoup d’amis avec moi.

      – Hier, j’étais à Tibériade.

      – On me l’a dit, mais je ne suis pas seul. Vois ces barques qui voguent vers l’autre rive : il y a là plusieurs personnes qui veulent te voir, dont certains de tes disciples. Viens chez moi, je t’en prie, de l’autre côté du Jourdain [5].

      – C’est inutile, Kouza. Je sais ce que tu veux me dire.

      – Viens, Seigneur !

      – Des malades et des pécheurs m’attendent. Laisse-moi…

      – Nous aussi, nous t’attendons, malades d’angoisse à ton sujet. Et il y a aussi des gens qui souffrent dans leur chair…

      – Tu as entendu ce que j’ai dit ? Pourquoi donc insistes-tu ?

      – Seigneur, ne nous repousse pas, nous… »

      463.8 Une femme s’est frayé un passage dans la foule. Je suis désormais suffisamment au courant des vêtements des Hébreux pour comprendre qu’elle n’est pas juive, et qu’elle n’est pas habillée comme une femme honnête. Mais pour voiler ses traits et ses grâces, peut-être trop aguichantes, elle a mis un long voile qui l’enveloppe tout entière, bleu clair comme son vêtement, ample et pourtant provocant à cause de sa forme qui laisse découverts de très beaux bras. Elle se jette à terre et rampe dans la poussière jusqu’à ce qu’elle arrive à toucher le vêtement de Jésus, qu’elle prend entre ses doigts et dont elle baise la frange. Elle est secouée de sanglots.

      Jésus, qui était sur le point de répondre à Kouza : « Vous êtes dans l’erreur et… », baisse les yeux et dit :

      « Etait-ce toi qui m’appelais ?

      – Oui… et je ne suis pas digne de la grâce que tu m’as faite. Je n’aurais pas dû t’implorer, même en esprit. Mais ta parole… Seigneur… je suis une pécheresse. Si je découvrais mon visage, plusieurs te révéleraient mon nom. Je suis… une courtisane… et une infanticide… Le vice m’avait rendue malade… J’étais à Emmaüs, je t’ai donné un bijou… Tu me l’as rendu… Mais un de tes regards… m’est descendu au plus profond du cœur… Je t’ai suivi… Tu as parlé. J’ai me suis répété tes mots : “ Je suis fange, mais j’aspire vers toi, qui es lumière. ” J’ai dit : “ Guéris mon âme et après, si tu le veux, ma chair. ” Seigneur, mon corps est guéri… et mon âme ?

      – Ton âme est guérie grâce à ton repentir. Va et ne pèche jamais plus. Tes péchés te sont remis. »

      La femme baise de nouveau le bord du vêtement et elle se relève. Dans son geste, son voile glisse.

      « La Galazia ! La Galazia ! » hurlent quelques uns.

      Aussitôt, ils l’injurient, ramassent du gravier et du sable et en jettent sur la femme qui se recroqueville, apeurée.

      463.9 Jésus, le regard sévère, lève la main. Il impose le silence.

      « Pourquoi l’insultez-vous ? Vous ne le faisiez pas quand elle était pécheresse. Pourquoi, maintenant qu’elle se rachète ?

      – Elle le fait parce qu’elle est vieille et malade » s’écrient plusieurs avec mépris.

      En réalité, la femme, bien qu’elle ne soit plus très jeune, est encore bien loin d’être vieillie et laide comme ils le prétendent. Mais la foule est ainsi faite…

      « Passe devant moi, et descend dans cette barque. Je t’accompagnerai chez toi par une autre route » ordonne Jésus.

      Puis il dit aux disciples :

      « Mettez-la au milieu de vous et conduisez-la. »

      Alors la colère de la foule, excitée par quelques juifs intransigeants, se retourne tout entière contre Jésus et ils crient :

      « Anathème ! Faux Christ ! Protecteur des prostituées ! Qui les protège les approuve. Bien plus, il les approuve parce qu’il en profite », et d’autres phrases du même genre que les gens hurlent, ou plutôt aboient.

      Elles proviennent surtout d’un petit groupe d’énergumènes juifs — je ne sais de quelle caste —, et tout en criant ils lancent des poignées de sable humide qui atteignent le visage de Jésus avec violence.

      Il lève le bras et s’essuie la joue sans protester. Qui plus est, il arrête d’un geste Kouza et quelques autres qui voudraient prendre sa défense, et dit :

      « Laissez-les faire. Pour sauver une âme, je souffrirais bien davantage ! Je pardonne ! »

      Zénon — l’homme d’Antioche — qui ne s’était jamais éloigné du Maître, s’écrie :

      « Maintenant, vraiment, je sais qui tu es ! Un vrai Dieu et non pas un faux rhéteur ! La Grecque a dit la vérité ! Tes paroles aux Thermes m’avaient déçu. Celles-ci m’ont ébranlé. Les miracles m’ont stupéfié. Ton pardon des offenses m’a conquis. Adieu, Seigneur ! Je penserai à toi et je réfléchirai à tes paroles.

      – Adieu, homme. Que la lumière éclaire ton cœur. »

      463.10 Kouza insiste une fois encore pendant qu’ils marchent vers le quai et que sur la digue se produit une bagarre entre Romains et Grecs d’un côté et Israélites de l’autre.

      « Viens, pour quelques heures seulement. C’est nécessaire. Je te reconduirai moi-même. Tu es bienveillant pour les prostituées, et tu veux être inexorable envers nous ?

      – C’est bien. Je viendrai. Effectivement, c’est nécessaire… »

      Il se retourne vers les apôtres, qui sont déjà dans les barques :

      « Allez de l’avant, je vous rejoindrai…

      – Tu pars seul ? » demande Pierre.

      On voit qu’il n’est pas très content.

      « Je suis avec Kouza…

      – Ouais ! Et nous, nous ne pouvons pas t’accompagner ? Pourquoi veut-il t’avoir avec ses amis ? Pourquoi n’est-il pas venu à Capharnaüm ?

      – Nous y sommes venus. Vous n’y étiez pas, rétorque Kouza.

      – Vous n’aviez qu’à nous attendre, voilà tout !

      – Au contraire, nous vous avons suivis.

      – Venez maintenant à Capharnaüm. Est-ce au Maître d’aller chez vous ?

      – Simon a raison, approuvent les autres apôtres.

      – Mais pourquoi refusez-vous qu’il m’accompagne ? Serait-ce peut-être la première fois qu’il vient chez moi ? Ne me connaissez-vous donc pas ?

      – Bien sûr que nous te connaissons. Mais nous ne connaissons pas les autres, voilà.

      – Et que craignez-vous ? Que je sois l’ami des ennemis du Maître ?

      – Je n’en sais rien, moi ! Je me souviens de la fin du prophète Jean, moi !

      – Simon, tu m’offenses ! Je suis un homme d’honneur. Je te jure que je me ferais transpercer avant qu’on n’arrache un cheveu au Maître. Tu dois me croire ! Mon épée est à son service…

      – Hé !… Qu’ils te transpercent, toi… A quoi cela servirait-il ? Après… Oui, je le crois, je te crois… Mais une fois que tu serais mort, ce serait son tour. Je préfère ma rame à ton épée, ma pauvre barque, et surtout nos simples cœurs à son service.

      – Mais j’ai avec moi Manahen. As-tu confiance en Manahen ? Et le pharisien Eléazar, que tu connais, et le chef de synagogue Timon, et Nathanaël ben Fada. Lui, tu ne le connais pas. Mais c’est un chef important, et il veut parler avec le Maître. Et il y a aussi Jean, surnommé l’Antipas d’Antipatride, favori d’Hérode le Grand, maintenant âgé et puissant, propriétaire de toute la vallée de Gahas, et…

      – Assez ! Assez ! Tu me cites de grands noms, mais qui ne me disent rien, sauf deux… et moi, je vais venir aussi…

      – Non, c’est avec le Maître qu’ils veulent parler…

      – Ils veulent ! Mais qui sont-ils ? Ils veulent ! Eh bien, moi, je ne veux pas. Embarque ici, Maître, et partons. Moi, je ne veux entendre parler de personne, je ne me fie qu’à moi-même. Allons, Maître ! Quant à toi, va en paix dire à ces gens que nous ne sommes pas des vagabonds, et qu’ils savent où nous trouver. »

      A ces mots, il pousse Jésus avec peu d’égards, tandis que Kouza proteste haut et fort.

      463.11 Jésus tranche définitivement :

      « Ne crains rien, Simon. Il ne m’arrivera aucun mal. Je le sais, et il est bien que j’y aille. C’est bon pour moi. Comprends-moi… » Et il le fixe de ses yeux splendides comme pour lui dire : « N’insiste pas, comprends-moi. Il y a de bonnes raisons qui me poussent à y aller. »

      Simon cède à contrecœur, mais il cède, comme subjugué… Malgré tout, il grommelle entre ses dents, mécontent.

      « Pars tranquille, Simon. Je ramènerai moi-même mon Seigneur et le tien, promet Kouza.

      – Quand ?

      – Demain.

      – Demain ? Il faut tellement de temps pour dire deux mots ? Nous sommes entre tierce et sexte… Avant ce soir, s’il n’est pas avec nous, nous venons chez toi, ne l’oublie pas. Et pas seuls… »

      Il dit cela sur un ton qui ne laisse aucun doute sur ses intentions.

      Jésus pose la main sur l’épaule de Pierre.

      « Je t’assure, Simon, qu’ils ne me feront pas de mal. Montre que tu crois en ma vraie nature. C’est moi qui te le dis. Je le sais, ils ne me feront rien. Ils veulent seulement s’expliquer avec moi… Va… Conduis la femme à Tibériade, arrête-toi aussi chez Jeanne. Tu pourras voir qu’ils ne m’enlèvent pas avec des barques et des soldats…

      – Bon, mais sa maison (et il montre Kouza), je la connais. Je sais que, derrière, il y a la terre, ce n’est pas une île. Plus loin, il y a Galgala et Gamla, Aéra, Arbel, Gerasa, Bozra, Pella et Ramot, et combien d’autres villes !…

      – Mais, ne crains rien, te dis-je ! Obéis. Donne-moi un baiser, Simon. Va ! Et vous aussi. »

      Il les embrasse et les bénit. Quand il voit la barque s’éloigner, il leur crie :

      « Ce n’est pas mon heure. Et tant qu’elle n’est pas venue, rien ni personne ne pourra lever la main sur moi. Adieu, mes amis. »

      Puis il se tourne vers Jeanne, qui paraît visiblement troublée et pensive, et lui dit :

      « N’aie pas peur. Il est bon que cela arrive. Va en paix. »

      Et à Kouza :

      « Allons-y. Pour te montrer que je ne crains rien, et pour te guérir…

      – Je ne suis pas malade, Seigneur…

      – Tu l’es, je te l’affirme, et plusieurs avec toi. Allons. »

      Il monte dans la barque légère et luxueuse et s’y assied. Les rameurs commencent le trajet sur les eaux tranquilles en faisant un détour pour échapper au courant qui est sensible là, au bout du lac, à l’endroit où ses eaux se déversent dans le Jourdain.



[1] Gerghesa.

[2] EnGev.

[3] Habacuc 3,13.

[4] Habacuc 3,18.

[5] Dans la région de Gadara, en Décapole.



Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Jasus_49
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 26 Nov - 21:52

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

464. Tentative de couronnement du Christ

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 156.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 463.

Vision du mardi 30 juillet 1946.

Dimanche 12 août 29
Jourdain


       464.1 Sur l’autre rive, au sortir du pont, un char couvert attend.

      « Monte, Maître. Le trajet ne te fatiguera pas, d’une part en raison de la brièveté du parcours, d’autre part parce que j’ai ordonné de toujours garder ici des paires de bœufs prêts pour ne pas porter ombrage aux hôtes les plus respectueux de la Loi… Il faut les plaindre…

      – Mais où sont-ils ?

      – Ils nous ont précédés sur d’autres chars. Tobit !

      – Maître ? dit le conducteur, qui est en train d’atteler les bœufs au joug.

      – Où sont mes autres invités ?

      – Très en avant ! Ils sont sur le point d’arriver à la maison.

      – Tu l’entends, Maître ?

      – Mais si je n’étais pas venu ?

      – Oh ! Nous étions certains que tu viendrais. Pourquoi n’aurais-tu pas dû venir ?

      – Pourquoi ? Kouza, je suis venu pour te montrer que je ne suis pas un lâche. Il n’y a de lâches que les mauvais, ceux qui ont des fautes qui leur font craindre la justice… la justice des hommes, malheureusement, alors qu’ils devraient craindre d’abord — et uniquement — celle de Dieu. Mais moi, je n’ai pas de faute et je n’ai pas peur des hommes.

      – Mais Seigneur ! Ceux qui sont avec moi ont tous de la vénération pour toi ! Comme moi. Et nous ne devons absolument pas te faire peur ! Nous voulons te faire honneur, non t’insulter ! »

      Kouza est affligé et presque indigné.

      Le char avance lentement, en grinçant, parmi les vertes campagnes.

      Jésus, assis en face de Kouza, répond :

      « Plus que la guerre ouverte des ennemis, je dois craindre la guerre sournoise des faux amis, ou encore le zèle maladroit de mes vrais amis, mais qui ne m’ont pas encore compris ; et tu es de ceux-là. Ne te rappelles-tu pas ce que j’ai dit à Béther ?

      – Moi, je t’ai compris, Seigneur, murmure Kouza, mais pas très sûr de lui et sans répondre directement à la question.

      – Oui, tu m’as compris. Sous le coup de la douleur et de la joie, ton cœur est devenu limpide, comme l’horizon après un orage et un arc-en-ciel. Et tu voyais juste. Puis… Retourne-toi, Kouza, pour regarder notre mer de Galilée. Elle paraissait si claire à l’aurore ! Pendant la nuit, la rosée avait purifié l’atmosphère, et la fraîcheur nocturne avait ralenti l’évaporation des eaux. Le ciel et le lac étaient deux miroirs de pur saphir qui se renvoyaient mutuellement leur beauté. Les collines, tout autour, étaient fraîches et pures comme si Dieu les avait créées pendant la nuit. Maintenant, regarde. La poussière des routes de la côte, parcourues par des gens et des animaux, l’ardeur du soleil qui fait fumer les bois et les jardins comme des chaudières sur un foyer et qui incendie le lac en en faisant évaporer l’eau, vois comme tout cela a terni l’horizon. Auparavant, les bords paraissaient tout proches, nets comme ils l’étaient dans la grande limpidité de l’air. Maintenant, regarde… Ils semblent trembler, masqués, brouillés, semblables à des objets vus à travers un voile d’eau impure. C’est ce qui t’est arrivé. La poussière, c’est l’humanité ; le soleil, c’est ton orgueil. Kouza, ne te trouble pas toi-même… »

      L’homme baisse la tête, jouant machinalement avec les ornements de son vêtement et la boucle de sa riche ceinture qui soutient son épée.

      Jésus se tait, en restant les yeux presque clos comme s’il avait sommeil. Kouza respecte son sommeil ou ce qu’il prend pour tel.

      464.2 Le char avance lentement en direction du sud-est, vers de légères ondulations qui forment, du moins je le crois, le premier niveau du haut plateau qui borde la vallée du Jourdain de ce côté oriental. Certainement en raison de la richesse des eaux souterraines ou de quelque cours d’eau, les campagnes sont très fertiles et belles ; des grappes et des fruits apparaissent partout au milieu des feuillages.

      Le char quitte la route principale, tourne dans un chemin privé et s’enfonce dans une allée très touffue où il trouve de l’ombre et une relative fraîcheur, en comparaison de la fournaise de la grand-route ensoleillée.

      Une demeure basse, blanche, d’aspect seigneurial, se trouve au fond de l’allée. De plus humbles maisons sont disséminées dans les champs et les vignobles.

      Le char franchit un petit pont et une barrière, au-delà de laquelle le verger fait place à un jardin dont l’allée est couverte de gravier. Au bruit différent que font les roues sur le gravier, Jésus ouvre les yeux.

      « Nous sommes arrivés, Maître. Voici les hôtes qui nous ont entendu et accourent » dit Kouza.

      Effectivement, un grand nombre de gens, tous de riche condition, se groupent au début de l’allée et saluent avec de cérémonieuses révérences le Maître qui arrive. Je vois et reconnais Manahen, Timon, Eléazar, et il me semble en voir d’autres qui ne me sont pas inconnus, mais dont je ne saurais dire les noms. Pour une bonne part, je ne les ai jamais vus, ou du moins je ne les ai jamais particulièrement remarqués. Il y en a beaucoup avec des épées, et d’autres, qui n’en ont pas, étalent avec ostentation les abondantes fanfreluches des pharisiens, des prêtres ou des rabbins.

      Le char s’arrête, et Jésus en descend le premier en s’inclinant pour saluer collectivement. Les disciples Manahen et Timon s’avancent pour échanger une salutation personnelle. Puis c’est au tour d’Eléazar (le bon pharisien du banquet chez Ismaël [1]), et avec lui se fraient un chemin deux scribes qui tiennent à se faire reconnaître. Il y a celui dont le petit-fils a été guéri, à Tarichée, le jour de la première multiplication des pains [2], et l’autre qui a nourri la foule au pied du mont des Béatitudes [3]. Enfin, un autre encore s’avance : le pharisien qui, dans la maison de Joseph, au temps de la moisson, fut instruit par Jésus sur le vrai motif de son injuste jalousie [4].

      Kouza procède aux présentations, et je les passe sous silence, car c’est à en perdre la tête dans la foule des Simon, des Jean, des Lévi, des Eléazar, Nathanaël, Joseph, Philippe, etc. Il y a là des sadducéens, des scribes, des prêtres, des hérodiens en grand nombre — je devrais même dire que ces derniers sont les plus nombreux —, ainsi qu’une poignée de prosélytes et de pharisiens, deux membres du Sanhédrin, quatre chefs de synagogue et, perdu je ne sais comment dans cette foule, un essénien.

      Jésus s’incline à chaque nom, regardant intensément chaque visage et esquissant parfois un léger sourire comme quand quelqu’un, pour préciser son identité, spécifie quelque fait qui l’a mis en rapport avec Jésus.

      C’est ainsi qu’un certain Joachim de Bozra lui dit :

      « Ma femme, Marie, a été guérie de la lèpre par toi. Sois béni. [5] »

      Et l’essénien :

      « Je t’ai entendu lorsque tu as parlé près de Jéricho et un de nos frères a quitté les rives de la mer Salée pour te suivre [6]. Et j’ai encore entendu parler de toi à propos du miracle d’Elisée d’Engaddi [7]. Sur ces terres, nous vivons dans la pureté, en attendant… »

      Qu’attendent-ils ? Je l’ignore. Je sais qu’en disant cela, cet homme regarde avec un air de supériorité un peu exaltée les autres, qui ne jouent certainement pas aux mystiques, mais qui, pour la plupart, paraissent profiter allègrement du bien-être que leur situation leur permet.

      464.3 Kouza soustrait son hôte aux cérémonies des salutations et le conduit dans une salle de bains confortable où il le laisse pour les ablutions d’usage, certainement agréables par cette chaleur. Il revient alors vers ses invités, avec lesquels il parle avec animation, et les avis divergent tellement qu’ils en arrivent presque à une dispute. Certains veulent commencer aussitôt le discours. Quel discours ? D’autres, au contraire, proposent de ne pas assaillir tout de suite le Maître mais de le persuader en premier lieu de leur profond respect. C’est cet avis qui prévaut, car c’est celui du plus grand nombre. Alors Kouza, en qualité de maître de maison, appelle ses serviteurs pour leur ordonner de préparer le banquet, qu’ils feraient vers le soir pour laisser à Jésus, “ qui est visiblement fatigué, le temps de se reposer ”, ce que tout le monde accepte. Quand Jésus revient, les invités prennent donc congé de lui en s’inclinant profondément, le laissant avec Kouza, qui le conduit dans une pièce à l’ombre, où se trouve une couchette basse couverte de riches tapis.

      Jésus, resté seul, confie à un serviteur ses sandales et son vêtement pour qu’il les nettoie et enlève les traces de ses déplacements de la veille. Il ne dort pas ; assis sur le bord de la couchette, les pieds nus sur la natte qui recouvre le pavé, avec la courte tunique ou sous-vêtement qui lui arrive aux coudes et aux genoux, il se recueille intensément. Si l’habillement ainsi réduit le fait paraître plus jeune dans la splendide et parfaite harmonie de son corps viril, la profondeur de sa pensée, qui n’est pas vraiment gaie, strie son front de rides et contracte son visage en lui donnant une expression de douloureuse fatigue qui le vieillit.

      Aucun bruit dans la maison, personne dans la campagne où, dans la lourde chaleur, les grappes mûrissent. Les rideaux sombres qui pendent devant les portes et aux fenêtres n’ont pas la moindre ondulation.

      464.4 Ainsi passent les heures…

      La pénombre augmente avec le coucher du soleil, mais la chaleur persiste, de même que la méditation de Jésus.

      Enfin la maison semble se réveiller. On entend des voix, des bruits de pas, des ordres.

      Kouza écarte doucement le rideau pour observer, sans déranger Jésus.

      « Entre ! Je ne dors pas » dit Jésus.

      Kouza entre, déjà revêtu de la tenue d’apparat du banquet. Il regarde, et voit que la couchette ne semble pas avoir accueilli un corps.

      « Tu n’as pas dormi ? Pourquoi ? Tu étais fatigué…

      – Je me suis reposé dans le silence et à l’ombre. Cela me suffit.

      – Je vais te faire apporter un vêtement…

      – Non. Le mien est sûrement sec. Je préfère le mettre. J’ai l’intention de partir dès la fin du banquet. Je te prie de tenir prêts dans ce but le char et la barque.

      – Comme tu veux, Seigneur. J’aurais voulu te garder jusqu’à demain à l’aurore…

      – Je ne puis. Je dois m’en aller… »

      Kouza sort en s’inclinant…

      On entend de nombreux chuchotements…

      Il se passe un certain temps. Le serviteur revient avec le vêtement de lin, tout frais lavé, parfumé de soleil, et avec les sandales nettoyées et bien graissées, toutes brillantes et assouplies. Un autre le suit avec un bassin, une amphore et des essuie-mains, et dépose le tout sur une table basse. Ils sortent…

      464.5 … Jésus rejoint les invités dans l’atrium, qui divise la maison du nord au sud, formant un lieu aéré et agréable, pourvu de sièges et orné de voilages légers, multicolores, qui modifient la lumière sans gêner l’aération. Maintenant, tirés de côté, ils laissent voir le cadre de verdure qui entoure la maison.

      Jésus est imposant. Bien qu’il n’ait pas dormi, il semble avoir pris des forces et sa démarche est celle d’un roi. Le lin du vêtement qu’il vient de mettre est très blanc et ses cheveux, rendus lumineux par le bain du matin, brillent avec délicatesse, encadrant son visage de leur couleur dorée.

      « Viens, Maître. Nous n’attendions plus que toi » dit Kouza.

      Il le conduit le premier dans la pièce où se trouvent les tables.

      On s’assied après la prière et une ablution supplémentaire pour les mains, puis le repas commence, solennel comme toujours, et silencieux au début. Puis la glace se brise.

      Jésus est voisin de Kouza, et de l’autre côté se trouve Manahen avec comme compagnon Timon. Les autres sont placés par Kouza, avec son savoir-faire de courtisan, sur les côtés de la table en forme de U. Seul l’essénien a refusé obstinément de prendre part au banquet et de s’asseoir à la table commune avec les autres. Ce n’est que lorsque un serviteur, sur l’ordre de Kouza, lui offre un petit panier précieux rempli de fruits, qu’il accepte de s’asseoir devant une table basse, après je ne sais combien d’ablutions, et après avoir relevé les larges manches de son vêtement blanc par crainte de les tacher ou pour suivre un rite, je ne sais.

      C’est un banquet bizarre, où l’on communique plus par les regards que par les discours. On se dit tout au plus de brèves phrases de politesse et l’on s’examine réciproquement : Jésus étudie les convives et eux l’étudient.

      464.6 Enfin, Kouza fait signe aux serviteurs de se retirer après avoir apporté de grands plateaux de fruits bien frais — peut-être ont-ils été conservés dans le puits —, très beaux, je dirais presque glacés, avec ce givre qui caractérise les fruits rafraîchir dans la glace.

      Les serviteurs sortent après avoir allumé les lampes. Mais elles sont inutiles pour l’instant car, en ce long crépuscule d’été, il fait encore clair.

      « Maître, commence Kouza, tu dois t’être demandé la raison de cette réunion et du silence que nous observons. Mais ce que nous devons te dire est très grave et ne doit pas être entendu par des oreilles imprudentes. Maintenant que nous sommes seuls, nous pouvons parler. Tu le vois, tous ont pour toi le plus grand respect. Tu es parmi des hommes qui te vénèrent comme Homme et comme Messie. Ta justice, ta sagesse, les dons dont Dieu t’a donné la maîtrise nous sont connus, et nous les admirons. Tu es pour nous le Messie d’Israël, le Messie selon l’idée spirituelle et selon l’idée politique. Tu es l’Attendu qui doit mettre fin à la douleur, à l’humiliation de tout un peuple, et non seulement de ce peuple enfermé dans les frontières d’Israël, ou plutôt de la Palestine, mais pour le peuple d’Israël tout entier, des milliers de colonies de la Diaspora répandues par toute la terre, et qui font retentir le nom de Yahvé sous tous les cieux. Elles font connaître les promesses et les espérances, qui aujourd’hui s’accomplissent, d’un Messie restaurateur, d’un vengeur, d’un libérateur et créateur de l’indépendance véritable et de la patrie d’Israël. C’est la patrie la plus grande qui soit au monde, la patrie reine et dominatrice, qui efface tout souvenir du passé et tout signe vivant d’esclavage, l’hébraïsme qui triomphe sur tout et sur tous, et pour toujours. Cela a été dit et cela s’accomplit. Seigneur, ici, devant toi, tu as Israël tout entier dans les représentants des différentes classes de ce peuple éternel, châtié par le Très-Haut, mais bien-aimé de lui, qui le proclame “ sien ”. Tu as le cœur vivant et sacré d’Israël avec les membres du Sanhédrin et les prêtres, tu as la puissance et la sainteté avec les pharisiens et les sadducéens, tu as la sagesse avec les scribes et les rabbins, tu as la politique et la valeur avec les hérodiens, tu as la richesse avec ceux qui sont fortunés, le peuple avec les marchands et les propriétaires, tu as la Diaspora avec les prosélytes, et jusqu’à ceux qui sont séparés et qui maintenant sont prêts à se réunir, parce qu’ils voient en toi l’Attendu : les esséniens, ces irréconciliables. Regarde, Seigneur, ce premier prodige, ce grand signe de ta mission, de ta vérité. Toi, qui es sans violence, sans moyens, sans ministres, sans soldats, sans épées, tu regroupes tout ton peuple comme une citerne rassemble les eaux de mille sources. Sans dire un mot, sans donner le moindre ordre, tu nous réunis, nous, un peuple divisé par les malheurs, les haines, les idées politiques et religieuses, et tu nous réconcilies. O Prince de la Paix, réjouis-toi d’avoir racheté et restauré avant même d’avoir pris le sceptre et la couronne. Ton Royaume, le Royaume attendu d’Israël est né. Nos richesses, nos puissances, nos épées sont à tes pieds. Parle ! Ordonne ! L’heure est venue. »

      464.7 Tous approuvent le discours de Kouza. Jésus, les bras croisés, garde le silence.

      « Tu ne dis rien ? Tu ne réponds pas, Seigneur ? Peut-être, es-tu étonné… ou bien tu sens que tu n’es pas prêt, et tu doutes surtout qu’Israël soit préparé… Mais ce n’est pas le cas. Ecoute notre avis. Je parle, et avec moi Manahen, pour le palais royal. Il ne mérite plus d’exister. C’est l’opprobre et la pourriture d’Israël. C’est une tyrannie honteuse qui opprime le peuple et s’abaisse servilement pour flatter l’usurpateur. Son heure est venue. Lève-toi, Etoile de Jacob, et mets en fuite les ténèbres de ce chœur de crimes et de hontes. Ici se trouvent ceux qui, appelés hérodiens, sont les ennemis des profanateurs du nom des Hérodes, sacré pour eux.

      A vous la parole.

      – Maître, je suis âgé et je me rappelle ce qu’était la splendeur d’autrefois. Comme le nom de héros donné à une charogne puante, tel est le nom d’Hérode porté par des descendants dégénérés qui avilissent notre peuple. C’est le moment de répéter le geste qu’a fait plusieurs fois Israël quand des monarques indignes régnaient sur les souffrances du peuple. Toi seul es digne de faire ce geste. »

      Jésus se tait.

      « Maître, cela fait-il le moindre doute ? Nous avons scruté les Ecritures : tu es celui-ci, tu dois régner, dit un scribe.

      – Tu dois être Roi et Prêtre. Nouveau Néhémie, plus grand que lui[51], tu dois venir et purifier [8]. L’autel est profané. Que le zèle du Très-Haut te presse, dit un prêtre.

      – Beaucoup d’entre nous t’ont combattu — ceux qui craignent ton règne sage —, mais le peuple est avec toi, et les meilleurs de nous avec le peuple. Nous avons besoin d’un sage.

      – Nous avons besoin d’un pur.

      – D’un vrai roi.

      – D’un saint.

      – D’un Rédempteur. Nous sommes, de plus en plus, esclaves de tout et de tous. Défends-nous, Seigneur !

      – Dans le monde, on nous foule aus pieds car, malgré notre nombre et notre richesse, nous sommes comme des brebis sans berger. Appelle au rassemblement par le vieux cri : “ A tes tentes, Israël ! ”, et de toute la Diaspora, comme une levée de troupes, tes sujets surgiront pour renverser les trônes vacillants des puissants qui ne sont pas aimés de Dieu. »

      Jésus se tait toujours. Lui seul est assis, calme comme s’il ne s’agissait pas de lui au milieu de cette quarantaine de forcenés. Je me rappelle à peine un dixième de leurs raisons, car ils parlent tous ensemble comme dans la confusion d’une foire. Lui ne change pas d’attitude et continue à se taire.

      Tous crient :

      « Dis un mot ! Réponds ! »

      Jésus se lève lentement, en appuyant ses mains sur le bord de la table. Il se fait un silence profond. Brûlé par le feu de quatre-vingts pupilles, il ouvre la bouche, et les autres l’imitent comme pour aspirer sa réponse. Or cette réponse est brève, mais nette :

      « Non.

      – Mais comment ? Mais pourquoi ? Tu nous trahis ? Tu trahis ton peuple ! Il renie sa mission ! Il repousse l’ordre de Dieu !… »

      Quel vacarme ! Quel tumulte ! Les visages deviennent cramoisis, les yeux s’enflamment, les mains semblent menacer… Plus que des fidèles, on dirait des ennemis. Mais c’est ainsi : quand une idée politique domine les cœurs, même les doux deviennent des fauves envers ceux qui s’opposent à leurs idées.

      464.8 Au tumulte succède un étrange silence. Il semble qu’après avoir épuisé leurs forces, ils se sentent vidés, à bout. Ils se regardent en s’interrogeant, désolés… certains fâchés…

      Jésus promène son regard tout autour de lui. Il dit :

      « Je savais que c’était pour cela que vous vouliez que je vienne. Et je connaissais l’inutilité de votre démarche. Kouza peut témoigner que je l’ai annoncé à Tarichée. Je suis venu pour vous montrer que je ne crains aucun piège : ce n’est pas mon heure, et je ne la craindrai pas quand elle sera arrivée, car c’est pour cela que je suis venu. Je suis aussi venu ici pour vous convaincre.

      Plusieurs d’entre vous — mais non pas tous — êtes de bonne foi. Mais je dois corriger l’erreur dans laquelle, de bonne foi, vous êtes tombés. Vous voyez ? Je ne vous fais aucun reproche. Je n’en fais à personne, pas même à ceux qui, étant mes disciples fidèles, devraient être conduits par la justice et régler leurs propres passions avec droiture.

      Je ne te blâme pas, juste Timon, mais je te dis qu’au fond de ton amour qui veut m’honorer, il y a encore ton moi qui s’agite et rêve d’un temps meilleur, où tu pourras voir frappés ceux qui te frappèrent.

      Je ne te blâme pas, Manahen, bien que tu montres que tu as oublié la sagesse et l’exemple tout spirituels que tu tenais de moi, et auparavant de Jean-Baptiste, mais je te dis qu’en toi aussi se trouve une racine d’humanité qui renaît après l’incendie de mon amour.

      Je ne te blâme pas, Eléazar, toi qui t’es montré tellement juste à l’égard de la vieille femme qu’on t’a laissée. Tu es toujours juste, mais pas en ce moment.

      Et je ne te blâme pas, Kouza, même si je devrais le faire parce qu’en toi, plus qu’en tous ceux qui, de bonne foi, veulent me faire roi, ton moi est vivant. Roi, oui, tu veux que je le sois. Il n’y a pas de piège dans tes dires. Tu ne viens pas pour me prendre en faute, pour me dénoncer au Sanhédrin, au roi, à Rome. Mais, plus que par amour — tu crois n’agir que par amour, mais ce n’est pas le cas —, plus que par amour, tu agis pour te venger des offenses du palais royal. Je suis ton invité et je devrais taire la vérité sur tes sentiments, mais je suis la Vérité en toutes choses, et je parle pour ton bien.

      Et il en est de même de toi, Joachim de Bozra, et de toi, scribe Jean, et de toi aussi, et de toi, et de toi, et de toi. »

      Il montre un tel, ou tel autre, sans rancœur, mais avec tristesse… avant de reprendre :

      « Je ne vous fais pas de reproches, car je sais que ce n’est pas vous qui voulez cela, spontanément. C’est l’Embûche, c’est l’Adversaire qui est à l’œuvre, et vous… vous êtes, sans le savoir, des instruments entre ses mains. Pour nuire et me nuire, le Maudit se sert même de votre amour, ô Timon, ô Manahen, ô Joachim, ô vous qui m’aimez réellement, il se sert même de votre vénération, ô vous qui pressentez en moi le Rabbi parfait. Mais, à vous et à ceux qui n’ont pas vos sentiments, et qui voudraient que j’accepte d’être roi avec des visées qui descendent de plus en plus bas, jusqu’à la trahison et au crime, je vous dis : “ Non. Mon Royaume n’est pas de ce monde. Venez à moi, pour que j’établisse mon Royaume en vous, rien d’autre ”. 464.9 Et maintenant, laissez-moi partir.

      – Non, Seigneur, nous sommes bien décidés. Nous avons déjà mis en mouvement nos richesses, préparé des plans, nous avons décidé de sortir de cette incertitude qui entretient l’inquiétude d’Israël et dont les autres profitent pour lui nuire. On te dresse des pièges, c’est vrai. Tu as des ennemis jusqu’à l’intérieur du Temple. Moi qui suis l’un des Anciens, je ne le nie pas, mais pour y mettre fin, voilà ce qu’il te faut recevoir : l’onction. Et nous sommes tout disposés à te la donner. Ce n’est pas la première fois qu’en Israël quelqu’un est ainsi proclamé roi, pour mettre fin aux malheurs de la nation et aux discordes. Il y a ici quelqu’un qui, au nom de Dieu, peut s’en charger. Laisse-nous faire, dit l’un des prêtres.

      – Non ! Cela ne vous est pas permis. Vous n’en avez pas l’autorité.

      – Le grand-prêtre est le premier à le désirer, même s’il n’en donne pas l’impression. Il ne peut plus tolérer la situation actuelle de la domination romaine et le scandale royal.

      – Ne mens pas, prêtre. Sur tes lèvres, le blasphème est doublement impur. Peut-être ne le sais-tu pas ou es-tu trompé, mais au Temple, on ne veut pas de cela.

      – Tu prends donc pour un mensonge notre affirmation ?

      – Oui, si ce n’est de votre part à tous, du moins chez un grand nombre. Ne mentez pas. Je suis la Lumière et j’éclaire les cœurs…

      – Nous, tu peux nous croire » crient les hérodiens. «Nous n’aimons pas Hérode Antipas ni aucun autre.

      – Non. Vous n’aimez que vous-mêmes, c’est vrai, et vous ne pouvez m’aimer. Je vous servirais de levier pour renverser le trône, et ouvrir le chemin à un pouvoir plus puissant, et pour faire supporter au peuple une oppression pire. Ce serait une tromperie pour moi, pour le peuple, et pour vous-mêmes. Une fois le roi anéanti, Rome vous anéantirait tous.

      – Seigneur, dans les colonies de la Diaspora, il y a des hommes prêts à s’insurger… Nous les soutenons de nos ressources, disent les prosélytes.

      – Et des miennes, et tout l’appui de l’Auranitide et de la Trachonitide » s’écrie l’homme de Bozra. « Je sais ce que je dis. Nos montagnes peuvent nourrir une armée, et à l’abri des pièges, pour les lancer comme un vol d’aigles à ton service.

      – La Pérée aussi.

      – La Gaulanitide aussi.

      – La vallée du Gahas est avec toi !

      – Et avec toi les rives de la mer Salée avec les nomades qui nous prennent pour des dieux, si tu consens à t’unir à nous » crie l’essénien.

      Et il continue en un verbiage d’exalté qui se perd dans le bruit.

      « Les montagnards de Judée sont de la race des rois courageux.

      – Et ceux de la Haute-Galilée sont des héros de la trempe de Déborah. Même les femmes, même les enfants sont des héros !

      – Tu nous crois peu nombreux ? Nous avons des troupes en abondance. Tout le peuple est avec toi. Tu es le roi de la race de David, le Messie ! C’est ce que crient aussi bien les sages que les ignorants, parce que c’est le cri des cœurs. Tes miracles… tes paroles… les signes…»

      La confusion est telle que je n’arrive pas à suivre.

      Jésus, tel un roc bien ferme entouré par un tourbillon, ne bouge pas, ne réagit même pas. Il est impassible. Et la ronde des prières, des supplications, des bonnes raisons continue.

      « Tu nous déçois ! Pourquoi veux-tu notre ruine ? Tu veux n’agir que par toi-même ? Impossible. Matthatias Maccabée lui-même n’a pas refusé l’aide des Assidéens [9], et c’est avec leur soutien que Judas a libéré Israël… Accepte !!! »

      De temps à autre, les cris s’unissent sur ce mot. Mais Jésus ne cède pas.

      464.10 Un des Anciens, très âgé, discute avec un prêtre et un scribe encore plus vieux que lui. Ils s’avancent et imposent le silence. C’est le vieux scribe qui parle, après avoir fait venir également Eléazar et les deux scribes Jean :

      « Seigneur, pourquoi refuses-tu de ceindre la couronne d’Israël ?

      – Parce qu’elle ne m’appartient pas. Je ne suis pas fils d’un prince hébreu.

      – Seigneur, peut-être ne le sais-tu pas : eux deux et moi-même, nous avons été appelés un jour parce que trois Sages étaient venus demander où se trouvait celui qui était né roi des Juifs [10]. Comprends-tu ? “ Né roi. ” On nous réunit, nous les princes des prêtres et des scribes du peuple sur l’ordre d’Hérode le Grand pour répondre à la question. Et avec nous, il y avait Hillel le Juste. Notre réponse fut : “ A Bethléem de Juda. ” Or, nous le savons, c’est là que tu es né, et de grands signes accompagnèrent ta naissance. Parmi tes disciples, il y a des témoins. Peux-tu nier que tu as été adoré comme Roi par les trois Sages ?

      – Je ne le nie pas.

      – Peux-tu nier que le miracle te précède, t’accompagne et te suit comme signe du Ciel ?

      – Je ne le nie pas.

      – Peux-tu nier que tu es le Messie promis?

      – Je ne le nie pas.

      – Alors, au nom du Dieu vivant, pourquoi veux-tu tromper les espérances d’un peuple ?

      – Je viens pour accomplir les espérances de Dieu.

      – Lesquelles ?

      – Celles de la rédemption du monde, de la formation du Royaume de Dieu. Mon Royaume n’est pas de ce monde [11]. Reprenez vos ressources et vos armes. Ouvrez vos yeux et vos âmes pour lire les Ecritures et les Prophètes et pour accueillir ma Vérité, et vous aurez le Royaume de Dieu en vous.

      – Non. Les Ecritures parlent d’un Roi libérateur.

      – Libérateur de l’esclavage de Satan, du péché, de l’erreur, de la chair, du paganisme [12], de l’idolâtrie. 464.11 Ah ! peuple sage des Hébreux, que t’a fait Satan, pour que tu te trompes sur les vérités prophétiques ? Que vous fait-il, mes frères juifs, pour vous rendre si aveugles ? Que vous fait-il, à vous mes disciples, pour que, même vous, vous ne compreniez plus ? Le plus grand malheur d’un peuple et d’un croyant, c’est de tomber dans une fausse interprétation des signes. Or ce malheur se produit ici. Des intérêts personnels, des préjugés, des exaltations, un amour mal compris de la patrie, tout sert à créer l’abîme… l’abîme de l’erreur dans lequel un peuple périra en méconnaissant son Roi.

      – C’est toi qui te méconnais.

      – C’est vous qui vous méconnaissez, et me méconnaissez. Je ne suis pas un roi humain. Et les trois quarts d’entre vous qui êtes rassemblés ici, vous le savez et vous voulez mon malheur et non mon bien. Vous le faites par rancœur, non par amour. Je vous pardonne. Je dis à ceux qui ont le cœur droit : “ Reprenez vos esprits, ne soyez pas les serviteurs inconscients du mal. ” Laissez-moi partir. Il n’y a rien d’autre à dire. »

      Silence plein de stupeur…

      Eléazar intervient :

      « Je ne suis pas ton ennemi. Je croyais bien faire, et je ne suis pas le seul… De bons amis pensent comme moi.

      – Je le sais. Mais dis-moi, toi, et sois sincère : qu’en dit Gamaliel ?

      – Le rabbi ?… Il dit… Oui, il dit : “ Le Très-Haut donnera un signe si Jésus est bien son Christ. ”

      – Il a raison. Et Joseph l’Ancien ?

      – Que tu es le Fils de Dieu et que tu régneras en Dieu.

      – Joseph est un juste. Et Lazare de Béthanie ?

      – Il souffre… Il parle peu… Mais il dit… que tu régneras seulement quand nos âmes t’accueilleront.

      – Lazare est sage. Quand vos âmes m’accueilleront… Pour le moment, vous, même ceux que je croyais être des esprits accueillants, vous n’accueillez pas le Roi et son Royaume, et c’est cela qui me fait souffrir.

      464.12– En somme, tu refuses ? crient-ils en grand nombre.

      – Vous l’avez dit.

      – Tu nous as fait nous compromettre, tu nous fais du tort, tu… » hurlent d’autres : hérodiens, scribes, pharisiens, sadducéens, prêtres…

      Jésus quitte la table et s’avance vers ce groupe, les yeux étincelants. Quel regard ! Involontairement, ils se taisent, se serrent contre le mur… Jésus va vraiment visage contre visage, et il dit, doucement, mais d’une manière incisive qui tranche comme un coup de sabre :

      « Il est écrit : “ Malheur à celui qui frappe en cachette son prochain et accepte des cadeaux pour condamner à mort un innocent. ” Moi, je vous dis : je vous pardonne, mais votre péché est connu du Fils de l’homme. Si, moi, je ne vous pardonnais pas… Pour bien moins que cela, Yahvé a réduit en cendres plusieurs Israélites. »

      Mais il dit cela d’un air tellement terrible que personne n’ose bouger. Jésus soulève le lourd double rideau et sort dans l’atrium sans que personne ose faire le moindre geste.

      Ce n’est que lorsque le rideau cesse de remuer, c’est-à-dire après quelques minutes, qu’ils se remettent.

      « Il faut le rejoindre… Il faut le retenir… disent les plus acharnés.

      – Mieux vaut nous faire pardonner » soupirent les meilleurs, c’est-à-dire Manahen, Timon, des prosélytes, l’homme de Bozra, en somme ceux qui ont le cœur droit.

      Ils se pressent à la sortie de la salle. Ils cherchent, interrogent les serviteurs :

      « Où est Le Maître ? Où est-il ? »

      Le Maître ? Personne ne l’a vu, pas même ceux qui se tenaient aux deux portes de l’atrium. Pas de Maître… Avec des torches et des lanternes, ils le cherchent dans l’obscurité du jardin, dans la pièce où il s’était reposé. Personne ! Et il n’y a plus son manteau laissé sur le lit, son sac laissé dans l’atrium…

      « Il nous a échappé ! C’est un Satan !… Non ! Il est Dieu. Il fait ce qu’il veut. Il va nous trahir !… Non ! Il nous connaîtra pour ce que nous sommes. »

      Opinions et insultes mutuelles s’entremêlent. Les bons crient :

      « C’est vous qui nous avez séduits. Traîtres ! Nous aurions dû le deviner ! »

      Les mauvais, c’est-à-dire le plus grand nombre, menacent et, après avoir perdu le bouc émissaire contre lequel ils ne peuvent se retourner, les deux partis se retournent l’un contre l’autre…

      464.13 Où est donc Jésus ? Moi, je le vois, parce qu’il le veut, très loin, vers le pont, là où le Jourdain réapparaît. Il marche rapidement, comme porté par le vent. Ses cheveux flottent autour de son visage pâle, son vêtement bat comme une voile. Puis, quand il est sûr de se trouver à bonne distance, il s’enfonce dans les joncs et suit la rive orientale. Dès qu’il a trouvé les premiers récifs de la haute falaise, il y monte sans se soucier du manque de lumière qui rend dangereuse l’escalade de la côte escarpée. Il monte jusqu’à un rocher qui surplombe le lac et où veille un chêne séculaire. Et il s’assied là, immobile, un coude sur le genou, le menton sur la paume de la main, le regard fixé sur l’immensité qui s’embrume, à peine visible par la blancheur de son vêtement et la pâleur de son visage…

      464.14 Mais quelqu’un l’a suivi. C’est Jean. Un Jean à peine vêtu, avec seulement son court vêtement de pêcheur, les cheveux raides de quelqu’un qui a été dans l’eau, haletant et pourtant pâle. Il approche doucement de son Jésus. On dirait une ombre qui glisse sur la falaise raboteuse. Il s’arrête à quelque distance, il surveille Jésus… Il ne bouge pas, il semble faire partie du rocher. Sa tunique de couleur sombre le dissimule encore plus ; seuls son visage, ses jambes et ses bras nus se distinguent à peine dans l’ombre de la nuit.

      Mais quand, plutôt qu’il ne le voit, il entend pleurer Jésus, alors il ne résiste plus et s’approche, puis l’appelle :

      « Maître ! »

      Jésus l’entend murmurer et lève la tête ; prêt à fuir, il relève son vêtement.

      Mais Jean s’écrie :

      « Que t’ont-ils fait, Maître, pour que tu ne reconnaisses plus ton Jean ? »

      Et Jésus reconnaît son Bien-Aimé. Il lui tend les bras et Jean s’y élance, et les deux pleurent à cause de deux douleurs différentes, mais dans un unique amour.

      Mais ensuite les larmes se calment et Jésus, le premier, revient à la claire vision des choses. Il se rend compte que Jean est à peine vêtu, avec sa tunique humide, déchaussé, glacé.

      « Comment donc es-tu ici, dans cet état ! Pourquoi n’es-tu pas avec les autres ?

      – Ne me gronde pas, Maître. Je ne pouvais rester… Je ne pouvais te laisser partir… J’ai quitté mon vêtement, tout sauf cela, et je me suis jeté à l’eau. J’ai nagé pour revenir à Tarichée et de là par la rive, puis j’ai franchi le pont et je t’ai suivi. Je suis resté caché dans le fossé près de la maison, prêt à venir à ton aide, au moins pour savoir s’ils t’enlevaient, s’ils te faisaient du mal. J’ai entendu qu’on se disputait, puis je t’ai vu passer rapidement devant moi. Tu ressemblais à un ange. Pour te suivre sans te perdre de vue, je suis tombé dans des fossés et des marécages, et je suis tout couvert de boue. Je dois avoir taché ton vêtement… Je te regarde depuis que tu es ici… Tu pleurais ?… 464.15 Que t’ont-ils fait, mon Seigneur ? Ils t’ont insulté ? Frappé ?

      – Non. Ils voulaient me faire roi. Un pauvre roi, Jean ! Et beaucoup le désiraient de bonne foi, poussés par un amour véritable et une bonne intention… Mais le plus grand nombre… pour pouvoir me dénoncer et se débarrasser de moi…

      – Qui sont-ils ?

      – Ne me le demande pas.

      – Et les autres ?

      – Ne me demande pas non plus leurs noms. Tu ne dois pas haïr et tu ne dois pas critiquer… Moi, je pardonne…

      – Maître… Il y avait des disciples ?… Dis-moi cela seulement.

      – Oui.

      – Et des apôtres ?

      – Non, Jean, aucun apôtre.

      – Vraiment, Seigneur ?

      – Vraiment, Jean.

      – Ah ! Louange à Dieu pour cela… Mais pourquoi pleures-tu encore, Seigneur ? Je suis avec toi. Moi, je t’aime pour tous. Et aussi Pierre et André, et les autres… Quand ils m’ont vu me jeter dans le lac, ils m’ont traité de fou. Pierre était furieux, et mon frère disait que je voulais mourir dans les remous. Mais ensuite, ils ont compris et ils m’ont crié : “ Que Dieu soit avec toi. Va, va !… ” Nous t’aimons, nous, mais personne comme moi, qui ne suis qu’un pauvre enfant.

      – Oui, personne comme toi. Tu as froid, Jean ! Viens ici sous mon manteau…

      – Non, à tes pieds, ainsi… Mon Maître ! Pourquoi ne t’aiment-ils pas tous comme le pauvre enfant que je suis ? »

      Jésus l’attire sur son cœur en s’asseyant à côté de lui.

      « Parce qu’ils n’ont pas ton cœur d’enfant…

      – Ils voulaient te faire roi ? Mais ils n’ont pas encore compris que ton Royaume n’est pas de cette terre ?

      – Ils ne l’ont pas compris !

      464.16 – Sans donner de noms, raconte-moi, Seigneur…

      – Mais tu ne le répéteras pas ?

      – Si tu ne le veux pas, Seigneur, je ne dirai rien…

      – Tu ne le diras que lorsque les hommes voudront me présenter comme un simple chef populaire. Un jour, cela viendra. Tu seras là et tu diras : “ Il n’a pas été un roi de la terre parce qu’il ne l’a pas voulu, car son Royaume n’était pas de ce monde. Lui, en tant que Fils de Dieu, Verbe incarné, ne pouvait accepter ce qui n’est que terrestre. Il a voulu venir dans le monde et revêtir une chair pour racheter la chair, les âmes et le monde, mais il n’a pas voulu accepter les pompes du monde et les foyers du péché, et il n’a rien eu en lui de charnel ni de mondain.

      La Lumière ne s’est pas enveloppée de ténèbres, l’Infini n’a pas accueilli des choses finies, mais il a transformé des créatures, limitées par la chair et le péché, en personnes qui désormais lui ressembleraient davantage. Pour cela, il a amené ceux qui croient en lui à la vraie royauté et il a établi son Règne dans les cœurs, avant de l’établir dans les Cieux, où il sera complet et éternel avec tous les sauvés. ”

      Voilà ce que tu diras, Jean, à ceux qui ne voudront voir en moi qu’un homme, et à ceux qui ne verront en moi qu’un esprit, à ceux qui nieront que j’aie subi la tentation… et la souffrance… Tu rapporteras aux hommes que le Rédempteur a pleuré… et qu’eux, les hommes, ont été rachetés aussi par mes larmes…

      – Oui, Seigneur. Comme tu souffres, Jésus !…

      – Comme je rachète ! Mais toi, tu me consoles de ma peine. A l’aube, nous allons partir d’ici. Nous trouverons une barque. Me crois-tu si je te dis que nous pouvons avancer sans rames ?

      – Je croirais même si tu me disais que nous irons sans barque… »

      Ils restent enlacés, enveloppés dans le seul manteau de Jésus, et Jean finit par s’endormir dans cette tiédeur, fatigué, comme un enfant dans les bras de sa maman.


Le témoignage du Bien-Aimé


Ancienne édition : Tome 7, chapitre 157.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 464.17.

Catéchèse du mardi 30 juillet 1946.

      464.17 Jésus dit :

      « C’est pour ceux qui ont le cœur droit qu’a été donnée cette page évangélique, inconnue mais tellement éclairante ! Jean, en écrivant son évangile après des dizaines d’années, fait une brève allusion [13] à cet épisode. Obéissant au désir de son Maître, dont il met en lumière plus que tout autre évangéliste la nature divine, il révèle aux hommes ce détail ignoré, avec cette retenue virginale qui imprégnait toutes ses actions et toutes ses paroles d’une pudeur humble et réservée.

      Jean, mon confident pour les évènements les plus graves de ma vie, ne s’est jamais orgueilleusement prévalu de ces faveurs que je lui faisais. Lisez attentivement : il semble au contraire souffrir de les révéler et dire : “ Je dois transmettre cela parce que c’est une vérité qui est à la gloire de mon Seigneur, mais je vous demande pardon de devoir montrer que je suis seul à la connaître ” et c’est par des paroles concises qu’il fait allusion au détail connu de lui seul.

      464.18 Lisez le premier chapitre de son évangile où il raconte sa rencontre avec moi : “ Jean-Baptiste se tenait là, de nouveau, avec deux de ses disciples… Les deux disciples entendirent ces paroles… André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean et suivi Jésus. Il rencontre en premier lieu… ” [14] Il ne se nomme pas, au contraire, il se cache derrière André, qu’il met en lumière.

      A Cana, il était avec moi, et il dit : “ Jésus était présent avec ses disciples… et ses disciples crurent en lui. ” C’étaient les autres qui avaient besoin de croire. Lui croyait déjà, mais il ne fait qu’un avec les autres, comme s’il avait besoin de voir des miracles pour croire.

      Témoin, la première fois que j’ai chassé les marchands du Temple, ainsi que lors de l’entretien avec Nicodème et à l’épisode de la Samaritaine, il ne dit jamais : “ J’y étais ”, mais il garde la ligne de conduite qu’il avait prise à Cana et il emploie l’expression : “ Ses disciples ”, même quand il était seul ou avec un autre. Et il continue ainsi, sans jamais se nommer, mais en mettant toujours en avant ses compagnons, comme s’il n’avait pas été, lui, le plus fidèle, le toujours fidèle, le parfaitement fidèle.

      Rappelez-vous la délicatesse avec laquelle il fait allusion à l’épisode de la Cène, dont il ressort que c’était lui le bien-aimé reconnu comme tel même par les autres, qui ont recours à lui quand ils veulent connaître les secrets du Maître : “ Les disciples commencèrent donc à se regarder les uns les autres, se demandant de qui il parlait. L’un d’eux, celui que Jésus aimait, reposait sur sa poitrine. Simon-Pierre lui fit signe : ‘Demande de qui il parle.’ Celui-ci, appuyé comme il l’était sur la poitrine de Jésus, lui demanda : ‘Qui est-ce donc, Seigneur ?’  ”

      Il ne se cite pas lorsqu’il est appelé à Gethsémani avec Pierre et Jacques. Il ne dit pas non plus : “ J’ai suivi le Seigneur. ” Il écrit : “ Simon-Pierre et un autre disciple avaient suivi Jésus. Comme ce disciple était connu du grand-prêtre, il entra avec Jésus dans le palais du grand-prêtre. ” Sans Jean, je n’aurais pas eu le réconfort de les voir, lui et Pierre, dans les premières heures où je fus arrêté. Mais Jean ne s’en vante pas.

      Il fut l’un des principaux personnages à l’heure de la Passion, l’unique apôtre qui y fut constamment présent, plein d’amour, plein de pitié, héroïquement présent près du Christ et de sa Mère, en face de Jérusalem déchaînée. Il tait pourtant son nom même dans l’épisode majeur de la Crucifixion et des paroles du Mourant : “ Femme, voici ton fils ”, “ Voici ta mère. ” C’est “ le disciple ”, le sans nom, sans autre nom que celui qui a été sa gloire après avoir été sa vocation : “ le disciple ”.

      Même après avoir reçu l’honneur d’être devenu le “ fils ” de la Mère de Dieu, il ne s’exalte pas. A la Résurrection, il dit encore : “ Pierre et l’autre disciple (auxquels Marie, sœur de Lazare, avait parlé du sépulcre vide) sortirent et allèrent… Ils coururent… mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier. Il se pencha et vit… mais il n’entra pas… ” Quel trait de douce humilité ! Lui, le disciple bien-aimé, le fidèle, il laisse d’abord entrer Pierre, qui est le chef bien qu’il ait péché par lâcheté. Il ne le juge pas. C’est son grand-prêtre à lui. Il le secourt même par sa sainteté, car les “ chefs ” eux-mêmes peuvent avoir besoin — et même ont besoin — de l’aide de leurs sujets.

      Combien de subordonnés sont meilleurs que des “ chefs ” ! Vous qui êtes de saints sujets, ne refusez jamais votre pitié aux “ chefs ” qui fléchissent sous un fardeau qu’ils ne savent pas porter, ou qui sont aveuglés et enivrés par la fumée des honneurs. Soyez, ô mes saints sujets, les Simon de Cyrène de vos supérieurs. Et je m’adresse à toi également, mon petit Jean, car c’est à toi que je parle pour tous : soyez les “ Jean ” qui courent en avant et qui guident les “ Pierre ”, puis s’arrêtent pour les laisser entrer par respect pour leur charge. Soyez les “ Jean ” qui — ô chef-d’œuvre d’humilité ! —, pour ne pas vexer les “ Pierre ” qui ne savent pas comprendre et croire, en arrivent à paraître et à laisser croire qu’ils sont obtus et incrédules eux aussi, comme les “ Pierre ”.

      Lisez le dernier épisode sur le lac de Tibériade. C’est encore Jean qui, réitérant ce qu’il a fait à d’autres reprises, reconnaît le Seigneur dans l’Homme debout sur la rive. Et, après qu’ils eurent pris leur repas ensemble, à la question de Pierre : “ Et lui, Seigneur, que lui arrivera-t-il ? ” il ne mentionne que “ le disciple ”, rien de plus.

      Pour ce qui le concerne, lui, il s’efface. Mais quand il s’agit de dire quelque chose qui fasse resplendir d’une lumière de plus en plus divine le Verbe de Dieu incarné, alors Jean lève le voile et révèle un secret.

      464.19 Au sixième chapitre de l’évangile, il dit : “ Sachant qu’on allait venir l’enlever pour le faire roi, il se retira de nouveau, seul, dans la montagne. ” Et il fait connaître aux croyants cette heure du Christ, pour qu’ils sachent que multiples et complexes furent les tentations et les luttes auxquelles on soumit le Christ en ses diverses qualités d’Homme, de Maître, de Messie, de Rédempteur, de Roi, et que les hommes et Satan — l’éternel instigateur des hommes — n’épargnèrent aucune machination contre le Christ pour le diminuer, l’abattre, le détruire. Les méchancetés sataniques et humaines, truffées de prétextes présentés comme bons, assaillirent l’Homme, le Prêtre Eternel, le Maître, aussi bien que le Seigneur. On essaya tout pour épier les faits et gestes du citoyen, du patriote, du fils, de l’homme, afin de découvrir le point faible sur lequel faire levier.

      Ah ! mes enfants, vous ne réfléchissez qu’à la tentation du début et à celle de la fin. Seules mes dernières fatigues de Rédempteur vous paraissent importantes, seules mes dernières heures sont douloureuses à vos yeux, seules mes dernières expériences vous semblent amères et décevantes. Mais mettez-vous un instant à ma place. Imaginez que c’est à vous que l’on fait entrevoir la paix avec vos compatriotes, leur aide, ainsi que la possibilité d’accomplir les purifications nécessaires pour rendre saint votre pays bien-aimé, de restaurer, de réunir les membres séparés d’Israël, de mettre fin à la douleur, au servage, au sacrilège. Et je ne vous demande pas de vous mettre à ma place en pensant que l’on vous offre une couronne. Je vous suggère seulement d’avoir pour une heure mon cœur d’homme, et dites-moi : quel retentissement cette proposition séduisante aurait-elle eu sur vous ? En auriez-vous triomphé en restant fidèles à la divine Idée, ou auriez-vous été vaincus ? En seriez-vous sortis plus que jamais saints et spirituels, ou vous seriez-vous détruits vous-mêmes en adhérant à la tentation ou en cédant aux menaces ? Et quelle conséquence aurait eu sur votre cœur de constater à quel point Satan braquait ses armes sur moi, pour me blesser dans ma mission et dans mes affections, en poussant mes bons disciples sur le mauvais chemin et en me mettant en lutte ouverte avec mes ennemis, désormais démasqués, d’autant plus féroces qu’ils savent leurs complots découverts ?

      464.20 Ne restez pas avec le compas et le mètre en main, avec le microscope et la science humaine, cessez de mesurer, de lorgner, de discuter avec des raisonnements pédants de scribes, si Jean a bien parlé, jusqu’à quel point ceci ou cela est vrai. Ne superposez pas la phrase de Jean à l’épisode donné hier pour voir si les circonstances correspondent bien. Jean ne s’est pas trompé par faiblesse sénile, et le petit Jean ne s’est pas trompé par faiblesse de malade. Ce dernier a dit ce qu’il a vu. Le grand Jean, bien des années après l’événement, a raconté ce qu’il savait et, avec un fin enchaînement des lieux et des faits, a révélé, non sans malice d’ailleurs, le secret connu de lui seul de la tentative de couronner le Christ.

      C’est à Tarichée, après la première multiplication des pains, que prit naissance dans le peuple l’idée de faire du Rabbi de Nazareth le roi d’Israël. Il y avait là Manahen, le scribe et plusieurs autres qui, imparfaits encore spirituellement mais au cœur honnête, accueillent cette idée et s’en font les propagateurs pour honorer le Maître, pour mettre fin à la lutte injuste contre lui. C’était une erreur d’interprétation des Ecritures, erreur répandue dans tout Israël, aveuglé par des rêves de royauté humaine et par l’espoir de sanctifier sa Patrie, tellement souillée.

      Comme c’était naturel, beaucoup adhérèrent à l’idée avec simplicité. Un grand nombre feignirent sournoisement d’y souscrire pour me nuire. Ces derniers, unis par leur animosité contre moi, oublièrent les haines de castes qui les avaient toujours divisés, et s’allièrent pour me tenter. Ils escomptaient donner une apparence de légalité au crime qu’ils avaient déjà décidé dans leur cœur. Ils espérèrent de ma part quelque faiblesse, de l’orgueil. Cet orgueil et cette faiblesse, et par suite l’acceptation de la couronne qu’ils m’offraient, auraient justifié les accusations qu’ils voulaient lancer contre moi. Plus tard… Plus tard, ils s’en seraient servi pour donner la paix à leur âme sournoise et prise de remords, parce qu’ils se seraient dit, en espérant pouvoir le croire : “ C’est Rome, pas nous, qui a puni l’agitateur Nazaréen. ” Ainsi, aurait eu lieu l’élimination légale de leur Ennemi. Tel était pour eux leur Sauveur…

      Voilà les raisons de cette tentative de proclamation et la clé des haines plus fortes qui s’ensuivirent. Voici, enfin, la profonde leçon du Christ. La comprenez-vous ? C’est une leçon d’humilité, de justice, d’obéissance, de courage, de prudence, de fidélité, de pardon, de patience, de vigilance, de résignation envers Dieu, envers ma propre mission, envers mes amis, envers les rêveurs, envers mes ennemis, envers Satan, envers les hommes dont il se servait pour me tenter, envers les choses, envers les idées. Tout doit être contemplé, puis accepté ou repoussé, aimé ou non, en regardant la sainte fin de l’homme : le Ciel, la volonté de Dieu.

      464.21 Petit Jean, telle a été l’une des heures de Satan contre moi. A l’exemple du Christ, les petits “ Christ ” les subissent. Il faut tenir bon et en venir à bout sans orgueil ni découragement. Elles ont un but, qui est saint. Ne crains pas, cependant. Dieu, à ces heures-là, n’abandonne pas, mais secourt la personne fidèle. Puis l’Amour descend pour que les fidèles deviennent des rois. Qui plus est, une fois finie l’heure de la terre, les fidèles montent au Royaume, dans la paix pour toujours, victorieux pour toujours…

      Ma paix, petit Jean couronné d’épines. Ma paix… »



[1] Cf. EMV 335.

[2] Cf. EMV 273.

[3] Jean le scribe qui pourtant s’était éloigné de Jésus à la suite du discours sur le Pain de Vie

[4] Jean le synhédriste

[5] Marie de Bozra. Cf. EMV 293.

[6] Élie l’essénien. Cf. EMV 381.

[7] Élisée d’Engaddi, le lépreux. Cf. EMV 391.

[8] Échanson du roi de Perse Artaxerxès/ Il obtint de lui d’aller reconstruire les remparts de Jérusalem. Après Esdras, il entreprit une restauration du culte et le redressement de Jérusalem.

[9] Hasidim (dévôts) : secte fermement attachée à la Loi en réaction à l’hellénisation imposée par les Ptolémée. Les hasidim donneront naissance aux pharisiens et aux esséniens.

[10] Cf. Matthieu 2,1-6 : Hérode le grand à cette occasion monte le complot qui aboutira au massacre des innocents (300 enfants environ)

[11] Cf. Jean 18,36 : C’est ce que dira Jésus devant Pilate lors de son procès.

[12] Gentilisme = paganisme. Les "gentils" (du latin gentiles, les nations) étaient les peuples étrangers au peuple juif. En hébreu, goïm au pluriel et goï au singulier.


[13] Une brève allusion : celle de Jean 6,14-15, placée à la fin de l’épisode de la première multiplication des pains (v. 1-13) qui a justement lieu à Tarichée. La multiplication des pains, qui, dans l’Œuvre, se trouve au chapitre 273, n’était pas contemporaine de la tentative de proclamer Jésus roi (comme l’évangile de Jean pourrait le laisser supposer), mais elle servait à en susciter l’idée, à tel point que l’évangéliste unit dans son récit deux évènements espacés dans le temps, comme on le voit plus loin, en 464.20. Jésus parle encore de la chronologie des évangiles en 468.1, et des évènements tus pas les évangélistes en 594.9.

[14] Jean 1,34-41.





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Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 IksC2s7B54RzmQQBlYnPCTknN4bXVQouMtcDTggT_QEKyn6beVfKYcqHnXNlpldh7vmr-YSzIZm5qNsqkcEPv6JfctYakVjcmubpLh7YfN05r1A
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 28 Nov - 11:30

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

465. À Bethsaïde, pour confier une tâche secrète confiée à Porphyrée, puis départ hâtif pour Capharnaüm

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 158.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 465.

Vision du jeudi 1er août 1946.

Lundi 13 août 29
Bethsaïde


      465.1 « Dirige la barque vers Bethsaïde » ordonne Jésus, qui se trouve avec Jean dans une petite embarcation, une vraie coquille de noix, au milieu du lac qui s’éclaircit lentement en même temps que la lumière du jour.

      Jean obéit sans mot dire. Une bonne brise tend la petite voile et fait glisser prestement la barque, qui penche même d’un côté, tant est vive son allure. La côte orientale fuit rapidement et la courbe du côté nord du lac devient de plus en plus proche.

      « Aborde avant le village. Je veux aller chez Porphyrée sans être vu par d’autres. Quant à toi, rejoins-moi ensuite à l’endroit habituel, et attends-moi dans la barque.

      – Oui, Maître. Et si quelqu’un me voit ?

      – Retiens-les tous sans dire où je suis. J’aurai vite fait. »

      Jean repère sur la plage un endroit favorable pour l’abordage ; il le trouve dans un semblant, un vrai semblant de torrent sableux dans lequel on a enlevé du sable pour quelque besoin. Cela forme un petit golfe de quelques mètres, mais dans lequel une barque peut accoster à la rive, qui est à environ cinquante centimètres au-dessus de l’eau. C’est là qu’il se dirige. La barque frôle légèrement la grève mais réussit à accoster. Jean la tient arrêtée contre le bord en s’agrippant à une racine qui sort du sable.

      Jésus saute sur la rive. Jean y appuie la rame et pousse pour permettre à la barque de repartir. Il y parvient. Il lève son visage éclairé par son bon sourire et dit :

      « Adieu, Maître.

      – Adieu, Jean. »

      Jésus s’éloigne au milieu des arbres tandis que Jean louvoie avec sa petite barque.

      465.2 Jésus tourne et prend la direction de l’intérieur. Il traverse rapidement les jardins à l’arrière de Bethsaïde, pour éviter d’entrer dans le village à l’heure où il va s’animer. Il arrive, sans rencontrer personne, à la maison de Pierre et frappe à la porte de la cuisine. Après quelques secondes, Porphyrée, hésitante, passe la tête au-dessus du muret du toit. Elle le voit et pousse un “ Oh ! ” de stupeur. Elle rassemble de la main sa splendide chevelure — c’est sa seule beauté —, toute défaite sur ses épaules, et se hâte de descendre par le petit escalier, pieds nus, dans sa toilette rapide du matin.

      « Seigneur, toi ! Tu es seul ?

      – Oui, Porphyrée. Où est Marziam ?

      – Il dort encore. Il était un peu triste, abattu… Je le ménage un peu. C’est l’âge aussi… la croissance… Quand il dort, il ne pense pas et ne pleure pas…

      – Il pleure souvent ?

      – Oui, Maître. Je crois que c’est sa faiblesse actuelle, et je cherche à le fortifier… et à le consoler… Mais il dit : “ Je reste seul [1]. Tous ceux que j’aime s’en vont. Et quand Jésus ne sera plus là… ” Il dit cela comme si tu devais nous quitter… Bien sûr… il a eu beaucoup de peines dans sa vie… Mais Simon et moi, nous l’aimons… beaucoup, sois-en sûr, Maître.

      – Je le sais. Mais son âme devine… Porphyrée, j’ai justement besoin de te parler de ces choses. C’est pour cela que je suis venu, sans Simon, à cette heure. Où devons-nous aller pour que Marziam n’entende pas et que personne ne nous dérange ?

      – Seigneur… Je n’ai que… ma chambre matrimoniale, ou bien la salle des filets… Marziam est au-dessus. J’y étais moi aussi car, pour fuir la chaleur, nous sommes allés dormir là-haut…

      – Allons dans la salle des filets. Elle est plus loin et Marziam n’entendra pas, même s’il se réveille.

      – Viens, Seigneur. »

      Porphyrée le conduit dans la pièce, encombrée d’un véritable fourbi : filets, rames, provisions, du foin pour les brebis, un métier à tisser…

      Elle se hâte de débarrasser une sorte de coffre appuyé contre le mur et de l’essuyer avec un paquet d’étoupe pour que le Maître s’y asseye.

      « Peu importe, femme, je ne suis pas fatigué. »

      Porphyrée lève ses yeux pleins de douceur sur le visage défait, tiré de Jésus, et elle semble vouloir lui dire : “ Si, tu l’es. ” Mais, habituée à se taire, elle garde le silence.

      465.3 « Ecoute, Porphyrée. Tu es une brave femme et un bon disciple. Je t’ai beaucoup aimée depuis que je te connais, et c’est avec une grande joie que je t’ai accueillie comme disciple et que je t’ai confié l’enfant. Je te sais prudente et vertueuse comme il y en a peu. Tu sais te taire, vertu très rare chez les femmes. Pour toutes ces raisons, je suis venu te parler en secret et te donner une consigne que personne ne connaît, pas même les apôtres, pas même Simon. Je te la confie pour te dire comment tu dois te comporter à l’avenir avec Marziam… et avec tout le monde… Je suis sûr que tu satisferas ton Maître en ce que je te demande, et que tu seras prudente comme toujours… »

      Porphyrée, qui est devenue toute rouge en entendant l’éloge de son Seigneur, n’acquiesce que de la tête. Elle qui est si timide et si habituée à être dominée par des volontés autoritaires qui s’imposent à elle sans savoir si elle est disposée à consentir, elle est trop émue pour dire par des mots qu’elle acquiesce.

      « Porphyrée… je ne reviendrai plus jamais ici, plus jamais, jusqu’à ce que tout soit accompli… Tu sais, n’est-ce pas, ce que je dois accomplir ?… »

      Porphyrée, à ces mots, a laissé retomber ses cheveux, qu’elle retenait encore sur la nuque de la main gauche et elle a, plus qu’un cri, un sanglot qu’elle étouffe en portant ses deux mains à son visage, tandis qu’elle glisse à genoux en gémissant :

      « Je le sais, Seigneur, mon Dieu… »

      Elle pleure en silence ; on ne s’en aperçoit que par les larmes qui gouttent par terre de ses doigts appuyés sur son visage.

      « Ne pleure pas, Porphyrée. C’est pour cela que je suis venu. Je suis prêt… de même que les hommes qui, en servant le Mal, feront en réalité le Bien, parce qu’ils provoqueront la venue de l’heure de la Rédemption. Elle pourrait s’accomplir dès maintenant parce que, moi aussi bien qu’eux, nous sommes préparés… Et toute heure supplémentaire qui passe, ou tout événement qui surviendra ne seront que… un perfectionnement pour leur crime et… pour mon Sacrifice. Mais même ces heures, nombreuses encore, qui précéderont cette heure-là, serviront… Il y a encore quelque chose à faire et à dire pour que tout ce qui était à accomplir, en me faisant connaître, soit réalisé… Mais je ne reviendrai plus ici… Je regarde pour la dernière fois cet endroit… et j’entre pour la dernière fois dans cette maison honnête… Ne pleure pas… Je n’ai pas voulu partir sans te dire adieu et t’apporter la bénédiction de ton Maître. Maintenant, je vais emmener Marziam sur la route des confins de la Phénicie, puis quand je descendrai en Judée pour la fête des Tentes. Je trouverai bien un moyen de le renvoyer avant le plein hiver. Pauvre enfant ! Il va profiter de moi pendant quelque temps. 465.4 Et puis… Porphyrée, il n’est pas bon que Marziam soit présent à mon heure. Tu ne le laisseras donc pas partir pour la Pâque…

      – Mais le précepte, Seigneur…

      – Je l’absous du précepte. Je suis le Maître, Porphyrée, et je suis Dieu, tu le sais. Comme Dieu, je peux l’absoudre à l’avance d’une omission qui n’en est même pas une, puisque je l’ordonne pour un motif de justice. L’obéissance à mon ordre est déjà par elle-même une absolution à l’omission du précepte, car l’obéissance à Dieu — et c’est aussi un sacrifice pour Marziam — est toujours supérieure à toute autre chose. Et je suis le Maître. N’est pas un bon Maître celui qui ne sait pas mesurer les possibilités et les réactions de son disciple, et ne réfléchit pas aux conséquences qu’un effort supérieur à ce qu’un disciple peut supporter, peut produire en lui. Même en imposant les vertus, il faut être prudent et ne pas demander un maximum que la formation spirituelle et les ressources générales de l’être ne peuvent fournir. En exigeant une vertu ou une maîtrise spirituelle trop forte, par rapport au niveau des forces spirituelles, morales et même physiques atteint par une créature, on peut produire une dispersion des forces déjà accumulées et un brisement de l’être dans ses trois degrés : spirituel, moral et physique. Marziam, ce pauvre enfant, n’a déjà que trop souffert. Il a connu la brutalité de ses semblables, jusqu’à éprouver de la haine pour eux. Il ne pourrait supporter ce que sera ma Passion : une mer d’amour douloureux dans laquelle je laverai les péchés du monde, et une mer de haine satanique qui essaiera de submerger tous ceux que j’ai aimés et d’anéantir tout mon travail de Maître. En vérité, je te dis que même les plus forts ploieront sous la marée de Satan, du moins pour un court laps de temps… Mais je ne veux pas que Marziam fléchisse et boive cette eau désolante… C’est un innocent… et il m’est cher… J’ai pitié de lui, une grande pitié, car il a déjà souffert plus que ses forces ne le lui permettaient… J’ai rappelé dans l’au-delà l’âme de Jean d’En-Dor…

      – Jean est mort? Oh ! Marziam avait écrit plusieurs rouleaux pour lui… Ce sera une souffrance de plus pour l’enfant…

      – Je le lui annoncerai moi-même… Je disais que je l’ai enlevé de la vie, pour le préserver lui aussi du choc de cette heure. Jean, de même, avait trop souffert à cause des hommes. Pourquoi réveiller les sentiments assoupis ? Dieu est bon. Il éprouve ses enfants, mais ce n’est pas un expérimentateur imprudent… Ah ! si les hommes savaient en faire autant ! Combien de ruines des cœurs, ou simplement combien de bourrasques dangereuses dans les cœurs seraient évitées ! Mais, pour en revenir à Marziam, il ne doit pas venir à la prochaine Pâque. Pour le moment, tu ne lui diras rien. Le moment venu, tu lui parleras ainsi : “ Le Maître m’a donné l’ordre de ne pas t’envoyer à Jérusalem, et il te promet une récompense spéciale si tu lui obéis. ” Marziam est bon et il obéira… 465.5 Porphyrée, voilà ce que j’attends de toi : ton silence, ta fidélité, ton amour.

      – Tout ce que tu veux, mon Seigneur. Tu honores trop ta pauvre servante… Je ne mérite pas tant… Va en paix, mon Maître et mon Dieu. Je ferai ce que tu veux… »

      Mais la douleur a raison d’elle. Elle, qui était jusque là restée à genoux, assise sur les talons, les yeux fixés sur le visage de Jésus, tombe maintenant à terre, toute couverte du manteau de ses cheveux de jais, et éclate en sanglots :

      « Mais quelle souffrance, Maître, quelle souffrance ! C’est fini ! C’est fini pour le monde ! Pour nous qui t’aimons ! Pour ta servante ! Tu es le seul à m’avoir vraiment aimée ! Tu ne m’a jamais méprisée, tu n’as pas été autoritaire avec moi, tu m’as traitée comme les autres, moi qui suis si ignorante, si pauvre, si sotte ! Oh ! Marziam et moi, car c’est Marziam qui me l’avait dit le premier, puis nous nous étions tranquillisés… Tout le monde disait que cela ne pouvait être vrai… Tous : Simon, Nathanaël, Philippe… leurs femmes… et eux savent, eux sont sages… et Simon… ah ! si tu as choisi mon Simon, il doit valoir quelque chose !… tous prétendaient que c’est impossible… Mais maintenant, c’est toi qui l’annonces… et on ne peut douter de ta parole… »

      Elle est vraiment bouleversée, et sa douleur est émouvante.

      Jésus se penche pour lui poser la main sur la tête :

      « Ne pleure pas ainsi… Marziam va entendre… Je le sais… Personne n’y croit, personne ne veut arriver à croire… C’est d’ailleurs leur sagesse et leur amour qui sont la cause de leur refus de croire… Mais c’est ainsi… Porphyrée, je m’en vais. Avant de te quitter, je te bénis pour maintenant et pour toujours. Rappelle-toi toujours que je t’ai aimée et que je me suis réjoui de ton amour pour moi. Je ne te dis pas : persévère en lui. Je sais que tu le feras, car le souvenir de ton Maître sera toujours ta douceur et tu y trouveras ton refuge… ta douceur et ta paix, même à l’heure de la mort. Pense à ce moment-là que ton Maître est mort pour t’ouvrir le Paradis et qu’il t’y attend… Allons, lève-toi ! Je vais réveiller Marziam et le retenir. Toi, efface les traces de tes larmes, puis rejoins-nous. Jean m’attend pour me conduire à Capharnaüm. Si tu as des choses à faire parvenir à Simon, prépare-les. Rappelle-toi qu’il va avoir besoin de ses vêtements chauds… »

      Toute soumise et prompte à obéir, Porphyrée baise les pieds de Jésus et va se lever quand une vague d’amour lui fait soudain perdre la tête et, en rougissant vivement, elle saisit les deux mains de Jésus et les baise une, deux, dix fois. Puis elle se lève et le laisse partir…

      465.6 Jésus sort, monte sur la terrasse, pénètre sous une sorte de pavillon fait de voiles tendues sur des cordes, sous lequel se trouvent deux couchettes. Marziam dort encore, le visage presque baissé, appuyé sur le petit oreiller. On ne voit qu’une pommette de son visage brun et un bras long et maigre qui sort de sous le drap qui le couvre.

      Jésus s’assied par terre, près du petit lit, et caresse légèrement les mèches dépeignées qui retombent sur la joue pâle du dormeur, qui fait un mouvement sans encore s’éveiller. Son visage est maintenant découvert. Jésus répète son geste, et se penche pour déposer un baiser sur son front. Marziam ouvre les yeux et voit Jésus à côté de lui, penché sur lui. Il a du mal à croire — peut-être pense-t-il rêver —, mais Jésus l’appelle ; le jeune garçon se dresse alors et se jette dans les bras de Jésus, s’y réfugie…

      « Toi ici, Maître ?

      – Je suis venu te chercher pour t’emmener pendant quelques mois. Es-tu content ?

      – Oh ! et Simon ?

      – Il est à Capharnaüm. Je suis venu avec Jean…

      – Il est revenu lui aussi ? Il doit être heureux! Je lui donnerai ce que j’ai écrit.

      – Je ne parle pas de Jean d’En-Dor, mais de Jean, fils de Zébédée. N’es-tu pas content ?

      – Si, je l’aime bien. L’autre aussi… presque davantage…

      – Pourquoi, Marziam ? Jean, fils de Zébédée, est si bon !

      – Oui, mais l’autre est très malheureux. Moi aussi je l’ai été, et je le suis encore un peu… Entre gens qui souffrent, on se comprend et on s’aime…

      – Serais-tu content de savoir qu’il ne souffre plus et qu’il est très heureux ?

      – Oui, je le serais. Mais il ne peut l’être que s’il est avec toi. Ou bien… Serait-il mort, Seigneur ?

      – Il est dans la paix. Il faut s’en réjouir, sans égoïsme, car il est mort en juste et parce que maintenant il n’y a plus de séparation entre son âme et la nôtre. Nous avons un ami de plus qui prie pour nous. »

      Marziam a deux grosses larmes qui coulent sur son visage vraiment très amaigri et pâle, mais il murmure :

      « C’est vrai. »

      Jésus ne dit rien de plus à ce sujet, et il ne fait aucune observation sur l’état physique et moral de Marziam, qui est visiblement affaibli. Au contraire, il dit :

      « Allons, partons ! J’ai déjà parlé à Porphyrée qui a certainement préparé tes vêtements. Prépare-toi, toi aussi, car Jean nous attend. Nous allons faire une surprise à Simon. N’est-ce pas sa barque qui revient à Capharnaüm ? Il a peut-être pêché au retour…

      – Oui, c’est bien elle. Où allons-nous, Seigneur ?

      – Au nord, puis en Judée.

      – Pour longtemps ?

      – Pour longtemps. »

      Marziam, tout heureux à la pensée de rester avec Jésus, se lève promptement et court se laver au lac ; il revient avec les cheveux encore humides, en criant :

      « J’ai vu Jean, il m’a fait un signe pour me saluer. Il est à l’embouchure, au milieu des roseaux…

      – Allons-y. »

      465.7 Ils descendent. Porphyrée est en train de fermer deux sacs, et elle explique :

      « J’ai pensé envoyer plus tard les gros vêtements chauds, par mon frère, pour la fête des Tentes, à Gethsémani. Vous marcherez plus à l’aise, aussi bien toi que ton père. »

      Et tout en finissant de lier les courroies, elle montre ce qu’elle a mis dans les sacs : du lait, du pain, des fruits…

      « Nous allons tout prendre et nous mangerons sur l’eau. Je veux partir avant qu’il n’y ait trop de monde sur la rive. Adieu, Porphyrée. Que Dieu te bénisse toujours et que la paix des justes soit toujours en toi. Viens, Marziam. »

      Ils ont vite parcouru le court trajet et, pendant que Marziam va trouver Jean, Jésus se dirige vers la barque. Il est aussitôt rejoint par les deux jeunes hommes, qui courent à travers les roseaux. Ils sautent à bord en appuyant la rame contre le rivage pour s’éloigner en eau profonde.

      La traversée est rapide, et ils s’arrêtent sur la plage de Capharnaüm, pour attendre la barque de Pierre qui va arriver. L’heure leur permet d’échapper à l’assaut des gens et, couchés sur le sable, à l’ombre de leur embarcation, ils peuvent manger en paix leur pain et leurs fruits.

      Simon ne connaît pas la petite barque. Aussi, c’est seulement lorsqu’il pose le pied sur la rive et qu’il voit Jésus se lever par derrière, qu’il le remarque.

      « Maître ! Toi aussi, tu es là, Marziam ! Mais depuis quand ?

      – Depuis tout à l’heure. Je suis passé par Bethsaïde. Dépêche-toi. Il nous faut partir tout de suite… »

      Pierre le regarde sans mot dire. Lui et ses compagnons déchargent la barque du poisson qu’il a pris, des sacs de vêtements, y compris celui de Jean qui peut enfin s’habiller. Et Simon demande quelque chose à son compagnon, qui lui fait un signe, comme pour lui dire : “ Attends… ”

      Ils arrivent à la maison, et entrent. Les apôtres qui étaient restés accourent.

      « Faites vite. Nous partons sur-le-champ. Prenez tout, car nous ne reviendrons pas ici » ordonne Jésus.

      Les apôtres se regardent, et c’est tout une mimique de signes entre les deux groupes. Mais ils obéissent. Je crois même qu’ils le font avec empressement pour pouvoir parler entre eux dans les autres pièces…

      465.8 Jésus reste dans la cuisine avec Marziam et prend congé des maîtres de maison. Il ne dit à personne qu’il ne reviendra pas, pas plus à eux qu’aux habitants de Capharnaüm qui le voient et lui disent bonjour. Il se contente de les saluer, comme il le fait à chaque départ. Il s’arrête seulement chez Jaïre, mais le chef de la synaguogue n’est pas rentré…

      Il rencontre, près de la fontaine, la vieille femme [2] qui habite à côté de la maison du petit Alphée et lui dit :

      « Une veuve va bientôt venir ici [3]. Elle te cherchera. Elle va s’établir ici. Sois une amie pour elle et aimez beaucoup l’enfant et ses frères… Faites-le saintement, en mon nom… »

      Il reprend sa marche en disant :

      « J’aurais voulu saluer tous les enfants…

      – Tu peux le faire, Maître. Pourquoi ne t’es-tu pas reposé ? Tu es bien las. Ton visage est pâle et ton œil fatigué. Cela va te faire mal… Il fait encore chaud et tu n’as certainement pas dormi, ni à Tibériade, ni là-bas, chez Kouza…

      – Je ne peux pas, Simon. Je dois aller en plusieurs endroits, et le temps presse… »

      Ils sont arrivés au rivage. Jésus appelle les acolytes de Pierre et les salue, en leur donnant l’ordre de reconduire la petite barque dans le village qui précède Hippos, et de la rendre à Saül, fils de Zacharie.

      Prenant la route ombragée qui côtoie le fleuve, il la suit jusqu’à une bifurcation, dans laquelle il s’engage.

      « Où allons-nous, Seigneur ? demande Simon, qui jusqu’alors conversait à voix basse avec ses compagnons.

      – Chez Jude et Anne [4], puis à Chorazeïn. Je veux saluer mes bons amis. »

      Autres coups d’œil des apôtres entre eux et autre murmure à voix basse.

      465.9 Enfin Jacques, fils d’Alphée, s’avance et rejoint Jésus, qui marche en tête avec Marziam.

      « Mon Frère, tu dis que tu veux saluer tes amis : cela signifie que nous ne reviendrons plus ici ? Nous aimerions le savoir.

      – Vous y reviendrez certainement, mais dans plusieurs mois.

      – Et toi ? »

      Jésus fait un geste évasif… Marziam se retire discrètement et se joint aux autres, c’est-à-dire à tous, sauf à Jacques, fils d’Alphée, qui est avec Jésus, et à Judas qui marche seul, à l’arrière, l’air plutôt sombre et ennuyé.

      « Frère, que t’est-il arrivé ? dit Jacques en mettant une main sur l’épaule de Jésus.

      – Pourquoi me poses-tu cette question ?

      – Parce que… Je ne sais pas. Nous nous le demandons tous. Tu nous sembles différent… Tu es venu seul avec Jean… Simon a dit que tu as été l’hôte de Kouza… Tu ne prends pas de repos… Tu ne salues que peu de gens… On dirait que tu ne veux plus revenir ici… Et ton visage… Nous ne méritons plus de savoir ? Pas même moi… ? Tu m’aimais… Tu m’as dit des choses que je suis seul à connaître…

      – Je t’aime encore, mais je n’ai rien à dire. J’ai perdu un jour de plus que prévu. Je le rattrape.

      – Etait-il nécessaire d’aller au nord ?

      – Oui, mon frère.

      – Alors… Ah ! tu as souffert, je le sens… »

      Jésus enlace son cousin en lui passant un bras derrière les épaules :

      « Jean d’En-Dor est mort. Tu le sais ?

      – Simon me l’a dit pendant que je préparais les vêtements. Et puis ?…

      – Je me suis séparé de ma Mère.

      – Et puis ? »

      Jacques, plus petit que Jésus, le regarde par en dessous, insistant, inquisiteur.

      « Et puis je suis content d’être avec toi, avec vous, avec Marziam. Je vais le garder avec moi pendant quelques mois. Il en a besoin. Il est triste et souffrant. Tu l’as vu ?

      – Oui, mais il ne s’agit pas de cela… Tu ne veux pas me le confier, peu importe. Je t’aime bien, même si tu ne me traites pas en ami.

      – Jacques, tu es pour moi plus qu’un ami. Mais mon cœur a besoin de repos…

      – Et donc de ne pas parler de ce qui te fait souffrir. J’ai compris. C’est Judas qui t’afflige ?

      – Qui ? Ton frère ? [5]

      – Non, l’autre.

      – Pourquoi cette question ?

      – Je ne sais pas. Pendant que tu étais absent, un homme, envoyé par nous ne savons qui, a cherché Judas plusieurs fois. Lui l’a toujours repoussé, mais…

      – Pour vous, tout acte de Judas est toujours un crime. Pourquoi manquer à la charité ?

      – C’est qu’il est tellement renfrogné, troublé. Il fuit ses compagnons. Il est nonchalant…

      – Laisse-le faire. Depuis plus de deux années qu’il est avec nous, il a toujours été ainsi… Pense aux deux petits vieux, comme ils vont être heureux. Et sais-tu pourquoi je vais là ? Je veux leur recommander le petit menuisier de Chorazeïn [6]… »

      Ils s’éloignent en parlant. Derrière eux, en groupe, suivent les apôtres qui ont attendu Judas pour ne pas le laisser seul en arrière, bien qu’il ait un air si visiblement bougon que cela n’incite vraiment pas à désirer sa compagnie.




[1] Après avoir été tragiquement orphelin, Marziam vient de perdre son grand-père tant aimé. Cf. EMV 443.

[2] Celle qui maugréait contre Méroba qui laisse ses enfants à l’abandon. Cf. EMV 449.

[3] Sara d’Aféca qui a décidé de s’établir à Capharnaüm avec Alphée, le fils martyr de Méroba. Cf. EMV 455.

[4] Les disciples vignerons de Méron.

[5] Jude et Judas se prononcent pareillement en hébreu : Iéhouda. L’italien, comme le latin, conservent cet amalgame, ce qui nécessite de recourir au surnom pour les distinguer. Une telle confusion avait déjà eut lieu en EMV 70.6.

[6] Joseph de Chorazeïn (Corozaïn), orphelin du menuisier.



Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Betsaa10
Chorazein et Bethsaide
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 29 Nov - 10:04

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

466. Une halte chez les vieux époux, Jude et Anne

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 159.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 466.

Vision du samedi 3 août 1946.

Lundi 13 août 29
Vers Mérom


      466.1 Ils n’en peuvent plus de chaleur, bien qu’ils aient marché à travers les vergers touffus dont les branches croulent sous les fruits mûrs. Des vignes nombreuses et magnifiques, arrive l’odeur caractéristique du raisin quand les grappes sont déjà mûres et que les feuilles commencent à rougir à l’automne.

      Ils voient arriver d’abord deux paysans qui reviennent des vergers, chargés de paniers de superbes pommes, et ils préviennent un serviteur qui fait la commission. Pendant ce temps, les deux paysans saluent Jésus et annoncent que “ de nombreux disciples, venant des montagnes de Gaulanitide et d’Iturée et en route pour Jérusalem, se sont arrêtés à la maison ” et que “ leurs maîtres ont décidé de les accompagner à la fête des Tentes, en passant par la Décapole et la Pérée ”. Mais ils n’ont pas fini de donner ces nouvelles que déjà les maîtres, précédés et suivis de nombreux disciples, sortent en courant de la maison à la rencontre du Maître.

      Parmi les disciples, il y a presque tous les anciens bergers de Bethléem, ainsi que le premier lépreux guéri et l’estropié miraculé, son ami, et d’autres encore, c’est-à-dire ceux de Transjordanie, moins Timon. Je ne vois pas Isaac, ni Etienne, ni Hermas, ni Hermastée, ni Joseph d’Emmaüs, pas plus qu’Abel de Bethléem, Nicolaï d’Antioche ou Jean d’Ephèse. A eux se mêlent serviteurs et paysans, parmi lesquels l’enfant guéri de sa paralysie à la dernière vendange et sa mère [1].

      466.2 « Que la paix soit avec vous tous ainsi qu’à cette maison, dit Jésus en levant la main pour bénir.

      – Entre, Maître, et repose-toi sous notre toit. La saison est encore chaude pour marcher à ces heures, mais nous allons te donner de quoi te restaurer, et les pièces sont fraîches pour la nuit.

      – Je ne vais rester ici que quelques heures. Je vais repartir ce soir. Il reste peu de temps avant la fête des Tentes [2], et je dois aller à plusieurs endroits. »

      Les maîtres sont déçus, mais n’insistent pas. Ils disent seulement :

      « Nous espérions que tu nous attendrais. Demain, c’est la vendange, et la récolte des fruits est déjà commencée. Et après le foulage du raisin, nous serions tous partis avec tes disciples qui sont là. Nous sommes âgés, et les routes sont peu sûres depuis que des bandes de voleurs sont venus, nous ne savons pas d’où, infester cette rive du Jourdain. Ils se cachent dans les montagnes de Rabbath Ammon et de Galaad, le long de la vallée du Jaboc, et ils tombent sur les caravanes. Les légionnaires de Rome leur donnent la chasse… Mieux vaut ne pas les rencontrer ! Nous préférons être avec eux. Ce sont tes disciples et Dieu les protège certainement. »

      Jésus a un fin sourire, mais il ne répond pas. Il entre dans la maison et apprécie les rafraîchissements que les hôtes offrent aux membres et aux gorges desséchées, puis il écoute les disciples raconter le travail qu’ils ont accompli sur les montagnes :

      « Mais avec peu de fruit, Maître, même à Césarée de Philippe, où pourtant nous n’avons pas été molestés. Mais nous y retournerons avec toi. Et alors… ! »

      Jésus les regarde, ne les déçoit pas et répond :

      « En persévérant, vous les convertirez certainement. Dieu aide toujours ses serviteurs. »

      466.3 Puis Jésus les quitte pour rejoindre la maîtresse de maison qui prépare personnellement les tables, et il l’invite à sortir avec lui parce qu’il doit lui parler. La bonne petite vieille ne se le fait pas dire deux fois et, pour ne pas aller à la chaleur, au dehors, elle conduit Jésus dans une longue pièce, fraîche, au nord.

      « Anne, tu dis toujours que tu voudrais me servir de toutes manières…

      – Oui, mon Seigneur, Jude et moi. Mais tu n’as jamais recours à nous. C’est une grande fête maintenant pour nous, parce que tes disciples sont un peu de toi, et les recevoir à la maison nous donne l’impression de te servir.

      – C’est effectivement le cas, car ce qui est fait à un disciple est fait au Maître, et même une seule coupe d’eau ou un pain donné pour secourir quelqu’un qui se fatigue pour moi recevra sa récompense de Dieu lui-même [3]. Les disciples prennent soin de l’âme des fidèles ; à leur tour, les fidèles doivent faire preuve d’amour envers les disciples et subvenir à leurs besoins en pensant qu’ils ont renoncé à tout, et sont même prêts à renoncer à leur vie pour transmettre aux fidèles la voie, la vie et la vérité que leur Maître leur a données avec l’ordre de les transférer aux fidèles.

      – Oh ! Seigneur, permets-moi d’appeler mon Jude. Ta parole est si sainte !…

      – Appelle ton Jude » consent Jésus en souriant.

      Et la femme sort pour revenir avec son mari, a qui elle est en train de répéter les paroles du Maître.

      « Sois sûr que nous le ferions volontiers. Mais nous sommes à l’écart de la route et, certainement à cause de cela, tes disciples viennent peu ici » dit le vieillard.

      On sent son regret d’être ainsi laissé de côté.

      « Je leur dirai de venir souvent. 466.4 Et, en attendant, je vous demande une grâce…

      – Toi ? Mais c’est une grâce pour nous de te servir ! Ordonne, Seigneur. Nous sommes âgés et nous ne pouvons te suivre comme beaucoup le font, mais nous avons le désir de te servir. Que veux-tu ? Quand bien même ce seraient ces vignes et cette maison, si chères parce qu’elles viennent de mon père et parce que c’est ici que sont nés nos enfants, dis-nous si cela t’agrée : si tu les veux, nous te les donnons. Promets-nous seulement la miséricorde divine sur nos âmes.

      – Elle ne vous fera pas défaut, n’en doutez pas. Mais je ne vous demande pas un si grand sacrifice. Ecoutez : je vais en Judée, or l’hiver arrive. A Chorazeïn, il y a une veuve avec de nombreux enfants, et l’aîné est tout juste adolescent. Son père était menuisier…

      – Ah ! Le menuisier ! Tout le monde a parlé de ce que tu as fait… [4] Mais Chorazeïn ne s’est pas convertie, bien que tes gestes, plus encore que ta parole, auraient dû l’obtenir. La mère a travaillé au grain… Mais elle a peu de santé… Nous savons, nous savons.

      – Eh bien, je ne vous demande pas d’en faire des oisifs, mais de les aider. Vous trouverez l’occasion de les occuper à ceci ou cela. Pensez à Joseph, et que la juste rétribution soit complétée par votre affectueuse pitié.

      – Oh ! Maître ! Si peu ? Moi, je dirais… qu’en dis-tu, ma femme ? Moi, je dirais de prendre les deux fillettes qui glaneront chez nous. La maison est grande et toi, tu es vieille, tout comme Marie et Noémie… Pour les petites choses…

      – C’est ce que nous ferons, Jude, en souvenir de notre petite… notre unique fille, Seigneur… Elle a fleuri trois printemps… et puis… Bien des années ont passé, mais la douleur est toujours là… Si tu avais été parmi nous, elle ne serait pas morte… Je ne l’aurais pas perdue… Une fille, c’est toujours un sourire… »

      La femme est émue et le vieillard soupire.

      « Elle n’est pas perdue… Elle vous attend… C’est une âme innocente, soyez donc certains de la retrouver. Il faut craindre davantage pour les enfants qui sont adultes et ne sont pas parfaitement sur les chemins du Seigneur…

      – C’est vrai ! C’est vrai !… Tu sais, Seigneur… Tu sais tout. Dans cette maison si tranquille, il y a cette douleur… Maître, le sacrifice peut obtenir la grâce, parfois ?

      – Pas parfois : toujours.

      – Ah ! que c’est doux de t’entendre le dire. Va en paix, Maître. La veuve de Chorazeïn sera aidée et tu les trouveras contents au printemps, car si tu les recommandes pour l’hiver, c’est signe que tu ne reviendras pas avant le printemps.

      – Je ne reviens pas… Je descends en Judée et je ne reviens pas.

      466.5 – Le petit disciple aussi se rend en Judée ?

      – Oui, Marziam vient en Judée…

      – C’est un long voyage, Maître. Il est vraiment maigrichon…

      – Il a perdu son dernier parent. Vous connaissez son histoire… et cette nouvelle douleur l’a affaibli.

      – C’est aussi l’âge et la croissance… Mais nous somme au courant… et savons aussi le bien qu’il fait. C’est un petit maître, vraiment un petit maître… Son parent se trouvait dans la plaine d’Esdrelon, n’est-ce pas ? Et il est mort là ? Il a beaucoup souffert là-bas ?

      – Oui, femme. Pourquoi me poses-tu cette question ?

      – Parce que… je ne devrais pas le dire à toi qui es Maître, mais moi, je suis femme et mère, et j’ai pleuré… Je te dis : pourquoi veux-tu l’emmener si loin ? Laisse-le-moi jusqu’à Jérusalem… Il me semblera descendre encore à la cité sainte avec nos jeunes enfants… et lui ne se fatiguera pas et ne souffrira pas davantage. Les autres disciples viennent aussi… »

      Jésus réfléchit. Il objecte :

      « Marziam est heureux d’être avec moi, et moi avec lui.

      – Oui, mais si tu le lui dis, il obéira avec plaisir. Ce ne seront que quelques jours de séparation. Qu’est-ce qu’un peu plus de deux semaines pour quelqu’un de si jeune ? Il aura le temps de profiter de ta présence… »

      Jésus la regarde, regarde son mari. Tous les deux ignorent que le temps qui reste pour profiter du Sauveur n’est plus bien long. Mais il garde le silence. Il ouvre les bras comme pour dire : “ Qu’il soit fait comme vous le voulez ” et dit seulement :

      « Alors, appelez Marziam et Simon. »

      Le vieil homme sort et revient avec les deux hommes. Simon a le regard inquisiteur. Il semble soupçonner je ne sais quoi. Mais quand il entend le motif, il se calme et répond :

      « Que Dieu vous récompense ! Mon fils est très fatigué et, à vrai dire, il me paraissait imprudent de le faire tant marcher…

      – Mais je venais volontiers ! J’étais avec le Maître, et si le Maître m’emmenait avec lui, c’était signe que ça m’était possible… Lui fait tout très bien…»

      Il y a presque des larmes dans la voix de Marziam.

      « C’est vrai, Marziam. Mais il faut aussi se montrer compréhensif. Ce sont deux bons amis, pour moi et pour tous mes amis. Pour ma part, je consens à leur désir et toi…

      – Comme tu veux, mon Maître. Mais à Jérusalem…

      – A Jérusalem, tu viens avec moi » promet Jésus.

      Le brave Marziam garde le silence.

      466.6 Ils sortent de la pièce, et Jésus va trouver les disciples qui sont heureux de cette rencontre inespérée.

      Le vieux maître tourne autour du groupe. Jésus le remarque et l’interroge.

      « Voilà, je voudrais entendre ta parole. Tu es fatigué, je le vois. Mais avant le repas qui précède le repos — parce que tu vas te reposer au moins jusqu’au soir — ne diras-tu rien ?

      – Je parlerai avant de partir. Ainsi, même les serviteurs de la maison et ceux des champs pourront m’entendre. Maintenant, ta femme nous appelle, tu vois ?… »

      Et Jésus se lève pour entrer dans la pièce où l’on a préparé les tables pour les hôtes bénis.



[1] Le jeune paralysé guéri sur intercession de Marie lors de la 1ère année de la Vie Publique. Cf. EMV 108.7.

[2] 12 septembre (15 Tisri) cette année-là.

[3] Cf. Matthieu 10,42 – Marc 9,41.

[4] Jésus a travaillé comme menuisier pour terminer les commandes et éviter la faillite. Cf. EMV 267.



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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 30 Nov - 20:15

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

467. La parabole sur la distribution des eaux. Pardon conditionnel au paysan Jacob

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 160.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 467.

Vision du lundi 5 août 1946.

Lundi 13 août 29
Chorazeïn


      467.1. Manifestement, la nouvelle que le Maître est là et qu’il va parler avant le soir s’est répandue. Les alentours de la maison fourmillent de gens qui parlent tout bas, sachant que le Maître se repose ; comme ils ne veulent pas le réveiller, ils attendent patiemment sous les arbres qui les défendent du soleil, mais pas de la chaleur, encore forte. Il n’y a pas de malades, à ce qu’il me semble, mais comme toujours il y a des enfants, et Anne leur fait distribuer des fruits pour qu’ils restent tranquilles.

      Mais Jésus ne dort pas longtemps, et le soleil est encore haut sur l’horizon quand il apparaît, écartant le rideau et souriant à la foule. Il est seul. Les apôtres continuent probablement à dormir. Jésus se dirige vers les gens pour aller se placer du côté de la margelle basse d’un puits. Ce puits sert certainement à l’irrigation des arbres de ce verger, car de petits canaux en partent en éventail pour aller d’arbre en arbre. Il s’assied sur la margelle, et se met aussitôt à parler.

      467.2 « Ecoutez cette parabole.

      Un riche seigneur avait beaucoup de gens qui dépendaient de lui, répartis ici et là dans ses possessions. Ces dernières n’étaient pas toutes riches en eau et en terres fertiles. Il y avait aussi des endroits qui souffraient de l’aridité et, plus que les lieux, c’étaient les personnes qui souffraient car, si le terrain était couvert de plantations qui résistaient à la sécheresse, les cultivateurs ressentaient péniblement la rareté de l’eau. Le riche seigneur avait au contraire, à l’endroit où il habitait, un lac toujours rempli, alimenté par des sources souterraines.

      Un jour, le seigneur se décida à faire un voyage à travers ses possessions. Il vit que certaines, les plus proches du lac, avaient de l’eau en abondance ; les autres, éloignées, en étaient privées : ils n’avaient que le peu de pluie que Dieu leur envoyait. Il vit aussi que ceux qui en avaient à profusion n’étaient pas bons à l’égard de leurs frères qui en manquaient, et ils lésinaient même sur le moindre seau d’eau en invoquant comme excuse la crainte de rester eux mêmes à sec. Le seigneur réfléchit. Il prit une décision : “ Je vais dévier le trop-plein de mon lac vers les plus proches, et je leur donnerai l’ordre de ne plus refuser l’eau à mes serviteurs éloignés qui souffrent de la sécheresse du sol. ”

      Il entreprit tout de suite les travaux. Il fit creuser des canaux qui amenaient la bonne eau du lac à ses propriétés les plus proches, où il fit creuser de grandes citernes, de façon que le précieux liquide s’y rassemble en quantité, augmentant ainsi les ressources en eau du lieu. De celles-ci, il fit partir des canaux moins importants pour alimenter d’autres citernes plus éloignées. Ensuite, il appela ceux qui vivaient au plus près, et il leur dit : “ Souvenez-vous que ce que j’ai fait n’a pas pour but de vous donner du superflu, mais de favoriser par votre intermédiaire ceux qui manquent même du nécessaire. Soyez donc miséricordieux comme je le suis. ” Et il les congédia.

      467.3 Le temps passant, le riche seigneur entreprit un nouveau voyage à travers toutes ses possessions. Il vit que les plus proches s’étaient embellies et qu’elles n’étaient pas seulement riches en plantes utiles, mais aussi en plantes ornementales, en piscines, en fontaines, en bassins établis dans les maisons un peu partout et dans le voisinage.

      “ Vous avez fait de ces demeures des maisons de riches ” observa le seigneur. “ Même moi, je n’ai pas tant de beautés superflues. ” Et il demanda : “ Mais les autres viennent-ils ? Leur avez-vous donné abondamment ? Les petits canaux sont-ils alimentés ?

      – Oui, ils ont eu tout ce qu’ils ont demandé. Ils sont même exigeants, ils ne sont jamais contents, ils n’ont ni prudence ni mesure, ils viennent réclamer à toutes les heures comme si nous étions leurs serviteurs, et nous devons nous défendre pour protéger ce que nous avons. Ils ne se contentaient plus des canaux et des petites citernes, ils viennent jusqu’aux grandes.

      – C’est la raison pour laquelle vous avez entouré vos propriétés de clôtures et mis en chacune des chiens féroces ?

      – Oui, seigneur. Ils entraient sans précautions, ils prétendaient tout nous enlever et abîmaient tout…

      – Mais leur avez-vous réellement donné ? Vous savez que c’est pour eux que j’ai fait cela, et que je vous ai établis comme intermédiaires entre le lac et leurs terres arides ? Je ne comprends pas… J’avais fait prendre suffisamment d’eau du lac pour qu’il y en ait pour tous, mais sans gaspillage.

      – Et pourtant, crois bien que nous ne leur en avons jamais refusé. ”

      Le seigneur se dirigea vers ses possessions plus lointaines. Les grands arbres adaptés à l’aridité du sol étaient verts et feuillus. “ Ils ont dit vrai ”, pensa le seigneur en les apercevant de loin qui frémissaient au vent. Mais il s’en approcha et vit par dessous le terrain brûlé ; les herbes que broutaient péniblement des brebis épuisées étaient presque sèches, les jardins près des maisons envahis par le sable. Puis il vit les premiers cultivateurs, souffrants, l’œil fébrile, et humiliés… Ils le regardaient et baissaient la tête en s’éloignant comme s’ils avaient peur de lui.

      Etonné de cette attitude, il les appela. Ils s’approchèrent en tremblant.

      “ Que craignez-vous ? Ne suis-je plus votre bon seigneur qui a pris soin de vous et qui, par des travaux prévoyants, vous a soulagé de la pénurie de l’eau ? Pourquoi ces visages de malades ? Pourquoi ces terres arides ? Pourquoi les troupeaux sont-ils si chétifs ? Et pourquoi semblez-vous avoir peur de moi ? Parlez sans crainte, dites à votre seigneur ce qui vous fait souffrir. ”

      Un homme prit la parole au nom de tous :

      “ Seigneur, nous avons eu une grande déception et beaucoup de peine. Tu nous avais promis du secours, or nous avons perdu même ce que nous possédions auparavant ainsi que tout espoir en toi.

      – Comment ? Pourquoi ? N’ai-je pas fait venir l’eau en grande quantité aux plus proches, en leur donnant l’ordre de vous faire profiter de cette abondance ?

      – C’est ce que tu as dit ? Vraiment ?

      – Bien sûr. La montée du sol m’empêchait de faire arriver l’eau directement jusqu’ici, mais avec de la bonne volonté, vous pouviez aller aux petits canaux des citernes, avec des outres et des ânes, et prendre autant d’eau que vous vouliez. N’aviez-vous pas assez d’ânes et d’outres ? Et n’étais-je pas là pour vous les donner ?

      – Voilà ! Moi, je l’avais bien dit ! J’ai dit : ‘ Ce ne peut être le seigneur qui a donné l’ordre de nous refuser l’eau ’. Si nous y étions allés !

      – Nous avons eu peur. Ils nous disaient que l’eau était une récompense pour eux et que nous étions punis. ”

      Et ils racontèrent à leur bon maître que les fermiers des possessions bénéficiaires avaient prétendu que le seigneur, pour punir les serviteurs des terres arides qui ne savaient pas produire davantage, avait donné l’ordre de mesurer non seulement l’eau des citernes, mais même celle des puits primitifs. De cette façon, si auparavant ils en avaient pour eux et leurs terres, jusqu’à deux cents mesures par jour qu’il leur fallait porter péniblement sur un long parcours, ils n’en avaient maintenant que cinquante. En outre, pour obtenir cette quantité pour les hommes et pour les animaux, ils devaient aller aux ruisselets voisins des lieux bénis, là où débordait l’eau des jardins et des bains, pour y prendre une eau trouble, et ils mouraient. Ils mouraient de maladie et de soif, les jardins mouraient et aussi les brebis…

      “ Oh ! c’en est trop ! Il faut que cela finisse. Prenez votre mobilier et vos animaux et suivez-moi. Vous allez vous fatiguer un peu, épuisés comme vous l’êtes, mais ensuite ce sera la paix. Je vais marcher lentement, pour permettre à votre faiblesse de me suivre. Je suis un bon maître, un père pour vous, et je pourvois aux besoins de mes enfants. ”

      Et il se mit lentement en chemin, suivi de la triste foule de ses serviteurs et de leurs animaux, tout heureux cependant du réconfort de l’amour de leur bon maître.

      467.4 Ils arrivèrent aux terres bien pourvues en eau. Le maître choisit quelques hommes parmi les plus forts, et il leur dit :

      “ Allez en mon nom demander de quoi vous désaltérer.

      – Et s’ils lancent les chiens contre nous ?

      – Je suis derrière vous, ne craignez rien. Allez dire que c’est moi qui vous envoie et qu’ils ne doivent pas fermer leur cœur à la justice, car toutes les eaux appartiennent à Dieu, et les hommes sont frères. Qu’ils ouvrent tout de suite les canaux. ”

      Ils s’y rendirent, et le maître les suivit. Ils se présentèrent à un portail. Le maître resta caché derrière le mur de clôture. Ils appelèrent. Les fermiers accoururent.

      “ Que voulez-vous ?

      – Ayez pitié de nous, nous mourons. Le maître nous envoie avec l’ordre de prendre l’eau qu’il a fait venir pour nous. Il dit que c’est Dieu qui la lui a donnée ; et que lui vous l’a donnée pour nous, car nous sommes frères, de sorte qu’il vous demande d’ouvrir immédiatement les canaux.

      – Ah ! Ah ! ” dirent en riant les sans-cœur. “ Des frères, cette troupe de déguenillés ? Vous mourez ? Tant mieux. Nous prendrons vos terrains, nous y amènerons l’eau. Alors, oui, nous l’amènerons et nous rendrons ces lieux fertiles. L’eau pour vous ? Imbéciles ! L’eau nous appartient.

      – Pitié, nous mourons. Ouvrez, c’est l’ordre du maître. ”

      Les cruels fermiers se consultèrent, puis ils dirent : “ Attendez un moment ” et ils s’en allèrent en courant. Puis ils revinrent et ouvrirent, mais ils avaient des chiens et de lourdes matraques… Les pauvres prirent peur. “ Entrez, entrez… Vous n’entrez pas, maintenant que nous vous avons ouvert ? Ensuite vous direz que nous n’étions pas généreux… ”

      Un imprudent entra et une grêle de coups de bâtons tombèrent sur lui, pendant que les chiens détachés s’élançaient sur les autres.

      Le maître sortit alors de derrière le mur.

      “ Que faites-vous, misérables ? Maintenant, je vous connais, vous et vos animaux, et je vous frappe. ”

      Et il lança des flèches contre les chiens et entra ensuite, l’air sévère et courroucé.

      “ C’est ainsi que vous exécutez mes ordres ? C’est pour cela que je vous ai donné ces richesses ? Appelez tous vos proches, je veux vous parler. Quant à vous ” ajouta-t-il en s’adressant aux serviteurs assoiffés, “ entrez avec vos femmes et vos enfants, vos brebis et vos ânes, vos pigeons et vos autres animaux, buvez, rafraîchissez-vous et cueillez ces fruits juteux. Et vous, petits innocents, courez parmi les fleurs. Profitez-en. La justice est dans le cœur du bon maître et la justice sera pour tous. ”

      Et pendant que les assoiffés couraient aux citernes et se plongeaient dans les piscines, que les bestiaux allaient aux bassins, et que tout était allégresse pour eux, les autres accouraient de tous côtés, craintifs.

      467.5 Le maître monta sur le bord d’une citerne et dit :

      “ J’avais fait ces travaux et je vous avais rendus dépositaires de mes ordres et de ces trésors, car je vous avais choisis pour être mes ministres. Vous avez échoué dans l’épreuve. Vous paraissiez bons. Vous vous deviez de l’être, car le bien-être devrait rendre bons, reconnaissants envers le bienfaiteur, et je vous avais toujours favorisés en vous donnant la location de ces terres bien irriguées. L’abondance et mon élection vous ont rendus durs de cœur, plus secs que les terres que vous avez fait devenir complètement arides, plus malades que ces assoiffés. Eux en effet, avec l’eau peuvent guérir, alors que vous, avec votre égoïsme, avez brûlé votre âme qui aura beaucoup de mal à guérir, et c’est bien difficilement que reviendra en vous l’eau de la charité. Maintenant, je vous punis. Allez dans leurs terres et souffrez ce qu’eux ont souffert.

      – Pitié, Seigneur ! Pitié pour nous ! Tu veux donc nous faire périr ? Tu as moins de pitié pour nous, les hommes, que nous pour les animaux ?

      – Et eux, que sont-ils ? Ne sont-ils pas des hommes, vos frères ? Quelle pitié aviez-vous ? Ils vous demandaient de l’eau, vous leur donniez des coups de bâtons et des sarcasmes. Ils vous demandaient ce qui m’appartient et que je vous avais confié, or vous le refusiez en disant que c’était à vous. A qui est l’eau ? Moi-même, je ne prétends pas que l’eau du lac m’appartient, bien que le lac m’appartienne. L’eau est à Dieu. Qui de vous a créé une seule goutte de rosée ? Allez !… Et je vous dis, à vous qui avez souffert : soyez bons. Faites-leur ce que vous auriez voulu qu’il vous soit fait. Ouvrez les canaux qu’eux ont fermés et faites-leur couler l’eau dès que vous le pourrez. Je fais de vous mes distributeurs pour ces frères coupables auxquels je laisse la possibilité et le temps de se racheter. Et c’est le très-haut Seigneur, plutôt que moi, qui vous confie la richesse de ses eaux pour que vous deveniez la providence de ceux qui en manquent. Si vous savez le faire avec amour et justice, en vous contentant du nécessaire, en donnant le superflu aux malheureux, en vous montrant justes, en n’appelant pas vôtre ce qui est don reçu ou plutôt don confié, grande sera votre paix, et l’amour de Dieu et le mien seront toujours avec vous. ”

      467.6 La parabole est finie, et tout le monde peut la comprendre. Je veux vous dire par là que l’homme riche est dépositaire de la richesse que Dieu lui accorde avec l’ordre de la redistribuer à ceux qui souffrent. Réfléchissez à l’honneur que Dieu vous fait en vous appelant à collaborer à l’œuvre de la Providence en faveur des pauvres, des malades, des veuves, des orphelins. Il pourrait faire pleuvoir de l’argent, des vêtements, des vivres sur les pas des pauvres. Mais dans ce cas, il enlèverait au riche de grands mérites : ceux de la charité envers leurs frères. Tous les riches ne peuvent être savants, mais tous peuvent être bons. Tous ne peuvent soigner les malades, ensevelir les morts, visiter les malades et les prisonniers. Mais tous les riches, ou même simplement ceux qui ne sont pas pauvres, peuvent donner un pain, une gorgée d’eau, un vêtement qu’on ne porte plus, accueillir près du feu celui qui tremble de froid, ou sous son toit l’homme sans maison, et qui est sous la pluie ou en plein soleil. L’indigent, c’est celui qui manque du nécessaire pour vivre. Les autres, qui ont des moyens limités, sans être pauvres, sont même riches par rapport à ceux qui meurent de faim, de privations ou de froid.

      Je m’en vais. Je ne puis faire de bien aux pauvres dans ces parages. Et mon cœur souffre en pensant qu’ils perdent un ami… Eh bien, moi qui vous parle — et vous savez qui je suis —, je vous demande d’être la providence des pauvres privés de leur Ami miséricordieux. Faites l’aumône, et aimez-les en mon nom, en souvenir de moi… Continuez mon œuvre. Soulagez par cette promesse mon cœur accablé : engagez-vous à toujours me reconnaître dans les pauvres, à les accueillir comme les plus vrais représentants du Christ qui est pauvre, qui a voulu être pauvre pour l’amour des plus malheureux sur la terre, et pour expier, par ses privations et son poignant amour, les prodigalités injustes et les égoïsmes des hommes.

      Souvenez-vous ! La charité, la miséricorde sont récompensées éternellement. Souvenez-vous ! La charité, la miséricorde absolvent des fautes. Dieu pardonne beaucoup à celui qui aime, et l’amour pour les indigents qui ne peuvent rien donner en échange est le plus méritoire aux yeux de Dieu. Rappelez-vous les paroles que je vous dis jusqu’à la fin de votre vie, ainsi vous serez sauvés et bienheureux dans le royaume de Dieu.

      Que ma bénédiction descende sur ceux qui reçoivent la parole du Seigneur et la mettent en pratique. »

      467.7 Les apôtres, Marziam et les disciples sont sortis tout doucement de la maison pendant qu’il parlait ; ils forment un groupe compact derrière la foule. Mais dès que Jésus a fini de parler, ils s’avancent, recueillent en passant l’obole que beaucoup offrent, et apportent l’argent à Jésus.

      Derrière eux se glisse un homme chétif qui a bien triste mine. Il avance, la tête si penchée que je ne puis voir son visage. Il va aux pieds de Jésus et, en se battant la poitrine, il gémit :

      « J’ai péché, Seigneur, et tu m’as puni. Je l’ai bien mérité. Mais donne-moi au moins ton pardon avant de partir. Aie pitié de Jacob le pécheur ! »

      Il lève la tête, et je reconnais, à son nom plus qu’à son aspect ravagé, le paysan favorisé une fois, et puni à une autre occasion à cause de sa dureté envers les deux orphelins [1].

      « Mon pardon ! Tu voulais guérir de cela autrefois, et tu t’inquiétais parce que ton grain était abîmé. Eux ont semé pour toi. Serais-tu donc privé de pain ?

      – J’en ai suffisamment.

      – Et n’est-ce pas là un signe de pardon, peut-être? »

      Jésus est très sévère.

      « Non, je préférerais mourir de faim, mais avoir l’âme en paix. Avec le peu que j’avais, j’ai essayé de réparer… J’ai prié et pleuré… Mais toi seul peut pardonner et donner la paix à mon âme. Seigneur, je ne te demande que le pardon… »

      Jésus le regarde fixement… Il lui fait lever la tête, que l’homme a baissée, et il le sonde de ses yeux splendides en restant un peu penché sur lui… Puis il dit :

      « Va, tu obtiendras ou non mon pardon selon la façon dont tu vivras dans le temps qui te reste.

      – Mon Seigneur, non, pas comme ça ! Tu as pardonné des fautes plus grandes…

      – Ce n’étaient pas des personnes qui avaient reçu des bienfaits comme toi, et elles n’avaient pas péché contre des innocents. Le pauvre est toujours sacré, mais la veuve et l’orphelin plus encore. Tu ne connais pas la Loi ?… »

      L’homme pleure. Il voulait un pardon immédiat.

      Jésus résiste :

      « Tu es descendu deux fois et tu ne t’es pas pressé de remonter… Souviens-toi. Ce que tu t’es permis, toi, un homme, Dieu peut se le permettre. Dieu est toujours très bon s’il te dit qu’il ne te refuse pas absolument le pardon, mais le fait dépendre de ta façon de vivre jusqu’à la mort. Va.

      – Bénis-moi, au moins… Pour que j’aie davantage la force d’être juste.

      – J’ai déjà béni.

      – Non, pas ainsi. Bénis-moi en particulier. Tu vois mon cœur… »

      Jésus lui pose la main sur la tête et lui dit :

      « J’ai parlé. Mais que cette caresse te persuade que, si je suis sévère, je ne te déteste pas. La sévérité de mon amour a pour but de te sauver, de te traiter en ami malheureux, non parce que tu es pauvre, mais parce que tu as été mauvais. Souviens-toi que je t’ai aimé, que j’ai eu pitié de ton âme, et que ce souvenir te rende désireux de m’avoir pour ami, un ami qui ne soit plus sévère.

      – Quand, Seigneur ? Où te trouverai-je, si tu dis que tu t’en vas ?

      – Dans mon Royaume.

      – Quel royaume ? Où le fondes-tu ? J’y viendrai…

      – Mon Royaume sera dans ton cœur si tu le rends bon, puis il sera au Ciel. Adieu. Je dois partir parce que le soir vient, et je dois bénir ceux que je quitte. »

      Après l’avoir congédié, Jésus se tourne vers les disciples et les maîtres de maison, qu’il bénit un par un.

      467.8 Puis, après avoir confié l’argent à Judas, il reprend la route vers le sud-ouest, en direction de Capharnaüm et le groupe disparaît dans la nature verdoyante…

      « Tu marches trop vite, Maître ! » s’écrie Pierre. « Nous sommes fourbus. Nous avons déjà parcouru tant de stades…

      – Tiens bon, Simon. Nous serons bientôt en vue de Chorazeïn. Vous y entrerez et irez dans les quelques maisons qui nous sont amies, et spécialement chez la veuve. Vous direz au petit Joseph que je veux le saluer à l’aube. Vous me l’amènerez sur la route qui monte vers Giscala…

      – Mais tu n’entres pas dans Chorazeïn ?

      – Non, je vais prier sur la montagne.

      – Tu es à bout, tu es pâle… Pourquoi te négliges-tu ?… Et pourquoi ne viens-tu pas avec nous ?… Pourquoi n’entres-tu pas dans la ville ?… »

      Ils l’accablent de questions. Leur affection est parfois fatigante.

      Mais Jésus est patient… et patiemment, il répond :

      « Vous le savez bien : la prière est mon repos. Et être dans la foule m’épuise quand je n’y suis pas pour guérir ou évangéliser. J’irai donc sur la montagne, là où je suis allé d’autres fois. Vous connaissez l’endroit.

      – Sur le sentier qui mène chez Joachim [2] ?

      – Oui, vous savez où me trouver. A l’aube, je viendrai à votre rencontre…

      – Et… nous irons vers Giscala ?

      – C’est la bonne route pour avancer en direction de la frontière syro-phénicienne. J’ai dit à Afec que je m’y rendrais. Je le ferai donc.

      – C’est que… Tu ne te rappelles pas la dernière fois [3] ?

      – Ne crains rien, Simon. Ils ont changé de manière. Pour le moment, ils m’honorent…

      – Oh ! Ils t’aiment, alors ?

      – Non, ils me haïssent plus encore qu’avant. Mais, ne pouvant m’abattre par la force, ils essaient d’y parvenir par la ruse. Ils essaient de séduire l’Homme… Et pour séduire, ils se servent des honneurs, même s’ils sont faux. Et même… 467.9 Venez tous près de moi » dit-il ensuite aux autres qui, voyant que Jésus parlait avec Pierre en particulier, avançaient en groupe.

      Ils se réunissent. Jésus reprend :

      « Je disais à Simon — et je vous le dis à tous, car je n’ai pas de secret pour mes amis — que mes ennemis ont changé de façon de me nuire, mais pas d’opinion à mon sujet. Aussi, de même qu’auparavant ils utilisaient l’insulte et la menace, ils se servent maintenant des honneurs. A mon égard, mais sûrement aussi envers vous. Soyez donc forts et sages. Ne vous laissez pas tromper par des paroles mensongères, par des cadeaux, par des séductions. Rappelez-vous ce que dit le Deutéronome : “ Les cadeaux aveuglent les yeux des sages et altèrent les paroles des justes. ” [4] Rappelez-vous Samson : il était nazir [5] de Dieu depuis sa naissance, dès le sein de sa mère, qui le conçut et le forma dans l’abstinence par l’ordre de l’ange pour qu’il devienne un juste juge d’Israël. Mais où a fini tant de bien ? Et comment ? Et par qui ? C’est bien par les honneurs et l’argent, et par des femmes payées dans ce but, que sa force fut abattue pour faire le jeu des ennemis [6].

      Maintenant, prenez garde, veillez pour n’être pas surpris par le mensonge et pour ne pas servir les ennemis, même inconsciemment. Sachez vous garder libres comme les oiseaux qui préfèrent une nourriture frugale et une branche pour se reposer, plutôt que des cages dorées où la nourriture est abondante et où il y a un nid confortable, mais où le caprice des hommes les retient prisonniers. Pensez que vous êtes mes apôtres, donc des serviteurs de Dieu seul, comme moi je suis voué uniquement à la Volonté du Père. Ils chercheront à vous séduire — peut-être l’ont-ils déjà fait —, en vous prenant chacun par votre point faible, car les serviteurs du Mal sont rusés, étant instruits par le Malin. Ne croyez pas à leurs paroles : elles ne sont pas sincères. Si elles l’étaient, je serais le premier à vous dire : “ Saluons-les comme nos bons frères. ” Au contraire, il faut se défier de leurs actions et prier pour qu’ils deviennent bons. Moi, je le fais. Je prie pour vous, afin que vous ne soyez pas trompés par cette nouvelle tactique, et pour eux, afin qu’ils cessent d’ourdir des complots contre le Fils de l’homme et d’offenser Dieu son Père. Et vous, imitez-moi. Priez beaucoup l’Esprit-Saint, qu’il vous donne des lumières pour y voir clair. Soyez purs si vous voulez l’avoir pour ami. Avant de vous quitter, je veux vous fortifier. Je vous absous si jusqu’à présent vous avez péché. Je vous absous de tout. A l’avenir, soyez bons, sages, chastes, humbles et fidèles.

      Que la grâce de mon absolution vous fortifie… 467.10 Pourquoi pleures-tu, André ? Et toi, pourquoi te troubles-tu, mon frère ?

      – Parce que cela ressemble à un adieu… répond André.

      – Crois-tu donc que je vous saluerais si brièvement ? Ce n’est qu’un conseil pour ces temps. Je vois que vous êtes tous troublés. Cela ne doit pas se produire. Le trouble fragilise la paix. Or vous devez toujours être paisibles. Vous êtes au service de la Paix, et elle vous aime tant, qu’elle vous a choisis comme ses premiers serviteurs. Elle vous aime. Vous devez donc être sûrs qu’elle vous aidera toujours, même quand vous serez restés seuls. La Paix, c’est Dieu. Si vous êtes fidèles à Dieu, il sera en vous. Et dans ce cas, qu’avez-vous à craindre ? Qui pourra vous séparer de Dieu, si vous ne vous mettez pas en situation de le perdre ? Seul le péché sépare de Dieu. Mais le reste : tentations, persécutions, mort, même la mort, ne séparent pas de Dieu. Au contraire, elles unissent davantage à lui, car toute tentation vaincue vous fait monter d’un degré vers le Ciel, les persécutions vous obtiennent un redoublement d’amour protecteur de Dieu et la mort d’un saint ou d’un martyr n’est qu’une union avec le Seigneur Dieu. En vérité, je vous dis que, hormis les fils de perdition, aucun de mes grands disciples ne mourra plus, avant que j’aie ouvert les portes des Cieux. Aucun donc de mes disciples fidèles ne devra attendre l’étreinte de Dieu après être passé de cet exil de ténèbres aux lumières de l’autre vie. Je ne vous dirais pas cela si ce n’était pas vrai. Vous voyez. Même aujourd’hui, vous avez vu quelqu’un qui, après l’égarement, est revenu sur les chemins de la justice. Il ne faudrait pas pécher, mais Dieu est miséricordieux et il pardonne à l’homme qui se repent. Et celui qui se repent peut surpasser même celui qui n’a pas péché, si son repentir est absolu, et héroïque la vertu qui succède au repentir. Il sera si doux de se retrouver là-haut ! Vous voir monter vers moi et, moi, courir à votre rencontre pour vous embrasser, et vous conduire à mon Père en disant : “ Voici un des mes bien-aimés. Il m’a toujours aimé et il t’a donc toujours aimé à partir du moment où je lui ai parlé de toi. Maintenant, il est venu. Bénis-le, mon Père, et que ta bénédiction soit sa couronne resplendissante. ” Mes amis… Amis ici, et amis au Ciel. Ne pensez-vous pas que tout sacrifice est léger pour obtenir cette joie éternelle ? 467.11 Vous voilà désormais rassérénés. Séparons-nous ici. Je monte là-haut. Quant à vous, soyez bons… Donnons-nous un baiser… »

      Et il les embrasse un par un. Judas pleure en l’embrassant. Il a attendu d’être le dernier, lui qui cherche toujours à passer en premier, et il reste enlacé à Jésus, lui donnant plusieurs baisers et lui murmurant dans les cheveux près de l’oreille :

      « Prie, prie, prie pour moi… »

      Ils se séparent. Jésus part vers la colline et les autres poursuivent la route jusqu’à Chorazeïn, dont on aperçoit déjà les maisons blanches dans la verdure des arbres.



[1] Il s'agit de Marie et Mathias de Kouza. Jacob apparaît pour sa part en EMV 110 et en EMV 298. Dans le premier épisode, il accueille Jésus malgré sa pauvreté, et celui-ci bénit sa propriété. Dans le second épisode, Jésus revient sur les terres de Jacob, qui sont très fertiles et qui ont rendu le paysan très riche. Mais le Seigneur se rend alors compte de la méchanceté et de la dureté de cet homme vis-à-vis de deux orphelins à qui il ne veut même pas donner un pain. Le Seigneur retire alors sa bénédiction en guise de châtiment, de sorte que ses terres deviendront stériles et que Jacob devra vivre de ses réserves.

[2] Peut-être Joachim, le pharisien comploteur de Capharnaüm qui, de ce fait, aurait sa propriété en dehors de la ville, sur la route de Corozaïn.

[3] Giscala est un grand centre de formation rabbinique situé au nord-ouest du Mont Méron, près des ruines de l’antique Hazor. La troupe apostolique s’est fait chasser à coup de pierres par une centaine de rabbins et leurs élèves. L’une d’elles, lancée par Sadoc le scribe, a blessé Jésus à la main. Cf. EMV 340.

[4] Deutéronome 16,19

[5] Consacré à Dieu par vœu.

[6] Juges, chapitres 1314 et 15.




Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Jesus_28
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 1 Déc - 21:35

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

468. Un repentir de Judas et les phases qui illustrent sa figure

Ancienne édition : Tome 7, chapitres 161 et 162.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 468.

Dictée et vision du samedi 23 septembre 1944.

Lundi 13 août 29
Chorazeïn


      468.1 Jésus dit :

      « Entre-temps, je te dis que, si vous faites une œuvre régulière, vous devez placer l’épisode de mercredi (20 septembre 1944) un an avant ma mort, car il tombe à l’époque de la moisson de ma trente-deuxième année [1].

      Des nécessités de réconfort et d’instruction pour toi, ma bien-aimée, et pour d’autres, m’ont contraint à suivre un ordre spécial pour donner les visions et les dictées qui s’y rapportaient. Mais je vous indiquerai, au moment voulu, comment répartir les épisodes des trois années de vie publique.

      L’ordre des évangiles est bon, mais pas parfait chronologiquement parlant. Un observateur attentif le remarque. Celui qui aurait pu donner l’ordre exact des faits — puisqu’il est resté avec moi depuis le commencement de l’évangélisation jusqu’à mon Ascension —, ne l’a pas fait. En effet Jean, en vrai fils de la Lumière, s’est occupé et préoccupé de faire briller la Lumière à travers son vêtement de chair aux yeux des hérétiques qui attaquaient la réalité de la Divinité enfermée dans une chair humaine. Le sublime évangile de Jean a atteint son but surnaturel, mais la chronique de ma vie publique n’en a pas été aidée.

      Les trois autres évangélistes sont semblables en ce qui concerne les faits, mais ils altèrent l’ordre du temps, car un seul des trois a été présent à presque toute ma vie publique : Matthieu, et il ne l’a mise par écrit que quinze ans plus tard. Quant aux autres, ils l’ont fait encore plus tard, et après en avoir entendu le récit de ma Mère, de Pierre, ainsi que des autres apôtres et disciples.

      Je veux vous guider pour réunir les faits des trois ans, année par année.

      Et maintenant, vois et écris : cet épisode suit celui de mercredi (20 septembre 1944). »

      468.2 Je vois Jésus aller et venir lentement sur un sentier champêtre éclairé par la lune. C’est la pleine lune, et sa face riante resplendit dans un ciel absolument serein mais, en raison de sa position dans le ciel où elle se prépare à se coucher, je déduis qu’il doit être plus de minuit.

      Jésus marche en réfléchissant et, j’en suis sûre, en priant, bien que je n’entende pas de paroles. Mais il ne perd pas de vue ce qui l’entoure. Il s’arrête une fois pour écouter, tout sourire, le long chant d’un rossignol amoureux qui exécute toute une mélodie d’arpèges, de trilles et de notes seules, bien tenues, si fortes et si prolongées qu’il paraît impossible que cela vienne de ce petit être qui n’est que plumes. Pour ne pas le troubler, même pas par le bruit des sandales sur le gravier du sentier et du vêtement frôlant l’herbe, Jésus s’est arrêté, les bras croisés, le visage levé et souriant. Il va jusqu’à fermer à demi les yeux pour mieux se concentrer sur ce qu’il entend et, quand le rossignol termine par un son aigu qui monte, monte, monte par intervalles de tierce (si j’ai bon souvenir) et finit par une note suraigüe, tenue aussi longtemps que le souffle le lui permet, il approuve et applaudit sans mot dire en inclinant deux ou trois fois la tête avec un sourire de satisfaction.

      Le voilà maintenant qui se penche sur une touffe de chèvrefeuille en fleurs dont les milliers de calices blancs répandent une odeur pénétrante. Ils ressemblent à des bouches de serpents qui baillent, où tremble la langue des pistils jaunâtres et où brille une trace d’or sur le pétale inférieur. Les fleurs, sous le rayon de lune, paraissent encore plus blanches, comme argentées. Jésus les admire, respire leur parfum et les caresse de la main.

      Il revient sur ses pas. L’endroit doit être légèrement élevé, car le clair de lune laisse entrevoir au sud une partie du lac certainement, car c’est quelque chose qui brille comme du verre éclairé par la lune. Or ce n’est ni un fleuve ni la mer, étant donné qu’on le voit bordé de collines du côté opposé à celui où se trouve Jésus.

      Jésus contemple ce paisible miroir d’eau dans le calme d’une nuit d’été. Puis il fait un quart de tour sur lui-même, du sud à l’ouest, et regarde un village qui blanchit, éloigné au maximum de deux kilomètres — plutôt moins que plus. C’est un beau village. Il s’arrête pour l’admirer, et secoue la tête en suivant une pensée qui l’afflige beaucoup.

      Il reprend ensuite sa promenade lente et sa prière jusqu’au moment où il s’assied sur une grosse pierre, au pied d’un arbre très élevé, et prend sa position habituelle : les coudes sur les genoux et les avant-bras en avant, avec les mains jointes pour la prière.

      468.3 Il reste ainsi un moment et se serait attardé si un homme, une ombre, ne s’était avancé de la touffe d’arbres vers lui et ne l’avait appelé :

      « Maître ? »

      Jésus se retourne — car l’homme arrive par derrière — et il lui dit :

      « Judas ? Que veux-tu ?

      – Où es-tu, Maître ?

      – Au pied du noyer. Avance. »

      Et Jésus se lève et vient sur le sentier au clair de la lune, pour que Judas puisse le voir.

      « Tu es venu, Judas, pour tenir un peu compagnie à ton Maître ? »

      Ils sont maintenant l’un près de l’autre, et Jésus passe affectueusement un bras sur l’épaule du disciple.

      « Ou bien a-t-on besoin de moi à Chorazeïn ?

      – Non, Maître, aucunement. J’ai eu le désir de venir te trouver.

      – Alors viens. Il y a de la place pour tous les deux sur ce rocher. »

      Ils s’asseyent l’un près de l’autre. Le silence s’installe. Judas ne dit rien. Il lève les yeux vers Jésus. Il lutte.

      Jésus veut l’aider. Il le regarde avec douceur, d’un air pénétrant.

      « Quelle belle nuit, Judas ! Vois comme tout est pur ! Je crois que la première nuit qui a ri sur la terre et sur le sommeil d’Adam au paradis terrestre ne l’était pas davantage. Sens le parfum de ces fleurs, respire, mais ne les cueille pas. Elles sont si belles et si pures ! Je m’en suis abstenu, moi aussi, parce que les cueillir, c’est les profaner. Il est toujours mal d’user de violence, pour la plante comme pour l’animal, pour l’animal comme pour l’homme. Pourquoi enlever la vie ? Elle est si belle quand elle est bien employée !… Et ces fleurs l’emploient bien, car elles exhalent leur parfum, réjouissent par leur aspect et leur odeur, donnent du miel aux abeilles et aux papillons, et leur cède l’or de leur pistil pour mettre de petites gouttes de topaze sur la perle de leurs ailes, et servent de lit aux nids… Si tu avais été là il y a un instant, tu aurais entendu un rossignol chanter doucement sa joie de vivre et de louer le Seigneur. Chers oiseaux ! Quel exemple pour les hommes ! Ils se contentent de peu, et seulement de ce qui est permis et saint : un grain et un petit ver, car c’est le Père Créateur qui le leur à donné. Et s’ils n’en ont pas, ils n’éprouvent ni colère ni dépit, mais ils trompent la faim de leur chair par le trop-plein de leur cœur qui leur fait chanter les louanges du Seigneur et les joies de l’espérance. Ils sont heureux d’être fatigués d’avoir voleté de l’aube jusqu’au soir pour se faire un nid tiède, douillet, sûr, non par égoïsme, mais par amour pour leurs petits. Et ils chantent de la joie de s’aimer honnêtement, le rossignol pour sa compagne et tous les deux pour leurs oisillons. Les animaux sont toujours heureux, car ils n’éprouvent pas de remords, leur cœur ne leur reproche rien. C’est nous qui les rendons malheureux parce que l’homme est mauvais, sans respect, dominateur, cruel. Et il ne lui suffit pas de l’être envers ses semblables, sa malveillance se déverse sur les êtres inférieurs. Plus il a en lui de remords, plus sa conscience le tarabuste, et plus il exerce sa méchanceté sur les autres. Je suis certain qu’il n’avait pas l’âme tranquille, ce cavalier qui, aujourd’hui, éperonnait jusqu’au sang son cheval tout en sueur, épuisé, et le cravachait jusqu’à lui faire dresser le poil sur le cou, sur les flancs, et jusque sur ses naseaux et sur ses sombres paupières qui se fermaient douloureusement sur ses yeux si résignés et si doux : soit il allait commettre un crime contre l’honnêteté, soit il venait d’en faire un. »

      Jésus se tait et pense.

      468.4 Judas lui aussi, garde le silence. Il réfléchit. Puis il dit :

      « Comme c’est beau, Maître, de t’entendre parler ainsi ! Tout devient clair aux yeux, à l’esprit, au cœur… et tout redevient facile, même de dire : “ Je veux être bon ! ” Même de te dire… même de te dire… de te dire : “ Maître, moi aussi j’ai l’âme troublée ! N’aie pas de dégoût pour moi, Maître, toi qui aimes celui qui est pur !

      – Oh ! mon Judas ! Moi, du dégoût ? Mon ami, mon fils, qu’est-ce qui te trouble ?

      – Garde-moi avec toi, Maître. Tiens-moi serré contre toi… J’ai juré d’être bon depuis que tu m’as parlé si doucement. J’ai juré de redevenir le Judas des premiers jours, quand je te suivais et que je t’aimais comme un époux aime son épouse, quand je ne rêvais qu’à toi, trouvant en toi toute satisfaction. C’est ainsi que je t’aimais Jésus…

      – Je le sais… et c’est pour cela que je t’ai aimé… Mais je t’aime encore, mon pauvre ami blessé…

      – Comment sais-tu que je le suis ? Sais-tu de quoi ?… »

      Silence. Jésus porte sur Judas un regard si doux… On dirait qu’une larme rend ses yeux plus larges et encore plus doux en tempérant leur éclat : c’est un regard d’enfant innocent et désarmé, qui se donne tout entier dans l’amour.

      Judas glisse à ses pieds, le visage sur ses genoux, les bras serrés à ses côtés et il gémit :

      « Garde-moi avec toi, Maître… Garde-moi… Ma chair hurle comme un démon… et, si je cède, tout le mal survient… Je sais que tu sais et que pourtant tu attends que je te l’avoue… Mais, Maître, il est difficile de dire : “ J’ai péché. ”

      – Je le sais, mon ami. C’est pour cela qu’il faudrait agir bien, pour ne pas devoir s’humilier en reconnaissant : “ J’ai péché. ” Pourtant, Judas, il y a en cela un grand remède : devoir faire effort pour avouer sa faute retient de la commettre et, si elle est déjà accomplie, la peine de s’accuser est déjà une pénitence qui rachète. Ensuite, si on souffre, non pas tant par orgueil ni par peur du châtiment, mais parce qu’on sait qu’en péchant on a causé de la douleur, alors, c’est moi qui le dis, la faute disparaît. C’est l’amour qui sauve.

      – Moi, je t’aime, Maître, mais je suis si faible… Ah ! Tu ne peux pas m’aimer ! Toi, tu es pur et tu aimes les purs… Tu ne peux pas m’aimer parce que je suis… je suis… 468.5 Oh ! Jésus, enlève-moi l’appétit des sens ! Tu sais quel démon c’est ?

      – Je le sais. Je ne l’ai pas exaucé, mais je sais quelle voix il a.

      – Tu le vois ? Tu le vois ? Tu en as un tel dégoût qu’il te suffit de le dire pour que ton visage soit bouleversé… Oh ! Tu ne peux pas me pardonner !

      – Judas… tu ne te rappelles donc pas Marie ? Matthieu ? Et ce publicain devenu lépreux [2] ? Ou encore cette femme, courtisane romaine [3], à laquelle j’ai prophétisé une place dans le Ciel parce que, après mon pardon, elle allait avoir la force de vivre saintement ?

      – Maître… Maître… Maître… Quel mal j’ai au fond du cœur ! Ce soir, j’ai fui… j’ai fui Chorazeïn… car si j’étais resté… si j’étais resté… j’étais perdu. Tu sais… c’est comme l’homme qui boit à s’en rendre malade… Le médecin enlève le vin et toute boisson enivrante. Une fois guéri, il reste en bonne santé tant qu’il ne sent plus ce goût… Mais s’il cède, une seule fois, et en retrouve la saveur… il lui vient une soif… une soif de cette boisson telle, qu’il ne peut plus résister… Alors il boit comme un trou… Et il est de nouveau malade… malade pour toujours… fou… possédé… possédé par son démon… par son démon… Oh ! Jésus, Jésus, Jésus !… N’en parle pas aux autres… Ne leur dis rien… J’ai honte devant tous…

      – Mais pas devant moi. »

      Judas comprend de travers.

      « C’est vrai ! Pardon ! Je devrais être plus honteux devant toi que devant tout autre, car tu es parfait…

      – Non, mon fils, ce n’est pas ce que je disais. Que ta douleur, ton angoisse, ton humiliation ne te cachent pas la vérité. J’ai dit que tu peux être honteux devant tous, mais pas devant moi. Un enfant n’éprouve ni peur ni honte devant un bon père, pas plus qu’un malade devant un médecin compétent. Et à l’un comme à l’autre, il fait son aveu sans crainte, puisque l’un aime et pardonne, et que l’autre comprend et guérit. Moi, je t’aime et te comprends, aussi je te pardonne et je te guéris. Mais dis-moi, Judas : qu’est-ce qui te livre à ton démon ? Moi ? Tes frères ? Les femmes débauchées ? Non. C’est ta volonté. Maintenant, je te pardonne et te guéris… Quelle joie tu m’as faite, mon Judas ! Je me réjouissais déjà beaucoup de cette nuit sereine, parfumée, que les chants rendaient joyeuse, et j’en louais le Seigneur. Mais maintenant le bonheur que tu me fais surpasse ce clair de lune, ces parfums, cette paix, ces chants. Entends-tu ? Le rossignol semble s’y unir pour te dire avec moi combien il se réjouit de ta bonne volonté, lui, le petit chanteur, si plein de bonne volonté pour faire ce pour quoi il a été créé. Et aussi cette première brise du matin, qui passe sur les fleurs et les éveille, en faisant glisser dans le creux de leur calice un diamant de rosée : le papillon et le rayon de soleil le trouveront bientôt, et l’un s’en désaltèrera, l’autre s’en fera un miroir, minuscule pour son grand éclat. Regarde : la lune est sur le point de se coucher. L’aube s’annonce, avec ce chant lointain du coq. Les ténèbres nocturnes et les fantômes de la nuit disparaissent. Tu vois comme le temps qui, si tu n’étais pas venu à moi, serait passé dans le dégoût et le remords, s’est écoulé rapidement et dans la douceur ? Viens toujours quand tu as peur de toi. Le moi est tout à la fois un grand ami, un grand tentateur, un grand ennemi, et un grand juge, Judas ! Et, vois-tu ? Alors qu’il est un ami sincère et fidèle si tu as été bon, il sait être un ami sans sincérité si tu n’es pas bon et, après avoir été pour toi un complice, il s’élève au rang de juge inexorable et te torture par ses reproches… Or ses reproches à lui sont féroces… pas les miens ! 468.6 Eh bien, allons, la nuit est passée…

      – Maître, je ne t’ai pas laissé te reposer… et aujourd’hui, tu devras longuement parler…

      – Ce qui m’a reposé, c’est la joie que tu m’as donnée. Je n’ai pas de meilleur repos que celui de dire : “ Aujourd’hui, j’ai sauvé quelqu’un qui périssait. ” Viens, viens… Descendons à Chorazeïn ! Ah ! si cette ville savait t’imiter, Judas !

      – Maître… que diras-tu à mes compagnons ?

      – Rien s’ils ne posent pas de question… S’ils m’interrogent, je dirai que nous avons parlé des miséricordes de Dieu… C’est un vrai sujet, et tellement illimité que la plus longue vie ne suffit pas à le développer. Allons… »

      Et ils descendent, grands, d’une beauté différente mais également jeunes, l’un près de l’autre, puis ils disparaissent derrière un bouquet d’arbres…


Enseignement de Jésus à Maria Valtorta


      468.7 Jésus dit :

      « C’est un épisode de miséricorde comme ceux de Marie-Madeleine. Mais si vous faites un livre, il vaudra mieux mettre les événements à la suite, dans l’ordre chronologique plutôt que par catégories, en vous limitant à préciser, au début ou dans un renvoi, à quelle catégorie appartient chaque épisode.

      Pourquoi ai-je mis en lumière la figure de Judas ? Plusieurs se le demanderont.

      Je réponds : la figure de Judas a été trop déformée au cours des siècles. Et, ces derniers temps, elle a été complètement dénaturée. Dans certaines écoles, on a fait presque son apothéose comme s’il était l’artisan secondaire et indispensable de la Rédemption.

      Beaucoup, ensuite, pensent qu’il a succombé à un assaut imprévu, féroce, du Tentateur. Non : toute chute a sa préparation dans le temps. Plus la chute est grave, mieux elle a été préparée. Les antécédents expliquent le fait. On ne dégringole pas à l’improviste et on ne s’élève pas de même, ni dans le mal, ni dans le bien. Il y a des causes longues et insidieuses aux descentes, et patientes et saintes aux montées.

      Le drame malheureux de Judas peut être d’un grand enseignement pour vous guérir, et connaître la méthode de Dieu et ses miséricordes pour absoudre et sauver ceux qui descendent vers l’Abîme.

      On n’arrive pas au délire satanique, où tu as vu Judas se débattre après son Crime, si on n’est pas totalement corrompu par des habitudes infernales recherchées des années durant avec volupté. Quand quelqu’un, entraîné par un évènement imprévu qui trouble sa raison, va jusqu’à accomplir un crime, il souffre, mais il sait expier, car il y a encore des parties de son cœur qui sont indemnes du poison diabolique.

      Au monde qui nie Satan, parce qu’il l’a tellement en lui-même qu’il n’en a plus conscience, qu’il l’a aspiré comme faisant partie de son moi, je démontre l’existence de Satan et la méthode éternelle, immuable qu’il met en œuvre pour faire de vous ses victimes.

      C’est tout pour l’instant. Repose-toi dans ma paix. »





[1] EMV 406. L’épisode en question se déroule le 3 mai 29 et Jésus meurt sur la Croix le 5 avril 30, onze mois après. Le présent épisode suit EMV 406 comme on le voit indiqué plus loin.

[2] Peut-être le jeune homme lépreux atteint d’une maladie sexuellement transmissible à la suite d’une vie dissolue. 2.95.

[3] Aglaé




Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Jasus_56
Jésus prie


Dernière édition par Anayel le Mer 2 Déc - 20:27, édité 1 fois
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 2 Déc - 20:23

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

469. L'adieu aux rares fidèles de Chorazeïn

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 163.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 469.

Vision du 06 août 1946.

Mardi 14 août 29
Chorazeïn


      469.1 L’aurore ne point pas encore lorsque Jésus retrouve les onze apôtres. Au milieu d’eux se tient Joseph, le petit menuisier, qui part comme une flèche dès qu’il aperçoit Jésus et se serre à ses genoux avec la simplicité de celui qui est encore un enfant. Jésus se penche vers lui pour déposer un baiser sur son front puis, le tenant par la main, il va rejoindre Pierre et les autres.

      « Paix à vous. Je ne croyais pas vous trouver déjà ici.

      – L’enfant s’est réveillé alors qu’il faisait encore nuit, et il a voulu venir, par crainte d’arriver en retard, explique Pierre.

      – Sa mère sera bientôt ici, avec les autres enfants. Elle veut te saluer, ajoute Jude.

      – Et de même la femme qui était toute déformée, la fille d’Isaac [1], la mère d’Elie [2], et d’autres que tu as guéris. Ils nous ont hébergés…

      – Et les autres ?

      – Seigneur…

      – Chorazeïn garde un esprit dur. Je comprends. Peu importe. 469.2 Le bon grain est semé, et il germera un jour… grâce à ceux-ci… »

      Il regarde l’enfant.

      « Il sera disciple et il convertira ?

      – C’est déjà un disciple, n’est-ce pas, Joseph ?

      – Oui. Mais je ne sais pas m’exprimer et, le peu que je sais, ils ne l’écoutent pas.

      – Ne t’en fais pas, tu parleras par ta bonté. »

      Jésus prend dans ses longues mains la tête de l’enfant et, un peu penché sur le petit visage haut levé, il lui dit :

      « Je m’en vais, Joseph. Sois bon, sois travailleur. Pardonne à ceux qui ne vous aiment pas. Sois reconnaissant à ceux qui te font du bien. Rappelle-toi toujours ceci : Dieu est présent en celui qui te rend service. Par conséquent, accueille avec respect tout bienfait sans y prétendre, sans dire : “ Je resterai à ne rien faire puisqu’il y a quelqu’un qui pense à moi ”, sans gâcher le secours obtenu. Travaille, car le travail est saint et, toi, qui es encore enfant, tu es le seul homme de ta famille. Rappelle-toi qu’aider ta mère, c’est l’honorer. Rappelle-toi que c’est un devoir de donner le bon exemple à tes petits frères et de veiller sur l’honneur de tes sœurs. Souhaite avoir ce qu’il faut et travaille pour l’obtenir, mais n’envie pas les riches et ne désire pas les richesses pour pouvoir mener une vie facile. Garde à l’esprit que ton Maître t’a enseigné non seulement la parole de Dieu, mais l’amour du travail, l’humilité et le pardon. Sois toujours bon, Joseph, et nous serons de nouveau ensemble un jour.

      – Mais tu ne vas plus revenir ? Où pars-tu, Seigneur ?

      – Je vais là où la volonté du Père des Cieux le demande. Sa volonté doit toujours être plus forte que la nôtre, et plus chère pour nous que la nôtre, parce qu’elle est parfaite. Toi aussi, dans la vie, ne fais pas passer ta volonté propre avant celle de Dieu. Tous ceux qui obéissent se retrouveront au Ciel et ce sera alors une grande fête. 469.3 Donne-moi un baiser, mon enfant. »

      Un baiser ! C’est une infinité de baisers et de larmes que lui donne l’enfant et c’est ainsi attaché au cou de Jésus que le trouve sa mère, qui survient au milieu d’une nichée d’enfants, en compagnie de bien rares autres habitants de Chorazeïn : sept en tout et pour tout.

      « Pourquoi est-ce que mon fils pleure ? demande la femme, après avoir salué le Maître.

      – Parce que tout adieu est douloureux. Mais, même si nous sommes séparés, nous serons toujours unis si votre cœur continue à m’aimer. Vous savez ce qu’est l’amour pour moi, et en quoi il consiste : à faire ce que je vous ai enseigné ; car celui qui agit en accord avec ce qu’on lui a enseigné montre qu’il a de l’estime — or l’estime, c’est toujours de l’amour — pour cette personne. Faites donc ce que je vous ai appris par la parole et l’exemple, et obéissez à ce que mes disciples vous enseigneront en mon nom. Ne pleurez pas. Le temps passe vite, et bientôt nous serons réunis dans de meilleures conditions. Aussi, ne pleurez pas par égoïsme. Pensez à tous ceux — et ils sont nombreux — qui m’attendent encore, qui devront mourir sans m’avoir vu, qui devront m’aimer sans m’avoir jamais connu. Je suis venu chez vous plus d’une fois et cela a pu vous faciliter la foi et l’espérance grâce à la charité qui règne parmi nous. Eux, en revanche, devront avoir une grande foi, une foi aveugle, pour pouvoir arriver à dire : “ Il est vraiment le Fils de Dieu, le Sauveur, et sa parole est véridique ” et pour pouvoir avoir la grande espérance de la vie éternelle et de l’immédiate possession de Dieu après une vie de justice. Ils devront aimer celui qu’ils n’auront pas connu, celui qu’ils n’auront pas entendu, celui qu’ils n’auront pas vu opérer des prodiges. Et pourtant, ce n’est qu’en aimant ainsi qu’ils obtiendront la vie éternelle. Quant à vous, bénissez le Seigneur qui vous a comblés de bienfaits en me faisant connaître à vous. Maintenant, allez. Soyez fidèles à la Loi du Sinaï et à mon commandement nouveau de vous aimer tous comme des frères [3], car c’est dans l’amour que se trouve Dieu. Aimez même ceux qui vous haïssent, car Dieu vous en a le premier donné l’exemple en aimant les hommes qui, par le péché, montrent de la haine à Dieu. Pardonnez toujours comme Dieu a pardonné aux hommes en envoyant son Verbe Rédempteur pour effacer la Faute, ce motif de rancœur et de séparation. Adieu. Que ma paix soit en vous. Gardez le souvenir de mes actes dans votre cœur, pour le fortifier contre les paroles de ceux qui voudront vous convaincre que je ne suis pas votre Sauveur. Conservez ma bénédiction pour être forts dans les épreuves à venir. »

      Jésus étend les mains pour prononcer la bénédiction mosaïque sur le petit troupeau prosterné à ses pieds. Puis il se retourne et s’en va…




[1] La fille d'Isaac l'adulte de Chorazeïn, guérie à distance par Jésus. Cf. EMV 61.4.

[2] Élie de Chorazeïn, le jeune homme que Jésus appelle alors qu’il s’apprête à enterrer son père. Laisse les morts enterrer leurs morts - EMV 178.

[3] Jean 13,34 et Jean 15,12.




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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 3 Déc - 22:51

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470. Leçon sur le mariage à une belle-mère mécontente de sa belle-fille

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 164.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 470.

Vision du mercredi 7 août 1946.

Vendredi 17 août 29
Giscala


      470.1 Les monts boisés et fertiles où se trouve Giscala offrent à l’œil un vrai repos de verdure, de brises, d’eaux et d’horizons toujours variés, magnifiques, selon le point cardinal vers lequel la route tourne. Au nord, c’est une succession de cimes boisées aux verts les plus variés : on dirait que la terre s’élève vers l’azur du firmament auquel elle paraît offrir, en hommage reconnaissant pour la pluie et des rayons de soleil qu’il lui donne, toutes les beautés de sa végétation. Au nord-est, les yeux s’arrêtent, comme fascinés, sur le grand Hermon, ce joyau dont les couleurs changent selon les heures et la lumière. Il dresse son plus haut sommet, semblable à un gigantesque obélisque de diamant, d’opale, de très pâle saphir, de doux rubis, ou d’acier à peine trempé, selon que le soleil l’illumine ou le délaisse, tandis que les nuages ébouriffés, amenés par les vents, font des jeux de lumière sur ses neiges éternelles. Puis le regard descend le long des pentes couleur d’émeraude de ses plateaux, de ses crêtes, des gorges et des pics, qui forment la base du géant royal. Si l’on se tourne un peu plus à l’est, on découvre le vaste haut plateau vert de la Gaulanitide et de l’Auranitide, borné à son extrémité orientale par des monts qui s’estompent dans la brume lointaine, et à l’ouest par le vert différent qui longe le Jourdain et en marque la vallée. Plus proches, resplendissent comme deux saphirs les deux lacs, celui de Mérom — un cercle au fond d’une plaine bien irriguée —, et de Tibériade. Ce dernier est gracieux comme un délicat pastel au milieu des collines, toutes différentes de formes et de teintes, qui l’entourent. Ses rives sont éternellement fleuries, c’est un véritable rêve d’orient avec ses bouquets de palmiers dont la brise des monts proches fait onduler la cime. Il a toute la poésie de nos plus beaux lacs pour ce qui est de la paix de ses eaux et des cultures de ses rives. Et puis, au sud, on voit le mont Thabor avec son sommet caractéristique, et le petit Hermon tout vert qui veille sur la plaine d’Esdrelon, dont on mesure l’étendue dans le cadre d’un horizon que n’interrompt aucune hauteur montagneuse. Encore plus bas, vers le midi, s’étendent les monts élevés et puissants de Samarie qui se perdent au-delà du regard en direction de la Judée. Le seul côté qu’on ne voit pas est le côté ouest, où doit se trouver le mont Carmel et la plaine qui remonte vers Ptolémaïs, cachés par une chaîne plus haute.


Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Image010
(Giscala est le point rouge sur la carte)


      J’essaie d’en donner une vue topographique [1], car je crois ne l’avoir jamais indiqué depuis les monts où se trouve Giscala.

      On a là un des panoramas les plus beaux de la Palestine (et que personne ne rie de la pauvre dessinatrice que je suis, mon esquisse est horrible…)

      470.2 Jésus avance en suivant la route au milieu des montagnes, tantôt seul, tantôt rejoint par l’un ou l’autre de ses apôtres.

      Il s’arrête une fois pour caresser les enfants d’un berger qui jouent près du troupeau, et accepte le lait que le berger lui offre “ pour toi et pour tes disciples ”, car il a reconnu en Jésus le Rabbi que lui ont décrit d’autres qui l’ont déjà rencontré.

      470.3 Une autre fois, il écoute femme âgées qui, ne sachant qui il est, lui raconte les peines de famille que lui cause sa belle-fille hargneuse et insolente.

      Jésus compatit, mais il exhorte aussi la malheureuse à se montrer patiente, pour l’amener à la bonté par la bonté :

      « Tu dois être pour elle une mère, même si elle n’est pas une fille pour toi. Sois sincère : si au lieu d’être une bru, c’était ta fille, ses défauts te paraîtraient-ils aussi graves ? »

      La plaignante réfléchit, puis elle avoue :

      « Non… Mais une fille, c’est une fille…

      – Et si l’une de tes filles te disait que, dans la maison de son époux, sa belle-mère la maltraite, que dirais-tu ?

      – Que cette femme est méchante. Car elle devrait lui apprendre les usages de la maison — chaque maison a les siens — avec bonté, surtout si l’épouse est jeune. Je dirais qu’elle devrait se rappeler le temps où elle était nouvelle épouse, et comme elle était comblée par l’amour de sa belle-mère, si elle avait eu assez de chance pour la trouver bonne, ou combien elle avait souffert si elle avait eu une méchante belle-mère. Elle ne devrait pas faire souffrir ce qu’elle-même n’avait pas subi, ou ne pas faire souffrir parce qu’elle sait ce que c’est. Ah ! Je la défendrais, ma fille !

      – Quel âge a ta bru ?

      – Dix-huit ans, Rabbi. Elle a épousé Jacob il y a trois ans.

      – Elle est très jeune. Est-elle fidèle à son mari ?

      – Oh oui ! Elle est toujours à la maison et tout aimante pour lui, pour le petit Lévi, et pour la petite, la petite qui s’appelle Anne, comme moi. Elle est née à Pâque… Elle est si mignonne !

      – Qui a voulu qu’elle s’appelle Anne ?

      – Marie, bien sûr ! Lévi était le nom du beau-père et Jacob l’a donné à leur premier-né. Et, quand Marie a eu la petite, elle a dit : “ Celle-ci portera le nom de ta mère. ”

      – Et cela ne te paraît pas être une preuve d’amour et de respect ? »

      La mère de Jacob réfléchit… Jésus enchaîne :

      « Elle est honnête, elle est tout à sa maison, c’est une épouse affectueuse et une mère aimante, elle est soucieuse de te faire plaisir… Elle pouvait donner à la fille le nom de sa propre mère. Elle lui a donné le tien. Elle honore ta maison par sa conduite…

      – Ah, ça oui ! Elle n’est pas comme cette malheureuse de Jézabel.

      – Alors, pourquoi ces lamentations et ces plaintes à son sujet ? Tu n’as pas l’impression d’avoir deux mesures en portant sur ta bru un jugement différent de celui que tu porterais sur une fille ?

      – C’est que… c’est que… elle m’a pris l’amour de mon fils. Avant, il était tout pour moi, maintenant, il l’aime plus que moi… »

      L’éternelle véritable raison des préjugés des belles-mères déborde finalement du cœur de la vieille femme, en même temps que les larmes de ses yeux.

      « Ton fils te fait-il manquer de quelque chose ? Te néglige-t-il depuis qu’il est marié ?

      – Non, je ne peux pas dire ça. Mais, en somme, maintenant il appartient à sa femme… »

      Elle gémit et pleure encore plus fort.

      470.4 Jésus a un paisible sourire de compassion pour la belle-maman jalouse. Mais, doux comme il l’est toujours, il ne lui fait aucun reproche. Il compatit à la souffrance de cette mère et cherche à l’apaiser. Il lui pose la main sur l’épaule, comme pour la guider, car les larmes l’aveuglent, peut-être pour lui faire sentir par ce contact tant d’amour qu’elle en soit consolée et guérie.

      Il lui dit :

      « Mère, n’est-ce pas bon qu’il en soit ainsi ? Ton mari l’a fait avec toi, et sa mère ne l’a pas perdu comme tu le dis et le penses : mais elle l’a eu moins à elle, parce que ton époux partageait son amour entre sa mère et toi. Et le père de ton mari, lui aussi, a cessé d’appartenir tout entier à sa mère pour aimer la mère de ses enfants. Ainsi en est-il de génération en génération… Et on peut remonter les siècles jusqu’à Eve, la première mère qui a vu ses enfants partager avec leurs épouses l’amour qu’ils éprouvaient d’abord exclusivement pour leurs parents. Mais la Genèse ne dit-elle pas : “ Voilà enfin l’os de mes os et la chair de ma chair… L’homme quittera pour elle son père et sa mère, il s’unira à sa femme, et les deux seront une seule chair ” [2] ? Tu me diras : “ C’était une parole d’homme. ” Oui, mais de quel homme ? Il était en état d’innocence et de grâce. Il reflétait donc sans ombre la Sagesse qui l’avait créé, et il en connaissait la vérité. Par la grâce et l’innocence, il possédait aussi les autres dons de Dieu en pleine mesure. Ses sens étant soumis à la raison, il avait un esprit que n’offusquaient pas les vapeurs de la concupiscence. Grâce à la science proportionnée à son état, il disait des paroles de vérité. Il était donc prophète, car tu sais que le mot prophète désigne un homme qui parle au nom d’un autre. Et les vrais prophètes parlent toujours de choses qui se rapportent à l’âme et à l’avenir, même si en apparence elles se rapportent à la chair et au présent. En effet, c’est dans les péchés de la chair et les événements du temps présent que se trouvent les semences des punitions futures, ou bien les événements futurs s’enracinent dans un fait ancien. Par exemple, la venue du Sauveur tire son origine de la faute d’Adam, et les punitions d’Israël, prédites par les prophètes, s’ancrent dans la conduite d’Israël. Ainsi Celui qui meut les lèvres des prophètes pour tenir un langage spirituel ne peut être que l’Esprit éternel, qui voit tout dans un éternel présent. Et l’Esprit éternel parle dans les saints, puisqu’il ne peut habiter chez les pécheurs. Adam était saint, autrement dit la justice était parfaite en lui ; toutes les vertus étaient présentes en lui, car Dieu avait déposé dans sa créature la plénitude de ses dons. A présent, pour arriver à la justice et à la possession des vertus, l’homme doit beaucoup peiner, parce qu’il porte en lui les foyers du mal. Mais, en Adam, ces foyers n’existaient pas. Il avait au contraire la grâce pour le rendre de peu inférieur à son Créateur. C’étaient donc des paroles de grâce que disaient ses lèvres. C’est donc une parole de vérité que celle-ci : “ L’homme quittera son père et sa mère pour sa femme, il s’unira à elle, et ils formeront une seule chair. ” C’est tellement absolu et vrai, que le Très-Bon, pour réconforter les pères et mères, inséra plus tard dans la Loi le quatrième commandement : “ Honore ton père et ta mère. ” Ce commandement ne prend pas fin avec le mariage de l’homme, il dure après. Auparavant, instinctivement, les bons honoraient leurs parents, même après les avoir quittés pour fonder une nouvelle famille. Depuis Moïse, c’est une obligation de la Loi, pour tempérer la douleur des parents qui étaient trop souvent oubliés par leurs enfants après le mariage. Mais la Loi n’a pas effacé la parole prophétique d’Adam : “ L’homme quittera son père et sa mère pour sa femme. ” C’était une parole juste et vivante : elle reflétait la pensée de Dieu. Or la pensée de Dieu est immuable, parce que parfaite.

      470.5 Toi, mère, tu dois donc accepter, sans égoïsme, l’amour de ton fils pour sa femme, et tu seras sainte toi aussi. Du reste, tout sacrifice a sa récompense dès cette terre. Ne t’est-il pas doux d’embrasser tes petits-enfants, les enfants de ton fils ? Et le soir de ta vie suivi de ton dernier sommeil ne te sera-t-il pas paisible avec, tout proche, le délicat amour d’une fille pour prendre la place de celles que tu n’as plus chez toi ?

      – Comment sais-tu que mes filles, toutes plus âgées que le garçon, sont mariées et loin d’ici ? Es-tu aussi prophète ? Tu es un rabbi. Les nœuds de ton vêtement l’indiquent et, même s’ils n’étaient pas là, ta parole le montrerait, car tu t’exprimes comme un grand docteur. Serais-tu ami de Gamaliel ? Il était ici avant-hier. Maintenant, je ne sais pas… Et il y avait avec lui de nombreux rabbis et beaucoup de ses disciples préférés. Mais toi, tu es peut-être arrivé en retard.

      – Je connais Gamaliel, mais je ne vais pas le trouver. Je n’entre même pas à Giscala…

      – Mais qui es-tu ? Un rabbi, certainement. D’ailleurs, tu parles encore mieux que Gamaliel…

      – Dans ce cas, fais ce que je t’ai dit, et tu auras la paix en toi. Adieu, mère. Moi, je continue. Toi, certainement, tu entres dans la ville.

      – Oui… Mère !… Les autres rabbis ne sont pas si humbles devant une pauvre femme… Celle qui t’a porté est sûrement sainte plus que Judith, si elle t’a donné ce doux cœur pour toute créature.

      – Elle est sainte, en vérité.

      – Dis-moi son nom.

      – Marie.

      – Et le tien ?

      – Jésus.

      – Jésus !… »

      La grand-mère est stupéfaite. La nouvelle la paralyse et la cloue sur place.

      « Adieu, femme. Que la paix soit avec toi. »

      Et Jésus s’éloigne rapidement, presque en courant, avant qu’elle sorte de sa réflexion.

      470.6 Les apôtres le suivent du même pas, faisant voler au vent leurs vêtements. Les cris de la femme qui supplie les poursuivent en vain :

      « Arrêtez-vous ! Rabbi Jésus ! Arrête-toi ! Je veux te dire quelque chose… »

      Ils ne ralentissent pas avant que le feuillage des monts boisés les cache. On ne voit plus le chemin qui mène à Giscala à partir de ce sentier muletier.

      « Comme tu as bien parlé à la femme ! dit Barthélemy.

      – Une vraie leçon de docteur ! Dommage qu’elle ait été seule… remarque Jacques, fils d’Alphée.

      – Je veux me rappeler ces paroles… s’écrie Pierre.

      – La femme a compris, ou presque, dès qu’elle a su ton nom… Maintenant, elle va aller parler de toi dans la ville… dit Thomas.

      – Pourvu qu’elle ne pique pas les guêpes et ne les lance pas à notre poursuite ! [3] murmure Judas de Kérioth.

      – Nous sommes loin à présent !… On ne laisse pas de traces dans cette forêt, et nous ne serons pas dérangés, dit André, optimiste.

      – Et même si nous l’étions !… C’est la paix dans une famille, que j’ai reconstruite, répond Jésus à tous.

      – Voyez comme elles sont ! Toutes pareilles, les belles-mères ! lance Pierre.

      – Non. Nous en avons connu de bonnes. Tu te souviens de la belle-mère de Jérusa de Docco [4] ? Et la belle-mère de Dorca à Césarée de Philippe [5] ?

      – Mais oui, Jacques… Il y en a quelques-unes de bonnes » reconnaît Pierre…, mais il pense certainement que la sienne est une plaie.

      « Arrêtons-nous ici et dînons. Nous nous reposerons ensuite pour arriver à la nuit au village de la vallée » ordonne Jésus.

      Ils s’arrêtent dans une petite cuvette de verdure qui ressemble à l’intérieur d’une grande coquille émeraude incrustée dans la montagne et ouverte pour accueillir les pèlerins dans sa paix. La lumière est douce, malgré l’heure, à cause des arbres hauts et robustes qui forment une voûte bruissante au-dessus du pré. La brise, qui court sur les montagnes, adoucit la température. Une petite source fait courir un filet argenté entre deux rochers sombres, et elle chante doucement en se perdant parmi les herbes épaisses. Elle s’est creusé un lit minuscule, d’une main de large, tout couvert par les herbes de la rive qui ondulent au vent léger. Par une petite cascade, elle descend ensuite à l’escarpement situé plus bas. L’horizon encadre entre deux troncs puissants et une échappée brumeuse lointaine, dans la direction des monts du Liban : c’est un spectacle merveilleux…




[1] Une vue topographique que Maria Valtorta fait suivre et qui place les monts où se trouve Giscala au sud-ouest du lac de Mérom. La description qui précède dans le texte peut aider à déchiffrer tous les noms du dessin.

[2] Genèse 2,23-24.

[3] La troupe apostolique s’était faite agresser à coup de pierre lors de leur dernier passage. Cf. EMV 340.8.

[4] Cf. EMV 131.6 et EMV 134.

[5] Cf. EMV 345.3/5EMV 368.6/11 et EMV 370.11.




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Les Monts du Liban
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 5 Déc - 20:48

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

471. Philippe s’exalte à l’idée de l’ère messianique. Après avoir repoussé l’invitation à se rendre à Giscala, Jésus illustre la notion de péché au lévite Joseph, dit Barnabé.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 165.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 471.

Vision du samedi 10 août 1946.

Vendredi 17 août 29
Biram


      471.1 La pause sur le petit plateau a beau être douce, il est prudent de descendre dans la vallée pendant qu’il fait encore jour, car la nuit tomberait vite et serait sombre, sous cette voûte de feuillage des arbres qui couvre la montagne.

      Jésus se lève le premier et il va se rafraîchir le visage, les mains et les pieds dans le ruisselet que forme la petite source. Puis il appelle ses apôtres, endormis dans l’herbe, et les invite à se préparer à partir. Et pendant qu’ils l’imitent et se lavent l’un après l’autre dans le frais ruisseau, et qu’ils remplissent les gourdes au filet d’eau qui sort du rocher, il va les attendre au bout du petit pré, près des deux arbres centenaires qui le bordent à l’est. Il contemple l’horizon lointain.

      Philippe est le premier à le rejoindre et, regardant dans la même direction que son Maître, il dit :

      « Quelle belle vue ! Tu l’admires…

      – Oui. Mais je n’examinais pas seulement sa beauté.

      – Quoi donc, alors ? Tu pensais peut-être au moment où Israël sera grand, à ces lieux au-delà du Liban et de l’Oronte, qui nous ont affligés au cours des siècles et continuent à le faire, puisque c’est là que réside le cœur de la puissance qui nous opprime sous la férule du Légat ? Ce qu’ont annoncé plusieurs prophètes est en effet redoutable : “ J’écraserai l’Assyrien sur mes terres, je le piétinerai sur mes montagnes… C’est la main qui s’étend sur les nations… Qui pourra la retenir ? Damas cessera d’exister et il n’en restera qu’un tas de décombres [1]… Voilà ce qui arrivera à ceux qui nous ont saccagés. ” C’est Isaïe qui parle ! Et Jérémie dit aussi : “ Je mettrai le feu aux remparts de Damas et il dévorera les murs de Ben-Hadad [2]. ” Cela arrivera lorsque le Roi d’Israël, le Promis, prendra son sceptre, et que Dieu aura pardonné à son peuple en lui donnant le Roi Messie… Ah ! c’est Ezéchiel qui le dit ! “ Et vous, montagnes d’Israël, faites pousser vos branches, portez vos fruits pour mon peuple d’Israël, car il est près de revenir… Je vous ramènerai mon peuple et tu seras sa propriété et son héritage… Je ne te ferai plus entendre l’insulte des nations… ” [3] Et les psaumes chantent avec Etân l’indigène [4] : “ J’ai trouvé David mon serviteur et je l’ai oint de mon huile sainte. Ma main l’assistera… L’ennemi ne pourra rien contre lui… Par mon nom, il grandira en puissance… Il étendra sa main sur la mer, et sa droite sur les fleuves… Et moi, j’en ferai l’aîné, le très-haut sur les rois de la terre. ” Salomon, lui aussi, chante : “ Il durera autant que le soleil et la lune… Il dominera de la mer à la mer, et du fleuve jusqu’aux extrémités de la terre… Tous les rois de la terre se prosterneront devant lui, tous les peuples seront ses sujets… ” [5] Ils parlent de toi, le Messie, car en toi se trouvent tous les signes de l’esprit et de la chair, tous les signes donnés par les prophètes. Alléluia à toi, fils de David, Roi Messie, Roi saint !

      – Alléluia ! » crient en chœur les autres qui se sont réunis à Jésus et à Philippe, et ont entendu les paroles de ce dernier.

      Et l’alléluia se répercute, par l’écho, de gorge en gorge, de colline en colline… Jésus les regarde d’un air très triste… Et il dit :

      « Ne vous rappelez vous donc pas ce que David et Isaïe disent du Christ [6] ? Vous prenez le doux miel, le vin enivrant des prophètes… mais vous ne réfléchissez pas que, pour être le Roi des rois, le Fils de l’Homme devra boire le fiel et le vinaigre, et se revêtir de la pourpre de son sang… Mais ce n’est pas votre faute si vous ne comprenez pas… Votre erreur de compréhension est due à l’amour. Je voudrais en vous un autre amour. Mais, pour le moment, cela vous est impossible… Des siècles de péché s’opposent aux hommes pour écarter d’eux la lumière. Mais la lumière abattra les murailles et entrera en vous… 471.2 Allons. »

      Ils reviennent sur le chemin muletier qu’ils avaient quitté pour monter au plateau éloigné et descendent rapidement vers la vallée. Les apôtres discutent à voix basse…

      Puis Philippe court en avant, rejoint le Maître, et demande :

      « Je t’ai déplu, Seigneur ? Je n’en avais pas l’intention… Tu m’en veux ?

      – Non, Philippe. Mais je souhaiterais que, vous au moins, vous compreniez.

      – Tu regardais là-bas avec un tel désir…

      – C’est que je pensais à tous ces lieux où je ne suis encore jamais allé. Et où je n’irai pas… car mon temps s’enfuit… Comme le temps de l’homme est bref ! Et comme l’homme est lent à agir ! Comme l’âme ressent ces limites de la terre ! Mais… Père, que ta volonté soit faite !

      – Tu as pourtant parcouru toutes les régions des anciennes tribus, mon Maître. Tu les as sanctifiées au moins une fois : on peut donc dire que tu as pris en mains les douze tribus…

      – C’est vrai. Vous, ensuite, vous ferez ce que le temps ne m’a pas permis de réaliser.

      – Toi qui arrêtes les fleuves et qui calmes les mers, ne pourrais-tu pas ralentir le temps ?

      – Je le pourrais. Mais le Père dans le Ciel, le Fils sur la terre, l’Amour au Ciel et sur la terre, brûlent d’accomplir le Pardon… »

      Jésus se plonge alors dans une profonde méditation, que Philippe respecte en le laissant seul pour aller retrouver ses compagnons, auxquels il rapporte le dialogue.

      471.3 … La vallée est désormais toute proche et déjà on voit une route, une vraie grand-route qui vient du sud et se dirige vers l’ouest, en faisant un virage juste au pied de la montagne pour en suivre la base et continuer ensuite en direction d’un beau village. Il s’étend dans la verdure, près d’un ruisseau dont le lit, actuellement, n’est guère occupé que par des pierres avec, de ci de là, quelques roseaux qui ont résisté, surtout au milieu où un filet, un vrai filet d’eau, s’obstine à s’écouler vers la mer.

      Tous se réunissent avant de prendre la grand-route mais, après quelques mètres à peine, deux hommes viennent à leur rencontre en les saluant.

      « Voilà deux disciples des rabbis, et l’un d’eux est lévite. Que veulent-ils ? » disent entre eux les apôtres, qui ne sont pas du tout contents de la rencontre.

      Moi, je ne sais pas de quoi ils déduisent que ce sont des disciples, et que l’un d’eux est lévite. Je ne comprends pas encore bien le langage des nœuds, des franges et des autres secrets de l’habillement israélite.

      Lorsque Jésus se trouve à deux mètres environ des deux hommes, et qu’aucune équivoque n’est possible — car la route est désormais libre des voyageurs qui, à pied ou à cheval, se hâtent vers le village —, il répond à leurs salutations réitérées et s’arrête pour les attendre.

      « Paix à toi, Rabbi, dit maintenant le lévite qui s’était borné d’abord à saluer profondément.

      – Paix à toi. Et à toi aussi, dit Jésus en s’adressant à l’autre.

      – Es-tu le Rabbi nommé Jésus ?

      – C’est moi.

      – Une femme [7] est entrée avant sexte dans la ville, et elle a raconté qu’elle avait parlé en route avec un rabbi plus grand que Gamaliel, parce qu’en plus d’être sage, il est bon. Cette nouvelle est venue à nos oreilles, et nos maîtres, suspendant leur départ pour Jérusalem, nous ont envoyés te trouver, tous autant que nous étions : deux sur chaque route qui descend de Giscala vers les chemins de la plaine. En leur nom et par notre entremise, ils te disent : “ Viens dans la ville, car nous voulons t’interroger. ”

      – Et pour quelle raison ?

      – Pour que tu te prononces sur un scandale survenu à Giscala, dont les conséquences durent encore.

      – N’avez-vous pas les grands docteurs d’Israël pour rendre un jugement ? Pourquoi vous adresser à un rabbi inconnu ?

      – Si tu es celui que disent les rabbis, tu n’es pas inconnu. N’es-tu pas Jésus de Nazareth ?

      – Je le suis.

      – Ta sagesse est connue des rabbis.

      – Et moi, je connais leur hostilité à mon égard.

      – Pas tous, Maître. Le plus grand et le plus juste ne te hait pas.

      – Je le sais. Il ne m’aime pas non plus. Il m’étudie. Mais le rabbi Gamaliel est-il à Giscala ?

      – Non, il est déjà parti pour arriver à Séphoris avant le sabbat. Il est parti aussitôt le jugement prononcé.

      – Alors, pourquoi me cherchez-vous ? Moi aussi, je dois respecter le sabbat et il m’est à peine possible d’arriver à temps à cet endroit. Ne me retenez pas davantage.

      – Tu as peur, Maître ?

      – Je n’ai pas peur, car je sais qu’aucun pouvoir n’est donné, pour l’instant, à mes ennemis. Mais je laisse aux sages le plaisir de juger.

      – Que veux-tu dire ?

      – Que moi, je ne juge pas : je pardonne.

      – Tu sais juger mieux que tout autre. Gamaliel l’a dit : “ Seul Jésus de Nazareth jugerait avec justice ici. ”

      – C’est bien. Mais désormais, vous avez rendu votre jugement et l’affaire ne peut plus être remise en question. J’aurais donné l’avis de faire calmer les passions avant de juger. S’il y avait faute, le coupable pouvait se repentir et se racheter. S’il n’y avait pas eu faute, il n’y aurait pas eu ce supplice qui pour quelqu’un est, aux yeux de Dieu, pareil à un homicide prémédité.

      – Maître ! Comment le sais-tu ? La femme a juré que tu n’as parlé avec elle que de ses affaires… or… te voilà au courant… Tu es donc vraiment un prophète ?

      – Je suis qui je suis. Adieu. Paix à toi. Le soleil descend à l’horizon. »

      Et il tourne le dos pour se diriger vers le village.

      « Tu as bien fait, Maître ! Ils te tendaient sûrement un piège ! »

      Les apôtres sont solidaires du Maître. 471.4 Mais leurs louanges, leurs bonnes raisons sont interrompues par les deux hommes de tout à l’heure, qui les rejoignent pour supplier Jésus de remonter à Giscala.

      « Non. Le coucher du soleil me surprendrait en chemin. Dites à ceux qui vous envoient que moi, j’observe toujours la Loi, quand cela ne lèse pas un commandement plus grand que celui du sabbat : celui de l’amour.

      – Maître, Maître, nous t’en supplions ! Il s’agit précisément d’une question d’amour et de justice. Viens avec nous, Maître.

      – Je ne puis. Et vous non plus, vous ne pouvez pas y remonter à temps.

      – Nous avons la permission de le faire dans ce cas précis.

      – Eh quoi ? On a élevé la voix quand je guérissais un malade et quand je l’absolvais un jour de sabbat, et à vous il est permis de violer le sabbat pour une discussion oiseuse ? Y a-t-il donc deux mesures en Israël ? Partez ! Partez ! Et laissez-moi continuer ma route.

      – Maître, tu es prophète. Par conséquent, tu es au courant. Moi, je le crois et lui le croit. Pourquoi nous repousses-tu ?

      – Pourquoi ?… »

      Jésus s’arrête et les regarde fixement. Ses yeux sévères, qui traversent et pénètrent au-delà des voiles de la chair pour lire les cœurs, regardent d’un air dominateur les deux hommes qu’il a devant lui. Et ses yeux si insoutenables dans la rigueur, si doux dans l’amour, changent soudain et prennent une expression si affectueuse, si miséricordieuse que, si d’abord le cœur tremblait de crainte devant la puissance de son regard, maintenant il tremble d’émotion devant l’éclat de l’amour du Christ.

      « Pourquoi ? » répète-t-il… « Ce n’est pas moi, mais les hommes qui repoussent le Fils de l’homme, et ce dernier doit se défier de ses frères. Mais à ceux qui n’ont pas de malice dans le cœur, je dis : “ Venez ” et, à ceux qui me haïssent : “ Aimez-moi. ”

      – Alors, Maître…

      – Alors, je vais au village pour le sabbat.

      – Attends-nous, au moins.

      – Au crépuscule du sabbat, je pars. Je ne puis attendre. »

      471.5 Les deux hommes se regardent et restent en arrière pour se consulter, puis l’un d’eux, celui dont le visage est le plus ouvert, celui qui a presque toujours parlé, revient au pas de course.

      « Maître, je reste avec toi jusqu’après le sabbat. »

      Pierre, qui est à côté de Jésus, tire son vêtement pour l’obliger à se tourner de son côté, et lui murmure :

      « Non. Un espion. »

      Derrière son cousin, Jude lui souffle :

      « Méfie-toi. »

      Nathanaël, qui est allé à l’avant avec Simon et Philippe, se retourne et lui fait de gros yeux pour dire : “ Non. ” Même les deux plus confiants, André et Jean, font signe que non dans le dos de l’importun.

      Mais Jésus ne tient pas compte de leur peur soupçonneuse et il répond brièvement :

      « Reste. »

      Les autres doivent se résigner.

      L’homme, content, se sent moins étranger, et éprouve le besoin de dire son nom, qui il est, pourquoi il se trouve en Palestine alors qu’il est né dans la Diaspora. Il précise qu’il a été consacré à Dieu dès se naissance parce qu’il fut une “ consolation pour ses parents ” qui, reconnaissants au Seigneur de ce don, le confièrent à des parents à Jérusalem pour qu’il appartienne au Temple. Là, en servant la Maison de Dieu, il a connu le rabbi Gamaliel et est devenu son disciple attentif et aimé :

      « Ils m’ont appelé Joseph parce que, comme l’ancien Joseph, j’ai ôté à ma mère la douleur d’être stérile. Mais comme ma mère m’appelait toujours “ ma consolation ” pendant qu’elle me nourrissait, je suis devenu Barnabé pour tous [8]. Même le grand rabbi me surnomme ainsi, parce qu’il trouve sa consolation dans ses meilleurs élèves.

      – Fais en sorte que Dieu dise cela de toi, et même qu’il t’appelle ainsi » dit Jésus.

      471.6 Ils entrent dans le village.

      « Le connais-tu ? demande Jésus.

      – Non. Je n’y suis jamais venu. C’est la première fois que je viens dans le territoire de Nephtali. Le rabbi m’a amené avec lui, avec d’autres, parce que je suis resté seul…

      – As-tu Dieu pour ami ?

      – Je l’espère. J’essaie de le servir le mieux possible.

      – Alors, tu n’es pas seul. C’est le pécheur qui est seul.

      – Je suis pécheur, moi aussi…

      – Toi qui es disciple d’un grand rabbi, tu connais certainement les conditions pour qu’un acte devienne péché.

      – Tout est péché, Seigneur. L’homme pèche continuellement car les préceptes sont plus nombreux que les moments d’une journée. Et la réflexion ou les circonstances ne nous aident pas toujours à ne plus pécher.

      – En vérité, même les circonstances — surtout elles — nous amènent souvent à pécher. Mais as-tu une idée claire du principal attribut de Dieu ?

      – La justice.

      – Non.

      – La puissance.

      – Non.

      – … La sévérité.

      – Moins que tout.

      – Et pourtant… elle s’est manifestée sur le Sinaï et plus tard encore…

      – Le peuple a vu le Très-Haut au milieu des éclairs. Ils ceignaient d’une auréole terrible le visage du Père et Créateur. En vérité, vous ne connaissez pas le vrai visage de Dieu. Si vous le connaissiez et si vous en connaissiez l’esprit, vous sauriez que le principal attribut de Dieu, c’est l’amour, et l’amour miséricordieux.

      – Je sais que le Très-Haut nous a aimés. Nous sommes le peuple élu, mais il est terrible de le servir !

      – Si tu sais que Dieu est amour, comment peux-tu dire qu’il est redoutable ?

      – C’est qu’en péchant, nous perdons son amour.

      – Je t’ai demandé tout à l’heure si tu connaissais les conditions par lesquelles un acte devient péché.

      – Quand ce n’est pas un acte des six cent treize préceptes, des traditions, des décisions, des coutumes, des bénédictions et des prières, en plus des dix commandements de la Loi, ou bien quand ce n’est pas comme les scribes enseignent ces choses, alors c’est un péché.

      – Même si l’homme ne le commet pas en toute connaissance de cause et avec un parfait consentement de la volonté ?

      – Même dans ce cas. Aussi, qui peut dire : “ Moi, je ne pèche pas ” ? Qui peut espérer obtenir à sa mort la paix en Abraham ?

      471.7 – Les hommes ont-ils une âme parfaite ?

      – Non. Car Adam a péché, et nous avons cette faute en nous. Elle nous rend faibles. L’homme a perdu la grâce du Seigneur, l’unique force pour nous conduire…

      – Et le Seigneur le sait ?

      – Il sait tout.

      – Alors crois-tu qu’il n’ait pas de miséricorde et ne tienne pas compte de tout ce qui affaiblit l’homme ? Crois-tu qu’il exige de ceux qui ont été frappés ce qu’il pouvait exiger du premier Adam ? Il y a là une différence que vous ne prenez pas en considération. Dieu est justice, oui. Il est puissance, oui. Il peut être aussi sévérité pour l’impénitent. Mais quand il voit que son enfant — vous êtes tous enfants sur la terre : c’est une heure d’éternité pour l’âme, qui devient adulte à son examen spirituel de majorité éternelle dans le jugement particulier — quand donc il voit que son enfant a un manquement parce qu’il est distrait, qu’il est lent pour arriver à discerner, parce qu’il est peu instruit, parce qu’il est très faible en une ou plusieurs occasions, penses-tu que le Père très-saint puisse le juger avec une inexorable rigueur ? Tu l’as dit : l’homme a perdu la grâce, la force qui permet de lutter contre les tentations et les appétits. Et Dieu le sait. Il ne faut pas avoir peur de Dieu et le fuir comme Adam après la faute, mais se rappeler qu’il est l’Amour. Son visage resplendit sur les hommes, non pas pour les réduire en cendres, mais pour les réconforter comme le soleil le fait par ses rayons. C’est l’amour, et non pas la sévérité, qui rayonne de Dieu. Ce sont des rayons de soleil et non des flèches foudroyantes. Et, du reste… Qu’est-ce que, de lui-même, a imposé l’Amour ? Un fardeau que l’on ne peut porter ? Un code aux innombrables articles que l’on risque d’oublier ? Non : seulement les dix commandements. Il s’agissait de retenir comme un poulain l’homme animal qui, sans bride, va à sa ruine. Mais quand l’homme sera sauvé, quand la grâce lui sera rendue, quand viendra le Royaume de Dieu, autrement dit le Règne de l’amour, il ne sera donné qu’un seul commandement aux enfants de Dieu et aux sujets du Roi, et il contiendra tout : “ Aime ton Dieu de tout ton être, et ton prochain comme toi-même. ” [9] Tu dois croire, en effet, que Dieu-Amour ne peut qu’alléger le joug et le rendre plus doux, et avec l’amour il sera doux de servir Dieu : il ne sera plus craint, mais aimé. Aimé seulement, aimé pour lui-même, et aimé dans nos frères. Comme elle sera simple, la dernière Loi ! Comme l’est Dieu, qui est parfait dans sa simplicité. Ecoute : aime Dieu de tout ton être, aime ton prochain comme toi-même. Réfléchis : les lourds six cent treize préceptes ainsi que toutes les prières et bénédictions ne sont-ils pas déjà résumés dans ces deux phrases, en les débarrassant des détails inutiles qui ne sont pas de la religion, mais de l’esclavage à l’égard de Dieu ? Si tu aimes Dieu, tu l’honores certainement à toutes les heures. Si tu aimes ton prochain, tu ne fais certainement rien qui le fasse souffrir. Tu ne mens pas, tu ne voles pas, tu ne tues ni ne blesses, tu n’es pas adultère. N’est-ce pas le cas ?

      471.8 – C’est vrai… Maître juste, je voudrais rester avec toi. Mais Gamaliel a déjà perdu, à cause de toi, ses meilleurs disciples… Moi…

      – Ce n’est pas encore l’heure de venir à moi. Quand elle arrivera, ton maître lui-même te le dira, car c’est un juste.

      – Il l’est, c’est vrai ? Tu le dis toi-même ?

      – Oui, parce que c’est la vérité. Je ne suis pas homme à abattre pour m’élever sur celui que j’aurais abattu. Je reconnais à chacun ce qui est à lui… Mais ils nous appellent… Ils ont sûrement trouvé où nous loger. Allons-y…»





[1] Isaïe 17,1-14. Voir aussi Isaïe 14, 25-27.

[2] Jérémie 49,27.

[3] Ézéchiel 36,8 + 12 + 15.

[4] Psaume 88 (hébreu 89), 21-28 d’Étan l’Ezrahite.

[5] Psaume 71 (hébreu 72), 5-11 de Salomon.

[6] Psaume 68 (hébreu 69), 22 et Isaïe 63, 1-3.

[7] Voir l’épisode précédent.

[8] Barnabé (Barnabas) veut dire "fils de la prophétie qui console".

[9] Cf. Matthieu 22, 37-39 Marc 12, 29-31 repris du Deutéronome 6, 4-5 et du Lévitique 19,18. Voir aussi Lettre aux Romains 13,9.




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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 7 Déc - 17:19

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

472. La nouvelle Loi est la question insidieuse d’un jugement sur un évènement survenu à Giscala.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 166.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 472.

Vision du lundi 12 août 1946.

Samedi 18 août 29
Biram


      472.1 « Elle ne me plaît pas du tout, cette halte avec l’homme qui nous a rejoints… » bougonne Pierre qui se trouve avec Jésus dans un verger touffu.

      Ce doit être déjà l’après-midi du sabbat, car le soleil est encore haut sur l’horizon alors que c’était le crépuscule à leur arrivée au village.

      « Après les prières, nous partirons. C’est le sabbat. Nous ne pouvions pas voyager, et le repos ici nous a fait du bien. Nous ne nous arrêterons plus jusqu’au prochain sabbat.

      – Mais tu t’es si peu reposé ! Tous ces malades !…

      – Ce sont autant de personnes qui maintenant louent le Seigneur. Pour vous épargner tant de route, je serais volontiers resté ici deux jours, pour donner à ceux qui ont été guéris le temps d’apporter la nouvelle au-delà des frontières. Mais vous n’avez pas voulu.

      – Non ! Non ! Je voudrais être déjà loin. Et… n’aie pas trop confiance, Maître. Tu parle, tu parles… Mais sais-tu que, dans certaines bouches, chacune de tes paroles se change en poison pour toi ? Pourquoi nous l’ont-ils envoyé ?

      – Tu le sais.

      – Oui. Mais pourquoi est-il resté ?

      – Ce n’est pas le premier qui reste après m’avoir approché. »

      Pierre hoche la tête. Il n’est pas convaincu. Il grommelle :

      « C’est un espion ! Un espion !

      – Ne juge pas, Simon. Tu pourrais te repentir un jour de ton jugement actuel…

      – Je ne juge pas. J’ai peur pour toi. Et cela, c’est de l’amour. Le Très-Haut ne peut me punir de t’aimer.

      – Je ne dis pas que tu te repentirais de cela, mais d’avoir pensé du mal de ton frère.

      – Lui, il est le frère de ceux qui te haïssent. Ce n’est donc pas le mien.

      Ce raisonnement est humainement juste, 472.2 mais Jésus souligne :

      « Il est disciple de Gamaliel. Gamaliel n’est pas contre moi.

      – Mais il n’est pas avec toi non plus.

      – Qui n’est pas contre moi, est avec moi, même s’il n’en donne pas l’impression [1]. On ne peut pas demander qu’un Gamaliel, le plus grand docteur que possède Israël aujourd’hui, un puits de science rabbinique, une vraie mine dans laquelle se trouve toute la… substance de la science rabbinique, puisse rapidement tout rejeter pour me suivre, moi. Simon, il est difficile, même à vous, de me choisir en laissant de côté tout le passé…

      – Mais nous, nous t’avons suivi !

      – Non. Sais-tu ce que c’est que de me choisir ? Ce n’est pas seulement m’aimer et me suivre. Cela, c’est plutôt le mérite de l’Homme que je suis et qui attire votre sympathie. Me choisir, c’est prendre ma doctrine, qui est pareille à l’ancienne pour ce qui est de la Loi divine, mais qui est complètement différente de cette loi, de cet amas de lois humaines qui se sont accumulées au cours des siècles pour fabriquer tout un règlement et un formulaire qui n’ont rien de divin. Vous, tous les humbles d’Israël, et aussi certains grands très justes, vous vous plaignez et vous critiquez les subtilités pointilleuses des scribes et des pharisiens, leur intransigeance et leur dureté… Mais vous aussi, vous n’en êtes pas exempts. Ce n’est pas votre faute. Pendant des siècles et des siècles, vous, les Hébreux, avez assimilé lentement les… exhalaisons humaines de ceux qui ont manipulé la Loi de Dieu, pure et surnaturelle. Tu le sais. Lorsque quelqu’un continue des années durant à vivre d’une certaine manière différente de celle de son pays natal — parce qu’il est dans un pays qui n’est pas le sien, et que ses enfants et ses petits-enfants y vivent —, il arrive que sa descendance finisse par s’assimiler à celle de l’endroit. Elle s’acclimate au point de perdre jusqu’à l’aspect physique de sa nation en plus des habitudes morales et, malheureusement, au point de perdre la religion de ses pères… 472.3 Mais voici les autres. Allons à la synagogue.

      – Tu y prends la parole ?

      – Non. Je suis un simple fidèle. J’ai parlé par les miracles ce matin…

      – Pourvu que cela ne t’ait pas porté tort… »

      Pierre est vraiment mécontent et préoccupé, mais il suit le Maître, qui s’est réuni aux autres apôtres et se trouve rejoint en route par l’homme de Giscala, et d’autres qui sont peut-être du village.

      Dans la synagogue, le chef de la synagogue se tourne vers Jésus avec respect :

      « Rabbi, veux-tu expliquer la Loi ? »

      Mais Jésus refuse, et c’est comme un juif quelconque qu’il suit toutes les cérémonies, baisant comme les autres le rouleau que lui présente l’adjoint (dans l’ignorance du terme approprié, j’appelle ainsi cet assistant du chef de la synagogue) et écoutant l’explication du passage choisi. Pourtant, même s’il ne parle pas, la façon dont il prie est déjà une prédication… Beaucoup le regardent. Le disciple de Gamaliel ne le perd pas de vue une seule minute. Et les apôtres, soupçonneux comme ils sont, ne perdent pas de vue le disciple.

      Jésus ne se retourne pas même quand, sur le seuil, se produit un bourdonnement qui distrait beaucoup de gens. Mais la cérémonie prend fin et les fidèles sortent sur la place où se trouve la synagogue. Jésus, bien qu’étant plutôt vers le fond, sort dans les derniers, et se dirige vers la maison pour prendre son sac et partir.

      472.4 Beaucoup d’habitants de la ville le suivent, parmi lesquels le disciple de Gamaliel que hèlent à un certain moment trois hommes adossés au mur d’une maison. Il parle avec eux, et en leur compagnie se fraie un chemin vers Jésus.

      « Maître, ces gens désirent te parler, dit-il pour attirer l’attention de Jésus qui discutait avec Pierre et son cousin Jude.

      – Des scribes ! Je l’avais bien dit ! » s’écrie Pierre, déjà troublé.

      Jésus salue profondément les trois hommes qui en font autant, et il demande :

      « Que voulez-vous ? »

      Le plus âgé prend la parole :

      « Tu n’es pas venu. C’est donc nous qui venons. Et pour que personne ne pense que nous n’avons pas respecté le sabbat, nous disons à tous que nous avons partagé le parcours en trois temps : le premier jusqu’à ce que la dernière lueur du crépuscule ait disparu ; le second, de six stades, pendant que la lune éclairait les sentiers ; le troisième se termine maintenant et n’a pas dépassé la distance légale. Cela dit pour nos âmes et les vôtres. Mais pour notre esprit, nous te demandons ta sagesse. Es-tu au courant de ce qui est arrivé dans la ville de Giscala ?

      – Je viens de Capharnaüm, je ne sais rien.

      – Ecoute : un homme s’était absenté pour de longues affaires de sa maison. A son retour, il apprit que, durant son absence, sa femme l’avait trahi, et jusqu’au point d’avoir un fils, qui ne pouvait être du mari, puisqu’il avait été absent pendant quatorze mois. L’homme a tué secrètement sa femme. Mais, dénoncé par quelqu’un qui l’avait appris de la servante, il a été mis à mort conformément à la loi d’Israël. L’amant, qui selon la Loi aurait dû être lapidé [2], s’est réfugié à Cédès, et il cherchera sûrement à en repartir pour d’autres lieux. Le bâtard, que le mari voulait trouver pour le tuer lui aussi, ne lui fut pas remis par la nourrice qui l’allaitait : au contraire, elle est allée à Cédès demander au vrai père du bébé de s’occuper de son enfant, car le mari de la nourrice refuse de garder le bâtard chez lui. Mais l’homme l’a repoussée en lui disant que son fils le gênerait dans sa fuite. Et toi, comment juges-tu cette affaire ?

      – Je ne pense pas qu’on puisse encore la juger : tout jugement, juste ou injuste, a déjà été prononcé.

      – Quel est, selon toi, le jugement juste et celui qui est injuste? Il y a eu divergence d’idées entre nous au sujet du supplice de l’assassin. »

      472.5 Jésus les regarde, fixement, l’un après l’autre.

      « Je vais parler. Mais d’abord, répondez à mes questions, quelle que soit leur importance. Et soyez sincères. Celui qui a tué la femme était-il de l’endroit ?

      – Non. Il s’y était établi après avoir épousé la femme qui, elle, en était.

      – L’adultère était-il de l’endroit ?

      – Oui.

      – Comment le mari a-t-il su qu’il était trahi ? La faute était-elle publique ?

      – Non, vraiment, et on ne comprend pas comment il a pu l’apprendre. La femme s’était absentée depuis des mois en disant que, pour ne pas rester seule, elle se rendait à Ptolémaïs dans sa famille, et elle est revenue en disant qu’elle avait pris avec elle le bébé d’une parente morte.

      – Quand elle était à Giscala, sa conduite était-elle effrontée ?

      – Non. Au contraire, nous avons tous été étonnés de sa relation avec Marc.

      – Mon parent n’est pas un pécheur. C’est un accusé innocent, dit l’un des trois qui n’a encore jamais parlé.

      – C’était ton parent ? Qui es-tu ? demande Jésus.

      – Le premier des Anciens de Giscala. C’est pour cela que j’ai voulu la mort du meurtrier, car non seulement il a tué, mais il a tué une innocente. »

      Et il regarde de travers le troisième, qui a environ quarante ans, et qui répond :

      « La Loi prescrit de tuer l’homicide.

      – Tu voulais la mort de la femme et de l’amant.

      – C’est la Loi.

      – S’il n’y avait pas d’autre raison, personne n’aurait parlé. »

      La discussion s’envenime entre les deux antagonistes, qui en oublient presque Jésus. Mais celui qui a parlé le premier, le plus âgé, impose le silence en disant avec impartialité :

      « On ne peut nier que l’homicide ait été consommé, comme on ne peut nier qu’il y ait eu une faute. La femme l’a finalement avouée à son mari. Mais laissons parler le Maître.

      – Je vous demande : comment le mari l’a-t-il appris ? Vous ne m’avez pas répondu. »

      Celui qui défend la femme dit :

      « Parce que quelqu’un a parlé dès le retour du mari.

      – Je vous dis que celui-là n’avait pas l’âme pure, dit Jésus en abaissant ses paupières pour voiler son regard et l’empêcher d’accuser.

      Mais l’homme de quarante ans qui voulait la mort de la femme et de son amant s’emporte :

      « Moi, je ne désirais pas cette femme.

      – Ah ! maintenant c’est clair ! C’est toi qui as parlé ! Je le soupçonnais, mais tu viens de te trahir ! Assassin !

      – Et toi, tu favorises l’adultère. Si tu n’avais pas averti Marc, il ne se serait pas enfui. Mais c’est ton parent ! C’est ainsi qu’on rend la justice en Israël ! C’est pour cela que tu défends aussi la mémoire de la femme : pour défendre ton parent. S’il n’y avait qu’elle, tu ne t’en soucierais pas !

      – Et toi, alors ? Toi qui as jeté le mari contre sa femme pour te venger de ses refus ?

      – Et toi, le seul à avoir témoigné contre l’homme ? Toi qui dans cette maison payais une servante pour qu’elle te favorise ? Un seul témoignage n’est pas valide : c’est la Loi qui le dit [3]. »

      C’est un vrai brouhaha de foire !

      Jésus et le plus âgé cherchent à calmer les deux hommes, qui représentent deux intérêts et deux courants opposés, et qui révèlent une haine implacable entre deux familles. Ils y parviennent non sans peine, 472.6 et Jésus prend la parole. Calme, solennel, il commence par se défendre de l’accusation venue de l’un des deux adversaires : “ Toi qui protèges les prostituées… ”

      « Moi, non seulement j’affirme que l’adultère consommé est un crime contre Dieu et le prochain, mais j’ajoute : même celui qui a des désirs impurs pour la femme d’un autre est adultère dans son cœur, et il pèche. Malheur si tout homme qui a désiré la femme d’autrui devait être mis à mort ! Les lapidateurs devraient avoir toujours des pierres à la main. Mais si, bien des fois, le péché reste impuni par les hommes sur terre, il sera expié dans l’autre vie, parce que le Très-Haut a dit : “ Tu ne forniqueras pas et tu ne désireras pas la femme d’autrui ”, et il faut obéir à la parole de Dieu. Cependant, je dis aussi : “ Malheur à celui par qui se commet un scandale, et malheur à celui qui dénonce son prochain. ” Ici, il y a eu des manquements de la part de tous. De la part du mari : y avait-il pour lui une véritable nécessité d’abandonner sa femme si longtemps ? L’avait-il toujours traitée avec cet amour qui gagne le cœur de sa compagne ? S’est-il examiné lui-même pour voir si, avant d’être offensé par sa femme, il ne l’avait pas offensée, lui ? La loi du talion dit “ œil pour œil, dent pour dent ”. Mais si elle le dit pour exiger réparation, cette réparation doit-elle être faite par un seul ? Je ne défends pas la femme adultère, mais je dis : “ Combien de fois aurait-elle pu accuser son conjoint de ce péché ? »

      Les gens murmurent : “ C’est vrai ! C’est vrai ! ” et ils approuvent aussi le vieillard de Giscala et le disciple de Gamaliel.

      Jésus poursuit :

      « … Moi, je dis : comment n’a-t-il pas craint Dieu, celui qui par vengeance a provoqué une pareille tragédie ? L’aurait-il voulue au sein de sa famille ? Moi, je dis : l’homme qui s’est enfui et, qui, après avoir joui et causé ces malheurs, repousse aussi maintenant l’innocent, croit-il qu’en fuyant il échappera au Vengeur éternel ?

      Voilà ce que je dis. 472.7 Et j’ajoute : la Loi exigeait la lapidation des adultères et la mise à mort du criminel. Mais un jour viendra où la Loi — nécessaire pour contenir la violence et la luxure des hommes qui ne sont pas fortifiés par la grâce du Seigneur —, sera modifiée. S’il restera les commandements : “ Ne pas tuer et ne pas commettre l’adultère ”, les sanctions contre ces péchés seront remises à une justice plus élevée que celle de la haine et du sang. En comparaison avec cette justice, celle, toujours hypocrite et indigne, des juges humains — tous adultères, peut-être plusieurs fois, et pourquoi pas homicides —, sera moins que rien. Je parle de la justice de Dieu qui demandera raison aux hommes, même des désirs impurs d’où proviennent les vengeances, les délations, les meurtres ; elle demandera surtout raison des prétextes pour lesquels on refuse aux coupables le temps de se racheter et pour lesquels on impose aux innocents de porter le poids des fautes d’autrui. Tous sont coupables ici. Tous. Même les juges mus par des motifs opposés de vengeance personnelle. Il n’y a qu’un innocent, et c’est à lui que va ma pitié. Moi, je ne peux revenir en arrière. Mais qui de vous fera preuve de charité envers le bébé, et envers moi qui souffre pour lui ? »

      Jésus jette sur la foule un regard de prière attristé.

      Plusieurs disent :

      « Que veux-tu ? Mais rappelle-toi : c’est un bâtard !

      – A Capharnaüm, il y a une femme qui s’appelle Sarah. Elle est d’Aféqa. C’est l’une de mes disciples. Conduisez-lui l’enfant, et dites-lui : “ Jésus de Nazareth te le confie. ” Quand le Messie que vous attendez aura fondé son Royaume, et édicté ses lois qui n’annulent pas la Parole du Sinaï, mais la perfectionnent en y apportant l’amour, les bâtards ne resteront plus sans mère, car je serai moi-même le Père de ceux qui n’en ont pas, et je dirai à mes fidèles : “ Aimez-les par amour pour moi. ” Et d’autres choses seront changées, car la violence sera remplacée par l’amour.

      472.8 Vous croyiez peut-être, en m’interrogeant, que je m’opposerais à la Loi. Et c’est pour cela que vous m’avez recherché. Dites-vous et rapportez à ceux qui vous ont envoyés que je suis venu pour perfectionner la Loi, jamais pour la contredire. Dites-vous et rapportez aux autres que Celui qui prêche le Royaume de Dieu ne peut pas enseigner ce qui ferait horreur dans le Royaume de Dieu et ne pourrait donc être accueilli. Dites-vous et rapportez aux autres qu’il faut garder en mémoire ce passage du Deutéronome [4] : “ Le Seigneur ton Dieu suscitera pour toi, de ta nation, parmi tes frères, un prophète comme moi que vous écouterez. C’est cela même que tu as demandé au Seigneur ton Dieu à l’Horeb. Tu as dit : “ Pour ne pas mourir, que je n’entende plus la voix du Seigneur mon Dieu et que je ne voie plus ce grand feu ”. Et le Seigneur m’a dit : “ Ils ont bien parlé. Je leur susciterai, du milieu de leurs frères, un prophète semblable à toi, je mettrai mes paroles sur ses lèvres et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. Et si un homme ne veut pas écouter les paroles qu’il dira en mon nom, je lui en demanderai compte moi-même. ” [5]

      Dieu vous a envoyé son Verbe pour qu’il parle sans que sa voix vous tue. Dieu avait déjà abondamment parlé à l’homme, plus que celui-ci n’avait mérité de l’entendre. Il s’était adressé à lui par la Loi du Sinaï et par les prophètes. Mais il y avait encore beaucoup à dire, et Dieu l’a réservé pour son prophète du temps de grâce, pour celui qui a été promis à son peuple, en qui est la Parole de Dieu et en qui s’accomplira le pardon. Fondateur du Royaume de Dieu, il codifiera la Loi avec de nouveaux préceptes d’amour, car le temps de l’amour est venu. Et il ne demandera pas vengeance au Très-Haut pour ceux qui ne l’écoutent pas, mais seulement que le feu de Dieu fasse fondre le granit des cœurs et que la Parole de Dieu puisse les pénétrer et y fonder le Royaume, qui est le Royaume de l’esprit de même que son Roi est un Roi spirituel. A quiconque aimera le Fils de l’Homme, le Fils de l’Homme indiquera le chemin, la vérité et la vie pour aller à Dieu, le connaître, et entrer dans la vie éternelle [6]. En ceux qui recevront ma parole, s’ouvriront des sources de lumière grâce auxquelles il connaîtra le sens caché des paroles de la Loi. Il verra alors que les interdictions ne sont pas des menaces, mais des invitations de Dieu, qui veut que les hommes soient bienheureux et non pas damnés, bénis et non pas maudits.

      472.9 Une fois de plus, d’un drame désormais résolu, comme la sainteté ne l’aurait pas résolu, vous avez fait un instrument d’inquisition pour me prendre en faute. Mais moi, je sais que je ne pèche pas. Et je ne crains pas de dire ma pensée : l’homme homicide a expié, d’abord par le déshonneur, puis par la mort, d’avoir fait du profit le but de sa vie. La femme a expié par sa mort son péché, et — cela vous étonnera, mais c’est ainsi — son aveu dans l’intention d’amener son mari à la pitié pour l’innocent, a diminué auprès de Dieu le poids de son péché. Les autres, c’est-à-dire vous deux, et celui qui s’est enfui sans même avoir pitié de son enfant, vous êtes plus coupables que les deux premiers. Vous n’êtes pas d’accord ? Vous n’avez pas expié par la mort et vous n’avez pas les circonstances atténuantes du mari trahi, ni celles de la femme délaissée et qui avait avoué sa faute. Et tous, vous avez un péché, tous, sauf la nourrice de l’innocent : vous avez repoussé ce pauvre petit comme s’il était un mal honteux. Vous avez su tuer l’homicide, vous auriez su aussi tuer les adultères. Ce qui est justice sévère, vous avez su le faire et vous auriez su le faire. Mais aucun n’a su et ne sait ouvrir les bras à la pitié pour l’enfant. Mais vous n’êtes pas complètement responsables. Vous ne savez pas… Vous ne savez jamais exactement ce que vous faites et ce qu’il faudrait faire. Et en cela, vous avez une excuse.

      Quand ce disciple de Gamaliel est venu me trouver, il m’a dit : “ Viens. Ils veulent t’interroger sur un scandale dont les conséquences durent encore. ” Ces conséquences, c’est l’innocent. Eh bien ? Maintenant que vous connaissez ma pensée, changez-vous donc votre jugement là où il peut l’être ? A lui, j’ai dit : “ Moi, je ne juge pas. Je pardonne ”. Gamaliel a dit : “ Seul Jésus de Nazareth jugerait ici avec justice. ” Comme je l’ai répondu à cet homme, j’aurais conseillé à tous, je dis bien à tous, d’attendre, pour frapper, que l’on procède à un examen attentif et que les passions se soient calmées. Bien des choses pouvaient être changées sans offenser la Loi. 472.10 C’est désormais trop tard. Que Dieu pardonne à ceux qui se sont repentis ou le feront. Je n’ai rien d’autre à dire. Ou plutôt, si : que Dieu vous pardonne, une fois encore, d’avoir tenté le Fils de l’homme.

      – Pas moi. Maître ! Pas moi ! Moi… j’aime le rabbi Gamaliel comme un disciple doit aimer son maître : plus qu’un père, puisqu’un rabbi forme l’intelligence qui est plus grande que la chair. Et… je ne puis quitter mon rabbi pour toi. Mais voici : pour te saluer, je ne trouve que les paroles du cantique de Judith [7]. Elles jaillissent du fond de mon cœur, car j’ai senti la justice et la sagesse dans toutes tes paroles. “ Adonaï, Seigneur, tu es grand et admirable dans ta puissance. Nul ne peut te surpasser. Personne ne peut résister à ta voix. Qui craint le Seigneur se tiendra toujours devant toi ! ”… Seigneur, je vais descendre à Capharnaüm chez la femme dont tu parles… Quant à toi, prie pour moi afin que mon granit fonde et qu’y pénètre la Parole qui établit le Royaume de Dieu en nous… Maintenant j’ai compris. Nous sommes dans l’erreur. Et nous, disciples, nous sommes les moins coupables…

      – Que dis-tu, imbécile ? interrompt violemment l’Ancien de Giscala en s’adressant au disciple de Gamaliel.

      – Ce que je dis ? Que mon maître a raison, et que celui qui lui offre un royaume temporel pour le tenter est un Satan : car lui est un vrai Prophète du Très-Haut et la Sagesse parle par ses lèvres. Dis-moi, Maître, que dois-je faire ?

      – Méditer.

      – Mais…

      – Méditer. Tu es un fruit vert, et il te faut une greffe. Je prierai pour toi. Vous autres, venez… »

      Et, avec les apôtres chargés de leurs sacs, il se met en route, laissant derrière lui les commentaires.




[1] Voir Marc 9,40.

[2] Lapidé, comme c’est prescrit en Lévitique 20, 10 ; Deutéronome 22, 22-24. La lapidation des adultères est aussi mentionnée en EMV 26.6EMV 357.11EMV 494.1EMV 495.2.

[3] C’est la Loi qui le dit, en Nombres 35, 30.

[4] Matthieu 5,17.

[5] Deutéronome 18,15-20.

[6] Jean 14,6.

[7] Judith 16, 13-15.




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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 8 Déc - 21:18

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473. Jésus guérit l’enfant aveugle-né de Sidon.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 167.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 473.

Vision du mardi 15 août 1944.
(Fête de l’Assomption).


Samedi 1er septembre 29
Vers Achzib


      […] [1]    
     
      473.1 Je vois Jésus sortir d’une synagogue, entouré des apôtres et du peuple. Je comprends que c’est une synagogue parce que, par la porte grande ouverte, je vois le même mobilier que dans celle de Nazareth, dans une des visions préparatoires à la Passion.

      La synagogue se trouve sur la place centrale du village. C’est une place nue, seulement entourée de maisons, un bassin au milieu, alimenté par une fontaine d’où coule une belle eau limpide par une bouche unique faite d’une pierre creusée comme une tuile. La vasque sert à abreuver les quadrupèdes et les nombreuses colombes qui volettent d’une maison à l’autre ; la fontaine, elle, sert à remplir les brocs des femmes, de belles amphores dont beaucoup sont en cuivre repoussé, d’autres en cuivre uni, et qui brillent au soleil. Celui-ci est chaud, par ce beau temps. La terre de la place est sèche, jaunâtre, sous un tel soleil. Il n’y a pas un seul arbre, mais des touffes de figuiers et des sarments de vignes débordent par dessus les murets des jardins alignés le long des quatre routes qui débouchent là. Ce doit être la fin de l’été et une fin de journée : il y a du raisin mûr sur les tonnelles, et le soleil ne tombe pas à pic, mais il a les rayons obliques du crépuscule.

      Sur la place, des malades attendent Jésus. Je ne vois pourtant pas de miracle parmi eux. Il passe, se penche sur eux, les bénit et les réconforte, mais sans les guérir, du moins en ce moment. Il y a aussi des femmes avec des enfants, et des hommes de tout âge. Le Sauveur semble les connaître, car il les salue par leurs noms et ils se serrent autour de lui avec familiarité. Jésus caresse les enfants en se penchant affectueusement sur eux.

      473.2 Dans un coin de la place, se tient une femme avec un petit garçon ou une petite fille (ils sont tous vêtus de la même tunique courte de couleur claire). Elle ne paraît pas être de l’endroit. A mon avis, elle est d’une condition sociale plus élevée que les autres. Son vêtement est plus ouvragé, avec des galons et des plis ; ce n’est pas la simple tunique des femmes du peuple, garnie, à la taille, d’un cordon comme unique ornement et unique commodité. Cette femme a, au contraire, un habit plus compliqué qui, sans être un chef-d’œuvre de toilettes comme celles que portait Marie-Madeleine, est déjà très orné. Sur la tête, elle a un voile beaucoup plus léger que celui des autres femmes qui est de lin fin, alors que le sien est presque de la mousseline tant il est aérien. Fixé avec grâce au milieu de la tête, il laisse entrevoir une chevelure châtain bien peignée : les mèches sont tressées simplement, mais avec plus de soin que celles des autres femmes, qui ont des nattes regroupées sur la nuque ou enroulées sur la tête. Elle porte sur les épaules un véritable manteau — je ne sais si l’étoffe est cousue ou tissée en rond —, dont le col est agrémenté d’un galon, terminé par une boucle d’argent. Très ample, ce manteau tombe avec des plis jusqu’à la cheville.

      La femme tient par la main le bel enfant dont j’ai parlé, qui a environ sept ans. Il est même robuste, mais dépourvu de vivacité. Il reste tranquille, la tête penchée, tenant la main de sa maman, indifférent à tout ce qui se passe.

      La femme regarde, mais n’ose s’approcher du groupe qui s’est formé autour de Jésus. Elle semble indécise, se demandant si elle va y aller et craignant d’avancer. Finalement, elle prend un moyen terme : attirer l’attention de Jésus. Elle voit qu’il a pris dans ses bras un bébé tout rose et tout riant qu’une mère lui a présenté et que, en parlant avec un petit vieux, il le serre contre son cœur en le berçant. Elle se penche sur son enfant et lui dit quelque chose.

      L’enfant lève la tête. Je vois alors un visage triste, aux yeux fermés. Il est aveugle.

      « Pitié pour moi, Jésus ! » dit-il.

      La plainte de cette voix enfantine déchire l’air tranquille de la place et parvient au groupe.

      473.3 Jésus se retourne et voit. Il se déplace immédiatement avec une sollicitude affectueuse, sans même rendre à sa mère le bébé qu’il tient dans ses bras. Grand et très beau, il se dirige vers le pauvre petit aveugle qui, après avoir crié, a de nouveau baissé la tête, et c’est en vain que sa mère le presse de réitérer son appel.

      Jésus parvient en face de la femme. Il la regarde. Elle aussi le dévisage puis, timidement, elle baisse les yeux. Jésus l’aide. Il a rendu l’enfant qu’il avait dans les bras à la femme qui le lui avait donné.

      « Femme, c’est ton fils ?

      – Oui, Maître, c’est mon premier-né. »

      Jésus caresse sa petite tête inclinée. Il paraît ne pas avoir vu la cécité du petit garçon. Mais je pense qu’il le fait intentionnellement pour que sa mère formule sa demande.

      « Le Très-Haut a donc béni ta maison avec de nombreux enfants et en te donnant d’abord le garçon consacré au Seigneur.

      – Je n’ai qu’un garçon : lui, et trois fillettes, et je n’en aurai pas d’autres… »

      Elle sanglote.

      « Pourquoi pleures-tu, femme ?

      – Parce que mon fils est aveugle, Maître !

      – Et tu voudrais qu’il voie. Peux-tu croire ?

      – Je crois, Maître. On m’a dit que tu as ouvert des yeux qui étaient fermés. Mais mon petit est né avec des yeux desséchés. Regarde-le, Jésus. Sous les paupières, il n’y a rien… »

      Jésus lève vers lui le petit visage précocement sérieux et le regarde en soulevant de son pouce les paupières. Dessous, c’est le vide. Il reprend la parole en tenant d’une main la pauvre frimousse en attente.

      « Alors pourquoi es-tu venue, femme ?

      – Parce que… je sais que c’est plus difficile pour mon enfant… mais s’il est vrai que tu es l’Attendu, tu peux le faire. Ton Père a créé les mondes… Ne pourrais-tu faire, toi, deux pupilles à mon enfant ?

      – Tu crois que je viens du Père, le Seigneur très-haut ?

      – Je le crois, et aussi que tu peux tout. »

      473.4 Jésus la regarde comme pour apprécier la foi qui est en elle et sa pureté. Il sourit, puis il dit :

      « Enfant, viens vers moi. »

      Et il le conduit par la main sur un muret haut d’un demi-mètre qui s’élève le long de la route devant une maison, une sorte de parapet pour la protéger de la route, qui tourne à cet endroit.

      Quand l’enfant est bien en place sur le muret, Jésus devient sérieux, imposant. La foule se presse autour de lui, de l’enfant et de sa mère anxieuse. Je vois Jésus de côté, de profil, tout enveloppé dans son manteau bleu très foncé sur son vêtement un peu plus clair. Son visage est inspiré. Il paraît plus grand et même plus robuste, comme toujours quand il libère une puissance miraculeuse. C’est même une des fois où il me paraît le plus imposant. Il pose sur la tête de l’enfant ses mains ouvertes, mais avec les deux pouces sur les orbites vides. Il lève la tête et prie intensément, mais sans remuer les lèvres. Il dialogue certainement avec son Père. Puis il dit :

      « Vois ! Je le veux ! Et loue le Seigneur ! »

      Et à la femme :

      « Que ta foi soit récompensée. Voici ton fils qui sera ton honneur et ta paix. Montre-le à ton mari, et son amour pour toi renaîtra, et ta maison connaîtra de nouveaux jours de bonheur. »

      473.5 La femme a poussé un cri perçant de joie en voyant qu’une fois enlevés les pouces divins, à la place des orbites vides deux yeux magnifiques bleu foncé, comme ceux du Maître, la fixent, étonnés et heureux, sous la frange des cheveux noirs. Aussitôt, tout en tenant son fils serré contre son cœur, elle s’agenouille aux pieds du Maître et s’écrie :

      « Tu sais même cela ? Ah ! Tu es vraiment le Fils de Dieu. »

      Elle baise son vêtement et ses sandales, puis se relève, transfigurée par la joie. Elle dit :

      « Ecoutez-moi tous. Je viens de la terre lointaine de Sidon. Je suis venue parce qu’une autre mère m’a parlé du Rabbi de Nazareth. Mon mari, juif et marchand, a dans cette ville ses comptoirs pour commercer avec Rome. Riche et fidèle à la Loi, il a cessé de m’aimer lorsque, après lui avoir donné un garçon malheureux, je lui ai enfanté trois filles et qu’ensuite je suis devenue stérile. Il s’est éloigné de notre maison et, sans être répudiée, j’étais dans la même situation que si je l’avais été. Je savais déjà qu’il voulait se libérer de moi pour avoir, d’une autre femme, un héritier capable de continuer le commerce et de profiter des richesses paternelles. Avant de partir, je suis allée trouver mon époux et je lui ai dit : “ Attends que je revienne. Si je rentre avec un fils encore aveugle, répudie-moi. Sinon, ne blesse pas à mort mon cœur et ne refuse pas un père à tes enfants. ” Et lui m’a juré : “ Pour la gloire du Seigneur, femme, je te jure que si tu me ramènes l’enfant guéri — je ne sais pas comment tu pourras faire puisque ton ventre n’a pas su lui donner des yeux —, je reviendrai à toi comme aux jours de notre premier amour. ” Le Maître ne pouvait rien savoir de mon chagrin d’épouse, et pourtant il m’a consolée même pour cela. Gloire à Dieu et à toi, Maître et Roi ! »

      La femme se jette de nouveau à genoux, pleurant de joie.

      473.6 « Va ! Dis à Daniel, ton mari, que Celui qui a créé les mondes, a donné deux claires étoiles pour pupilles au petit garçon consacré au Seigneur. Car Dieu est fidèle à ses promesses, et il a juré que celui qui croit en lui verra toutes sortes de prodiges. Qu’il soit maintenant fidèle au serment qu’il t’a fait et qu’il ne commette pas de péché d’adultère. Dis cela à Daniel. Va, et sois heureuse. Je vous bénis, toi et cet enfant, et avec toi, ceux qui te sont chers. »

      La foule forme un chœur de louanges et de félicitations, et Jésus entre dans une maison voisine pour se reposer.

      La vision cesse ainsi. Et je vous assure qu’elle m’a profondément frappée.




[1] Cette vision est précédée d’une catéchèse rapportée dans Les Cahiers de 1944 à la date du 15 août. Il s’agit d’une vision plus détaillées de l’Assomption de Marie. Cependant, celle-ci ne sera vraiment complète que tardivement, le 8 décembre 1951 (cf. EMV 650).



Enseignement de Jésus à Maria Valtorta
Enseignement pour les femmes d'aujourd'hui



Ancienne édition : Tome 7, chapitre 168.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 473.

Dictée du jeudi 17 août 1944.

   473.7 Jésus dit :

      « Pour ceux qui ont foi en lui, Dieu dépasse toujours les demandes de ses enfants : il leur donne encore davantage. Crois-le bien, et croyez-le tous. La femme venue de Sidon pour me trouver, avec les deux épées enfoncées dans le secret de son cœur, n’a osé me parler que de l’une. C’est qu’il est plus pénible de dévoiler certaines souffrances intimes que de dire : “ Je suis malade. ” Mais je lui aussi ai accordé le second miracle.

      Aux yeux du monde, il aura semblé — et il semblera toujours — qu’il est beaucoup plus facile de rétablir la concorde entre deux époux séparés pour un problème désormais résolu — et heureusement —, que de donner deux pupilles à deux yeux qui sont nés sans en avoir. Mais non, il n’en est pas ainsi. Pour Celui qui est le Seigneur et le Créateur, faire deux pupilles est une chose très simple, comme de rendre à un cadavre le souffle de la vie. Le Maître de la vie et de la mort, le Maître de tout ce qui existe dans la Création, ne manque certainement pas de souffle vital pour l’infuser de nouveau aux morts et de deux gouttes de liquide humoral pour un œil desséché. Il suffit qu’il le veuille pour le pouvoir. Car cela dépend de sa seule volonté à lui. Mais quand il s’agit de concorde entre les hommes, il faut la “ volonté ” des hommes unie au désir de Dieu. Dieu ne fait que rarement violence à la liberté humaine. La plupart du temps, il vous laisse libres d’agir à votre guise.

      Cette femme qui vivait dans un pays d’idolâtres et était restée, comme son époux, croyante dans le Dieu de ses pères, méritait déjà la bienveillance de Dieu. Poussant ensuite sa foi au-delà des limites des mesures humaines, surmontant les doutes et les négations de la majorité des croyants juifs — comme le prouve ce qu’elle dit à son époux : “ Attends mon retour ”, certaine de revenir avec son fils guéri —, elle mérite un double miracle. Elle mérite aussi ce difficile prodige d’ouvrir les yeux de l’esprit à son conjoint, ces yeux qui s’étaient éteints à la vision de l’amour et de la souffrance de son épouse et lui imputaient une faute qui n’existait pas.

      473.8 Je veux aussi — et cela pour les épouses — que l’on réfléchisse à l’humilité respectueuse de leur sœur : “ Je suis allée trouver mon époux, et je lui ai dit : ‘Attends, seigneur.’ ”

      Elle avait pour elle la raison, car reprocher à une mère un défaut de naissance, c’est de la sottise et de la cruauté. Son cœur est déjà brisé par la vue de son enfant malheureux. Elle a deux fois pour elle la raison car, abandonnée par son mari depuis qu’elle est stérile et connaissant son intention de divorcer, elle reste cependant “ l’épouse ”, c’est-à-dire la compagne fidèle et soumise à son compagnon, comme cela est voulu par Dieu et enseigné par l’Ecriture. Pas de révolte ni de soif de vengeance, pas d’intention de trouver un autre homme pour ne pas être “ la femme seule ”.

      “ Si je ne reviens pas avec l’enfant guéri, répudie-moi. Mais, autrement, ne blesse pas mon cœur à mort et ne refuse pas un père à tes enfants. ”

      Ne croirait-on pas entendre parler Sarah et les femmes hébraïques d’autrefois ?

      Ô épouses, comme il est différent, votre langage d’aujourd’hui ! Mais aussi, comme est différent ce que vous obtenez de Dieu et de votre époux ! Et les familles se détruisent de plus en plus.

      473.9 Comme toujours, en accomplissant ce miracle, j’ai dû donner un signe qui le rende encore plus incisif. Je devais persuader une foule enfermée dans les barrières de toute une manière de penser séculaire, et dirigée par une secte qui m’était hostile. Il était donc nécessaire de faire resplendir clairement mon pouvoir surnaturel. Mais l’enseignement de la vision n’est pas là. Il est dans la foi, dans l’humilité, dans la fidélité au conjoint, dans le bon chemin qu’il vous faut prendre, ô épouses et mères qui avez trouvé des épines là où vous vous promettiez des roses, pour voir naître, au lieu des piquants qui vous blessent, de nouvelles branches fleuries.

      Tournez-vous vers le Seigneur votre Dieu qui a établi le mariage pour que l’homme et la femme ne restent pas seuls mais s’aiment en formant pour toujours une seule chair indissoluble, puisqu’elle a été unie. Il vous a aussi donné le sacrement pour que sa bénédiction descende sur votre union, et que grâce à moi vous ayez ce qui vous est nécessaire dans votre nouvelle vie de conjoints et de parents. Et pour vous tourner vers lui, avec une âme et un visage bien assurés, soyez honnêtes, bonnes, respectueuses, fidèles, de vraies compagnes de votre époux, non pas de simples hôtes de sa maison ou, pis encore, des étrangères que le hasard réunit sous un même toit, comme le hasard réunit des pèlerins dans un hôtel.

      Cela arrive trop souvent, actuellement. L’homme manque-t-il à ses devoirs ? Il agit mal. Mais cela ne justifie pas la manière d’agir de trop d’épouses. Cela la justifie encore moins quand vous ne savez pas rendre à un bon compagnon le bien pour le bien et l’amour pour l’amour. Je ne veux même pas m’arrêter au cas trop fréquent de vos infidélités charnelles, qui ne vous rendent pas différentes des prostituées, avec la circonstance aggravante d’être hypocritement vicieuses, et de souiller l’autel de la famille autour duquel se trouvent les âmes angéliques de vos enfants innocents. Mais je parle de votre infidélité morale au pacte d’amour juré devant mon autel.

      Eh bien, j’ai dit : “ Celui qui regarde une femme en la désirant, commet l’adultère dans son cœur ” [1] ; j’ai dit : “ Celui qui renvoie son épouse avec un acte de divorce, l’expose à l’adultère. ” Mais maintenant, maintenant que trop de femmes sont des étrangères pour leur mari, je dis : “ Celles qui n’aiment pas leur compagnon avec leur âme, leur esprit et leur chair, le poussent à l’adultère. Et, de même que je demanderai raison à l’homme de son péché, je le ferai aussi pour celle qui ne l’a pas commis, mais en est la cause. ” Il faut savoir comprendre la Loi de Dieu dans toute son étendue et toute sa profondeur, et il faut savoir la vivre en pleine vérité.

      Reste avec ma paix, toi que cela ne regarde pas, et garde ton cœur fixé en moi. »





[1] J’ai dit, en EMV 174.13.18.19. Cf. Matthieu 5, 28 – Matthieu 5, 32 – Matthieu 19, 9 – Marc 10, 11-12 – Luc 16, 18.



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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 9 Déc - 21:53

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

474. Une vision qui se perd dans un ravissement d'amour

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 169.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 474.

Vision du jeudi 15 août 1946.
(Fête de l’Assomption).


Mardi 4 septembre 29
Vers Ptolémaïs


      474.1 Comme ils le font souvent en marchant, et peut-être pour alléger par cette distraction la monotonie de leurs pérégrinations incessantes, les apôtres discutent : ils rappellent et commentent les derniers événements, interrogent de temps à autre le Maître qui généralement parle peu, ou seulement pour n’être pas discourtois, ne réservant cette fatigue que pour les moments où il faut instruire les gens ou ses apôtres, corriger les idées fausses, ou réconforter des malheureux.

      Jésus est la “ Parole ”, mais certainement pas le “ bavardage ” ! Patient et aimable comme nul autre, jamais il ne montre son ennui de devoir répéter une idée, une, deux, dix, cent fois, pour la faire entrer dans les têtes cuirassées par les préceptes pharisaïques et rabbiniques, sans se soucier de sa propre fatigue — qui parfois est si grande qu’elle devient une souffrance — pour soulager la souffrance physique ou morale d’une personne. Mais il est visible qu’il préfère se taire, s’isoler dans un silence méditatif qui peut durer plusieurs heures s’il n’en est pas arraché par quelqu’un qui l’interroge. Généralement, il marche un peu devant ses apôtres, la tête légèrement inclinée, la levant de temps en temps pour regarder le ciel, la campagne, les personnes, les animaux. Regarder, ai-je dit, mais ce n’est pas le mot juste. Je dois dire : savourer. Car c’est un sourire, un sourire de Dieu, qui jaillit de ces pupilles pour caresser le monde et les créatures, un sourire-amour. C’est un amour qui transparaît, qui se répand, qui bénit, qui purifie la lumière de son regard, toujours intense, et d’autant plus quand il sort du recueillement…

      474.2 Que peuvent bien être ses recueillements ? Je pense — et je suis sûre de ne pas me tromper, car il suffit d’observer l’expression de son visage pour voir ce qu’ils sont —, je pense qu’ils vont bien plus loin que nos extases dans lesquelles la créature vit déjà au Ciel. C’est “ la réunion sensible de Dieu avec Dieu. ” La Divinité était toujours présente et unie au Christ, qui était Dieu comme le Père. Sur la terre comme au Ciel, le Père est dans le Fils, et le Fils est dans le Père qui s’aiment et qui, en s’aimant, engendrent la troisième Personne. La puissance du Père, c’est la génération du Fils, et l’acte d’engendrer et d’être engendré produit le Feu, c’est-à-dire l’Esprit de l’Esprit de Dieu. La Puissance se tourne vers la Sagesse qu’elle a engendrée, et celle-ci se tourne vers la Puissance dans la joie d’être l’Un pour l’Autre et de se connaître pour ce qu’ils sont. Et, comme toute bonne connaissance réciproque engendre l’amour — même nos connaissances imparfaites — voilà l’Esprit Saint… Voilà Celui qui, s’il était possible d’établir une gradation dans les perfections divines, devrait être appelé la Perfection de la Perfection. L’Esprit Saint ! Celui dont la seule pensée remplit de lumière, de joie, de paix…

      Dans les extases du Christ, quand l’incompréhensible mystère de l’unité et de la trinité de Dieu se renouvelait dans le très-saint cœur de Jésus, quelle complète, parfaite, incandescente, sanctifiante, joyeuse, pacifique production d’amour devait s’engendrer et se répandre comme la chaleur provenant d’un foyer ardent, comme le parfum d’un encensoir allumé, pour donner le baiser de Dieu à tout ce qu’a créé le Père, par l’intermédiaire du Fils-Verbe, pour l’Amour, pour le seul Amour, puisque toutes les opérations de Dieu sont amour…

      Et cela, c’est le regard de l’Homme-Dieu lorsque, en homme et en Dieu, il lève les yeux, qui ont contemplé en lui-même le Père et l’Amour : en tant qu’homme, il regarde l’univers en admirant la puissance créatrice de Dieu ; en tant que Dieu, il jubile de pouvoir la sauver dans les créatures royales de cette création : les hommes.

      474.3 On ne peut, personne ne pourra, ni poète, ni artiste, ni peintre, rendre visible aux foules ce regard de Jésus sortant de l’étreinte divine, de l’union sensible avec la Divinité, toujours unie hypostatiquement [1] à l’Homme, mais pas toujours si profondément sensible à l’Homme qui était Rédempteur. A ses nombreuses souffrances, à ses nombreux renoncements, il devait donc ajouter le sacrifice immense de ne plus pouvoir rester constamment dans le Père, dans le grand tourbillon de l’Amour comme il était au Ciel : tout-puissant… libre… joyeux. Très doux est son regard d’homme, splendide la puissance de ses yeux lorsqu’il fait un miracle, et très triste leur lumière de douleur aux heures de souffrance. Toutefois, ce sont là des expressions encore humaines, bien que sublimes. Mais ce regard de Dieu qui s’est contemplé et aimé dans l’Unité triniforme [2] ne ressemble à rien d’ici-bas : il n’y a pas d’adjectif pour le décrire…

      Mon âme se prosterne devant lui, en admiration, “ anéantie ” par la connaissance de Dieu, toute au bonheur de contempler son infini amour… Des torrents de délices se déversent en moi… Je suis bienheureuse ! Chaque souffrance, chaque mauvais souvenir s’efface sous les vagues de l’amour de Jésus… et ces vagues m’élèvent au Ciel, au Ciel, vers toi !…

      474.4 Merci, mon adorable Amour ! Merci ! Je te sers encore… La créature est redevenue femme, elle est redevenue le “ porte-parole ” après avoir été un instant “ séraphin ”. Elle redevient femme ; elle redevient une créature martyre, peut-être un autre tourment la menace-t-il déjà… Mais dans mon âme brille la lumière que tu m’as accordée, la béatitude de t’avoir contemplé ; aucun torrent de larmes, aucune cruelle torture ne saurait l’éteindre. Merci, mon Béni ! Toi seul m’aimes !

      Je comprends Paul [3] mieux que jamais ! “ Qui nous séparera de l’amour du Christ ? […] En tout cela, nous sommes vainqueurs par Celui qui nous a aimés… J’en ai l’assurance : ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les vertus, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, notre Seigneur. ” C’est le chant de victoire et de jubilation qui retentit dans les armées des vainqueurs, des hommes vibrants d’amour, sauvés par l’amour, car voilà la sainteté : le salut obtenu parce qu’on a été aimé et qu’on est aimé. Il retentit déjà ! Et l’âme, encore prisonnière sur terre, l’entend et chante sa joie, sa confiance, sa certitude… Alors la lumière arrive, elle ne cesse de croître, et les paroles lumineuses de l’Apôtre s’éclairent toujours plus… “ L’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, notre Seigneur… ”

      Je comprends maintenant ce que me disait Azarias cet hiver  [4] : “ Jésus est la synthèse de l’amour des Trois. ” Voilà ! Tout l’amour est en lui. Nous pouvons trouver cet amour de Dieu, nous les hommes, sans attendre notre retour en Dieu, sans attendre le Ciel, mais en aimant Jésus. Voilà ! A l’homme de foi s’ouvrent des sources d’eau vive intérieures, des sources de lumière, des sources d’amour : en effet, celui qui croit va à Jésus, il croit que Jésus se trouve dans l’Eucharistie avec son Corps, son Sang, son Ame et sa Divinité, tel qu’il était sur terre, tel qu’il est au Ciel, avec son Cœur, avec son Cœur ! Or dans le Cœur de Jésus se trouve tout l’amour de Dieu. Par conséquent, quand l’homme reçoit le Corps très saint de Jésus, il accueille en lui le Cœur de Jésus. Il a donc en lui non seulement Jésus, mais aussi l’amour de Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, puisque l’amour de Dieu est la sainte Trinité, qui est tout Amour. Cet Amour se divise en trois flammes pour nous rendre triplement heureux : heureux d’avoir un Père, un Frère, un Ami, heureux d’avoir quelqu’un qui pourvoit, qui enseigne, qui aime, heureux d’avoir Dieu !

      474.5 Ah ! je n’en peux plus ! Seigneur, ton don est trop grand ! Qui, dans les Cieux, me l’obtient ? Est-ce toi, bienheureuse Mère, contemplée dans ton éclat de Reine élevée au Ciel ? Est-ce toi, doux Jean de Bethsaïde, toi qui aimais tant le Christ, toi mon ami ? Est-ce toi, vénéré Joseph, aimable Patriarche protecteur des persécutés, toi qui es toujours prompt à nous accorder du réconfort ? Est-ce toi, ma grande sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui m’obtiens ce que je demande depuis vingt-et-un ans : que débordent dans mon âme les vagues de l’amour [5] ? Oh ! si c’est toi, parachève ton œuvre : obtiens-moi de ne pas mourir pendant l’un de ces assauts d’amour. Je suis une petite âme, moi aussi, et je ne désire rien d’extraordinaire. Mais de mourir après l’un de ces assauts d’amour, quand je redeviens “ une petite âme, toute petite ”, rendue encore plus petite après avoir connu ce qu’est l’infini Amour, après l’un de ces assauts, car après, on est comme rebaptisé par l’amour et il ne reste plus la moindre trace de tache en nous. L’amour brûle… Ou bien est-ce toi, mon cher ami Azarias, qui, grâce à toutes les larmes que tu as recueillies à mes paupières et portées au Ciel, m’a obtenu cette heure de béatitude ? Si c’est toi, sois-en béni !

      Néanmoins, je ne te demande pas, pas plus qu’à Thérèse, à Joseph, à Jean ou à Marie la très sainte, que cette extase se renouvelle et me comble encore de joie et de feu. Mais je vous demande, je vous supplie même, qu’elle envahisse d’autres cœurs, plus spécialement ceux que vous savez, ces cœurs qui torturent le mien et déplaisent à Dieu, qui ne savent ni entendre ni obéir. Si ces cœurs connaissaient ne serait-ce qu’une seconde ces assauts d’amour, ils se convertiraient à l’Amour, au véritable Amour. Ils aimeraient, de tout leur être. Avec leur intelligence, surtout, d’où tomberaient les murailles du rationalisme, de la science humaine qui nient et s’opposent à une foi simple et bonne, et qui mettent des limites à la puissance de Dieu. Et avec le cœur fondraient, comme cire au feu, les croûtes de l’égoïsme, de l’envie, de la haine…

      Faites cela, mes très chers. Moi, j’accepte de ne plus jamais poser les lèvres sur le calice restaurateur de l’amour, j’accepte de toujours boire, jusqu’à mon retour à Dieu, à la coupe amère de toutes les renonciations. Mais je désire qu’ils reviennent sur le sentier lumineux, qu’ils se sanctifient par chacun de leurs actes pour mériter le regard de Jésus-Dieu, comme il m’a été accordé d’en profiter aujourd’hui : le mériter ici, le posséder pour toujours au Ciel, tout comme, moi aussi, mettant mon espoir dans le Seigneur, je crois avec confiance que je le posséderai.

      Ce même jour, à midi.

      474.6 Je me relis. Je pense aux théologiens qui liront ces pages. Peut-être trouveront-ils des erreurs dans ma manière de m’exprimer sur l’extase, sur les recueillements de Jésus. Qu’ils se souviennent que je suis, moi, une pauvre ignorante, que je ne connais rien de la théologie ni du vocabulaire théologique, et que je m’efforce seulement de décrire ce que je vois comme je le peux et avec les phrases que ma pauvre intelligence peut former…

      474.7 Je dis à Jésus :

      « Seigneur, hier tu m’as emportée, et toute la vision s’est perdue en toi… »

      Il sourit avec une douce joie divine et répond en me faisant une caresse :

      « Tu as fait mieux que raconter, tu as chanté. Tu as chanté. Hier, tout le Paradis chantait les gloires de ma Mère, et tu as chanté avec lui. A un certain moment, il t’a même écouté chanter en solo. Tu sais quand ? Quand tu as demandé de ne pas profiter d’un autre assaut de l’Amour, mais que “ eux ” soient envahis par l’amour pour être sauvés. Le Ciel aimant t’a écoutée, toi, parce que renoncer à la béatitude afin que d’autres aient la Vie n’est accordé qu’à ceux qui, bien qu’étant encore sur terre, sont déjà des citoyens du Ciel. Par ton chant, les saints se sont rappelé quand ils en faisaient de même sur la terre. En t’écoutant, les anges regardaient ton Azarias et le félicitaient fraternellement. Marie a souri en offrant ton chant à l’Amour. Et l’Amour — ô ma Maria ! — et l’Amour t’a embrassée… et t’embrasse encore. Sois dans la joie. Tu as compris l’Amour. Je suis en toi, et en moi il y a Dieu un et trine comme tu l’as compris. Parcours aujourd’hui les voies de la joie surnaturelle au lieu des routes de Palestine à la rencontre de la douleur de ton Jésus… Maria, n’es-tu pas heureuse de te trouver dans les conditions qui étaient les miennes pendant ma dernière année ? Cela aussi, c’est un don, et une lumière pour me comprendre. Sans une expérience personnelle, et proportionnée, la créature ne pourrait comprendre ce qu’a été ma longue Passion. Mais aujourd’hui, comme hier, parcours les voies de la joie céleste. Dieu est avec toi. Sois en paix. »

      474.8 C’est ainsi que sont sorties de ma mémoire les discussions des apôtres sur les événements de Giscala, sur le miracle de l’enfant aveugle, sur Ptolémaïs vers laquelle ils se dirigent, sur la route à gradins taillés dans le roc où ils se sont engagés pour arriver au dernier village de frontière entre la Syro-Phénicie et la Galilée — ce doit être celle que j’ai vue [6] quand ils allaient à Alexandroscène —, sur Gamaliel, etc. Ou plutôt, pour ce que j’en ai entendu, tous ces sujets sont restés dans mon cœur.

      Je voulais seulement dire ceci : dans les premiers temps, quand ils étaient moins formés spirituellement, les apôtres dérangeaient facilement le Maître, mais maintenant qu’ils le sont davantage, ils respectent sa solitude et préfèrent parler entre eux, à deux ou trois mètres derrière lui. Ce n’est que lorsqu’ils ont besoin d’un renseignement, d’un jugement, ou bien quand devient plus pressant leur amour pour le Maître, qu’ils s’approchent de lui.




[1] Union hypostatique : Le Christ est une personne, mais il possède deux natures unies entre elles "sans confusion ni changement, sans division ni séparation" ; les propriétés de chacune de ces natures restent sauves, mais appartiennent à une seule personne ou hypostase. Cette définition permet au croyant d'affirmer, sans contradiction, que Jésus-Christ est véritablement à la fois son Dieu et son frère, et par là même son Sauveur ; de saisir aussi que Dieu, tout en devenant homme, ne cesse pourtant pas un instant d'être Dieu (Concile de Chalcédoine, 451).

[2] Dans la Trinité, il n'y a pas trois Dieux mais un seul Dieu à la nature triniforme et à l'unité unique (Cf. Les Cahiers de 1944, 4 janvier, page 15).

[3] Paul, dans le passage de Romains 8, 35-39.

[4] Azarias dans Les Cahiers de 1945 à 1950, 20 janvier 1946, page 164.

[5] Le 28 janvier 1925, elle reçoit l’Histoire d’une âme, le journal de Thérèse de Lisieux. À sa lecture elle est bouleversée : elle a enfin découvert "le cantique de l'amour et du don". Elle pleure de joie à la lecture de l’acte d’offrande à l’Amour miséricordieux de la petite carmélite. Elle le fait sienne. Dès lors les souffrances sont arrivées sur elle, "comme la pluie". Autobiographie, page 279/280. À la rencontre de Maria Valtorta : sa vie, page 33/34.

[6]"Que j’ai vue", en EMV 328.1. C’est ce qu’on appelle “l’échelle de Tyr”, dont il est également fait mention en EMV 330.5 et en EMV 331.9.





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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 10 Déc - 20:32

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

470. Un soupçon de Pierre et une digression sur les Juifs. La pitié d'Abel de Bethléem pour ses ennemis.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 170.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 475.

Vision du samedi 17 août 1946.

Mardi 4 septembre 29
Vers Séphoris


       475.1 « Levez-vous et partons » ordonne Jésus aux apôtres, qui dorment lourdement sur du foin, ou plutôt des joncs, entassés sur un champ près d’un ruisseau qui attend les pluies d’automne pour remplir d’eau son lit.

      Les apôtres, encore à moitié endormis, obéissent sans mot dire. Ils ramassent les sacs, mettent leurs manteaux dont ils s’étaient servis comme couvertures pendant la nuit, et prennent la route avec Jésus.

      « Nous passons par le Carmel ? demande Jacques, fils d’Alphée.

      – Non, par Séphoris. Puis nous prendrons la route pour Mageddo. Nous avons à peine le temps… [1] répond Jésus.

      – Oui. Et les nuits se font trop humides et trop fraîches pour dormir dans les champs, quand, pour quelque raison, aucune maison ne nous accueille, observe Matthieu.

      – Les hommes ! Comme ils oublient facilement ! Seigneur ? Ce sera donc toujours la même chose ? demande André.

      – Toujours.

      – Eh bien ! S’il en est ainsi avec toi, quand ce sera nous qui agirons, tout sera effacé dès que nous aurons le dos tourné, soupire Thomas, découragé.

      475.2 – Moi, je dis pourtant qu’il y a ici quelqu’un qui fait oublier. Car les hommes, certes, oublient facilement. Mais ils n’oublient pas toujours. Je vois que parmi nous, les hommes, nous nous souvenons de ce que nous avons eu et donné. En ce qui te concerne, en revanche… Non. Ce sont toujours les mêmes qui travaillent à effacer tout souvenir de toi, conclut Pierre.

      – Ne juge pas sans t’appuyer sur une certitude, dit Jésus.

      – Maître, cette certitude, je l’ai !

      – Tu l’as ? Qu’as-tu découvert ? » demande Judas, l’air très intéressé.

      D’autres aussi lui posent la même question, mais l’intérêt de Judas est le plus vif, je dirais même inquiet.

      Pierre, qui regardait Jésus, se tourne et observe l’Iscariote d’un air attentif, pénétrant, soupçonneux. Mais il se tait, en gardant les yeux sur lui pendant un long moment. Puis il dit :

      « Oh ! rien… et tout, si cela ne t’ennuie pas de le savoir. Au point que, si j’étais homme à employer tous les moyens pour réussir, je courrais dénoncer beaucoup de choses à nos gouvernants, et je suis sûr que quelqu’un aurait des ennuis. Mais je préfère ne pas réussir plutôt que d’obtenir de l’aide de ce côté. Dans les affaires de Dieu, je n’admets que le secours de Dieu, et il me semblerait faire entrer la profanation dans la cause de Dieu, si j’utilisais leur… aide pour écraser les reptiles. Eux aussi sont des reptiles… et… je ne m’y fierais pas… Capables d’écraser en même temps ceux qui sont dénoncés et les dénonciateurs… Ainsi… j’agis par moi-même. Voilà !

      – Mais tu ne t’aperçois pas que tu offenses le Maître ?

      – Moi? Pourquoi ?

      – Parce que lui les fréquente.

      – Lui, c’est lui, et s’il les fréquente, ce n’est pas par intérêt, mais pour les amener à Dieu. Lui peut le faire… et il le fait. Mais il ne court pas après eux… Tu vois que… c’est à eux de venir à lui pour entendre le “ philosophe ”, comme ils disent. Mais maintenant, ils ne le désirent plus autant, me semble-t-il. Et personnellement, ça ne m’attriste pas.

      – Tu paraissais content, toi aussi, à la Pâque !

      – Il semblait. L’homme est souvent un sot. Mais il ne semble plus, et cela n’est plus. Et j’ai raison.

      – Comme créature qui ne mélange pas l’intérêt humain aux réalités spirituelles, tu as raison, Simon » dit Jésus. « Mais, comme apôtre qui se réjouit que d’autres s’éloignent de la lumière, non. Tu n’as pas raison. Si tu réfléchissais au fait que toute âme gagnée à la lumière est une gloire pour ton Maître, tu ne parlerais pas ainsi. »

      Judas Iscariote lorgne Pierre avec un sourire sarcastique. Pierre le voit… mais il se domine et ne dit rien.

      Jésus le voit aussi et, s’adressant à Pierre, mais comme s’il parlait pour tous, il reprend :

      « Sachez pourtant qu’un excès de scrupule religieux visant à une bonne fin est plus excusable qu’une indifférence totale, pour atteindre un but humain. Je vous l’ai dit plusieurs fois : c’est la volonté bonne ou mauvaise qui donne du poids à l’action. Et dans ce cas, c’est une volonté bonne, même si elle est imparfaite dans sa forme, qui s’oppose à ce que l’on mêle au surnaturel l’humain et ce que l’on considère comme impur auprès de Dieu. Son intransigeance n’est pas juste, parce que je suis venu pour tout le monde. Mais son jugement est très voisin de la perfection lorsqu’il estime que, dans les affaires de Dieu, on ne doit recourir qu’à son aide surnaturelle, sans mendier une aide humaine intéressée ou terre à terre. »

      Et par cette sentence équitable, Jésus met fin à la discussion.

      475.3 Ils ont franchi à pied sec le lit d’un autre ruisseau brûlé par l’été et rejoint la route principale qui va de Sycaminon à la Samarie. Si j’ai bon souvenir, je crois avoir déjà vu cet endroit. La route est très fréquentée à cause de la proximité de la fête et elle a déjà pris l’aspect caractéristique des routes palestiniennes à l’époque des pèlerinages obligatoires au Temple : voyageurs, ânes, chars qui portent des personnes, avec des tentes, du mobilier pour les haltes entre les étapes, et dans Jérusalem elle-même, toujours envahie lors des solennités, au point qu’il est conseillé de camper sur les collines qui l’entourent, si la saison le permet. Qui plus est, cette migration de familles entières est encore plus sensible à cette fête des Tentes, non parce que les pèlerins seraient plus nombreux que pour la Pâque ou la Pentecôte, mais parce que, devant obligatoirement vivre sous des cabanes pendant plusieurs jours, ils emportent le mobilier que, lors des autres solennités, tous évitent de traîner avec eux. C’est vraiment l’exode de tout un peuple qui se déverse par toutes les routes en direction de la capitale, comme le sang afflue au cœur par toutes les veines.

      475.4 Aujourd’hui encore, la religion obstinée d’Israël est très tenace, et unie. C’est pourquoi les coreligionnaires s’aident entre eux, en quelque endroit qu’ils se trouvent poussés par le sort et, quelle que soit la nation où ils sont nés ; cela n’est pas un obstacle, car un autre juif d’une autre nation se sent toujours frère et compatriote du coreligionnaire qu’il rencontre. Pour bien le comprendre, il faut se souvenir qu’eux, dispersés, persécutés, méprisés, apparemment sans véritable patrie, ne se sentent rien de tout cela. Ils ont leur patrie, celle que Yahvé [2] leur a donnée. Ils ont leur capitale : Jérusalem, et c’est là, de toutes les parties du monde, que converge le meilleur de leur être : leur esprit, leur cœur. Ils ont péché ? Dieu les a punis ? Les prophéties se sont réalisées ? Oui, c’est vrai. Mais il leur reste celle, lumineuse, source pour eux d’une merveilleuse espérance, de la reconstruction du royaume d’Israël… de ce Messie qui doit venir… Et c’est dans la douleur qui craint d’avoir démérité de Dieu, et avec cette perpétuelle question : “ Jésus de Nazareth était-il le vrai Messie ? ”, qu’ils cherchent à se reconstituer en nation, pour l’avoir, ce Messie. Ils cherchent à conserver cette foi tenace en leur religion pour mériter le pardon de Dieu et voir s’accomplir la promesse.

      Je suis une pauvre femme, et je ne connais rien aux problèmes politiques, je ne me suis jamais intéressée aux juifs d’aujourd’hui et à leurs malheurs. Quelquefois même, j’ai ri d’eux, parce qu’ils attendent encore Celui qui est venu et qu’ils ont crucifié. Il me semblait qu’ils versaient peut-être des larmes de crocodile, leur conduite ne m’a pas paru et ne me paraît pas telle qu’elle puisse mériter ce qu’ils espèrent de Dieu : non pas le Christ qui, désormais, ne viendra qu’au dernier Jour, mais pas non plus le rassemblement, dans une nation indépendante, de la race hébraïque dispersée. Pourtant, maintenant que je vois ,spirituellement, les pères des juifs actuels, je comprends leur drame séculaire et leur ténacité, la source de cette ténacité qu’ils gardent toujours. C’est encore le Peuple de Dieu qui, par la volonté de Dieu, converge vers la terre promise à leurs pères, aux patriarches, ce peuple qui depuis des dizaines de siècles accomplit le rite mosaïque, en pensant à Jérusalem, à son Temple qui resplendit sur le mont Moriah. Ils ne peuvent y aller ? Si. Mais ils s’y rendent en esprit.

      Les baïonnettes, les canons, les prisons servent contre l’homme, pas contre l’esprit. Israël ne peut périr, car il est resté dans sa religion. Théorique, pharisaïque, rituelle, privée de ce qui fait la vraie vie d’une religion : la correspondance de l’esprit avec le rite matériel ? Tout ce que vous voulez. Mais autour de ce corps émietté qui fut une nation, et qui est maintenant une infinité de fragments épars sur toute la terre, il reste pour les garder unis un ensemble d’idées, de rites, de préceptes séculaires, venus des prophètes et des rabbins et, comme un phare visible de toutes les parties du monde, un lieu resplendit : Jérusalem. Son nom est comme un appel au rassemblement, il est comme un étendard déployé pour le rappel, le souvenir, la promesse. Non, ce peuple ne peut être réduit au silence par aucune force humaine. Il y a en lui une force plus qu’humaine.

      Tout cela se comprend quand on observe ce peuple en marche, par des chemins impossibles, à des saisons pénibles, insoucieux de tout ce qui est peine, joyeux de se rendre à la Cité Sainte. Tout cela se comprend quand on les voit cheminer, les riches avec les pauvres, les enfants avec les vieillards, de la Palestine ou de la Diaspora, vers leur cœur : Jérusalem. Tout cela se comprend quand on les entend chanter leurs cantiques… Et, je l’avoue, je voudrais que nous, les chrétiens et les catholiques, nous soyons comme eux, que nous ayons pour le cœur du catholicisme, Rome, l’Eglise, et pour celui qui y vit, le Pierre d’aujourd’hui, les sentiments de ceux que je vois marcher, marcher, marcher… Je voudrais que nous ayons ce qu’ils ont, eux, en plus de notre foi, parfaite parce que chrétienne.

      On me dira : “ Ils sont pleins de défauts. ” Et nous ? En sommes-nous exempts, nous qui sommes pourtant fortifiés par la grâce et les sacrements ? Nous qui devrions être “ parfaits comme le Père qui est dans les Cieux ? ” [3]

      475.5 J’ai fait une digression. Mais, en suivant la marche des apôtres mêlés aux foules d’Israël, je me perds dans mes pensées…

      Et cela jusqu’au moment où, à un croisement de routes, un groupe de disciples aperçoit le Maître et se presse autour de lui. Parmi eux se trouve Abel de Bethléem, qui se jette aussitôt aux pieds de Jésus en disant :

      « Maître, j’ai tant prié le Très-Haut pour qu’il me permette de te rencontrer. Je ne l’espérais plus. Mais il m’a exaucé. A ton tour, maintenant, exauce ton disciple.

      – Que veux-tu, Abel ? Viens là, au bord du champ. Ici, il y a trop de monde, et nous dérangeons. »

      Ils se rendent tous à l’endroit que Jésus indique et, là, Abel parle.

      « Maître, tu m’as sauvé de la mort et de la calomnie [4] et tu as fait de moi l’un de tes disciples. Tu m’aimes donc beaucoup ?

      – Comment peux-tu me poser cette question ?

      – C’est pour être certain que tu vas exaucer ma prière. Quand tu m’as sauvé, tu as infligé à mes ennemis un terrible châtiment. Il est certainement juste. Mais, Seigneur, il est bien horrible ! J’ai cherché ces trois hommes. Chaque fois que je venais chez ma mère, je les cherchais, sur les montagnes, dans les cavernes près de ma ville. Et je ne les trouvais jamais.

      – Pourquoi les as-tu recherchés ?

      – Pour leur parler de toi, Seigneur. Pour que, croyant en toi, ils t’invoquent et obtiennent pardon et guérison. C’est seulement pendant l’été que je les ai trouvés, et pas ensemble. L’un d’eux, celui qui me haïssait à cause de ma mère, s’est séparé des autres qui sont allés plus haut, vers les monts plus élevés de Jiphtaël. Ils m’ont dit où il est… Et par eux j’ai eu la trace des bergers de Bethléem [5] qui t’ont accordé l’hospitalité ce soir-là. Les bergers, avec leurs troupeaux, vont de tous côtés, et ils savent tant de choses ! Ils savaient que c’était à la montagne de la Belle Source que se trouvaient les deux lépreux que je cherchais. J’y suis allé. Oh !… »

      L’horreur se peint sur le visage du tout jeune homme.

      « Continue.

      – Ils m’ont reconnu. Moi, je ne pouvais reconnaître mes concitoyens en ces deux monstres… Ils m’ont appelé… et ils m’ont prié, comme si j’étais un dieu… Le serviteur surtout m’a fait pitié [6], à cause de son pur repentir. Il ne veut que ton pardon. Seigneur… Aser demande aussi la guérison. Il a une vieille mère, Seigneur, une vieille mère qui meurt de chagrin en ville…

      – Et l’autre ? Pourquoi s’est-il séparé ?

      – Parce que c’est un démon. Principal coupable, déjà adultère quand il est devenu homicide, il a poussé Aser, corrompu le serviteur de Joël, qui est un peu naïf et facilement influençable, et il continue à être un démon. De sa bouche sort le venin et le blasphème, de son cœur la haine et la cruauté. Je l’ai vu, lui aussi… Je voulais le rendre bon. Il s’est rué sur moi comme un vautour et je n’ai dû mon salut qu’à ma fuite rapide et à ma résistance puisque je suis jeune et en bonne santé. Mais je ne désespère pas de le sauver. Je retournerai… Une fois, deux fois, autant qu’il faudra avec des secours, avec amour. Je me ferai aimer. Lui croit que je viens me moquer de sa ruine. Moi, j’y vais pour la réédifier. S’il peut arriver à m’aimer, il m’écoutera ; s’il m’écoute, il finira par croire en toi. C’est ce que je souhaite. Pour les autres, cela a été facile, car ils ont médité et compris par eux-mêmes. Et le serviteur est devenu le véritable maître de l’autre parce qu’il a tant de foi, un si grand désir de pardon ! 475.6 Viens, Seigneur ! Je leur ai promis de te conduire à eux quand je t’aurais rencontré.

      – Abel, leur crime était grand, il y avait même plusieurs crimes en un. Bien court est le temps qu’ils ont expié…

      – Grand a été leur tourment et leur repentir. Viens.

      – Abel, ils voulaient ta mort.

      – Peu importe, Seigneur. Je veux pour eux la vie.

      – Quelle vie ?

      – Celle que tu donnes, celle de l’âme, le pardon, la rédemption.

      – Abel, c’étaient tes Caïn et ils t’ont haï comme on ne le peut davantage. Ils voulaient tout t’enlever : la vie, l’honneur et ta mère…

      – Ils ont été mes bienfaiteurs, puisque c’est grâce à eux que je t’ai trouvé, toi. Moi, je les aime pour ce don qu’ils m’ont fait, et je te demande qu’ils soient là où moi je suis : à ta suite. Je veux leur salut comme le mien, plus que le mien, car plus grand est leur péché.

      – Quelle offrande ferais-tu à Dieu en échange de leur salut, s’il t’en demandait une ? »

      Abel réfléchit un moment… puis il dit avec assurance :

      « Jusqu’à moi-même, jusqu’à ma vie. Je perdrais une poignée de boue, pour posséder le Ciel. Ce serait une heureuse perte pour un grand profit, infini : Dieu, le Ciel. Et deux pécheurs sauvés : les premiers-nés du troupeau que j’espère te conduire et t’offrir, Seigneur. »

      Jésus a un geste qu’il ne fait jamais ainsi en public. Il se penche — car il est beaucoup plus grand qu’Abel — et, prenant la tête d’Abel dans ses mains, il dépose un baiser sur sa bouche en disant : “ Qu’il en soit ainsi. ” Je crois du moins que c’est ce que signifie son “ Marana Tha ”. Puis il ajoute :

      « Pour tes sentiments, qu’il te soit fait selon ce que demandent tes paroles. Viens avec moi, tu me guideras. Jean, accompagne-moi. Quant à vous, allez de l’avant, par la route de Mageddo à Engannim. Vous m’attendrez là, si je ne suis pas encore arrivé.

      – Et nous te prêcherons, ainsi que ta doctrine, dit Judas.

      – Non. Vous m’attendrez, simplement, en vous comportant comme de justes et humbles pèlerins, et rien de plus. Comportez-vous les uns avec les autres comme des frères. Et, en chemin, vous passerez chez les paysans de Yokhanan pour leur donner ce que vous avez, et leur annoncer que le Maître, s’il le peut, passera par Jezréel après-demain, à l’aurore. Allez. Que la paix soit avec vous. »




[1] Ils doivent être dans une semaine à Jérusalem pour la fête des Tentes.

[2] Jeové dans le texte original.

[3] Matthieu 5, 48.

[4] Aser, Jacob et le serviteur de Joël montent un complot pour tuer Abel, le fils de Myrta. Jésus le sauve et frappe les trois coupables d’une lèpre immédiate. Cf. EMV 248.5/11. C’est à ce même épisode que renvoient les faits mentionnés en EMV 476.6/7.

[5] Les bergers de Bethléem de Galilée évangélisés par Isaac. Cf. EMV 248.2.

[6] Le serviteur de Joël l’homme traîtreusement assassiné.



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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 12 Déc - 10:33

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

476. Leçon sur la manière de soigner les âmes, et pardon accordé aux deux pécheurs devenus lépreux.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 171.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 476.

Vision du lundi 19 août 1946.

Mardi 4 septembre 29
Jiphtaël


      476.1 Le massif escarpé de Jiphtaël domine au nord en fermant l’horizon. Mais là où les pentes éboulées de ce groupe de montagnes commencent, et surplombent presque à pic la route des caravanes qui, de Ptolémaïs, mène à Séphoris et à Nazareth, il y a de nombreuses cavernes entre des blocs de roches qui débordent de la montagne, suspendus au-dessus des abîmes, établis pour servir de toits et de bases à ces antres.

      Comme toujours près des routes les plus importantes se tiennent des lépreux, isolés, mais en même temps assez proches pour être vus et secourus par les voyageurs. Une petite colonie de lépreux lancent leurs cris d’avertissement et d’appel en voyant Jésus passer avec Jean et Abel. Abel lève la tête, les regarde et dit :

      « Voici Celui dont je vous ai parlé. Je le conduis aux deux hommes que vous savez. N’avez-vous rien à demander au Fils de David ?

      – Ce que nous demandons à tout le monde : du pain, de l’eau, pour nous rassasier pendant que les pèlerins passent. Après, en hiver, c’est la faim…

      – Je n’ai pas de nourriture aujourd’hui, mais j’apporte le salut… »

      Mais la suggestion de recourir au salut n’est pas accueillie. Les lépreux quittent l’escarpement, tournent le dos et font le tour de l’éperon de la montagne pour voir si d’autres pèlerins arrivent par l’autre route.

      476.2 « Je crois que ce sont des marins païens ou tout à fait idolâtres. Ils sont arrivés depuis peu, chassés de Ptolémaïs. Ils venaient d’Afrique. J’ignore comment ils sont tombés malades. Je sais que, partis en bonne santé de leur pays, et après avoir fait un long parcours autour des côtes africaines pour charger de l’ivoire ainsi que, je crois, des perles pour les vendre aux marchands romains, ils sont arrivés ici malades. Les magistrats du port les ont mis à part et ils ont même brûlé leur bateau. Les uns sont partis vers les routes de Syro-Phénicie, les autres ici. Ces derniers sont les plus malades, car ils ne marchent presque plus. Mais ils ont l’âme encore plus malade. J’ai bien essayé de leur transmettre un peu de foi… Ils ne demandent que de quoi manger…

      – Dans les conversions, il faut avoir de la constance. Ce qui ne réussit pas en une année, réussit en deux ou davantage. Il faut leur parler de Dieu avec insistance, même s’ils ressemblent aux rochers qui les abritent.

      – Je fais mal, dans ce cas, de penser à les nourrir ? Je m’étais mis à leur apporter toujours des provisions avant le sabbat car, pendant le sabbat, les juifs ne voyagent pas et personne ne pense à eux…

      – Tu as bien fait. Tu l’as dit : ce sont des païens, par conséquent ils sont plus soucieux de la chair et du sang que de l’âme. L’affectueux souci que tu as de leur faim éveille leur affection envers l’inconnu qui pense à eux. Et quand ils t’aimeront, ils t’écouteront, même si tu leur parles d’autre chose que de nourriture. L’amour dispose toujours à suivre celui que l’on a appris à aimer. Ils te suivront un jour sur les chemins de l’esprit. Les œuvres de miséricorde physique aplanissent le chemin pour celles d’ordre spirituel, et elles le rendent tellement libre et nivelé que l’entrée de Dieu en un homme, préparé de cette manière à la rencontre divine, arrive à l’insu de l’individu lui-même. Il trouve Dieu en lui-même, sans savoir par où il est entré. Par où ! C’est parfois à la suite d’un sourire, d’une parole de pitié, d’un pain, que la porte d’un cœur fermé à la Grâce a commencé à s’ouvrir, et que Dieu a pu prendre le chemin de ce cœur.

      476.3 Les âmes ! Rien n’est plus divers ! Aucune matière — or elles sont si nombreuses sur la terre — n’a des aspects aussi variés que les tendances et réactions des âmes.

      Voyez-vous ce puissant térébinthe ? Il se trouve au milieu de toute une forêt d’arbres qui lui ressemblent, étant de la même espèce. Combien peut-il y en avoir ? Plusieurs centaines, mille peut-être, ou même davantage. Ils couvrent ce flanc abrupt de la montagne, et écrasent de leur parfum âpre et salutaire de résine toutes les autres odeurs de la vallée et de la montagne. Mais regardez : il y en plus de mille, or, si l’on observe bien, pas un n’est pareil à l’autre quant à la grosseur, la hauteur, la puissance, l’inclinaison et la disposition. L’un est droit comme une lame, d’autres tournés vers le nord, le midi, l’orient ou l’occident. Un tel a poussé en pleine terre, un autre sur une saillie dont on ne sait comment elle peut le porter et comment lui peut tenir, ainsi suspendu dans le vide, formant presque un pont avec l’autre versant, élevé au-dessus de ce torrent, qui actuellement est à sec, mais qui tourbillonne aux époques de pluie. L’un est tordu comme si un homme cruel l’avait opprimé quand il n’était qu’un arbuste encore tendre, un autre est sans défaut. Un tel est couvert de feuilles presque jusqu’à la base, un autre en a tout juste une houppette à la cime. L’un n’a des branches qu’à droite, un autre est feuillu tout en bas et brûlé à son sommet, calciné par la foudre. Tel autre ne doit sa survie qu’à un surgeon obstiné, unique, qui a poussé presque à la racine, recueillant le reste de sève qui ne montait plus au sommet. Et celui que je vous ai montré pour commencer, beau comme il ne pourrait l’être davantage, a-t-il une branche, une ramille, une feuille — que dis-je, une seule feuille sur les milliers qu’il porte — qui ressemble à une autre ? On pourrait les croire toutes pareilles, mais elles ne le sont pas. Regardez cette branche, la plus basse. Observez-en l’extrémité, seulement l’extrémité. Combien peut-il s’y trouver de feuilles ? Peut-être deux cents aiguillettes vertes et fines. Et pourtant, regardez : en est-il une semblable à une autre pour ce qui est de la couleur, de la robustesse, de la fraîcheur, de la souplesse, de l’allure, de l’âge ? Non.

      Ainsi en est-il des âmes. Il y a autant de différences de tendances et de réactions que d’âmes. 476.4 Et celui qui ne sait pas les connaître et les travailler selon leurs diverses tendances et réactions n’est ni un bon maître ni un bon médecin des âmes. Ce n’est pas un travail facile, mes amis. Il faut une étude continue, l’habitude de la méditation qui éclaire plus qu’une longue lecture de textes fixés. Le livre que doit étudier un maître et un médecin des âmes, ce sont les âmes elles-mêmes. Il comprend autant de feuilles que d’âmes, et dans chaque feuille, beaucoup de sentiments et de passions passées, présentes et embryonnaires. Il y faut une étude continue, attentive, méditative, une patience constante, du courage et de la force pour savoir soigner les plaies les plus putrides, pour les panser sans montrer un dégoût qui humilie celui qui en est affligé, et sans une fausse pitié qui, pour ne pas mortifier en découvrant la pourriture et ne pas purifier par crainte de faire souffrir la partie corrompue, la laisse se gangrener en infectant l’être tout entier ; il y faut également de la prudence, pour ne pas exacerber par des manières trop rudes les blessures des cœurs et pour ne pas se souiller à leur contact, en voulant montrer qu’on ne craint pas de se contaminer en entrant en relation avec les pécheurs.

      Or toutes ces vertus nécessaires au maître et médecin des âmes, où trouvent-elles leur lumière pour voir et comprendre, leur patience parfois héroïque, pour persévérer, malgré les froideurs, parfois les offenses, leur courage pour soigner sagement, leur prudence pour ne pas nuire au malade et à eux-mêmes ? Dans l’amour, toujours dans l’amour. C’est lui qui donne la lumière pour tout, qui donne la sagesse, le courage et la prudence. Il préserve des curiosités pour les déréglements qui ont été soignés. Quand quelqu’un est tout amour, il ne peut entrer en lui un autre désir et une autre science qui n’est pas celle de l’amour.

      Voyez-vous ? Les médecins disent que quand quelqu’un a failli mourir d’une maladie, il ne la contracte plus jamais — ou difficilement —, car désormais son sang l’a reçue et l’a vaincue. Cette thèse n’est pas évidente mais elle n’est pas non plus complètement erronée. Mais l’amour, qui est santé au lieu d’être maladie, fait ce que disent les médecins, et cela pour toutes les passions qui ne sont pas bonnes. Celui qui aime profondément Dieu et ses frères ne fait rien qui puisse causer de la douleur à Dieu et à ses frères. C’est pourquoi, quand il s’approche des malades spirituels, et a connaissance de désordres que jusque là l’amour avait tenues cachés, il ne se contamine pas, car il reste fidèle à l’amour, et le péché n’entre pas en lui. Que voulez-vous que soit la sensualité pour quelqu’un qui l’a vaincue par la charité ? Les richesses, pour celui qui trouve tout son trésor dans l’amour de Dieu et des âmes ? La gourmandise, l’avarice, l’incrédulité, la paresse, l’orgueil, pour celui qui ne désire que Dieu, pour celui qui se donne lui-même totalement pour servir Dieu, pour celui qui trouve tout son bien dans sa foi, pour celui qu’aiguillonne la flamme toujours active de la charité et qui œuvre inlassablement à procurer de la joie à Dieu, pour celui qui connaît Dieu — l’aimer, c’est le connaître — et ne peut plus s’enorgueillir, parce qu’il sait ce qu’il est par rapport à Dieu ?

      476.5 Un jour, vous serez prêtres de mon Eglise. Vous serez donc les médecins et les maîtres de l’esprit. Rappelez-vous ce que je vous dis : ce ne sera pas le nom que vous porterez, ni votre habit, ni les fonctions que vous exercerez qui feront de vous des prêtres, c’est-à-dire des ministres du Christ, des maîtres et médecins des âmes, mais ce sera l’amour que vous aurez. Il vous donnera tout ce qu’il faut pour bien vivre votre sacerdoce, et les âmes, toutes différentes qu’elles soient, parviendront à une unique ressemblance, celle du Père, si vous savez les travailler avec l’amour.

      – Oh ! quelle belle leçon, Maître ! dit Jean.

      – Mais nous, arriverons-nous jamais à être ainsi ? » demande Abel.

      Jésus regarde l’un et l’autre, puis il passe un bras au cou de chacun et les attire à lui, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche, puis il leur dépose un baiser sur les cheveux en disant :

      « Vous y arriverez, car vous avez compris l’amour. »

      476.6 Ils marchent encore quelque temps, de plus en plus péniblement à cause des difficultés du chemin taillé presque au bord de la montagne. Au-dessous, tout au loin, il y a une route sur laquelle on voit passer les gens.

      « Arrêtons-nous ici, Maître, dit Abel. Là-bas, tu vois, de cette plate-forme rocheuse, les deux hommes descendent avec une corde un panier aux passants, et au-delà de ce terre-plein se trouve leur grotte. Je les appelle. »

      Et, s’avançant, il pousse un cri, tandis que Jésus et Jean, dissimulés par des arbres touffus, restent en arrière.

      Quelques instants après, un visage… appelons cela un visage parce qu’il est au sommet d’un corps, mais on pourrait aussi bien dire crâne, monstre, cauchemar… se montre au-dessus d’un gros buisson de mûres.

      « Toi ? Tu n’es pas parti pour la fête des Tentes ?

      – J’ai trouvé le Maître, et je suis revenu sur mes pas. Il est ici ! »

      Je crois que si Abel avait dit : “ Yahvé plane au-dessus de votre tête ”, le cri, le geste, l’élan des deux lépreux — car pendant qu’Abel parlait, l’autre aussi était apparu — auraient été moins soudains et moins respectueux : ils se précipitent dehors, sur la plate-forme, en plein soleil, et se prosternent face contre terre, en s’écriant :

      « Seigneur, nous avons péché. Mais ta miséricorde est plus grande que notre péché ! »

      Ils le crient sans même s’assurer si Jésus est vraiment là, ou s’il est encore loin, en train de venir vers eux. Leur foi est telle, qu’elle leur fait voir même ce que leurs yeux, à cause des plaies des paupières et de la rapidité de leur prosternement, n’ont certainement pas vu.

      Jésus s’avance pendant qu’ils répètent :

      « Seigneur, notre péché ne mérite pas de pardon, mais tu es la Miséricorde ! Seigneur Jésus, par ton nom, sauve-nous. Tu es l’Amour qui peut vaincre la Justice.

      – Je suis l’Amour, c’est vrai. Mais au-dessus de moi, il y a le Père. Et lui est la Justice » dit avec sévérité Jésus, venant vers eux sur le sentier avec Jean.

      476.7 Les deux lépreux lèvent leur visage défiguré, et le regardent à travers leurs larmes, mêlées à de la pourriture. C’est horrible à voir ! Sont-ils jeunes ou vieux ? Qui est le serviteur ? Qui est Aser ? Impossible de le dire. La maladie les a rendus égaux, en en faisant deux formes hideuses et nauséabondes.

      Comment doit leur apparaître Jésus, debout au milieu du sentier, avec le soleil qui l’enveloppe de ses rayons et fait resplendir ses cheveux blonds, je l’ignore. Je sais qu’ils le regardent, puis se couvrent le visage en gémissant :

      « Yahvé [1] ! La Lumière ! » Mais ils ajoutent : « Le Père t’a envoyé pour sauver. Il t’appelle “ sa dilection ”. Il se complaît en toi. Il ne refusera pas que tu nous accordes le pardon.

      – Le pardon ou la santé ?

      – Le pardon » crie l’un.

      Et l’autre :

      « …et puis la santé. Ma mère meurt de chagrin à cause de moi.

      – Si, moi, je vous pardonne, il reste toujours la justice des hommes, pour toi, surtout. Que vaut alors mon pardon pour rendre ta mère heureuse ? tente Jésus pour faire dire les mots qu’il attend pour accomplir le miracle.

      – C’est important. C’est une vraie juive. Elle veut pour moi le sein d’Abraham. Or ce lieu où l’on attend le Ciel n’est pas pour moi, car j’ai trop péché.

      – Trop, tu l’as dit.

      – Trop !… C’est vrai… Mais toi… Oh ! ce jour-là, il y avait ta Mère… Où est ta Mère, maintenant ? Elle avait pitié de la mère d’Abel. Je l’ai vu. Et si maintenant elle entendait, elle aurait pitié de la mienne. Jésus, Fils de Dieu, pitié au nom de ta Mère !

      – Et que feriez-vous après ?

      – Après ? »

      Ils se regardent d’un air effrayé. “ Après ”, c’est la condamnation des hommes, c’est le mépris ou la fuite, l’exil. Devant la perspective de la guérison, ils tremblent comme s’ils perdaient le salut.

      Comme l’homme tient à la vie ! Pris dans le dilemme de guérir et d’être condamnés par la loi humaine, ou de vivre lépreux, les deux hommes préfèrent presque vivre lépreux. Ils le disent, ils l’avouent par ces mots :

      « C’est un horrible supplice ! »

      C’est surtout l’un des deux homicides qui le dit, et je comprends qu’il s’agit d’Aser.

      « C’est horrible. Mais au moins, ce n’est que justice. Vous, vous l’avez fait subir à cet innocent, toi, dans un but louche, et toi, pour une poignée d’argent.

      – C’est vrai ! Ô mon Dieu ! Mais lui nous a pardonné. Pardonne-nous, toi aussi. Nous mourrons, mais notre âme sera sauvée.

      – La femme de Joël fut lapidée comme adultère. Ses quatre enfants vivent dans la gêne avec sa mère, car les frères de Joël les ont chassés comme bâtards, pour s’emparer des biens de leur frère. Vous savez cela ?

      – Abel nous l’a dit…

      – Et qui remédie à leur malheur ? »

      La voix de Jésus est un tonnerre, c’est vraiment la voix du Dieu Juge, et elle est effrayante. Seul, dans le soleil, debout et raide, c’est vraiment une figure d’épouvante. Les deux hommes le regardent avec crainte. Bien que le soleil doive exacerber leurs plaies, ils ne bougent pas, pas plus que Jésus, qui en est tout enveloppé. Les éléments perdent leur ardeur en ces heures des âmes…

      Aser dit après un moment :

      « Si Abel veut m’aimer tout à fait, qu’il aille trouver ma mère, qu’il lui dise que Dieu m’a pardonné et…

      – Je ne t’ai pas encore pardonné.

      – Mais tu vas le faire parce que tu vois mon cœur… Et il lui dira que tout ce qui m’appartient doit aller aux enfants de Joël : c’est ma volonté. Que je meure ou que je vive, je renonce à la richesse qui m’a rendu vicieux. »

      476.8 Jésus sourit. Il est transfiguré par un sourire qui transforme la sévérité de son visage en une expression pleine de pitié, et c’est d’une voix toute changée qu’il dit :

      « Je vois votre cœur. Levez-vous, et tournez votre âme vers Dieu pour le bénir. Séparés comme vous l’êtes du monde, vous pouvez vous en aller, sans que les gens s’enquièrent de vous. Or le monde vous attend pour vous donner la possibilité de souffrir et d’expier.

      – Tu nous sauves, Seigneur ! Tu nous pardonnes ! Tu nous guéris !

      – Oui. Je vous laisse la vie, car la vie est une souffrance surtout pour ceux qui ont des souvenirs comme les vôtres. Mais maintenant, vous ne pouvez sortir d’ici. Abel doit venir avec moi, il doit aller comme tous les juifs à Jérusalem. Attendez son retour : il coïncidera avec votre guérison. Il s’occupera de vous amener au prêtre et de prévenir ta mère. Je dirai à Abel ce qu’il doit faire et de quelle manière. Pouvez-vous croire à mes paroles, même si je pars sans vous guérir ?

      – Oui, Seigneur. Cependant, répète-nous que tu pardonnes à notre âme. Cela, oui. Ensuite, tout arrivera comme tu le voudras.

      – Je vous pardonne. Renaissez avec un esprit nouveau et ayez la volonté de ne plus pécher. Souvenez-vous qu’en plus de vous abstenir du péché, vous devez accomplir des actes de justice destinés à effacer complètement votre dette aux yeux de Dieu, et que par conséquent votre pénitence doit être continue, parce que grandes, bien grandes sont vos fautes ! Les tiennes en particulier offensent tous les commandements du Seigneur. Penses-y et tu verras qu’il n’en faut exclure aucun. Tu as oublié Dieu, tu as fait de tes sens ton idole, tu as passé tes jours de fête en des délires d’oisiveté, tu as désespéré et déshonoré ta mère, tu as contribué au meurtre et à la volonté du meurtre, tu as volé une vie, enlevé un fils à sa mère, et tu as privé quatre enfants de leurs parents, tu as été luxurieux, tu as porté de faux témoignages, tu as désiré impudiquement la femme qui était fidèle à son époux défunt, tu as désiré ce qui appartenait à Abel, au point de vouloir supprimer Abel pour t’emparer de ses biens. »

      Aser gémit à chaque affirmation :

      « C’est vrai, c’est vrai !

      – Comme tu vois, Dieu aurait pu te réduire en cendres sans recourir aux châtiments des hommes. Il t’a épargné pour que moi, je puisse sauver un pécheur de plus. Mais l’œil de Dieu te surveille et son Intelligence se souvient. Allez. »

      Sur ces mots, il fait demi-tour pour revenir dans la forêt auprès d’Abel et de Jean, qui s’étaient mis à l’abri sous les arbres de la pente.

      476.9 Alors, pendant qu’il descend de la montagne par le sentier à pic, les deux hommes, encore défigurés, souriants peut-être — mais qui peut dire quand sourit un lépreux ? — entonnent le psaume 114 [2], de la voix caractéristique des lépreux, stridente, métallique, métallique, discontinue, avec de brusques changements de ton…

      « Ils sont heureux ! dit Jean.

      – Moi aussi, déclare Abel.

      – Je croyais que tu allais les guérir tout de suite, dit encore Jean.

      – Moi aussi, comme tu le fais toujours.

      – C’étaient de grands pécheurs. Cette attente est juste pour qui a tant péché. Maintenant écoute, Ananias…

      – Je m’appelle Abel, Seigneur » s’étonne le jeune homme.

      Il regarde Jésus comme pour se demander : “ Pourquoi se trompe-t-il ? ”

      Jésus sourit :

      « Pour moi, tu es Ananias, car vraiment tu sembles né de la bonté du Seigneur [3]. Sois-le de plus en plus, et écoute. Au retour de la fête des Tentes, tu iras dans ta ville pour dire à la mère d’Aser de faire ce que veut son fils, et le plus rapidement possible, et de donner, en guise de réparation, tout sauf un dixième, et cela par pitié pour la vieille mère. Celle-ci quittera avec toi Bethléem de Galilée et ira à Ptolémaïs rejoindre son fils. Et lui, avec toi, la rejoindra avec son compagnon. Quant à toi, après avoir installé la femme chez un disciple de la ville, tu iras prendre ce qu’il faut pour la purification des lépreux et tu ne les quitteras pas avant que tout ne soit accompli. Que le prêtre ne soit pas de ceux qui connaissent le passé, mais quelqu’un d’ailleurs.

      – Et ensuite ?

      – Ensuite, tu rentres chez toi ou bien tu te réunis aux disciples. Et eux, une fois guéris, prendront le chemin de l’expiation. Moi, je dis l’indispensable et je laisse ensuite l’homme libre d’agir… »

      476.10 Ils descendent longtemps, infatigables malgré les difficultés du chemin et la chaleur du soleil… Infatigables, mais silencieux pendant un long moment.

      Puis Abel rompt ce silence :

      « Seigneur, puis-je te demander une grâce ?

      – Laquelle ?

      – De me laisser aller dans ma ville. Je regrette de te quitter. Mais cette mère…

      – Va, mais ne t’attarde pas. Tu auras à peine le temps d’atteindre Jérusalem.

      – Merci, Seigneur ! Je n’irai trouver qu’elle, cette vieille femme qui a honte de tout depuis qu’Aser a péché. Mais elle va sourire de nouveau. Que dois-je lui dire, en ton nom ?

      – Que ses larmes et ses prières ont obtenu grâce et que Dieu l’engage à espérer de plus en plus et la bénit. Mais avant de nous quitter, faisons une pause d’une heure, pas plus. Ce n’est pas le moment de nous arrêter. Puis tu partiras de ton côté, Jean et moi du nôtre, en prenant des raccourcis. Et toi, Jean, tu iras en avant, chez ma Mère. Tu lui porteras ce sac avec les vêtements de lin et tu rapporteras ceux de laine. Tu lui diras que je veux la voir et que je l’attends dans le bois de Mathatias, celui de son épouse [4]. Tu le connais. Ne parle qu’avec elle et reviens vite.

      – Je sais où est le bois. Et toi ? Tu restes seul ?

      – Je reste avec mon Père. Ne crains rien » dit Jésus en levant la main et en la posant sur la tête du disciple bien-aimé, assis sur l’herbe à côté de lui. Et il lui sourit en ajoutant : « Mais nous devrions y être ce soir…

      – Maître, quand je dois te faire plaisir, je ne sens pas la fatigue, tu le sais. Et aller chez ta Mère !… C’est comme si les anges me portaient. D’ailleurs, ce n’est pas très loin.

      – Ce que l’on fait avec joie n’est jamais loin… Mais tu passeras la nuit à Nazareth.

      – Et toi ?

      – Moi… Je resterai avec mon Père, après avoir passé quelque temps avec ma Mère. Puis je me mettrai en route à l’aube, pour prendre la route du mont Thabor sans entrer à Nazareth. Tu sais que je dois être à Jezrael après-demain, à l’aurore.

      – Tu seras très fatigué, Maître. Tu l’es déjà.

      – Nous aurons le temps de nous reposer pendant l’hiver. Ne crains rien. Et n’espère pas pouvoir toujours évangéliser en paix, comme ici. Nous connaîtrons beaucoup d’arrêts… »

      Plutôt pour tenir compagnie aux deux jeunes gens qui, heureux d’être avec le Maître, mangent de bon appétit, Jésus, tête baissée, pensif, grignote son pain, sans désir de manger. C’est au point qu’il oublie de le faire et s’absorbe dans un de ses silences que tous deux respectent en se taisant, en prenant du repos à l’ombre de la montagne, les pieds nus pour chercher la fraîcheur sur l’herbe qui a poussé autour des troncs puissants ; ils somnoleraient même, mais Jésus lève la tête et dit :

      « Allons-y. Au carrefour, nous nous quitterons. »

      Après avoir lacé leurs sandales, ils se mettent en route. L’ombre de la forêt et le vent qui souffle du nord les aident à supporter la lourdeur de cette heure encore chaude, bien qu’elle ne soit plus torride comme pendant les mois de plein été.




[1] Jéové dans le texte original.

[2] Psaume 114 (Hébreu 116) : J’aime le Seigneur parce qu’il entend le cri de ma prière …

[3] Hananya (Ananie) signifie en effet : Dieu est Grâce. Selon la tradition orientale, Hananya (Ananie) était l'un des soixante-douze disciples. Il devint évêque de Damas qu'il évangélisa. C’est justement à Damas, qu’au temps des premières persécutions, il accueille probablement Saul (Paul) et qu’il le baptise (cf. Actes 9, 17-19).

[4] Mathatias d’Esdrelon. Son domicile est semble-t-il une halte habituelle de Jésus. Cf. EMV 262.




Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Jesus_12
Jésus et les pécheurs lépreux de Bethléem
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 14 Déc - 17:47

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

477. Un dialogue entre Jésus et sa Mère dans les bois de Mathatias. 

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 172.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 477.

Vision du mercredi 21 août 1946.

Mercredi 5 septembre 29
Har Yona


        477.1 Jésus est seul. Seul sur un plateau un peu en forme de cuvette qui, par une ondulation légère et continue, s’élève sur le versant des collines qui entourent certainement le lac de Galilée, car je le vois en bas, à droite. Le bleu splendide de ses eaux s’assombrit à cause du crépuscule proche, qui enlève à une grande partie du lac l’éclat des rayons du soleil. En arrière de la cuvette, au nord, on distingue la montagne d’Arbel et, au-delà, plus hautes, celles de l’autre rive du lac où se trouvent Meieron et Giscala. Au nord-est, lointain, mais puissant et royal, s’élève le Grand Hermon dont le soleil à son coucher frappe bizarrement le pic le plus élevé : il lui donne une couleur topaze rosé à l’occident, et lui laisse ailleurs sa couleur opaline, qui tend à cette indéfinissable nuance d’un bleu neigeux que j’ai vue quelquefois sur les cimes de nos Alpes, à la frontière.

      Quand je regarde vers le nord, c’est ce que j’ai sous les yeux. Je vois aussi sans difficulté, à droite, tout en bas, le lac, et à gauche, plus élevées, les collines qui empêchent de voir la plaine de la côte. Mais si je me tourne vers le midi, j’aperçois le mont Thabor, au-delà des collines en pente douce qui sont certainement celles qui entourent Nazareth. Il y a une petite ville, tout en bas, près d’une route de grande circulation où les gens se hâtent de gagner les lieux de repos entre les étapes.

      Jésus ne regarde rien de ce que, moi, je regarde. Il cherche seulement un endroit où s’asseoir, et le choisit au pied d’un énorme chêne vert dont le feuillage a protégé de la canicule l’herbe du sol : elle est encore fraîche et touffue comme si la chaleur n’était pas passée en brûlant tout.

      Jésus a ainsi en face de lui le lac, à côté le sentier parmi les arbres par lequel il est monté, et de l’autre côté les hauteurs qui entourent au nord la cuvette de prés et de forêts où il se trouve, et qui est toute verte grâce aux chênes verts et à d’autres arbres au feuillage persistant que l’automne n’atteint pas. Çà et là seulement, on y voit une tache rouge sang : c’est celle d’une feuille qui change de couleur avant de tomber, pour céder la place à une feuille naissante qui apparaît déjà tout près de celle qui meurt.

      Très fatigué, Jésus s’appuie contre le tronc puissant et garde un moment les yeux fermés, comme pour se reposer. Mais, ensuite, il prend sa pose habituelle, en se détachant du tronc, penché un peu, les coudes sur les genoux, les avant-bras tendus, les mains jointes, les doigts entrelacés. Et il pense. Il prie certainement. De temps à autre, à cause de quelque bruit qui parvient à lui — oiseaux qui se battent en cherchant une place pour la nuit, quelque animal dans l’herbe qui fait tomber une pierre le long de la pente, une branche qui en heurte une autre par suite d’un coup de vent —, il lève les yeux, et d’un regard pensif qui sûrement ne voit pas, il les tourne dans la direction du bruit, surtout s’il vient du côté du sentier qui monte à travers les chênes verts. Puis il baisse de nouveau les yeux pour se concentrer intérieurement. Par deux fois, il observe attentivement le lac qui est déjà dans l’ombre, puis il tourne la tête pour regarder vers l’occident où le soleil a disparu derrière les collines boisées. La seconde fois, il se lève et va vraiment sur le sentier, pour regarder s’il monte quelqu’un, puis il retourne à sa place.

      477.2 Enfin, voilà un bruit de pas. Deux personnes apparaissent : Marie, vêtue de bleu foncé, et Jean, chargé de sacs. Jean crie deux fois : “ Maître ! ” et, dès que Jésus se tourne, il ajoute :

      « Voici ta Mère ! »

      Et il l’aide à traverser un petit ruisseau, avec des cailloux mis sur le sentier dans le but de le consolider et de le rendre plus pratique pour la montée ou la descente, en réalité avec le résultat d’en faire de vrais pièges pour des pieds mal chaussés.

      Jésus se lève aussitôt pour aller à la rencontre de sa Mère et il l’aide avec Jean à franchir la masse éboulée qui devrait retenir la terre — en réalité, seules les racines des chênes jouent ce rôle. Maintenant, Marie est soutenue par son Fils, qui la couve des yeux et lui demande :

      « Tu es fatiguée ?

      – Non, Jésus. »

      Elle lui sourit.

      « J’ai pourtant l’impression que tu l’es. Je regrette de t’avoir fait voyager. Mais moi, je ne pouvais pas venir…

      – Oh ! ce n’est rien, mon Fils. Je transpire un peu, mais ici, on est bien… C’est plutôt toi qui es fatigué, et aussi ce pauvre Jean… »

      Mais Jean secoue la tête en riant. Après avoir déposé le sac neuf et bien rempli de Jésus et le sien sur l’herbe, au pied du chêne, il se retire en disant :

      « Je vais plus bas. J’ai vu une petite source et je vais me rafraîchir un peu dans cette eau. Mais j’entendrai, si vous m’appelez. »

      Et il se retire pour laisser pleine liberté à Jésus et à sa Mère.

      477.3 Marie desserre son manteau et enlève son voile pour essuyer la sueur qui perle à son front. Elle regarde Jésus, ils se sourient mutuellement, et elle boit son sourire tandis qu’il lui caresse la main et la passe sur sa joue pour en sentir la caresse. Il est tellement “ fils ” par ce geste que je lui ai vu faire à bien d’autres reprises ! Marie dégage sa main et remet en ordre les cheveux de Jésus, lui enlevant un petit morceau d’écorce resté entre les mèches. L’amour qu’elle y met est si grand, que chaque mouvement de ses doigts est une caresse. Elle dit :

      « Tu es tout en sueur, Jésus. Ton manteau sur les épaules est humide comme s’il avait plu dessus, mais tu vas pouvoir en prendre un autre. Celui-ci, je le retire. Il est déteint par le soleil et la poussière. J’avais tout préparé, et… Attends ! Je sais que tu as à peine mangé : une croûte de pain rassis avec une poignée d’olives, salées au point de te mordre le gosier. C’est Jean qui me l’a dit. Il ne faisait que boire à son arrivée. Mais je t’ai apporté du pain frais : je venais de le sortir du four. Voilà aussi un rayon de miel que j’avais enlevé hier pour le donner aux enfants de Simon. Mais pour eux, j’ai d’autres rayons. Prends-le, mon Fils. Il vient de notre maison… »

      Et elle se penche pour ouvrir la besace, qui contient, par dessus tout le reste, un petit panier d’osier plein de fruits sur lesquels se trouve le rayon de miel enveloppé dans de longues feuilles de vigne, et elle offre le tout à son Fils avec le pain frais et croustillant.

      Pendant que Jésus mange, elle tire du sac les vêtements qu’elle a préparés pour les mois d’hiver, solides, chauds, capables de protéger du froid et de l’eau, et elle les montre à Jésus, qui lui dit :

      « Que de travail, Maman ! J’avais encore ceux de l’hiver dernier…

      – Quand les hommes sont loin de leurs femmes, ils doivent tout renouveler, afin de ne rien avoir à réparer pour être impeccables. Mais je n’ai rien gaspillé. Le manteau que je porte, c’est le tien que j’ai raccourci et reteint. Pour moi, il va encore bien, mais pour toi, il n’allait plus. Tu es Jésus… »

      Dire tout ce que contient cette phrase, c’est impossible. “ Tu es Jésus. ” C’est une phrase simple, mais ces quelques mots renferment tout l’amour de la Mère, de la femme disciple, de l’ancienne juive pour le Messie promis et de la juive du temps béni qui possède Jésus. Si Marie s’était prosternée en adorant son Fils comme Dieu, il n’y aurait eu là qu’une simple manifestation de respect. Mais ces mots en disent bien plus long qu’une adoration formelle des genoux qui plient, du dos qui se penche, du front qui touche le sol : il y a là tout l’être de Marie, avec sa chair, son sang, son âme, son cœur, son esprit, son amour, qui adore totalement et parfaitement le Dieu-Homme.

      Je n’ai jamais rien vu de plus grand, de plus absolu, que ces adorations de Marie pour le Verbe de Dieu qui est son Fils, mais dont elle se rappelle toujours qu’il est Dieu. Aucune des personnes guéries ou converties par Jésus, que je vois adorer leur Sauveur, pas même les plus ardentes, pas même celles qui expriment leur amour avec une impétuosité inconsciemment théâtrale, n’a quelque chose qui ressemble à cela. Elles aiment totalement, mais toujours en créatures auxquelles il manque quelque chose pour être parfaites. Marie aime, j’ose le dire, divinement. Elle aime mieux qu’une créature. Ah ! elle est vraiment la fille de Dieu exempte de faute ! C’est pour cela qu’elle peut aimer ainsi !… Et je pense à ce qu’a perdu l’homme par le péché originel… Je pense à ce que nous a volé Satan en entraînant nos premiers parents. Il nous a enlevé ce pouvoir d’aimer Dieu comme l’a aimé Marie… Il nous a enlevé le pouvoir d’aimer comme il faut.

      477.4 Pendant que je me fais ces réflexions en regardant le Couple parfait, Jésus, qui a fini son repas, a glissé pour s’asseoir dans l’herbe aux pieds de sa Mère. Il pose sa tête sur les genoux de Marie comme un enfant las, et même attristé, qui se réfugie auprès de la seule personne qui puisse le réconforter. Et Marie caresse ses cheveux, effleure le front lisse de son Jésus. Elle semble par ce geste vouloir mettre en fuite toutes les fatigues et toutes les peines qui affectent son Fils. Jésus ferme les yeux, et Marie arrête sa caresse, tout en laissant sa main sur les cheveux de Jésus, et en regardant droit devant elle, pensive, sans bouger. Elle croit peut-être que Jésus s’est endormi. Il est si las…

      Mais Jésus rouvre les yeux presque aussitôt. Il voit que le soir arrive, il voit qu’il ne lui est pas permis de prolonger cette heure de réconfort. Alors il relève la tête en restant assis à sa place, et il demande :

      « Tu sais, Maman, d’où je viens ?

      – Oui, Jean me l’a dit. Deux âmes qui reviennent à Dieu… C’est une joie pour toi comme pour moi.

      – Oui, et c’est avec cette joie au cœur que je descends à Jérusalem.

      – Pour te réconforter de la déception que tu as eue le jour même où nous nous sommes quittés [1].

      – Comment sais-tu cela ? Jean te l’a dit ? Lui seul le sait…

      – Non. C’est moi qui l’ai interrogé. Mais Jean m’a répondu : “ Mère, tu vas le voir bientôt. Demande-le-lui. ” »

      Jésus sourit :

      « Jean est fidèle jusqu’au scrupule. »

      477.5 Après un temps de silence, Jésus reprend :

      « Qui donc t’en a parlé ?

      – On ne m’en a pas parlé directement. Il est venu des… des hommes chez Joseph, ton frère. Et… lui est venu chez moi. Il était encore un peu… Oui, mon Fils, il vaut mieux dire la vérité, un peu fâché après ta rencontre avec lui à Capharnaüm [2], et particulièrement après sa conversation avec Jude et Jacques. Ils se sont vus en ton absence, et Jacques aussi, ou pour mieux dire : Jacques surtout, s’est montré sévère… Très sévère… Je dirais même trop. Cependant l’Eternel, toujours bon, a tiré un bien de ce léger désaccord, sûrement parce que c’était un désaccord venu de deux sources d’amour. Différentes, c’est vrai, mais c’est toujours de l’amour. Imparfaites, c’est vrai, car si elles avaient été parfaites, au moins chez l’un des deux, il n’aurait pas provoqué la colère… Parler de colère, c’est peut-être un peu trop fort pour qualifier l’état d’âme de Jacques, mais il est certain qu’il a été dur, très dur… Tu l’aurais certainement rappelé à la charité. Moi… je ne l’ai pas approuvé, mais j’ai compati, car j’ai compris ce qui l’irritait, lui qui est toujours patient. On ne peut lui demander d’être parfait… C’est un homme. Il est encore très homme, lui aussi. Oh ! il y a encore beaucoup à faire pour que Jacques arrive à être un juste comme l’était mon Joseph ! Lui … il savait toujours se dominer… et être toujours bon…

      Mais je divague ! Je parlais de l’amour imparfait des deux hommes pour toi — car ils t’aiment tant ! Même Joseph, bien que cela ne paraisse pas à première vue. Mais c’est de l’amour pour toi, tous les soins qu’il prend de cette pauvre femme. Et c’est de l’amour pour toi, sa manière de penser en vieux juif attaché à ses idées comme son père. Que ne donnerait-il pas pour te voir aimé de tous ! A sa façon… sûrement… — Mais, pour venir au fait, je dois te dire que Joseph, que l’attitude tranchante de Jacques n’a pas blessé, s’est mis à venir chez moi, chaque jour. Et sais-tu pourquoi ? Pour que je lui explique les Ecritures “ comme toi et ton Fils vous les comprenez ”, m’a-t-il dit. Expliquer les Ecritures à la lumière de la Vérité !… C’est difficile quand celui qui écoute est un Joseph, fils d’Alphée, c’est-à-dire quelqu’un qui croit fermement au royaume temporel du Messie, à sa naissance royale et à tant d’autres préjugés !

      Mais pour lui faire accepter l’idée que le Roi d’Israël doit, certes, être de souche royale, descendant de David, mais qu’il n’est pas nécessaire qu’il soit né dans un palais royal, son orgueil lui-même m’a servi. Lui… il est fier d’appartenir à la race de David ! Je lui ai dit doucement beaucoup de choses… et cette idée, je l’ai redressée en lui. Il admet maintenant que, conformément aux prophéties, tu es celui qu’elles ont annoncé. Mais je n’aurais pas réussi à le convaincre que ta vraie grandeur consiste justement à être un Roi spirituel — le seul titre qui puisse faire de toi un Roi universel et éternel —, s’il n’était venu à deux reprises des gens pour le chercher… Les premiers, encore ceux de Capharnaüm et d’autres avec eux, l’ont au début de nouveau séduit par des promesses éblouissantes de grandeur pour toute la maison. Mais quand ils l’ont vu moins disposé à céder en leur faveur — ils exigeaient que Joseph te force et me force à te faire accepter une couronne —, ils se sont trahis en passant à des menaces : les habituelles menaces voilées dont ils se servent, des couteaux tranchants enveloppés de laine soyeuse pour les faire paraître inoffensifs… Alors Joseph a réagi en répliquant : “ Je suis le plus âgé, mais Jésus est majeur et, dans notre famille, il ne me semble pas qu’il y ait jamais eu d’imbéciles ou de fous. Comme il est majeur depuis déjà quatre lustres, il sait ce qu’il fait. Allez donc l’interroger, et s’il refuse, laissez-le tranquille. Il est responsable de ses actes. ”

      Plus tard, précisément la veille du sabbat, il est venu certains de tes disciples… Tu me regardes, mon Fils ? Permets-moi de ne pas te révéler leurs noms, mais permets-moi de te dire de leur pardonner [3]… Un fils qui aurait levé la main sur les cheveux blancs de son père, un lévite qui aurait profané l’autel et craindrait la colère de Yahvé, ne seraient pas comme ils étaient… Ils venaient de Capharnaüm, où ils t’avaient cherché… Ils avaient suivi les routes du lac, de Capharnaüm à Magdala, puis à Tibériade, en espérant te trouver. Ils ont alors rencontré Hermas et Etienne, qui descendaient avec d’autres à Jérusalem, après avoir été quelques jours les hôtes de Gamaliel. Je ne veux pas répéter ce qu’ils ont dit, ce qu’ils veulent te dire, et brûlent de te dire. Mais leurs paroles avaient augmenté encore plus la douleur des disciples qui furent égarés au point de s’unir à ceux qui voulaient te trahir par une onction trompeuse. Quand ils sont arrivés, Joseph était chez moi, et cela tombait bien. Certes, Joseph n’est pas encore arrivé à la lumière, mais il en est déjà à la naissance de son aurore. Joseph a compris le piège et… il t’aime maintenant beaucoup, notre Joseph. Il t’aime, je n’ose pas dire de la juste manière, mais, au moins, comme un aîné qui souffre de ta souffrance, qui veille sur ta sauvegarde, qui connaît tes ennemis…

      Voilà pourquoi je sais ce qu’ils t’ont fait, mon Fils. Une douleur… Et une joie, parce que plus d’un t’a reconnu pour ce que tu es. Cette douleur et cette joie ont été la tienne et la mienne. Et nous pardonnons à tous, n’est-ce pas ? Moi, j’ai déjà pardonné à ceux qui se sont repentis, dans la mesure où cela m’était permis.

      – Maman, tu pouvais tout pardonner, même pour moi, car je l’avais déjà fait en voyant leurs cœurs. Ce sont des hommes… Tu l’as bien dit !… 477.6 Mais j’ai aussi la joie de voir Joseph avancer vers l’aurore de la vraie lumière…

      – Oui. Il espérait te voir. Il aurait été bon que tu le rencontres. Aujourd’hui, il était absent jusqu’au coucher du soleil, et il sera peiné de ne pas te voir. Mais il pourra le faire à Jérusalem.

      – Non, Mère. Je ne resterai pas à Jérusalem de manière à être vu. J’ai besoin d’évangéliser la ville et les alentours, et on m’en chasserait immédiatement, si l’on me découvrait. Je devrai donc agir comme quelqu’un qui fait le mal alors que je ne veux faire que du bien… Mais c’est ainsi.

      – Alors tu ne verras pas Joseph ? Il part demain pour la fête des Tentes. Vous pouviez faire le voyage ensemble…

      – Je ne puis…

      – Ils te persécutent déjà à ce point, mon Fils ? »

      Quelle angoisse il y a dans la voix de Marie !

      « Non, Mère, non, pas plus qu’auparavant. Rassure-toi. Et même… de bonnes âmes viennent à moi. D’autres, qui ne sont pas bonnes, prennent le temps de réfléchir, alors qu’auparavant elles frappaient sans raison ; le nombre des disciples augmente, les anciens se forment de plus en plus, les apôtres se perfectionnent. Je ne parle pas de Jean : il a toujours été une grâce que le Père m’accorde, mais je parle de Simon-Pierre, et des autres. Je peux dire que de jour en jour Simon change : d’homme qu’il était, il devient apôtre, et tu sais ce que je veux dire. Et il me donne beaucoup de joie. Quant à Nathanaël et à Philippe, ils se détachent des liens de leurs idées. Et Thomas et… Mais que dis-je ! Tous. Oui, sois-en sûre : tous, à cette heure, sont bons : ils font ma joie. Tu dois être tranquille, puisque tu me sais avec eux : ils sont les amis, les consolateurs, les défenseurs de ton Fils. Puisses-tu être ainsi défendue et aimée !

      – Moi, j’ai Marie, j’ai les épouses de Joseph et de Simon, et puis eux-mêmes et leurs enfants. J’ai le bon Alphée. D’ailleurs qui, à Nazareth, n’aime pas Marie de Nazareth ? Tu dois être tranquille… C’est tout un village qui aime bien ta Mère.

      – Mais ils ne m’aiment pas encore, excepté quelques-uns. Je le sais, et je sais que leur amour pour toi est imprégné de la compassion que l’on éprouve pour la mère d’un fou et d’un vagabond. Mais toi, tu sais que je n’en suis pas un et que je t’aime. 477.7 Tu sais que, me séparer de toi, c’est l’obéissance, je ne dis pas la plus grande, mais, sur le plan de l’affection, la plus douloureuse que me demande le Père…

      – Oui, mon Fils ! Oui, je le sais. Moi, je ne me plains de rien. Bien sûr, je voudrais, je préférerais être avec toi, dans la boue, dans le vent, à la belle étoile, persécutée, fatiguée, sans toit ni feu, sans pain, comme toi tant de fois, au lieu d’être chez moi, pendant que tu es au loin et que j’ignore comment tu vas quand je pense à toi. Toi avec moi, et moi avec toi, tu souffrirais moins, et moi de même… Tu es mon Fils, et je pourrais toujours te prendre dans mes bras et te défendre du froid, de la dureté des pierres et surtout de la dureté des cœurs, par mon amour, sur ma poitrine, dans mes bras. Tu es mon Fils. Je t’ai tant gardé sur mon cœur dans la grotte, pendant le voyage en Egypte, et au retour, toujours, quand les pièges de la saison et des hommes pouvaient te nuire. Pourquoi ne pourrais-je pas le faire maintenant ? Ne suis-je donc plus ta Mère, sous prétexte que tu es maintenant l’Homme ? Une mère ne peut-elle donc plus être tout pour son fils pour la simple raison qu’il n’est plus petit ? Je pense que, si je suis avec toi, ils ne pourront pas te faire du mal… car personne… Non. Je suis sotte… Tu es le Rédempteur… et les hommes, je l’ai vu, n’ont aucune pitié, même de leur propre mère… Mais laisse-moi venir près de toi. Tout vaut mieux pour moi que d’être au loin.

      – Si les hommes étaient meilleurs, je serais revenu encore une fois à Nazareth. Mais même Nazareth… Peu importe. Ils viendront à moi. Pour le moment, je vais vers les autres… et je ne puis t’emmener avec moi. Je ne reviendrai plus ici avant qu’ils sachent qui je suis. 477.8 Maintenant, je pars en Judée… Je monte au Temple… Puis je resterai dans ces contrées… Je parcourrai encore une fois la Samarie. Je travaillerai là où il y a le plus à faire. Aussi, Mère, je te conseille de te préparer à me rejoindre au début du printemps et de t’établir près de Jérusalem. Nous nous y verrons plus facilement. Je remonterai jusqu’à la Décapole encore quelques fois et nous nous verrons encore… Je l’espère. Mais je resterai généralement en Judée. Jérusalem est la brebis qui a le plus besoin de soins car, en vérité, elle est plus têtue qu’un vieux mouton et plus querelleuse qu’un bouc retourné à l’état sauvage. Je vais y répandre la Parole comme une rosée qui ne se lasse pas de tomber sur son aridité… »

      Jésus se lève, s’arrête, regarde sa Mère qui le fixe attentivement. Il ouvre la bouche, puis secoue la tête en disant :

      « Il y a encore ceci à dire, avant la dernière recommandation… Mère, si Joseph veut me parler, qu’il soit après-demain à l’aube sur la route qui va de Nazareth à Jezréel en passant par le mont Thabor. J’y serai seul ou avec Jean.

      – Je le lui dirai, mon Fils. »

      477.9 Un silence s’établit, un silence profond, car les oiseaux ont fini de se quereller dans les frondaisons et le vent aussi se tait, tandis que le crépuscule s’assombrit. Puis Jésus, qui semble avoir cherché péniblement les derniers mots à dire, achève :

      « Maman, la pause est finie… Un baiser, Maman, et ta bénédiction. »

      Ils s’embrassent et se bénissent mutuellement.

      Alors Jésus, se penchant pour ramasser le voile de sa Mère, appelle Jean comme pour rendre moins solennelles ses paroles :

      « Lorsque tu viendras en Judée, apporte-moi mon vêtement le plus beau, celui que tu m’as tissé pour les fêtes solennelles. A Jérusalem, je dois être le “ Maître ” au sens le plus large, et même le plus sensiblement humain, puisque ces esprits fermés et hypocrites sont plus attentifs à l’extérieur — l’habillement — qu’à l’intérieur — l’enseignement. Ainsi, même Judas de Kérioth sera content… et aussi Joseph, qui me verra vraiment en habit royal. Oh ! ce sera un triomphe ! Et le vêtement que tu as tissé y contribuera… »

      Et il sourit en hochant la tête pour atténuer la vérité cruelle que cachent ces mots.

      Mais Marie ne s’y trompe pas. Elle se lève et s’appuie au bras de Jésus en s’écriant : “ Mon Fils ! ” avec un accent déchirant qui me fend le cœur.

      Jésus la serre contre sa poitrine, et elle pleure sur ce cœur…

      « Maman, j’ai voulu te parler de cela en cette heure de paix… Je te confie mon secret et ce que j’ai de plus cher ici-bas. Aucun disciple ne sait que nous ne reviendrons plus dans cette région, jusqu’à ce que tout soit accompli. Mais toi… Pour toi, il n’est pas de secret… Je te l’avais promis [4], Maman. Ne pleure pas. Nous avons encore beaucoup d’heures à passer ensemble. C’est pour cette raison que je te dis : “ Viens en Judée. ” T’avoir à mes côtés me dédommagera des fatigues de la plus difficile évangélisation de ces cœurs durs qui font obstacle à la Parole de Dieu. Viens avec les femmes disciples de Galilée. Vous me serez bien utiles. Jean s’occupera de votre hébergement. Maintenant, avant qu’il revienne, prions ensemble. Puis tu retourneras au village, et moi aussi je viendrai de nuit… »

      477.10 Ils prient ensemble et en sont aux derniers mots du Notre Père quand Jean apparaît. Malgré la pénombre, il aperçoit avec étonnement, en s’approchant, les traces de larmes sur le visage de Marie. Mais il garde le silence. Il salue le Maître et lui dit :

      « Je serai à l’aurore sur la route, hors de Nazareth… Viens, Mère. Hors du bois, il fait encore clair, et en bas, la route est bien éclairée par les lanternes des chars qui y circulent… »

      Marie embrasse encore Jésus en pleurant dans son voile puis, aidée par Jean qui la tient par le coude, elle descend le sentier en direction de la vallée.

      Jésus reste seul à prier, à réfléchir, à pleurer. Car Jésus pleure en regardant sa Mère descendre. Puis il revient là où il était auparavant et reprend la pose qu’il avait précédemment, tandis que les ombres et le silence s’épaississent autour de lui.


Enseignement de Jésus à Maria Valtorta

Les souffrances morales de Jésus et de Marie.



Le lundi 14 février 1944.     

      [...] [5]

      477.11 Jésus dit :

      « Parmi toutes les douleurs de Marie, ma Mère, je n’ai pas oublié celle-ci : avoir dû la torturer par l’attente de ma souffrance, avoir dû la voir pleurer. C’est pour cette raison que je ne lui refuse rien. Elle m’a tout donné. Je lui donne tout. Elle a connu toute la souffrance. Je lui donne toute la joie.


      Je voudrais que, quand vous pensez à Marie, vous méditiez sur son agonie, qui a duré trente-trois ans et a eu son sommet au pied de la croix. C’est pour vous qu’elle l’a endurée. C’est pour vous qu’elle a supporté les quolibets de la foule qui la considérait comme la mère d’un fou. Pour vous, elle a subi les reproches de sa parenté et des personnages d’importance. Il était encore pour vous, mon apparent désaveu [6] : “ Ma Mère et mes frères sont ceux qui font la volonté de Dieu. ” Or qui accomplissait mieux qu’elle cette terrible volonté, qui lui imposait la torture de voir son Fils être supplicié ?

      C’est pour vous qu’elle a connu les fatigues de me rejoindre ici ou là, c’est pour vous qu’elle a fait des sacrifices, depuis celui de laisser sa petite maison et de se mêler à la foule, jusqu’à celui de quitter son village pour le tumulte de Jérusalem. Pour vous, elle a dû être en contact avec celui qui fomentait dans son cœur de me trahir. Pour vous, elle a ressenti la douleur de m’entendre être accusé de possession diabolique. Tout, tout a été pour vous.

      477.12 Vous ne savez pas combien j’ai aimé ma Mère. Vous n’imaginez pas à quel point le cœur du Fils de Marie a été sensible aux affections. Vous croyez que ma torture fut seulement physique, tout au plus vous y ajoutez cette torture spirituelle que fut l’abandon final du Père.

      Non, mes enfants. J’ai aussi éprouvé les passions humaines. J’ai souffert de voir la douleur de ma Mère, de devoir la conduire au supplice comme une douce brebis, ou la déchirer par mes adieux successifs : à Nazareth avant l’évangélisation ou dans ce que je vous ai montré et qui précède ma Passion imminente, et encore — lorsque déjà elle a commencé par la trahison de Judas — avant la Cène, enfin lors de cet atroce adieu sur le Calvaire.

      J’ai souffert de me voir raillé, haï, calomnié, entouré de curiosités malsaines qui n’ont pas évolué vers le bien, mais vers le mal. J’ai souffert de tous les mensonges que j’ai dû entendre ou voir à l’œuvre à mes côtés : ceux des pharisiens hypocrites qui m’appelaient Maître et m’interrogeaient, non par foi en mon intelligence, mais pour me tendre des pièges ; ceux à qui j’avais accordé des bienfaits et qui se changèrent en accusateurs au Sanhédrin et au Prétoire ; celui, prémédité, long, subtil de Judas, qui m’a vendu et a continué de jouer au disciple, puis qui m’a désigné aux bourreaux par un geste d’amour. J’ai souffert du mensonge de Pierre, pris d’une peur humaine.

      Que de mensonges, qui tous me révoltèrent, moi qui suis la Vérité ! Combien y en a-t-il aujourd’hui encore à mon sujet ! Vous prétendez m’aimer, mais vous ne m’aimez pas. Vous avez mon nom sur les lèvres, mais au fond du cœur vous adorez Satan et vous suivez une loi contraire à la mienne.

      J’ai souffert en pensant que, devant la valeur infinie de mon sacrifice — celui d’un Dieu —, trop rares sont ceux qui seraient sauvés. Tous, je dis bien tous ceux qui, dans les siècles des siècles de la terre, allaient préférer la mort à la vie éternelle, rendant vain mon sacrifice, je les ai gardés présents à l’esprit. Et c’est avec cette connaissance que je suis allé à la rencontre de la mort.

      477.13 Tu vois, petit Jean, que ton Jésus et sa Mère ont profondément souffert dans leur être moral, et longuement. Patience donc, si tu dois connaître cela. Je l’ai dit [7] : “ Le disciple n’est pas plus grand que son Maître. ”

      Demain je te parlerai des douleurs de l’esprit. Pour l’instant, repose-toi. Que la paix soit avec toi. »



[1] La tentative de couronnement à l’initiative de Kouza. Jean qui a suivi Jésus est le seul à connaître la grande déception de Jésus. Cf. EMV 464.14.

[2] Joseph, à la suite d’une altercation avec des pharisiens, voulait absolument donner des conseils à Jésus sur la manière de se comporter avec les puissants et de conquérir le pouvoir. Cf. EMV 460.

[3] Il s’agit de Manahen et de Timon d’Aéra qui s’étaient fourvoyés dans le complot du couronnement.

[4] Je te l’avais promis, en EMV 460.10.

[5] Maria Valtorta eut une première vision de l’épisode. Elle est rapportée dans les Cahiers de 1944 à la date du 14 février. La catéchèse de Jésus, qui va suivre, la commentait. Mais elle eut, par la suite, une vision plus complète, le 21 août 1946. C’est celle qui figure ci-dessus.

[6] Voir EMV 269.12.

[7] En EMV 265.11.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-172.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/un-dialogue-entre-jesus-et-sa-mere-dans-les-bois-de-mathatias.html


Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Jasus_62
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 15 Déc - 22:22

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

478. En route pour la fête des Tabernacles, Jésus dialogue avec Joseph et Simon d’Alphée.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 173.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 478.

Vision du jeudi 22 août 1946.

Jeudi 6 septembre 29
Jezréel


      478.1 Le soleil se lève à peine sur la nature rendue humide par une averse, tombée depuis peu certainement : la poussière de la route en est encore mouillée, sans pourtant avoir fait de la boue. Voilà pourquoi je dis qu’il a plu depuis peu et que cela n’a été qu’une averse : une première pluie d’automne, l’annonce des pluies de novembre qui changeront les routes de Palestine en un ruban visqueux de boue. Mais celle-ci, légère, favorable aux voyageurs, n’a fait qu’humecter la poussière — l’autre fléau de la Palestine réservé aux mois d’été, comme la boue l’est à ceux d’hiver — et laver l’atmosphère, les feuilles et les herbes qui, bien propres, brillent toutes au premier rayon du soleil. Une brise douce et pure traverse les oliviers qui couvrent les collines de Nazareth. On dirait que des anges en grand nombre volent au milieu des arbres paisibles, tant le bruissement du feuillage rappelle celui des grandes ailes qui s’agitent. L’argent lumineux des oliviers brille. Ils penchent tous du même côté, comme si à l’arrière du vol angélique il restait un sillage de lumière paradisiaque.

      La ville est déjà dépassée de quelques stades quand Jésus, qui a pris des raccourcis à travers les collines, arrive sur la grand-route qui, de Nazareth, mène à la plaine d’Esdrelon, la route des caravanes que, de minute en minute, le passage des pèlerins anime. Il parcourt quelques autres stades. A un endroit, elle bifurque près d’une pierre milliaire, qui porte sur deux côtés l’inscription : “ Jafia Simonia - Bethléem Carmel ” à l’ouest, et : “ Xalot - Naïm Scytopolis - Engannim ” à l’est. Là, Jésus voit, arrêtés au bord de la route, ses cousins Joseph et Simon en compagnie de Jean, fils de Zébédée. Ils s’empressent de le saluer.

      « Paix à vous ! Vous êtes déjà arrivés ? Je pensais m’arrêter ici pour vous attendre et être le premier… et je vous trouve là ! »

      Manifestement heureux de les revoir, il les embrasse.

      « Tu ne pouvais pas être le premier. Par peur que tu ne passes avant que nous arrivions, nous sommes partis à la lumière des étoiles — d’ailleurs aussitôt cachées par des nuages.

      – Je vous avais dit que vous alliez me voir. Alors, toi, Jean, tu n’as pas dormi !

      – Peu, Maître, mais toujours plus que toi, certainement. Mais ça ne fait rien. »

      Et le visage serein de Jean sourit, vrai miroir de son heureux caractère, toujours content de tout.

      478.2 « Eh bien, mon frère, tu voulais me parler ? dit Jésus à Joseph.

      – Oui… Viens un peu dans ce vignoble. Nous y serons plus tranquilles. »

      Et Joseph, fils d’Alphée, pénètre le premier entre deux rangs d’une vigne déjà vendangée. Au milieu des feuilles qui blondissent et vont bientôt tomber, seuls quelques grappillons restent encore accrochés aux sarments, réservés à la faim du pauvre et du pèlerin, selon les prescriptions mosaïques.

      Jésus le suit avec Simon. Jean reste sur la route, mais Jésus l’appelle :

      « Tu peux venir, Jean. Tu es mon témoin.

      – Mais… dit l’apôtre, interdit, en regardant les deux fils d’Alphée.

      – Oui, oui, viens aussi. Et même, nous voulons que tu entendes nos paroles » dit Joseph.

      Alors Jean descend à son tour dans le vignoble où, tous ensemble, ils s’enfoncent en suivant les courbes des rangées, au point que l’on ne peut plus les voir de la route.

      478.3 « Jésus, je me suis réjoui de voir que tu m’aimes, dit Joseph.

      – Pouvais-tu donc en douter ? Ne t’ai-je pas toujours aimé ?

      – Moi aussi, je t’ai toujours aimé. Mais… malgré notre amour, depuis quelque temps, nous ne nous comprenions plus. Moi… je ne pouvais approuver ce que tu faisais, car cela me paraissait entraîner ta ruine, celle de ta Mère et la nôtre. Tu sais… Nous tous, vieux Galiléens, nous nous rappelons comment fut frappé Judas le Galiléen [1] et comment furent dispersés ses parents et ses disciples, dont on confisqua tous les biens. Ceux qu’on ne massacra pas, furent envoyés aux galères et virent leurs biens saisis. Moi, je ne voulais pas de cela pour nous. C’est que… Oui, je pensais qu’il ne devait pas être vrai que, justement chez nous qui, certes, sommes de la descendance de David, oui, mais ainsi… Nous ne manquons pas de pain, pour cela non, et que le Très-Haut en soit loué. Mais où se trouve la grandeur royale que toutes les prophéties attribuent à celui qui sera le Messie ? Quant à toi, es-tu la verge qui frappe pour dominer ? Tu n’as pas été la lumière à ta naissance. Tu n’es même pas né dans ta maison ! Oh ! je les connais bien, les prophéties ! Nous sommes du bois sec désormais, mais rien n’annonçait que le Seigneur allait le revêtir de feuillage. Et toi, qu’es-tu, sinon un juste ?

      C’étaient les idées à cause desquelles je te combattais en gémissant sur notre ruine. Et pendant que je gémissais ainsi, des tentateurs sont venus enflammer encore plus mes idées de grandeur, de royauté… Jésus, ton frère a été un imbécile. Je les ai crus, et je t’ai déplu. C’est dur de l’avouer, mais je dois le reconnaître. Et toi, pense qu’Israël tout entier était en moi, aussi bête que moi, sûr comme moi que l’apparence du Messie n’est pas celle que tu nous donnes… Il est difficile de dire : “ Je me suis trompé ! Nous nous sommes trompés et nous nous trompons ! Depuis des siècles. ” Mais ta Mère m’a expliqué les paroles des prophètes.

      Ah oui ! Jacques a raison, et Jude également. Quand on entend ces paroles de la bouche de Marie, comme eux l’ont pu dans leur enfance, on comprend que tu es le Messie. Voilà, mes cheveux blanchissent, car je ne suis plus un enfant ; je ne l’étais déjà plus quand ta Mère est revenue du Temple en tant qu’épouse de Joseph. Je me souviens de ces jours-là, et de la réprobation stupéfaite de mon père quand il vit que son frère n’organisait pas les noces au plus vite. Son étonnement était aussi celui de Nazareth, tout comme les médisances. Car il n’est pas d’usage de laisser passer tant de mois avant les noces, en se mettant dans les conditions de pécher et de… Jésus, j’estime Marie, et j’honore la mémoire de mon parent. Mais le monde… Pour le monde, cela n’a pas été un bon moment… Toi… Ah ! maintenant, je sais. Ta Mère m’a expliqué les prophéties. Voilà pourquoi Dieu a voulu que les noces soient retardées : pour que ta naissance coïncide avec le grand Edit et que tu naisses à Bethléem de Juda. Et… Marie m’a tout expliqué, tout, oui, et il y a eu une sorte de lumière pour que je comprenne ce qu’elle a tu par humilité. Et j’affirme : tu es le Messie. C’est ce que j’ai dit et ce que je dirai. Mais le dire, ce n’était pas encore changer de façon de voir… car mon esprit pense que le Messie est Roi. Les prophéties parlent… et il est difficile de pouvoir comprendre dans le Messie un caractère autre que celui de Roi… 478.4 Tu me suis ? Tu es fatigué ?

      – Non, j’écoute.

      – Eh bien… Ceux qui cherchaient à séduire mon cœur sont revenus et ils voulaient que je te contraigne… Et parce que j’ai refusé, le voile est tombé et ils sont apparus pour ce qu’ils sont : de faux amis, de vrais ennemis… Alors d’autres sont venus, pleurant comme des pécheurs, et je les ai entendus. Ils ont répété tes paroles dans la maison de Kouza… Maintenant, je sais que tu régneras sur les âmes, c’est-à-dire que tu seras celui en qui toute la sagesse d’Israël se concentre pour donner des lois nouvelles et universelles. En toi habitent la sagesse des patriarches et celle des juges, celle des prophètes et celle de nos aïeux David et Salomon, en toi réside la sagesse qui a guidé les rois, Néhémie et Esdras, et celle qui a conduit les Maccabées : toute la sagesse d’un peuple, de notre peuple, du Peuple de Dieu. Je comprends que tu donneras au monde, tout entier soumis à ton pouvoir, tes lois très sages. Et ce sera vraiment un peuple de saints. 478.5 Mais, mon Frère, tu ne peux faire cela tout seul. Pour bien moins que cela, Moïse s’est choisi des aides [2]. Or il ne s’agissait alors que d’un seul peuple ! Toi… c’est le monde entier à tes pieds !… Ah ! Mais pour faire cela, tu dois te manifester… Pourquoi as-tu ce sourire sur les lèvres, tout en restant les yeux fermés ?

      – Parce que j’écoute et que je me demande : “ Mon frère oublie-t-il qu’il m’a réprimandé parce que je me faisais connaître, sous prétexte que j’allais porter tort à toute la famille ? ” Voilà pourquoi je souris. Et je pense aussi que, depuis deux ans et six mois, je ne cesse de me faire manifester.

      – C’est vrai. Mais… Qui te connaît ? Des pauvres, des paysans, des pêcheurs, des pécheurs et des femmes ! Les doigts de la main suffisent pour compter, parmi ceux qui te connaissent, ceux qui ne sont pas des nullités sans valeur. J’affirme que tu dois te faire connaître des grands d’Israël, des prêtres, des princes des prêtres, des Anciens, des scribes, des grands rabbis d’Israël, de tous ceux qui, en dépit de leur petit nombre, valent une multitude. Ce sont eux qui doivent te rencontrer ! Ceux qui ne t’aiment pas portent contre toi des accusations dont je comprends maintenant la fausseté, mais l’une d’elle est vraie, juste : que tu les négliges. Pourquoi ne te présentes-tu pas pour ce que tu es ? Et pourquoi ne les conquiers-tu pas par ta sagesse ? Monte au Temple et siège dans le Portique de Salomon — tu es descendant de David et prophète, cette place te revient de droit, elle ne revient à personne autant qu’à toi —, et parle.

      – J’ai parlé. C’est pour cela qu’ils m’ont haï.

      – Insiste, et parle en roi. Ne te rappelles-tu pas la puissance, la majesté des actes de Salomon ? Si (ce “ si ” est extraordinaire !) tu es vraiment celui qu’ont annoncé les prophètes, comme le montrent les prophéties lues avec les yeux de l’esprit, tu es plus grand qu’un homme. Lui, Salomon, n’était qu’un homme. Alors, montre-toi pour ce que tu es, et ils t’adoreront.

      – M’adoreront-ils, les juifs, les princes, les chefs des familles et des tribus d’Israël ? Pas tous, mais quelques-uns qui ne m’adorent pas, le feront en esprit et en vérité. Mais pas maintenant. Je dois, auparavant, ceindre la couronne, prendre le sceptre et revêtir la pourpre.

      – Ah ! Alors, tu es roi, tu vas l’être bientôt ! Tu le dis toi-même ! C’est bien ce que je pensais ! C’est ce que beaucoup pensent !

      – En vérité, tu ignores comment je régnerai. Seul le Très-Haut et moi, ainsi que quelques âmes auxquelles l’Esprit du Seigneur s’est plu à le révéler, maintenant et dans les temps passés, nous savons comment régnera le Roi d’Israël, l’Oint de Dieu.

      478.6 – Néanmoins, écoute-moi aussi, mon Frère » reprend Simon. « Joseph a raison. Comment veux-tu qu’ils t’aiment ou qu’ils te craignent si tu évites toujours de leur en imposer ? Tu ne veux pas appeler Israël aux armes ? Tu ne veux pas lancer son ancien cri de guerre et de victoire [3] ? Alors, au moins, deviens roi grâce aux acclamations et aux hosannas du peuple ; sache les arracher par ta puissance de Rabbi et de Prophète : ce ne serait pas la première fois que se produisent ainsi les appels au trône en Israël. Sois roi !

      – Je le suis déjà, depuis toujours.

      – Oui, rétorque Simon, c’est ce qu’un chef du Temple nous a dit. Tu es né roi des juifs. Mais tu n’aimes pas la Judée. Tu es un roi déserteur, puisque tu ne vas pas à elle. Tu n’es pas un roi saint si tu n’aimes pas le Temple où la volonté d’un peuple te consacrera. Sans la volonté d’un peuple — puisque tu ne veux pas t’imposer à lui par la violence —, tu ne peux régner.

      – Tu veux dire : sans la volonté de Dieu, Simon. Qu’est-ce que la volonté du peuple ? Qu’est le peuple ? Par qui est-il peuple ? Qui le soutient ? C’est Dieu. Ne l’oublie pas, Simon. Et moi, je serai ce que Dieu veut. C’est par sa volonté que je serai ce que je dois être, et rien ne pourra l’empêcher. Moi, je n’aurai pas à lancer le cri de rassemblement. Israël sera tout entier présent à ma proclamation. Moi, je n’aurai pas besoin de monter au Temple pour être acclamé. J’y serai porté. Un peuple tout entier m’y portera pour que je monte sur mon trône. Vous m’accusez de ne pas aimer la Judée… C’est au cœur de cette Judée, à Jérusalem, que je deviendrai le “ Roi des Juifs ”. Saül n’a pas été proclamé roi à Jérusalem, pas plus que David ou Salomon. Mais moi, je serai consacré Roi à Jérusalem. Mais je n’irai pas maintenant publiquement au Temple, et je n’y siégerai pas, car ce n’est pas mon heure. »

      478.7 Joseph reprend la parole.

      « Tu laisses passer ton heure. C’est moi qui te le dis. Le peuple est las des oppresseurs étrangers et de nos chefs. Je t’assure que l’heure est venue. Toute la Palestine, à l’exception de la Judée — et encore pas toute —, te suit en qualité de Rabbi et plus encore. Tu es comme un étendard levé sur une hauteur, et tous ont les yeux tournés vers toi. Tu es comme un aigle, et tous suivent ton vol. Tu es comme un vengeur, et tous attendent que tu décoches la flèche. Va, quitte la Galilée, la Décapole, la Pérée, les autres régions, et va au cœur d’Israël, dans la citadelle où tout le mal est renfermé et d’où doit venir tout le bien, et conquiers-la. Là aussi, tu as des disciples, mais ils sont tièdes, parce qu’ils te connaissent mal. Ils sont également peu nombreux, parce que tu n’y séjournes pas, et incertains parce que tu n’y as pas accompli les miracles que tu as faits ailleurs. Va en Judée pour qu’eux aussi reconnaissent à tes œuvres qui tu es. Tu reproches aux Judéens de ne pas t’aimer. Mais comment serait-ce possible, si tu leur restes caché ? Personne, qui cherche à être acclamé en public et le désire, n’accomplit ses œuvres en cachette, mais il les fait de façon que le public les voie. Si donc tu peux faire des prodiges sur les cœurs, sur les corps et sur les éléments, rends-toi là-bas, et fais-toi connaître au monde.

      – Je vous l’ai dit : ce n’est pas mon heure. Mon temps n’est pas encore venu. Il vous semble toujours que c’est le bon moment, mais ce n’est pas le cas. Je dois prendre le temps qui est le mien : pas avant, pas après. Avant, ce serait inutile. Je me ferais effacer du monde et des cœurs avant d’avoir achevé mon œuvre ; le travail déjà fait ne serait pas fécond, parce qu’il ne serait pas terminé ni aidé par Dieu, qui veut que je l’accomplisse sans négliger une seule parole ou une seule action. Je dois obéir à mon Père, et je ne ferai jamais ce que vous espérez, car cela nuirait au dessein de mon Père.

      Je vous comprends et vous excuse. Je n’éprouve aucune rancœur contre vous. Je ne ressens pas de lassitude ou d’ennui devant votre aveuglement… Vous ne savez pas. Mais moi, je sais. Vous ne savez pas, vous ne voyez que la surface du visage du monde. Moi, j’en vois la profondeur. Le monde vous fait encore bonne figure. Il ne vous hait pas : non qu’il vous aime, mais parce que vous ne méritez pas sa haine. Vous êtes trop peu de chose. Mais il me déteste, moi, parce que je suis un danger pour lui : un danger pour la fausseté, pour la cupidité, pour la violence qu’est le monde.

      478.8 Je suis la Lumière, et la lumière illumine. Le monde n’aime pas la lumière, car elle met en plein jour les actions du monde [4]. Le monde ne m’aime pas — il ne peut pas m’aimer —, car il sait que je suis venu pour le vaincre dans le cœur des hommes et dans le roi des Ténèbres qui le domine et le dévoie. Le monde ne veut pas se convaincre que je suis son Médecin et son Remède et, comme un fou, il voudrait m’abattre pour n’être pas guéri. Le monde encore ne veut pas se persuader que je suis le Maître, parce que ma Parole est contraire à ce qu’il dit. Il cherche donc à étouffer la Voix qui parle au monde afin de le conduire à Dieu, en lui montrant la vraie nature de ses actes, qui sont mauvais.

      Entre le monde et moi, il y a un abîme, et ce n’est pas par ma faute. Je suis venu donner au monde la lumière, le chemin, la vérité, la vie. Mais le monde ne veut pas m’accueillir, et pour lui ma lumière devient ténèbres, parce qu’elle sera la cause de la condamnation de ceux qui n’ont pas voulu de moi. Dans le Christ se trouve toute la lumière pour les hommes qui veulent l’accueillir, mais en lui se trouvent aussi toutes les ténèbres pour ceux qui me haïssent et me repoussent. C’est pour cela qu’au commencement de mes jours mortels, j’ai été prophétiquement indiqué comme “ un signe de contradiction ” [5] : selon la manière dont je serai accueilli, ce sera le salut ou la condamnation, la vie ou la mort, la lumière ou les ténèbres. Mais ceux qui m’accueillent, en vérité, en vérité je vous dis qu’ils deviendront des fils de la Lumière, c’est-à-dire de Dieu, car ils sont nés à Dieu pour avoir accueilli Dieu.

      478.9 Par conséquent, si je suis venu pour faire des hommes des fils de Dieu, comment puis-je faire de moi un roi comme, par amour ou par haine, par simplicité ou par malice, vous êtes nombreux en Israël à le vouloir ? Vous ne comprenez pas que je me détruirais moi-même : le vrai moi-même, c’est-à-dire le Messie, non pas Jésus, le fils de Marie et Joseph de Nazareth. Je détruirais le Roi des rois, le Rédempteur, celui qui est né d’une Vierge, appelé Emmanuel [6], appelé l’Admirable, le Conseiller, le Fort, le Père du siècle futur, le Prince de la paix [7], Dieu, Celui dont l’empire et la paix n’auront pas de limites, en s’asseyant sur le trône de David à cause de la descendance humaine, mais en ayant pour escabeau de ses pieds le monde et tous ses ennemis, et le Père à ses côtés, comme il est dit au livre des Psaumes [8], par droit surnaturel d’origine divine ?

      Vous ne comprenez pas que Dieu ne peut être Homme, autrement que par perfection de bonté, pour sauver l’homme, mais ne peut pas, ne doit pas s’abaisser à de pauvres vanités humaines ? Vous ne comprenez pas que, si j’acceptais la couronne, la royauté comme vous la comprenez, j’avouerais que je suis un faux Christ, je mentirais à Dieu, je me renierais moi-même, et je renierais le Père. Je serais pire que Lucifer, car je priverais Dieu de la joie de vous avoir, je serais pire que Caïn pour vous, car je vous condamnerais à un perpétuel exil loin de Dieu dans les limbes, sans espérance de paradis ?

      Tout cela, vous ne le comprenez pas ? Ne comprenez-vous pas le piège où les hommes veulent me faire tomber ? Le piège de Satan pour frapper l’Eternel dans son Bien-Aimé et dans ses créatures : les hommes ? Ne comprenez-vous pas que c’est le signe que je suis plus qu’un homme, que je suis l’Homme-Dieu ? Le fait que je n’aspire qu’à des biens spirituels pour vous donner le Royaume spirituel de Dieu ?… Vous ne comprenez pas que le signe que je…

      – Les paroles de Gamaliel ! s’écrie Simon.

      – … que je ne suis pas un roi, mais le Roi, c’est cette haine de tout l’enfer et du monde entier envers moi ? Il me faut enseigner, souffrir, vous sauver. C’est cela que je dois faire. Et cela, Satan ne le veut pas et les satans non plus. 478.10 L’un de vous a dit : “ Les paroles de Gamaliel. ” Voici : il n’est pas mon disciple, et il ne le sera jamais tant que je serai de ce monde ; mais c’est un juste. Eh bien : parmi ceux qui me proposent et qui vous proposent le pauvre royaume humain, y aurait-il par hasard Gamaliel ?

      – Oh non ! » s’exclame Simon. « Etienne a dit que le rabbi, ayant appris ce qui s’est passé chez Kouza, s’est écrié : “ Mon esprit tressaille en se demandant si Jésus peut être vraiment ce qu’il dit. Mais toute question serait morte avant de se former dans mon esprit, et pour toujours, s’il avait consenti à cela. L’Enfant que j’ai entendu, a dit que l’esclavage, comme la royauté, ne seront pas matériels, comme nous le pensons en comprenant mal les prophètes, mais spirituels, grâce au Christ, Rédempteur de la faute et fondateur du Royaume de Dieu dans les âmes. Je me souviens de ces mots, et c’est sur eux que je juge le Rabbi. Si, en le jugeant, je le trouvais au-dessous de cette hauteur, je le repousserais comme un pécheur et un menteur. Et j’ai tremblé de voir se dissoudre dans le néant l’espérance que cet Enfant m’a donnée. ”

      – Oui, mais en attendant, il ne l’appelle pas Messie, rétorque Joseph.

      – Il dit attendre un signe, répond Simon.

      – Alors donne-le-lui ! Et qu’il soit fort !

      – Je lui donnerai ce que je lui ai promis, mais pas maintenant.

      478.11 Allez donc à cette fête. Moi, je n’y vais pas publiquement, comme rabbi, comme prophète, pour m’imposer, car mon temps n’est pas encore venu.

      – Tu viendras au moins en Judée ? Tu donneras aux Judéens des preuves qui les convainquent ? Pour qu’ils ne puissent pas dire…

      – Oui. Mais crois-tu qu’elles serviront à me procurer la paix ? Mon frère, plus j’agirai et plus je serai détesté. Mais je vais te satisfaire. Je leur donnerai les preuves les plus grandes qui puissent exister… et je leur dirai des paroles capables de changer des loups en agneaux, des pierres dures en cire molle. Mais cela ne servira à rien… »

      Jésus est triste.

      « T’ai-je fait souffrir ? Je disais cela pour ton bien.

      – Non, tu ne me peines pas… Mais je voudrais que tu me comprennes, que toi, mon frère, tu me voies pour ce que je suis… Je voudrais partir avec la joie de te savoir mon ami : l’ami comprend, et il veille sur les intérêts de l’autre…

      – Et moi, je te dis que je le ferai. Je sais qu’ils te haïssent. Désormais, je le sais. C’est pour cela que je suis venu. Mais tu le sais : je veillerai sur toi. Je suis l’aîné, je réfuterai les calomnies et je penserai à ta Mère, promet Joseph.

      – Merci, Joseph. Mon fardeau est grand, et tu l’allèges. Les flots d’une mer de souffrance s’avancent pour me submerger et avec eux la haine… Mais si j’ai votre amour, ce n’est rien. C’est que le Fils de l’homme a un cœur… et ce cœur a besoin d’amour…

      – Et je t’en donne, moi. Oui. Sous l’œil de Dieu qui me voit, je te dis que je t’en donne. Va en paix, Jésus, à ta mission. Je t’aiderai. Nous nous aimions bien. Et ensuite… Mais aujourd’hui, redevenons ce que nous étions autrefois l’un pour l’autre. Toi : le Saint ; moi : l’homme, mais unis pour la gloire de Dieu. Adieu, mon Frère.

      – Adieu, Joseph. »

      Ils s’embrassent, puis c’est le tour de Simon, qui demande :

      « Bénis-nous, pour que nos cœurs s’ouvrent à toute la lumière. »

      Jésus les bénit et, avant de les quitter, il ajoute :

      « Je vous confie ma Mère…

      – Va en paix. Elle aura en nous deux fils. »

      Ils se séparent. 478.12 Jésus revient sur la route et, avec Jean à côté de lui, il se met à marcher vite, très vite. Après un bon moment, Jean rompt le silence pour demander :

      « Joseph est-il convaincu ou non, désormais ?

      – Pas encore.

      – Dans ce cas qui es-tu pour lui ? Messie ? Homme ? Roi ? Dieu ? Je n’ai pas bien compris. Il me semble qu’il…

      – Joseph est comme dans un de ces rêves du matin où l’esprit se rend déjà à la réalité en se dégageant d’un lourd sommeil qui lui donnait des rêves irréels, parfois des cauchemars. Les fantômes de la nuit s’éloignent, mais l’esprit flotte encore dans le rêve, si doux qu’on ne voudrait pas le voir finir… Pour lui, c’est cela. Il approche du réveil, mais pour l’instant il caresse encore son rêve. Il le retient pour ainsi dire car, pour lui, il est beau… Mais il faut savoir prendre ce que l’homme peut donner, et louer le Très-Haut pour la transformation survenue jusqu’à présent. Bienheureux les enfants ! Il leur est si facile de croire ! »

      Et Jésus passe un bras autour de la taille de Jean, qui sait être enfant et croire, pour lui faire sentir son amour.




[1] Galiléen qui fut le chef d’une révolte en l’an 6 ap. J.C. – Les Actes 5,37 y font référence : "Après lui, à l’époque du recensement, se leva Judas le Galiléen, qui entraîna du monde à sa suite; il périt, lui aussi, et ceux qui l’avaient suivi furent dispersés."

[2] Exode 18,13-27.

[3] "Le Glaive du Seigneur !" ou "Le glaive de Gédéon !" (Encyclopédie méthodique, Art militaire, rubrique cri d’armes Paris 1785).

[4] Cf. Jean 1,4-5.

[5] Prédiction du vieillard Syméon lors de la présentation de Jésus au Temple. (Cf. Luc 2,34) – cf. EMV 32.

[6] Isaïe 7,14.

[7] Isaïe 9,6.

[8] Psaume 109.1 (hébreu 110).




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-173.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/manque-de-foi-des-freres-de-jesus.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 18 Déc - 22:51

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

479. Jésus et Jean attendent les paysans de Yokhanan.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 174.
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 479.

Vision du samedi 24 août 1946.

Jeudi 6 septembre 29
Jezréel


      479.1 « Tu es exténué, Jean. Et pourtant il faudrait arriver à Engannim avant le coucher du soleil de demain.

      – Nous y serons, Seigneur » dit Jean.

      Il sourit, bien qu’il soit tout pâle de fatigue, lui qui a marché plus que tous. Et il essaie d’avancer d’un pas plus leste pour convaincre le Maître qu’il n’est pas épuisé. Mais bien vite il reprend la démarche de quelqu’un qui n’en peut plus, le dos courbé, la tête penchée en avant, comme si un joug l’accablait, les pieds qui traînent et butent à chaque instant.

      « Donne-moi au moins les sacs. Le mien est lourd.

      – Non, Maître. Tu n’es pas moins fourbu que moi.

      – Tu l’es davantage, car tu es venu de Nazareth dans le bois de Mathatias, puis tu es retourné là-bas.

      – Mais j’ai dormi dans un lit, pas toi. Tu as veillé dans le bois et tu es parti de bonne heure.

      – Toi aussi. Joseph l’a dit : vous vous êtes mis en route sous les étoiles.

      – Bah ! Les étoiles durent jusqu’à l’aube !… » dit Jean en souriant.

      479.2 Puis il ajoute, redevenant sérieux :

      « Et ce n’est pas le manque de sommeil qui fait souffrir…

      – Quoi d’autre, Jean ? Qu’est-ce qui t’a peiné ? Peut-être que mes frères…

      – Oh ! non, Seigneur ! Même eux… Mais ce que je sens comme un poids… non, ce n’est pas cela : ce qui me vieillit, c’est d’avoir vu pleurer ta Mère [1]… Elle ne m’en a pas donné la raison, et je ne lui ai posé aucune question, malgré mon désir. Mais je l’ai tant regardée qu’elle m’a dit : “ Je te le confierai à la maison, pas maintenant, parce que je pleurerais plus fort. ” Et là, elle m’a parlé avec tant de douceur et de tristesse que j’ai pleuré moi aussi.

      – Que t’a-t-elle dit ?

      – Elle m’a recommandé de t’aimer beaucoup, de ne jamais te faire la moindre peine, car j’en éprouverais ensuite beaucoup de remords. Elle m’a dit :

      “ Faisons tout notre devoir dans les mois qui nous restent, et même davantage. ”

      Car s’en tenir à notre devoir est trop peu, pour toi qui es Dieu. Et elle a ajouté — et cela m’a fait très mal, je n’aurais pu le croire si un autre l’avait dit —, elle a ajouté :

      “ Et c’est trop peu aussi de faire seulement son devoir envers quelqu’un qui s’en va, que nous ne pourrons plus servir ensuite… Pour pouvoir nous résigner quand il ne sera plus parmi nous, il faudra avoir fait plus que notre devoir, il faudra avoir tout donné, tout notre amour, nos soins, notre obéissance, vraiment tout. Alors, malgré le déchirement de la séparation, nous pourrons nous dire : ‘ Je peux reconnaître que, tant que la volonté de Dieu était que je le possède, je n’ai pas cessé un instant de l’aimer et de le servir. ’ ”

      J’ai demandé :

      “ Mais le Maître s’en va-t-il ? Il a encore tant à faire ! Il n’est pas encore temps… ”

      Elle m’a répondu en secouant la tête, tandis que deux grosses larmes coulaient de ses yeux :

      “ La vraie Manne, le Pain vivant, retournera au Père quand l’homme se félicitera de goûter de nouveau la saveur du grain nouveau… Et nous serons seuls, alors, Jean. ”

      Moi, pour la réconforter, j’ai repris :

      “ Ce sera une grande douleur, mais s’il retourne au Père, nous devons nous en réjouir. Personne ne pourra plus lui faire aucun mal. ”

      Elle a gémi : “ Ah ! mais avant… ! ”

      Et j’ai cru comprendre… 479.3 Mais en sera-t-il vraiment ainsi, Seigneur ? Vraiment, vraiment ? Tu vois, ce n’est pas que nous ne croyions pas à tes paroles, mais c’est que nous t’aimons et… Je ne te dirai pas comme Simon l’a fait [2], un jour : cela ne peut t’arriver. Je crois, nous croyons tous… mais nous t’aimons et… O mon Seigneur ! Les péchés de l’amour sont-ils vraiment des péchés ?

      – L’amour ne pèche jamais, Jean.

      – Alors, nous qui t’aimons, nous sommes prêts à combattre et à tuer pour te défendre. Les Galiléens ne sont pas aimés des autres, justement parce qu’ils nous disent querelleurs. Eh bien, nous justifierons notre réputation en te défendant ! Nous sommes sur les lieux où, au temps de Déborah, Baraq détruisit l’armée de Sisera avec ses dix mille hommes. Or ces dix mille étaient de Nephtali et de Zabulon [3], et nous venons d’eux. Le nom a beau être différent aujourd’hui, le cœur est le même.

      – Ils étaient dix mille… Mais maintenant, même si vous étiez dix fois dix mille, que pourriez-vous ?

      – Quoi ? Tu crains les cohortes ? Elles ne sont pas si nombreuses, et d’ailleurs… Eux ne te détestent pas. Tu ne leur causes pas d’ennuis. Tu ne penses pas à la royauté, à la royauté qui arrache une proie aux aigles romaines. Ils n’interviendront pas entre nous et tes ennemis, et ceux-ci seront bientôt vaincus.

      – Seriez-vous mille, dix mille, cent mille, que serait-ce contre la volonté du Père ? Il me faut l’accomplir… »

      Jean, accablé, se tait. C’est étrange, cet entêtement, cette impuissance mentale, même chez les meilleurs disciples de Jésus, à comprendre sa plus grande mission ! Ils l’acceptent comme Maître, comme Messie, ils croient à son pouvoir de sauver et de racheter. Mais quand ils se trouvent en face de la manière dont il le fera, leur intelligence se ferme. On dirait même que, pour eux, les prophéties perdent leur valeur. Et c’est tout dire pour des juifs qui, d’une certaine façon, respirent, marchent, se nourrissent et vivent à l’aide des prophéties ! A leurs yeux, tout serait vrai dans les Livres sacrés, excepté ceci : que le Messie doit souffrir et mourir, être vaincu par les hommes. Cela, ils ne peuvent l’accepter. Ils me semblent être des aveugles et des sourds auxquels Jésus se fatigue à montrer des tableaux de sa future Passion afin qu’ils puissent y lire ce qu’elle sera. Mais ils ferment les yeux et, par conséquent, ils ne voient ni ne comprennent.

      479.4 La soirée, un peu sombre, s’avance alors qu’ils arrivent en vue de Jezréel.

      Jésus console Jean, qui a cessé de parler et qui marche comme un somnambule, tant il est fatigué :

      « Nous y serons bientôt. Tu vas y entrer pour chercher un abri pour toi.

      – Et pour toi aussi.

      – Non, Jean, je vais rester près de la route qui vient de la plaine. Je pense qu’ils vont arriver de nuit, et je veux les réconforter et les renvoyer avant l’aube.

      – Tu es exténué… en plus, il va peut-être pleuvoir comme la nuit dernière. Viens, au moins jusqu’au milieu de la veille du chant du coq.

      – Non, Jean.

      – Dans ce cas, je reste avec toi. Nous sommes près des terres des pharisiens et… et puis je l’ai promis à ta Mère et à moi-même. Je ne veux pas avoir à me faire des reproches, moi… »

      Des tours, qui servent à je ne sais quoi, se trouvent aux quatre coins de Jezréel. Elles doivent être déjà vieilles au moment où je les vois. On croirait quatre géants renfrognés que l’on a placés là pour servir de geôliers à la petite ville, située sur une hauteur qui domine la plaine. Celle-ci est en train de disparaître dans l’ombre précoce d’une soirée nuageuse.

      « Grimpons sur cette pente près de la tour. Nous verrons toute la route sans être vus. Il y a de l’herbe pour s’étendre, et le perron devant la porte nous accueillera, s’il pleut » dit Jésus.

      Ils montent, et s’asseyent sur un muret très bas, à moitié en ruines, à une dizaine de mètres de la tour. On dirait un rempart construit autrefois autour de cette grosse tour. Mais il est presque entièrement éboulé, et une herbe épaisse en recouvre les décombres, avec de grandes chutes de liserons sauvages et une quantité d’autres plantes aux larges feuilles poilues, dont je ne connais pas le nom, mais qui sont particulières aux ruines.

      Aux dernières lueurs du jour, ils grignotent un peu de pain. Ils n’ont rien d’autre. Bien qu’il soit mort de fatigue, Jean jette un coup d’œil vers les branches d’un figuier qui a poussé parmi les pierres, tout tordu et échevelé, et il découvre parmi les feuilles qui commencent à jaunir quelques pauvres figues épargnées par les oiseaux et les enfants. Ils les mangent, complétant ainsi leur dîner ; ils ont de l’eau dans leurs gourdes. Le repas est vite fini.

      479.5 « La tour serait-elle habitée ? demande Jean, somnolent.

      – Je ne le pense pas. Il n’en sort ni lumière ni voix. Tu voulais demander un abri ? Tu n’en peux plus…

      – Oh ! non. Je parlais pour parler… Mais on est bien ici…

      – Allonge-toi au moins, Jean. L’herbe est épaisse et, là, il ne doit pas avoir encore plu. Le sol est sec.

      – …Non… Non… Seigneur. Je n’ai pas sommeil… Parlons. Dis-moi quelque chose… Une parabole… Je m’assieds ici à tes pieds. Il me suffit de poser ma tête sur tes genoux… »

      Et il s’assied, en appuyant sa tête sur les genoux de Jésus, le visage tourné vers le ciel. Il fait des efforts héroïques pour ne pas dormir. Il essaie de parler pour vaincre le sommeil… Il cherche à s’intéresser à ce qu’il voit… des étoiles dans le ciel, des lumières sur la route. Les premières sont toujours plus nombreuses, car le vent a chassé les nuages, mais les secondes toujours plus rares, car la nuit a arrêté la marche des pèlerins. Seul un obstiné continue à faire route sur son char pourvu d’une lanterne qui se dandine, attachée en haut des nattes ou des couvertures tendues sur les arceaux du char. Mais le silence de plus en plus profond favorise le sommeil…

      Jean dit, d’une voix de plus en plus lointaine :

      « Que de lumières dans le ciel ! Et, regarde : on dirait que quelques-unes sont descendues sur terre et qu’elles tremblent et palpitent comme là-haut… Mais elles sont plus petites et plus effacées… Nous, nous ne pouvons pas faire des étoiles… Dans les nôtres, il y a de la fumée et l’odeur de lumignon… et un rien les éteint… Tu as dit un jour que, pour éteindre la lumière en nous, il suffit d’un papillon : tu comparais aux papillons les séductions du monde… Et puis tu disais que… alors que les papillons peuvent éteindre une lumière, l’aile des anges — tu appelais anges les choses spirituelles — avive la lumière qui est en nous… Moi… l’ange… la lumière… »

      Jean glisse tout doucement dans le sommeil, et s’allonge sans le vouloir, terrassé par la fatigue.

      Jésus attend qu’il soit vraiment étendu, puis il lui glisse le sac sous la tête, étend son manteau sur lui, avec des gestes paternels. Dans un dernier éclair de lucidité, Jean murmure encore :

      « Je ne dors pas, tu sais, Maître… Seulement, je vois ainsi davantage d’étoiles et je te vois mieux, toi… »

      Et, pour mieux regarder Jésus et le ciel étoilé, il tombe dans un sommeil profond en rêvant à eux.

      Jésus retourne s’asseoir sur son siège de verdure. Il appuie son coude droit sur son genou, et sa joue contre la paume de sa main et il réfléchit, il prie, en observant la route désormais déserte, tandis qu’à ses pieds l’apôtre bien-aimé dort, un bras replié sous la tête, tranquille comme un enfant.


Observations


Une découverte fortuite sur le site de Jesraël

Certains monuments évoqués par Maria Valtorta n’ont pu être découverts qu’après sa mort. Ainsi en est-il du mur d’enceinte et des quatre tours d’Esdrelon (Jesraël), mentionnés par la mystique italienne. En ce lieu Jésus et Jean rencontrent les paysans de Yokkhanan, juste avant le départ du pèlerinage pour la fête des Tabernacles de la 3e année. « Ils arrivent en vue de Jezraël… Des tours, qui servent à je ne sais quoi, se trouvent aux quatre coins de Jezraël. Elles doivent être déjà vieilles au moment où je les vois. Elles semblent quatre géants renfrognés, que l'on a mis pour servir de geôliers à la petite ville située sur une hauteur qui domine la plaine. (…) “Montons sur cette pente près de la tour. Nous verrons toute la route sans être vus. Il y a de l'herbe pour s'étendre, et le perron devant la porte nous accueillera, s'il vient de l'eau” dit Jésus. Ils s'assoient sur un muret très bas, à moitié ruiné, qui est à une dizaine de mètres de la tour. On dirait un rempart qui, autrefois, avait été construit autour de cette grosse tour » (EMV 479.4).


Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Jesus-et-jean-attendent-les-paysans-de-yokhanan-b

Vue des ruines de Tel Jezreel en 2012



La présence de cette grosse tour est attestée, à la fois par une mention biblique (1), et par la gravure ci-dessous.


Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Jesus-et-jean-attendent-les-paysans-de-yokhanan-a
La tour de Jezraël, telle qu’en 1870


Mais le rempart et les quatre tours décrits par Maria Valtorta étaient eux complètement inconnus jusqu’à nos jours ! En 1987, un bulldozer mit « accidentellement » à jour sur ce site d’anciennes structures. Des fouilles furent entreprises (2), et entre 2010 et 2012 elles ont prouvé l’existence de ces quatre tours et d’un mur d’enceinte, enserrant une surface de 45 000 m2. Ces vestiges, inconnus des historiens et des archéologues avant cette date, furent pourtant « vus » et décrits par Maria Valtorta en 1945, quarante ans avant leur découverte !

(1) 2 R 9,17

(2) David Ussishkin, Jezreel, Where Jezebel Was Thrown to the Dogs, Biblical Archaeology Review July / August 2010.



[1] Jésus venait de lui annoncer l’imminence de sa Passion. Cf. EMV 477.9.

[2] Comme Simon, en EMV 346.6.

[3] Juges 4,1-16. La Galilée regroupe le pays de Nephtali et de Zabulon.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-174.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/jesus-et-jean-attendent-les-paysans-de-yokhanan.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 20 Déc - 11:04

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480. Départ de Jezréel, après la visite nocturne des paysans de Yokhanan

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 175
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 480.

Vision du lundi 26 août 1946.

Vendredi 7 septembre 29
Jezréel


480.1 « Jean, c’est l’aube. Lève-toi et partons, dit Jésus en secouant l’apôtre pour qu’il se réveille.

– Maître ! Le soleil est déjà levé ! Comme j’ai dormi ! Et toi ?

– Moi aussi, à côté de toi, sous nos manteaux.

– Ah ! Tu étais sûr que les paysans n’allaient pas venir, et tu t’es couché ! Je l’avais bien prévu… »

Jésus sourit et répond :

« Ils sont venus quand la position des étoiles de la Grande Ourse indiquait que le chant du coq allait commencer.

– Oh ! Je n’ai rien entendu ! » Jean est déçu. « Pourquoi ne m’as-tu pas tenu éveillé ?

– Tu étais si fatigué ! On aurait dit un enfant endormi dans son berceau. Pourquoi te réveiller ?

– Pour te tenir compagnie !

– Mais tu le faisais dans ton sommeil tranquille. Tu t’es endormi en parlant des anges, des étoiles, des âmes, de la lumière… et tu as certainement continué à voir dans tes rêves des anges, des étoiles, et ton Jésus… Pourquoi te ramener aux horreurs du monde quand tu en étais si loin ?

– Et si… si, au lieu des paysans il était monté ici des malfaiteurs ?

– Je t’aurais appelé, alors. Mais qui pouvait bien venir ?

– Mais… Je ne sais pas… Yokhanan, par exemple… Il te déteste…

– Je le sais. Mais seuls sont venus ses serviteurs. Personne n’a trahi… car tu as pensé aussi cela : que quelqu’un aurait pu parler pour me nuire et leur nuire. Mais personne n’a trahi, et j’ai bien fait de les attendre ici. Le nouvel intendant est digne de son maître, et il donne des ordres très sévères. Je ne manque pas à la charité en les qualifiant même d’impitoyable. Un autre mot serait mensonge… Ils sont accourus dès qu’il a fait nuit en priant le Seigneur qu’il les fasse me rencontrer. Dieu récompense toujours la foi, et réconforte ses enfants malheureux. S’ils ne m’avaient pas trouvé, ils seraient restés ici jusqu’au matin, puis ils seraient repartis pour qu’on les trouve à l’aurore dans les champs… 480.2 Et ainsi, je les ai vus et bénis…

– Et tu es peiné de les avoir vus si accablés.

– C’est vrai. Je me sens très triste… Pour la raison que tu donnes, mais aussi parce que je n’avais rien à offrir à leurs corps épuisés, et à la pensée que je ne les verrai plus…

– Tu leur en as parlé ?

– Non, pourquoi ajouter une douleur là où déjà tout est douleur ?

– Je les aurais salués volontiers, moi aussi, pour la dernière fois.

– Pour toi, ce n’est pas la dernière fois. Toi, au contraire, avec tes condisciples, tu t’occuperas beaucoup d’eux, quand je serai parti. Je vous confie tous ceux qui me suivent, et spécialement les plus malheureux, qui trouvent dans la foi leur unique soutien et dans l’espérance du Ciel leur unique joie.

– Oh! mon Maître! Je vais dire moi aussi, comme ton frère Joseph : va en paix, Maître. Moi, comme je le pourrai, je te continuerai, sois-en certain !

– J’en suis sûr. 480.3 Allons-y… La route s’anime. Les nuages s’amoncellent dans le ciel et la lumière diminue au lieu de croître. Il va pleuvoir et tout le monde se hâte vers la prochaine halte. Mais les nuages ont été bons avec nous. La nuit était tiède et il n’y a pas eu de pluie pour nous, qui étions au grand air. Le Père veille toujours sur ses enfants bien-aimés.

– Toi, tu es bien-aimé, Maître. Moi…

– Tu es bien-aimé, puisque tu m’aimes.

– Oh ! cela oui, jusqu’à la mort… »

Et, mêlés à la foule, ils s’éloignent vers le sud…
 


*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-175.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/depart-de-jezreel.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 21 Déc - 20:36

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

481. Machinations de Judas pour déjouer un piège

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 176
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 481.

Le mardi 27 août 1946.

Vendredi 7 septembre 29
Engannim


      481.1 Le temps a vraiment tenu ses promesses et une pluie maussade, fine, persistante s’est installée. Les voyageurs sur les chars s’en sortent bien. Mais ceux qui sont à dos d’âne ou à pied sont trempés et en souffrent ; pour ces derniers, au désagrément de l’eau qui mouille tête et épaules, s’ajoute celui de la boue toujours plus molle qui pénètre dans les sandales, se colle aux chevilles et gicle sur les vêtements. Les pèlerins se sont mis leurs manteaux ou des couvertures sur la tête — et même pliés en double — et ils ressemblent tous à des moines encapuchonnés.

      Jésus et Jean, à pied, sont complètement trempés. Mais leur souci est moins de s’abriter eux-mêmes que de protéger les sacs où se trouvent leurs vêtements de rechange. Ils arrivent ainsi à Engannim où ils se mettent à la recherche des apôtres, en se séparant pour les trouver plus vite.

      481.2 C’est Jean qui les découvre, ou plutôt qui découvre Jacques, fils de Zébédée. Celui-ci a fait les provisions pour le sabbat.

      « Nous étions préoccupés et, si nous ne vous avions pas vus, nous allions revenir sur nos pas malgré le sabbat… Où est le Maître ?

      – Il est parti à votre recherche. Le premier qui trouve va près du forgeron.

      – Alors… Regarde. Nous sommes dans cette maison, qui appartient à une brave femme avec ses trois filles. Va chercher le Maître, et viens…»

      Jacques baisse la voix et murmure en regardant autour de lui :

      « Il y a ici beaucoup de pharisiens… et… avec de mauvaises intentions certainement. Ils nous ont demandé pourquoi il n’était pas avec nous. Ils voulaient savoir s’il a pris de l’avance, ou s’il est encore derrière nous. Nous avons commencé par répondre : “ Nous ne savons pas. ”

      Ils ne nous ont pas crus. Et c’était normal, car comment pouvions-nous dire, nous, que nous ne savons pas où il est ? Alors Judas, qui n’a pas tant de scrupules, a lancé :

      “ Il est parti en avant. ”

      Mais ils n’étaient guère convaincus, et posaient des questions : avec qui, avec quoi, quand il nous avait quittés, si on savait que le vendredi précédent il était vers Giscala, de sorte que Judas a repris :

      “ A Ptolémaïs, il a pris place sur un navire et nous a donc précédés. Il descendra à Joppé pour entrer à Jérusalem par la Porte de Damas, et il se rendra aussitôt chez Joseph d’Arimathie dans sa maison de Bézéta. ”

      – Mais pourquoi tant de mensonges ? demande Jean, scandalisé.

      – Qui sait ? C’est ce que nous lui avons dit, nous aussi. Mais il a répondu en riant :

      “ Œil pour œil, dent pour dent, et mensonge pour mensonge. Il suffit que le Maître soit sauf. Ils le cherchent pour lui nuire, je le sais. ”

      Pierre a fait alors remarquer que donner le nom de Joseph pouvait lui attirer des ennuis. Mais Judas a répliqué :

      “ Ils vont courir chez lui et, quand ils verront la stupeur de Joseph, ils comprendront que ce n’est pas vrai. ”

      “ Ils vont te haïr alors pour la farce que tu leur as faite… ” avons-nous objecté. Mais lui a ri en disant :

      “ Je me moque de leur haine ! Je sais comment la rendre inoffensive… ”

      Mais va, Jean. Essaie de trouver le Maître et reviens avec lui. La pluie nous rend service. Les pharisiens restent à l’intérieur des maisons pour ne pas tremper leurs larges vêtements… »

      Jean remet le sac à son frère, mais au moment où il va s’éloigner en courant, Jacques le retient pour lui glisser :

      « Et ne rapporte pas au Maître les mensonges de Judas. Même dits dans un but qui est bon, ce sont toujours des mensonges, or le Maître les déteste…

      – Je n’en parlerai pas. »

      Jean part en courant.

      Jacques avait raison : les riches sont déjà dans les maisons. Seuls les pauvres gens s’affairent dans les rues, à la recherche d’un abri…

      481.3 Jésus se tient sous une entrée, près de la maréchalerie. Jean le rejoint et lui dit :

      « Viens vite, je les ai trouvés. Nous pourrons mettre des habits secs. »

      Il ne dit rien de plus pour expliquer sa hâte.

      Ils ont vite fait d’atteindre la maison, et entrent par la porte, qui n’est que poussée. Juste derrière elle, les onze apôtres entourent Jésus comme s’ils ne l’avaient pas vu depuis plusieurs mois. La maîtresse de la maison, une petite femme fanée, amaigrie, donne un coup d’œil par une porte entrouverte.

      « Paix à vous » dit Jésus avec un sourire.

      Il les embrasse tous avec la même affection. Tous parlent ensemble, et ont plein de choses à raconter. Mais Pierre crie :

      « Silence! Laissez-le tranquille ! Vous ne voyez pas comme il est trempé et fatigué ? »

      Puis il se tourne vers le Maître :

      « Je t’ai fait préparer un bain chaud et… donne-moi ce manteau mouillé… et les vêtements chauds. Je les ai pris dans ton sac… »

      Puis il se tourne vers l’intérieur de la maison et s’écrie :

      « Hé ! femme ! Ton Hôte est arrivé. Apporte l’eau, pour le reste, je m’en charge moi-même. »

      Alors la femme, timide comme tous les gens qui ont souffert — et son visage laisse deviner combien ce fut le cas — traverse en silence le couloir, suivie des trois jeunes filles aussi fluettes qu’elle et avec la même expression, pour aller à la cuisine prendre les chaudrons d’eau bouillante.

      « Viens, Maître. Et toi aussi, Jean. Vous êtes frigorifiés comme des noyés. Mais j’ai fait bouillir du genièvre avec du vinaigre pour le mettre dans l’eau. Cela fait du bien [1]. »

      En effet les chaudrons, en passant, ont répandu une odeur de vinaigre et d’aromates.

      Jésus entre dans une petite pièce où se trouvent deux grands baquets de bois servant peut-être à la lessive, regarde la femme qui sort avec ses filles, et la salue :

      « Paix à toi et à tes filles. Et que le Seigneur te récompense.

      – Merci, Seigneur… »

      Elle s’éclipse, puis Pierre entre avec Jésus et Jean. Il ferme la porte et murmure :

      « Veille à ce qu’elle ne sache pas qui tu es… Nous sommes tous des pèlerins ; toi, tu es un rabbi et nous, tes amis. C’est vrai, au fond… Ce n’est… Hum ! ce n’est qu’une vérité voilée… Il y a trop de pharisiens, et ils s’intéressent trop à toi. Mets-toi en tenue… Ensuite, nous parlerons. »

      Puis il sort, les laissant seuls, et revient vers ses compagnons, assis dans une petite pièce.

      481.4 « Et maintenant, qu’allons-nous dire au Maître ? Si nous lui révélons que nous avons menti, il sera peiné. Mais… nous ne pouvons pas le lui taire, avance Pierre.

      – Mais ne te sacrifie pas! C’est moi qui ai menti, et je le lui dirai.

      – Et cela le rendra encore plus triste ! Tu n’as pas vu comme il est malheureux ?

      – Si. Mais c’est parce qu’il est fatigué… Du reste… Je pourrai même avouer aux pharisiens : “ Je vous ai menti. ” Ce ne sont que des broutilles. L’important, c’est que lui, il n’ait pas à souffrir.

      – A ta place, je ne dirais rien à personne. Si tu en parles à Jésus, tu n’arriveras pas à le garder caché. Si tu les informes, eux, tu n’arriveras pas à le sauver de leurs pièges… observe Philippe.

      – Nous verrons bien » déclare Judas avec assurance.

      481.5 Peu après, Jésus rentre avec des vêtements secs, revigoré par le bain, et suivi de Jean.

      Ils échangent sur tout ce qui est arrivé au groupe des apôtres ainsi qu’au Maître et à Jean. Mais personne ne parle des pharisiens, jusqu’au moment où Judas intervient :

      « Maître, je suis certain que tu es recherché par ceux qui te haïssent. Et pour te sauver, j’ai répandu le bruit que tu ne vas pas à Jérusalem par les chemins habituels, mais par mer jusqu’à Joppé. Ils vont se diriger de ce côté, ha ! ha !

      – Mais pourquoi mentir ?

      – Et eux, pourquoi mentent-ils ?

      – Eux, ce sont eux, et toi, tu n’es pas, tu ne devrais pas être comme eux…

      – Maître, je ne suis que ceci : un homme qui les connaît et qui t’aime. Veux-tu ta perte ? Moi, je suis prêt à l’empêcher. Ecoute-moi bien, et sens mon cœur dans mes paroles. Demain, tu ne sors pas d’ici…

      – Demain, c’est le sabbat…

      – C’est bien. Mais tu ne sors pas d’ici. Tu te reposes, tu…

      – Tout, sauf le péché, Judas. Aucune considération ne me fera accepter de manquer à la sanctification du sabbat.

      – Eux…

      – Qu’ils fassent ce qu’ils veulent. Moi, je ne pécherai pas. Si cela m’arrivait, outre ma faute qui pèserait sur moi, je mettrais entre leurs mains une arme pour me perdre. Tu ne te souviens pas qu’ils prétendent déjà que je suis un profanateur du sabbat ?

      – Le Maître a raison, disent les autres.

      – C’est bien… Tu feras ce que tu veux pour le sabbat, mais pour la route, non. Ne suivons pas le chemin de tout le monde, Maître. Ecoute-moi, désoriente-les…

      481.6 – Mais, enfin ! Que sais-tu de précis, toi qui parles ? » s’écrie Simon en agitant ses bras courts. « Maître, ordonne-lui de parler !

      – Paix, Simon ! Si ton frère [2] a eu connaissance d’un danger, peut-être en ayant pris lui-même un risque, et qu’il nous en avertit, nous ne devons pas le traiter en ennemi, mais lui en être reconnaissant. S’il ne peut tout révéler parce que cela pourrait compromettre des tierces personnes pas assez courageuses pour prendre l’initiative de parler, mais encore assez honnêtes pour ne pas permettre un crime, pourquoi voulez-vous le forcer à parler ? Laissez-le donc s’exprimer et, moi, je prendrai ce qu’il y a de bon dans son projet en repoussant ce qui pourrait ne pas l’être. Parle, Judas.

      – Merci, Maître. Toi seul me connais vraiment pour ce que je suis. Je disais donc : nous pourrons marcher en sécurité à l’intérieur des frontières de la Samarie. Là bas, Rome commande plus fermement qu’en Galilée et qu’en Judée, et eux, qui te haïssent, ne veulent pas d’ennuis avec Rome. Pourtant, toujours pour désorienter les espions, je conseille de ne pas suivre le chemin direct, mais en sortant d’ici, de prendre la direction de Dothaïn puis, sans rejoindre la Samarie, de couper le pays et de passer par Sichem, puis de descendre à Ephraïm, par l’Adomin et le Carit, et de là à Béthanie.

      – C’est une route longue et difficile, surtout s’il pleut.

      – Périlleuse ! L’Adomin… [3]

      – On dirait que tu recherches le danger… »

      Les apôtres ne sont guère enthousiastes. Mais Jésus dit :

      « Judas a raison. Nous prendrons ce chemin. Nous aurons le temps de nous reposer ensuite. J’ai encore autre chose à faire avant que l’heure n’arrive et ne soit achevée ; je ne dois donc pas, par sottise, me livrer entre leurs mains avant que tout ne soit accompli. Nous passerons ainsi chez Lazare. Il est certainement très malade, et il m’attend… Vous, mangez. Moi, je me retire. Je suis fatigué…

      – Pas même un peu de nourriture ! Tu ne serais pas malade ?

      – Non, Simon. Mais cela fait sept jours que je ne dors pas dans un lit. Adieu, mes amis. Que la paix soit avec vous… »

      Et il se retire.

      481.7 Judas jubile :

      « Vous avez vu ? Lui, il est humble et juste et ne repousse pas ce qu’il sent être bon…

      – Oui… mais… Penses-tu qu’il soit content ? Vraiment content ?

      – Je ne le crois pas… Mais il comprend que j’ai raison…

      – Je voudrais savoir comment tu as fait pour apprendre tant de choses. Et pourtant… tu es toujours resté avec nous !…

      – Oui, et vous me surveillez comme une bête dangereuse. Je le sais, mais cela ne fait rien. Rappelez-vous cela : même un mendiant, même un voleur peut servir pour s’informer, et même une femme. J’ai parlé avec un mendiant, et je lui ai donné l’aumône. Avec un voleur, et j’ai découvert… Avec une… femme, et… que de choses peut savoir une femme ! »

      Les apôtres se regardent avec stupéfaction. Ils s’interrogent du regard. Quand ? Où Judas a-t-il su et approché quelqu’un ?…

      Il rit et dit :

      « J’ai même parlé avec un soldat ! Oui, car la femme en avait tant dit qu’elle m’a envoyé chez le soldat. J’ai obtenu la confirmation que je désirais, et j’ai fait savoir… Tout est permis quand c’est nécessaire, même les courtisanes et les troupes !

      – Tu es… tu es !… dit Barthélemy, en retenant ce qu’il allait dire.

      – Oui, je suis moi. Rien de plus que moi. Un pécheur pour vous. Mais moi, avec tous mes péchés, je sers le Maître mieux que vous. D’ailleurs… si une courtisane sait ce que veulent faire les ennemis de Jésus, c’est signe qu’ils vont chez elles ou les font venir — qu’elles soient danseuses ou mimes —, pour s’amuser… Et s’ils les ont auprès d’eux… je peux les avoir moi aussi. Cela m’a servi, vous voyez ? Pensez que Jésus pouvait être pris aux frontières de la Judée. Et reconnaissez que je suis sage de l’avoir évité… »

      481.8 Songeurs, tous mangent machinalement. Puis Barthélemy se lève.

      « Où vas-tu ?

      – Le trouver… Je ne suis pas sûr qu’il dorme. Je vais lui apporter du lait chaud… et je verrai. »

      Il sort, reste absent un moment, puis revient.

      « Il était assis sur le lit… et il pleurait… Tu l’as peiné, Judas. Je le pensais bien.

      – C’est lui qui l’a dit ? Je vais m’expliquer.

      – Non. Il ne l’a pas dit. Au contraire, il a soutenu que tu as tes mérites, toi aussi. Mais je l’ai compris. N’y va pas. Laisse-le en paix.

      – Vous êtes tous des imbéciles. Il souffre parce qu’il est persécuté, entravé dans sa mission. Voilà ce qu’il y a » lance Judas, révolté.

      Et Jean confirme :

      « C’est vrai. Il a pleuré avant même de vous rejoindre. Il souffre beaucoup, et aussi pour sa Mère, pour ses frères, pour les paysans malheureux. Il a tant de souffrances !…

      – Raconte, raconte…

      – Quitter sa Mère, c’est une souffrance. Voir qu’on ne le comprend pas, que personne ne le comprend, c’est une souffrance. Voir que les serviteurs de Yokhanan…

      – Hé ! oui ! C’est vraiment un crève-cœur de les voir, eux… Je suis content que Marziam ne les ait pas rencontrés. Il aurait souffert et haï le pharisien… dit Pierre.

      – Mes frères [4] ont-ils encore peiné Jésus ? demande sévèrement Jude.

      – Non, au contraire ! Ils se sont vus et ont parlé affectueusement, puis ils se sont quittés en paix et avec de bonnes promesses. Mais il les voudrait… comme nous… et plus que nous tous… Il nous voudrait tous convaincus de son Règne et de la vraie nature de son Royaume. Or nous… »

      Jean n’en dit pas davantage… Et le silence descend dans la petite pièce, autour de la lampe à deux becs, qui éclaire douze visages diversement pensifs.




[1] Le genièvre a, entre autres, des vertus antirhumatismales relaxantes. L’association avec le vinaigre et le bain chaud, doit avoir des vertus supplémentaires qui restent à examiner.

[2] Jésus rappelle le devoir de fraternité supérieur au jugement. Celui-ci s’exerce, comme il va le dire, dans le discernement.

[3] Lieu célèbre pour ses attaques de brigands car la route est très fréquentée. Jésus y situe la parabole du bon samaritain.

[4] Joseph, son frère ainé, et Simon.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-176.htm
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 31 Déc - 10:48

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

482. En chemin avec un berger samaritain dont la foi est récompensée

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 177
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 482.

Le mercredi 28 août 1946.

Dimanche 9 septembre 29
vers Sichem


      482.1 Je ne saurais dire à quel endroit de la Samarie on se trouve. Certainement au beau milieu de ses monts, bien que, ici, il ne s’agisse pas des plus élevés : ceux-là, dont les pics escarpés se détachent sur le ciel — maintenant serein — se trouvent plus au sud.

      Les apôtres marchent autant que possible autour de Jésus, mais le sentier, un raccourci, ne le permet pas souvent et le groupe se forme et se défait continuellement.

      Ils rencontrent sur les montagnes, beaucoup de bergers avec leurs troupeaux et c’est à eux que s’adressent les apôtres pour demander si c’est bien le sentier qui mène à la route des caravanes, qui va de la mer à Pella. Bien que samaritains, ils répondent toujours sans grossièreté aux questions. 482.2 A un carrefour de petites voies qui partent dans tous les sens pour bifurquer encore en d’autres directions, l’un d’eux leur dit même :

      « Je descends bientôt dans la vallée. Reposez-vous un peu, puis nous ferons route ensemble. Si vous vous perdiez dans ces montagnes… ce ne serait pas bon pour vous… »

      Il baisse la voix et murmure : “ Les voleurs !… ” en regardant tout autour de lui comme s’il craignait qu’ils ne soient tout près, et menaçants. Une fois rassuré, il ajoute :

      « Ils descendent des pentes du mont Garizim et du mont Ebal et se répandent partout, en ces temps de pèlerinages. Ils trouvent régulièrement de bonnes occasions, bien que les Romains renforcent la surveillance des routes… car il y a toujours des gens qui évitent les chemins battus pour faire plus vite ou pour d’autres raisons.

      – Vous avez beaucoup de brigands, hein ? demande Philippe avec un sourire significatif.

      – Toi qui es galiléen, tu crois que ce sont des Samaritains ? » réplique le berger, soudain blessé.

      Judas intervient : puisque c’est lui qui a eu l’initiative de ce changement d’itinéraire, il se sent obligé d’éviter tout incident fâcheux.

      « Non, non ! Mais on vous sait hospitaliers, si bien que les gens qui ont mal agi viennent se réfugier ici. C’est comme si… si vous étiez une terre d’asile. Les malfaiteurs savent bien que nul, qu’il soit galiléen ou judéen, ne les poursuivrait ici, et ils en profitent. Du reste, la nature aussi leur est utile. Ces montagnes…

      – Ha ! je croyais que vous pensiez… Mais les montagnes, oui, leur servent beaucoup. Les deux les plus élevées, et puis… Oui… mais… combien en amènent l’Adomin et la gorge d’Ephraïm ! De toutes les races, hé ! hé ! et… les soldats de Rome sont rusés… Ils ne vont pas les dénicher. Seuls les serpents et les aigles peuvent connaître leurs tanières et y pénétrer. On raconte des choses effroyables. Mais asseyez-vous, je vous donne du lait… J’ai beau être samaritain, je connais moi aussi le Pentateuque ! Et je n’offense pas ceux qui ne m’offensent pas. Vous… vous ne le faites pas, et pourtant vous êtes galiléens et judéens.

      482.3 Mais on dit qu’un prophète est venu chez vous, et qu’il nous apprend à nous aimer. Si je ne pensais pas que, selon les scribes et les pharisiens d’Israël, nous sommes maudits — comme ils le prétendent —, je dirais que les grands prophètes qui nous ont aimés, bien que nous soyons samaritains, sont revenus vivre en lui. C’est ce que certains assurent. Mais moi, je n’y crois pas… Voici le lait… J’aimerais pourtant rencontrer ce prophète. On dit que l’autre prophète, celui qui s’était réfugié à nos frontières et que nous n’avons pas trahi [1] — ceux qui nous insultent devraient s’en souvenir —, a affirmé que ce prophète qui s’est levé en Israël est plus grand qu’Elie. Il l’a appelé l’Agneau de Dieu, le Christ. Des Samaritains de Sichem [2] lui ont parlé ; ils rapportent de lui des faits stupéfiants, et beaucoup sont partis sur les grandes routes dans l’idée qu’il y passerait. Et même — c’est la première fois que cela arrive —, même des Judéens, des pharisiens et des docteurs nous ont interrogés dans toutes les villes. Ils nous ont demandé, si nous le voyons, de courir les prévenir de son arrivée, parce qu’ils veulent lui faire fête. »

      Les apôtres se regardent par dessous, mais par prudence évitent de parler. Judas, dont on voit briller les yeux noirs, pleins d’une lumière triomphale, semble dire : “ Vous avez entendu ? Vous voyez bien que j’ai raison ! ”

      Le berger poursuit :

      « Vous le connaissez certainement. D’où venez-vous ?

      – De Haute-Galilée, répond aussitôt Judas.

      – Ah ! vous êtes… Non. Toi, tu n’es pas galiléen.

      – Nous sommes de partout. Nous sommes allés en pèlerinage sur la tombe des docteurs [3].

      – Ah ! Vous êtes des disciples, peut-être… Mais cet homme n’est-il pas lui-même un rabbi ? dit-il en désignant Jésus.

      – Nous sommes des disciples, tu as raison. Oui, cet homme est un rabbi. Mais tu sais que, d’un rabbi à l’autre, il y a des grandes différences…

      – Je sais. Bien sûr, celui-ci est jeune et il doit encore avoir beaucoup à apprendre des grands docteurs de votre Temple. »

      Il y a une évidente pointe de mépris dans l’adjectif possessif, mais Judas, toujours si prompt à répliquer, est d’un à-propos merveilleux.

      Les autres gardent le silence. Jésus semble plongé dans ses pensés, de sorte que la flèche ne provoque pas de réplique. Au contraire, Judas dit en souriant :

      « Il est très jeune, en effet, mais c’est le plus sage d’entre nous »

      482.4 et, pour mettre fin à la conversation, qui pourrait devenir dangereuse, il poursuit : « Tu dois rester encore longtemps ici ? Car nous voudrions être en bas à la nuit.

      – Non. J’arrive. Je regroupe mes brebis et je viens.

      – C’est bien. Nous prenons de l’avance pendant ce temps… »

      Et il se lève avec les autres pour prendre tout de suite le sentier.

      Et quand un bosquet touffu le sépare du berger, il rit à gorge déployée :

      « Comme il est facile de se moquer des gens ! Etes-vous persuadés, maintenant, que je ne mentais pas et que je n’étais pas un imbécile ?

      – Non. Tu ne mentais pas… Mais tu viens de mentir maintenant.

      – J’ai menti ? Non. Comment peux-tu dire ça, Philippe ? J’ai su dire la vérité sans entraîner de dommage. Est-ce que nous ne venons pas de Haute-Galilée ? Ne sommes-nous pas de partout ? Ne sommes-nous pas allés un jour nous faire lapider pour vénérer les tombeaux des docteurs ? Et n’en sommes-nous pas passés tout près, même lors de notre dernier voyage vers Giscala ? Ai-je nié que Jésus est un rabbi ? N’ai-je pas dit qu’il est le plus sage de nous tous ?… A ces mots, je pensais — et je riais intérieurement — qu’en disant “ nous ” j’offensais les rabbis, tous inférieurs au Maître, bien qu’ils croient ne pas l’être, et je me moquais du berger… Ha ! Ha ! Ha ! Il faut savoir dire les choses… et on dit tout sans péché et sans dommage. »

      Jude fait une grimace de dégoût :

      « Pour moi, c’est toujours mentir.

      – Eh bien, je l’ai fait, moi ! Mais tu as entendu, hein ? Ils ont laissé tomber leurs préventions, leurs dégoûts, leur suffisance pour dire à des Samaritains de signaler le passage du Maître pour lui faire fête aux frontières ! Ha ! Ha ! Quelle fête !

      – La fête ! Eux aussi ont su parler et penser, en mentant, à une vérité… Judas de Kérioth a raison » remarque Thomas.

      Jésus se tourne et intervient :

      « Oui. Leurs paroles sont une odieuse tromperie. Mais dire une chose pour une autre, dans une bonne intention, c’est toujours répréhensible. Crois-tu que le Seigneur ait besoin de cela pour protéger son Messie ? Ne mens plus, même dans un bon but. L’âme s’habitue à imaginer le mensonge et les lèvres à le proférer. Non, Judas. Evite le manque de sincérité.

      – Je le ferai, Maître. 482.5 Mais taisons-nous à présent. Le berger nous rejoint au pas de course. »

      En effet, le berger arrive, suivi d’un pâtre et d’un chien. Il pousse en avant les brebis qui, sentant la proximité du bercail, se mettent à courir en sautillant, bêlent, se heurtent, passent de force entre les apôtres, et les bousculent presque. Il ne s’arrête qu’après avoir réussi avec l’aide de l’enfant et du chien à ralentir les brebis et à les rassembler pour les empêcher de s’éparpiller ou de descendre seules dans la vallée.

      « Ce sont les bêtes les plus stupides qui existent sur la terre. Mais elles sont si utiles ! » dit-il en s’épongeant le front, et il soupire : «Ah ! si Ruben était encore là ! Mais avec ce gamin-ci seulement… »

      Il secoue la tête, en descendant derrière ses brebis que le chien et l’enfant, en tête du troupeau, tiennent groupées. Et il monologue :

      « Si j’arrivais à trouver ce prophète, samaritain comme je suis, je lui parlerais…

      – Et que lui dirais-tu ? demande Jésus.

      – Je lui dirais : “ J’avais une épouse bonne comme une eau de montagne pour un assoiffé, et le Très-Haut me l’a prise. J’avais une fille bonne comme sa mère, mais un Romain l’a vue, il l’a prise pour femme et emmenée au loin. J’avais un garçon, mon aîné, qui était tout pour moi… Il a glissé sur la montagne un jour de pluie, et s’est rompu la colonne vertébrale. Il est aujourd’hui immobile, il est tombé malade à l’intérieur, et les médecins disent qu’il va mourir. Moi, je ne te demande pas pourquoi l’Eternel m’a puni, mais je te supplie de guérir mon fils.

      – Crois-tu qu’il pourrait te le guérir ?

      – Oui, bien sûr, je le crois ! Mais je ne le verrai jamais…

      – Pourquoi en es-tu tellement certain ? Lui, il n’est pas samaritain.

      – C’est un juste, et c’est le Fils de Dieu, à ce qu’on dit.

      – Vos pères ont offensé Dieu.

      – C’est vrai. Mais il est écrit aussi que Dieu pardonnera la faute de l’homme en envoyant le Rédempteur. On lit cette promesse [4] dans le Pentateuque, à côté de la condamnation d’Adam et Eve. Et le Livre la cite en plusieurs endroits. S’il pardonne cette faute-là, peut-il ne pas me traiter avec miséricorde, moi qui ne suis pas coupable d’être né samaritain ? Je crois que, si le Messie connaissait ma souffrance, il en aurait pitié. »

      Jésus sourit, mais ne dit mot. Les apôtres aussi ont un sourire entendu, que pourtant le berger ne remarque pas.

      482.6 « Cet enfant n’est donc pas ton fils ? demande Jésus.

      – Non. C’est le fils d’une veuve qui a huit garçons et qui souffre de la faim. Je l’ai pris comme aide… et comme fils… pour n’être pas seul, plus tard… quand Ruben sera dans la tombe… »

      Il soupire.

      « Mais si ton enfant guérissait, que ferais-tu de celui-ci ?

      – Je le garderais. Il est bon et j’en ai pitié… » Et il baisse la voix pour ajouter : « Il ne le sait pas… mais son père est mort aux galères.

      – Qu’avait-il fait pour mériter cela ?

      – Rien de volontaire. Mais son char avait renversé un soldat ivre et il a été accusé de l’avoir fait exprès…

      – Comment savez-vous qu’il est mort ?

      – On ne survit pas longtemps quand on est galérien ! Mais on en a eu la certitude par l’intermédiaire d’un marchand de Samarie qui l’a vu retiré mort des fers, et jeté à la mer au-delà des Colonnes d’Hercule.

      – Le garderais-tu vraiment avec toi ?

      – Je suis prêt à le jurer. Il est malheureux, et moi aussi. Et je ne suis pas seul. D’autres ont pris les fils de la veuve et elle est restée avec ses trois filles. C’est toujours trop, mais il vaut mieux être à quatre qu’à douze… Mais il n’est pas nécessaire que je le jure !… Ruben va mourir… »

      482.7 On aperçoit déjà la route, très fréquentée par des pèlerins qui se pressent d’arriver à un lieu de halte. Le soir est proche.

      « Sais-tu où passer la nuit ? demande le berger.

      – Non, en vérité.

      – Je te dirais bien de venir, mais ma maison est petite pour tous. Toutefois, le parc à moutons est grand.

      – Que Dieu t’en récompense comme si tu m’avais logé, mais je continue encore jusqu’au coucher de la lune.

      – Comme tu veux. Mais ne crains-tu pas de t’égarer et de faire de mauvaises rencontres ?

      – Pour ce qui est des voleurs, ma pauvreté et celle de mes compagnons me protègent. Pour la route, je m’en remets à l’ange des pèlerins.

      – Je dois aller à l’avant du troupeau. L’enfant ne sait pas encore comment faire… Et la route est pleine de chars… »

      Et il court en avant pour mettre les brebis en lieu sûr.

      « Maître, le mauvais moment arrive. Il y a un bout de route à parcourir au milieu des gens… » chuchotent les apôtres.

      Les voilà sur la route derrière les brebis qui avancent en rang, serrées par la montagne, la houlette du berger et la surveillance du chien. L’enfant se trouve maintenant près de Jésus qui lui fait une caresse.

      Ils arrivent à une bifurcation. Le berger a arrêté le troupeau et dit :

      « Voilà ton chemin, et l’autre, c’est le mien. Mais si tu viens vers le village, tu vas en trouver un troisième, plus court, pour arriver au village voisin. Regarde : tu vois ce sycomore géant ? Quand tu y seras, tourne à droite. Tu verras une petite place avec une fontaine, puis une maison noircie par la fumée : c’est le forgeron. Après sa maison, il y a la route. Tu ne peux pas te tromper. Adieu.

      – Adieu ! Tu as été bon, et Dieu te consolera. »

      Le berger prend son chemin et Jésus le sien. Autour du premier, les brebis, autour du second, les apôtres : deux bergers au milieu de leur troupeau…

      482.8 Ils sont désormais séparés, cachés par un groupe de maisons qui sépare la route principale que suit le berger, du petit chemin qui pénètre dans un faubourg du village, le plus misérable, je crois… silencieux, solitaire… Les pauvres gens sont déjà dans leurs maisons, et les portes entrouvertes permettent de voir les feux dans les cuisines… Le soir descend avec la brume du crépuscule.

      « Nous allons nous arrêter au sortir du village, dit Judas. Je vois des maisons dans les champs.

      – Non. Il vaut mieux continuer. »

      Les avis divergent.

      Ils arrivent à la fontaine et courent s’y laver et remplir leurs gourdes. Voici le forgeron : il est en train de fermer son atelier noirci. Voilà le chemin qui mène aux champs… Ils s’y engagent.

      Mais un cri arrive de loin, du village :

      « Rabbi ! Rabbi ! Mon fils… Venez tous ! Où est le Pèlerin ?

      – Mais ils nous cherchent, Seigneur ! Qu’as-tu fait ?

      – Dépêchez-vous ! Si nous arrivons à ce bois, personne ne nous verra. »

      Ils courent à travers un pré couvert du dernier foin coupé, atteignent un talus, le gravissent, disparaissent, poursuivis par des voix qui maintenant sont nombreuses, et par des gens qui s’éparpillent hors du village, appelant plutôt que regardant, car désormais la pénombre dissimule beaucoup de choses. Les poursuivants s’arrêtent au pied du talus.

      « C’était le Rabbi qui allait à Sichem [5], je vous dis. Ce ne pouvait être que lui : il a guéri mon Ruben. Et moi qui ne l’ai pas reconnu… Rabbi ! Rabbi ! Rabbi ! Permets-moi de te vénérer ! Dis-moi où tu te caches ! »

      L’écho seul répond et il semble dire : “ …abbi ! …abbi ! …abbi ! ”

      « Mais il ne peut être loin, dit le forgeron. Il est passé devant moi juste avant que tu n’arrives…

      – Pourtant, il n’est pas là, tu vois bien ! Il n’y a personne sur le chemin qu’il devait prendre.

      – Ne serait-il pas dans le bois ?

      – Non. Il était pressé… »

      Puis il appelle son chien à l’aide, il l’excite : “ Cherche ! Cherche ! ” Un moment, le chien semble près de découvrir la cachette, car il se dirige vers le bois après avoir flairé le pré. Mais soudain l’animal s’arrête, interdit, une patte levée, le museau en l’air… puis, trompé par je ne sais quoi, il part en aboyant dans la direction opposée. Les gens courent derrière lui…

      482.9 « Que le Seigneur soit loué ! » s’exclament les apôtres en poussant un soupir de soulagement. Ils ne peuvent se retenir de demander au Maître :

      « Mais, qu’as-tu fait, Seigneur ! »

      C’est tout juste s’ils ne lui font pas de reproche :

      « Tu sais qu’il vaut mieux ne pas nous faire remarquer, et toi…

      – Et ne devais-je pas récompenser cette foi ? Et n’est-il pas bon qu’ils me croient sur la route qui va de Dothaïn à Pella ? Ne voulez-vous donc pas qu’ils ne comprennent plus rien ?

      – C’est vrai. Tu as raison ! Mais si le chien t’avait découvert ?

      – Oh ! Simon ! Tu ne penses pas que Celui qui impose sa volonté, même à distance, aux maladies et aux éléments, et qui chasse les démons, ne peut pas l’imposer à un animal ? Maintenant, cherchons à rejoindre la route au-delà du tournant. Ils ne pourront plus nous voir. Allons. »

      Et c’est presque à tâtons qu’ils avancent dans le petit bois de la colline, pour revenir sur la petite route, éclairée par la lune qui se lève, loin du village entièrement caché par la colline…




[1] Jean-Baptiste réfugié à Hennon (Aenon).

[2] Cf. l'épisode de la samaritaine (EMV 143).

[3] Tombeaux situés à Giscala.

[4] Promesse qui se trouve en Genèse 3, 15. Comme elle annonce d’avance le salut, l’Église l’appelle “le Protévangile”. La promesse du Rédempteur (mise en évidence ici) implique celle de sa Mère (comme relevé en EMV 74.7 | EMV 207.10 | EMV 420.11 | EMV 511.3 | EMV 525.8 | EMV 596.19).

[5] "Le Rabbi qui allait à Sichem", et à Sicar qui en était peut-être le faubourg, en EMV 142.4 | EMV 143-146 et EMV 193.3/5.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-177.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/en-chemin-avec-un-berger-samaritain.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 1 Jan - 14:38

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

483. Les apôtres discutent sur la haine des juifs. Les dix lépreux guéris en Samarie.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 178
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 483.

Le jeudi 29 août 1946.

Mardi 11 septembre 29
vers Ephraïm


       483.1 Ils sont toujours dans les montagnes, des montagnes fort escarpées. Ils ont emprunté de petits chemins où des chars ne sauraient passer, mais seulement des voyageurs à pied ou des gens montés sur ces ânes vigoureux de la montagne, plus grands et plus robustes que ceux que l’on rencontre habituellement dans les régions moins accidentées. C’est une observation qui paraîtra inutile à certains, mais que je fais quand même.

      En Samarie, il y a bien des usages différents de ceux d’ailleurs, par exemple en fait de vêtements. Parmi ces usages, je suis frappée par la quantité de chiens, qui serait insolite ailleurs [1], comme je l’avais été par la présence des porcs dans la Décapole. La raison en est peut-être que la Samarie compte beaucoup de bergers et doit avoir quantité de loups dans ces montagnes si sauvages. D’autre part, en Samarie, je vois le plus souvent les bergers seuls, ou tout au plus avec un enfant, faisant paître leurs propres troupeaux, alors qu’ailleurs, ils gardent, la plupart du temps à plusieurs, les gros troupeaux de quelque riche. Le fait est qu’ici chaque berger a son chien — sinon même plusieurs, selon le nombre de brebis de son troupeau.

      Une autre caractéristique, c’est précisément ces ânes presque aussi grands qu’un cheval, robustes, capables d’escalader ces montagnes avec un lourd chargement sur le bât, même de grosses bûches qu’ils trouvent sur ces magnifiques montagnes couvertes de forêts séculaires.

      Autre particularité : les manières dégagées des habitants qui, sans être des “ pécheurs ” comme les jugent les Judéens et les Galiléens, sont ouverts, francs, sans bigoterie, sans toutes ces histoires que font les autres, et hospitaliers. Cette constatation me fait penser que dans la parabole du bon Samaritain [2], il n’y a pas eu seulement l’intention de faire ressortir le bon et le mauvais qui existent partout, dans tous les lieux et dans toutes les races — même chez les hérétiques, certains peuvent avoir le cœur droit —, mais aussi de souligner la compassion habituelle des Samaritains envers eux qui ont besoin d’être secourus. Ils se sont arrêtés au Pentateuque — je ne les entends parler que de cela —, mais ils le pratiquent, du moins envers leur prochain, avec plus de droiture que les autres avec leurs six cent treize articles de préceptes, etc.

      483.2 Les apôtres parlent avec le Maître, et bien qu’ils soient incorrigiblement israélites, ils doivent reconnaître et louer l’esprit qu’ils ont trouvé chez les habitants de Sichem qui, je le comprends aux conversations que j’entends, ont invité Jésus à séjourner chez eux.

      « Tu as entendu, hein ? dit Pierre, comme ils ont dit clairement qu’ils connaissent la haine des juifs ? Ils ont dit : “ Ils te détestent encore plus que nous autres, samaritains, pour tout ce que nous sommes et avons été. Leur haine à ton égard est sans bornes. ”

      – Et ce vieillard ? Comme il a bien parlé : “ C’est juste, au fond, qu’il en soit ainsi, parce que tu n’es pas un homme, mais tu es le Christ, le Sauveur du monde ; donc tu es le Fils de Dieu, car seul un Dieu peut sauver le monde corrompu. Par conséquent, étant sans limites comme Dieu, sans limites de puissance, de sainteté et d’amour, comme sera sans limites ta victoire sur le mal, il est naturel que le mal, et la haine qui ne fait qu’un avec le mal, soient sans limites contre toi. ” Il a vraiment bien parlé ! Et cette raison explique tant de choses ! dit Simon le Zélote.

      – Qu’est-ce que ça explique, selon toi ? Moi… je dis qu’elle explique seulement que ces juifs sont des sots, dit Thomas, expéditif.

      – Non. La sottise serait encore une excuse, mais ce n’est pas le cas.

      – Alors ils sont ivres, ivres de haine, réplique Thomas.

      – Pas même. L’ivresse cède après s’être déchaînée. Cette hargne, elle, ne cède pas.

      – Et plus déchaînée encore ! Et depuis si longtemps… qu’elle aurait dû retomber maintenant.

      – Mes amis, elle n’a pas encore atteint son but, intervient Jésus avec calme, comme si le but de la haine n’était pas son supplice.

      – Non ? Mais ils ne nous laisseront donc jamais en paix !

      – Maître, les autres ne sont toujours pas convaincus que j’ai dit la vérité. Mais je l’ai dite. Oh ! oui, je l’ai dite ! Et j’ajoute que si cela avait dépendu de vous, vous seriez tous tombés dans le piège comme Jean-Baptiste. Mais ils ne réussiront pas, car je veille… » lance Judas.

      Jésus le regarde. Et je le regarde, moi aussi, me demandant, comme je le fais depuis quelques jours, si la conduite de Judas est due à un bon et réel retour sur le chemin du bien et de l’amour pour son Maître, une libération des forces humaines et surnaturelles qui le possédaient, ou si c’est un travail plus raffiné de préparation au coup final, un asservissement plus grand aux ennemis du Christ et à Satan. Mais Judas est un être tellement spécial, qu’il est impossible de le déchiffrer. Seul Dieu peut le comprendre. Et Dieu-Jésus laisse tomber un voile de miséricorde et de prudence sur tous les actes et sur la personnalité de son apôtre… un voile qui, en se déchirant, éclairera parfaitement beaucoup de questions encore mystérieuses, quand seront ouverts les livres des Cieux.

      483.3 Les apôtres sont tellement préoccupés par l’idée que la haine des ennemis n’a pas encore atteint son but, que, un instant, ils gardent le silence. Puis Thomas s’adresse encore à Simon le Zélote :

      « Et alors, s’ils ne sont ni ivres ni sots, si leur haine explique tant de choses sans expliquer celle-ci, qu’explique-t-elle alors ? Que sont-ils ? Tu n’en as rien dit…

      – Que sont-ils ? Des possédés. Ils sont ce qu’ils disent de lui. C’est la raison de leur acharnement qui ne connaît pas de trêve, mais croît au contraire à mesure que se manifeste sa puissance. Il a bien parlé, ce Samaritain. En Jésus, le Fils du Père et de Marie, Homme et Dieu, se trouve l’infinité de Dieu : et infinie est la Haine qui s’oppose à cette Infinité parfaite, même si, tout en étant sans limites, la Haine n’est pas parfaite — puisque seul Dieu est parfait dans ses actions. Mais si la Haine pouvait atteindre l’abîme de la perfection, elle descendrait…, se précipiterait même pour l’atteindre, pour rebondir ensuite, par la violence même de sa chute dans l’abîme infernal, contre le Christ, afin de le blesser avec toutes les armes arrachées à l’abîme infernal. Le firmament, ordonné par Dieu, a un seul soleil. Il se lève, brille et disparaît, laissant la place à ce soleil plus petit qu’est la lune ; et celle-ci, après avoir lui à son tour, se couche pour céder la place au soleil. Les astres enseignent beaucoup de règles aux hommes, car ils se soumettent aux volontés du Créateur, à l’inverse des hommes. Vouloir s’opposer au Maître en est un exemple. Qu’arriverait-il si, un matin, la lune disait : “ Je ne veux pas disparaître, et je reviens sur mes pas ? ” Elle irait certainement heurter le soleil, avec horreur et au détriment de toute la Création. C’est ce que, eux, ils veulent faire, en s’imaginant pouvoir briser le Soleil…

      – C’est le combat des ténèbres contre la lumière. Nous le voyons chaque jour à l’aube et le soir : les deux forces qui se combattent exercent, tour à tour, leur empire sur la terre. Mais les ténèbres sont toujours vaincues, car elles ne sont jamais absolues. Il émane toujours un peu de lumière, même dans la nuit la moins étoilée. On dirait que l’air la crée de lui-même dans les espaces infinis du firmament et la répand, même si elle est très limitée, pour persuader les hommes que les astres ne sont pas éteints. Et j’affirme que, de la même manière, dans ces ténèbres particulières du Mal contre la Lumière qu’est Jésus, cette dernière sera toujours là, malgré tous les efforts des Ténèbres, pour réconforter ceux qui croient en elle » dit Jean en souriant à sa pensée, tout recueilli en lui-même comme s’il monologuait.

      Son idée est reprise par Jacques, fils d’Alphée.

      « Dans les Livres, le Christ est appelé “ Etoile du matin ” [3]. Lui aussi connaîtra donc une nuit, et — je m’en épouvante — nous en connaîtrons une, nous aussi : un moment où la Lumière semblera avoir perdu de sa force et où les Ténèbres paraîtront victorieuses. Mais puisqu’il est appelé “ Etoile du matin ” d’une manière qui exclut toute limite dans le temps, j’affirme qu’après cette nuit momentanée, le Christ sera la Lumière matinale, pure, fraîche, virginale, qui renouvellera le monde, pareille à celle qui a succédé au chaos, le premier jour. Oh ! oui ! le monde sera recréé dans sa Lumière.

      – Et la malédiction sera sur les réprouvés qui auront voulu lever la main pour frapper la Lumière, en répétant les erreurs déjà faites, depuis Lucifer jusqu’aux profanateurs du peuple saint. Yahvé laisse l’homme libre de ses actions, mais par amour pour l’homme lui-même, il ne permettra pas que l’enfer prévale, achève Jude, fils d’Alphée.

      483.4 – Heureusement qu’après un si long assoupissement des âmes, qui semblait les rendre obtuses et les engourdir comme sous l’effet d’une vieillesse précoce, la sagesse refleurit sur nos lèvres! Nous ne semblions plus être nous-mêmes ! Maintenant je retrouve Simon le Zélote, et Jean, et les deux frères d’autrefois ! dit Judas, en se félicitant.

      – Je n’ai pas l’impression que nous ayons changé au point de ne plus paraître nous-mêmes, dit Pierre.

      – Mais si, nous avons tous changé ! Toi le premier, puis Simon et les autres, moi compris. S’il y a quelqu’un qui est resté à peu près celui qu’il a toujours été, c’est Jean.

      – Hum ! Je ne vois vraiment pas en quoi…

      – En quoi ? Nous sommes taciturnes, comme las, indifférents, pensifs… Jamais plus on n’entendait de conversations semblables à celles d’autrefois, semblables à celle de maintenant, qui sont si utiles…

      – Pour nous disputer, intervient Jude en rappelant comme souvent, en effet, elles dégénéraient en prises de becs.

      – Non. Pour nous former, car nous ne sommes pas tous comme Nathanaël, ni comme Simon, ni comme vous, les fils d’Alphée, par naissance et par sagesse, et celui qui l’est moins apprend toujours de celui qui l’est davantage, réplique Judas.

      483.5 – Vraiment… moi je dirais qu’il est par-dessus tout nécessaire de se former en matière de justice et, en cela, Simon nous a donné de magnifiques leçons, dit Thomas.

      – Moi ? Tu y vois mal. Je suis le plus incapable de tous, lance Pierre.

      – Non. Tu es celui qui a le plus changé. En cela, Judas a raison. Il ne reste plus beaucoup en toi du Simon que j’ai connu quand je vous ai rejoints et qui, pardonne-moi, est demeuré longtemps celui qu’il était. Depuis le moment où je t’ai retrouvé, après notre séparation pour les Encénies [4], tu n’as fait que te transformer. Maintenant tu es… oui, je peux le dire, plus paternel et en même temps plus austère. Tu compatis avec tous tes pauvres frères, alors qu’avant… Et on voit — moi du moins, je le vois — que cela te coûte, mais que tu te domines. Et tu ne nous inspirais jamais le respect comme maintenant que tu parles peu et que tu nous fais peu de reproches…

      – Mais, mon ami ! Tu es bien bon de me voir ainsi… Moi, à part l’amour que j’ai pour le Maître, qui ne cesse de grandir en moi, je n’ai vraiment changé en rien.

      – Non. Thomas a raison, tu as beaucoup changé, confirment plusieurs.

      – C’est vous qui le dites… » dit Pierre en haussant les épaules. Et il ajoute : « II n’y a que le jugement du Maître qui serait sûr. Mais je me garde bien de le lui demander. Lui, il connaît ma faiblesse, et il sait qu’un éloge intempestif pourrait nuire à mon âme. Aussi il ne me féliciterait pas, et il ferait bien. Je comprends de mieux en mieux son cœur et sa méthode, et j’en vois toute la justice.

      – C’est que tu as l’âme droite et que tu aimes de plus en plus. Ce qui te fait voir et comprendre, c’est ton amour pour moi. Ton maître, le véritable et plus grand maître, qui te fait comprendre ton Maître, c’est l’amour, dit Jésus qui jusque là écoutait sans intervenir.

      – Je crois que … c’est aussi la souffrance que je porte en moi…

      – De la souffrance ? Pourquoi ? demandent certains.

      – Oh! pour bien des choses qui, au fond, n’en font qu’une : tout ce que souffre le Maître… et la pensée de ce qu’il va souffrir. 483.6 On ne peut plus être distraits comme dans les premiers temps, tels des enfants qui ne connaissent rien, maintenant qu’on sait de quoi les hommes sont capables, et combien il faut souffrir pour les sauver. Ah ! Nous croyions tout facile, les premiers temps ! Nous pensions qu’il suffirait de nous présenter pour que les autres passent de notre bord ! Nous étions sûres que conquérir Israël et le monde, ce serait comme… jeter le filet sur un fond poissonneux. Pauvres de nous ! Je suppose que si, lui, il ne parvient pas à faire une bonne pêche, nous, nous ne ferons rien. Mais ce n’est pas tout, et de loin : je pense qu’ils sont mauvais et le font souffrir. Et je crois que c’est là le motif de notre changement en général…

      – C’est vrai. Pour mon compte, c’est exact, confirme Simon le Zélote.

      – Pour moi aussi, pour moi aussi » disent les autres.

      Et Judas avoue :

      « Moi, il y a bien longtemps que j’étais inquiet de cela, et j’ai cherché à… trouver des aides valables. Mais ils m’ont trahi… Vous, vous ne m’avez pas compris… Et moi, je ne vous ai pas compris. Je croyais que vous étiez comme vous êtes par lassitude spirituelle, par découragement, par déception…

      – Moi, je n’ai jamais espéré des joies humaines et par conséquent je ne suis pas déçu, conteste Simon le Zélote.

      – Mon frère et moi, nous voudrions qu’il soit victorieux, mais pour sa joie. Nous l’avons suivi par amour de parents avant de le faire comme disciples. Nous l’avons toujours suivi depuis l’enfance, lui le plus jeune de nous, ses frères, mais toujours tellement plus grand que nous… dit Jacques, avec son habituelle admiration sans bornes pour son Jésus.

      – Si nous avons une souffrance, c’est que nous tous, qui sommes de sa parenté, nous ne l’aimons pas en esprit et avec notre seul esprit. Mais nous ne sommes pas les seuls en Israël à l’aimer mal » dit Jude.

      483.7 Judas le regarde. Il est sur le point de parler, quand un cri l’en empêche, venant d’un monticule dominant le hameau qu’ils longent, en cherchant la voie d’accès.

      « Jésus ! Rabbi Jésus ! Fils de David et notre Seigneur, aie pitié de nous.

      – Des lépreux ! Partons, Maître, sinon le village va accourir et nous retenir dans ses maisons » conseillent les apôtres.

      Mais les lépreux ont l’avantage d’être en avance sur eux, montés sur le chemin, mais à cinquante mètres au moins du village. Ils descendent en boitant et courent vers Jésus en répétant leur cri.

      « Entrons dans le village, Maître, ils ne peuvent pas y aller » conseillent certains apôtres. Mais d’autres disent :

      « Déjà, des femmes viennent regarder. Si nous entrons, nous éviterons les lépreux, mais pas ceux qui nous auront reconnus et voudront nous garder. »

      Et pendant qu’ils se demandent que faire, les lépreux s’approchent de plus en plus de Jésus, qui sans souci des mais et des si des apôtres, poursuit son chemin. Les apôtres se résignent à le suivre tandis que des femmes, accompagnées d’enfants accrochés à leurs jupons, et quelques vieillards restés dans le village viennent voir, en se tenant à une distance prudente des lépreux. Ceux-ci s’arrêtent à quelques mètres de Jésus et supplient encore :

      « Jésus, aie pitié de nous ! »

      Jésus les regarde un instant, puis, sans s’approcher de ce groupe de douleur, il demande :

      « Etes-vous de ce village ?

      – Non, Maître, de différents endroits. Mais cette montagne où nous demeurons donne de l’autre côté sur la route de Jéricho, et cet endroit est bon pour nous…

      – Dans ce cas, rendez-vous au village le plus proche de votre montagne, et montrez-vous aux prêtres. »

      Et Jésus reprend sa marche en se déplaçant sur le bord du chemin pour ne pas effleurer les lépreux qui le regardent partir, sans avoir obtenu autre chose qu’une lueur d’espoir dans leurs pauvres yeux malades. Arrivé à leur hauteur, Jésus lève la main pour les bénir.

      Les villageois, déçus, rentrent chez eux… Les lépreux grimpent de nouveau sur la montagne pour aller vers leur grotte ou vers la route de Jéricho.

      « Tu as bien fait de ne pas les guérir. Les habitants ne nous auraient plus laissé partir…

      – Oui, et il faudrait arriver à Ephraïm avant la nuit. »

      483.8 Jésus marche en silence. La route est très sinueuse, car elle suit les caprices de la montagne au pied de laquelle elle est taillée, et le village est désormais caché à la vue par les tournants…

      Mais une voix les rejoint :

      « Louange au Dieu Très-Haut et à son vrai Messie. En lui se trouvent toute puissance, sagesse et pitié ! Louange au Dieu très-haut qui, en lui, nous a accordé la paix. Louez-le, vous tous, hommes de Judée et de Samarie, de Galilée et de Transjordanie, jusqu’aux neiges du très haut Hermon, jusqu’aux pierres brûlées de l’Idumée, et jusqu’aux sables baignés par les eaux de la Grande Mer ! Que résonne la louange au Très-Haut et à son Christ. Voici accomplie la prophétie de Balaam [5]. L’Etoile de Jacob resplendit sur le ciel rétabli de la patrie réunie par le vrai Berger [6]. Voilà accomplies également les promesses faites aux patriarches, tout comme la parole d’Elie, qui nous a aimés. Ecoutez-la, peuples de Palestine, et comprenez-la. Il ne faut plus hésiter [7] : on doit choisir la lumière spirituelle, et si l’âme est droite, elle fera un bon choix. C’est le Seigneur, suivez-le ! Ah ! jusqu’à présent nous avons été punis parce que nous ne nous sommes pas efforcés de comprendre ! L’homme de Dieu a maudit le faux autel en prophétisant : “ Voici que va naître de la maison de David un Fils appelé Josias [8] qui immolera sur l’autel et consumera les ossements d’Adam. Alors l’autel se fendra jusqu’aux entrailles de la terre et les cendres de l’immolation se répandront du nord au midi, de l’orient à l’occident. ” Ne faites pas comme ce sot d’Ochozias, qui envoyait consulter le dieu d’Eqrôn alors que le Très-Haut était en Israël [9]. Ne soyez pas inférieurs à l’ânesse de Balaam [10] dont le respect pour l’esprit de lumière lui aurait mérité de vivre, alors que le prophète, qui ne voyait pas, serait tombé sous les coups. Voici la Lumière qui passe parmi nous. Ouvrez les yeux, ô aveugles spirituels, et voyez. »

      L’un des lépreux les suit de plus en plus près, même sur la grand-route — qu’ils ont fini par atteindre —, en désignant Jésus aux pèlerins.

      Les apôtres, agacés, se retournent deux ou trois fois en intimant au lépreux, parfaitement guéri, de se taire. Et, la dernière fois, ils vont jusqu’à le menacer.

      Mais lui, cessant un instant de s’égosiller pour s’adresser à tous, répond :

      « Et que voulez-vous ? Que je ne proclame pas le prodige que Dieu a fait pour moi ? Voulez-vous que je ne le bénisse pas ?

      – Bénis-le dans ton cœur et tais-toi, lui répondent-ils, fâchés.

      – Non, je ne puis me taire. C’est Dieu qui met ces mots sur mes lèvres. » Et il reprend à haute voix : « Habitants des deux côtés de la frontière, et vous qui passez par hasard, arrêtez-vous pour adorer celui qui régnera au nom du Seigneur. Je me moquais de toutes ces paroles [11], mais maintenant je les répète, car je les vois accomplies. Voici que toutes les nations s’ébranlent et s’avancent dans l’allégresse vers le Seigneur par les chemins des mers et des déserts, par les collines et les monts. Et nous aussi, le peuple qui a cheminé dans les ténèbres, nous allons marcher vers la grande Lumière qui a surgi, vers la Vie, et sortir de la région de la mort. De loups, léopards ou lions que nous étions, nous allons renaître dans l’Esprit du Seigneur et nous nous aimerons en lui, à l’ombre du Rejeton de Jessé devenu un cèdre sous lequel campent les nations rassemblées par lui des quatre coins de la terre. Voici venir le jour où la jalousie d’Ephraïm prendra fin, parce qu’il n’y a plus Israël et Juda, mais un seul Royaume : celui du Christ du Seigneur. Voilà, je chante les louanges du Seigneur qui m’a sauvé et consolé. Je vous le dis : louez-le et venez boire le salut à la source du Sauveur. Hosanna ! Hosanna aux prodiges qu’il accomplit ! Hosanna au Très-Haut qui a placé au milieu des hommes son Esprit en le revêtant de chair, pour qu’il devienne le Rédempteur ! »

      Il est intarissable. 483.9 La foule augmente, les gens se groupent, encombrant la route. Ceux qui étaient en arrière accourent, ceux qui étaient en avant rebroussent chemin. Les habitants d’un petit village, près duquel ils se trouvent maintenant, s’unissent aux passants.

      « Mais fais-le taire, Seigneur ! C’est un Samaritain : les gens le disent. Il ne doit pas parler de toi si tu ne permets même pas que nous te précédions en t’annonçant ! » disent les apôtres, contrariés.

      « Mes amis, je vous répète les paroles de Moïse à Josué, fils de Num, qui se plaignait de ce que Eldad et Médad [12] prophétisaient dans les campements : “ Serais-tu jaloux pour moi, à ma place ? Ah ! puisse le peuple tout entier prophétiser ainsi, puisse le Seigneur donner à tous son Esprit ! ” Mais je vais m’arrêter et je vais le renvoyer pour vous faire plaisir. »

      Il se retourne, s’arrête et appelle le lépreux guéri, qui accourt et se prosterne devant Jésus en baisant la poussière.

      « Lève-toi. Et les autres, où sont-ils ? N’étiez-vous pas dix ? Les neuf autres n’ont pas éprouvé le besoin de remercier le Seigneur. Eh quoi ? Sur dix lépreux dont un seul était samaritain, il ne s’est trouvé que cet étranger pour éprouver le besoin de revenir rendre gloire à Dieu, avant de retourner lui-même à la vie et à sa famille ? Et on l’appelle “ samaritain ”. Les Samaritains ne sont-ils donc plus ivres, puisqu’ils voient sans avoir la berlue et accourent sans chanceler sur le chemin du salut ? La Parole s’exprime-t-elle donc dans une langue étrangère, si elle est comprise par les étrangers et pas par son peuple ? »

      Il tourne ses yeux magnifiques sur une assistance originaire de toute la Palestine. Son regard a un éclat insoutenable… Plusieurs baissent la tête et éperonnent leurs montures, ou s’éloignent à pied…

      483.10 Jésus baisse les yeux sur le Samaritain agenouillé à ses pieds, et son regard se fait très doux. Il lève la main en un geste de bénédiction et dit :

      « Lève-toi et pars. Ta foi a sauvé en toi quelque chose de plus que ta chair. Avance dans la lumière de Dieu. Va. »

      L’homme baise de nouveau la poussière et, avant de se lever, il demande :

      « Un nom, Seigneur ! Donne-moi un nom nouveau, puisque tout est neuf en moi, et pour toujours.

      – Dans quelle terre nous trouvons-nous ?

      – Dans le pays d’Ephraïm.

      – Alors, tu t’appelleras désormais Ephrem, parce que c’est deux fois que la Vie t’a donné la vie [13]. Va. »

      L’homme se lève et s’éloigne.

      Les gens de l’endroit et quelques pèlerins voudraient bien retenir Jésus, mais lui les subjugue par son regard, qui n’est pas sévère, mais très doux au contraire. Il doit néanmoins dégager une puissance certaine, car personne ne fait un geste pour le retenir.

      Alors Jésus quitte la route sans entrer dans le petit village, traverse un champ, puis un ruisseau et un sentier, il monte sur le coteau oriental couvert de forêt, et s’y enfonce avec ses disciples en disant :

      « Pour ne pas nous tromper, nous allons suivre la route, mais en restant dans le sous-bois. Après ce tournant, la route s’appuie à cette montagne. Nous y trouverons bien quelque grotte pour dormir, et nous franchirons à l’aube Ephraïm… »





[1] Insolite ailleurs : c’est dans la vision du 31 mars 1944 (EMV 605.3) que Maria Valtorta a noté pour la première fois la présence d’un chien, et la seconde fois dans la vision du 13 mars 1945 (EMV 129.1).

[2] La parabole du bon Samaritain se trouve en EMV 281.10.

[3] Nombres 24,16-17.

[4] C'est cette séparation qui avait permis d'éloigner aussi Judas et de convoyer en secret Jean d'En-Dor le galérien et Syntica l'esclave grecque en fuite, vers Antioche. Pierre dirigeait seul cette délégation d'apôtres. Cf la fin du Tome 4 et le début du Tome 5.

[5] La prophétie de Balaam se trouve en Nombres 24, 15-19 et l’ânesse de Balaam en Nombres 22, 20-35. Entre ces deux citations, les autres passages se réfèrent à 1 Rois 13, 1-5 | 2 Rois 1, 15-16.

[6] Nombres 24,16-17.

[7] 1 Rois 18.21.

[8] Roi de Juda (640 av. JC) qui ramena Israël au vrai culte en détruisant systématiquement les traces du culte assyrien. Il alla même jusqu'à répandre des ossements humains sur les ruines ou les cendres pour les rendre définitivement impropres aux fonctions cultuelles. Il restaure le Temple et on y découvre le Livre de la Loi enfoui. La lecture du Deutéronome retrouvé est l'occasion d'une grande émotion et d'une grande dévotion. (2Rois, chapitres 21 à 23).

[9] 2 Rois 1, 1 et suivants.

[10] Nombres 22, 22 et suivants.

[11] Toutes ces paroles : il s’agit de celles d’Isaïe 11-12.

[12] Ils avaient reçu l'Esprit comme les soixante-dix anciens, alors qu'ils n'étaient pas concernés. Puisse tout le peuple de Dieu devenir un peuple de prophètes ! répond Moïse (Nombres 11, 26-30).

[13] Deux fois, car le sens littéral d’Ephrem est “ double fruit ”.




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-178.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/les-dix-lepreux-gueris-en-samarie.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par lysiane Sam 2 Jan - 17:56

J'aime beaucoup Maria Valtorta , mais beaucoup disent que c'est une fausse mystique et qu'elle ne figure pas parmi les saints de l'eglise et qu'elle n'est pas reconnue par le Vatican  et que les mystique sont sataniques et ne viennent pas de Dieu, comment entendre plusieurs son de cloche à la fois et demêler le vrai du faux .Pourriez  vous eclairer ma lanterne SVP, merci.


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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 3 Jan - 18:00

Bonjour Lysiane,

C'est une bonne question que vous posez là Wink

Je pense personnellement que Maria Valtorta est une vraie mystique, qui nous offre un trésor spirituel par ses écrits et la grande grâce qu'elle a reçue.

Comment dire si une révélation privée vient de Dieu ? Je pense qu'il y a deux signes.

Le premier est la paix que l'oeuvre en question nous inspire.

Est-on agité ? Déçu ? Connaissons-nous la peur ou l'angoisse en lisant une révélation privée ? Alors cela vient très certainement du Malin qui veut nous effrayer et nous éloigner de Dieu.

Si au contraire, l'oeuvre que nous lisons nous inspire la joie et l'apaisement, si on découvre de nouvelles lumières spirituelles et si on a toujours plus l'impression de se rapprocher de l'amour de Dieu et du prochain, alors cette révélation vient très probablement du Christ, qui nous comble de bienfaits.

Le deuxième signe rejoint le premier et consiste à regarder les fruits d'une oeuvre mystique.

Produit-elle de bons fruits ? Crée-t-elle des conversions ? Permet-elle de mieux découvrir Dieu et l'amour du prochain ? Se répand-elle malgré le temps qui se passe ? Trouve-t-on des personnes qui en sortent renouvelées ? Suscite-t-elle l'obéissance, le pardon et le suivi des préceptes évangéliques ? Crée-t-elle l'amour dans les âmes ?

Ou au contraire, est-ce que cette oeuvre suscite la division, la désobéissance, la méfiance et la médisance ? Est-ce qu'elle attire l'attention vers la terre et non vers le Ciel ? Est-ce qu'elle cherche le sensationnalisme plutôt que la simplicité de Dieu ?

Je crois que c'est un premier discernement qu'on peut opérer. Et pour ce qui concerne Maria Valtorta, j'ai très souvent constaté que son oeuvre apportait justement cette paix et cette croissance spirituelle chez les âmes qui lisent honnêtement ses livres. On s'y penche, on lit, on constate... Et on se retrouve en Palestine, près de Jésus, qui nous apprend sa divine leçon d'Amour. On y apprend tout, et si on connaît déjà son Evangile, on s'y plonge encore plus profondément, car tout ce que Maria a écrit est conforme à la doctrine de l'Eglise (je pense notamment aux très bonnes études de Monseigneur René Laurentin, Jean-François Lavère et François-Michel Debroise).

Quant aux bons fruits, ils sont là et ils existent, pour qui veut bien voir et entendre Wink
- Son oeuvre existe depuis 60 ans et s'est répandue à travers le monde dans plus de 25 langues, en des millions d'exemplaires.
- Elle crée des conversions, rallume la foi et l'espérance dans les coeurs, répond aux questions les plus diverses, ramène les âmes à Dieu qui est leur Père.
- Des grandes personnalités ont recommandé la lecture de Maria Valtorta. Pie XII, un pape, en est l'un d'eux, puisqu'il a dit "Publiez l'Oeuvre telle quelle. Qui lira comprendra". Mais il y a eu aussi Mère Teresa, Pade Pio et d'autres qui en ont encouragé la lecture.
- Je pense que la société d'édition qui la diffuse, le CEV, ne vit que de cette auteure, et vu le monde éditorial d'aujourd'hui, je crois que c'est un petit miracle d'être encore debout après 50 à 60 ans d'existence (je ne sais pas bien quand le CEV a été fondé).
- Surtout surtout, elle nous fait mieux connaître Jésus, et pour moi, ça n'a pas de prix.

C'est une première réponse que je peux vous offrir, @Lysiane, et j'espère qu'elle vous éclaire déjà un peu ^^ Je vais essayer de répondre plus précisément à vos interrogations dans un second post.

Fraternellement,
Anayel


Dernière édition par Anayel le Dim 3 Jan - 19:43, édité 1 fois (Raison : Fautes d'orthographe)
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par lysiane Dim 3 Jan - 18:10

Anayel a écrit:Bonjour Lysiane,

C'est une bonne question que vous posez là Wink

Je pense personnellement que Maria Valtorta est une vraie mystique, qui nous offre un trésor spirituel par ses écrits et la grande grâce qu'elle a reçue.

Comment dire si une révélation privée vient de Dieu ? Je pense qu'il y a deux signes.

Le premier est la paix que l'oeuvre en question nous inspire.

Est-on agité ? Déçu ? Connaissons-nous la peur ou l'angoisse en lisant une révélation privée ? Alors cela vient très certainement du Malin qui veut nous effrayer et nous éloigner de Dieu.

Si au contraire, l'oeuvre que nous lisons nous inspire la joie et l'apaisement, si on découvre de nouvelles lumières spirituelles et si on a toujours plus l'impression de se rapprocher de l'amour de Dieu et du prochain, alors cette révélation vient très probablement du Christ, qui nous comble de bienfaits.

Le deuxième signe rejoint le premier et consiste à regarder les fruits d'une oeuvre mystique.

Produit-elle de bons fruits ? Crée-t-elle des conversions ? Permet-elle de mieux découvrir Dieu peµt l'amour du prochain ? Se répand-elle malgré le temps qui se passe ? Trouve-t-on des personnes qui en sortent renouvelées ? Suscite-t-elle l'obéissance, le pardon et le suivi des préceptes évangéliques ? Crée-t-elle l'amour dans les âmes ?

Ou au contraire, est-ce que cette oeuvre suscite la division, la désobéissance, la méfiance et la médisance ? Est-ce qu'elle attire l'attention vers la terre et non vers le Ciel ? Est-ce qu'elle cherche le sensationnalisme plutôt que la simplicité de Dieu ?

Je crois que c'est un premier discernement qu'on peut opérer. Et pour ce qui concerne Maria Valtorta, j'ai très souvent constaté que son oeuvre apportait justement cette paix et cette croissance spirituelle chez les âmes qui lisent honnêtement ses livres. On s'y penche, on lit, on constate... Et on se retrouve en Palestine, près de Jésus, qui nous apprend sa divine leçon d'Amour. On y apprend tout, et si on connaît déjà son Evangile, on s'y plonge encore plus profondément, car tout ce que Maria a écrit est conforme à la doctrine de l'Eglise (je pense notamment aux très bonnes études de Monseigneur René Laurentin, Jean-François Lavère et François-Michel Debroise).

Quant aux bons fruits, ils sont là et ils existent, pour qui veut bien voir et entendre Wink
- Son oeuvre existe depuis 60 ans et s'est répandue à travers le monde dans plus de 25 langues, en des millions d'exemplaires.
- Elle crée des conversions, rallume la foi et l'espérance dans les coeurs, répond aux questions les plus diverses, ramène les âmes à Dieu qui est leur Père.
- Des grandes personnalités ont recommandé la lecture de Maria Valtorta. Pie XII, un pape, en est l'un d'eux, puisqu'il a dit "Publiez l'Oeuvre telle quelle. Qui lira comprendra". Mais il y a eu aussi Mère Teresa, Pade Pio et d'autres qui en ont encouragé la lecture.
- Je pense que la société d'édition qui la diffuse, le CEV, ne vit que de cette auteure, et vu le monde éditorial d'aujourd'hui, je crois que c'est un petit miracle d'être encore debout après 50 à 60 ans d'existence (je ne sais pas bien quand le CEV a été fondé).
- Surtout surtout, elle nous fait mieux connaître Jésus, et pour moi, ça n'a pas de prix.

C'est une première réponse que je peux vous offrir, @Lysiane, et j'espère qu'elle vous éclaire déjà un peu ^^ Je vais essayer de répondre plus précisément à vos interrogations dans un second post.

Fraternellement,
Anayel

Merci mille fois Anayel  j'adore Maria, j'ai beaucoup appris de ses écrits qui fourmille de détails,mais il y en a toujours pour critiquer les mystiques et qui sèment le doute.Je suis heureuse de votre réponse je n'en attendait pas moins et avec des references comme Pie XII  Padre Pio et mère Therésa c'est la cerise sur le gâteau , j'aime etre convaincu .je suis la pour parfaire ma foi .

Tres bonne soirée Anayel 

Amicalement, Lysiane .

                                                                Embrasse
                                                                                


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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 3 Jan - 18:40

Je continue donc Wink Vous dites :

lysiane a écrit:J'aime beaucoup Maria Valtorta , mais beaucoup disent que c'est une fausse mystique et qu'elle ne figure pas parmi les saints de l'eglise et qu'elle n'est pas reconnue par le Vatican  et que les mystique sont sataniques et ne viennent pas de Dieu, comment entendre plusieurs son de cloche à la fois et demêler le vrai du faux .Pourriez  vous eclairer ma lanterne SVP, merci.

Maria Valtorta n'est effectivement pas canonisée, mais  voici ce qu'on trouve sur le site officiel du Centro Editoriale Valtortiano :

Emilio Pisani, président de la Fondazione Maria Valtorta Cev onlus, a conféré à Me Carlo Fusco, avocat de la Rote* et postulateur pour la cause des saints, le mandat d’agir devant les autorités ecclésiastiques compétentes pour obtenir le recueil des témoignages sur la vie de Maria Valtorta et, à cette occasion, les preuves de l’exercice héroïque de sa pratique des vertus chrétiennes. (...)

* La Rote romaine est l’un des trois tribunaux de l’Église catholique romaine.
https://mariavaltorta.com/fr/collecte-de-temoignages/

En d'autres termes, au bout de cette étude, je pense sans dire de bêtise que l'Eglise pourra examiner sa vie et peut-être ouvrir un éventuel procès de béatification. Ce qui serait merveilleux, non pour elle, qui est déjà au Ciel, mais pour la reconnaissance et la diffusion de l'Oeuvre.

Pour la reconnaissance du Vatican, cela dépend. L'Oeuvre a effectivement était censurée en son temps. Mais :

La censure de la vie de Jésus de Maria Valtorta est aujourd’hui périmée pour trois raisons :        

- Elle est invalide dès lors que le Pape, qui exerce l’autorité suprême en matière de révélations, avait publiquement et explicitement encouragé la publication, comme l’analyse Mgr Gagnon, spécialiste de ce sujet.      

- Elle obsolète dès lors que l’Index a été aboli en droit et en conséquences en 1966.    

- Elle est sans objet dès lors que l’imprimatur qui avait motivée la censure n’est plus requis depuis 1975 pour ce type de livre.          

Seuls demeurent, comme critère de jugement, l’avertissement moral et la conscience mature des fidèles, tels que stipulés dans le décret de supression :        

"après avoir interrogé le Saint Père, (le Saint-Office) a annoncé que l'Index reste moralement engageant, en tant qu'avertissement à la conscience des chrétiens de se garder, […] des écrits de ceux qui peuvent mettre en danger la foi et la morale, mais en même temps, avertissant qu'il n'a plus force de loi ecclésiastique avec la censure qui y est liée. Ainsi, l'Église est confiante dans la conscience mature des fidèles."        

Nul ne peut imaginer, sauf quelques articles pratiquant l’approximation, que l’œuvre de Maria Valtorta, qui fut la nourriture des papes et des saints, présente un danger pour la foi et la morale.

Quant à la liberté de choix, elle correspond tout à fait à l’avis de Pie XII encourageant la publication de l’œuvre.
http://www.maria-valtorta.org/ValtortaWeb/MariaValtorta08.htm

Et je rajoute cet petit extrait également :

L’opprobre de la mise à l’Index qui a frappé l’œuvre de Maria Valtorta il y a plus de 50 ans, a été juridiquement balayé. La liste des cautions morales sur laquelle figure désormais des Papes, des théologiens, des biblistes, des saints et des bienheureux, etc. écarte tout soupçon qui pourrait peser sur l’œuvre.

Elle échappe désormais à deux attitudes également répréhensibles :  

- "interdire" la lecture des œuvres de Maria Valtorta au nom d’une proscription dépassée,  
- "imposer" cette lecture comme substitutive des Évangiles.    

Elle demeure sous la coupe de la décision fondatrice de Pie XII :

Publiez l’œuvre tel quelle. Il n’y a pas lieu de donner une opinion quant à son origine, qu’elle soit extraordinaire ou non. Ceux qui liront comprendront.

Le pape encourageait ainsi la publication d’une œuvre qu’il estimait importante, en invitant chacun à se forger intuitivement son jugement.
http://www.maria-valtorta.org/ValtortaWeb/MariaValtorta15.htm

D'autre part, comme je le disais dans mon précédent, d'autres personnalité de l'Eglise ont pris la défense de Maria Valtorta (Padre Pio, Mère Teresa,...). Un article a été écrit ici si ça vous intéresse : http://www.maria-valtorta.org/ValtortaWeb/MariaValtorta14.htm, il est très complet. Vous y retrouvez ce qu'en disent les saints, els bienheureux, les théologiens, etc. etc.

Pour ce qui concerne les mystiques qui sont des satanistes, je ne sais pas qui vous a dit ça mais alors je vous rassure : il y a des mystiques authentiques, vrais, sincères et spirituels, guidés par le Ciel et par Jésus lui-même Very Happy

Je pense notamment à Luisa Picaretta, Marthe Robin, Conchita, Maria Valtorta, Gemma Galgani pour ne citer que le 20ème siècle... Non la mystique n'est pas synonyme de satanisme, loin de là ^^ Il faut se méfier surtout des révélations qui prônent le sensationnalisme, la peur, et tout ce qui s'ensuit Wink

Voilà, je m'arrête là Wink

N'hésitez pas à poser de nouvelles questions si vous en avez, j'y répondrai avec plaisir ! sunny

Fraternellement,
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par lysiane Dim 3 Jan - 19:27

Je vois beaucoup de commentaire sur des sites religieux de Facebook , certains ne s'en tiennent qu'a la bible et rejettent tout ce qui ne vient pas d'elle? Pour eux tous les mystiques sont des illuminés  Padre Pio y est passé aussi mais pour lui c'était pire car ce sont des religieux qui l'on rejeté ils disaient que c'etait un fou , un malade mentale  il s'en ai bien vu pauvre Padré  pour leur faire admettre qu'il était saint d'esprit , j'ai regardé ses vidéos  sur youtube avec Jean Goyard,  Padre un homme hors du commun '' le transparent de Dieu "".  Marthe Robin c''est pareil, elle est accusé de tricherie, les incroyants les athées font tout pour salir l'église catholique et ses saints ,satan est à l'oeuvre  je n'ai pas de doute quand aux écrits de Padre Pio  lui qui a eu  les stigmates de Jésus pendant 50 ans  mais qui l'a volontairement voulu, certains disent que ça vient du diable eh  bien non !  puisque padré se battait avec lui,  il disait  aussi que Satan fuyait dès qu'il entendait prononcer les deux noms  "" Jesus et Marie " Padre Pio  faisait des messes de 2 h parfois 3h  il y aurait tellement a dire sur ce mystique qui savait lire dans les âmes et les cœurs . Pour moi ces saints sont choisi pas Dieu pour fortifier notre foi, il sont des phares pour les chrétiens


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Le nom de l'éternel est une  tour forte, le juste s'y réfugie et se trouve en sureté

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 3 Jan - 19:37

Certains, oui, rejettent vigoureusement Maria Valtorta, c'est par exemple le cas de page Wikipedia qui est consacrée à cette mystique.

Mais avant d'écouter les autres, il faut écouter son coeur et son âme pour savoir ce que nous souffle l'Esprit Saint.

Pour le Padre Pio, Satan voudrait aussi qu'on s'éloigne de ce saint. Mais il ne faut pas s'y laisser prendre et il faut prendre en exemple ces hommes bienheureux qui nous monte le chemin vers le Ciel.

Evidemment, tout ce qui nous montre Jésus crée la fureur de Satan. Il ne faut pas s'étonner si celui-ci déteste Maria Valtorta et Padre Pio, car leur apostolat et leur oeuvre sauve des âmes pour l'éternité. Il mènera donc toujours un combat virulent contre eux et contre l'Eglise.

Mais courage et confiance, car à la fin, le Saint Coeur de Jésus et le Coeur Immaculé de Marie triompheront Wink

Fraternellement,
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 3 Jan - 19:57

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 18 Maria_28

484. Halte forcée à Éphraïm et parabole de la grenade.

Ancienne édition : Tome 7, chapitre 179
Nouvelle édition : Tome 7, chapitre 484.

Le samedi 31 août 1946.

Mercredi 12 septembre 29
Ephraïm


      484.1 Jésus croit en effet pouvoir, aux premières lueurs de l’aube, traverser Ephraïm encore silencieuse et dont les rues sont désertes, sans que personne le voie. Par prudence, il fait le tour de la ville sans y entrer, malgré l’heure plus que matinale.

      Mais quand, du petit chemin qu’ils ont pris pour la contourner, ils débouchent sur la grand-route, ils se trouvent en face de toute la population, pourrait-on dire. Il s’y joint les habitants d’autres villages par lesquels ils sont déjà passés, qui montrent Jésus aux Ephraïmites dès son arrivée. Heureusement, les pharisiens, les scribes et leurs semblables sont absents.

      Les habitants d’Ephraïm envoient en avant les notables du village dont l’un, après un solennel salut, dit au nom de tous :

      « Nous avons appris que tu étais parmi nous et que tu n’avais pas dédaigné d’avoir pitié de certains. Nous savions déjà que tu avais été plein de pitié pour les Sichémites, et nous avons désiré te voir. Or Celui qui voit les pensées des hommes t’a conduit parmi nous. Fais halte ici et parle car, nous aussi, nous sommes fils d’Abraham.

      484.2 – Il ne m’est pas permis de m’arrêter…

      – Nous savons qu’on te recherche, mais pas de ce côté. Cette ville est à la limite du désert et des Montagnes du sang. Ils n’aiment pas passer ici. Et puis cette fois, après les premiers, nous n’en avons plus vu un seul.

      – Je ne puis rester…

      – Le Temple t’attend, nous le savons. Mais crois en nous. Vous nous considérez comme des proscrits, parce que nous ne nous inclinons pas devant les grands-prêtres d’Israël. Mais le grand-prêtre serait-il Dieu ? Nous sommes loin, mais pas assez pour ne pas savoir que vos prêtres ne sont pas moins indignes que les nôtres. Et nous pensons que Dieu ne peut plus être avec eux. Non, le Très-Haut ne se cache plus dans les fumées de l’encens. On pourrait cesser d’en brûler, et entrer dans le Saint des Saints sans avoir peur d’être réduit en cendres par la splendeur de Dieu qui repose sur sa gloire. Or nous, nous adorons Dieu en le sentant hors des pierres abandonnées des temples vides. Et nous ne disons pas que notre temple est plus vide que le vôtre, si vous voulez nous accuser d’avoir un temple d’idoles. Tu vois que nous sommes équitables. C’est pourquoi, écoute-nous. »

      Le notable se fait solennel :

      « Il vaudrait mieux que tu t’arrêtes pour adorer le Père parmi ceux qui, au moins, reconnaissent qu’ils ont un esprit de religion aussi vide de vérité que les autres, qui ne veulent pas l’admettre et nous offensent. Seuls, repoussés comme des lépreux, sans prophètes ni docteurs, nous avons su, du moins, rester unis en sentant que nous étions frères. Et notre loi, c’est de ne pas trahir, car il est écrit : “ Tu ne prendras pas le parti du plus grand nombre pour commettre le mal, et dans un procès, tu ne dévieras pas de la vérité pour suivre la majorité. ” [1] Il est écrit : “ Tu ne feras pas périr l’innocent ni le juste, car je déteste l’impie. Tu n’accepteras pas de présents, car ils aveuglent les yeux des sages et troublent les paroles des justes. Tu ne molesteras pas l’étranger, car vous savez ce que signifie être étranger sur la terre d’autrui. ” [2] Et dans les bénédictions dites, justement, du Garizim, cette montagne chère au Seigneur puisqu’il l’a choisie comme montagne de bénédiction, toutes sortes de bienfaits sont promis à l’homme qui s’en tient à la vraie Loi du Pentateuque [3]. Or, si nous repoussons comme des idoles les paroles des hommes, mais gardons celles de Dieu, pouvons-nous donc être traités d’idolâtres ? La malédiction de Dieu est sur celui qui frappe en cachette le prochain et accepte une récompense pour condamner à mort un innocent. Nous ne voulons pas être maudits par Dieu à cause de nos actes. Car nous ne le serons pas sous prétexte que nous sommes samaritains, puisque Dieu est le Juste qui récompense le bien là où il le trouve. C’est ce que nous espérons du Seigneur. »

      Il se recueille un instant, puis reprend :

      « C’est à cause de tout cela que nous te disons : il vaudrait mieux pour toi rester parmi nous. Le Temple te hait et il te cherche pour te faire souffrir. Et pas lui seulement. Tu resteras toujours “ trop ” parmi ceux qui te rejettent comme un opprobre. Ce n’est pas des juifs que te viendra l’amour.

      484.3 – Je ne puis rester, mais je me rappellerai vos paroles. Je vous dis, de toute façon, de persévérer dans l’observance des lois de justice que vous avez rappelées et qui découlent du précepte de l’amour du prochain. Ce précepte forme, avec celui de l’amour pour Dieu, le commandement principal de la religion ancienne et de la mienne. Pour celui qui vit en juste, le chemin du Ciel n’est pas loin. Il suffira d’un pas pour amener sur le chemin du Royaume de Dieu ceux qui marchent sur le sentier voisin, séparés seulement par un point d’honneur désormais, plus que par conviction.

      – Ce Royaume, c’est le tien !

      – Oui, c’est le mien. Mais non pas le Royaume tel que l’imaginent les hommes, royaume de pouvoir temporel juste, et à l’occasion violent pour être puissant. Il s’agit plutôt d’un Royaume qui commence dans le cœur des hommes, auxquels le Roi spirituel donne un code spirituel, et offrira une récompense spirituelle. Il donnera le Royaume. Il ne s’y trouvera pas exclusivement des Judéens, des Galiléens ou des Samaritains, mais toutes les personnes qui, sur la terre, auront eu une foi unique : la mienne, et qui dans le Ciel porteront un nom unique : saints. Les races et les divisions entre races restent sur la terre, limitées à elle. Dans mon Royaume, il n’y aura pas de races différentes, mais uniquement celle des enfants de Dieu. Les fils d’Un Seul ne peuvent appartenir qu’à une seule souche. 484.4 Maintenant, laissez-moi partir. Le chemin que je dois parcourir avant la nuit est encore long.

      – Tu vas à Jérusalem ?

      – A Ensémès.

      – Alors nous allons t’indiquer un chemin que nous sommes seuls à connaître pour aller au gué, sans halte et sans risques. Tu n’as ni charges ni chars, tu peux donc le prendre. Tu y seras à none, et il te sera utile de connaître ce sentier. Mais repose-toi une heure parmi nous, accepte le pain et le sel, et donne-nous en échange ta parole.

      – Qu’il en soit comme vous voulez, mais restons là où nous sommes. La journée est si douce et l’endroit si beau… »

      Ils se tiennent en effet dans une cuvette qui est toute en vergers. Au milieu coule un petit torrent que les premières pluies ont alimenté. Eclairé par le soleil, il descend vers le Jourdain en grondant entre les pierres, qui le brisent en écume nacrée. Les arbustes, qui ont résisté à l’été, semblent jouir sur les deux rives des embruns de l’eau réduite en écume, et brillent en frémissant doucement sous une brise tempérée qui apporte un parfum de pommes mûres et de moût en fermentation.

      Jésus se rend auprès du torrent et s’assied sur un rocher. Au-dessus de sa tête s’étend l’ombre légère d’un saule et, à côté de lui, les eaux riantes s’écoulent vers la vallée. Les gens s’installent sur l’herbe qui a poussé sur les deux rives.

      Entre-temps, du village on apporte du pain, du lait qu’on vient de traire, des fromages, des fruits et du miel, et on offre le tout à Jésus pour qu’il se restaure avec ses apôtres. Et ils le regardent manger, après qu’il a offert et béni la nourriture, simple comme un mortel, souverainement beau, et spirituellement imposant comme un dieu. Il porte un vêtement en laine blanche tirant sur l’ivoire comme celle que l’on file à la maison, ainsi qu’un manteau bleu foncé jeté sur ses épaules. Le soleil, qui filtre à travers le feuillage du saule, fait briller dans ses cheveux des étincelles d’or qui se déplacent en même temps que les feuilles. Un rayon parvient à lui caresser la joue gauche en faisant de la boucle souple qui termine la mèche retombant le long de la joue, un écheveau de fils d’or dont la couleur se retrouve, plus pâle, dans la barbe soyeuse et légère qui recouvre le menton et le bas du visage. La peau, couleur d’ivoire ancien, laisse apparaître dans la lumière du soleil la délicate broderie des veines sur les joues et sur les tempes, et l’une d’elles traverse du nez aux cheveux le front lisse et haut…

      Je pense que c’est justement de cette veine que j’ai vu couler tant de sang à cause d’une épine qui la transperçait durant la Passion… Toujours, quand je vois Jésus si beau et si ordonné dans sa tenue virile, je me rappelle ce à quoi l’ont réduit les souffrances et les insultes que lui ont infligées les hommes…

      484.5 Tout en prenant son repas, Jésus sourit à des enfants qui se sont serrés contre ses genoux en y posant la tête, ou le regardent manger comme s’ils voyaient je ne sais quoi. Arrivé aux fruits et au miel, il leur en donne, en mettant des grains de raisin ou de la mie de pain couverte de miel coulant dans la bouche des plus petits, comme si c’étaient des oisillons.

      Un enfant — manifestement, il aime ça et espère en obtenir lui aussi — passe en courant à travers la foule en direction d’un verger et en revient les bras serrés contre sa poitrine pour en faire un petit panier vivant où reposent trois grenades d’une beauté et d’une grosseur merveilleuses, puis il les offre avec insistance à Jésus [4].

      Jésus prend les fruits, en ouvre deux pour faire autant de parts qu’il a de petits amis, et il les distribue. Puis il se lève et commence à parler en tenant dans la main gauche, bien en vue, la magnifique grenade.

      484.6 « A quoi comparerai-je le monde en général, et la Palestine en particulier, elle qui était autrefois, et dans la pensée de Dieu, unie en une seule nation avant d’être divisée par une erreur et une haine tenace entre frères ? A quoi comparerai-je Israël et ce à quoi il s’est volontairement réduit ? A cette grenade.

      Et en vérité, je vous dis que les dissentiments qui existent entre Juifs et Samaritains, se reproduisent sous des formes et dans des mesures différentes, mais avec un même fond d’hostilité, entre tous les pays du monde, et parfois entre les provinces d’une même nation.

      On prétend que ces mésententes sont insurmontables comme s’il s’agissait d’obstacles créés par Dieu lui-même. Non. Le Créateur n’a pas fait autant d’Adam et autant d’Eve qu’il y a de races opposées les unes aux autres, de tribus, de familles qui sont dressées l’une contre l’autre comme des ennemis. Il a fait un seul Adam et une seule Eve, et d’eux sont venus tous les hommes, qui se sont répandus ensuite pour peupler la terre, comme si c’était une seule maison qui augmente le nombre de ses pièces au fur et à mesure que grandissent les enfants et qu’ils se marient pour engendrer des descendants à leurs pères.

      Alors pourquoi tant de haine entre les hommes, tant de barrières, tant d’incompréhensions ? Vous avez dit : “ Nous savons être unis, car nous sentons que nous sommes frères. ” Ce n’est pas assez. Vous devez aimer également ceux qui ne sont pas samaritains.

      Regardez ce fruit : vous en connaissez la saveur et non seulement la beauté. Fermé comme il l’est, il vous promet déjà le doux suc qu’il contient. Une fois ouvert, il réjouit aussi la vue par ses rangées serrées de grains semblables à autant de rubis enfermés dans un coffre-fort. Mais malheur à l’imprudent qui le mord sans l’avoir débarrassé des membranes très amères séparant les groupes de grains. Il s’intoxiquerait les lèvres et les viscères, et il rejetterait le fruit en disant : “ C’est du poison. ”

      Il en est de même des séparations et des haines entre un peuple et un autre, entre une tribu et une autre : elles rendent “ poison’’ ce qui avait été créé pour être douceur. Elles sont inutiles et ne font, comme dans ce fruit, que créer des frontières qui réduisent l’espace, compriment et font souffrir. Elles sont amères et, à celui qui mord le voisin qu’il n’aime pas pour l’offenser et le faire souffrir, elles donnent une amertume qui empoisonne l’âme.

      Sont-elles indestructibles ? Non. La bonne volonté les supprime, comme la main d’un enfant enlève ces cloisons amères qui se trouvent dans le doux fruit que le Créateur a fait pour les délices de ses enfants.

      Le premier à avoir cette bonne volonté, c’est le même et unique Seigneur, qui est le Dieu des Judéens comme des Galiléens, et des Samaritains comme des Batanéens [5]. Il le montre en envoyant l’unique Sauveur qui sauvera les uns et les autres sans demander autre chose que la foi en sa Nature et sa Doctrine. Le Sauveur qui vous parle passera pour abattre les barrières inutiles, pour effacer le passé qui vous a divisés, et pour mettre à la place un présent qui vous rend frères en son nom. Vous tous, qui êtes d’ici ou de l’autre côté des frontières, vous n’avez qu’à le seconder, et la haine tombera, ainsi que l’avilissement qui provoque la rancœur, et l’orgueil qui suscite l’injustice.

      Voici mon commandement : que les hommes s’aiment comme des frères, puisqu’ils le sont. Qu’ils s’aiment comme le Père des Cieux les aime et comme les aime le Fils de l’homme [6] qui, par la nature humaine qu’il a prise, se sent frère des hommes, et qui par sa Paternité se sent maître de vaincre le Mal avec toutes ses conséquences. Vous avez dit : “ Il est dans notre loi de ne pas trahir. ” Alors commencez par ne pas trahir vos âmes en les privant du Ciel. Aimez-vous les uns les autres, aimez-vous en moi, et la paix atteindra l’âme des hommes, comme cela vous a été promis. Alors viendra le Règne de Dieu, qui est un Règne de paix et d’amour pour tous ceux qui ont une volonté sincère de servir le Seigneur leur Dieu.

      484.7 Je vous quitte. Que la Lumière de Dieu illumine vos cœurs… Partons… »

      Il s’enveloppe dans son manteau, passe son sac en bandoulière, et prend la tête du groupe, avec d’un côté Pierre, de l’autre le notable qui a parlé au début. Derrière viennent les apôtres, et plus en arrière — car il n’est pas possible d’avancer de front sur le sentier qui longe le torrent — des jeunes Ephraïmites…



[1] Exode 23,2.
[2] Exode 23,7-9.
[3] Deutéronome 28,1-14. Le Garizim est le lieu où les tribus d'Israël renouvellent solennellement leur fidélité à la Loi de Moïse après leur entrée en Terre Promise.
[4] Cet épisode des trois grenades offertes, comme de la parabole qu'elles inspirent, ont laissé des traces dont se font écho les sœurs de la Sainte-Croix de Jérusalem ainsi que la paroisse de Taybeh, nom moderne d'Ephraïm.
[5] Habitants du centre de la Tétrarchie de Philippe.
[6] Cf. Jean 15,12




*SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2007/07-179.htm
https://valtorta.fr/troisieme-annee-vie-publique-de-jesus/parabole-de-la-grenade.html
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