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Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 28 Déc - 11:06

183. Guérison d'un homme blessé dans la maison de Marie de Magdala

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 43.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 183.


Vision du samedi 12 août 1944

 183.1 Le collège apostolique au complet se tient autour de Jésus. Assis sur l’herbe, à l’ombre d’un bouquet d’arbres, près d’un ruisseau, tous mangent du pain et du fromage, et boivent de l’eau du ruisseau [1] qui est fraîche et limpide. Leurs sandales poussiéreuses montrent qu’ils ont déjà fait beaucoup de chemin et que, vraisemblablement, les disciples ne demanderaient qu’à se reposer dans l’herbe haute et fraîche.

      Mais l’infatigable Marcheur n’est pas de cet avis. A peine juge-t-il l’heure la plus chaude passée qu’il se lève et se dirige vers la route. Il regarde… puis se retourne et dit simplement :

      « Allons. »

      Arrivé à une bifurcation, ou plutôt à un carrefour parce que quatre routes poussiéreuses se croisent à cet endroit [2], Jésus prend résolument celle qui va en direction du nord-est.

      « Nous retournons à Capharnaüm ? » demande Pierre.

      Jésus répond : « Non. » Seulement non.

      « Alors à Tibériade ? insiste Pierre, qui veut savoir.

      – Non plus.

      – Mais cette route prend la direction de la mer de Galilée… là où se trouvent Tibériade et Capharnaüm…

      – Il y a aussi Magdala, dit Jésus d’un air à moitié sérieux pour calmer la curiosité de Pierre.

      – Magdala ? Oh !… »

      Pierre est un peu scandalisé, ce qui me fait penser que cette ville a mauvaise réputation.

      « A Magdala, oui. A Magdala. Penses-tu être trop honnête pour y entrer ? Pierre, Pierre ! Par amour pour moi, tu devras entrer non pas dans une ville de plaisir, mais dans de vrais lupanars [3]… Le Christ n’est pas venu sauver ceux qui sont sauvés, mais ceux qui sont perdus [4]… et toi… tu seras “ Pierre ” ou “ Céphas ” et non pas Simon, pour cette raison. Tu as peur de te souiller ? Non ! Même lui, vois-tu (et il indique le très jeune Jean), même lui n’en subira aucun dommage. Lui, parce qu’il s’y refuse, tout comme toi tu t’y refuses, et aussi ton frère et le frère de Jean… comme chacun d’entre vous, pour l’instant, s’y refuse. Tant qu’on ne le veut pas, il n’arrive pas de mal. Mais il faut s’y refuser avec force et constance. Force et constance s’acquièrent auprès du Père en priant avec une intention sincère. Vous ne saurez pas tous, par la suite, prier ainsi… Que dis-tu, Judas ? Ne te fie pas trop à toi-même. Moi qui suis le Christ, je prie constamment pour avoir de la force contre Satan. Es-tu meilleur que moi ? L’orgueil est la fissure par où Satan pénètre. Judas, sois vigilant et humble. Matthieu, toi qui connais bien l’endroit [5], dis-moi : vaut-il mieux prendre cette route ou y en a-t-il une autre ?

      – Cela dépend, Maître. Si tu veux entrer dans la Magdala des pêcheurs et des pauvres, c’est le bon chemin. Par ici, on entre dans le faubourg populaire. Mais – je ne le crois pas, mais je te le dis pour te donner une réponse complète – mais si tu veux aller dans le quartier des riches, alors il faut quitter cette route à quelques centaines de mètres et en prendre une autre car les maisons riches sont à peu près à cette hauteur, et il faut revenir en arrière…

      – Nous allons revenir en arrière, car c’est à la Magdala des riches que je veux aller. Qu’as-tu dit, Judas ?

      – Rien, Maître. C’est la seconde fois que tu me le demandes en peu de temps. Mais moi, je n’ai rien dit.

      – Pas en paroles. Mais tu as parlé, à voix basse, avec ton cœur. Tu as parlé à voix basse avec ton hôte : le cœur. Il n’est pas nécessaire d’avoir un interlocuteur pour parler. Nous nous parlons beaucoup à nous-mêmes… Mais il ne faut pas jaser ou calomnier, même avec notre propre moi. [6] »

      183.2 Le groupe chemine, à présent en silence. La route principale devient une rue pavée avec des pierres d’un palme carré [7]. Les maisons sont toujours plus riches et plus belles parmi des potagers et des jardins luxuriants et fleuris. J’ai l’impression que la Magdala élégante était pour les Palestiniens une sorte de lieu de plaisir comme certaines villes de nos lacs de Lombardie : Stresa, Gardone, Pallanza, Bellagio, etc. Aux riches palestiniens se mêlent des romains, venus probablement d’autres lieux comme Tibériade ou Césarée où il devait certainement y avoir, autour du Gouverneur, toutes sortes de fonctionnaires et de négociants pour exporter à Rome les plus beaux produits de la colonie palestinienne [8].

      Jésus y pénètre, sûr de lui, comme s’il savait où aller. Il longe le lac jusqu’à la limite duquel les maisons s’avancent avec leurs jardins.

      Des cris déchirants parviennent d’une riche demeure. Ce sont des voix de femmes et d’enfants et une voix de femme, très aiguë, qui crie :

      « Mon fils ! Mon fils ! »

      Jésus se retourne et regarde ses apôtres. Judas s’avance.

      « Non, pas toi, ordonne Jésus. Toi, Matthieu. Va t’informer. »

      Matthieu y va et revient :

      « C’est une rixe, Maître. Il y a un homme mourant, un juif. Le meurtrier s’est échappé : c’était un romain [9]. Sa femme, sa mère et ses petits enfants sont accourus… Mais il meurt.

      – Allons-y.

      – Maître… Maître… L’événement s’est produit dans la maison d’une femme… qui n’est pas son épouse.

      – Allons-y. »

      183.3 Ils entrent par la porte ouverte dans un large et long vestibule qui donne ensuite sur un beau jardin. La maison semble divisée par cette espèce de péristyle couvert qui abonde en plantes vertes dans des vases, en statues [10] et en objets de marqueterie. C’est quelque chose d’intermédiaire entre une salle et une serre. Dans une pièce, dont la porte est ouverte sur le vestibule, se trouvent des femmes en pleurs. Jésus entre sans hésiter. Pourtant, il ne leur adresse pas sa salutation habituelle.

      Parmi les hommes présents, il y a un marchand qui doit connaître Jésus car, à peine le voit-il qu’il dit :

      « Le Rabbi de Nazareth ! »

      Et il le salue respectueusement.

      « Joseph, que s’est-il passé ?

      – Maître, un coup de poignard au cœur… Il meurt.

      – Pourquoi ? »

      Une femme aux cheveux gris et défaits se lève – elle était à genoux près du mourant dont elle tenait une main déjà inerte – et, avec des yeux de folle, elle crie :

      « A cause d’elle, à cause d’elle !… Elle me l’a rendu satanique… Plus de mère, plus d’épouse, plus d’enfants, plus rien ne comptait pour lui ! L’enfer doit te posséder, espèce de Satan ! »

      Jésus lève les yeux en suivant la main tremblante qui accuse et il voit dans un coin, contre le mur rouge foncé, Marie de Magdala, plus provocante que jamais, vêtue, pour ainsi dire… de rien jusqu’à mi-corps, car elle est à moitié nue au-dessus de la taille, enveloppée d’une sorte de filet à mailles hexagonales avec des petites boules qui me paraissent être des perles. Mais elle est dans la pénombre et je ne distingue pas bien [11].

      Jésus baisse de nouveau les yeux. Marie, blessée par son indifférence, se redresse alors qu’auparavant elle était comme accablée, et elle se donne une contenance.

      « Femme, dit Jésus à la mère, pas d’imprécations. Réponds : pourquoi ton fils se trouvait-il dans cette maison ?

      – Je te l’ai dit. Parce qu’elle l’avait rendu fou. Elle !

      – Silence ! Lui aussi était donc en état de péché puisque adultère et père indigne de ces innocents. Il mérite donc son châtiment. En cette vie comme dans l’autre, il n’y a pas de miséricorde pour celui qui ne se repent pas. Mais j’ai pitié de ta douleur, femme, et de ces innocents. 183.4 Ta maison est loin ?

      – Une centaine de mètres.

      – Soulevez l’homme et portez-le là-bas.

      – Ce n’est pas possible, Maître, dit le marchand Joseph. Il est sur le point de mourir.

      – Fais ce que je te dis. »

      Ils passent une planche sous le corps du moribond et le cortège sort lentement. Il traverse la rue et pénètre dans un jardin ombragé. Les femmes continuent de pleurer bruyamment.

      Lorsqu’ils sont à l’intérieur du jardin, Jésus se tourne vers la mère :

      « Peux-tu pardonner ? Si tu pardonnes, Dieu pardonne. Il faut se rendre le cœur bon pour obtenir grâce. Cet homme a péché et péchera encore. Pour lui, il vaudrait mieux mourir car en vivant il retombera dans le péché et, qui plus est, il lui faudra répondre de son ingratitude envers Dieu qui le sauve. Mais toi et ces innocents (il indique l’épouse et les enfants), vous tomberiez dans le désespoir. Je suis venu pour sauver et non pour perdre [12]. Homme, je te le dis : lève-toi et sois guéri. »

      L’homme reprend vie et ouvre les yeux. A la vue de sa mère, de ses enfants, de sa femme, il baisse la tête, honteux.

      « Mon fils, mon fils ! Dit la mère. Tu étais mort s’il ne t’avait pas sauvé. Reviens à toi. Ne délire pas pour une… »

      Jésus interrompt la vieille femme :

      « Femme, tais-toi. Fais preuve de la même miséricorde que celle dont tu as profité. Ta maison est sanctifiée par le miracle [13], qui est toujours une preuve de la présence de Dieu. C’est pour cela que je n’ai pu l’accomplir dans la maison du péché. Toi, au moins, sache garder ta maison telle quelle, même si lui ne le sait pas. Soignez-le, maintenant. Il est juste qu’il souffre quelque peu. Sois bonne, femme. Et toi aussi. Vous aussi, les petits. Adieu. »

      Jésus a posé la main sur la tête des deux femmes et des petits.

      183.5 Puis il sort en passant devant Marie de Magdala, qui a suivi le cortège jusqu’au bout de la rue et est restée adossée à un arbre. Jésus ralentit comme pour attendre les disciples, mais je crois que c’est pour donner à Marie la possibilité de faire un geste. Mais elle ne le fait pas.

      Les disciples rejoignent Jésus, et Pierre ne peut se retenir de lancer à Marie, entre les dents, une épithète appropriée. Pour se donner une contenance, elle éclate de rire, ce qui constitue pour elle un bien pauvre triomphe.

      Mais Jésus a entendu le mot de Pierre. Il se retourne et lui dit sévèrement :

      « Pierre, moi, je n’insulte pas. N’insulte donc pas [14]. Prie pour les pécheurs. Rien d’autre. »

      Marie cesse de rire, baisse la tête et s’enfuit comme une gazelle vers sa maison.

[1] C'est la parfaite continuité de la scène précédente, pourtant donnée un an plus tard ! Ils sont au bord du wadi Amud. Les ruisseaux entre Capharnaüm et Magdala (wadi Amud et wadi Zalmond) sont évoqués aussi au Tome 6, chapitre 152, page 487, /vo 460.3.

[2] Après avoir traversé le wadi Amud, tout indique qu’ils se trouvent au croisement de la route Tibériade/Magdala/Méron et de la route venant de Jotapata et allant vers la plaine de Genezareth/Ginossar (voir la carte).

[3] Annonce à peine voilée du futur séjour de Pierre à Rome, "la grande prostituée". Une autre évocation de ce séjour est faite au Tome 4, chapitre 176, page 561, /vo 310.5, puis au Tome 8, chapitre 5, /vo 545.7. Les maisons de prostitution (lupanaria) étaient fréquentes dans la Grèce et la Rome antique, dès le VIème siècle avant JC. En argot de la Rome antique lupa, la louve, est l'animal symbolisant la prostituée.

[4] Rappel du témoignage donné à Nicodème au Tome 2, chapitre 83, page 475, /vo 116.9. À rapprocher du Tome 5, chapitre 23, page 153, /vo 335.5; Tome 8, chapitre 36, page 318, /vo 575.7; Tome 9, chapitre 17, page 155, /vo 598.19; Tome 9, chapitre 26, page 254, /vo 606.5.

[5] Matthieu le publicain fréquentait probablement Magdala et Tibériade, et devait donc bien connaître ce secteur !

[6] Judas refait allusion à cet enseignement de Jésus au Tome 3, chapitre 56, page 319, / vo195.2.

[7] Maria Valtorta ne se trompe pas : ce sont bien là les dimensions classiques des  pavages romains, soit 22,5x22,5 cm.

[8] Tibériade et Magdala étaient deux villes du lac à forte population romaine et grecque.

[9] Probablement l'amant romain de Marie Madeleine. Il a été entrevu durant le sermon sur la montagne (Tome 3, chapitre 34, page 197, / vo174.12).

[10] Toutes ces statues seront supprimées par Marie Madeleine après sa conversion (voir Tome 4, chapitre 141, page 366, / vo277.1).

[11] Cf. les commentaires de Jésus sur cette scène en 4.95, page 49 et suivantes

[12] Rappel des paroles dites par Jésus un peu plus tôt (Cf. note 4 ci-dessus).

[13] Au Tome 4, chapitre 95, page 51-52, / vo 234.4/5, Jésus revient longuement sur ce miracle et sur son contexte.

[14] Cette réprimande de Pierre est aussi un enseignement pour Marie Madeleine, comme Jésus l'explique ensuite au Tome 4, chapitre 95, page 52, / vo 234.5.
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 29 Déc - 18:04

184. Le petit Benjamin de Magdala et deux paraboles sur le Royaume des Cieux.

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 44.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 184.


Vision du dimanche 10 juin 1945 [1]

184.1 – Le miracle est survenu depuis peu car les apôtres en parlent, et des citadins le commentent aussi, montrant du doigt le Maître qui s'en va, droit et sérieux, vers la périphérie de la ville, vers le quartier des pauvres.    

Il s'arrête près d'une maisonnette d'où sort en sautant un garçon suivi de sa mère.    

"Femme, me laisses-tu entrer dans ton jardin et y rester un peu jusqu'à ce que le soleil soit moins ardent ?"      

"Entre, Seigneur, même dans la cuisine si tu veux. Je t'apporterai de l'eau et de quoi te restaurer."

"Ne te fatigue pas. Il me suffit de rester dans ce jardin tranquille."      

Mais la femme veut Lui offrir de l'eau mélangée à je ne sais quoi et ensuite Elle tournique dans le jardin, comme si elle voulait parler mais elle n'ose pas. Elle s'occupe de ses légumes, mais c'est une feinte. En réalité elle s'occupe du Maître et l'enfant l'ennuie quand il pousse des cris pour la capture d'un papillon ou d'un autre insecte, car cela l'empêche d'entendre ce que dit Jésus. Elle s'impatiente et donne une claque au garçon... qui crie plus fort.  

Jésus était en train de répondre au Zélote qui Lui avait demandé : "Crois-tu que Marie en soit émue ?"

Il avait répondu :

"Plus qu'il ne semble..."

Il se retourne et appelle à Lui l'enfant qui accourt pour finir de pleurer sur ses genoux.          

La femme crie :  

"Benjamin ! Viens ici, ne dérange pas."        

Mais Jésus dit:    

"Laisse-le, laisse-le. Il sera gentil et te laissera tranquille."        

Puis à l'enfant :  

"Ne pleure pas. La maman ne t'a pas fait mal. Elle t'a seulement fait obéir, elle voulait seulement te faire obéir. Pourquoi criais-tu alors qu'elle voulait le silence ? Peut-être elle se sent mal et tes cris l'ennuient."    

Le garçon, vivement, avec cette franchise spontanée des enfants qui fait le désespoir des grandes personnes, dit :          

"Non, elle ne se sent pas mal, mais elle voulait entendre ce que tu disais... Elle me l'a dit. Mais moi, qui voulais venir auprès de Toi, je faisais du vacarme exprès pour que tu me regardes."  

Tout le monde rit, et la femme rougit violemment.        

"Ne rougis pas, femme.

184.2 – Approche. Tu voulais m'entendre parler ? Pourquoi ?"  

"Parce que tu es le Messie. Ce ne peut-être que Toi le Messie, avec le miracle que tu as fait... J'avais plaisir à t'entendre. Je ne sors jamais de Magdala car j'ai... un mari difficile et cinq petits. Le plus petit a quatre, mois... et tu ne viens jamais ici."        

"Je suis venu, et dans ta maison. Tu le vois."          

"C'est pour cela que je voulais t'entendre."  

"Où est ton mari ?"        

"En mer, Seigneur. S'il ne pêche pas, on ne mange pas. Je n'ai que ce petit jardin. Peut-il suffire pour sept personnes ? Et pourtant Zachée le voudrait bien..."      

"Sois patiente, femme. Tout le monde a sa croix."

"Oh ! non ! Les effrontées n'ont que le plaisir. Tu as vu leur travail ! Elles s'amusent et font souffrir. Elles ne se fatiguent pas à élever des enfants et à travailler. Elles n'attrapent pas des ampoules avec la pioche ou elles ne s'écorchent pas les mains à faire les lessives. Elles sont belles, fraîches. Pour elles ne vaut pas la condamnation d'Ève. Elles sont plutôt notre condamnation, car... les hommes... Tu me comprends."  

"Je te comprends. Mais sache qu'elles ont elles aussi leur redoutable croix. La plus redoutable. Celle qui ne se voit pas. Celle de la conscience qui les condamne, du monde qui les méprise, de leur sang qui les rejette, de Dieu qui les maudit. Elles ne sont pas heureuses, crois-le. Elles ne se fatiguent pas à enfanter et à travailler, elles ne se blessent pas les mains pour travailler. Mais elles se sentent brisées tout autant, avec la honte en plus. Mais leur cœur n'est qu'une plaie. N'envie pas leur bonne mine, leur fraîcheur, leur apparente sérénité. C'est un voile posé sur une ruine pleine de remords et qui ne leur donne pas la paix. N'envie pas leur sommeil, toi, mère honnête qui songes à tes innocents. ..Pour elles c'est le cauchemar sur leur oreiller. Et demain, quand elles arriveront à l'agonie ou à la vieillesse, le remords et la terreur."

"C'est vrai... Pardonne-moi...  

184.3 – Tu me permets de rester ici ?"          

"Reste. Nous raconterons une belle parabole à Benjamin et ceux qui ne sont pas des enfants l'appliqueront à eux-mêmes et à Marie de Magdala. Écoutez.    

Vous doutez que Marie revienne au Bien. Aucun signe, en elle, n'indique qu'elle fera ce pas. Effrontée et impudente, consciente de sa situation et de son pouvoir, elle a osé défier les gens et venir jusqu'au seuil de la maison où l'on pleure à cause d'elle. Au reproche de Pierre elle répond par un éclat de rire. Devant mon regard qui l'invite, elle se raidit orgueilleusement. Vous auriez peut-être voulu que pour l'amour de Lazare, par amour envers Moi-même, je lui parle directement, longuement, en la subjuguant par ma puissance en faisant voir ma force de Messie Sauveur. Non. Il ne faut pas. Je l'ai dit à propos d'une autre pécheresse, il y a plusieurs mois [2]. Les âmes doivent se faire par elles-mêmes. Je passe, je jette la semence. Secrètement la semence travaille. L'âme doit être respectée dans son travail. Si la première semence ne s'enracine pas, on en sème une autre, une autre encore... ne renonçant que quand on a des preuves certaines de l'inutilité de l'ensemencement. Et on prie. La prière, c'est comme la rosée sur les mottes, elle les garde fraîches et fécondes, et la semence peut germer. Ne fais-tu pas ainsi, femme, avec tes légumes ?

184.4 – Maintenant écoutez la parabole du travail de Dieu dans les cœurs pour fonder son Royaume, car chaque cœur est un petit royaume de Dieu sur la terre. Ensuite, après la mort, tous ces petits royaumes s'agglomèrent en un seul, dans le Royaume des Cieux, Royaume sans bornes, saint, éternel.  

Le Royaume de Dieu dans les cœurs est créé par le Divin Semeur. Il vient à son domaine - l'homme appartient à Dieu car tout homme Lui appartient dès son origine - et Il y répand sa semence. Puis Il s'en va vers d'autres domaines, vers d'autres cœurs. Les jours succèdent aux nuits et les nuits aux jours. Les jours amènent le soleil et la pluie : dans ce cas, le rayonnement de l'amour divin et l'effusion de la divine sagesse qui parle à l'esprit. Les nuits amènent les étoiles et le silence reposant : dans notre cas, les rappels lumineux de Dieu et le silence pour l'esprit afin de permettre à l'âme le recueillement et la méditation.        

La semence, dans cette succession d'imperceptibles influences providentielles et puissantes, se gonfle, s'ouvre, met des racines, les enfonce, pousse à l'extérieur les premières petites feuilles, elle croît. Tout cela sans l'aide de l'homme. La terre produit spontanément l'herbe issue de la semence, puis l'herbe se fortifie et porte l'épi qui se lève, puis l'épi se dresse, se gonfle, se durcit, devient blond, dur, parfait dans la formation du grain. Quand il est mûr, le semeur revient et y met la faux parce qu'est venu pour cette semence le moment du parfait achèvement. Il ne pourrait se développer davantage et c'est le moment de le cueillir.          

Dans les cœurs, ma parole fait le même travail. Je parle des cœurs qui accueillent la semence. Mais le travail est lent. Il faut éviter de tout abîmer par des interventions intempestives. Comme c'est dur pour la petite semence de s'ouvrir et d'enfoncer ses racines dans la terre ! Pour le cœur dur et sauvage, ce travail est difficile aussi. Il doit s'ouvrir, se laisser fouiller, accueillir des nouveautés, peiner pour les nourrir, apparaître différent parce que recouvert de choses humbles et utiles et non plus de l'attrayante, pompeuse, inutile et exubérante floraison qui le revêtait précédemment. Il doit se contenter de travailler humblement, sans attirer l'admiration pour réaliser utilement l'Idée divine. Il doit activer toutes ses capacités pour croître et former l'épi. Il doit se consumer d'amour pour devenir grain. Et quand, après avoir triomphé des respects humains tellement, tellement, tellement pénibles, après avoir fatigué, souffert pour s'adapter à son nouveau vêtement, voilà qu'il doit s'en dépouiller pour subir une taille cruelle.

Tout donner pour tout avoir. Rester dépouillé, pour être revêtu au Ciel de la robe des saints.  La vie du pécheur qui devient saint est le plus long, le plus héroïque, le plus glorieux combat. Je vous le dis.  

184.5 – Ce que je viens de vous dire doit vous aider à comprendre que mon attitude à l’égard de Marie est juste. Est-ce que peut-être j'ai agi autrement avec toi, Matthieu ?"    

"Non, mon Seigneur."

"Et, dis-moi la vérité : est-ce ma patience qui t'a davantage persuadé ou les reproches acerbes des pharisiens ?"  

"C'est ta patience, au point que me voilà ici. Les pharisiens, avec leurs mépris et leurs anathèmes, me rendaient méprisant et par mépris j'agissais encore plus mal que je ne l'avais fait jusqu'alors. Voici ce qui arrive. On se raidit davantage quand, étant dans le péché, on s'entend traiter de pécheur. Mais, quand au lieu d'une insulte, c'est une caresse qui arrive, on reste stupéfait, puis on pleure... et, quand on pleure, l'armature du péché se déboulonne et tombe. On reste nu devant la Bonté et on la supplie de tout cœur de nous revêtir d'Elle-même."  

184.6 – "Tu as bien parlé. Benjamin, est-ce que l'histoire te plaît ? Oui ? Bravo. Et la maman, où est-elle ?"    

Jacques d'Alphée répond :        

"Elle est sortie à la fin de la parabole, partie au pas de course par cette rue."

"Elle est peut-être allée à la mer pour voir si son époux arrive" dit Thomas.        

"Non. Elle est allée chez sa veille mère pour prendre mes frères. Maman les conduit là-bas pour pouvoir travailler" dit l'enfant qui s'appuie confidentiellement sur les genoux de Jésus.          

"Et toi, tu restes ici, homme ? Tu dois être un bel aspic, si tu restes seul !" observe Barthélemy.    

"Je suis le plus grand et je l'aide..."    

"À gagner le Paradis, pauvre femme ! Quel âge as-tu ?" demande Pierre.        

"Dans trois ans, je suis fils de la loi" dit fièrement le gamin.      

"Sais-tu lire ?" demande Thaddée.    

"Oui... mais je vais doucement parce que... parce que le maître me met à la porte presque tous les jours..."

"Je l'avais dit !" dit Barthélemy.          

"Mais j'agis ainsi parce que le maître est vieux et laid et il dit toujours les mêmes choses qui font dormir ! S'il était comme Lui (et il montre Jésus) je serai attentif. Est-ce que tu frappes, Toi, celui qui dort ou qui joue ?"

"Je ne frappe personne, mais je dis à mes élèves : "Soyez attentifs, pour votre bien et par amour pour Moi" répond Jésus.  

"Oui, comme ça ! Par amour, oui. Non par peur."  

"Si tu deviens bon, le maître t'aimera."        

"Tu n'aimes que celui qui est bon ? Il y a un moment, tu as dit que tu as été patient avec celui qui n'était pas bon..."

La logique enfantine est rigoureuse.

"Je suis bon avec tous. Mais j'aime beaucoup, beaucoup celui qui devient bon et avec lui je suis tellement, tellement bon."  

L'enfant réfléchit, puis il lève la tête et demande à Matthieu :  

"Toi, comment as-tu fait pour devenir bon?"        

"Je l'ai aimé."      

184.7 – L'enfant réfléchit encore, puis il regarde les douze et dit à Jésus :        

"Sont-ils tous bons, eux ?"      

"Certainement qu'ils le sont."

"En es-tu sûr ? Parfois, je suis sage, mais c'est quand je veux faire... de plus grosses sottises."

Tout le monde rit bruyamment. Il rit aussi le petit homme en veine de franchise. Même Jésus rit aussi et le serre sur son cœur et lui donne un baiser.      

L'enfant qui désormais est bien avec tout le monde veut jouer et dit :

"Maintenant je vais te dire qui est bon"      

Et il commence son choix. Il les observe tous et il va directement vers Jean et André qui sont voisins et dit :        

"Toi et toi, venez ici."    

Puis il choisit les deux Jacques et les unit aux deux premiers, Puis il prend Thaddée. Il reste très pensif devant le Zélote et Barthélemy et dit :    

"Vous êtes vieux, mais vous êtes bons".      

Et il les unit aux autres. Il considère Pierre qui subit l'examen en faisant des œillades comiques, et il le trouve bon. Matthieu aussi passe, et de même Philippe.  

À Thomas il dit :  

"Tu ris trop. Moi je suis sérieux. Ne sais-tu pas que mon maître dit que celui qui rit toujours, manque ensuite l'épreuve ?"          

Mais en somme, Thomas aussi passe avec une mauvaise note, mais il est reçu à l'examen. Puis l'enfant retourne vers Jésus.          

"Hé! dis donc, gamin, il y a encore moi. Je ne suis pas un arbre. Je suis jeune et beau. Pourquoi ne m'examines-tu pas ?"

"Parce que tu ne me plais pas. Maman dit que quand une chose ne plaît pas, on n'y touche pas. On la laisse sur la table, que la prennent les autres, à qui elle peut plaire. Et elle dit que si quelqu'un offre une chose qui ne plaît pas, on ne dit pas : "Cela ne me plaît pas", mais on dit : "Merci, je n'ai pas faim". Moi, je n'ai pas faim de toi."    

"Mais comment ? Regarde. Si tu me dis que je suis bon, je te donne cette pièce de monnaie."        

"Qu'est-ce que je vais en faire ? Qu'est-ce qu'on achète avec un mensonge ? Maman dit que les deniers qu'on gagne par une tromperie deviennent de la paille. Une fois je me suis fait donner par la grand-mère, au prix d'un mensonge, un didrachme [3] pour m'acheter des fouaces au miel et, pendant la nuit, elle est devenue de la paille. Je l'avais mise dans ce trou sous la porte pour la prendre au matin et j'y ai trouvé une botte de paille."    

"Mais, pourquoi ne me vois-tu pas bon ? Qu'est-ce que j'ai ? Le pied fendu ? Suis-je laid ?"      

"Non, mais tu me fais peur."  

"Mais pourquoi ?" demande l'Iscariote en s'approchant de lui.  

"Je ne sais pas. Laisse-moi tranquille. Ne me touche pas ou je te griffe."        

"Quel hérisson ! Il est fou."    

Judas rit jaune.  

"Je ne suis pas fou. C'est toi qui es méchant"          

Et il se réfugie sur le sein de Jésus qui le caresse sans parler.    

Les apôtres échangent des plaisanteries sur l'incident qui est peu reluisant pour l'Iscariote.  

184.8 – Entre temps, voilà que la femme revient avec une douzaine de personnes, et puis encore, en voilà d'autres et encore d'autres. Elles sont une cinquantaine environ. Rien que des pauvres gens.    

"Tu vas leur parler ? Au moins un petit peu. Celle-ci c'est la mère de mon mari et voilà mes enfants. Cet homme là est mon mari. Une parole, Seigneur" dit la femme d'un ton suppliant.

"Pour te remercier de ton hospitalité. Oui. Je vais la dire." La femme entre dans la maison où la réclame le bébé. Et elle s'assied sur le seuil pour donner le sein à l'enfant.          

"Écoutez. Ici sur mes genoux j'ai un garçon qui a parlé très sagement. Il a dit: "Tout ce qu'on obtient par tromperie devient de la paille". Sa maman lui a enseigné cette vérité.      

Ce n'est pas une fable. C'est une vérité éternelle. Ce qu'on fait sans honnêteté ne réussit jamais. En effet le mensonge dans les paroles, dans les actes, dans la religion, c'est toujours le signe d'une alliance avec Satan, le maître du mensonge. Ne croyez pas que les œuvres qui permettent d'obtenir le Royaume des Cieux sont bruyantes et tapageuses. Ce sont des actions ordinaires, communes, mais faites dans un but surnaturel d'amour. L'amour c'est la semence de la plante qui, naissant en vous, s'élève jusqu'au Ciel et c'est à son ombre que naissent toutes les autres vertus. Je le comparerai à une minuscule graine de sénevé. Comme elle est petite ! Une des plus petites parmi celles que l'homme sème. Et pourtant regardez quand la plante s'est développée combien elle devient forte avec sa frondaison épaisse et combien de fruits elle donne. Ce n'est pas le cent pour cent, mais le cent pour un. La plus petite, mais la plus active. Que de profit elle vous donne.  

C'est la même chose pour l'amour. Si vous enfermez dans votre sein une semence d'amour, pour votre Dieu très Saint et pour votre prochain et si vos actions sont inspirées par l'amour, vous ne manquerez à aucun précepte du Décalogue. Vous ne mentirez pas à Dieu par une religion fausse faite de pratiques mais non de spiritualité. Vous ne mentirez pas au prochain en vous conduisant comme des enfants ingrats, des époux adultères ou même seulement trop exigeants, comme des commerçants malhonnêtes, des menteurs dans les relations, des violents envers qui vous est hostile. Regardez, à cette heure de chaleur, combien d'oiseaux se réfugient dans les feuillages de ce jardin.  D'ici peu cette plante de sénevé, encore petite maintenant, sera un vrai perchoir. Tous les oiseaux viendront à l'abri et à l'ombre de ces plantes si touffues et si hospitalières. Les petits des oiseaux apprendront à voler en sécurité dans ces rameaux qui servent d'échelles pour monter et de filet pour éviter la chute. Il en est ainsi de l'amour, base du Royaume de Dieu.          

Aimez et l'on vous aimera. Aimez et vous serez compatissants. Aimez et vous ne serez pas cruels en exigeant plus qu'il n'est permis de ceux qui vous sont soumis. Amour et sincérité pour obtenir la paix et la gloire des Cieux. Autrement, comme l'a dit Benjamin, tous vos actes accomplis en mentant à l'amour et à la vérité se changeront en paille pour votre lit infernal. Je ne vous dis pas autre chose.      

Je vous dis seulement: ayez présent à vos esprits le grand précepte de l'amour et soyez fidèles à Dieu Vérité et à la vérité en toute parole, action et sentiment, car la vérité est fille de Dieu. Un continuel travail de perfectionnement de votre part, comme la semence qui croît jusqu'à ce qu'elle atteigne sa perfection. Un travail silencieux, humble, patient. Soyez certains que Dieu voit vos combats et vous récompense davantage pour un égoïsme vaincu, pour une vilaine parole que vous retenez, pour une exigence qui ne s'impose pas que si, armés pour la lutte, vous mettiez à mort l'ennemi. Le Royaume des Cieux, dont vous serez les possesseurs si vous vivez en justes, se construit avec les petites réalités de chaque jour. Avec la bonté, la modération, la patience, en se contentant de ce que l'on a, avec la compassion réciproque, avec l'amour, l'amour, l'amour.

Soyez bons. Vivez en paix les uns avec les autres. Ne jasez pas. Ne jugez pas. Dieu sera alors avec vous. Je vous donne ma paix comme bénédiction et comme remerciement de la foi que vous avez en Moi."  

184.9 – Puis Jésus se tourne vers la femme en disant :    

"Que Dieu te bénisse en particulier parce que tu es une sainte épouse et une sainte mère. Persévère dans la vertu. Adieu, Benjamin. Sois toujours plus aimant de la vérité et obéis à ta mère. La bénédiction pour toi et pour tes frères et pour toi, mère."    

Un homme s'avance, il est confus et balbutie :      

"Mais, mais... je suis ému de ce que tu dis de mon épouse... Je ne savais pas..."        

"Tu n'as pas des yeux et l'intelligence, peut-être ?"        

"Si."

"Pourquoi ne t'en sers-tu pas ? Tu veux que je les ouvre ?"        

"Tu l'as déjà fait, Seigneur. Mais, je l'aime bien, sais-tu ? C'est que... on s'habitue... et... et..."      

"Et on se croit permis d'exiger trop parce que l'autre est meilleur que nous...      

Ne le fais plus. Tu es toujours en danger avec ton métier. Ne crains pas les bourrasques si Dieu est avec toi. Mais si c'est l'Injustice, crains fortement. Tu as compris ?"    

"Plus que tu ne dis. Mais je chercherai à t'obéir... Je ne savais pas..." et il regarde sa femme comme s'il la voyait pour la première fois.

[1] 10 juin 1945 : 3ème dimanche après la Pentecôte. La liturgie du jour (missel de St Pie V) célébrait la brebis perdue et la drachme retrouvée (Luc 15). L’épisode annonce la conversion de Marie-Madeleine.

[2] Voir EMV 79.6.

[3] Deux drachmes. Voir la note sur les monnaies.
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 30 Déc - 10:18

185. La tempête apaisée

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 45-46.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 185.


Vision du dimanche 30 janvier 1944

(...) [1]

185.1 Maintenant que tout le monde dort, je vous fais part de ma joie. J’ai “ vu ” l’évangile d’aujourd’hui. [2]

      Remarquez que ce matin, en le lisant, je m’étais dit : « Voici un épisode évangélique que je ne verrai jamais car il se prête peu à une vision. » Au contraire, au moment où j’y pensais le moins, il est justement venu me combler de joie.

      185.2 Voici ce que j’ai vu : une barque à voile pas bien grande mais pas petite non plus, une barque de pêche sur laquelle cinq ou six personnes peuvent aisément se mouvoir. Elle fend les eaux d’un lac d’un bleu intense.

      Jésus dort à la poupe [3]. Il est vêtu de blanc comme à l’ordinaire. Il a la tête posée sur le bras gauche, et il a placé sous son bras et sa tête son manteau gris-bleu replié plusieurs fois. Il est assis, pas allongé, sur le fond de la barque et appuie sa tête sur la tablette qui se trouve à l’extrémité de la poupe — j’ignore le nom que lui donnent les marins. Il dort tranquillement. Il est fatigué. Il est en paix.

      Pierre est au gouvernail, André s’occupe des voiles, Jean et deux autres dont je ne sais qui ils sont, remettent en ordre amarres et filets au fond de la barque, comme s’ils avaient l’intention de se préparer à pêcher, peut-être pendant la nuit. Je pourrais dire que le jour décline car le soleil descend déjà à l’ouest. Les disciples ont tous remonté leur tunique à la taille en la passant dans leur ceinture pour être plus libres de leurs mouvements et se déplacer dans la barque en passant par-dessus rames, sièges, paniers et filets sans être gênés par leurs vêtements. Ils ont tous enlevé leur manteau.

      185.3 Je vois le ciel s’obscurcir et le soleil se cacher derrière des nuages d’orage ayant débouché à l’improviste de derrière le sommet d’une colline. Le vent les pousse rapidement vers le lac. Le vent pour l’instant est en hauteur et le lac est encore tranquille. Il prend seulement une teinte plus sombre et se plisse en surface. Ce ne sont pas encore des vagues, mais ça commence déjà à bouger.

      Pierre et André observent le ciel et le lac et se disposent à manœuvrer pour accoster. Mais le vent s’abat sur le lac, et en quelques minutes, tout bouillonne et écume. Les flots s’entre­choquent et heurtent le bateau, le soulèvent, l’abaissent, le retournent en tous sens, empêchant la manœuvre du gouvernail tout comme le vent gêne celle de la voile qu’il faut carguer.

      Jésus dort. Ni les pas, ni les voix excitées des disciples, pas plus que le sifflement du vent et le choc des vagues contre les flancs du bateau et la proue ne l’éveillent. Ses cheveux flottent au vent et il reçoit quelques embruns. Mais il dort. Jean passe de la proue à la poupe et le couvre de son manteau qu’il a tiré de dessous une tablette. C’est un geste d’amour plein de délicatesse.

      La tempête devient de plus en plus brutale. Le lac est noir comme si on y avait versé de l’encre, strié par l’écume des vagues. La barque engloutit de l’eau et se trouve poussée au large par le vent. Les disciples peinent à manœuvrer et à écoper l’eau projetée par les vagues. Mais cela ne sert à rien. Ils pataugent maintenant dans l’eau qui leur arrive à mi-jambe et la barque ne cesse de s’alourdir.

      185.4 Pierre perd son calme et sa patience. Il passe le gouvernail à son frère, et va en titubant vers Jésus, qu’il secoue vigoureusement.

      Jésus se réveille et lève la tête.

      « Sauve-nous, Maître, nous périssons ! » lui crie Pierre (il lui faut crier pour se faire entendre).

      Jésus regarde fixement son disciple, il regarde les autres puis regarde le lac :

      « As-tu foi que je puisse vous sauver ?

      – Vite, Maître ! » crie Pierre, alors qu’une vraie montagne d’eau, partant du milieu du lac, se dirige rapidement sur la pauvre barque. On dirait une trombe tant elle est élevée et effrayante. Les disciples qui la voient venir s’agenouillent et s’agrippent où et comme ils le peuvent, persuadés que c’est la fin.

      Jésus se lève, debout sur la tablette de la proue. Sa figure blanche se détache sur la tempête livide. Il étend les bras vers la lame et dit au vent : « Arrête et tais-toi » et à l’eau : « Calme-toi. Je le veux. » [4]

      Alors l’énorme vague se dissout en écume qui retombe sans dégâts. Un dernier rugissement s’éteint en murmure, tout comme le sifflement du vent se change en soupir. Alors sur le lac pacifié revient la sérénité du ciel, et l’espérance et la foi dans le cœur des disciples.

      Je ne puis décrire la majesté de Jésus. Il faut la voir pour la comprendre. Je la savoure intérieurement, car elle m’est encore présente et je revois à la fois combien le sommeil de Jésus était paisible et combien son empire sur les vents et les flots était puissant.

Enseignement de Jésus à Maria Valtorta


      185.5 Jésus dit ensuite :

       « Je ne te commente pas l’évangile dans le sens où tous le commentent. Je vais t’éclairer ce qui précède le passage de l’évangile.

       Pourquoi est-ce que je dormais ? Est-ce que par hasard je ne savais pas que la bourrasque allait arriver ? Si, je le savais. J’étais seul à le savoir. Dans ce cas, pourquoi est-ce que je dormais ?

       Les apôtres étaient des hommes, Maria. Animés de bonne volonté, mais encore tellement “ hommes ” ! L’homme se croit toujours capable de tout. Quand, ensuite, il est réellement capable de quoi que ce soit, il est plein de suffisance et d’attachement à son “ savoir faire ”.

       Pierre, André, Jacques et Jean étaient de bons pêcheurs, par conséquent ils se croyaient insurpassables dans la manœuvre des bateaux. Quant à moi, j’étais pour eux un grand “ rabbi ”, mais une nullité comme marin. C’est pourquoi ils me jugeaient incapable de les aider et, quand ils montaient dans la barque pour traverser la mer de Galilée, ils me priaient de rester assis parce que je ne pouvais rien faire d’autre. Leur affection y était aussi pour quelque chose, car ils ne voulaient pas m’imposer des fatigues matérielles. Mais l’attachement à leur “ savoir faire ” dépassait encore leur affection.

       Je ne m’impose que dans des cas exceptionnels, Maria. Généralement, je vous laisse libres et j’attends. Ce jour-là, j’étais fatigué et on me priait de me reposer, c’est-à-dire de les laisser faire, eux qui étaient si capables. Je me suis donc endormi. Dans mon sommeil, se mêlait aussi cette constatation que l’homme est “ homme ” et qu’il veut agir par lui-même sans se rendre compte que Dieu ne demande qu’à l’aider. En ces “ sourds spirituels ”, en ces “ aveugles spirituels ”, je voyais tous les sourds et aveugles spirituels qui, des siècles durant, iraient à leur ruine pour avoir voulu “ agir par eux-mêmes ”, alors que je suis penché sur leurs besoins en attendant qu’ils m’appellent à l’aide.

       Quand Pierre a crié : “ Sauve-nous ! ”, mon amertume est tombée comme un caillou qu’on lâche. Je ne suis pas “ homme ”, je suis l’Homme-Dieu. Je n’agis pas comme vous agissez. Vous, quand quelqu’un a repoussé votre conseil ou votre aide, et que vous le voyez dans l’embarras, même si vous n’êtes pas méchants au point de vous en réjouir, vous l’êtes assez pour rester, dédaigneux, indifférents, à le regarder sans vous émouvoir de son appel à l’aide. Par votre attitude, vous lui faites comprendre : “ Lorsque j’ai voulu t’aider, tu n’as pas voulu ? Maintenant, débrouille-toi. ” Mais moi, je suis Jésus. Je suis le Sauveur. Et je sauve, Maria. Je sauve toujours, dès qu’on m’appelle.

       185.6 Les pauvres hommes pourraient objecter : “ Alors pourquoi permets-tu aux tempêtes isolées ou généralisées de se former ? ”

       Si, par ma puissance, je détruisais le mal, quel qu’il soit, vous arriveriez à vous prendre pour les auteurs du bien qui, en réalité, est un don de ma part, et vous ne vous souviendriez plus jamais de moi. Plus jamais.

       Vous avez besoin, mes pauvres enfants, de la souffrance pour vous rappeler que vous avez un Père, comme le fils prodigue qui se rappela qu’il avait un père quand il eut faim. Les malheurs servent à vous persuader de votre néant, de votre déraison, cause de tant d’erreurs, de votre méchanceté, cause de tant de deuils et de douleurs, et de vos fautes, cause de punitions que vous vous infligez à vous-mêmes, tout comme de mon existence, de ma puissance, de ma bonté.

       Voilà le message de l’évangile d’aujourd’hui. “ Votre ” évangile de l’heure présente, mes pauvres enfants. Appelez-moi. Jésus ne dort que parce qu’il est angoissé de vous voir sans amour pour lui. Appelez-moi et je viendrai. »

[1] Commentaire de Maria supprimé de la nouvelle édition : Combien a été grande ma douceur d'aujourd'hui. Je travaillais à cette broderie que vous savez et j'écoutais de la musique en compagnie de personnes familières. J'étais donc distraite des choses habituelles. Voilà qu'à l'improviste la vision m'en abstrait en me donnant un autre visage que, heureusement, Paola[1] fut seule à comprendre. Je suis restée avec cette joie tout l'après-midi jusqu'au moment du collapsus habituel. Il est arrivé plus tôt qu'à l'ordinaire parce que, quand j'ai ces visions, mes forces physiques et surtout cardiaques éprouvent une forte dispersion qui ne me fait pas souffrir car elle est compensée par une telle joie spirituelle. Maintenant que tout le monde dort, je vous fais part de ma joie (...).        

[2] Les catéchèses quotidiennes de Maria Valtorta, consignées dans la série des « Cahiers », ont commencées en avril 1943, mais les visions de l’Évangile n’ont réellement débutées qu’en janvier 1944. Il s’agit donc d’une des toutes premières visions. Rappelons qu’elles ne suivent pas un ordre chronologique.

[3] À l’arrière du bateau.

[4] Selon M.L., cet épisode de la tempête apaisée est à rapprocher du Psaume 106 (Hébreu 107), 23-30. Ce rapprochement a dû être présent, après coup, dans la tête des apôtres qui, comme leurs contemporains, connaissaient par cœur les Psaumes. Cela donne un éclairage supplémentaire aux commentaires que Jésus en fait à Maria Valtorta..
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 31 Déc - 14:40

186. Les deux possédés géraséniens

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 47.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 186.


Vision du lundi 11 janvier 1945

186.1 – Il faut insérer ici la "Tempête apaisée" reçue le 30 janvier 1944, puis la vision suivante

186.2 – Jésus, après avoir traversé le lac du nord-ouest au sud-est, recommande à Pierre de débarquer près d'Hippo. Pierre obéit sans discuter. Il descend avec la barque jusqu'à l'embouchure d'un petit fleuve que les pluies de printemps et un récent orage ont rempli et rendu bruyant, et qui débouche dans le lac par une gorge resserrée et rocheuse comme toute la côte en ce point. Les garçons gardent les barques [1] - il y en a un par barque - et reçoivent l'ordre d'attendre jusqu'au soir pour le retour à Capharnaüm.

"Et soyez muets comme les poissons si l'on vous interroge" conseille Pierre. "Si quelqu'un vous demande où est le Maître, répondez avec assurance : "Je ne sais pas". La même chose si on veut savoir où il s'est dirigé. C'est la vérité. Vous ne le savez pas."

On se sépare et Jésus entreprend l'escalade d'un sentier abrupt qui grimpe presque à pic sur le rocher. Les apôtres le suivent par le sentier difficile jusqu'au sommet du rocher qui s'adoucit en un plateau planté de chênes sous lesquels paissent de nombreux porcs.

"Puants animaux ! s'exclame Barthélemy. Ils nous empêchent de passer..."

"Non. Ils ne nous empêchent pas de passer. Il y a de la place pour tous" répond calmement Jésus.

Du reste les gardiens, en voyant des israélites, cherchent à rassembler les porcs sous les chênes pour laisser libre le sentier. Et les apôtres passent, en faisant mille grimaces, au milieu des ordures laissées par les animaux qui bien gras cherchent à grossir encore en fouillant le sol avec leur groin.

Jésus est passé sans faire tant d'histoires en disant aux gardiens du troupeau :

"Que Dieu vous récompense pour votre gentillesse."

Les gardiens, pauvres gens à peine moins sales que leurs porcs mais en revanche infiniment plus maigres, le regardent étonnés et puis bavardent entre eux. L'un d'eux dit :

"Mais ce n'est pas un juif ?"

À quoi les autres répondent :

"Mais tu ne vois pas qu'il a des franges à son vêtement ?"

Le groupe apostolique se réunit, maintenant qu'il peut avancer en groupe sur un petit chemin suffisamment large.

186.3 – Le panorama est très beau. Surélevé de quelques dizaines de mètres au-dessus du lac, il permet pourtant de dominer tout le miroir d'eau avec les villes éparses sur les rives. Tibériade est une splendeur avec ses belles constructions en face de l'endroit où se trouvent les apôtres. Ici, au-dessous, au pied du rocher de basalte, la grève étroite paraît un coussin de verdure alors que sur la rive opposée, de Tibériade à l'embouchure du Jourdain, il y a une plaine plutôt large et que les eaux du fleuve rendent marécageuse. Le fleuve semble s'y attarder avant de reprendre sa course après avoir ralenti dans le lac tranquille. Cette plaine est remplie de toutes sortes de plantes et de buissons particuliers aux marécages. On y voit toute une population d'oiseaux aquatiques aux couleurs bariolées comme s'ils étaient couverts de joyaux. Cet endroit on le regarde comme un jardin. Les oiseaux s'élèvent des touffes d'herbe et des roseaux, volent sur le lac, y plongent pour attraper un poisson, se relèvent encore plus merveilleux à cause de l'eau qui a ravivé les couleurs de leur plumage et reviennent vers la plaine fleurie sur laquelle le vent s'amuse à déplacer les couleurs. Ici, au contraire, ce sont des bois de chênes très grands sous lesquels l'herbe est douce et d'un vert émeraude. Au-delà de cette bande boisée, la montagne remonte après un vallon, en formant un mamelon abrupt et rocailleux sur lequel s'incrustent les maisons construites sur des terrasses rocheuses. Je crois que la montagne ne fait qu'un avec les constructions, offrant ses cavernes pour l'habitat, mélange de cité troglodyte et de ville ordinaire.

Elle est caractéristique avec cette montée en terrasses grâce à laquelle le toit des maisons inférieures est au niveau de l'entrée du rez-de-chaussée des maisons du plateau qui est au-dessus. Sur les côtés où la montagne est plus abrupte, abrupte au point d'interdire toute construction, il y a des cavernes, des excavations profondes et des sentiers rapides qui descendent vers la vallée. A la saison des pluies, ces sentiers doivent devenir autant de bizarres petits torrents.

Des blocs de toutes sortes, entraînés dans la vallée par les eaux forment un piédestal chaotique à cette petite montagne si abrupte et si sauvage, bossue et impertinente comme un hobereau qui veut à tout prix qu'on le respecte.

"N'est-ce pas Gamla ?" demande le Zélote.

"Oui, c'est Gamla. Tu la connais ?" dit Jésus.

"J'y ai été comme fugitif, une nuit il y a bien longtemps. Après la lèpre est venue et je ne suis plus sorti des tombeaux."

"On t'a poursuivi jusqu'ici ?" demande Pierre.

"Je venais de la Syrie où j'étais allé chercher refuge, mais ils me découvrirent et seule la fuite en ces terres empêcha ma capture. Après, je suis descendu lentement et toujours menacé jusqu'au désert de Tecua et de là, désormais lépreux, à la Vallée des Morts. La lèpre me sauvait de mes ennemis..."

"Ils sont païens, n'est-ce pas ces gens-là ?" demande l'Iscariote.

"Presque tous. Quelques hébreux pour le trafic et puis un mélange de croyants et de gens tout à fait incroyants. Pourtant ils n'ont pas été mauvais avec moi qui étais fugitif."

"Un pays de bandits ! Quelles gorges !" s'exclament plusieurs.

"Oui. Mais croyez-le, il y a davantage de bandits de l'autre côté" dit Jean encore impressionné par la capture du Baptiste [2].

"De l'autre côté il y a des bandits même parmi ceux qu'on appelle justes" ajoute son frère.

186.4 – Jésus prend la parole :

"Et pourtant nous les approchons sans dégoût. Alors qu'ici vous avez fait des grimaces pour passer près des animaux."

"Ils sont impurs..." [3]

"Le pécheur l'est beaucoup plus. Ces bêtes sont faites ainsi et ce n'est pas leur faute si elles sont ainsi faites. L'homme, au contraire, est responsable d'être impur par suite du péché."

"Mais alors pourquoi ont-ils été classés par nous comme impurs ?" demande Philippe.

"Une fois j'y ai fait allusion. À cette classification, il y a une raison surnaturelle et une raison naturelle. La première c'est d'enseigner au peuple élu la manière de vivre en ayant présent à son esprit son élection et la dignité de l'homme, même dans une action commune comme celle de manger.

Le sauvage se nourrit de tout. Il lui suffit de s'emplir le ventre. Le païen, même s'il n'est pas sauvage, mange également de tout, sans penser que la suralimentation fomente les vices et les tendances qui avilissent l'homme. Les païens cherchent même à arriver à cette frénésie du plaisir qui pour eux est presque une religion. Les plus cultivés parmi vous sont au courant des fêtes obscènes en l'honneur de leurs dieux, qui dégénèrent en une orgie de luxure. Le fils du peuple de Dieu doit savoir se maîtriser et par l'obéissance et la prudence se perfectionner lui-même en pensant à son origine et à sa fin: Dieu et le Ciel. La raison naturelle d'autre part enjoint de ne pas exciter le sang par des nourritures qui amènent à des élans passionnels indignes de l'homme. L'amour même charnel ne lui est pas interdit, mais il doit toujours le tempérer par la fraîcheur de l'âme qui tend au Ciel. Ce doit donc être l'amour et non la sensualité qui unit l'homme à sa compagne dans laquelle il y oit sa semblable et non une femelle. Mais les pauvres bêtes ne sont coupables ni d'être des porcs, ni des effets que la chair de porc peut à la longue produire dans le sang.

Moins encore les hommes qui sont préposés a leur garde. S'ils sont honnêtes, quelle différence y aura-t-il dans l'autre vie entre eux et le scribe penché sur ses livres et qui malheureusement n'y apprend pas la bonté ? En vérité je vous dis que nous verrons des gardiens de porcs parmi les justes et des scribes parmi les injustes.

186.5 – Mais, qu'est-ce que c'est que ce fracas ?"

Tout le monde s'écarte du flanc de la montagne parce que des pierres et de la terre roulent et bondissent sur la pente, et on regarde étonné.

"Voici, voici ! Là-bas ! Deux hommes... complètement nus...qui viennent vers nous en gesticulant. Des fous..."

"Ou des possédés" répond Jésus à l'Iscariote qui le premier a vu les deux possédés venir vers Jésus.

Ils doivent être sortis de quelque caverne dans la montagne. Ils crient. Le plus rapide à la course se précipite vers Jésus. Il semble un étrange gros oiseau plumé tant il est rapide, ramant avec ses bras comme si c'était des ailes. Il s'abat aux pieds de Jésus en criant :

"Te voilà ici, Maître du monde ? Qu'ai-je à faire avec Toi, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Est-elle déjà venue l'heure de notre châtiment ? Pourquoi es-tu venu nous tourmenter avant le temps ?"

L'autre possédé, soit que sa langue soit liée, soit que le démon le paralyse, ne fait que se jeter à plat ventre par terre et pleurer et puis, s'étant assis, il reste comme inerte, jouant avec des cailloux et avec ses pieds nus. Le démon continue de parler par la bouche du premier qui se tord par terre dans un paroxysme de terreur. On dirait qu'il veut réagir et ne peut qu'adorer, attiré et repoussé en même temps par la puissance de Jésus. Il crie :

"Je t'en conjure, au nom de Dieu, cesse de me tourmenter. Laisse-moi partir !"

"Oui, mais hors de celui-ci. Esprit immonde, sors de ces hommes et dis ton nom."

"Légion c'est mon nom, car nous sommes nombreux. Nous les possédons depuis des années et par eux nous brisons cordes et chaînes et il n'est pas de force d'homme qui puisse résister. À cause de nous ils sont une terreur et nous nous servons d'eux pour que les gens te blasphèment. Nous nous vengeons sur eux de ton anathème. Nous abaissons l'homme au-dessous de la bête fauve pour qu'on se moque de Toi. Il n'est pas de loup, de chacal ou d'hyène, pas de vautour ni de vampire semblables à ceux que nous tenons. Mais ne nous chasse pas. L'enfer est trop horrible !..."

"Sortez ! Au nom de Jésus, sortez !" Jésus a une voix de tonnerre, et ses yeux dardent des éclairs.

"Laisse-moi [4] au moins entrer dans ce troupeau de porcs que tu as rencontré."

"Allez."

Avec un cri bestial, les démons quittent les deux malheureux et, à travers un tourbillon de vent qui fait ondoyer les chênes comme des herbes, ils s'abattent sur les porcs très nombreux. Les animaux se mettent à courir comme des possédés à travers les chênes avec des cris vraiment démoniaques. Ils se heurtent, se blessent, se mordent, et enfin se précipitent dans le lac lorsque, arrivés à la cime de la haute falaise, ils n'ont plus pour refuge que l'eau qu'elle domine. Pendant que les gardiens, bouleversés et désolés, hurlent d'épouvante, les bêtes, par centaines, avec des bruits sourds se précipitent dans les eaux tranquilles où ils produisent des tourbillons d'écume.

Ils coulent, reviennent en surface, se retournent montrant leurs panses rondes ou leurs museaux pointus avec des yeux terrifiés et finalement se noient.

Les bergers courent en criant vers la ville.

186.6 – Les apôtres, arrivés sur le lieu du désastre, reviennent en disant :

"Il n'y en a pas eu un seul de sauvé ! Tu leur as rendu un bien mauvais service !"

Jésus calmement répond :

"Mieux vaut que périssent deux milliers de porcs qu'un seul homme. Donnez un vêtement à ces gens-là. Ils ne peuvent pas rester ainsi."

Le Zélote ouvre un sac et donne un de ses vêtements. Thomas donne le second. Les deux hommes sont encore un peu étourdis, comme s'ils sortaient d'un lourd sommeil plein de cauchemars.

"Donnez-leur de la nourriture. Qu'ils recommencent à vivre en hommes."

Pendant que les deux mangent le pain et les olives qu'on leur a donnés et boivent à la gourde de Pierre, Jésus les observe.

À la fin ils parlent :

"Qui es-tu ?" dit l'un.

"Jésus de Nazareth."

"Nous ne te connaissons pas" dit l'autre.

"Votre âme m'a connu. Levez-vous maintenant et rentrez chez vous."

"Nous avons beaucoup souffert, je crois, mais je ne me rappelle pas bien. Qui est celui-là ?" demande celui que le démon faisait parler et il montre son compagnon.

"Je ne sais pas. Il était avec toi."

"Qui es-tu ? Et pourquoi es-tu ici ?" demande-t-il à son compagnon.

Celui qui était comme muet et qui est encore le plus inerte, dit :

"Je suis Démétrius. C'est Sidon, ici ?"

"Sidon est au bord de la mer, homme. Ici, tu es au-delà du lac de Galilée."

"Et pourquoi suis-je ici ?"

Personne ne peut donner de réponse.

186.7 – Voilà que les gens arrivent suivis des gardiens. Ils semblent apeurés et curieux. Quand ensuite ils voient les deux possédés habillés, leur stupeur augmente.

"Celui-ci c'est Marc de Josias !... Et celui-là le fils du marchand païen !…"

"Cet autre, c'est Celui qui les a guéris et qui a fait périr nos porcs, car les démons qui étaient entrés en eux les ont affolés" disent les gardiens.

"Seigneur, tu es puissant, nous le reconnaissons. Mais tu nous as déjà fait trop de mal ! Un dommage de plusieurs talents. Va-t-en, nous t'en prions, que ta puissance ne fasse pas écrouler la montagne pour la plonger dans le lac. Va-t-en..."

"Je m'en vais. Je ne m'impose à personne"

Et Jésus revient sur par le chemin déjà fait, sans discuter. Vient, derrière les apôtres, le possédé qui parlait. Derrière, à distance, plusieurs habitants de la ville, pour voir s'il part réellement.

186.8 – Ils suivent à nouveau le sentier rapide et reviennent à l'embouchure du petit torrent, près des barques. Les habitants restent sur la berge à regarder. Le possédé délivré descend derrière Jésus.

Dans les barques, les garçons sont épouvantés. Ils ont vu la pluie de porcs qui tombaient dans le lac et regardent encore les corps qui surnagent toujours plus nombreux, toujours plus gonflés avec leurs panses arrondies à l'air et leurs courtes pattes raidies fixées comme des pieux sur une masse de lard.

"Mais qu'est-ce qui est arrivé ?" demandent-ils.

"Nous allons vous le dire. Maintenant détachez les amarres et partons... Où, Seigneur ?" dit Pierre.

"Dans le golfe de Tarichée."

L'homme qui les a suivis [5], maintenant qu'il les voit monter dans les barques, dit en suppliant:

"Prends-moi avec Toi, Seigneur."

"Non, rentre chez toi. Les tiens ont le droit de t'avoir. Parle-leur des grandes choses que t'a faites le Seigneur et comment Il a eu pitié de toi. Cette région a besoin de croire. Allume les flammes de la foi par reconnaissance pour ton Seigneur. Va. Adieu."

"Réconforte-moi au moins par ta bénédiction, que le démon ne me reprenne pas."

"Ne crains pas. Si tu ne le veux pas, il ne reviendra pas. Mais je te bénis. Va en paix."

Les barques s'éloignent de la rive en direction est-ouest. Alors seulement, pendant qu'elles fendent les flots où flottent les cadavres des porcs, les habitants de la cité qui n'a pas voulu Le Seigneur quittent la berge et s'en vont.

J’indique ici la configuration du lieu [6].

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 8 Image009

D’après un dessin de Maria Valtorta.

[1] Les deux manœuvres anonymes (Cf. EMV 185).

[2] Cf. EMV 180.

[3] Les porcs sont qualifiés d’impurs en Lévitique 11, 7 et Deutéronome 14, 8.
Plus généralement la classification des animaux purs et impurs, ainsi que les prescriptions afférentes, se trouvent en Genèse 7, 2-3 ; Lévitique 11 et Deutéronome 14, 3-21.
Voir l’altercation entre Pierre et un hôtelier en EMV 292.1.

[4] Le texte original parle bien, ici, au singulier : Lasciami.
Cette demande singulière sera interprétée avec ingénuité par Pierre en EMV 203.3.

[5] Marc de Josias.

[6] La configuration du lieu est reproduite ci-dessous comme Maria Valtorta l'a dessinée sur la dernière page du cahier manuscrit. De gauche à droite, les noms des villes bordant le lac sont: Tarichée, Tibériade, Magdala, Capharnaüm, Bethsaïde, Guerguesa, Hippos. Au sud de Hippos, après le torrent, il est indiqué "lieu du débarquement" et Gamla dans l'arrière-pays. Entre ces derniers se trouvent des petits points, expliqués en bas de page de la manière suivante : "L’endroit en pointillé représente les bois de chênes." Au nord se trouve Chorazeïn.
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 5 Jan - 15:39

187. De Tarichée à Jérusalem pour la Pâque.
Jean pris par l’amour de la mer.


Ancienne édition : Tome 3, chapitre 48.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 187.


Vision du mardi 12 juin 1945.

187.1 – Jésus congédie les barques en disant :  

"Je ne reviendrai pas".  

Puis, suivi des apôtres, à travers la région qui de la rive opposée semblait fertile, il se dirige vers une montagne qui apparaît en direction sud sud-ouest.        

La traversée de cette région belle, mais sauvage, n’enthousiasme guère les apôtres : le chemin est couvert de joncs qui s'accrochent aux pieds; de roseaux qui font pleuvoir sur la tête une pluie de rosée retenue par les feuilles; de broussins qui frappent le visage avec la masse dure de leurs fruits séchés; de saules pleureurs fragiles dont les branches retombent de tous côtés en vous chatouillant; de plaques traîtresses d'herbes qui paraissent poussées sur un terrain solide et qui au contraire cachent des flaques d'eau où le pied s'enfonce, ce ne sont en effet que des enchevêtrements de queues-de-renard et de vesces qui ont poussé sur des flaques d'eau et qui sont si serrées qu'elles cachent l'élément qui leur a donné naissance. Les apôtres cheminent en silence, ne se parlant que du regard.      

Jésus, de son côté, paraît merveilleusement heureux au milieu de cette verdure aux mille couleurs, de toutes ces fleurs qui rampent, qui se tiennent droites, qui s'agrippent pour montrer, qui tendent de jolis festons parsemés de légers liserons d'un rose mauve très léger, qui font un gentil tapis d'azur par les milliers de corolles des myosotis des marais qui ouvrent la coupe parfaite de la corolle blanche, rosée ou bleue au milieu des larges feuilles plates des nénuphars. Jésus admire les panaches des roseaux de marais, soyeux et emperlés de rosée, et il se penche ravi pour observer la délicatesse des queues-de-renard qui couvrent l'eau d'un voile émeraude. Jésus s'arrête extasié devant les nids que les oiseaux construisent en un joyeux aller et venir agrémenté de trilles, voletant, s'empressant joyeusement, le bec plein de brins de foin, d'ouate prise aux roseaux, de flocons de laine arrachés aux haies qui les avaient arrachés aux troupeaux en migration... Il semble le plus heureux du monde. Le monde où est-il avec ses méchancetés, sa fausseté, ses douleurs, ses embûches ? Le monde est au-delà de cette oasis de verdure verte et fleurie, où tout parfume, resplendit, rit, chante. Ici c'est la terre créée par le Père et que l'homme n'a pas profanée, et ici on peut oublier l'homme.        

187.2 – Il veut faire partager son bonheur aux autres, mais il ne trouve pas un accueil favorable. Les cœurs sont fatigués et exacerbés par tant de malveillance. Ils la reportent sur les choses et même sur le Maître en un mutisme qui ressemble à l'immobilité de l'air avant un orage. Seuls, le cousin Jacques, le Zélote et Jean s'intéressent à ce qui intéresse Jésus. Mais les autres sont seulement. … absents, pour ne pas dire hostiles. Peut-être, pour ne pas jaser, ils gardent le silence entre eux, mais intérieurement ils doivent parler, trop parler même.      

C'est justement une plus vive exclamation admirative devant le joyau vivant d'un pigeon qui vient en volant apporter à sa compagne un petit poisson d'argent, qui les fait parler.  

Jésus dit :

"Mais peut-il y avoir rien de plus gentil ?"  

Pierre répond :    

"De plus gentil, peut-être pas... mais, je t'assure que la barque c'est plus pratique. Ici, il y a de l'eau aussi, mais par contre ce n'est pas confortable..."        

"Moi, je préférerais le chemin des caravanes à ce... jardin, s'il te plaît de l'appeler ainsi, et je suis tout à fait d'accord avec Simon" dit l'Iscariote.        

"Le chemin des caravanes, c'est vous qui ne l'avez pas voulu" répond Jésus.        

"Hé ! bien sûr... Mais moi, je n'aurais pas cédé aux géraséniens. J'aurais quitté cet endroit mais j'aurais continué ma route au-delà du fleuve en continuant par Gadara, Pella et toujours en descendant" grommelle Barthélemy.        

Son grand ami Philippe termine :      

"Les routes appartiennent à tout le monde, enfin, et nous pouvions y passer, nous aussi."        

"Amis, amis ! Je suis tellement affligé, j'ai une telle nausée... N'augmentez pas ma peine avec vos mesquineries ! Laissez-moi chercher un peu de réconfort dans les choses qui ne connaissent pas la haine..."      

Le reproche, par sa douce tristesse, touche les apôtres.    

"Tu as raison, Maître. Nous sommes indignes de Toi. Pardonne notre sottise. Tu es capable de voir ce qui est beau parce que tu es saint et que tu regardes avec les yeux du cœur. Nous, pauvre chair, nous n'écoutons que cette chair... Mais ne t'en soucie pas. Crois bien que même si nous étions dans un paradis, sans Toi, ce serait triste. Mais avec Toi... oh ! c'est toujours beau pour le cœur. Ce sont les membres qui s'y refusent" murmurent-ils nombreux.          

187.3 – "Nous allons sortir d'ici et nous allons trouver un terrain plus pratique, même s'il est moins frais" promet Jésus.          

"Où allons-nous précisément ?" demande Pierre.

"Donner la Pâque aux gens qui souffrent. Je voulais le faire depuis un certain temps. Je n'ai pas pu. Je l'aurais fait au retour en Galilée. Maintenant qu'on nous oblige à suivre des routes que nous n'aurions pas choisies, je vais bénir les pauvres amis de Jonas."

"Mais nous allons perdre du temps ! La Pâque est proche ! Il y a toujours des retards pour des raisons diverses."        

Un autre chœur de lamentations s'élève vers le ciel. Je ne sais comment Jésus peut avoir tant de patience.      

Il dit, sans faire de reproches à personne :  

"Je vous en prie, ne m'apportez pas d'obstacles ! Comprenez mon besoin d'aimer et d'être aimé. Je n'ai que ce réconfort sur la terre : aimer et faire la volonté de Dieu."      

"Et nous y allons d'ici ? N'était-ce pas plus beau d'y aller par Nazareth ?"          

"Si je vous l'avais proposé, vous vous seriez rebellés. Personne ne me croira dans ces parages... et je le fais pour vous... qui avez peur."          

"Peur ? Ah ! non ! Nous sommes prêts à combattre pour Toi."  

"Priez le Seigneur de ne pas vous mettre à l'épreuve. Je vous sais bagarreurs, rancuniers, avec la manie de vous en prendre à ceux qui m'attaquent, de mortifier le prochain. Tout cela, je le sais. Mais que vous soyez courageux, je ne le sais pas. Pour Moi, je m'en serais allé et même seul par la route ordinaire et rien ne me serait arrivé, car ce n'est pas 1'heure. Mais j'ai pitié de vous, mais j'obéis à ma Mère et, oui, même cela, mais je ne veux pas blesser le pharisien Simon. Je ne les blesserai pas. Mais eux me blesseront."      

"Et d'ici où passe-t-on ? Je ne connais pas cette région" dit Thomas.  

"Nous rejoignons le Thabor, nous le longeons en partie et en passant près d'En-Dor, nous allons à Naïm. De là, dans la plaine d'Esdrelon. Ne craignez pas !... Doras, fils de Doras et Yokhanan sont déjà à Jérusalem."          

187.4 – "Oh ! ce sera beau ! On dit que du sommet, à un certain point, on voit la Grande Mer, celle de Rome. Cela me plaît tant ! Tu nous amènes la voir ?" Jean prie Jésus avec son beau visage d'enfant tourné vers Lui.

"Pourquoi as-tu tant de plaisir à la voir ?" lui demande Jésus en le caressant.

"Je ne sais pas... parce qu'elle est grande et qu'on n'en voit pas la fin... Elle me fait penser à Dieu... Quand nous avons été sur le Liban, j'ai vu la mer pour la première fois parce que je n'avais jamais été ailleurs que le long du Jourdain ou sur notre petite mer... et j'ai pleuré d'émotion. Tant d'azur ! Tant d'eau ! Et qui ne déborde jamais !... Quelle chose merveilleuse ! Et les astres qui sur la mer dessinent des routes lumineuses... Oh ! ne riez pas de moi ! Je regardais le chemin d'or du soleil jusqu'à en être ébloui, le chemin argenté de la lune jusqu'à n'avoir plus dans les yeux que son éclatante blancheur, et je les voyais se perdre dans le lointain.  Ces chemins me parlaient. Ils me disaient : "Dieu est dans ce lointain infini et ce sont les chemins de feu et de pureté qu'une âme doit suivre pour aller à Dieu. Viens. Plonge-toi dans l'infini, en ramant sur ces deux chemins, et tu trouveras l'Infini".        

"Tu es poète, Jean" dit Thaddée admiratif.    

"Je ne sais pas si c'est de la poésie. Je sais que cela m'enflamme le cœur."        

"Mais la mer tu l'as vue aussi à Césarée et à Ptolémaïs, et de bien près. Nous étions sur la rive ! Je ne vois pas la nécessité de faire tant de chemin pourvoir une autre étendue de mer. Au fond... nous sommes nés sur l'eau..." observe Jacques de Zébédée.

"Et nous y sommes aussi maintenant, malheureusement !" s'exclame Pierre, qui distrait un moment pour écouter Jean, n'a pas vu une flaque traîtresse et s'y est enfoncé copieusement... On rit, et Pierre le premier.        

Mais Jean répond :        

"C'est vrai, mais d'en haut c'est plus beau. On voit plus large et plus loin. On pense plus haut et plus vaste... On désire... on songe..." et vraiment Jean rêve déjà... Il regarde devant lui, sourit à son rêve... On dirait une rose carnée, humide d'une très fine rosée, tant sa peau lisse et claire de jeune blond prend un velouté carné couvert d'une légère sueur qui le fait encore plus semblable à un pétale de rose.    

"Que désires-tu ? À quoi rêves-tu ?" demande doucement Jésus à son préféré.      

On dirait un père qui interroge doucement son cher petit qui parle dans un doux sommeil. C'est vraiment à l'âme de Jean que Jésus parle, tant sa question se fait douce pour ne pas déchirer le rêve amoureux.  

"Je désire aller sur cette mer infinie... vers d'autres terres qui sont au-delà... Je désire y aller pour parler de Toi... Je rêve, je rêve d'un voyage à Rome, en Grèce, vers des lieux ténébreux pour y apporter la Lumière... pour que ceux qui vivent dans les ténèbres prennent contact avec Toi et vivent en communion avec Toi, Lumière du monde... Je rêve à un monde meilleur... de le rendre meilleur en te faisant connaître, c'est-à-dire par la connaissance de l'Amour qui crée la bonté, qui rend pur, qui rend héroïque, un monde où l'on s'aime en ton Nom par-dessus la haine, par-dessus le péché, la chair, le vice de l'esprit, par-dessus l'or, par-dessus toute chose élève ton Nom, la Foi en Toi, ta Doctrine...  

Je rêve d'être avec ces frères, mes frères et d'aller à travers la mer de Dieu, sur des chemins de lumière pour te porter Toi... comme autrefois ta Mère t'a porté parmi nous quand tu venais des Cieux... Je rêve... je rêve d'être le petit enfant qui, ne connaissant autre chose que l'amour, est tranquille, même devant les tourments... et chante pour réconforter les adultes qui réfléchissent trop et qui va de l'avant... à la rencontre de la mort avec un sourire... à la rencontre de la gloire avec l'humilité de celui qui ne sait pas ce qu'il fait, mais qui sait seulement qu'il va vers Toi, Amour..."  

Les apôtres ont retenu leur respiration durant l'extatique confession de Jean... Arrêtés là où ils étaient, ils regardent le plus jeune qui parle avec ses yeux voilés par les paupières comme par un voile jeté sur l'ardeur qui s'élève de son cœur. Ils regardent Jésus qui se transfigure dans la joie de se retrouver si complètement dans son disciple...      

Quand Jean se tait, tout en restant un peu incliné – cela rappelle la grâce de l'humble Marie à l'Annonciation de Nazareth - Jésus l’embrasse sur le front en disant :  

"Nous irons voir la mer pour te faire rêver encore à l'avenir de mon Royaume dans le monde."      

187.5 – "Seigneur... après tu as dit que nous allons à En-Dor. Alors, fais-moi plaisir à moi aussi... pour me faire passer l'amertume du jugement de cet enfant..." dit l'Iscariote.      

"Oh ! tu y penses encore ?" demande Jésus.

"Toujours. Je me sens diminué à tes yeux et à ceux de mes compagnons. Je réfléchis à ce que vous pouvez penser..."      

"Comme tu te fatigues le cerveau pour rien ! Pour Moi, je ne pensais même plus à cette bagatelle et pour les autres, c'était sûrement la même chose. C'est toi qui en ramènes le souvenir... Tu es un enfant habitué seulement aux caresses et la parole d'un enfant t'est apparue comme la condamnation d'un juge. Mais ce n'est pas cette parole que tu dois craindre, mais plutôt ta conduite et le jugement de Dieu. Mais pour te persuader que tu m'es cher comme avant, comme toujours, je te dis que je vais te faire ce plaisir. Que veux-tu voir à Endor ? C'est un pauvre endroit parmi les rochers..."    

"Je te le dirai. Accepte de m’y conduire".    

"C'est bien. Mais attention à ne pas en souffrir après..."  

"Si, pour lui, voir la mer ne peut le faire souffrir, voir En-Dor ne peut me nuire."      

"Voir? ...Non, mais c'est le désir de ce que tu cherches à voir en voyant, qui peut te faire du mal. Mais nous irons..."

Ils reprennent la route en direction du Thabor [1] dont la masse apparaît toujours plus proche alors que le sol se dépouille de son aspect marécageux, devient solide et a une végétation plus clairsemée faisant place à des plantes plus élevées ou à des buissons d'aubépines et de ronces qui rient avec leurs frondaisons nouvelles et leurs fleurs précoces.      

[1]  Ce que dira Jésus à ses apôtres sur le Mont Thabor, sera révélé par Jean au chapitre EMV 244: Ce n’est rien moins que le Prologue de Jean : "Au commencement était le Verbe.
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 6 Jan - 9:13

A En-dor, après une ascension sur le mont Thabor.
La caverne de la magicienne et la rencontre de Félix, qui reçoit le nom de Jean


Ancienne édition : Tome 3, chapitre 49.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 188.


Vision du 13 juin 1945

      188.1 Le mont Thabor est maintenant derrière les voyageurs, ils l’ont déjà dépassé. Le groupe chemine dans une plaine située entre cette montagne et une autre qui lui fait face, en parlant de l’ascension que tout le monde a faite. Il semble pourtant que, au début, les plus âgés auraient bien voulu se l’épargner. Mais, maintenant, tous sont contents d’être arrivés jusqu’au sommet.

      Leur marche est aisée car on est sur une route de grande communication, assez praticable. L’heure est fraîche, car j’ai l’impression qu’ils ont passé la nuit sur les pentes du Thabor.

      « Voici En-Dor, dit Jésus en montrant du doigt un misérable village agrippé aux premiers contreforts de cet autre groupe montagneux. Tu veux vraiment y aller ?

      − Si tu veux me faire plaisir…, répond Judas.

      − Dans ce cas, allons-y.

      − Mais cela fera beaucoup de chemin ? demande Barthélemy qui, en raison de son âge, ne doit pas être très partisan des excursions panoramiques.

      − Oh non ! Mais, si vous voulez rester…, dit Jésus.

      − Oui, oui ! Vous n’avez qu’à rester. Il me suffit d’y aller avec le Maître, se hâte d’ajouter Judas.

      − En fait, je voudrais savoir ce qu’il y a de beau à voir avant de me décider… Au sommet du Thabor, nous avons vu la mer et après le discours du garçon, je dois reconnaître que je l’ai bien vue pour la première fois, et je l’ai vue comme, toi, tu vois : avec le cœur. Ici… je voudrais savoir s’il y a quelque chose à apprendre et, si c’est le cas, je viens même si je dois me fatiguer, dit Pierre.

      − Tu les entends ? Tu n’as pas encore précisé tes intentions. Par gentillesse pour tes compagnons, fais-le maintenant, dit Jésus.

      − N’est-ce pas à En-Dor que Saül voulut aller consulter la pythie [1] ?

      − Oui. Eh bien ?

      − Eh bien, Maître, j’aimerais y aller et t’entendre parler de Saül.

      − Oh ! Alors j’y viens moi aussi ! S’exclame Pierre, enthousiaste.

      − Dans ce cas, allons-y. »

      Ils parcourent rapidement le dernier tronçon de route principale, puis la laissent pour un chemin secondaire qui mène directement à En-Dor.

      188.2 C’est une pauvre localité, comme l’a dit Jésus. Les maisons sont accrochées aux pentes qui, plus loin, après le village, de­viennent plus abruptes. Les habitants sont pauvres. Ils doivent tout au plus pratiquer l’élevage de moutons sur les pâturages de la montagne et au milieu des forêts de chênes séculaires. On voit aussi quelques petits champs d’orge ou de céréales du même genre dans les coins favorables, ainsi que des pommiers et des figuiers. Quelques rares vignes autour des maisons servent à orner un peu les murs, sombres, comme si ce pays était plutôt humide.

      « Nous allons demander où se trouvait la magicienne » dit Jésus.

      Et il arrête une femme qui revient de la fontaine avec ses amphores.

      La femme le regarde curieusement, puis répond impoliment :

      « Je ne sais pas. J’ai bien d’autres choses à faire plus importantes que ces balivernes, moi ! » et elle le laisse en plan.

      Jésus s’adresse alors à un petit vieux qui taille un morceau de bois.

      « La magicienne ?…Saül ?…Qui s’en soucie encore ? Mais attends… Il y a quelqu’un qui a étudié et il saura peut-être… Viens. »

      Le petit vieux monte en boitant par un sentier pierreux, jusqu’à une maison très misérable et négligée.

      « C’est ici. Je vais entrer et l’appeler. »

      Pierre, montrant des poulets qui grattent le sol dans une cour malpropre, dit :

      « Cet homme n’est pas juif. »

      Mais il n’ajoute rien, parce que le petit vieux revient, suivi d’un homme borgne, sale et désordonné comme tout ce qu’il y a dans sa maison.

      Le vieillard dit :

      « Vois-tu, cet homme dit que c’est là, après cette maison en ruines. Il faut prendre un sentier, puis passer un ruisseau, un bois et des cavernes ; la plus haute, celle qui montre encore des murs écroulés sur le côté, c’est celle que tu cherches. N’est-ce pas ce que tu as dit ?

      − Non. Tu as tout embrouillé. Je vais accompagner moi-même avec ces étrangers. »

      L’homme a une voix rude et gutturale, ce qui accroît l’impression défavorable.

      188.3 Ils marchent. Pierre, Philippe et Thomas font signes sur signes à Jésus pour qu’il n’y aille pas. Mais Jésus ne les écoute pas. Il avance avec Judas, derrière l’homme, et les autres le suivent… de mauvaise grâce.

      « Tu es juif ? demande l’homme.

      – Oui.

      – Moi aussi ou presque, même si je n’en donne pas l’impression. Mais j’ai vécu très longtemps dans d’autres pays et j’ai pris des habitudes qui ne plaisent pas à ces imbéciles. Je vaux mieux que les autres, mais ils me traitent de démon parce que je lis beaucoup, que j’élève des poulets que je vends aux Romains et que je sais soigner par les plantes. Quand j’étais jeune, à cause d’une femme, je me suis querellé avec un Romain – j’étais alors à Cintium – et je l’ai poignardé. Lui, il est mort, moi j’ai perdu un œil et ce que je possédais et je fus condamné à des années de travaux forcés… pour toujours. Mais je savais soigner et j’ai guéri la fille d’un gardien. Cela me valut son amitié et un peu de liberté… J’en ai profité pour m’enfuir. J’ai mal agi, car cet homme a certainement payé ma fuite de sa vie. Mais la liberté semble belle quand on est prisonnier…

      – Et elle n’est pas belle, après ?

      – Non, mieux vaut la prison, où l’on est seul, que le contact avec les hommes qui ne respectent pas votre solitude et sont autour de vous pour vous haïr…

      – Tu as étudié les philosophes ?

      – J’étais maître à Cintium… J’étais prosélyte…

      – Et maintenant ?

      – Maintenant, je ne suis rien. Je vis dans la réalité, et dans la haine, de même qu’on m’a haï et qu’on me hait.

      – Qui te hait ?

      – Tout le monde. Et Dieu en premier. J’avais une femme… et Dieu a permis qu’elle me trahisse et me ruine. J’étais libre et respecté, et Dieu a permis que je devienne un forçat. L’abandon de Dieu, l’injustice des hommes ont rayé de mon existence Celui-ci et ceux-là. Ici, il n’y a plus rien… »

      Et il se bat le front et la poitrine.

      « Ou, pour dire mieux : ici, dans ma tête, il y a la pensée, le savoir. Là, il n’y a rien. »

      Et il crache avec mépris.

      « Tu te trompes : il y a encore deux choses.

      – Lesquelles ?

      – Le souvenir et la haine. Enlève-les. 188.4 Sois vraiment vide… et moi, je te donnerai une chose nouvelle à y mettre.

      – Quoi ?

      – L’amour.

      – Ha ! Ha ! Ha ! Tu me fais rire ! Voici trente-cinq ans que je ne riais plus, homme. Depuis que j’ai eu la preuve que ma femme me trahissait avec un marchand de vin romain. L’amour ! L’amour, à moi ! C’est comme si je jetais des pierres précieuses à mes poulets ! Ils mourraient d’indigestion s’ils ne réussissaient pas à les évacuer. Il en va de même pour moi : ton amour me pèserait sur le cœur si je ne pouvais le digérer…

      – Non, homme ! Ne parle pas comme cela ! »

      Jésus, réellement et visiblement affligé, lui pose la main sur l’épaule.

      L’homme le regarde de son œil unique, et ce qu’il voit dans ce visage doux et très beau le rend muet et change son expression. Du sarcasme, il passe à un profond sérieux et de là à une vraie tristesse. Il baisse la tête puis demande, d’une voix transformée :

      « Qui es- tu ?

      – Jésus de Nazareth. Le Messie.

      – Toi !

      – Moi. Tu n’as pas entendu parler de moi, toi qui lis ?

      – Je savais… Mais pas que tu étais vivant et pas… Ah ! Surtout, cela, je ne le savais pas ! Je ne savais pas que tu étais bon avec tout le monde… comme ça… même avec les assassins… Pardonne ce que je t’ai dit… de Dieu et de l’amour… Maintenant, je comprends pourquoi tu veux me donner l’amour… Car sans l’amour, le monde est un enfer et toi, le Messie, tu veux en faire un paradis.

      – Un paradis dans tout cœur. Donne-moi le souvenir et la haine qui te rendent malade et laisse-moi mettre dans ton cœur l’amour !

      – Ah ! Si je t’avais connu plus tôt !… A l’époque… Mais quand j’ai tué, tu n’étais sûrement pas né… Mais après… après… lorsque, libre comme l’est le serpent dans les forêts, j’ai vécu pour empoisonner par ma haine.

      – Mais tu as aussi fait du bien. N’as-tu pas dit que tu soignais par les herbes ?

      – Oui. Pour être toléré. Mais que de fois j’ai lutté contre la volonté d’empoisonner au moyen de philtres !… Tu vois ? Je me suis réfugié ici parce que… c’est un village où l’on ignore le monde, et que le monde ignore. Un village maudit. Ailleurs, on me haïssait et je haïssais, et j’avais peur d’être reconnu… Mais je suis mauvais.

      – Tu as regretté d’avoir causé du mal au gardien de la prison. Tu vois que tu es encore capable de bonté ? Tu n’es pas méchant… Tu as seulement une grande blessure ouverte et personne ne te la soigne… Ta bonté s’en va par elle, comme le sang par les blessures. Mais s’il y avait quelqu’un pour te soigner et fermer ta blessure, mon pauvre frère, ta bonté ne s’enfuirait plus au fur et à mesure qu’elle se forme. Elle grandirait en toi… »

      L’homme, la tête penchée, pleure sans que rien ne trahisse ses larmes. Seul Jésus, qui marche à côté de lui, le voit. Oui, il le voit. Mais il ne dit rien de plus.

      188.5 Ils arrivent à un taudis fait de décombres et de cavernes dans la montagne. L’homme cherche à raffermir sa voix et il dit :

      « Voilà, c’est ici. Entre donc.

      – Merci, mon ami. Sois bon. »

      L’homme garde le silence et reste là où il est, pendant que Jésus, accompagné de ses disciples, enjambe des pierres qui étaient certainement des matériaux de murailles solides, dérangeant des lézards verts et d’autres bêtes sauvages. Ils entrent dans une vaste grotte tapissée de suie sur les parois de laquelle il y a encore, gravés dans la pierre, les signes du zodiaque et semblables histoires. Dans un coin, noirci par la fumée, se trouve une niche et, au-dessous, un trou qui ressemble à une bouche d’égout pour l’écoulement de liquide. Les chauves-souris décorent le plafond de leurs grappes repoussantes. Un hibou, dérangé par la lumière d’une branche que Jacques a allumée pour voir s’ils marchent sur des scorpions ou des aspics, se lamente en battant ses ailes ouatées et en fermant ses gros yeux blessés par la lumière. Il est justement perché dans la niche, et une puanteur de rats morts, de belettes, d’oiseaux en putréfaction sous ses pieds se mêle à l’odeur des excréments et du sol humide.

      « Quel bel endroit, en vérité ! Dit Pierre. Mon garçon, ça ne vaut pas ton mont Thabor et ta mer ! »

      Puis, se tournant vers Jésus :

      « Maître, satisfais vite Judas, parce que, ici… ce n’est sûrement pas la salle royale d’Hérode Antipas !

      – Tout de suite. Que veux-tu savoir de précis ? demande-t-il à Judas.

      – Voilà… : je voudrais savoir si et pourquoi Saül a péché en venant ici… Je voudrais savoir s’il est possible qu’une femme puisse invoquer les morts. Je voudrais savoir si… Ah ! En somme, parle, toi ! Je te poserai des questions.

      – Cela demande du temps ! Sortons au moins au soleil, sur les rochers… Nous éviterons l’humidité et la puanteur ! » supplie Pierre.

      Jésus y consent. Ils s’assoient comme ils peuvent sur les ruines des murailles.

      « Le péché de Saül n’a été que l’un de ses péchés. Il a été précédé et suivi de beaucoup d’autres, tous graves. Double ingratitude envers Samuel qui lui avait donné l’onction royale et qui s’éclipsa ensuite pour ne pas partager avec le roi l’admiration du peuple. Ingratitude envers David qui l’a débarrassé de Goliath et épargné dans la caverne d’Engadi [2] et à Hakila [3]. Coupable de multiples désobéissances et de scandales dans le peuple. Coupable d’avoir affligé Samuel son bienfaiteur, en manquant à la charité. Coupable de jalousie et d’attentats contre David, son autre bienfaiteur et enfin du crime commis ici.

      – Contre qui ? Il n’y a tué personne.

      – Il a tué son âme. Il a fini de la tuer, ici, à l’intérieur.

      188.6 Pourquoi baisses-tu la tête ?

      – Je réfléchis, Maître.

      – Tu réfléchis, je le vois. A quoi penses-tu ? Pourquoi as-tu voulu venir ? Ce n’est pas par pure curiosité intellectuelle, reconnais-le.

      – On entend toujours parler de magie, de nécromancie, d’invocation d’esprits… Je voulais voir si je découvrais quelque chose… Il me plairait de savoir comment cela arrive… Je pense que nous, qui sommes destinés à étonner pour attirer, nous devrions être un peu nécromanciens. Tu es toi, et tu agis par ta puissance. Mais nous, il nous faut chercher une puissance, une aide pour opérer des œuvres étranges qui s’imposent…

      – Oh ! Tu es fou ? Mais que dis-tu ? s’écrient plusieurs.

      – Taisez-vous. Laissez-le parler. Sa folie est autre chose que de la folie.

      – Oui, en somme, il me semblait qu’en venant ici, un peu de la magie de cette époque pourrait entrer en moi et me rendre plus grand. Dans ton intérêt, crois-le bien.

      – Je sais que tu es sincère dans le désir que tu éprouves actuellement. Mais je te réponds avec des paroles éternelles, car ce sont des paroles du Livre, et le Livre existera tant qu’il y aura des hommes. Cru ou méprisé, défendu au nom de la vérité ou tourné en ridicule, il existera, il existera toujours.

      Il est dit : “ Eve, ayant vu que le fruit de l’arbre était bon à manger et beau à voir, le cueillit, en mangea et en donna à son mari… Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils s’aperçurent qu’ils étaient nus, et ils se firent des ceintures… Et Dieu dit : ‘ Et qui vous a appris que vous étiez nus ? Vous avez donc mangé de l’arbre dont je vous avais défendu de manger. ’ Et il les chassa du paradis de délices [4]. ” Et il est écrit dans le livre de Saül : “ Samuel dit, en apparaissant : ‘ Pourquoi m’as-tu troublé en me faisant invoquer ? Pourquoi m’interroger après que le Seigneur s’est retiré de toi ? Le Seigneur te traitera comme je te l’ai dit… parce que tu n’as pas obéi à la voix du Seigneur. [5] ’ ”

      Mon fils, ne tends pas la main vers le fruit défendu. Il est déjà imprudent de l’approcher. Ne sois pas curieux de connaître ce qui est au-delà de la terre, de peur d’être victime du poison satanique. Fuis l’occultisme et ce qui ne s’explique pas. Une seule chose doit être accueillie avec une sainte foi : Dieu. Mais ce qui n’est pas Dieu et ne s’explique pas par les forces de la raison ni ne peut être créé par des forces humaines, fuis-le, fuis-le, afin que ne s’ouvrent pas pour toi les sources de la malice et que tu ne comprennes pas que tu es “ nu ”. Nu signifie repoussant dans une humanité mêlée au satanisme.

      Pourquoi veux-tu étonner par d’obscurs prodiges ? Etonne par ta sainteté, et qu’elle soit lumineuse comme une chose qui vient de Dieu. Ne désire pas déchirer les voiles qui séparent les vivants des trépassés. Ne trouble pas les défunts. Ecoute-les, s’ils sont sages, tant qu’ils sont sur la terre. Vénère-les en leur obéissant même après leur mort. Mais ne trouble pas leur seconde vie. Celui qui n’obéit pas à la voix du Seigneur perd le Seigneur. Or le Seigneur a interdit l’occultisme, la nécromancie, le satanisme sous toutes ses formes. Que veux-tu savoir de plus que ce que la Parole te dit déjà ? Que veux-tu opérer de plus que ce que ta bonté et ma puissance te permettent d’opérer ? Ne désire pas le péché, mais la sainteté, mon fils.

      Ne sois pas blessé par ce que je te dis. Il me plaît que tu te découvres dans ton humanité. Ce qui te plaît à toi plaît à beaucoup, à trop de gens. Seul le but que tu fixes à ce que tu désires : “ être puissant pour attirer à moi ”, enlève à cette humanité un grand poids et lui donne des ailes. Mais ce sont des ailes d’oiseau de nuit. Non, mon Judas : mets à ton âme des ailes lumineuses, des ailes d’ange. Ce n’est que grâce à leur souffle que tu attireras les cœurs, que tu les transporteras, dans ton sillage, vers Dieu. Pouvons-nous partir ?

      – Oui. Maître ! Je me suis trompé…

      – Non, tu as été un chercheur… Le monde en sera toujours rempli. Viens, viens. Sortons de ce lieu de puanteur. Marchons vers le soleil ! Dans quelques jours, ce sera la Pâque [6], ensuite nous irons chez ta mère ; c’est elle que j’invoque pour toi : ta maison honnête, ta mère sainte. Oh, quelle paix ! »

      Comme toujours, le souvenir de sa mère, les éloges du Maître sur sa mère rassérènent Judas.

      188.7 Ils sortent des ruines et commencent à descendre par le sentier qu’ils avaient pris. L’homme borgne est resté sur place.

      « Encore là ? demande Jésus en faisant mine de ne pas remarquer son visage rougi par les larmes.

      – Oui. Si tu me le permets ; je te suis. J’ai une chose à te dire…

      – Viens donc avec moi. Que veux-tu me dire ?

      – Jésus… Je crois que, pour trouver la force de parler, de faire la magie sainte de me changer moi-même, d’invoquer mon âme morte comme la magicienne invoqua Samuel pour Saül, je dois dire ton Nom, doux comme ton regard, saint comme ta voix. Tu m’as donné une vie nouvelle et elle est informe, incapable comme celle d’un nouveau-né dont la naissance a été difficile. Elle se débat encore dans l’étreinte d’une mauvaise écorce. Aide-moi à sortir de ma mort.

      – Oui, mon ami.

      – Je… j’ai compris que j’ai encore un peu d’humanité dans mon cœur. Je ne suis pas complètement une bête sauvage, et je puis encore aimer et être aimé, pardonner et être pardonné. Ton amour, ton amour qui est pardon me l’apprend. C’est bien cela, n’est-ce pas ?

      – Oui, mon ami.

      – Alors… emmène-moi avec toi. Je m’appelais Félix ! Quelle ironie ! Mais toi, donne-moi un nouveau nom, afin que le passé soit réellement mort. Je te suivrai comme un chien vagabond qui finit par trouver un maître. Je serai ton esclave, si tu veux. Mais ne me laisse pas seul…

      – Oui, mon ami.

      – Quel nom me donnes-tu ?

      – Un nom qui m’est cher : Jean. Car tu es la grâce que fait le Seigneur.

      – Me prends-tu avec toi ?

      – Pour l’instant, oui. Après, tu me suivras avec les disciples. Mais ta maison ?

      – Je n’ai plus de maison. Je vais laisser aux pauvres ce que j’ai. Donne-moi seulement ton amour et du pain.

      – Viens. »

      Jésus se retourne et appelle les apôtres :

      « Mes amis, et tout spécialement toi, Judas, je vous remercie. Par toi, par vous, une âme vient à Dieu. Voici le nouveau disciple. Il vient avec nous jusqu’au moment où nous pourrons le confier aux frères disciples. Soyez heureux d’avoir trouvé un cœur et bénissez Dieu avec moi. »

      Les douze ne semblent vraiment pas très heureux. Mais ils font bon visage par obéissance et par politesse.

      « Si tu le permets, je pars en avant. Tu me trouveras sur le seuil de la maison.

      – Vas-y. »

      L’homme part en courant. On dirait un autre homme.

      « Et maintenant que nous sommes seuls, je vous ordonne, je vous ordonne, d’être bons avec lui et de ne pas parler de son passé à qui que ce soit. Celui qui parlerait ou manquerait de charité à l’égard de notre frère racheté, se verrait à l’instant repoussé par moi. Vous avez bien compris ? Voyez combien le Seigneur est bon ! Venus ici dans un but humain, il nous accorde d’en repartir après avoir obtenu une faveur surnaturelle. Ah ! Je jubile de la joie qui naît au Ciel pour le nouveau converti. »

      188.8 Ils arrivent devant la maison. Sur le seuil, portant un vêtement foncé et propre, un manteau assorti, une paire de sandales neuves et un grand sac sur les épaules, voilà l’homme. Il ferme la porte puis – chose étrange chez un homme que l’on pourrait croire insensible – il prend une petite poule blanche, peut-être sa préférée, apprivoisée, elle se couche dans ses mains. Il lui donne un baiser et pleure, puis la dépose à terre.

      « Allons-y… et pardonne-moi. Mais eux, mes poulets, m’ont aimé… Je leur parlais et… ils me comprenaient…

      – Je te comprends, moi aussi… et je t’aime. Je t’aime beaucoup. Je te donnerai tout l’amour que pendant trente-cinq années le monde t’a refusé…

     – Ah ! Je le sais ! Je le sens ! C’est pour cela que je viens. Mais aie de la compassion pour un homme qui… qui aime un animal qui… qui… lui a été plus fidèle que l’homme…

      – Oui… oui. Ne pense plus au passé. Tu auras tant à faire ! Et par ton expérience, tu feras beaucoup de bien. Simon, viens ici, et toi aussi, Matthieu. Tu vois ? Cet homme a été plus que prisonnier, et il a été lépreux. L’autre était un pécheur. Et ils me sont chers, car ils savent comprendre les pauvres cœurs… N’est-ce pas ?

      – Grâce à ta bonté, Seigneur. Mais, mon ami, sois bien sûr que tout le passé disparaît si l’on se met à son service. Il ne reste que la paix, dit Simon le Zélote.

      – Oui, la paix et une nouvelle jeunesse viennent remplacer la vieillesse du vice et de la haine. Moi, j’étais publicain, mais maintenant je suis apôtre. Nous avons devant nous le monde et nous sommes instruits sur son compte. Nous ne sommes pas des enfants étourdis qui passent près du fruit nuisible et de l’arbre qui ploie sans voir la réalité. Nous, nous savons. Nous pouvons éviter le mal et apprendre aux autres à l’éviter. Nous savons redresser celui qui plie. Car nous savons comme cela soulage d’être relevés. Et nous connaissons celui qui relève : Lui, dit Matthieu.

      – C’est vrai ! C’est vrai ! Vous m’aiderez. Merci. C’est comme si je passais d’un endroit sombre et fétide à l’espace libre d’un pré en fleurs… J’ai éprouvé quelque chose de semblable quand je suis sorti libre, enfin libre, après vingt années de bagne et de travail épuisant dans les mines d’Anatolie, lorsque je me suis trouvé – je m’étais enfui un soir de tempête – au sommet d’une montagne abrupte, mais dégagée, pleine de soleil à l’aurore et couverte de bosquets odorants… La liberté ! Mais maintenant, c’est encore mieux ! Tout en moi se dilate ! Je n’avais plus de chaînes depuis quinze ans. Mais, pour moi, la haine, la peur, la solitude étaient toujours des chaînes… Les voilà maintenant tombées !…

      188.9 Nous voici à la maison du vieil homme qui vous a conduits à moi. Homme ! Homme ! »

      Le vieillard accourt et se fige comme une statue à la vue du borgne propre, en vêtement de voyage, le visage souriant.

      « Tiens, c’est la clé de ma maison. Je pars, pour toujours. Je te suis reconnaissant car tu es mon bienfaiteur. Tu m’as rendu une famille. Fais de mes biens tout ce que tu veux… et soigne mes poulets. Ne les maltraite pas. A chaque sabbat un romain vient acheter les œufs… Cela te fera un revenu… Traite-les bien, mes poules… et que Dieu t’en récompense. »

      Le vieillard est stupéfait… Il prend la clé et reste bouche bée.

      Jésus dit :

      « Oui, fais comme il te le dit, et moi aussi je t’en serai reconnaissant. Au nom de Jésus, je te bénis.

      – Le Nazaréen ! C’est toi ! Miséricorde ! J’ai parlé avec le Seigneur ! Femmes ! Femmes ! Hommes ! Le Messie est parmi nous ! »

      Il crie comme un putois, et les gens arrivent de tous côtés.

      « Bénis-nous ! Bénis-nous ! » crient-ils.

      Certains disent : « Reste ! », d’autres : « Où vas-tu ? Dis-nous au moins où tu vas.

      – A Naïm. Je ne puis rester.

      – Nous te suivons ! Tu veux bien ?

      – Venez. Et à ceux qui restent, paix et bénédiction. »

      Ils se dirigent vers la grand-route et s’y engagent.

      188.10 L’homme, qui chemine près de Jésus et fatigue sous le poids de son sac, attire la curiosité de Pierre.

      « Mais qu’est-ce que tu as là-dedans de si lourd ? demande-t-il.

      – Mes vêtements… et des livres… Ce sont mes amis, après les poulets et avec eux. Je n’ai pu m’en séparer. Mais ils pèsent lourd.

      – Eh ! La science, ça pèse ! Bien sûr ! Et à qui cela plaît, hein ?

      – Ils m’ont empêché de devenir fou.

      – Eh ! Tu dois bien les aimer ! Mais de quels livres s’agit-il ?

      – Philosophie, histoire, poésie grecque et romaine…

      – C’est beau, beau. Certainement beau. Mais… penses-tu pouvoir les traîner ?

      – j’arriverai peut-être même à m’en séparer. Mais on ne peut pas tout faire à la fois, n’est-ce pas, Messie ?

      – Appelle-moi Maître. C’est vrai, ce n’est pas possible. Mais je te trouverai un lieu où abriter tes amis, les livres. Ils pourront t’être utiles pour discuter sur Dieu avec les païens.

      – Ah ! Ton avis n’a pas la moindre réserve ! »

      Jésus sourit et Pierre s’écrie :

      « Je crois bien ! Lui, il est la Sagesse !

      – Il est la Bonté, sois-en sûr. Toi, tu es cultivé ?

      – Moi ? Ah ! Très cultivé ! Je sais distinguer une alose d’une carpe. Ma culture ne va pas plus loin. Je suis pêcheur, mon ami ! »

      Pierre rit, humble et franc.

      « Tu es honnête. C’est une science qu’on apprend par soi-même. Et c’est très difficile de l’avoir. Tu me plais.

      – Toi aussi, tu me plais parce que tu es franc, même quand tu t’accuses. Je pardonne tout. J’aide tout le monde. Mais je suis l’ennemi impitoyable de ceux qui sont faux. Ils me dégoûtent.

      – Tu as raison. L’homme faux est un criminel.

      – Un criminel, tu l’as dit. Dis, as-tu assez confiance pour me donner un peu ton sac ? Tu peux être sûr que je ne m’en irai pas avec tes livres… Tu me parais fatigué…

      – Vingt ans dans les mines vous brisent… Mais pourquoi veux-tu te fatiguer, toi ?

      – Parce que le Maître nous a appris à nous aimer comme des frères. Donne-moi cela et prends mes nippes. Elles ne sont pas lourdes… Il n’y a pas d’histoires ni de poésies. Mon histoire, ma poésie et l’autre chose que tu m’as dite, c’est lui, mon Jésus, notre Jésus. »


[1] 1 Samuel 28,7-25
 
[2] 1 Samuel 24,1-23
 
[3] 1 Samuel 26,1-25
 
[4] Genèse 3,6
 
[5] 1 Samuel 28,15-19
 
[6] 14 Nissan
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 7 Jan - 8:35

189. A Naïm. Résurrection du fils d’une veuve

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 50.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 189.


Vision du 14 juin 1945

189.1 Naïm devait avoir une certaine importance au temps de Jésus. Sans être très grande, la ville est bien construite. Enfermée dans l’enceinte de ses murs, elle s’étend sur une colline basse et riante, un contrefort du petit mont Hermon, et elle domine une plaine très fertile qui oblique vers le nord-ouest.

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 8 Ch189-Na%C3%AFm [1]

On y arrive, en venant d’En-Dor, après avoir franchi un cours d’eau qui est certainement un affluent du Jourdain. Pourtant, de cet endroit, on ne voit plus le Jourdain, et pas davantage sa vallée, parce que des collines le cachent en formant vers l’est un arc en forme de point d’interrogation.

Jésus s’y rend par une grand-route qui unit la région du lac à l’Hermon et à ses villages. Derrière lui marchent de nombreux habitants d’En-Dor qui n’arrêtent pas de bavarder.

La distance qui sépare le groupe des apôtres des murs est maintenant très courte : deux cents mètres, tout au plus. La grand-route entre directement dans la ville par une porte qui est grande ouverte, car il fait plein jour. On peut donc apercevoir ce qui se trouve immédiatement au-delà des murs. C’est ainsi que Jésus, qui conversait avec ses apôtres et le nouveau converti, voit venir, dans un grand bruit de pleureuses et un semblable apparat oriental, un cortège funèbre.

« On va voir, Maître ? » disent certains apôtres. Plusieurs habitants d’En-Dor se sont déjà précipités pour regarder.

« Allons-y, condescend Jésus.

– Oh ! Ce doit être un enfant car tu vois combien de fleurs et de rubans il y a sur la litière ? dit Judas à Jean.

– Ou bien c’est une vierge, répond Jean.

– Non, c’est sûrement un jeune garçon à cause des couleurs qu’ils ont mises et puis, il n’y a pas de myrtes… » dit Barthélemy.

Le cortège funèbre sort des murs. Impossible d’entrevoir ce qu’il y a sur la litière que les porteurs tiennent bien haut sur leurs épaules. C’est seulement à la forme qu’il dessine que l’on devine le corps étendu dans ses bandelettes et couvert d’un drap, et on se rend compte que c’est un corps qui a déjà atteint son développement complet car il est aussi long que la litière.

A côté, une femme voilée, soutenue par des parents ou des amies, marche en pleurant. Ce sont les seules vraies larmes de cette comédie larmoyante. Quand un porteur rencontre une pierre, un trou, une bosse de la route, cela donne une secousse à la litière et la mère gémit : « Oh, non ! Faites doucement ! Il a tellement souffert, mon petit ! » et elle lève une main tremblante pour caresser le bord de la litière. Elle ne saurait faire plus et, dans cette impuissance, elle baise les voiles qui flottent et les rubans que le vent soulève parfois et qui viennent effleurer la forme immobile.

« C’est la mère » dit Pierre, tout ému ; une larme brille dans ses bons yeux vifs.

Mais il n’est pas le seul à avoir les larmes aux yeux devant ce déchirement : Simon le Zélote, André, Jean et jusqu’au toujours jovial Thomas ont dans les yeux la lueur d’une larme. Tous, tous sont profondément émus. Judas Iscariote murmure : « Si c’était moi ! Oh ! Ma pauvre mère… »

189.2 Jésus a un regard d’une douceur intolérable, tant elle est profonde. Il se dirige vers la litière.

La mère sanglote plus fort car le cortège tourne en direction du tombeau déjà ouvert. Voyant que Jésus va toucher la litière, elle l’écarte violemment. Qui sait ce qu’elle peut craindre dans son délire ? Elle hurle : « Il est à moi ! » et elle regarde Jésus avec des yeux hagards.

« Je le sais, mère. Il est à toi.

– C’est mon fils unique ! Pourquoi la mort pour lui, pour lui qui était bon et qui m’était si cher, qui faisait ma joie de veuve ? Pourquoi ? »

La foule des pleureuses fait retentir plus fort ses cris funèbres et rétribués pour faire écho à la mère qui continue :

« Pourquoi lui et pas moi ? Ce n’est pas juste que celle qui a engendré voie périr son fruit. Le fruit doit vivre, car sinon, sinon à quoi servent ces entrailles qui se déchirent pour mettre au monde un homme ? »

Elle se frappe le ventre, féroce et désespérée.

« Ne fais pas cela ! Ne pleure pas, mère. »

Jésus lui prend les mains dans une étreinte puissante et les retient de sa main gauche pendant qu’avec la droite il touche la litière en disant aux porteurs :

« Arrêtez-vous et posez-la à terre. »

Les porteurs obéissent et descendent le brancard qui reste soutenu par ses quatre pieds.

Jésus saisit le drap qui recouvre le mort et le rejette en arrière, découvrant la dépouille. La mère crie sa douleur en appelant le nom de son fils, je crois : « Daniel ! »

Jésus, qui tient toujours les mains de la mère dans la sienne, se redresse, imposant par l’éclat de son regard, avec son visage des miracles les plus puissants et, abaissant sa main droite, il ordonne de toute la puissance de sa voix :

« Jeune homme ! Je te le dis : lève- toi ! »

189.3 Le mort se lève, comme il est, avec ses bandelettes, pour s’asseoir sur la litière et, appelle : « Maman ! » il l’appelle avec la voix balbutiante et effrayée d’un enfant terrorisé.

« Il est à toi, femme. Je te le rends au nom de Dieu. Aide-le à se débarrasser du suaire. Et soyez heureux. »

Jésus est sur le point de se retirer.

Mais oui ! La foule le bloque à côté de la litière sur laquelle la mère s’est penchée et où elle s’embrouille au milieu des bandelettes pour faire le plus vite possible, pendant que les lamentations de l’enfant ne cessent d’implorer : « Maman ! Maman ! »

Le suaire est enlevé, les bandelettes déliées, la mère et le fils peuvent s’embrasser et ils le font sans tenir compte des baumes poisseux que la mère essuie ensuite du cher visage, des chères mains, avec les bandelettes elles-mêmes. Puis, n’ayant rien pour l’habiller, la mère retire son manteau et l’en revêt, et tout sert pour le caresser…

189.4 Jésus la regarde… il regarde ce groupe affectueux serré contre les bords de la litière qui maintenant n’est plus funèbre et il pleure.

Judas voit ces larmes et demande :

« Pourquoi pleures-tu, Seigneur ? »

Jésus tourne vers lui son visage et lui répond :

« Je pense à ma Mère… »

Cette brève conversation ramène l’attention de la femme vers son Bienfaiteur. Elle prend son fils par la main et le soutient, – on dirait en effet que son corps garde un reste de léthargie –, et elle s’agenouille en disant :

« Toi aussi, mon fils, bénis ce Saint qui t’a rendu à la vie et à ta mère. »

Puis elle se penche pour baiser le vêtement de Jésus pendant que la foule chante des hosannas à Dieu et à son Messie, désormais connu pour ce qu’il est, car les apôtres et les habitants d’En-Dor se sont chargés de dire quel est Celui qui a accompli le miracle.

Toute la foule s’écrie maintenant :

« Que soit béni le Dieu d’Israël ! Que soit béni le Messie, son Envoyé ! Que soit béni Jésus, fils de David ! Un grand prophète s’est levé parmi nous ! Dieu a vraiment visité son peuple ! Alléluia ! Alléluia ! »

189.5 Finalement, Jésus peut se dégager de leur étreinte et entrer en ville. La foule le suit et le poursuit, avec toute l’exigence de son amour. Un homme accourt et le salue profondément.

« Je te prie de demeurer sous mon toit.

– Je ne le peux pas. La Pâque m’interdit toute halte sauf celles qui sont fixées d’avance.

– Dans quelques heures, ce sera le crépuscule et on est ven­dredi…

– Justement, je dois avoir achevé mon étape avant le crépuscule. Je te remercie tout de même, mais ne me retiens pas.

– Mais je suis le chef de la synagogue.

– Tu veux dire par là que tu en as le droit. Homme, il suffisait que je m’attarde une heure et cette mère n’aurait pas recouvré son fils. Je vais là où d’autres malheureux m’attendent. Ne retarde pas leur joie par égoïsme. Je viendrai certainement une autre fois et je resterai avec toi à Naïm plusieurs jours. Pour l’instant, laisse-moi partir. »

L’homme n’insiste plus. Il dit seulement :

« C’est dit. Je t’attends.

– Oui. Que la paix soit avec toi et avec les habitants de Naïm. A vous aussi, habitants d’En-Dor, paix et bénédiction. Rentrez chez vous. Dieu vous a parlé par le miracle. Faites qu’il arrive en vous, à force d’amour, autant de résurrections au bien qu’il y a de cœurs. »

Un dernier concert d’hosannas, puis la foule laisse partir Jésus qui traverse en diagonale la ville et sort dans la campagne, vers Esdrelon.

[1] Sur le dessin qui suit, Maria Valtorta a noté : plaine d’Esdrelon à l’ouest, Thabor au nord, plus bas : Naïm et En-Dor, et encore plus bas : petit Hermon.

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 8 Jan - 8:44

190. L’arrivée dans la plaine d’Esdrelon, vendredi, au crépuscule.

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 51.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 190.


       190.1 C’est le début du crépuscule et le ciel rougit lorsque Jésus arrive en vue des champs de Yokhanan.

      « Hâtons le pas, mes amis, avant que le soleil ne se couche. Toi, Pierre, va avec ton frère prévenir nos amis, ceux de Doras.

      – J’y vais, oui, et aussi pour vérifier que le fils est bien parti. »

      Pierre prononce ce mot “ fils ” sur un ton qui vaut un long discours. Et il s’en va…

      Entre-temps, Jésus avance plus lentement, et il regarde autour de lui pour voir s’il découvre quelque paysan de Yokhanan. Mais il n’y a que les champs fertiles, avec des épis déjà bien formés.

      Finalement, un visage en sueur apparaît au milieu des plants de vigne, suivi d’un cri :

      « O Seigneur béni ! », et le paysan sort de la vigne en courant pour venir se prosterner devant Jésus.

      « Que la paix soit avec toi, Isaïe !

      – Oh ! Tu te rappelles même mon nom ?

      – Je l’ai inscrit dans mon cœur. Lève-toi. Où se trouvent tes compagnons ?

      – Là, dans la pommeraie, mais je vais les avertir. Tu es notre hôte, n’est-ce pas ? Le maître n’est pas là, nous pouvons te faire fête. Et puis… un peu par peur, un peu sous l’effet de la joie, il est meilleur. Pense donc : il nous a donné l’agneau, cette année, et il nous a permis d’aller au Temple ! Il ne nous a donné que six jours… mais nous courrons pour faire la route… Nous aussi à Jérusalem… Pense donc ! Et tout cela grâce à toi ! »

      L’homme est au septième ciel, tout à la joie d’avoir été traité en homme et en juif.

      « Moi, je n’ai rien fait, que je sache, dit Jésus en souriant.

      – Oh, si ! Tu as agi. Doras, et puis les champs de Doras et ceux-ci, au contraire, tellement beaux cette année… Yokhanan a appris ta venue et ce n’est pas un sot. Il a peur et… et il a peur.

      – De quoi ?

      – Peur qu’il lui arrive la même chose qu’à Doras, à sa vie et à ses biens. Tu as vu les champs de Doras ?

      – Je viens de Naïm…

      – Alors, tu ne les as pas vus. C’est une ruine complète. (L’homme dit cela à voix basse, mais en articulant bien, comme on confie en secret, une chose redoutable.) Une ruine complète ! Pas de foin, pas de blé, pas de fruits. Les vignes desséchées, les pommiers desséchés… Mort… tout est mort… comme à Sodome et Gomorrhe… Viens, viens que je te les montre.

      – C’est inutile. Je vais chez ces paysans…

      – Mais ils n’y sont plus ! Tu l’ignores ? Doras, fils de Doras, les a tous dispersés ou renvoyés. Et ceux qu’il a dispersés dans d’autres propriétés sont obligés de ne pas parler de toi sous peine d’être fustigés… Ne pas parler de toi ! Ce sera difficile ! Yokhanan lui aussi nous l’a dit.

      – Qu’est-ce qu’il a dit ?

      – Il a dit : “ Moi, je ne suis pas aussi bête que Doras, et je ne vous dis pas : ‘Je ne veux pas que vous parliez du Nazaréen.’ Ce serait inutile parce que vous le feriez tout de même et je ne veux pas vous perdre en vous faisant périr sous le fouet comme des bêtes récalcitrantes. Je vous recommande au contraire : ‘ Soyez bons comme certainement le Nazaréen vous l’enseigne et dites-lui que je vous traite bien. ’ Je ne veux pas qu’il me maudisse, moi aussi. ” Il voit bien l’état de ces champs-ci depuis que tu les as bénis et de ceux-là depuis que tu les as maudits.

      190.2 Oh ! Voilà ceux qui m’ont labouré le champ… » [1] et l’homme court à la rencontre de Pierre et d’André.

      Mais Pierre le salue rapidement, passe son chemin, et se met à crier :

      « Maître ! Il n’y a plus personne ! Il n’y a que des visages nouveaux. Et tout est dévasté ! En vérité, il pourrait se dispenser de garder ici des paysans. C’est pire que sur la mer Salée !…

      – Je le sais. Isaïe me l’a dit.

      – Mais viens voir ! Quel spectacle !… »

      Jésus le satisfait et dit d’abord à Isaïe :

      « Alors je serai avec vous. Avertis tes compagnons et ne vous dérangez pas. Pour ce qui est de la nourriture, j’en ai. Il nous suffit d’avoir une grange à foin pour dormir, et votre amour. Je viendrai sans tarder. »

      La vue des champs de Doras est réellement désolante : champs et prés arides et nus, vignobles desséchés, feuillage et fruits détruits sur les arbres par des millions d’insectes de toute espèce. Même près de la maison, le jardin fruitier présente l’aspect désolant d’un bosquet qui meurt.

      Les paysans errent ça et là, arrachant des mauvaises herbes, chassant les chenilles, les limaces, les lombrics et prédateurs du même genre, ils secouent les branches en tenant dessous des chaudrons pleins d’eau pour y noyer les petits papillons, les pucerons et autres parasites qui couvrent ce qui reste de feuilles et épuisent l’arbre au point de le faire mourir. Ils cherchent un signe de vie dans les sarments des vignes mais, comme ils sont desséchés, ils se brisent dès qu’on les touche et parfois se cassent au pied comme si on avait scié les racines.

      Le contraste avec les champs de Yokhanan, avec ses vignes, avec ses vergers est très vif, et la désolation des champs maudits semble encore plus violente si on la compare à la fertilité des autres.

      « Il a la main lourde, le Dieu du Sinaï » murmure Simon le Zélote.

      Jésus fait un geste comme pour dire : « Et comment ! » mais garde le silence. Il demande seulement :

      « Comment est-ce arrivé ? »

      Un paysan murmure entre ses dents :

      « Taupes, sauterelles, vers… mais va-t’en ! Le surveillant est tout dévoué à Doras… Ne nous fais pas du mal… »

      Jésus pousse un soupir et s’en va.

      Un autre paysan, tout en restant courbé pour butter un pommier dans l’espoir de le sauver, dit :

      « Nous te rejoindrons demain… quand le surveillant sera à Jezraël pour la prière… nous viendrons chez Michée. »

      Jésus esquisse un geste de bénédiction et s’en va.

190.3 Quand il revient au carrefour, il y trouve tous les paysans de Yokhanan, tout en fête, heureux ; ils entourent leur Messie et l’emmènent dans leurs pauvres maisons.

      « Tu as vu là-bas ?

      – J’ai vu. Demain les paysans de Doras viendront.

      – Oui, pendant que les hyènes sont à la prière… C’est ce que nous faisons chaque sabbat… et nous parlons de toi, avec ce que nous avons appris par Jonas, par Isaac qui vient souvent nous trouver, et par ton discours de Tisri [2]. Nous parlons comme nous savons. Car nous ne pouvons nous passer de parler de toi. Et nous en parlons d’autant plus que nous souffrons davantage et qu’on nous interdit de le faire. Ces pauvres gens… boivent la vie à chaque sabbat… Mais, dans cette plaine, combien sont-ils à avoir besoin de savoir, besoin d’être au moins informés sur ton compte, sans pouvoir venir jusqu’ici…

      – Je penserai à eux aussi. Vous, soyez bénis pour ce que vous faites. »

      Le soleil se couche au moment où Jésus entre dans une cuisine enfumée. Le repos du sabbat commence.

[1] Cf. 2.76. Il s’agit de Pierre André, Jacques et Jean qui se sont substitués aux laboureurs pour leur permettre d’écouter la parole de Jésus.

[2] Cf. 2.76. page 420.

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 9 Jan - 8:57

191. Le sabbat à Esdrelon.
Le petit Yabeç (Jabé) et la parabole du riche Epulon.
(Parabole de Lazare et du mauvais riche).


Ancienne édition : Tome 3, chapitre 52.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 191.


Vision du samedi 16 juin 1945

191.1 - "Remets à Michée assez d'argent pour que demain il puisse rembourser ce qu'il a emprunté aujourd'hui aux paysans de cette région" dit Jésus à Judas Iscariote qui habituellement s'occupe... des ressources de la communauté. Puis Jésus appelle André et Jean et les envoie en deux points d'où on peut voir la route ou les routes qui viennent de Jezraél. Il appelle ensuite Pierre et Simon et les envoie à la rencontre des paysans de Doras, avec l'ordre de les arrêter à la limite des deux propriétés. Enfin il dit à Jacques et à Jude :  

"Prenez les vivres et venez."    

Les paysans de Yokhanan, hommes, femmes et enfants les suivent, et les hommes portent deux petites amphores, petites, c'est une façon de parler, qui doivent être pleines de vin. Plutôt que des amphores, ce sont des jarres qui contiennent environ dix litres chacune. (Je vous prie toujours de ne pas prendre mes mesures pour des articles de foi). Ils vont là où un vignoble aux ceps serrés, déjà tout couvert de feuilles nouvelles, marque la fin des possessions de Yokhanan. Au-delà il y a un large fossé rempli d'eau, qui sait au prix de quelles fatigues.        

"Tu vois ? Yokhanan s'est querellé avec Doras pour ce fossé. Yokhanan disait : "C'est la faute de ton père si tout est en ruines. S'il ne voulait pas l'adorer, il devait au moins le craindre et ne pas le provoquer". Et Doras criait, semblable à un démon : "Tu as sauvé tes terres grâce à ce fossé. Les bêtes ne l'ont pas franchi...". Et Yokhanan disait : "Et alors pourquoi une telle ruine, alors qu'auparavant tes champs étaient les plus beaux d'Esdrelon ? C'est le châtiment de Dieu, crois-le. Vous avez dépassé la mesure. Cette eau ? ... Il y en a toujours eu là, et ce n'est pas elle qui m'a sauvé". Et Doras criait : "Cela prouve que Jésus est un démon". "C'est un juste" criait Yokhanan. Et ils se sont disputés tant qu'ils ont eu du souffle. Depuis, à grands frais, Yokhanan a fait dériver dans le fossé les eaux d'un torrent et creuser pour trouver des sources. Il a disposé tout un ensemble de fossés entre lui et son parent et les a approfondis et il nous a dit ce que nous t'avons raconté hier... Au fond, lui est heureux de ce qui est arrivé. Il jalousait tant Doras... Maintenant il espère pouvoir acheter le tout car Doras finira par vendre tout à un prix dérisoire."  

191.2 - Jésus écoute avec bienveillance toutes ces confidences en attendant les pauvres paysans de Doras qui ne tardent pas à venir et qui se prosternent jusqu'à terre dès qu'ils voient Jésus à l'abri d'un arbre.    

"Paix à vous, amis. Venez. Aujourd'hui la synagogue est ici et je suis votre chef de synagogue. Mais auparavant, je veux être votre père de famille. Assoyez-vous en cercle pour que je vous donne la nourriture. Aujourd'hui vous avez l'Epoux et nous faisons le banquet des noces."  

Jésus découvre une corbeille et en tire des pains aux yeux stupéfaits des paysans de Doras et, d'une autre corbeille, il sort les vivres qu'il a pu trouver : fromages, légumes qu'il a fait cuire et un petit chevreau ou agneau cuit en entier. Il fait la distribution aux pauvres malheureux, puis il verse le vin et fait circuler la coupe grossière pour que tous y boivent.

"Mais pourquoi ? Mais pourquoi ? Et eux ?" disent les paysans de Doras en montrant ceux de Yokhanan.  

"Eux sont déjà servis."  

"Mais quelle dépense ! Comment as-tu pu ?"          

"Il y a encore de bonnes gens en Israël" dit Jésus en souriant. "Mais aujourd'hui c'est le sabbat..."    

"Remerciez cet homme" dit Jésus en leur indiquant l'homme d'En-Dor. "C'est lui qui vous a procuré l'agneau. Le reste a été facile à trouver."  

Ces pauvres gens dévorent - c'est le mot - cette nourriture depuis si longtemps inconnue.      

191.3 - L'un d'eux, plutôt âgé, serre à son côté un enfant d'une dizaine d'années environ; il mange et pleure.            

"Pourquoi, père, agis-tu ainsi ? ..." lui demande Jésus.    

"Parce que ta bonté est trop grande..."          

L'homme d'En-Dor dit, avec son accent guttural: "C'est vrai... cela fait pleurer, mais ce sont des pleurs sans amertume..."            

"C'est sans amertume; c'est vrai. Et puis... je voudrais une chose. Ces larmes sont aussi un désir."    

"Que veux-tu, père ?"    

"Cet enfant, tu le vois. C'est mon petit-fils. Il est avec moi depuis l'éboulement de cet hiver. Doras ne sait même pas qu'il m'a rejoint car je le fais vivre comme une bête sauvage dans le bois et je ne le vois qu'au sabbat. S'il le découvre, ou bien il le chasse, ou bien il le met au travail... et il sera pire qu'une bête de somme mon tendre petit enfant... À Pâque, je l'enverrai avec Michée à Jérusalem pour qu'il devienne fils de la Loi... et puis… C'est le fils de ma fille..."        

"Me le donnerais-tu à Moi, au contraire ? Ne pleure pas. J'ai tant d'amis qui sont honnêtes, saints et qui n'ont pas d'enfants. Ils l'élèveront saintement, selon ma Voie..."  

"Oh ! Seigneur ! Depuis que j'ai entendu parler de Toi, je l'ai désiré et je priais le saint Jonas, lui qui sait ce que c'est que d'appartenir à ce maître, de sauver mon petit-fils de cette mort..."          

"Enfant, viendrais-tu avec Moi ?"      

"Oui, mon Seigneur, et je ne te causerai pas de peine."    

"C'est dit."

191.4 - "Mais... à qui veux-tu le donner ?" demande Pierre en tirant Jésus par la manche. "À Lazare, celui-ci aussi ?"    

"Non, Simon. Mais il y en a tant qui n'ont pas d'enfants..."          

"Il y a moi aussi..." Le visage de Pierre paraît maigrir pour le désir.      

"Simon, je te l'ai dit [1]. Tu dois être le "père" de tous les enfants que je te laisserai en héritage, mais tu ne dois pas avoir la chaîne d'un fils qui t'appartienne. N'en sois pas blessé. Tu es trop nécessaire au Maître pour que le Maître puisse te séparer de Lui par une affection. Je suis exigeant, Simon. Je suis exigeant plus que l'époux le plus jaloux. Je t'aime d'un amour de prédilection et je te veux entier pour Moi et de Moi."

"C'est bon, Seigneur... C'est bon... Qu'il soit fait comme tu veux." Le pauvre Pierre est héroïque dans cette adhésion à la volonté de Jésus.  

"Ce sera l'enfant de mon Église naissante. D'accord ? Il sera à tous et à personne. Ce sera "notre" petit enfant. Il nous suivra quand les parcours le permettront ou nous rejoindra. Ses tuteurs seront les bergers, eux qui aiment dans tous les enfants "leur" enfant Jésus. Viens ici, petit. Comment t'appelles-tu ?"    

"Yabeç de Jean et je suis de Juda" dit, sans hésiter, le garçon.    

"Oui, nous sommes juifs, nous" confirme le vieil homme. "Je travaillais sur les terres de Doras en Judée et ma fille a épousé un homme de cette région. Je travaillais dans les bois près d'Arimathie et cet hiver..."        

"J'ai vu la catastrophe... [2]"          

"L'enfant s'est sauvé parce que cette nuit là il était au loin chez un parent... Vraiment, il a bien porté son nom, Seigneur ! Je l'ai dit tout de suite à ma fille : "Pourquoi ce nom ? Ne te rappelles-tu pas de l'ancien ? [3]" Mais le mari voulut lui donner ce nom et il s'appela Yabeç."        

"L'enfant invoquera le Seigneur et le Seigneur le bénira et élargira ses frontières et la main du Seigneur est dans sa main et il ne sera plus accablé par le malheur". Le Seigneur lui accordera cela pour te consoler toi, père, et les esprits des morts et pour réconforter l'orphelin.          

191.5 - Et maintenant que vous avez séparé les besoins du corps de ceux de l'âme par un acte d'amour envers l'enfant, écoutez la parabole que j'ai pensée pour vous.            

Il y avait une fois un homme très riche [4]. Les plus beaux vêtements étaient pour lui. Et il se pavanait dans ses habits de pourpre et de byssos sur les places publiques et dans sa maison. Ses concitoyens le respectaient comme le plus puissant du pays et des amis flattaient son orgueil pour en tirer profit. Les appartements étaient ouverts tous les jours pour de magnifiques festins où la foule des invités, tous riches et donc pas besogneux, se pressaient et flattaient le mauvais riche. Ses banquets étaient renommés pour l'abondance des mets et des vins exquis.          

Mais, dans la même cité, il y avait un mendiant, un grand mendiant. Grand dans sa misère comme l'autre était grand dans sa richesse. Mais sous la croûte de la misère humaine du mendiant Lazare était caché un trésor encore plus grand que la misère de Lazare et que la richesse du mauvais riche. Et c'était la sainteté vraie de Lazare. Il n'avait jamais transgressé la Loi, même par besoin et surtout il avait obéi au commandement de l'amour de Dieu et du prochain.          

Lui, comme font toujours les pauvres, se tenait à la porte des riches pour demander l'obole et ne pas mourir de faim. Et il allait chaque soir à la porte du mauvais riche dans l'espoir d'avoir au moins des restes des pompeux banquets servis dans les salles richissimes. Il s'allongeait sur le chemin près de la porte et attendait patiemment.    

Mais si le riche s'apercevait de sa présence, il le faisait chasser, parce que ce corps couvert de plaies, mal nourri, en lambeaux étaient un spectacle trop affligeant pour ses invités. Le riche parlait ainsi. En réalité, c'était parce que la vue de la misère et de la bonté de Lazare était pour lui un reproche continuel.  

Plus compatissants que lui étaient ses chiens bien nourris, qui portaient des colliers précieux. Ils s'approchaient du pauvre Lazare et léchaient ses plaies, glapissant de joie à cause de ses caresses et qui venaient lui apporter des restes des riches tables. Ainsi, grâce à ces animaux, Lazare survivait malgré l'absence de nourriture car pour ce qui était de l'homme, il serait mort puisqu'il ne lui permettait même pas de pénétrer dans les salles après le repas pour ramasser les débris tombés des tables.        

191.6 - Un jour Lazare mourut. Personne ne s'en aperçut sur la terre, personne ne le pleura. Au contraire, Ce jour-là et par la suite, le riche se réjouit de ne plus voir sur son seuil cette misère qu'il appelait "opprobre", Mais au Ciel, les anges s'en aperçurent. À son dernier soupir, dans sa tanière froide et nue étaient présentes les cohortes célestes qui dans un éblouissement de lumières recueillirent son âme et la portèrent avec des chants d'hosanna dans le sein d'Abraham.  

Il se passa quelque temps et le riche mourut. Oh ! quelles funérailles fastueuses ! Toute la ville, déjà informée de son agonie et qui se pressait sur la place où s'élevait sa demeure pour se faire remarquer comme amie du personnage, par curiosité, par intérêt de la part des héritiers, s'unit au deuil, les cris s'élevèrent jusqu'au ciel et avec les cris de deuil les louanges mensongères pour le "grand", le "bienfaiteur", le "juste" qui était mort.        

La parole de l'homme peut-elle changer le jugement de Dieu ? L'apologie humaine peut-elle changer ce qui est écrit dans le livre de la Vie ? Non, elle ne le peut. Ce qui est jugé est jugé, et ce qui est écrit est écrit. Et malgré ses funérailles solennelles, le mauvais riche eut l'esprit enseveli dans l'enfer.        

Alors, dans cette horrible prison, buvant et mangeant le feu et les ténèbres, trouvant haine et torture de tous côtés et à tout instant de cette éternité, il éleva son regard vers le Ciel. Vers le Ciel qu'il avait vu dans une lueur fulgurante, pendant un atome de minute et dont la beauté indicible qui lui restait présente [5] était un tourment parmi les tourments atroces. Et il vit là-haut Abraham. Lointain,' mais lumineux, bienheureux... et dans son sein, lumineux et bienheureux lui aussi, était Lazare, le pauvre Lazare, auparavant méprisé, repoussant, miséreux, et maintenant ?... Et maintenant beau de la lumière de Dieu et de sa sainteté, riche de l’amour de Dieu, admiré non par les hommes, mais par les anges de Dieu.        

Le mauvais riche cria en pleurant : "Père Abraham, aie pitié de moi ! Envoie Lazare car je ne puis espérer que tu le fasses toi-même, envoie Lazare tremper dans l'eau l'extrémité de son doigt et la poser sur ma langue pour la rafraîchir car je souffre affreusement dans cette flamme qui me pénètre sans arrêt et me brûle !"  

Abraham répondit : "Souviens-toi, fils, que tu as eu tous les biens pendant ta vie, alors que Lazare eut tous les maux. Lui a su de son mal faire un bien, alors que de tes biens, tu n'as su faire que le mal. Il est donc juste que lui soit consolé et que toi tu souffres. De plus il n'est plus possible de le faire. Les saints sont répandus sur la surface de la terre pour que les hommes en tirent avantage. Mais quand, malgré ce voisinage, l'homme reste tel qu'il est - dans ton cas: un démon - il est inutile ensuite de recourir aux saints. Maintenant nous sommes séparés. Les herbes dans le champ sont mélangées, mais après la fauchaison, on sépare les mauvaises des bonnes. Il en est ainsi de vous et de nous. Nous avons été ensemble sur la terre, et vous nous avez chassés, tourmentés de mille manières, vous nous avez oubliés, n'observant pas la loi d'amour. Maintenant nous sommes séparés. Entre vous et nous il y a un tel abîme que ceux qui voudraient passer d'ici vers vous ne le peuvent pas, ni vous qui êtes là-bas ne pouvez franchir l'abîme effroyable pour venir vers nous".      

191.7 - Le riche, pleurant plus fort cria: " Au moins, ô père saint, envoie, je t'en prie, Lazare à la maison de mon père. J'ai cinq frères. Je n'ai jamais compris l'amour, même entre parents, mais maintenant je comprends quelle chose terrible c'est de ne pas être aimé. Et puisque ici, où je suis, c'est la haine, maintenant j'ai compris, pendant cet atome de temps que mon âme a vu Dieu [6], ce que c'est que l'Amour.    

Je ne veux pas que mes frères souffrent les mêmes peines que moi. Je suis épouvanté pour eux à la pensée qu'ils mènent la même vie que moi. Oh ! envoie Lazare leur faire connaître le lieu où je suis et pour quel motif j'y suis et leur dire que l'enfer existe et que c'est quelque chose d'atroce et que celui qui n'aime pas Dieu et son prochain va en enfer. Envoie-le! Qu'ils pourvoient à temps et ne soient pas contraints de venir ici, dans ce lieu d'éternels tourments".  

Mais Abraham répondit : "Tes frères ont Moïse et les Prophètes. Qu'ils les écoutent".

Et en gémissant en son âme torturée le mauvais riche répondit: "Oh! père Abraham! Un mort leur fera davantage impression... Écoute-moi! Aie pitié !"        

Mais Abraham dit: "S'ils n'ont pas écouté Moïse et les Prophètes, ils ne croiront pas davantage quelqu'un qui ressuscitera pour une heure d'entre les morts pour leur dire des paroles de Vérité. Et d'ailleurs, il n'est pas juste qu'un bienheureux quitte mon sein pour aller recevoir des offenses des fils de l'Ennemi. Pour lui, le temps des injures est passé. Maintenant il est dans la paix et y reste sur l'ordre de Dieu qui voit l'inutilité d'une tentative de conversion près de ceux qui ne croient même pas à la parole de Dieu et ne la mettent pas en pratique".    

Cette parabole a un sens si clair qu'il ne faut pas l'expliquer.      

191.8 - Ici, vraiment a vécu, en conquérant la sainteté le nouveau Lazare, mon Jonas, dont la gloire près de Dieu est évidente dans la protection qu'il donne à celui qui espère en lui. Vers vous, oui, Jonas peut venir comme protecteur et ami, et y viendra si vous êtes toujours bons.          

Je voudrais, et je vous dis ce que je lui ai dit au printemps dernier [7], je voudrais pouvoir vous venir en aide à tous, même matériellement, mais je ne puis, et j'en souffre. Je ne peux que vous montrer le Ciel. Je ne peux que vous enseigner la grande sagesse de la résignation en vous promettant le futur Royaume. N'ayez jamais de haine, pour aucune raison. La Haine est puissante dans le monde, mais la Haine a toujours une limite. L'Amour n'a pas de limite pour sa puissance ni dans le temps. Aimez donc, pour que l'Amour vous défende et vous réconforte sur la terre et vous récompense au Ciel. Il vaut mieux être Lazare que le mauvais riche, croyez-le. Arrivez à le croire et vous serez bienheureux.  

Ne voyez pas dans le châtiment qu'ont subi ces champs une parole de haine, même si les faits pouvaient justifier cette haine. N'interprétez pas mal le miracle. Je suis l'Amour et je n'aurais pas frappé. Mais puisque l'Amour ne pouvait faire plier le riche cruel, je l'ai abandonné à la Justice et elle a exercé la vengeance du martyre de Jonas et de ses frères. Quant à vous, tirez l'enseignement de ce miracle : la Justice est toujours en éveil, même si elle paraît absente et Dieu, étant le Maître de toute la création, peut se servir, pour l'exercer, des êtres les plus petits comme les chenilles et les fourmis pour mordre le cœur de celui qui fut cruel et avide et le faire mourir en vomissant le poison qui l'étrangle.        

191.9 - Je vous bénis maintenant. Mais je prierai pour vous à chaque nouvelle aurore. Et toi, père, n'aie plus de souci pour l’agneau que tu me confies. Je te le ramènerai de temps en temps pour que tu puisses te réjouir en le voyant croître en sagesse et en bonté sur le chemin de Dieu. Il sera ton agneau de cette pauvre Pâque, le plus agréable des agneaux présentés à l'autel de Jéhovah. Yabeç, salue ton vieux père et puis viens vers ton Sauveur, vers ton bon Berger. La paix soit avec vous !"    

"Oh ! Maître ! Bon Maître ! Te quitter !..."    

"Oui, c'est pénible. Mais il ne serait pas bien que le surveillant vous trouve ici. Je suis venu à cet endroit exprès pour vous éviter des punitions. Obéissez pour l'amour de l'Amour qui vous donne ce conseil."

Les malheureux se lèvent, les larmes aux yeux, et ils vont vers leur calvaire. Jésus les bénit encore, et puis, la main de l'enfant dans la sienne, avec l'homme d'En-Dor de l'autre côté, il retourne par le chemin déjà fait à la maison de Michée, rejoint par André et Jean qui, après leur service de garde, retrouvent leurs frères.

[1] "Je te l’ai dit", en EMV 104.5. La dernière mention de Lazare est en lien avec l’évènement rapporté en EMV 172.11.

[2] "J’ai vu la catastrophe", en EMV 139.2.

[3] "L’ancien" : la citation qui suit est tirée de 1 Chroniques 4, 9-10 : Yabés fut plus honoré que ses frères. Sa mère lui donna le nom de Yabés (c’est-à-dire : Dans la douleur) en disant : "J’ai enfanté dans la détresse." Yabés invoqua le Dieu d’Israël en disant : "Si vraiment tu me bénis, tu agrandiras mon territoire, ta main sera avec moi, et tu éloigneras de moi le malheur, en sorte que ma détresse prenne fin." Et Dieu lui accorda ce qu’il avait demandé.

[3] Dans sa dictée du, Jésus donne à ce mauvais riche le nom d'Épulon.

[4] Dans sa dictée du 2 août 1943, Jésus qualifie ce mauvais riche d'Épulon, nom des prêtres chargés de l'organisation des banquets dans la Rome antique, ce que reprend l’original de cet épisode "Epulone" comme équivalent de mauvais riche.

[5] "Il tourna les yeux vers le Ciel qu’il avait entrevu". Cela doit être compris comme Maria Valtorta l’a commenté sur une copie dactylographiée : "Il tourna les yeux vers les limbes des saints qu’il avait entrevues … et dont la beauté paisible déjà indicible …"

[6] "Pendant cette seconde où mon âme a entrevu Dieu" doit être compris dans le sens de “au moment du jugement particulier”, comme le note Maria Valtorta sur une copie dactylographiée.

[7] En EMV 89.1.

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 10 Jan - 9:16

192. D’Esdrelon à Engannim, en passant par Maggedo.
Une prédication à Jacques, fils d’Alphée


Ancienne édition : Tome 3, chapitre 53.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 192.


192.1 « Seigneur, cette montagne, c’est le Carmel ? demande Jacques, le cousin de Jésus.

      – Oui, mon frère. C’est la chaîne du Carmel, qui doit son nom à son sommet le plus élevé.

      – Le monde doit être beau, vu aussi de là-haut. Tu n’y es jamais allé ?

      – Une fois. J’étais seul. C’était au commencement de ma prédication. Au pied de cette montagne, j’ai guéri mon premier lépreux [1]. Mais nous irons ensemble pour évoquer Elie…

      – Merci, Jésus. Tu m’as compris, comme toujours.

      – Et comme toujours je te perfectionne, Jacques.

      – Pourquoi ?

      – Ce pourquoi est écrit au Ciel.

      – Tu ne me le dirais pas, mon frère, toi qui lis ce qui est écrit au Ciel ? »

      Jésus et Jacques avancent côte à côte et seul le petit Yabeç, que Jésus tient toujours par la main, peut entendre les confidences des cousins qui se sourient en se regardant dans les yeux.

      Passant le bras sur les épaules de Jacques pour l’attirer encore plus près, Jésus lui demande :

      « Tu veux vraiment le savoir ? Eh bien, je vais te le dire par énigme, et, quand tu en trouveras la clé, tu seras sage. Ecoute :

      “ Les faux prophètes étant réunis sur le mont Carmel, Elie s’approcha et dit au peuple : ‘ Jusqu’à quand hésiterez-vous entre les deux parties ? Si le Seigneur est Dieu, suivez-le ; si c’est Baal qui est Dieu, suivez-le, lui. ’ Le peuple ne répondit pas. Alors Elie poursuivit : ‘ Moi, je reste seul comme prophète du Seigneur [2] ’ et l’unique force de celui qui était seul, ce fut son cri : ‘ Exauce-moi, Seigneur. Exauce-moi afin que ce peuple reconnaisse que c’est toi le Seigneur Dieu, et que tu as de nouveau converti leur cœur. ’ Alors le feu du Seigneur tomba et dévora l’holocauste. [3] ” Mon frère, devine. »

      Jacques réfléchit, la tête inclinée, et Jésus le regarde en souriant.

      Ils font ainsi quelques mètres, puis Jacques dit :

      « Cela se rapporte à Elie ou à mon avenir ?

      – A ton avenir, naturellement… »

      Jacques réfléchit encore, puis murmure :

      « Serais-je destiné à inviter Israël à suivre en vérité une seule voie ? Serais-je appelé à être le seul à rester en Israël ? Si oui, tu veux dire que les autres seront persécutés et dispersés et que… et que… je te prierai pour la conversion de ce peuple… comme si j’étais un prêtre… comme si j’étais… une victime… Mais, si c’est ainsi, enflamme-moi dès maintenant, Jésus…

      – Tu l’es déjà. Mais tu seras enlevé par le Feu, comme Elie. C’est pour cela que nous irons, toi et moi, seuls, parler sur le Carmel. [4]

      – Quand ? Après la Pâque ?

      – Après une certaine Pâque, oui. A ce moment-là, je te dirai bien des choses… »

      192.2 Un beau cours d’eau qui coule rapidement vers la mer, gonflé par les pluies de printemps et par la fonte des neiges, arrête leur marche.

      Pierre accourt et dit :

      « Le pont est plus en amont, là où passe la route qui va de Ptolémaïs à En-Gannim (ou Enganmim). »

      Jésus revient docilement en arrière et franchit le cours d’eau sur un solide pont de pierre. Tout de suite après se présentent d’autres petites hauteurs et des collines, mais de peu d’importance.

      « Serons-nous dans la soirée à En-Gannim ? demande Philippe.

      – Certainement. Mais… désormais, nous avons le petit. Es-tu fatigué, Yabeç ? demande affectueusement Jésus. Sois sincère comme un ange.

      – Un peu, Seigneur, mais je m’efforcerai de marcher.

      – Cet enfant est affaibli, dit l’homme d’En-Dor de sa voix gutturale.

      – Evidemment ! S’exclame Pierre. Avec la vie qu’il mène depuis quelques mois ! Viens que je te prenne dans mes bras.

      – Oh, non, seigneur. Ne te fatigue pas. Je peux encore marcher.

      – Viens, viens. Tu n’es sûrement pas lourd. Tu ressembles à un oiseau mal nourri. »

      Pierre le hisse à cheval sur ses épaules carrées, en lui tenant les jambes. Ils marchent rapidement car le soleil donne maintenant à plein et invite à activer la marche vers les collines ombragées.

      192.3 Ils s’arrêtent dans un village que j’entends appeler Mageddo, pour prendre de la nourriture et se reposer près d’une fontaine bien fraîche et très bruyante à cause de la quantité d’eau qui s’en déverse dans un bassin de pierre brune. Mais, dans le village, nul ne s’intéresse aux voyageurs, anonymes au milieu des nombreux autres pèlerins plus ou moins riches qui cheminent à pied, à dos d’âne ou de mulet vers Jérusalem pour la Pâque. Il y a déjà un air de fête et beaucoup d’enfants se trouvent avec les voyageurs, tout joyeux à la pensée de la cérémonie de la majorité.

      Deux petits garçons de condition aisée viennent jouer près de la fontaine pendant que Yabeç s’y trouve avec Pierre qui l’emmène partout en l’attirant par mille petites choses. Ils demandent au garçon :

      « Tu y vas toi aussi pour être fils de la Loi ? »

      Yabeç répond timidement : “ Oui ”, mais se cache presque derrière Pierre.

      « C’est ton père ? Tu es pauvre, n’est-ce pas ?

      – Je suis pauvre, oui. »

      Les deux garçons, peut-être des fils de pharisiens, le consi­dèrent avec ironie et curiosité et lui disent :

      « ça se voit. »

      De fait, cela se voit… Son petit vêtement est bien misérable ! L’enfant a peut-être grandi et, bien que l’ourlet de l’habit, d’une couleur marron délavée par les intempéries, ait été défait, le vêtement arrive à peine au milieu de ses petites jambes brunes, laissant à découvert les petits pieds mal chaussés de deux sandales informes tenues par des ficelles qui doivent lui torturer les pieds.

      Les garçons, rendus impitoyables par l’égoïsme propre à de nombreux enfants et par la cruauté de gamins sans bonté, reprennent :

      « Oh ! Alors tu n’auras pas de vêtement neuf pour ta fête ! Nous, c’est le contraire !… Hein, Joachim ? Le mien est tout rouge, avec un manteau pareil. Lui, de son côté, est couleur de ciel et nous aurons des sandales avec des boucles d’argent, une ceinture précieuse et un thalet [5] retenu par une lame d’or et…

      – …et un cœur de pierre, c’est moi qui le dis ! S’exclame Pierre qui a fini de se rafraîchir les pieds et de remplir d’eau toutes les gourdes. Vous êtes méchants, les garçons ! La cérémonie et le vêtement ne valent rien, si le cœur n’est pas bon. Je préfère mon enfant. Débarrassez le terrain, orgueilleux ! Allez chez les riches et respectez ceux qui sont pauvres et honnêtes.

      192.4 Viens, Yabeç ! Cette eau est bonne pour les pieds fatigués.

      Viens, que je te les lave. Après, tu marcheras mieux. Ah ! Comme ces ficelles t’ont fait mal ! Il ne faut plus que tu marches. Je te porterai dans mes bras jusqu’à ce que nous soyons à En-Gannim. Là-bas, je trouverai un marchand de sandales et je t’achèterai une paire de sandales neuves. »

      Et Pierre lave et essuie les petits pieds, qui n’avaient pas eu pareilles caresses depuis bien longtemps.

      L’enfant le regarde, hésite, mais ensuite se penche sur l’homme qui relace ses sandales. Il l’entoure de ses petits bras amaigris et dit :

      « Comme tu es bon ! » puis il donne un baiser sur ses cheveux grisonnants.

      Pierre est ému. Il s’assied par terre, sur le sol humide, tel qu’il est. Il prend l’enfant sur ses genoux et lui dit :

      « Alors appelle-moi “ père ”. »

      Ils forment un petit groupe charmant. Jésus s’avance avec les autres, mais auparavant les deux petits orgueilleux de tout à l’heure qui étaient restés en curieux, demandent :

      « Mais ce n’est pas ton père ?

      – Il est pour moi un père et une mère, affirme Yabeç avec assurance.

      – Oui, mon chéri ! Tu as bien dit : un père et une mère. Et, mes chers petits messieurs, je vous certifie qu’il n’ira pas mal vêtu à la cérémonie. Il aura lui aussi un vêtement de roi rouge comme le feu, une ceinture verte comme l’herbe et un thalet blanc comme la neige. »

      Bien que l’ensemble ne soit guère harmonieux, il stupéfie les deux vaniteux et les met en fuite.

      « Que fais-tu Simon, par cette humidité ? demande Jésus avec un sourire.

      – Humidité ? Ah oui, je ne m’en étais pas aperçu ! Ce que je fais ? Je redeviens agneau avec l’innocence sur le cœur. Ah, Maître, Maître ! Bien, allons. Mais laisse-moi m’occuper de ce petit. Plus tard, je le cèderai mais, tant qu’il n’est pas un véritable israélite, il est à moi.

      – Mais oui ! Et tu en seras toujours le tuteur, comme un vieux père. D’accord ? Partons pour être ce soir à En-Gannim sans trop faire courir l’enfant.

      – Je vais le porter. Il pèse moins lourd que mon filet. Il ne peut marcher avec ces deux sandales usées. Viens. »

      Ainsi chargé du petit garçon, Pierre reprend gaiement la route désormais toujours plus ombragée, au milieu des bosquets aux fruits variés. Ils gravissent des collines en pente douce d’où la vue s’étend sur la fertile plaine d’Esdrelon.

      192.5 Les voilà arrivés dans les environs d’En-Gannim. Ce doit être une jolie petite ville bien alimentée en eau, qui lui arrive des collines grâce à un aqueduc aérien, sans doute construit par les Romains. Mais le bruit d’un détachement de soldats qui arrive les oblige à se réfugier sur le bord du chemin. Les sabots des chevaux résonnent sur la route ; ici, dans les environs de la ville, cette dernière révèle un pavage rudimentaire qui émerge de la poussière qui s’est accumulée à des détritus sur la route, qui n’a jamais vu un balai.

      « Salut, Maître ! Toi, ici ? » crie Publius Quintilianus en descendant de cheval et en s’approchant de Jésus avec un large sourire, sa monture maintenue par la bride. Ses soldats se mettent au pas pour tenir compte de l’arrêt de leur chef.

      « Je vais à Jérusalem pour la Pâque.

      – Moi aussi. On renforce la garnison pour les fêtes, mais aussi parce que Ponce Pilate vient en ville pendant leur durée ; Claudia est ici. Nous l’escortons. Les chemins sont si peu sûrs ! Les aigles mettent en fuite les chacals » dit en riant le soldat ; il regarde Jésus. Il continue plus doucement :

      « Double garnison cette année pour protéger ce dégoûtant d’Antipas. Il y a beaucoup de mécontentement à cause de l’arrestation du prophète. Mécontentement en Israël et… par conséquent mécontentement parmi nous. Mais… nous avons déjà pensé à faire arriver un… bienveillant petit air de… flûtes aux oreilles du grand prêtre et de ses compères. »

      Et il termine à voix basse :

      « Tu peux y aller en toute sécurité. Ils ont tous rentré leurs griffes. Ha, Ha ! Ils ont peur de nous. Il suffit de tousser pour s’éclaircir la voix, et ils le prennent pour un rugissement. Parleras-tu à Jérusalem ? Viens près du Prétoire. Claudia parle de toi comme d’un grand philosophe, et c’est bon pour toi parce que… le proconsul, en fait, c’est elle ! »

      192.6 Il regarde autour de lui et voit Pierre chargé, tout rouge, en sueur.

      « Qui est cet enfant ?

      – Un orphelin que j’ai pris avec moi.

      – Mais ton disciple est trop fatigué ! Petit, as-tu peur de faire quelques mètres à cheval ? Je te mettrai sous ma chlamyde, et on ira doucement. Je te remettrai à… à cet homme quand nous arriverons aux portes. »

      L’enfant ne fait pas de résistance – il doit être doux comme un agneau –, et Publius le fait monter en selle avec lui.

      Et pendant qu’il donne à ses soldats l’ordre d’avancer lentement, il aperçoit aussi l’homme d’En-Dor. Il le dévisage et dit :

      « Toi, ici ?

      – Oui, moi. J’ai cessé de vendre des œufs aux Romains. Mais les poulets sont encore là-bas. Maintenant, je suis avec le Maître…

      – C’est bon pour toi ! Tu auras plus de réconfort. Adieu ! Salut, Maître. Je t’attends à ce bouquet d’arbres. »

      Et il éperonne son cheval.

      « Tu le connais ? Et il te connaît ? demandent certains à Jean d’En-Dor.

      – Oui, comme fournisseur de poulets. Au début, il ne me connaissait pas. Mais une fois je fus appelé au poste de commandement à Naïm pour fixer mes redevances, et il était là. Depuis, quand j’allais acheter des livres ou des outils à Césarée, il me saluait toujours. Il m’appelle Cyclope ou Diogène. Il n’est pas méchant et, bien que je déteste les Romains, je ne l’ai pas offensé parce qu’il pouvait me rendre service.

      – Tu as vu, Maître ? Mon discours au centurion de Capharnaüm a fait de l’effet. Maintenant je suis plus tranquille pour faire la route » dit Pierre.

      Ils rejoignent le bouquet d’arbres, à l’ombre duquel la patrouille est descendue de cheval.

      « Voici, je te rends l’enfant. As-tu des ordres à me donner, Maître ?

      – Non, Publius. Que Dieu se révèle à toi.

      – Salut. »

      Il remonte à cheval et éperonne, suivi des siens au milieu d’un grand fracas de sabots ferrés et de cuirasses.

      192.7 Ils entrent dans la ville, et Pierre, accompagné de son petit ami, va lui acheter des sandalettes.

      « Cet homme meurt du désir d’avoir un fils, dit Simon le Zélote, qui ajoute : et il a raison.

      – Je vous en donnerai des milliers. Maintenant, allons chercher un abri pour continuer notre route demain, au point du jour. »

[1] Épisode non-identifié. Il s’agit probablement du retour de Jésus en Galilée après son Baptême et son jeûne dans le désert. C'est en tous cas le premier miracle historique de Jésus.

[2] 1 Rois 18,20-22

[3] Ib°,37-38

[4] Cf. Tome 4, chapitre 121

[5] Taleth ou Talit : Châle de prière dont les juifs se couvrent la tête. Il comporte généralement des bandes de couleur et est bordé de Tsitsit (franges)

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par sofoyal Ven 10 Jan - 18:15

Bonjour!
Et merci pour les partages de cette si belle oeuvre, @Anayel!

C'est toujours un bonheur ces histoires dont on se dit tout le temps:
Ça ne peut pas ne pas être vrai.
C'est si fluide, si naturel, et en même temps si empreint de sagesse divine et humaine,
qu'on est conquis et décidés à suivre le Maître sur la route,
contemplant avec bonheur ceux qui l'aiment et le suivent,
et regardant avec une sainte crainte, ceux qui ne l'aiment pas et le persécutent,
Lui et les Siens.

Merci Jésus pour l'oeuvre de Maria Valtorta!!


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Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 8 Signat10
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 11 Jan - 11:55

Bonjour @Sofoyal,

Oui c'est une grande joie de découvrir ou redécouvrir cette oeuvre, c'est comme si on était avec Jésus et les apôtres, et qu'on apprenait tout de la bouche de Jésus ^^ Puis, tout est tellement simple, tellement beau, qu'on ne peut que se réjouir d'être avec eux, je pense, et ici, je pense spécialement au petit Jabé et Jean d'Endor...

Tout au long des prochains chapitres, on va les voir grandir dans la bonté et la sagesse, et on a envie de les suivre dans leur sillage...

193. L'arrivée à Sichem, après deux jours de marche

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 54.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 193.


Vision du lundi 18 juin 1945

 193.1 C’est par les routes toujours plus encombrées de pèlerins que Jésus continue vers Jérusalem. Pendant la nuit, une grosse averse a un peu détrempé les routes, mais aussi fait tomber la poussière et éclairci l’air. La campagne a l’air d’un jardin bien entretenu.

      Ils marchent tous d’un bon pas car la halte les a reposés. L’enfant, avec ses sandalettes neuves, ne souffre pas de la marche. Il est au contraire toujours plus en confiance, babille avec l’un ou l’autre, révèle à Jean que son père s’appelait Jean et sa mère Marie, et qu’à cause de cela, il aime bien Jean.

      « Mais j’aime bien tout le monde aussi, ajoute-t-il, et au Temple je prierai beaucoup, beaucoup pour vous et pour le Seigneur Jésus. »

      Il est émouvant de voir comme ces hommes, pour la plupart sans enfants, se montrent paternels et pleins de prévenances à l’égard du plus petit disciple de Jésus. Même l’homme d’En-Dor prend une expression plus douce quand il oblige le petit garçon à gober un œuf ou quand il grimpe dans les bois qui verdissent les pentes des collines et des montagnes toujours plus hautes, fendues par des vallons au fond desquels passe la grand-route, pour cueillir des mûres ou du fenouil sauvage bien parfumé qu’il porte à l’enfant pour étancher sa soif sans le gorger d’eau, et comme il le distrait de la longueur du chemin en lui faisant remarquer les détails du paysage et les panoramas qui se présentent.

      L’ancien pédagogue de Cintium, ruiné par la méchanceté humaine, ressuscite pour cet enfant – qui est misère, comme lui-même est misère –, et un bon sourire adoucit les rides du malheur et de l’amertume. Yabeç paraît déjà moins misérable avec ses sandales neuves et son petit visage moins triste. Les mains de je ne sais quel apôtre ont eu soin d’effacer toutes les traces de la vie sauvage qu’il avait menée pendant de si longs mois et de lui peigner les cheveux, jusqu’alors en bataille et pleins de poussière, maintenant soyeux et bien ordonnés après un lavage énergique. Même l’homme d’En-Dor, qui reste encore un peu perplexe quand il s’entend appeler Jean, mais qui ensuite secoue la tête avec un sourire de compassion pour son manque de mémoire, change de jour en jour. Peu à peu son visage perd sa dureté d’expression et acquiert un sérieux qui ne fait pas peur.

      Naturellement, ces deux misères, ressuscitées par la bonté de Jésus, gravitent avec amour autour du Maître. Leurs autres compagnons leur sont chers, certes, mais Jésus… Quand il les regarde ou s’adresse à eux en particulier, l’expression de leur visage respire le plus parfait bonheur.

      193.2 On franchit le vallon, puis une très belle colline verte du sommet de laquelle on peut encore apercevoir la plaine d’Esdrelon. Cette vue fait dire à l’enfant :

      « Que peut bien faire mon vieux père ? »

      Et il termine avec un soupir bien triste. Une larme brille dans ses yeux noisette :

      « Ah ! Il est bien moins heureux que moi… lui qui est si bon ! »

      Cette plainte de l’enfant jette sur tous un voile de tristesse. Puis ils descendent par une riche vallée tout en champs et en oliveraies, et un vent léger fait tomber la neige des petites fleurs de la vigne et des oliviers les plus précoces. La plaine d’Esdrelon est perdue de vue pour toujours.

      Après une pause pour déjeuner, leur marche vers Jérusalem reprend. Mais il a beaucoup plu, ou bien l’endroit est envahi par des eaux souterraines car les prairies ressemblent à un marécage tant l’eau scintille parmi les herbes touffues : elle monte au point de lécher la route, un peu surélevée, mais qui n’en est pas moins très boueuse. Les adultes relèvent leurs vêtements pour éviter qu’ils ne se recouvrent d’une couche de boue. Jude prend l’enfant sur ses épaules pour le délasser et lui faire traverser plus rapidement la zone inondée et peut-être malsaine.

      Le jour décline quand, après avoir côtoyé de nouvelles collines et franchi une autre petite vallée rocheuse et bien sèche, ils entrent dans un village construit sur un terre-plein rocheux. Se frayant un passage à travers la foule des pèlerins, ils cherchent à se loger dans une sorte d’auberge très rudimentaire, qui consiste en une grande tente avec une épaisse couche de paille, et rien de plus. De petites lampes allumées ici et là éclairent le dîner des familles de pèlerins, familles pauvres comme la famille apostolique, car les riches, pour la plupart, se sont dressé des tentes hors du village, évitant dédaigneusement les contacts avec la population et les pèlerins pauvres.

      La nuit tombe, le silence se fait… Le premier à s’endormir, c’est l’enfant. De fatigue, il laisse retomber sa tête sur la poitrine de Pierre, qui l’installe alors sur la paille et le couvre soigneusement.

      Jésus réunit les adultes pour la prière, puis chacun s’étend sur la litière pour se reposer du long chemin.

      193.3 Le lendemain, le groupe des apôtres, parti dès le matin, est sur le point d’entrer à Sichem après avoir dépassé Samarie. La ville a un bel aspect, entourée de murailles, couronnée de beaux et majestueux édifices autour desquels se serrent avec ordre de belles maisons. J’ai l’impression que la ville, comme Tibériade, a été reconstruite depuis peu par les Romains sur un plan venu de Rome. Au-delà des murs, des terres très fertiles et bien cultivées l’environnent.

      La route qui conduit de Samarie à Sichem se déroule en descendant par paliers successifs avec un système de murets qui soutiennent le terrain, qui me rappelle les défilés de Fiesole. Il y a une vue magnifique sur de vertes montagnes au sud et sur une très belle plaine qui s’étend vers l’ouest.

            La route tend à descendre, mais remonte de temps en temps pour franchir d’autres collines du haut desquelles on domine la région de Samarie avec ses belles cultures d’oliviers, de blé, de vignes sur lesquelles veillent, du haut des collines, des bois de chênes et d’arbres de haute futaie qui font une protection contre les vents qui, venant des défilés, tendent à former des tourbillons qui endommageraient les cultures. Cette région me rappelle beaucoup certains endroits de notre Apennin, ici, vers l’Amiata, quand le regard contemple en même temps les cultures plates de céréales de la Maremme et les collines joyeuses, et les montagnes sévères et plus élevées qui s’élèvent à l’intérieur. Je ne sais pas à quoi ressemble la Samarie aujourd’hui. A l’époque, elle était très belle.

      Voici maintenant qu’entre deux hautes montagnes, parmi les plus hautes de la région, on voit en enfilade une vallée très fertile, bien irriguée, et au milieu Sichem. C’est là que Jésus et les siens sont rejoints par la caravane fastueuse de la cour du Consul qui se déplace à Jérusalem pour les fêtes. Il y a des esclaves à pied et d’autres sur des chars pour surveiller le transport des objets… Mon Dieu, quel attirail ils pouvaient transporter avec eux en ce temps-là ! ! ! Et, avec les esclaves, il y a de vrais chars transportant un peu de tout et jusqu’à des litières complètes et des carrosses de voyage. Ce sont de grands chars à quatre roues, bien suspendus, couverts, dans lesquels les dames sont à l’abri. Et encore d’autres chars et d’autres esclaves…

      Une tenture s’ouvre, soulevée par la main parée de bijoux d’une femme, et on voit le profil sévère de Plautina qui salue sans parler, mais avec un sourire ; Valéria, qui tient sur les genoux sa petite fille toute gazouillante et souriante, fait de même. L’autre char de voyage, encore plus somptueux, le suit sans qu’aucune tenture s’ouvre. Mais, dès qu’il est passé, on voit se pencher à l’arrière, entre les rideaux lacés, le visage rose de Lydia qui salue en s’inclinant. La caravane s’éloigne…

      193.4 « Ils voyagent bien, eux ! Dit Pierre fatigué et tout en sueur. Mais si Dieu nous aide, après demain soir nous serons à Jérusalem.

      – Non, Simon. Je suis obligé de dévier et d’aller vers le Jourdain.

      – Mais pourquoi, Seigneur ?

      – A cause de cet enfant. Il est très triste et le serait trop s’il revoyait la montagne qui s’est éboulée.

      – Mais nous n’allons pas la voir ! Ou plutôt nous allons voir l’autre côté… et… et je m’occupe de le distraire. Jean et moi… Il est très vite distrait, ce pauvre tourtereau sans nid ! Nous diriger vers le Jourdain ! Allons donc ! C’est mieux par ici : le chemin est direct, plus court, plus sûr. Non, non. Celui-là, celui-là ! Tu vois ? Même les romaines le suivent. Le long de la mer et du fleuve se dégagent des émanations de fièvres, à ces premières pluies d’été. Par ici, c’est sain. Et puis… Quand est-ce qu’on arrive si on allonge encore le parcours ? Pense à l’inquiétude de ta Mère après le brutal enlèvement de Jean-Baptiste !… »

      Pierre l’emporte et Jésus consent.

      « Dans ce cas, nous allons nous reposer de bonne heure et comme il faut, et demain nous partirons à l’aube pour arriver après-demain soir à Gethsémani. Nous irons le lendemain, vendredi, chez ma Mère à Béthanie, où nous déposerons les livres de Jean qui s’est bien fatigué à les porter, et nous retrouverons Isaac à qui nous confierons ce pauvre frère…

      – Et l’enfant ? Tu l’y laisses tout de suite ? »

      Jésus sourit :

      « Non, nous le confierons à ma Mère pour qu’elle le prépare pour “ sa ” fête. Puis nous le garderons avec nous pour la Pâque. Mais ensuite, nous devrons aussi le laisser… Ne t’y attache pas trop ! Ou plutôt : aime-le comme s’il était ton enfant, mais avec un esprit surnaturel. Tu vois : il est faible et se fatigue facilement. Moi aussi, j’aurais aimé l’instruire et le faire grandir en sagesse, nourri par moi. Mais je suis l’Inlassable, et Yabeç est trop jeune et trop faible pour supporter nos fatigues. Nous parcourrons la Judée, puis nous reviendrons à Jérusalem pour la Pentecôte, après quoi nous irons… nous ferons route pour annoncer la Bonne Nouvelle… Nous le retrouverons pendant l’été dans notre patrie.

      193.5 Nous voici aux portes de Sichem. Pars en avant avec ton frère et Judas pour chercher un logement. J’irai sur la place du marché et je t’y attendrai. »

      Ils se séparent tandis que Pierre court à la recherche d’un abri et pendant que les autres avancent difficilement dans les rues encombrées de gens qui crient et gesticulent, d’ânes, de chars, qui se dirigent tous vers Jérusalem pour la Pâque imminente. Les voix, les appels, les imprécations se mêlent aux braiments des ânes. Cela forme un gros tintamarre qui résonne sous les passages qui séparent les maisons, un grondement qui rappelle le bruit que font certains coquillages quand on les met contre l’oreille. L’écho s’en répercute là où déjà les ombres se rassemblent et les gens, comme de l’eau sous pression se précipitent à travers les rues, cherchant un toit, une place, une pelouse pour y passer la nuit…

      Jésus, tenant l’enfant par la main, adossé à un arbre, attend Pierre sur la place qui, pour la circonstance, est pleine de marchands.

      « Personne ne nous remarque ni ne nous reconnaît ! Constate Judas.

      – Comment reconnaître un grain de sable sur une plage ? Tu ne vois pas toute cette foule ? » répond Thomas.

      Pierre revient :

      « En dehors de la ville, il y a un hangar avec du foin. Je n’ai rien trouvé d’autre.

      – Nous ne chercherons pas autre chose. C’est presque trop beau pour le Fils de l’homme. »

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 13 Jan - 10:06

194. De Sichem à Béérot.
Révélation au petit Yabeç


Ancienne édition : Tome 3, chapitre 55.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 194.


Vision du mardi 19 juin 1945

(Jeudi 23 mars 28)

 194.1 Comme un fleuve gonfle en recevant de nouveaux affluents, la route de Sichem à Jérusalem fourmille de voyageurs, dont le nombre ne cesse de s’accroître au fur et à mesure que les villages y déversent, par des routes secondaires, leurs fidèles qui se dirigent vers la cité sainte. Cette affluence aide grandement Pierre à distraire l’enfant qui côtoie, sans même s’en apercevoir, ses collines natales sous la terre desquelles ont été ensevelis ses parents.

Après une longue marche, interrompue – depuis qu’ils ont laissé sur la gauche Silo qui se dresse sur sa montagne – pour prendre un peu de repos et de nourriture dans une verte vallée où gazouillent des eaux pures et cristallines, les voyageurs se remettent en route et franchissent une colline calcaire plutôt dénudée sur laquelle le soleil darde ses rayons sans pitié. Ils entament la descente par une série de très beaux vignobles qui ornent de leurs festons les pentes des montagnes calcaires, dont les sommets sont ensoleillés.

Pierre a un fin sourire et fait signe à Jésus, qui sourit à son tour. L’enfant ne remarque rien, attentif comme il est à écouter Jean d’En-Dor lui décrire d’autres pays qu’il a visités. Là bas, on produit des raisins très doux qui pourtant ne servent pas tant pour le vin que pour préparer des friandises meilleures que les fouaces au miel.

194.2 Voici une nouvelle montée beaucoup plus escarpée. Le groupe des apôtres, abandonnant la route principale poussiéreuse et encombrée, a préféré prendre ce raccourci par les bois. Une fois parvenus au sommet, ils voient briller dans le lointain, distinctement déjà, une mer de lumière qui surplombe une agglomération toute blanche, peut-être des maisons blanchies à la chaux.

« Yabeç, appelle Jésus, viens ici. Tu vois ce point brillant comme l’or ? C’est la Maison du Seigneur. C’est là que tu jureras d’obéir à la Loi. Mais la connais-tu bien ?

– Maman m’en parlait et mon père m’enseignait les commandements. Je sais lire et… et je crois savoir ce qu’ils m’ont dit avant de mourir… »

L’enfant, accouru avec un sourire à l’appel de Jésus, pleure maintenant, tête basse, sa main tremblante dans la main de Jésus.

« Ne pleure pas. Ecoute. Sais-tu où nous sommes ? A Béthel, où le saint Jacob fit son songe angélique. Le connais-tu ? T’en souviens-tu ?

– Oui, Seigneur. Il a vu une échelle qui allait de la terre au Ciel par où les anges montaient et descendaient. Maman me disait qu’à l’heure de la mort, si on avait été toujours bon, on voyait la même chose et qu’on montait par cette échelle à la maison de Dieu. Maman me disait tant de choses ! Mais maintenant, elle ne me les dira plus… je les ai toutes ici et c’est tout ce que je possède d’elle… »

Ses larmes coulent sur son petit visage, si triste.

« Mais ne pleure pas comme ça ! Ecoute, Yabeç. J’ai moi aussi une Maman qui s’appelle Marie, qui est sainte et bonne et qui sait beacoup de choses. Elle est plus sage qu’un maître, meil­leure et plus belle qu’un ange.Nous allons maintenant la trouver ; elle va t’aimer très fort et t’apprendra tout ce qui est bon. Et puis, avec elle se trouve la mère de Jean, elle aussi très bonne ; elle s’ap­pelle Marie. Et encore la mère de mon frère Jude, elle aussi douce comme un rayon de miel et qui, elle encore, porte le nom de Marie. Elles vont beaucoup t’aimer, parce que tu es un bon garçon et par amour pour moi qui t’aime tant. Tu grandiras avec elles et, une fois grand, tu deviendras un saint de Dieu. Tu prêcheras, comme un docteur, la parole de Jésus, lui qui t’a rendu une mère ici et qui ouvrira les portes du Ciel à ta mère morte, à ton père, et aussi à toi quand ton heure sera venue. Tu n’auras même pas besoin de gravir la longue échelle des Cieux à l’heure de ta mort. Tu l’auras déjà montée durant ta vie en étant un bon disciple, et tu te trouveras là, sur le seuil ouvert du paradis ; moi, j’y serai et je te dirai : “ Viens, mon ami, fils de Marie ” et nous serons ensemble. »

Le sourire lumineux de Jésus qui marche, un peu penché pour être plus près du visage de l’enfant qui marche à côté de lui, sa petite main dans la sienne, ainsi que ce récit merveilleux sèchent ses larmes et font épanouir un sourire sur les lèvres de Yabeç.

194.3 intéressé par l’histoire, ce dernier, qui est loin d’être sot, — il est seulement accablé par toutes les souffrances et les privations qu’il a subies — demande :

« Tu dis que tu ouvriras les portes des Cieux. Or ne sont-elles pas fermées à cause du grand Péché ? Maman me disait que personne ne pouvait y entrer tant que ne serait pas venu le pardon, et que les justes l’attendaient dans les limbes.

– C’est bien cela. Mais, plus tard, j’irai vers le Père après avoir annoncé la parole de Dieu et… et vous avoir obtenu le pardon, et je lui dirai : “ Voici, Père, j’ai entièrement accompli ta volonté. Je veux maintenant la récompense de mon sacrifice : que viennent les justes qui attendent ton Royaume. ” Et le Père me répondra : “ Qu’il en soit comme tu veux. ” Alors je descendrai appeler tous les justes ; les limbes ouvriront leurs portes au son de ma voix, et il en sortira dans l’allégresse les saints patriarches, les prophètes lumineux, les femmes bénies d’Israël et puis… sais-tu combien d’enfants ? Comme une prairie en fleurs, des enfants de tout âge ! Et, en chantant, ils me suivront pour monter au beau paradis.

– Et il y aura Maman ?

– Bien sûr !

– Tu ne m’as pas dit qu’elle sera avec toi à la porte du Ciel quand, moi aussi, je serai mort…

– Elle, et ton père avec elle, n’auront pas besoin d’être à cette porte : tels des anges de lumière, ils voleront inlassablement du Ciel à la terre, de Jésus à leur petit Yabeç, et quand tu seras sur le point de mourir, ils feront comme ces deux oiseaux, là dans cette haie. Tu les vois ? »

Jésus prend l’enfant dans ses bras pour qu’il voie mieux.

« Tu vois comme ils restent sur leurs petits œufs ? Ils attendent leur éclosion, puis ils étendront leurs ailes sur leur couvée pour la protéger de tout mal ; plus tard, quand leurs petits auront grandi et seront en état de voler, ils les soutiendront de leurs ailes puissantes et les amèneront là-haut, là-haut, là-haut… vers le soleil. C’est ce que tes parents feront avec toi.

– Ce sera vraiment comme ça ?

– Exactement.

– Mais tu leur diras de se rappeler de venir ?

– Ce ne sera pas la peine car ils t’aiment. Mais je le leur dirai.

– Oh ! Comme je t’aime ! »

L’enfant, encore dans les bras de Jésus, se serre à son cou et l’embrasse avec effusion, une effusion si joyeuse qu’elle en est émouvante. Jésus lui rend son baiser et dépose l’enfant par terre.

194.4 « Bien ! Maintenant, reprenons notre chemin vers la cité sainte. Nous devons y arriver demain soir. Pourquoi tant de hâte ? Saurais-tu me le dire ? Ne serait-ce pas aussi bien d’arriver après-demain ?

– Non. Ce ne serait pas la même chose car demain c’est la Parascève et, après le coucher du soleil, on ne peut parcourir que six stades. On ne peut faire plus parce que le repos du sabbat est commencé.

– On paresse donc pendant le sabbat ?

– Non, on prie le Seigneur.

– Comment s’appelle-t-il ?

– Adonaï. Mais les saints peuvent dire son mom.

– Et aussi les enfants sages. Dis-le, si tu le connais.

– Jaavé. »

(L’enfant le prononce comme cela : un J très doux qui devient presque un Y, et un a très long).

« Et pourquoi prie-t-on le Seigneur le jour du sabbat ?

– Parce qu’il l’a dit à Moïse quand il lui a donné les tables de la Loi.

– Ah oui ? Et qu’a-t-il dit ?

– Il a dit de sanctifier le sabbat. “ Tu travailleras pendant six jours, mais le septième tu te reposeras et tu feras reposer, parce que c’est ce que j’ai fait moi aussi après la création. ”

– Comment ? Le Seigneur s’est reposé ? Il s’était fatigué à créer ? Et c’est bien lui qui a créé ? Comment le sais-tu ? Moi, je sais que Dieu ne se fatigue jamais.

– Il n’était pas fatigué car Dieu ne marche pas et ne remue pas les bras. Mais il l’a fait pour l’enseigner à Adam – et à nous –, et pour qu’il y ait un jour où nous pensions à lui. Et c’est lui qui a tout créé, certainement. Le Livre du Seigneur l’affirme.

– Mais le Livre a-t-il été écrit par lui ?

– Non. Mais c’est la vérité et il faut le croire pour ne pas aller chez Lucifer.

– Tu me dis que Dieu ne marche pas et ne remue pas les bras. Alors comment a-t-il créé ? Comment est-il ? C’est une statue ?

– Ce n’est pas une idole : c’est Dieu. Et Dieu est… Dieu est… laisse-moi réfléchir et me souvenir de ce que disait Maman et, mieux encore qu’elle, cet homme qui va en ton nom trouver les pauvres d’Esdrelon… Maman disait, pour me faire comprendre Dieu : “ Dieu est comme mon amour pour toi. Il n’a pas de corps et pourtant il existe. ” Et ce petit homme, avec un sourire si doux, disait : “ Dieu est un Esprit éternel, un et trine. Et la seconde Personne a pris chair par amour pour nous, les pauvres, et son nom est… ” Oh ! Mon Seigneur ! Maintenant que j’y réfléchis… c’est toi ! »

Abasourdi, l’enfant se jette à terre en adorant.

Tout le monde accourt, croyant qu’il est tombé, mais Jésus, un doigt sur les lèvres, fait signe qu’on se taise, puis il dit :

« Relève-toi, Yabeç. Les enfants ne doivent pas avoir peur de moi ! »

L’enfant redresse la tête en révérant Jésus, et il le regarde. Son expression est changée, presque craintive.

Mais Jésus sourit et lui tend la main en disant :

« Tu es un sage, petit juif. 194.5 Continuons l’examen entre nous. Maintenant que tu m’as reconnu, sais-tu si l’on parle de moi dans le Livre ?

– Oh oui, Seigneur ! Depuis le commencement jusqu’à maintenant. Tout parle de toi. Tu es le Sauveur promis. Maintenant, je comprends pourquoi tu ouvriras les portes des limbes. Ah ! Seigneur ! Seigneur ! Et tu m’aimes tant ?

– Oui, Yabeç.

– Non, plus Yabeç : donne-moi un nom qui veuille dire que tu m’as aimé, que tu m’as sauvé…

– Ce nom, je le choisirai avec ma Mère. D’accord ?

– Mais qu’il veuille dire exactement cela. Et je le prendrai le jour où je deviendrai fils de la Loi.

– Tu le prendras à partir de ce jour. »

Ils ont dépassé Béthel et font halte dans un vallon frais et bien pourvu en eau pour prendre leur repas.

Yabeç est encore à moitié étourdi par cette révélation et il mange en silence ; c’est avec vénération qu’il reçoit chaque bouchée que lui présente Jésus. Mais, peu à peu, il s’enhardit et, après un beau moment de jeu avec Jean pendant que les autres se reposent sur l’herbe verte, il revient vers Jésus avec Jean tout souriant, et ils font un petit cercle à trois.

« Tu ne m’as toujours pas dit qui parle de moi dans le Livre !

– Les prophètes, Seigneur. Et encore avant, le Livre en parle après qu’Adam a été chassé, puis à Jacob, à Abraham et à Moïse… Ah !… Mon père me disait qu’il était allé chez Jean – pas lui, l’autre Jean, celui du Jourdain – et que lui, le grand prophète, t’appelait l’Agneau… Voilà, maintenant je comprends l’agneau de Moïse… La Pâque, c’est toi ! »

Jean le taquine :

« Mais quel est le prophète qui a prophétisé mieux que lui ?

– Isaïe et Daniel, mais… Daniel me plaît davantage, maintenant que je t’aime comme mon père. Est-ce que je peux dire ça ? Dire que je t’aime comme j’ai aimé mon père ? Oui ? Eh bien, maintenant je préfère Daniel.

– Pourquoi ? Celui qui a beaucoup parlé du Christ, c’est Isaïe.

– Oui, mais il parle des souffrances du Christ. Au contraire, Daniel parle du bel ange et de ta venue. C’est vrai… lui aussi dit que le Christ sera immolé. Mais je pense que l’Agneau sera immolé d’un seul coup. Pas comme le disent Isaïe et David. Je pleurais toujours quand je les entendais lire et Maman ne m’en parlait plus. »

Il est presque en larmes maintenant, pendant qu’il caresse la main de Jésus.

« N’y pense pas pour l’instant. Ecoute : tu connais les commandements ?

– Oui, Seigneur, je crois les savoir. Dans la forêt, je me les répétais pour ne pas les oublier et pour entendre la parole de Maman et de mon père. Mais maintenant, je ne pleure plus (réellement il y a une grande lueur dans ses yeux) parce que, maintenant, je t’ai, toi. »

Jean sourit et embrasse son Jésus en disant :

« Ce sont mes propres mots ! Tous ceux qui ont un cœur d’enfant tiennent le même langage.

– Oui, parce que leurs paroles proviennent d’une unique sa­gesse.

194.6 Maintenant, il faudrait partir de façon à arriver à Béérot de très bonne heure. La foule augmente et le temps menace. Les abris seront pris d’assaut, et je ne veux pas que vous tombiez malades. »

Jean hèle ses compagnons et ils reprennent leur marche jusqu’à Béérot, en traversant une plaine, pas très cultivée, mais pas absolument aride comme l’était la colline qu’ils ont franchie après Silo.
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 14 Jan - 9:05

195.Une leçon de Jean d’En-Dor à Judas
Trajet de Béérot à Jérusalem


Ancienne édition : Tome 3, chapitre 56.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 195.


Vision du mercredi 20 juin 1945

(Vendredi 24 mars 28)

        195.1 Le temps est à la pluie et Pierre a l’air d’un Enée à l’envers car, au lieu d’emmener son père, il porte sur ses épaules le petit Yabeç entièrement recouvert du manteau de Pierre. Sa petite tête émerge au-dessus de la tête grisonnante de Pierre, qui a les bras du petit autour de son cou et qui rit en pataugeant dans les mares.

      « On pouvait nous l’épargner, bougonne Judas, énervé par l’eau qui tombe du ciel et gicle du sol sur les vêtements.

      – Eh, il y a tant de choses qu’on pourrait s’épargner ! Répond Jean d’En-Dor en fixant le beau Judas de son œil unique qui, je crois bien, voit comme deux.

      – Que veux-tu dire ?

      – Je veux dire qu’il est inutile de demander aux éléments d’avoir des égards pour nous quand nous n’en avons pas pour nos semblables, et en des matières bien plus graves que ne le sont deux gouttes d’eau ou une éclaboussure.

      – C’est vrai, mais j’aime entrer en ville propre et net. J’ai beaucoup d’amis, moi, et haut placés.

      – Attention, alors, à ne pas tomber…

      – Tu me taquines ?

      – Non ! Mais je suis un vieux maître et… un vieil écolier. Depuis que je vis, j’apprends. J’ai d’abord appris à pousser, puis j’ai observé la vie, ensuite j’ai connu l’amertume de la vie, j’ai exercé une justice inutile : celle de l’homme “ seul ” contre Dieu et contre la société. Dieu m’a châtié par le remords, la société par les chaînes, de sorte que, au fond, c’est moi qui suis tombé sous les coups de la justice. Enfin, j’ai appris désormais – plus exactement, je suis en train d’apprendre – à “ vivre ”. Maintenant, étant maître et écolier, tu comprends qu’il m’est naturel de répéter les leçons.

      – Mais moi, je suis apôtre…

      – Et moi, je suis un malheureux, je le sais et je ne devrais pas me permettre de te faire la leçon. Mais, vois-tu, on ne sait jamais ce qu’on peut devenir. Je croyais mourir à Chypre en pédagogue honnête et respecté, et je suis devenu un homicide et un forçat. Mais quand je levais le couteau pour me venger, et quand je traînais mes chaînes en haïssant l’univers, si l’on m’avait dit que je deviendrais un disciple du Saint, j’aurais douté de la raison de celui qui me l’aurait dit. Et pourtant… tu vois ! Qui sait donc si même à toi, qui es apôtre, je ne peux donner quelque bonne leçon ? En raison de mon expérience, non pas grâce à ma sainteté : je n’y pense même pas.

      – Ce Romain a raison de t’appeler Diogène.

      – Bien sûr. Mais Diogène cherchait l’homme et ne l’a pas trouvé. Moi, je suis plus heureux que lui : certes, j’ai trouvé un serpent là où je croyais qu’il y avait une femme, et un coucou en l’homme que je considérais comme un ami, et de l’apprendre m’a rendu fou ; mais après avoir erré pendant tant d’années, j’ai trouvé l’Homme, le Saint.

      – Moi, je ne connais d’autre sagesse que celle d’Israël.

      – S’il en est ainsi, tu as déjà de quoi te sauver. Néanmoins, tu as aussi maintenant la science, ou plutôt la sagesse de Dieu.

      – C’est la même chose.

      – Oh non ! C’est comme un jour brumeux, par rapport à un jour ensoleillé.

      – En somme, tu veux me donner des leçons ? Moi, je n’en veux pas.

      – Laisse-moi parler ! Au début, je parlais aux enfants : ils étaient distraits. Ensuite aux ombres : elles me maudissaient. Après cela, aux poulets : ils étaient meilleurs que les deux premiers, bien meilleurs. Maintenant, je me parle à moi-même, puisque je ne peux encore parler avec Dieu. Pourquoi veux-tu m’en empêcher ? Je n’ai que la moitié de la vue, ma vie est brisée par les mines, j’ai le cœur malade depuis bien des années. Permets au moins que ma pensée ne devienne pas stérile.

      – Jésus est Dieu.

      – Je le sais, je le crois. Mieux que toi, car je suis revenu à la vie grâce à lui, et pas toi. Mais bien qu’il soit le Bien, c’est toujours lui : Dieu ; et le pauvre malheureux que je suis n’ose pas le traiter aussi familièrement que tu le fais. Mon âme lui parle… mais mes lèvres n’osent pas. Je pense qu’il entend mon âme pleurer de reconnaissance et d’amour repentant.

      195.2 – C’est vrai, Jean. Ton âme, je l’entends. »

      Jésus entre dans la conversation. Judas rougit de honte, l’homme d’En-Dor, de joie.

      « J’entends ton âme, c’est vrai. Et je sens aussi le travail de ton esprit. Tu as bien parlé. Quand tu te seras formé en moi, cela te servira d’avoir été un maître et un écolier attentif. Parle, parle, même avec toi-même…

      – Une fois, Maître, et il n’y a pas longtemps, tu m’as dit que c’était mal de parler avec son propre moi, réplique Judas avec impertinence.

      – C’est vrai, je l’ai dit. Mais c’est parce que tu médisais avec ton propre moi. Cet homme ne médit pas : il médite et dans un but excellent. Il n’agit pas mal.

      – En somme, j’ai tort ! »

      Judas est agressif.

      « Non. Ton cœur, comme le temps, est maussade. Mais le temps ne peut pas toujours être serein. Les paysans désirent la pluie et c’est faire preuve de charité que de prier pour qu’elle vienne. C’est aussi une forme de charité. Mais regarde, voici un bel arc-en-ciel qui se courbe d’Atarot sur Rama. Nous avons déjà dépassé Atarot. Le triste vallon est franchi, ici tout est cultivé et riant sous le soleil qui dissipe les nuages. Quand nous arriverons à Rama, nous serons à trente-six stades [1] de Jérusalem. Nous la reverrons après cette colline qui marque le lieu de l’horrible débauche à laquelle se sont livrés les habitants de Gibéa [2]. C’est une chose redoutable que la morsure de la chair, Judas… »

      Judas ne réplique pas et s’éloigne en pataugeant avec colère dans les flaques d’eau.

      195.3 « Mais qu’est-ce qu’il a, aujourd’hui ? demande Barthélemy.

      – Tais-toi, que Simon-Pierre n’entende pas. Evitons les discussions et… et n’empoisonnons pas Simon. Il est si heureux avec son enfant !

      – Oui, Maître. Mais ce n’est pas bien. Je le lui dirai.

      – Il est jeune, Nathanaël. Toi aussi tu l’as été…

      – Oui… mais… il ne doit pas te manquer de respect ! »

      Sans le vouloir, il élève la voix. Pierre accourt :

      « Qu’est-ce qu’il y a ? Qui manque de respect ? Le nouveau disciple ? »

      Il regarde Jean d’En-Dor qui s’est discrètement effacé quand il a compris que Jésus corrigeait l’apôtre, et qui est en train de parler avec Jacques, fils d’Alphée, et Simon le Zélote.

      « Pas le moins du monde. Il est respectueux comme une fillette.

      – Ah, bien ! Sinon… eh, son œil était en danger. Alors… alors, c’est Judas !…

      – Ecoute, Simon, ne pourrais-tu pas t’occuper de ton petit garçon ? Tu me l’as pris, et ensuite tu veux te mêler d’une conversation amicale entre Nathanaël et moi. N’as-tu pas l’impression que tu veux faire trop de choses ? »

      Jésus sourit si tranquillement que Pierre reste indécis sur son jugement. Il regarde Barthélemy… mais ce dernier a levé son visage aquilin pour regarder le ciel… Pierre sent s’évanouir son soupçon. L’apparition de la cité finit de le distraire de tout. Elle est désormais proche, et on peut voir toute la beauté de ses collines, de ses oliveraies, de ses maisons, du Temple en particulier. Cette vue devait être toujours une source d’émotion et d’orgueil pour les juifs.

      Le soleil bien chaud d’avril en Judée a vite fait d’essuyer les pierres de la route consulaire. Maintenant, il faudrait vraiment chercher les flaques d’eau. Au bord de la route, les apôtres s’ar­rangent un peu : ils laissent retomber leurs vêtements, qu’ils avaient relevés, lavent leurs pieds pleins de boue dans un ruisseau limpide, se recoiffent, se drapent dans leurs manteaux. Jésus en fait autant. Je vois que tout le monde fait la même chose.

      195.4 L’entrée à Jérusalem devait être quelque chose d’important. Se présenter devant ses murs en ce temps de fête, c’était comme se présenter devant un souverain. La cité sainte était la “ vraie ” reine des juifs. Je le comprends bien cette année où je peux remarquer, sur cette route consulaire, le comportement des foules. Ici, les cortèges des diverses familles se mettent en ordre, les femmes toutes ensemble, les hommes dans un autre groupe, les enfants dans l’un ou l’autre groupe, mais tous sérieux et en même temps sereins. Certains replient leur manteau usé et en tirent un autre neuf du sac de voyage, ou bien changent de sandales. Puis leur marche devient solennelle, hiératique déjà. Dans chaque groupe, un soliste donne le ton, et on entonne les hymnes, les anciennes, les glorieuses hymnes de David. Les gens se regardent avec plus de bonté dans les yeux, comme si la vue de la Maison de Dieu les avait adoucis. Ils regardent la Maison sainte, énorme cube de marbre surmonté de dômes en or, vraie perle au milieu de l’enceinte imposante du Temple.

      A ce point, la troupe apostolique se forme ainsi : à l’avant marchent Jésus et Pierre avec l’enfant au milieu ; derrière, Simon, Judas et Jean ; puis André qui a obligé Jean d’En-Dor à se mettre entre lui et Jacques, fils de Zébédée ; au quatrième rang, les deux cousins du Seigneur avec Matthieu ; enfin, Thomas avec Philippe et Barthélemy. C’est Jésus qui entonne les hymnes de sa puissante, harmonieuse et très belle voix de baryton léger, qui fait ressortir les vibrations du ténor, et auquel répondent Judas Iscariote, un pur ténor, et Jean à la voix limpide et encore jeune, ainsi que les deux voix de baryton des cousins de Jésus et la voix de basse de Thomas, baryton tellement profond qu’il n’est plus guère baryton. Les autres, dotés de voix moins belles, accompagnent en sourdine le chœur des virtuoses du groupe. (Les psaumes sont les psaumes connus, appelés graduels).

      Le petit Yabeç, de sa voix d’ange au milieu des voix robustes des hommes, chante très bien, – parce qu’il le connaît peut-être mieux que les autres –, le psaume 121 [3] : « Je me suis réjoui parce qu’on m’a dit : “ Nous irons vers la maison du Seigneur. ” » Vraiment, la joie illumine son petit visage, si triste il y a quelques jours à peine.

      Voici les murailles désormais toutes proches. Voici la porte des Poissons [4]. Voici les rues encombrées par la foule.

      Ils vont tout de suite au Temple pour une première prière. Puis c’est enfin la paix, dans la paix de Gethsémani, le dîner, et le repos.

      Le voyage vers Jérusalem est terminé.

[1] 6,6 km : 36 x 185 m

[2] Référence non trouvée. Il ne semble pas que cela fasse référence au meurtre, en représailles, des fils de Saül (2Samuel 21,1-10)

[3] Psaume 122 (121) - Chant des pèlerinages, appartenant au recueil de David. Quelle joie, quand on m’a dit: Nous allons à la maison du Seigneur ! Nos pas s’arrêtent enfin chez toi, Jérusalem, Jérusalem, ville bien bâtie, bien ceinturée de ses murailles.  C’est chez toi que les tribus d’Israël, les tribus du Seigneur, viennent en pèlerinage pour louer le Seigneur. Telle est la règle en Israël. C’est chez toi aussi que se trouve le trône du descendant de David, où il siège pour rendre la justice.

[4] Au nord de Jérusalem, juste à côté du Temple

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par sofoyal Mar 14 Jan - 22:27

Merci @Anayel pour ce nouveau partage!
Comme d'habitude l'oeuvre est enrichissante.
Quelques points qui ont marqué mon attention:

*Un passage qui m'enseigne la prudence:
Mais moi, je suis apôtre…
– Et moi, je suis un malheureux, je le sais et je ne devrais pas me permettre de te faire la leçon. Mais, vois-tu, on ne sait jamais ce qu’on peut devenir. Je croyais mourir à Chypre en pédagogue honnête et respecté, et je suis devenu un homicide et un forçat. Mais quand je levais le couteau pour me venger, et quand je traînais mes chaînes en haïssant l’univers, si l’on m’avait dit que je deviendrais un disciple du Saint, j’aurais douté de la raison de celui qui me l’aurait dit. Et pourtant… tu vois ! Qui sait donc si même à toi, qui es apôtre, je ne peux donner quelque bonne leçon ? .
 

*Un autre passage qui fait penser qu'en vérité, une personne confessant vraiment la foi chrétienne peut aussi bien la trahir cruellement: 
"Jésus est Dieu".   (C'est Judas qui parle et c'est cela qui me fait frémir...)


*Un passage qui me fait rire. Rire, on le peut, car on sait que Pierre ne passera certainement pas à l'acte. 
« Qu’est-ce qu’il y a ? Qui manque de respect ? Le nouveau disciple ? »

      Il regarde Jean d’En-Dor qui s’est discrètement effacé quand il a compris que Jésus corrigeait l’apôtre, et qui est en train de parler avec Jacques, fils d’Alphée, et Simon le Zélote.

      « Pas le moins du monde. Il est respectueux comme une fillette.

      – Ah, bien ! Sinon… eh, son œil était en danger. Alors… alors, c’est Judas !…



*Enfin, un passage apaisant comme un rayon de soleil après la pluie:

– Ecoute, Simon, ne pourrais-tu pas t’occuper de ton petit garçon ? Tu me l’as pris, et ensuite tu veux te mêler d’une conversation amicale entre Nathanaël et moi. N’as-tu pas l’impression que tu veux faire trop de choses ? »

      Jésus sourit si tranquillement que Pierre reste indécis sur son jugement. Il regarde Barthélemy… mais ce dernier a levé son visage aquilin pour regarder le ciel… Pierre sent s’évanouir son soupçon. L’apparition de la cité finit de le distraire de tout. Elle est désormais proche, et on peut voir toute la beauté de ses collines, de ses oliveraies, de ses maisons, du Temple en particulier.


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Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 8 Signat10
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 15 Jan - 8:52

Bonjour Sofoyal,

Oui, que d’enseignements nous donne Judas ! Et Jean d’autant plus. D’un côté, on a les ténèbres, de l’autre la lumière... même s’il ne s’est ouvert que récemment à la Grâce de Dieu.

C’est un grand contraste que nous présente l’Oeuvre, mais elle est très riche en enseignements.

Je te laisse découvrir, à toi et à tous les lecteurs, la belle leçon de Jésus sur Marie Wink

196. Le sabbat à Gethsémani

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 57.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 196.


Vision du jeudi 21 juin 1945

(Samedi 25 mars 28)

    196.1 La matinée du sabbat a été occupée en majeure partie à reposer les corps fatigués et à remettre en état les vêtements empoussiérés et froissés par le voyage. Dans les grandes citernes de Gethsémani, que les orages ont remplies, et dans le Cédron qui chante toute une symphonie sur les pierres de son lit, écumant et gonflé par les pluies des jours précédents, il y a tant d’eau que c’en est une véritable invitation. L’un après l’autre, les pèlerins, défiant la fraîcheur, s’y plongent, et puis, revêtus à nouveau de pied en cap, les cheveux encore plaqués par les embruns du torrent, ils puisent de l’eau dans les citernes pour la reverser dans des bassins où l’on a mis les vêtements, couleur par couleur.

« Ah, bien ! Dit Pierre, tout content. Ils vont tremper là et Marie se fatiguera moins à les laver. »

(je suppose que c’est la femme qui entretient Gethsémani).

« Toi seul, petit, tu ne peux pas te changer. Mais demain… »

En effet, l’enfant a un petit vêtement propre qu’il a tiré de son sac, un sac qui pourrait suffire à une poupée tant il est minuscule. Mais cet habit est encore plus délavé et plus déchiré que l’autre et Pierre le regarde avec appréhension en murmurant :

« Comment vais-je faire pour le conduire en ville ? Plié en deux, mon manteau ferait à peu près l’affaire, car, avec un manteau… il serait couvert tout entier. »

Jésus, qui entend ce soliloque paternel, lui dit :

« Il vaut mieux le laisser se reposer maintenant. Ce soir, nous irons à Béthanie…

– Mais je veux lui acheter un vêtement. Je le lui ai promis…

– Certainement, tu le feras, mais il vaut mieux prendre conseil de ma Mère. Tu sais… les femmes… elles sont plus capables que nous pour les achats… et elle sera heureuse de s’occuper d’un enfant… Vous irez ensemble ! »

La pensée d’aller faire ces achats avec Marie transporte l’a­pôtre au septième ciel. Je ne sais pas si Jésus dit toute sa pensée ou s’il n’en garde pas pour lui une partie, à savoir qu’il aurait pu dire que sa Mère a meilleur goût pour éviter un bariolage de couleurs mal assorties. En fait, il atteint son but tout en évitant d’humilier son Pierre.

196.2 Ils se dispersent dans l’oliveraie, si belle en ce jour serein d’avril. La pluie des jours précédents semble avoir argenté les oliviers et semé des fleurs, tant les frondaisons resplendissent au soleil et tant les petites fleurs abondent au pied des oliviers. Des oiseaux chantent et volent de tous côtés.

La ville s’étend là-bas, à l’ouest de Gethsémani[50].

https://valtorta.fr/images/croquis/Ch196-Gethsemani-ouest.png" alt=""/>

Impossible de distinguer le fourmillement [1] de la foule à l’intérieur de la ville, mais on voit les caravanes se diriger vers la Porte des Poissons et d’autres portes à l’est dont j’ignore le nom, et la ville les engloutir comme un ventre famélique.

Jésus se promène en observant Yabeç qui joue de bon cœur avec Jean et les plus jeunes. Judas lui-même, une fois passé son dépit d’hier, est joyeux et s’amuse. Les plus âgés les regardent et sourient.

« Que dira ta Mère de cet enfant ? demande Barthélemy.

– Moi, je crois qu’elle dira : “ Il est bien chétif ”, déclare Thomas.

– Oh non ! Elle dira : “ Pauvre enfant ! ” répond Pierre.

– Elle te dira, au contraire : “ Je suis contente que tu l’aimes ”, objecte Philippe.

– La Mère n’en aurait jamais douté. Mais je crois qu’elle ne dira rien. Elle le serrera sur son cœur, dit Simon le Zélote.

– Et, à ton avis, Maître, que dira-t-elle ?

– Elle fera ce que vous dites. Mais elle pensera bien des choses – sinon même toutes –, elle se les dira dans son cœur mais, en l’embrassant, elle lui dira seulement : “ Sois béni ! ” ; et elle prendra soin de lui comme si c’était un oiseau tombé du nid.

196.3 Ecoutez-moi : un jour, elle me racontait un événement de sa petite enfance : elle n’avait pas encore trois ans car elle n’était pas encore au Temple, et son cœur se brisait d’amour en donnant, comme des fleurs et des olives écrasées et pressurées sous le pressoir, toute son huile et tous ses parfums. Dans son délire d’amour, elle disait à sa mère qu’elle désirait être vierge pour plaire davantage au Sauveur, mais qu’elle aurait voulu être une pécheresse pour pouvoir être sauvée. Elle en pleurait presque, parce que sa mère ne la comprenait pas et elle ne savait lui expliquer comment on peut faire pour être en même temps la “ pure ” et la “ pécheresse ”. C’est son père qui lui rendit la paix, en lui apportant un petit moineau qu’il avait sauvé alors qu’il était en danger sur le rebord d’une fontaine. Il lui raconta la parabole du petit oiseau en expliquant que Dieu l’avait sauvée d’avance et que, pour cette raison, elle devait le bénir deux fois. Et la petite vierge de Dieu, la très grande Vierge Marie, exerça sa première maternité spirituelle envers cet oisillon qu’elle libéra quand il fut capable de voler. Mais il ne quitta jamais le jardin de Nazareth, consolant par ses vols et ses pépiements la triste maison et les tristes cœurs d’Anne et de Joachim après le départ de Marie au Temple. Il est mort peu de temps avant qu’Anne ne rende le dernier soupir… Il avait terminé sa mission…

196.4 Ma Mère s’était vouée à la virginité par amour. Mais, étant une créature parfaite, elle avait la maternité dans le sang et dans l’âme. Car la femme est faite pour être mère, et c’est une aberration de demeurer sourde à ce sentiment, qui est un amour de deuxième puissance… »

Les autres se sont approchés tout doucement.

« Que veux-tu dire, Maître, en parlant d’amour de deuxième puissance ? demande Jude.

– Mon frère, il y a plusieurs amours et de puissances diffé­rentes. Il y a l’amour de première puissance : celui avec lequel on aime Dieu. Puis l’amour de deuxième puissance : l’amour maternel ou paternel car, si le premier est entièrement spirituel, le second est pour deux parts spirituel et pour une seule charnel. Il s’y mêle, oui, le sentiment d’affection humaine, mais l’amour supérieur prédomine. En effet, un père et une mère qui le sont sainement et saintement ne se contentent pas de procurer aliments et caresses au corps de leur enfant, mais aussi nourriture et amour à son intelligence comme à son âme. C’est si vrai que celui qui se voue à l’enfance, ne serait-ce que pour l’instruire, finit par l’aimer comme si c’était sa propre chair.

– Moi, en effet, j’aimais beaucoup mes élèves, dit Jean d’En-Dor.

– J’ai compris que tu devais être un bon maître, en voyant comment tu te comportes avec Yabeç. »

L’homme d’En-Dor s’incline et baise la main de Jésus sans parler.

« Continue, je t’en prie, ta classification des amours, demande Simon le Zélote.

– Il y a l’amour pour sa compagne. C’est un amour de troisième puissance parce qu’il est fait– je parle toujours des amours sains et saints – pour moitié d’esprit et pour moitié de chair. L’homme, pour son épouse, est un maître et un père en plus d’être époux. Et la femme, pour son époux, est un ange et une mère, en plus d’être épouse. Ce sont les trois amours les plus élevés.

196.5 – Et l’amour du prochain ? Ne te trompes-tu pas ? Ou bien l’as-tu oublié ? » demande Judas.

Les autres le regardent avec surprise et… avec sévérité, à cause de son observation.

Mais Jésus répond tranquillement :

« Non, Judas. Mais réfléchis bien : on aime Dieu, parce qu’il est Dieu et aucune explication n’est nécessaire pour encourager cet amour. Il est Celui qui est, c’est-à-dire le Tout ; et l’homme, c’est le rien qui devient une partie du Tout grâce à l’âme que lui infuse l’Eternel. Sans elle, l’homme serait seulement l’un des nombreux animaux sauvages qui vivent sur la terre, dans l’eau ou dans l’air. Il doit adorer Dieu par devoir et pour mériter de survivre dans le Tout, c’est-à-dire pour mériter de devenir une partie du peuple saint de Dieu au Ciel, citoyen de la Jérusalem qui ne connaîtra éternellement ni profanation ni destruction.

L’amour de l’homme, et en particulier de la femme, pour ses enfants, a valeur de commandement, selon les mots de Dieu à Adam et à Eve : après les avoir bénis, voyant qu’il avait fait une “ bonne chose ” dans un lointain sixième jour, le premier sixième jour de la création, il leur dit : “ Croissez et multipliez-vous, et remplissez la terre… ”

Je devine l’objection que tu n’exprimes pas et j’y réponds tout de suite : dans la création, avant la faute, tout était ordonné à l’amour et basé sur lui. Cette multiplication des enfants aurait été amour saint, pur, puissant, parfait. C’est le premier commandement que Dieu avait donné à l’homme : “ Croissez et multipliez-vous. ” [2] Par conséquent, après moi, aimez vos enfants. L’amour, tel qu’il existe maintenant : celui qui actuellement engendre des enfants, n’existait pas alors. La malice n’existait pas, pas plus que l’exécrable désir des sens. L’homme aimait la femme et la femme aimait l’homme, naturellement, non pas naturellement selon la nature telle que nous l’entendons, ou plutôt telle que vous, hommes, l’entendez, mais selon la nature des enfants de Dieu : surnaturellement.

Comme ils étaient doux, ces premiers jours d’amour entre Adam et Eve, qui étaient frère et sœur, puisque nés d’un Père unique, et qui pourtant étaient époux et, dans leur amour, se regardaient avec les yeux innocents de deux jumeaux au berceau ! Et l’homme éprouvait l’amour d’un père pour sa compagne “ os de ses os et chair de sa chair ” [3], comme l’est un enfant pour un père. Et la femme connaissait la joie d’être fille, c’est-à-dire protégée par un amour très haut car elle sentait qu’elle possédait en elle quelque chose de cet homme magnifique qui l’aimait avec innocence et avec une angélique ardeur dans les belles prairies de l’Eden !

Ensuite, dans l’ordre des commandements que Dieu a donnés avec un sourire à ses enfants bien-aimés, vient celui qu’Adam lui-même — doté par la grâce d’une intelligence qui n’avait au-dessus d’elle que celle de Dieu — exprime, en parlant de sa compagne et en elle de toutes les femmes ; c’est le décret de la pensée de Dieu qui se réfléchissait avec netteté dans le pur miroir de l’âme d’Adam où naissait une fleur de pensée et de parole : “ L’homme quittera son père et sa mère et s’unira à sa femme ; les deux seront une seule chair. ” [4]

Si les trois piliers des trois amours dont je viens de parler n’avaient pas existé, l’amour du prochain aurait-il pu exister ? Non, cela aurait été impossible. L’amour de Dieu nous donne Dieu pour ami et enseigne l’amour. Celui qui n’aime pas Dieu, qui est bon, ne peut certainement pas aimer son prochain, qui le plus souvent a des défauts. S’il n’y avait pas eu l’amour conjugal et la paternité dans le monde, il n’aurait pas pu y avoir de prochain car le prochain est fait de l’ensemble des enfants nés des hommes. En es-tu persuadé ?

– Oui, Maître. Je n’avais pas réfléchi.

– En fait, il est difficile de remonter aux sources. L’homme est désormais enfoncé depuis des siècles et des millénaires dans la boue, et ces sources sont si haut sur les cimes ! D’ailleurs, la première d’entre elles vient d’une hauteur abyssale : Dieu… Mais je vous prends par la main et je vous conduis aux sources. Je sais où elles se trouvent…

196.6 – Et les autres amours ? demandent en même temps Simon le Zélote et l’homme d’En-Dor.

– Le premier de la seconde série est l’amour du prochain. En réalité, c’est le quatrième en puissance. Ensuite vient l’amour de la science, puis l’amour du travail.

– Et c’est tout ?

– C’est tout.

– Mais il y a beaucoup d’autres amours ! S’exclame Judas Iscariote.

– Non, il y a d’autres désirs, mais ce ne sont pas des amours. Ce sont des “ absences d’amour ”. Elles nient Dieu, elles nient l’homme. Pour cette raison, elles ne peuvent être des amours car ce sont des négations, or la négation c’est la haine.

– Si je refuse de consentir au mal, est-ce également de la haine ? demande encore Judas.

– Pauvres de nous ! Mais tu es plus ergoteur qu’un scribe ! Dis-moi, qu’est-ce que tu as ? Est-ce l’air vif de la Judée qui t’excite les nerfs, comme une crampe ? s’exclame Pierre.

– Non. J’aime m’instruire et avoir beaucoup d’idées, des idées claires. Ici, il est facile de parler avec les scribes, justement. Je ne veux pas rester à court d’arguments.

– Et crois-tu pouvoir au bon moment sortir l’échantillon de la couleur réclamée, du sac où tu conserves tous ces chiffons ? demande Pierre.

– Chiffons, les paroles du Maître ? Tu blasphèmes !

– Ne fais pas le scandalisé ! Dans sa bouche à lui, ce ne sont pas des chiffons. Mais, une fois que nous avons déformé ses paroles, c’est ce qu’elles deviennent… Essaie de mettre du byssus précieux entre les mains d’un enfant… Peu de temps après, c’est une loque sale et déchirée. C’est ce qui nous arrive à nous… Maintenant, si tu prétends pêcher au bon moment la loque qu’il te faut, entre ce qui n’est qu’une loque et ce qui est sale… hum ! Je ne sais pas ce que tu en feras.

– Ne t’en soucie pas. Ce sont mes affaires.

– Ah ! Tu peux être sûr que je ne m’en soucie pas ! J’ai assez des miennes. Et d’ailleurs… Je me contente que tu ne nuises pas au Maître car, dans ce cas, je m’occuperais aussi de tes affaires…

– Quand j’agirai mal, tu le feras : mais cela n’arrivera pas, car je sais y faire… Je ne suis pas un ignorant, moi…

– Je le suis, moi, et je le sais. Mais puisque, précisément, j’en suis conscient, je ne fais pas de réserves, pour les sortir ensuite au bon moment. Je me recommande à Dieu, et Dieu m’aidera pour l’amour de son Messie dont je suis le serviteur le plus insignifiant et le plus fidèle.

– Fidèles, nous le sommes tous ! Réplique Judas avec arrogance.

– Oh ! Le méchant ! Dit Yabeç avec sévérité, rompant le silence qu’il gardait attentivement. Pourquoi offenses-tu mon père ? Il est âgé, il est bon. Tu ne dois pas. Tu es un homme méchant, et tu me fais peur !

– Et de deux ! » dit à voix basse Jacques, fils de Zébédée, en donnant un coup de coude à André.

Il a parlé doucement, mais Judas a entendu.

« Tu vois, Maître, si les paroles de cet imbécile d’enfant de Magdala ont laissé un souvenir ? [5] dit Judas, rouge de dépit.

196.7 – Mais ne vaudrait-il pas mieux continuer la leçon du Maître, au lieu de ressembler à des chevreaux en colère ? demande le pacifique Thomas.

– Mais oui, Maître ! S’exclame Matthieu. Parle-nous encore de ta Mère. Son enfance est si lumineuse ! Elle nous rend l’âme vierge par simple reflet ; or, moi, pauvre pécheur, j’en ai bien besoin !

– Que dois-je vous raconter ? Il y a tant d’épisodes, tous plus doux l’un que l’autre…

– C’est elle qui te les a racontés ?

– Quelques-uns, oui, mais Joseph beaucoup plus. C’est lui qui m’a fait les plus beaux récits quand j’étais petit. Et aussi Alphée, fils de Sarah, qui était de six ans plus âgé que ma Mère et fut son ami pendant les quelques années où elle vécut à Nazareth.

– Oh, raconte ! » demande instamment Jean.

Ils sont tous en cercle, assis à l’ombre des oliviers avec au milieu Yabeç qui regarde fixement Jésus, comme s’il écoutait un conte paradisiaque.

« Je vais vous rapporter la leçon de chasteté que ma Mère a donnée, quelques jours avant d’entrer au Temple, à son petit ami et à beaucoup d’autres.

Ce jour-là, une jeune fille de Nazareth, parente de Sarah, s’était mariée. Joachim et Anne avaient été invités eux aussi aux noces, et avec eux la petite Marie qui, avec d’autres enfants, était chargée de jeter des pétales effeuillés sur le chemin de l’épouse. On dit qu’elle était très belle depuis sa plus tendre enfance, et tout le monde se la disputait, après la joyeuse entrée de l’épouse. Il était très difficile de voir Marie parce qu’elle vivait beaucoup à la maison, affectionnant, plus que tout autre lieu, une petite grotte qu’elle appelle toujours la grotte “ de ses fiançailles ”. Aussi, quand on la voyait, blonde, rose, gracieuse, on l’accablait de caresses. On l’appelait : “ Fleur de Nazareth ” ou bien : “ Perle de la Galilée ” ou encore : “ Paix de Dieu ” en souvenir d’un immense arc-en-ciel qui était survenu à l’improviste à son premier vagissement. Effectivement, elle était et reste tout cela, et plus encore. C’est la Fleur du Ciel et de la création, c’est la Perle du Paradis et la Paix de Dieu… Oui, la paix. Je suis le Pacifique car je suis le Fils du Père et le fils de Marie : la paix infinie et la paix douce.

Ce jour-là, tous voulaient lui donner des baisers et la prendre sur leurs genoux. Or elle, écartant les baisers et les contacts, dit avec une gracieuse gravité : “ Je vous en prie, ne me froissez pas. ” Ils crurent qu’elle parlait de son vêtement de lin ceint d’une bande bleue à la taille et aussi à ses petits poignets et autour de son cou… ou de la petite guirlande de fleurs bleues dont Anne l’avait couronnée pour tenir en place les boucles légères de ses cheveux. Ils l’assurèrent qu’ils n’allaient froisser ni son vêtement ni sa guirlande. Mais elle, avec assurance, comme une petite femme de trois ans debout au milieu d’un cercle de grandes personnes, dit avec sérieux : “ Je ne pense pas à ce qui se répare. Je parle de mon âme. Elle appartient à Dieu et je veux que Dieu seul y touche. ” On lui objecta : “ Mais c’est à toi que nous donnons des baisers, pas à ton âme. ” Elle rétorqua : “ Mon corps est le temple de mon âme et l’Esprit en est le prêtre. On n’admet pas le peuple dans l’enceinte des prêtres. Je vous en prie, n’entrez pas dans l’enceinte de Dieu. ”

Alphée [6], qui avait alors plus de huit ans et qui l’aimait beaucoup, fut frappé par cette réponse. Le lendemain, il la trouva près de sa petite grotte occupée à cueillir des fleurs, et il lui demanda : “ Marie, quand tu seras grande, me voudrais-tu pour époux ? ” Il était encore animé par l’effervescence de la fête nuptiale à laquelle il avait assisté. Mais elle lui répondit : “ Je t’aime bien, mais je ne te vois pas comme homme. Je te dis un secret : je vois seulement l’âme des vivants. Elle, je l’aime beaucoup, de tout mon cœur, mais je ne vois personne d’autre que Dieu comme ‘Vrai Vivant’ à qui je pourrais me donner moi-même. ” Voilà un épisode.

– “ Vrai Vivant ” ! Mais tu sais que c’est une parole profonde ! » s’exclame Barthélemy.

Souriant, Jésus répond humblement :

« Elle était la Mère de la Sagesse.

– Elle était… ? Mais n’avait-elle pas trois ans ?

– Elle l’était. Je vivais déjà en elle, car j’étais Dieu en elle, dès sa conception, dans son Unité et sa très parfaite Trinité.

196.8 – Mais, excuse-moi si j’ose parler, moi qui suis coupable, mais

Joachim et Anne savaient-ils qu’elle était la Vierge élue ? demande Judas.

– Non, ils l’ignoraient.

– Dans ce cas, comment Joachim pouvait-il dire que Dieu l’avait sauvée d’avance ? Cela ne fait-il pas allusion à son privilège par rapport à la faute ?

– C’est une allusion. Mais, comme pour tous les prophètes, c’est Dieu qui parlait par la bouche de Joachim. Lui non plus n’a pas compris la sublime vérité surnaturelle que l’Esprit mettait sur ses lèvres, car Joachim était un juste, au point de mériter cette paternité, et c’était un humble – puisqu’il n’y a pas de justice là où règne l’orgueil –. Lui, il était juste et humble. Il consola sa fille par son amour de père. Il l’instruisit par sa science de prêtre, car il l’était en tant que tuteur de l’Arche de Dieu. Il la consacra comme pontife par le titre le plus doux : “ La femme sans tache. ” Un jour viendra où un autre Pontife aux cheveux blancs dira au monde : “ Elle est la Femme conçue immaculée ” ; il donnera aux croyants cette vérité, comme un article de foi incontestable [7], pour que, dans le monde d’alors, en train de s’enfoncer toujours plus dans une grisaille nébuleuse d’hérésies et de vices, resplendisse ouvertement la Toute-Belle de Dieu, couronnée d’étoiles, vêtue des rayons de la lune moins purs qu’elle, et appuyée sur les astres, la Reine du créé et de l’incréé ; car, dans son Royaume, Dieu-Roi a pour Reine Marie [8].

– Alors Joachim était prophète ?

– C’était un juste. Son âme répétait comme un écho ce que Dieu disait à son âme aimée de Dieu.

196.9 – Quand allons-nous voir cette Maman, Seigneur ? demande Yabeç dont les yeux traduisent le désir.

– Ce soir. Que lui diras-tu, en la voyant ?

– “ Je te salue, Mère du Sauveur. ” Cela va bien comme ça ?

– Très bien, confirme Jésus avec une caresse.

– Mais nous n’irons pas au Temple aujourd’hui ? demande Philippe.

– Nous irons avant de partir pour Béthanie. Et toi, Yabeç, tu resteras tranquille ici, n’est-ce pas ?

– Oui, Seigneur. »

L’épouse de Jonas, le régisseur de l’oliveraie, qui s’est approchée tout doucement, demande :

« Pourquoi ne l’y conduis-tu pas ? L’enfant en a envie… »

Jésus la regarde avec insistance sans parler.

La femme comprend et le dit :

« J’ai compris ! Mais je dois avoir encore un petit manteau de Marc. Je vais le chercher. »

Sur ce, elle s’éloigne en courant.

Yabeç tire Jean par la manche :

« Est-ce que les maîtres seront sévères ?

– Oh non ! N’aie pas peur ; et puis ce n’est pas pour aujourd’hui. Dans quelques jours, avec la Mère de Jésus, tu seras plus sage qu’un docteur » dit Jean pour le réconforter.

Les autres entendent et sourient de l’appréhension de Yabeç.

« Mais qui le présentera en qualité de père ? demande Matthieu.

– Moi. C’est naturel ! A moins que… le Maître ne veuille le présenter, dit Pierre.

– Non, Simon. Je ne le ferai pas. Je te laisse cet honneur.

– Merci, Maître. Mais… tu seras présent toi aussi ?

– Certainement. Nous le serons tous. C’est “ notre ” enfant… »

Marie, femme de Jonas, revient avec un manteau violet foncé encore en bon état. Mais quelle couleur ! Elle-même le dit :

« Marc n’a jamais voulu le porter parce que la couleur ne lui plaisait pas. »

Je le crois bien ! C’est affreux ! Et le pauvre Yabeç, avec son teint olivâtre, a l’air d’un noyé dans cette couleur violente. Mais lui ne se voit pas… si bien qu’il est heureux de porter ce manteau dans lequel il peut se draper comme un homme…

« Le repas est prêt, Maître. La servante a déjà enlevé l’agneau de la broche.

– Alors allons-y. »

Et, descendant de l’endroit où ils se trouvent, ils entrent dans la vaste cuisine pour le repas.

[1] Au nord de Jérusalem, à côté du Temple.

[2] Genèse 1,28

[3] Genèse 2,23

[4] Genèse 2,24

[5] Benjamin de Magdala (cf. 2.44) qui n’a pas mâché ses mots pour dire ses sympathies et ses antipathies, dont le "Tu me fais peur" adressé à Judas.

[6] Probablement Alphée de Sara.

[7] Le Dogme de l'Immaculée conception a été proclamé par Pie IX le 8 décembre 1854 par la bulle Ineffabilis Deus.

[8] Cf. Apocalypse 12,1 "1 Un grand signe apparut dans le ciel: une femme, vêtue du soleil, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. - 2 Elle était enceinte et criait dans le travail et les douleurs de l’enfantement.

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 16 Jan - 8:41

197. Au Temple avec Joseph d’Arimathie. L’heure de l’encens.


Ancienne édition : Tome 3, chapitre 58.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 197.


Vision du vendredi 22 juin 1945

(Samedi 25 mars 28)

197.1 - Pierre est vraiment solennel quand il entre en qualité de père dans l'enceinte du Temple, tenant Yabeç par la main. Il semble même plus grand, tant il se redresse en marchant.

Derrière, en groupe, tous les autres. Jésus est le dernier, occupé dans une discussion serrée avec Jean d'En-Dor qui paraît avoir honte d'entrer au Temple.

Pierre demande à son protégé : "Tu n'y es jamais venu ?" et il lui répond : "Quand je suis né [1], père, mais je ne m'en souviens pas" ce qui fait rire Pierre de bon cœur. Il le répète à ses compagnons qui rient eux aussi en disant bonnement et finement: "Peut-être tu dormais et par conséquent..." ou bien : "Nous sommes tous comme toi. Nous ne nous rappelons pas notre venue ici, à notre naissance."

197.2 - Jésus aussi pose la même question à son protégé et en obtient une réponse analogue ou presque, car Jean d'En-Dor dit : "Nous étions des prosélytes et je suis venu dans les bras de ma mère justement pour une Pâque, car je suis né dans les premiers jours d'Adar [2]. Ma mère, qui était de Judée, s'est mise en voyage dès qu'elle a pu, pour offrir à temps son garçon au Seigneur. Peut-être trop vite... car elle est tombée malade et ne s'en est pas remise. J'avais moins de deux ans, quand je suis resté sans mère. Le premier malheur de ma vie. Mais j'étais l'aîné, et restai fils unique à cause de sa maladie et elle était fière de mourir pour avoir obéi à la Loi. Mon père me disait : "Elle est morte contente de t'avoir offert au Temple"... Pauvre mère ! Qu'as-tu offert ? Un futur assassin..."

"Jean, ne parle pas ainsi. Alors tu étais Félix, maintenant tu es Jean. Aie présente à ton esprit la grande grâce que Dieu t'a faite, cette grâce, toujours. Mais laisse de côté la dégradation de ce que tu as été... N'es-tu plus revenu au Temple ?"

"Oh ! si. À douze ans et depuis lors toujours tant que... tant que je pus le faire... Après, quand j'aurais pu le faire, je ne l'ai plus fait, car je t'ai dit quel culte j'avais : un seul, la Haine... Et même à cause de cela, je n'ose pénétrer ici. Je me sens étranger dans la maison du Père... Je l'ai abandonnée trop longtemps..."

"Tu y reviens, pris par la main par Moi qui suis le Fils du Père. Si je te conduis devant l'autel, c'est parce que je sais que tout est pardonné."

Jean d'En-Dor sanglote douloureusement et dit : "Merci, mon Dieu."

"Oui, remercie le Très-Haut. Tu vois qu'elle avait l'esprit prophétique, ta mère, véritable israélite ? Tu es le garçon consacré au Seigneur, et qu'on ne rachète plus. Tu es à Moi, tu es à Dieu comme disciple et donc comme futur prêtre de ton Seigneur, dans la nouvelle ère et la nouvelle religion qui tirera son nom de Moi. Je t'absous de tout, Jean. Avance avec sérénité vers le Saint. En vérité je te dis que parmi ceux qui habitent cette enceinte, il y en a beaucoup qui sont bien plus coupables que toi et plus indignes que toi de s'approcher de l'autel"...

197.3 - Pendant ce temps, Pierre s'ingénie à expliquer à l'enfant les choses qui sont les plus remarquables dans le Temple, mais il appelle à son secours les autres plus cultivés et spécialement Barthélemy et Simon parce qu'il se trouve à l'aise avec les plus âgés, en qualité de père.

Ils sont près du trésor pour faire leur offrande quand Joseph d'Arimathie les hèle :

"Vous êtes ici ? Depuis quand ?" dit-il après les échanges de salutations.

"Depuis hier soir. "

"Le Maître ?"

"Il est là-bas avec un nouveau disciple. Il va venir."

Joseph regarde l'enfant et demande à Pierre: "Ton neveu ?"

"Non... oui... en somme rien comme sang, beaucoup comme foi, tout comme amour."

"Je ne te comprends pas..."

"C'est un petit orphelin... donc pas de lien de sang. Un disciple... donc beaucoup pour la foi. Un fils... donc tout comme amour. Le Maître l'a recueilli... et moi, je le caresse. Il doit devenir majeur ces jours-ci…"

"Déjà douze ans ? Si petit ?"

"Hé !... mais le Maître te le dira... Joseph tu es bon... un des rares qui soient bons ici... Dis-moi: tu pourrais m'aider dans cette affaire ? Tu sais... je le présente comme s'il était mon fils. Mais je suis galiléen et j'ai une mauvaise lèpre..."

"La lèpre !" s'exclame Joseph effrayé en s'écartant.

"N'aie pas peur !... J'ai la lèpre d'appartenir à Jésus ! La plus odieuse pour ceux du Temple à part quelques exceptions."

"Non ! Ne le dis pas !"

"C'est la vérité et il faut la dire... Aussi, je crains qu'ils ne soient cruels avec le petit à cause de moi et de Jésus. Et puis je ne sais pas comment il sait la Loi, l'Halakha, l'Haggadah et les Midrashim. Jésus dit qu'il en sait assez...[3]"

"Hé ! mais si Jésus le dit, n'aie pas peur !"

"Mais pour me faire de la peine ceux-là..."

"Tu aimes bien ce petit ! Tu le gardes toujours avec toi?"

"Je ne peux pas !... Je suis toujours en marche... L'enfant est petit et chétif..."

"Mais moi, je viendrais volontiers avec toi..." dit Yabeç que les caresses de Joseph ont rassuré.

Pierre rayonne de joie... Mais il dit : "Le Maître dit que l'on ne doit pas, et nous ne le ferons pas... Mais nous nous verrons tout de même... Joseph... Tu m'aides ?"

"Mais oui ! Je viendrai avec toi. Devant moi, ils ne feront pas d'injustices. Quand est-ce ?"

197.4 - Oh ! Maître ! Donne-moi ta bénédiction !"

"La paix à toi, Joseph. Je suis heureux de te voir, et en bonne santé."

"Moi aussi, Maître, et même les amis te verront avec joie. Tu es à Gethsémani ?"

"J'y étais. Après la prière, je vais à Béthanie."

"Chez Lazare ?"

"Non, chez Simon. Il y a aussi ma Mère et la mère de mes frères et celle de Jean et Jacques. Viendras-tu me trouver ?"

"Tu le demandes ? C'est pour moi une grande joie et un grand honneur. Je te remercie. Je viendrai avec plusieurs amis..."

"Vas-y doucement, Joseph, avec les amis !..." conseille Simon le Zélote.

"Oh ! vous les connaissez déjà. La prudence dit : "Que l'air n'entende pas". Mais quand vous les verrez, vous comprendrez que ce sont des amis."

"Alors..."

"Maître, Simon de Jonas me parlait de la cérémonie du petit. Tu es venu au moment où je demandais quand vous avez l'intention de la faire. Je veux y être, moi aussi."

"Le mercredi avant la Pâque. Je veux qu'il fasse sa Pâque en fils de la Loi."

"Très bien. C'est entendu. Je viendrai vous prendre à Béthanie. Mais lundi je viendrai avec des amis."

"C'est entendu."

"Maître, je te quitte. La paix soit avec Toi. C'est l'heure de l'encens."

"Adieu, Joseph. La paix soit avec toi.

197.5 - Viens, Yabeç. C'est l'heure la plus solennelle de la journée. il y en a une autre du même genre le matin, mais celle-ci est encore plus solennelle. Le matin c'est le commencement du jour. Et c'est bien que l'homme bénisse le Seigneur pour en être béni pendant la journée, dans tous ses travaux. Mais le soir c'est encore plus solennel. La lumière s'éloigne, le travail cesse, la nuit arrive. La lumière qui s'éloigne nous rappelle la chute dans le mal, et réellement les mauvaises actions arrivent d'ordinaire pendant la nuit. Pourquoi ? Parce que l'homme n'est plus occupé par son travail. Il lui arrive plus facilement d'être entouré par le Malin qui envoie ses appels et ses cauchemars. Aussi c'est bien, après avoir remercié Dieu de sa protection pendant la journée, de Le supplier qu'il éloigne de nous les fantômes de la nuit et les tentations. La nuit, le sommeil... symbole de la mort. Mais heureux ceux qui ayant vécu avec la bénédiction du Seigneur s'endorment, non dans les ténèbres, mais dans une lumineuse aurore. Le prêtre qui offre l'encens le fait au nom de nous tous. il prie pour tout le peuple, en communion avec Dieu, et Dieu lui confie sa bénédiction pour le peuple de ses fils. Vois-tu combien est grand le ministère du prêtre ?"

"Il me plairait... il me semblerait être encore plus près de maman..."

"Si tu es toujours un bon disciple et un bon fils de Pierre, tu le deviendras. Viens maintenant. Voici que les trompettes annoncent que l'heure est arrivée. Allons avec vénération louer Geové." (Jésus prononce ainsi, avec le "g" qui devient long : un Sgiéveee très chantant, avec les derniers "e" très ouverts comme si c'était "a" alors que celui qui suit le "g" est très fermé).    

[1] Pour la cérémonie de sa présentation au Temple et de la purification de sa mère.

[2] Mi-février.

[3] Pour la sauvegarde de la Loi, base religieuse et juridique de la communauté juive, les rabbins l’entourèrent, après l’exil, d’une exégèse appelée Midrash (Interprétation). Les midrashim sont des commentaires sur des passages des Écritures. Parmi les auteurs réputés de ces traditions midrashiques on peut citer Hillel, Schammei et Gamaliel.
Midrash désigne aussi la branche du savoir rabbinique qui a trait aux règles de la loi traditionnelle (écrite), par opposition à la Michna (tradition orale). Cette interprétation de la Loi mosaïque donna des prescriptions nouvelles, des règles de conduite qu’il fallait suivre sur le culte et le droit (les Halâkoth). L’interprétation des parties historiques du Pentateuque donna des récits et des légendes (l’Haggadah). Toutefois, par égard pour la Loi mosaïque, ces midrashim ne devaient être transmis de génération en génération qu’oralement, quoique leur autorité finît par égaler pratiquement celle de la Loi.  

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 17 Jan - 10:24

198. Yabeç change son nom en Marziam. Rencontre de Jésus avec sa Mère, à Béthanie.


Ancienne édition : Tome 3, chapitre 58.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 197.


Vision du samedi 23 juin 1945

(Samedi 25 mars 28)

198.1 Par la route ombragée qui relie le mont des Oliviers à Béthanie – et je pourrais dire que la montagne avec ses verts contreforts arrive jusqu’à la campagne de Béthanie –, Jésu et ses disciples marchent rapidement jusqu’à la ville de Lazare.

Il n’y est pas encore entré qu’on le reconnaît et que des messagers volontaires se répandent dans tous les sens pour annoncer sa venue. Grâce à cela, Lazare et Maximin accourent d’un côté, Isaac avec Timon et Joseph de l’autre, et en troisième lieu Marthe avec Marcelle, qui relève son voile afin de se baisser pour baiser le vêtement de Jésus ; tout de suite après surviennent Marie, femme d’Alphée, et Marie Salomé qui vénèrent le Maître, puis embrassent leurs fils. Pendant ce temps, le petit Yabeç — que Jésus tient toujours par la main —, ballotté au milieu de tous ces gens qui arrivent, écarquille les yeux avec stupéfaction ; de son côté, Jean d’En-Dor, se sentant étranger, se retire à part au fond du groupe. Et voici que s’avance, sur le sentier qui mène à la maison de Simon, la Mère de Jésus.

Jésus laisse tomber la main de Yabeç et repousse doucement ses amis pour se hâter vers elle. Les mots bien connus déchirent l’air, se détachant comme un solo d’amour au-dessus du bourdonnement de la foule : « Mon Fils ! » ; « Maman ! » Ils s’embrassent ; on sent, dans le baiser, de Marie l’angoisse de celle qui a craint pendant si longtemps et qui, maintenant, au moment de la délivrance de la terreur qui l’a possédée, ressent la fatigue de l’effort qu’elle a fait à la mesure du danger qu’il a couru…

Jésus, qui le comprend, lui fait une caresse et dit :

« En plus de mon ange gardien, j’avais le tien, Mère, pour veiller sur moi. Il ne pouvait rien m’arriver de mal.

– loué soit le Seigneur. Mais j’ai tant souffert !

– Je voulais venir plus rapidement, mais j’ai dû emprunter une autre route pour t’obéir. Et cela a été un bien, parce que ton ordre, ma Mère, comme toujours, a produit de belles fleurs. [1]

– Ton obéissance, mon Fils !

– Ton sage commandement, Mère… »

Ils se sourient comme deux amoureux. Mais est-il possible que cette femme soit la mère de cet homme ? Où sont les seize années de différence [2] ? La fraîcheur et la grâce du visage et du corps virginal font de Marie la sœur de son Fils qui est, lui, dans la plénitude de son splendide développement humain.

« Tu ne me demandes pas la raison de cette belle floraison ? demande Jésus sans cesser de sourire.

– Je sais que mon Jésus ne me cache rien.

– Chère Maman ! »

Il lui donne encore un baiser…

Les gens qui se sont tenus à quelques mètres paraissent ne pas observer la scène. Mais je parie qu’il n’y en a pas un, de tous ces yeux qui semblent regarder ailleurs, qui ne se porte un instant sur ce doux tableau.

198.2 Celui qui regarde plus que tout autre, c’est Yabeç. Jésus l’a abandonné quand il a couru embrasser sa Mère et ce pauvre enfant est resté seul car, dans l’empressement des questions et des réponses, on n’a plus prêté attention à lui… Il examine attentivement, puis incline la tête, lutte contre le chagrin… mais à la fin il n’y tient plus et fond en larmes en gémissant : « Maman ! Maman ! »

Tous, et Jésus et Marie les premiers, se retournent, tous tentent d’y remédier ou se demandent quel est cet enfant.

Marie, femme d’Alphée, accourt, ainsi que Pierre — ils étaient ensemble — en demandant tous deux :

« Pourquoi pleures-tu ? »

Mais avant que Yabeç, étreint par son grand chagrin, puisse retrouver son souffle pour parler, Marie accourt et le prend dans ses bras :

« Oui, mon petit enfant, la Maman ! Ne pleure plus et excuse-moi si je ne t’ai pas vu plus tôt. Voici, mes amis, mon petit enfant… »

On se rend compte que Jésus, en parcourant ces quelques mètres, doit lui avoir confié :

« C’est un petit orphelin que j’ai pris avec moi. »

Le reste, Marie l’a deviné. L’enfant pleure encore, mais avec moins de peine, et comme Marie le tient dans ses bras et l’em­brasse, il finit par sourire, son visage encore tout baigné de larmes.

« Viens que je t’essuie toutes ces larmes. Tu ne dois plus pleurer ! Donne-moi un baiser… »

Yabeç… ne demandait que cela et, après tant de caresses d’hommes barbus, il est heureux d’embrasser la joue si douce de Marie.

198.3 Pendant ce temps, Jésus a recherché et trouvé Jean d’En-Dor, et il va le prendre dans le coin où il se tient, à l’écart. Tandis que les apôtres saluent Marie, Jésus vient à elle tenant par la main Jean d’En-Dor :

« Mère, voici l’autre disciple. Ces deux fils, c’est ton ordre qui les a obtenus.

– Ton obéissance, mon Fils », répète Marie. Et elle salue l’homme en disant : « La paix est avec toi. »

L’homme, cet homme rude, inquiet, qui avait déjà bien changé depuis ce matin où le caprice de Judas avait amené Jésus à En-Dor, finit de se dépouiller de son passé alors qu’il s’incline devant Marie. Je crois qu’il en est ainsi, tant le visage qui se redresse après la profonde inclination paraît serein, réellement “ pacifié ”.

198.4 Tout le monde se dirige vers la maison de Simon : Marie avec Yabeç dans ses bras, Jésus qui tient par la main Jean d’En-Dor et puis, autour et derrière, Lazare et Marthe, les apôtres avec Maximin, Isaac, Joseph, Timon.

Ils entrent dans la maison sur le seuil de laquelle le vieux serviteur de Simon vénère Jésus et son maître.

« Paix à toi, Joseph, ainsi qu’à cette maison », dit Jésus en levant la main pour bénir, après l’avoir posée sur la tête blanche du vieil homme.

Une fois passé leur premier mouvement de joie, Lazare et Marthe se montrent un peu tristes, et Jésus les interroge :

« Pourquoi donc, mes amis ?

– Parce que tu n’es pas avec nous, et parce que tout le monde vient à toi excepté l’âme que nous voudrions tout à toi.

– Affermissez votre patience, votre espérance, votre prière. Et puis, je suis avec vous. Cette maison !… Cette maison n’est que le nid d’où le Fils de l’homme volera chaque jour vers de chers amis, si voisins dans l’espace mais, à considérer les choses surnaturellement, infiniment plus proches dans l’amour. Vous êtes dans mon cœur et je suis dans le vôtre. Peut-on être plus proches que cela ? Mais ce soir nous serons ensemble. Veuillez vous asseoir à ma table.

– Ah ! Pauvre de moi ! Et moi qui reste à flâner ici ! Viens, Salomé, nous avons du travail ! »

Le cri de Marie, femme d’Alphée, fait sourire tout le monde, alors que la bonne parente de Jésus se lève rapidement pour vaquer à ses occupations.

Mais Marthe la rejoint :

« Marie, ne te fais pas de souci pour la nourriture. Je vais donner des ordres. Contente-toi de préparer les tables. Je t’enverrai les sièges qui seront nécessaires et tout ce qu’il faut. Viens, Marcelle. Je reviens tout de suite, Maître.

198.5 – J’ai vu Joseph d’Arimathie, Lazare. Il vient lundi ici avec des amis.

– Oh ! Alors, ce jour-là, tu m’appartiens !

– Oui. Il vient pour que nous soyons ensemble, et aussi pour organiser une cérémonie qui concerne Yabeç. Jean, conduis l’enfant sur la terrasse. Il s’amusera. »

Jean, toujours obéissant, se lève aussitôt de sa place, et peu après on entend le babil de l’enfant et le bruit de ses petits pieds sur la terrasse qui entoure la maison.

« Cet enfant, explique Jésus à sa Mère, à ses amis, aux femmes, parmi lesquelles se trouve Marthe qui s’est empressée pour ne pas perdre une minute de joie auprès du Maître, c’est le petit-fils d’un paysan de Doras. Je suis passé par Esdrelon…

– Est-il vrai que les champs sont désolés et qu’il veut les vendre ?

– Pour être désolés, ils le sont ! Pour ce qui est de la vente, je l’ignore. Un paysan de Yokhanan m’en a parlé, mais je ne sais pas si c’est sûr.

– S’il vendait… je les achèterais volontiers pour te procurer un asile même au milieu de ce nid de serpents.

– Je ne crois pas que tu y parviennes. Yokhanan est décidé à les acquérir.

– Nous verrons… Mais continue ton récit. Qui sont ces paysans ? Il a dispersé tous ceux qui s’y trouvaient.

– Oui. Ceux-ci viennent de ses terres de Judée, au moins le vieillard qui est le parent de l’enfant. Il le gardait dans le bois comme un animal sauvage, pour que Doras ne l’aperçoive pas… et il y était depuis l’hiver…

– Oh, le pauvre enfant ! Mais pourquoi ? »

Les femmes sont toutes bouleversées.

« Parce que son père et sa mère ont été ensevelis sous l’éboulement qui a eu lieu aux environs d’Emmaüs. Tous : père, mère, frères. Lui, il a échappé à la mort parce qu’il n’était pas à la maison. On l’a conduit chez son vieux grand-père. Mais que pouvait faire un paysan de Doras ? Toi, Isaac, tu as parlé de moi comme d’un sauveur, même pour ce cas.

– Ai-je mal fait, Seigneur ? demande humblement Isaac.

– Tu as bien fait. Dieu le voulait. Le vieillard m’a confié l’enfant qui doit aussi devenir majeur ces jours-ci.

– Oh, le pauvre ! Il est si petit à douze ans ! Mon Jude mesurait le double à cet âge-là… Et Jésus ? Quelle fleur ! » dit Marie, femme d’Alphée.

Salomé ajoute :

« Même mes fils étaient bien plus forts ! »

Et Marthe murmure :

« Vraiment, il est petit ! Je croyais qu’il n’avait pas encore dix ans.

– Ah ! La faim, c’est effroyable ! Or il a souffert de la faim depuis qu’il est au monde. Et maintenant… Que pouvait bien lui donner le vieil homme, si là-bas tout le monde meurt de faim ? dit Pierre.

– Oui, il a beaucoup souffert. Mais il est très bon et intelligent. Je l’ai pris pour consoler le vieillard et l’enfant.

198.6 – Tu l’adoptes ? demande Lazare.

– Non. Je ne le peux pas. »

– Dans ce cas, c’est moi qui le prends. »

Pierre voit se dissiper son espoir et pousse un vrai gémissement :

« Seigneur ! Tout pour lui ? »

Jésus sourit :

« Lazare, tu as déjà beaucoup fait et je t’en suis reconnaissant. Mais cet enfant, je ne peux te le confier. C’est “ notre ” enfant à nous tous. Il fait la joie des apôtres et du Maître. De plus, il grandirait ici dans le luxe. Je veux lui faire don de mon manteau royal : “ l’honnête pauvreté ”, celle que le Fils de l’homme veut pour lui-même, pour pouvoir approcher les plus grandes misères sans humilier personne. Tu as reçu encore récemment un cadeau de moi…

– Ah oui ! Le vieux patriarche et sa fille. La femme est très active, et le vieil homme est bon [3].

– Où sont-ils maintenant ? Je veux dire : à quel endroit ?

– Mais ici, à Béthanie ! Crois-tu que j’aurais voulu éloigner la bénédiction que tu m’envoyais ? La femme travaille au lin. Ce travail demande des mains légères et expertes. Quant au vieillard, étant donné qu’il voulait absolument travailler, je l’ai mis aux ruches. Hier – n’est-ce pas, ma sœur ? –, sa longue barbe était toute dorée : les abeilles, en essaimant, s’y étaient toutes attachées, et il leur parlait comme à ses filles. Il est heureux.

– Je le crois bien ! Sois béni ! Dit Jésus.

– Merci, Maître. 198.7 Mais cet enfant t’occasionnera des frais ! Me permettrais-tu au moins…

– C’est moi qui m’occupe de son vêtement de fête ! » s’écrie Pierre.

Tout le monde rit de son impulsivité.

« Très bien, mais il aura besoin d’autres vêtements. Simon, sois gentil. Moi aussi, je suis sans enfants. Permets que Marthe et moi nous nous consolions en lui faisant faire de petits habits. »

Pierre, ainsi sollicité, s’émeut tout de suite :

« Les habits… oui… mais le vêtement de mercredi, c’est moi qui m’en charge. Le Maître me l’a promis, et il a dit que j’irai avec sa Mère l’acheter demain. »

Pierre dit tout cela par crainte de quelque changement à son détriment.

Jésus sourit :

« Oui, Mère. Je te prie d’accompagner Simon, demain. Sinon, cet homme va mourir d’angoisse. Tu le conseilleras pour le choix.

– Moi, j’ai dit : vêtement rouge et ceinture verte. Cela ira très bien, mieux que cette couleur qu’il porte maintenant.

– Le rouge ira très bien, répond doucement Marie. Jésus lui aussi portait un vêtement rouge. Mais je dirais que, sur le rouge, il vaudrait mieux une ceinture rouge, ou du moins avec une broderie rouge.

– Moi, je faisais cette proposition parce que je vois que Judas, qui est brun, est très beau avec ces bandes vertes sur son habit rouge.

– Mais elles ne sont pas vertes, mon ami ! Dit en riant Judas.

– Non ? Et quelle couleur est-ce alors ?

– On appelle cette couleur “ veine d’agate ”.

– Et que veux-tu que j’en sache ? ! Elle me paraissait verte. Je l’ai vue aussi sur les feuilles… »

Marie intervient avec bienveillance :

« Simon a raison. C’est exactement la couleur que prennent les feuilles aux premières pluies de Tisri… [4]

– Voilà ! Et comme les feuilles sont vertes, je disais que la ceinture était verte » conclut Pierre, satisfait.

La douce Marie a apporté paix et joie jusque dans ce petit détail.

198.8 « Appelez l’enfant ! » demande Marie.

Il arrive aussitôt, avec Jean.

« Comment t’appelles-tu ? demande Marie avec une caresse.

– Je m’appelle… je m’appelais Yabeç. Mais maintenant j’attends un nom…

– Tu en attends un ?

– Oui, Yabeç veut un nom qui signifie que je l’ai sauvé. Tu le chercheras, Mère. Un nom d’amour et de salut. »

Marie réfléchit… puis elle dit :

« Marjiam (Maarhgziam). Tu es la petite goutte dans la mer de ceux qui sont sauvés par Jésus. Il te plaît ? Ce nom, outre le salut, sera aussi mon souvenir de moi.

– Il est très beau, dit l’enfant tout content.

– Mais n’est-ce pas un nom de femme ? demande Barthélemy.

– Avec un “ l ” final au lieu d’un “ m ”, quand cette petite goutte d’humanité sera adulte, vous pourrez changer son nom en nom d’homme. Maintenant, il porte le nom que lui a donné la Mère. N’est-ce pas ? [5] »

L’enfant approuve et Marie le caresse.

Sa belle-sœur tâte le petit manteau de Yabeç et l’interpelle :

« C’est de la belle laine, mais elle a une de ces couleurs ! Qu’en dis-tu ? Je le teindrai en rouge très foncé. Cela ira bien.

– nous le ferons demain soir, car alors il aura son nouveau vêtement. Maintenant, nous ne pouvons le lui enlever. »

Marthe dit à l’enfant :

« Viendrais-tu avec moi, mon petit ? Je t’emmène tout près d’ici pour voir plein de choses, et puis on revient ici… »

Yabeç ne refuse pas. Il ne refuse jamais rien… mais il paraît un peu intimidé de partir avec une femme presque inconnue. Il dit timidement et avec gentillesse :

« Est-ce que Jean pourrait venir avec moi ?

– Mais bien sûr ! »

Et ils s’en vont.

198.9 Pendant leur absence, les conversations se poursuivent entre les différents groupes : récits, commentaires, soupirs sur la dureté des hommes…

Isaac raconte ce qu’il a pu apprendre sur Jean-Baptiste. Certains prétendent qu’il est à Machéronte, d’autres à Tibériade. Les disciples ne sont pas encore de retour…

« Mais ne l’avaient-ils pas suivi ?

– Si. Mais, près de Docco, ceux qui l’avaient arrêté ont traversé le fleuve avec leur prisonnier, et on ne sait pas s’ils sont remontés vers le lac ou descendus à Machéronte. Jean, Mathias et Siméon se sont lancés à leur recherche pour s’informer et ils ne l’abandonneront sûrement pas.

– Et toi, Isaac, tu n’abandonneras certainement pas ce nouveau disciple. Pour l’instant, il reste avec moi. Je veux qu’il fasse la Pâque avec moi.

– Moi, je la ferai à Jérusalem, chez Jeanne. Elle m’a vu et m’a offert une chambre pour moi et mes compagnons. Ils viennent tous, cette année. Et nous serons avec Jonathas.

– Même ceux du Liban ? [6]

– Eux aussi. Mais les disciples de Jean ne pourront peut-être pas venir.

– Ceux de Yokhanan viennent, tu le sais ?

– Vraiment ? Je serai à la porte, près des prêtres qui immolent. Je les verrai et je les amènerai avec moi.

– Attends-les pour la dernière heure. Ils n’ont qu’un temps limité. Mais ils ont l’agneau.

– Moi aussi. Magnifique. C’est Lazare qui me l’a donné. Nous immolerons celui-ci, et l’autre, le leur, leur servira pour le retour. »

198.10 Marthe rentre avec Jean et l’enfant qui porte une petite chemise de lin blanc avec un vêtement de dessus rouge. Sur le bras, il a aussi un petit manteau rouge.

« Tu les reconnais, Lazare ? Tu vois que tout sert ? »

Le frère et la sœur se sourient.

Jésus dit :

« Je te remercie, Marthe.

– Oh mon Seigneur ! J’ai la manie de tout garder. Je l’ai héritée de ma mère. J’ai encore beaucoup de vêtements de mon frère. Ils me sont chers parce que ma mère les a touchés. De temps en temps, j’en enlève une pièce pour quelque enfant. Je vais maintenant les donner à Marziam. Ils sont un peu longs, mais on peut les raccourcir. Lazare, devenu majeur, n’en a plus voulu… Un beau caprice, un vrai caprice d’enfant… et ma mère lui a cédé parce qu’elle adorait son Lazare. »

Marthe le caresse avec amour, et Lazare prend sa très belle main, la baise et dit :

« Et pas toi ? »

Ils se sourient.

« C’est providentiel, soulignent plusieurs.

– Oui, mon caprice a été un bienfait. Peut-être me sera-t-il pardonné pour cette raison. »

Le dîner est prêt et chacun gagne sa place…

198.11 La nuit est tombée quand Jésus peut rester en paix avec sa Mère. Ils sont montés sur la terrasse et, assis l’un à côté de l’autre sur un siège, main dans la main, ils se parlent et s’écoutent.

C’est d’abord Jésus qui raconte tout ce qui s’est passé. Puis c’est Marie qui dit :

« Mon Fils, après ton départ, tout de suite après, une femme est venue chez moi… Elle te cherchait. Une grande misère. Et une grande rédemption. Mais cette femme a besoin de ton pardon pour persévérer dans sa résolution. Je l’ai confiée à Suzanne en lui disant que c’était une femme que tu avais guérie. C’est vrai. J’aurais pu la garder avec moi si notre maison n’était pas désormais une mer où tous font voile… et beaucoup avec des intentions malveillantes. Et la femme éprouve du dégoût pour le monde, désormais. Veux-tu savoir de qui il s’agit ?

– C’est une âme. Mais dis-moi son nom pour que je puisse l’accueillir sans faire d’erreur.

– C’est Aglaé, la romaine, mime et pécheresse que tu as commencé à sauver à Hébron, qui t’a cherché et trouvé à la Belle Eau, qui a déjà souffert de son honnêteté reconquise. Et combien !… Elle m’a tout dit… Quelle horreur !… [7]

– Son péché ?

– Cela et… je dirais plus encore : quelle horreur est le monde ! Ah ! Mon Fils ! Méfie-toi des pharisiens de Capharnaüm [8] ! Ils ont voulu se servir de cette malheureuse pour te nuire. Même d’elle…

– Je le sais, Mère… Où est Aglaé ?

– Elle arrivera avec Suzanne avant la Pâque.

– C’est bien. Je lui parlerai. Je serai ici chaque soir et, mis à part la soirée pascale que je consacrerai à la famille, je l’attendrai. Tu n’as qu’à la retenir, si elle vient. C’est une grande rédemption, tu l’as dit. Et si spontanée ! En vérité, je te dis qu’en peu de cœurs ma semence prend racine avec autant de force que dans ce terrain dévasté. Et depuis lors, André l’a aidée à croître jusqu’à sa complète formation.

– Elle m’en a fait part.

– Mère, qu’as-tu éprouvé au voisinage de cette ruine ?

– Du dégoût et de la joie. J’avais l’impression d’être au bord d’un abîme infernal, mais, en même temps, je me sentais transportée dans l’azur. Comme tu es Dieu, mon Jésus, quand tu accomplis de tels miracles ! »

Ils se taisent — sous l’éclatante lumière des étoiles et dans la blancheur d’une lune qui approche de sa plénitude —, silencieux, aimants et prenant leur repos l’un dans l’amour de l’autre.

[1] Jabé (Margziam) et Jean d’Endor (Félix).

[2] Elle a donc 46 ou 47 ans.

[3] Ismaël et Sara du Sermon sur la Montagne. Voir chapitre 33 dans l’ancienne édition et le EMV 173 dans la nouvelle édition.

[4] Mi-septembre.

[5] Remarques étonnantes de précisions. Seul un spécialiste de l'hébreu ancien et de ses différentes prononciations serait capable de déchiffrer la pertinence de ces propos. En tous cas, ce n'était certainement pas la science de Maria Valtorta qui donne pourtant ici des grandes précisions.

[6] Daniel et Benjamin.

[7] Cf. Chapitre 28, EMV 168.

[8] Éli, Simon, Joachim et Urie. Certains étaient venus admonester Jésus à la Belle-eau à cause de la présence d'Aglaé. Cf. Tome 2, chapitre 97, EMV 130.  

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 18 Jan - 13:44

199. Pierre obtient Marziam grâce à Marie


Ancienne édition : Tome 3, chapitre 60.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 199.


Vision du dimanche 24 juin 1945 (fête de la saint Jean-Baptiste).

(Dimanche 26 mars 28)

199.1. La splendide matinée invite vraiment à la promenade. On quitte les lits et les maisons, et les habitants de la maison du Zélote, comme autant d'abeilles au premier soleil, se lèvent en vitesse et sortent respirer l'air pur dans le verger de Lazare qui entoure le petit logis hospitalier. Les ont vite rejoints ceux qui sont logés chez Lazare, à savoir : Philippe, Barthélemy, Mathieu, Thomas, André et Jacques de Zébédée. Le soleil pénètre joyeux par toutes les fenêtres et les portes grandes ouvertes et les pièces, simples et propres, se revêtent d'une teinte dorée qui avive les couleurs des vêtements et fait briller les cheveux et les pupilles.

Marie d'Alphée et Salomé sont occupées à servir ces hommes au vigoureux appétit. Marie, de son côté, surveille un serviteur de Lazare qui peigne les cheveux de Margziam avec plus de savoir-faire que son premier barbier : "Pour le moment, ainsi, dit le serviteur. Puis, quand tu auras offert à Dieu tes cheveux d'enfant [1], je te les raccourcirai bien [2]. La chaleur arrive et tu seras mieux sans cheveux dans le cou. Et ils reprendront de la force. Ils sont secs et cassants, négligés. Tu le vois, Marie ? Ils ont besoin de soins. Maintenant j'y mets de l'huile pour les tenir en place. Tu sens, mon enfant, quelle bonne odeur ? C'est l'huile qui sert à Marthe. Amande, palme et moelle avec les essences les plus fines et les plus rares. Cela fait très bien. Ma maîtresse m'a dit de conserver ce petit vase pour l'enfant. Oh ! voilà ! Maintenant tu sembles le fils du roi" et le serviteur, qui est peut-être le barbier de la maison de Lazare, donne une tape à la joue de Margziam, salue Marie et s'en va satisfait.

"Viens que je t'habille" dit Marie à l'enfant qui pour l'instant n'a qu'une petite tunique à manches courtes. Je crois que c'est la chemise ou ce qui en ce temps-là en tenait lieu. À cause de la finesse du lin, je comprends qu'elle faisait partie du trousseau de Lazare enfant. Marie enlève le linge de bain où Margziam était enveloppé et lui passe le sous-vêtement froncé au cou et aux poignets, et le vêtement de dessus rouge, de laine, au large décolleté et aux larges manches. Le lin brillant ressort très blanc au cou et aux manches de l'étoffe rouge et mate. La main de Marie a pourvu, pendant la nuit, à mettre aux mesures la longueur du vêtement et des manches, et maintenant tout va bien surtout quand Marie lui ceint la taille avec la soyeuse bande de la ceinture qui se termine avec un pompon de laine blanche et rouge. L'enfant ne semble plus le pauvre petit qu'il était il y a quelques jours.

"Maintenant va jouer sans te salir pendant que je me prépare" dit Marie en le caressant. Et il sort, en sautant content, pour chercher ses grands amis.

199.2. Le premier qui le voit, c'est Thomas : "Mais comme tu es beau ! Comme pour les noces ! Tu m'éclipses" dit le toujours jovial Thomas, grassouillet, tranquille. Et il le prend par la main en disant : "Viens, nous allons chez les femmes. Elles te cherchent pour te donner la becquée."

Ils entrent dans la cuisine et Thomas fait sursauter les deux Marie penchées sur les fourneaux en criant de sa grosse voix: "Voici un jeune homme qui vous demande" et, en riant, il présente l'enfant qui s'était caché derrière sa robuste personne.

"Oh ! chéri ! Mais viens que je t'embrasse ! Regarde, Salomé, comme il est bien !" s'exclame Marie d'Alphée.

"C'est vrai ! Maintenant il n'a plus qu'à devenir plus robuste. Mais moi, j'y penserai. Viens que je t'embrasse, moi aussi" répond Salomé.

"Mais Jésus le confie aux bergers..." objecte Thomas.

"Jamais de la vie ! En cela mon Jésus se trompe. Que voulez-vous et que savez-vous faire, vous, les hommes ? Vous disputer - car soit dit en passant, vous êtes plutôt querelleurs... comme les chevreaux qui s'aiment, mais qui se donnent des coups de cornes - manger, parler, avoir mille besoins et prétendre que le Maître ne pense qu'à vous... autrement, vous boudez... Les enfants ont besoin des mères. N'est-ce pas. comment t'appelles-tu ?"

"Margziam."

"Ah ! bon ! Mais ma Marie bénie pouvait te donner un nom plus facile !"

"C'est presque le sien !" s'exclame Salomé.

"Oui, mais le sien est plus simple. Il n'y a pas ces trois consonnes au milieu... Trois, cela fait trop..."

L'Iscariote est entré et dit : "Elle a pris le nom exact pour ce qu'il veut dire, conforme à l'ancienne langue [3]."

"C'est bien. Mais c'est difficile, et moi j'en enlève une et je dis Marziam. C'est plus facile et cela n'amènera pas la fin du monde. N'est-ce pas Simon ?"

Pierre, qui passe devant la fenêtre et qui parle avec Jean d'Endor, s'avance et dit : "Que veux-tu ?"

"Je disais que l’enfant, moi je l'appelle Marziam, c'est plus facile."

"Tu as raison, femme. Si la Mère me le permet je l'appelle ainsi, moi aussi. Mais comme tu es bien ! Et, moi aussi. Hé ! Regardez !"

En effet, il est bien brossé, les joues rasées, les cheveux et la barbe bien peignés, pommadés, le vêtement sans faux plis, des sandales qui semblent neuves tant elles sont propres et astiquées avec je ne sais quoi. Les femmes l'admirent et lui rit, content.

L'enfant a fini son repas et sort pour aller trouver son grand ami, qu'il appelle toujours : "Père."

199.3. Voici Jésus qui arrive de la maison de Lazare, avec Lazare lui-même, et il dit à l'enfant qui accourt à sa rencontre : "La paix entre nous !, Margziam. Donnons-nous le baiser de paix."

Lazare, salué par l'enfant, le caresse et lui donne une douceur. Tous se réunissent autour de Jésus, et aussi Marie, habillée d'un vêtement de laine de couleur turquoise sur lequel est drapé un manteau plus foncé, vient en souriant vers son Fils.

"Alors, nous pouvons aller" dit Jésus. "Toi, Simon, avec la Mère et l'enfant, si tu tiens à faire l'achat même maintenant que Lazare y a pourvu."

"Mais certainement ! Et puis... je pourrai dire que pour une fois j'ai pu accompagner ta Mère. Grand honneur."

"Et alors, vas-y. Toi, Simon, tu vas m'accompagner chez tes amis les lépreux..."[4]

"Vraiment, Maître ? Alors, si tu le permets, je cours devant, les rassembler... Tu me rejoindras... Tu sais bien où ils se trouvent..."

"C'est bien, vas-y. Que les autres fassent ce qui leur plaît. Vous êtes tous libres jusqu'à mercredi matin. À l'heure de tierce, tout le monde à la Porte Dorée." [5]

"Moi, je viens avec Toi, Maître" dit Jean.

"Moi aussi" dit son frère Jacques.

"Et nous aussi" disent les deux cousins. "Moi aussi, je viens" dit Mathieu et avec lui André.

"Et moi, je voudrais bien venir moi aussi... mais si je vais faire l'achat... je ne puis venir" dit Pierre, pris entre deux désirs.

"Oui, cela peut s'arranger. D'abord on va vers les lépreux. Pendant ce temps-là, ma Mère et l'enfant vont dans une maison amie d'Ophel[6]. Après cela, nous la rejoignons et tu vas avec elle pendant que Moi et les autres, nous allons chez Jeanne. Nous nous retrouverons à Gethsémani pour le repas et vers le crépuscule nous reviendrons ici."

"Moi, si tu le permets, je vais trouver quelques amis..." dit Judas Iscariote.

"Mais, je l'ai dit. Faites ce que vous voulez."

"Alors, moi j'irai chez des parents. Peut-être mon père est-il déjà venu. Dans ce cas, je te l'amène" dit Thomas.

"Nous deux, qu'en dis-tu Philippe ? On pourrait aller chez Samuel." [7]

"D'accord" répond Philippe à Barthélemy.

"Et toi, Jean ?" demande Jésus à l'homme d'Endor. "Préfères-tu rester ici pour ranger tes livres ou venir avec Moi ?"

"Vraiment je préférerais venir avec Toi... Les livres... me plaisent déjà moins. Je préfère te lire, Toi, Livre Vivant."

"Alors, viens. Adieu, Lazare, à..."

"Mais, je viens moi aussi. Mes jambes vont un peu mieux, et après les lépreux, je te laisserai pour aller à Gethsémani t'attendre."

"Allons. Paix à vous, femmes."

Jusqu'aux environs de Jérusalem, ils sont tous ensemble. Puis ils se séparent. L'Iscariote s'en va seul de son côté et il entre dans la ville probablement par la Porte qui se trouve vers la Tour Antonia [8]. Thomas, Philippe et Nathanaël font encore quelques dizaines de mètres avec Jésus et leurs compagnons, et entrent ensuite dans la ville, dans le faubourg d'Ophel, en même temps que Marie et l'enfant.

199.4. "Et maintenant, allons voir ces malheureux !" dit Jésus et, tournant le dos à Jérusalem, il se dirige vers un lieu désolé situé sur les pentes d'une colline rocheuse qui se trouve entre les deux routes qui vont de Jéricho à Jérusalem. C'est un lieu étrange où on accède par des sortes de gradins. Après la première marche, on grimpe un sentier et le premier palier est surélevé d'au moins trois mètres au-dessus du sentier et de même pour le second. Lieu aride, mort... très triste.

"Maître" crie Simon le Zélote "je suis ici. Arrête-toi pour que je te montre le chemin..." et le Zélote, qui s'était adossé à la roche pour avoir un peu d'ombre, s'avance et conduit Jésus par un sentier à gradins qui va vers Gethsémani mais séparé de celui-ci par la route qui du mont des Oliviers va à Béthanie.

"Nous y voilà. J'ai vécu au milieu des tombeaux de Siloan et ici se trouvent mes amis. Une partie d'entre eux. Les autres sont à Ben Innom, mais ne peuvent venir... Ils devraient traverser la route, et on les verrait."

"Nous irons aussi les trouver."

"Merci ! Pour eux et pour moi."

"Ils sont nombreux ?"

"L'hiver a tué le plus grand nombre, mais ici, il y en a encore cinq de ceux auxquels j'avais parlé. Ils t'attendent. Les voilà sur le bord de leur bagne..."

Ils doivent être une dizaine de monstres. Je dis "doivent être" car s'il y en a cinq qu'on distingue bien, debout, les autres à cause de la grisaille de la peau, de la difformité de leurs visages qui émergent à peine de la pierraille, on les voit si mal qu'ils pourraient être plus ou moins de cinq. Parmi eux, debout il y a une seule femme. On ne peut l'identifier qu'à cause de ses cheveux devenus blancs et qui retombent incultes, durs et sales sur les épaules jusqu'à la ceinture. Pour le reste, rien n'indique le sexe car la maladie, très avancée, en a fait presque un squelette supprimant toute courbure féminine. Ainsi en est-il des hommes dont un seul présente un reste de moustache et de barbe. Les autres ont été rasés par la maladie destructrice [9].

Ils crient : "Jésus, notre Sauveur, aie pitié de nous !" et montrent leurs mains difformes et ulcérées. "Jésus, Fils de David, aie pitié !"

"Que voulez-vous que je vous fasse ?" demande Jésus en levant son visage vers ces misères.

"Que tu nous sauves du péché et de la maladie."

"Du péché sauve la volonté et le repentir..."

"Mais, si tu veux, tu peux effacer nos péchés. Eux, au moins, si tu ne veux pas guérir nos corps."

"Si je vous dis : "Choisissez entre les deux choses" laquelle voulez-vous ?"

"Le pardon de Dieu, Seigneur, pour être moins désolés".

Jésus fait un signe d'approbation, avec un sourire lumineux.

Puis il lève les bras et crie: "Soyez exaucés, je le veux."

Exaucés ! Ce peut être pour le péché comme pour la maladie, ou pour les deux choses, et les cinq malheureux restent dans l'incertitude. Mais les apôtres ne sont pas incertains, et ils ne peuvent s'empêcher de crier leur hosanna en voyant la lèpre disparaître comme le flocon de neige qui tombe sur le feu. Et alors les cinq comprennent qu'ils sont exaucés complètement. Leurs cris résonnent comme une sonnerie de victoire. Ils s'embrassent entre eux et envoient des baisers à Jésus, ne pouvant se précipiter à ses pieds, et puis, ils se tournent vers leurs compagnons en disant : "Et vous, vous ne voulez pas encore croire ? Mais quels malheureux vous êtes ?"

"Soyez bons ! Vos pauvres frères ont besoin de réfléchir. Ne leur dites rien. La foi ne s'impose pas. On la prêche par la paix, la douceur, la patience, la constance. C'est ce que vous ferez après votre purification, comme Simon l'a fait pour vous. Du reste le miracle est déjà lui-même une prédication. Vous, qui êtes guéris, allez au plus tôt trouver le prêtre. Vous, les malades, attendez-nous ce soir. Nous vous apporterons des vivres. La paix soit avec vous."

Jésus descend de nouveau sur la route, accompagné par les bénédictions de tous.

199.5. "Et maintenant, allons à Ben Hinnom" dit Jésus.

"Maître... je voudrais venir, mais je me rends compte que je ne le puis. Je vais à Gethsémani" dit Lazare.

"Vas-y. Va, Lazare. La paix soit avec toi."

Pendant que Lazare s'éloigne lentement, Jean l'apôtre dit : "Maître, je l'accompagne. Il est fatigué et le chemin n'est pas très bon. Ensuite, je te rejoins à Ben Hinnom."

"Bien, vas-y. Allons."

Ils passent le Cédron, côtoient le côté sud du mont Tofêt et entrent dans la petite vallée, toute remplie de tombeaux et d'ordures, sans un arbre, sans rien, sur ce côté méridional, qui fasse écran au soleil. Il darde ses rayons et enflamme la pierraille de ces nouvelles terrasses d'enfer, à la base desquelles fument des feux pestilentiels qui augmentent la chaleur [10]. À l'intérieur de ces tombeaux, pareils à des fours crématoires, il y a des pauvres corps qui se consument... Siloan doit être terrible en hiver, humide comme il l'est et tourné presque vers le nord, mais il doit être affreux en été...

Simon le Zélote pousse un cri d'appel et d'abord trois, puis deux, puis un, et un autre encore viennent comme ils peuvent jusqu'à la limite qui leur est imposée. Ici il y a deux femmes et l'une tient par la main une horreur d'enfant dont la lèpre a atteint particulièrement le visage. Il est déjà aveugle... Il y a un homme de noble allure malgré sa misérable condition. Il prend la parole au nom de tous : "Que soit béni le Messie du Seigneur qui est descendu dans notre Géhenne pour en tirer ceux qui espèrent en Lui. Sauve-nous, Seigneur, que nous ne périssions pas ! Sauve-nous, Sauveur ! Roi de la souche de David, Roi d'Israël, aie pitié de tes sujets. Oh ! Bourgeon de la tige de Jessé, dont il est dit que quand tu viendras il n'y aura plus de mal, étends ta main pour recueillir ces restes de ton peuple. Fais disparaître de nous cette mort, essuie nos larmes, puisque c'est ce qu'on à dit de Toi. Appelle-nous, Seigneur, à tes excellents pâturages, à tes douces eaux car nous sommes assoiffés. Emmène-nous sur les collines éternelles où il n'y a plus de faute ni de souffrance. Aie pitié, Seigneur..."

"Qui es-tu ?"

"Jean, du Temple. Contaminé peut-être par un lépreux. Depuis peu, et tu le vois, la maladie est sur moi. Mais eux !... Il y en a qui attendent la mort depuis des années et cette petite est ici depuis le temps où elle ne savait pas encore marcher. Elle ne connaît pas la création de Dieu. Tout ce qu'elle connaît ou dont elle se souvient des merveilles de Dieu, ce sont ces tombeaux, ce soleil impitoyable et les étoiles de la nuit. Pitié pour les coupables et pour les innocents, Seigneur, notre Sauveur." Ils se sont tous agenouillés en tendant les mains.

Jésus pleure sur tant de misère et puis il ouvre les bras en criant : "Père, je le veux: le salut, la vie, la vue et la santé pour eux." Il reste, les bras ouverts, dans une prière intense de tout son esprit. Il semble s'affiner et s'élever en priant, flamme d'amour, blanche et puissante dans la puissante lumière dorée du soleil.

"Maman, je vois !" c'est le premier cri, auquel répond le cri de la mère qui presse contre son cœur l'enfant guérie, et puis le cri des autres et celui des apôtres... Le miracle est accompli.

"Toi, Jean, qui es prêtre, tu conduiras tes compagnons pour le rite. La paix soit avec vous. À vous aussi nous apporterons des vivres dans la soirée." Il bénit et se dispose à s'éloigner.

Mais Jean le lépreux crie : "Je veux venir sur tes pas. Dis-moi ce que je dois faire, où je dois aller pour parler de Toi !"

"Sur cette terre désolée et nue qui a besoin de se convertir au Seigneur. Que la cité de Jérusalem soit ton champ d'action. Adieu."

199.6. "Et maintenant allons trouver la Mère" dit-il ensuite aux apôtres.

"Mais où est-elle ?" demandent plusieurs.

"Dans une maison que Jean connaît. Dans la maison de la jeune fille guérie l'an dernier." [11]

Ils entrent dans la ville, parcourent une bonne partie du faubourg populeux d'Ophel jusqu'à une petite maison blanche. Jésus entre avec son doux salut dans la maison dont la porte est entrouverte. Il en sort la douce voix de Marie et la voix argentine d'Annalia et celle plus rude de sa mère. La jeune fille se prosterne en adorant, la mère s'agenouille, Marie se lève.

Elles voudraient retenir le Maître avec sa Mère. Mais Jésus, en promettant de revenir un autre jour, les bénit et prend congé. Pierre s'en va heureux avec Marie. Ils tiennent tous les deux l'enfant par la main et ressemblent à une famille heureuse. Beaucoup de gens se retournent pour les regarder. Jésus observe leur démarche avec un sourire.

"Simon est heureux !" s'exclame le Zélote.

"Pourquoi souris-tu, Maître ?" demande Jacques de Zébédée.

"Parce que je vois dans ce groupe une grande promesse."

"Quelle promesse, Frère ? Que vois-tu ?" demande le Thaddée.

"Voici ce que je vois : je pourrai m'en aller tranquille quand ce sera l'heure. Je ne dois pas craindre pour mon Église. Alors elle sera petite et chétive comme Margziam. Mais il y aura ma Mère, pour la tenir comme cela par la main et lui servir de Mère; et il y aura Pierre pour lui servir de père. Dans sa main honnête et calleuse, je puis, sans me préoccuper, mettre la main de mon Église naissante. Pierre lui donnera la force de sa protection, ma Mère la force de son amour. Et l'Église grandira... comme Margziam... C'est vraiment l'enfant-symbole ! Que Dieu bénisse ma Mère, mon Pierre et leur enfant, notre enfant ! Allons maintenant chez Jeanne..."

199.7. ... Et de nouveau nous sommes, au soir, dans la petite maison de Béthanie. Plusieurs, fatigués, se sont déjà retirés. Mais Pierre fait les cent pas dans le sentier, levant très souvent la tête vers la terrasse où sont assis, parlant ensemble, Jésus et Marie. Jean d'Endor, de son côté, parle avec le Zélote assis avec lui sous un grenadier tout en fleurs.

Marie a déjà beaucoup parlé, car j'entends Jésus lui dire : "Tout ce que tu m'as dit est très juste et j'en garderai présente à mon esprit la justesse. Et, pour Annalia aussi, je dis que ton conseil est juste. Que l'homme l'ait accueilli avec tant de promptitude, c'est bon signe.

Vraiment la haute société de Jérusalem est fermée et rancunière, je pourrais même dire remplie d'ordure. Mais dans son petit peuple, il y a des perles dont on ignore le prix. Je suis content qu'Annalia soit heureuse... C'est une créature qui appartient davantage au Ciel qu'à la terre, et peut-être l'homme [12], maintenant qu'il juge selon l'esprit, s'en rend compte et en a un respect révérenciel. Son idée d'aller ailleurs pour ne pas troubler par un sentiment humain le vœu candide de sa promise le prouve."

"Oui, mon Fils. L'homme perçoit le parfum virginal... Je me souviens de Joseph. Je ne savais de quels mots me servir. Lui ne con- naissait pas mon secret... Et pourtant il m'aida à le dire parce que sa sainteté le lui avait fait percevoir. Il avait perçu l'odeur de mon âme... Vois aussi Jean ? ...Quelle paix !... Et tout le monde le recherche... Judas de Kériot, lui-même, bien que... Non, Fils, Judas n'est pas changé. Je le sais et tu le sais. Nous n'en parlons pas pour ne pas commencer la guerre. Mais sans en parler, nous savons... et même si nous n'en parlons pas les autres en ont l'intuition... Oh ! mon Jésus ! Les jeunes m'ont raconté aujourd'hui, à Gethsémani, l'épisode de Magdala et celui de la matinée du sabbat [13]... L'innocence parle... parce qu'elle voit par les yeux de son ange. Mais les plus âgés aussi se rendent compte... Ils n'ont pas tort. C'est un être fuyant... Tout en lui est fuyant... et j'ai peur de lui. J'ai sur les lèvres les mêmes paroles que Benjamin à Magdala et que Margziam à Gethsémani, car j'ai pour Judas la même répulsion que les enfants."

"Ils ne peuvent tous être Jean !..."

"Mais je ne le prétends pas ! Ce serait le paradis sur terre, alors. Mais vois, tu m'as parlé de l'autre Jean... Un homme qui a tué... mais il me fait seulement pitié. Judas me fait peur."

"Aime-le, Mère ! Aime-le par amour pour Moi !"

"Oui, Fils. Mais mon amour ne servira pas non plus. Il sera seulement une souffrance pour moi, et pour lui une faute. Oh ! pourquoi est-il entré ? Il trouble tout le monde, offense Pierre qui est digne de tout respect."

199.8. "Oui, Pierre est très bon. Pour lui, je ferais n'importe quoi parce qu'il le mérite."

"S'il t'entendait, il dirait avec son bon sourire franc : "Ah ! Seigneur, ce n'est pas vrai !" Et il aurait raison."

"Pourquoi, Mère ?" mais Jésus sourit déjà car il a compris.

"Parce que tu ne lui fais pas plaisir en lui donnant un fils. Il m'a dit toutes ses espérances, tous ses désirs... et tous tes refus."

"Et il ne t'a pas dit la raison qui les justifie ?"

"Si. Il me l'a dite, et il a ajouté : "C'est vrai... mais je suis un homme, un pauvre homme. Jésus s'obstine à voir en moi un grand homme. Mais je sais que je suis très mesquin et, à cause de cela... il pourrait me donner un enfant. Je me suis marié pour cela... je vais mourir sans en avoir". Pierre me montrait l'enfant qui, heureux du beau vêtement que Pierre lui avait acheté, l'avait embrassé en disant : "Père aimé" et il m'a dit : "Tu vois, quand ce petit être qu’il y a dix jours je ne connaissais pas encore, me parle ainsi, je me sens devenir plus moelleux que le beurre et plus doux que le miel et je pleure, car... chaque jour qui passe éloigne de moi cet enfant..."

Marie se tait, observant Jésus, étudiant sa physionomie, attendant une parole. ..Mais Jésus a mis son coude sur son genou, sa tête appuyée sur sa main et il regarde l'étendue verte du verger.

Marie Lui prend la main et la caresse et dit : "Simon a ce grand désir... Pendant que j'allais avec lui, il n'a pas arrêté de m'en parler, et avec des raisons si justes que... je n'ai rien pu dire pour le faire taire. C'étaient les mêmes raisons que nous pensons nous toutes, femmes et mères. L'enfant n'est pas robuste. S'il avait été comme Toi... oh ! alors il aurait pu aller sans peur à la rencontre de la vie de disciple. Mais, comme il est chétif !... Très intelligent, très bon... mais rien de plus. Quand un tourtereau est délicat il ne peut prendre son vol tout de suite, comme font ceux qui sont forts. Les bergers sont bons... mais ce sont toujours des hommes. Les enfants ont besoin des femmes. Pourquoi ne le laisses-tu pas à Simon ? Tant que tu lui refuses un enfant vraiment né de lui, je comprends le motif. Un petit, pour nous, c'est comme une ancre. Et Simon, destiné à un si grand rôle, ne peut avoir d'ancres qui le retiennent. Mais pourtant tu dois convenir que lui doit être le "père" de tous les enfants que tu lui laisseras. Comment peut-il être père s'il n'a pas été à l'école d'un petit ? Un père doit être doux. Simon est bon, mais pas doux. C'est un impulsif et un intransigeant. Il n'y a qu'un enfant qui puisse lui enseigner l'art subtil de la compassion pour les faibles... Considère le sort de Simon... C'est bien ton successeur ! Oh ! je dois pourtant la dire, cette atroce parole ! Mais pour toute la souffrance qu'il m'en coûte pour la dire, écoute-moi. Jamais je ne te conseillerais une chose qui ne serait pas bonne. Margziam... Tu veux en faire un parfait disciple... mais, c'est encore un enfant. Toi... tu t'en iras avant que lui ne soit homme. À qui alors le donner plutôt qu'à Simon pour compléter sa formation ? Enfin, le pauvre Simon, tu sais quelles tribulations il a subies, même à cause de Toi de la part de sa belle-mère; et pourtant il n'a pas repris la plus petite parcelle de son passé, de sa liberté depuis un an, pour que le laisse en paix sa belle-mère que même Toi n'as pu changer.

Et sa pauvre créature d'épouse ? Oh ! Elle a un tel désir d'aimer et d’être aimée. La mère ? oh ! … le mari ? un cher autoritaire …Jamais une affection qui lui soit donnée sans trop exiger... Pauvre femme !... Laisse-lui l'enfant. Écoute, Fils. Pour le moment, nous l'emmenons avec nous. Je viendrai, moi aussi en Judée. Tu m'y conduiras avec Toi chez une de mes compagnes du Temple et presque une parente parce qu'elle descend de David. Elle réside à Béthsur[14]. Je la reverrai volontiers si elle vit encore. Ensuite, au retour en Galilée, nous le donnerons à Porphyrée. Quand nous serons dans les environs de Bethsaïda, Pierre le prendra. Quand nous viendrons ici, au loin, l’enfant restera avec elle. Ah ! mais tu souris maintenant ! Alors tu vas faire plaisir à ta Maman. Merci, mon Jésus."

"Oui, qu'il soit fait comme tu veux." Jésus se lève et appelle à haute voix : "Simon de Jonas, viens ici."

Pierre sursaute et monte en vitesse l'escalier : "Que veux-tu, Maître ?"

"Viens ici, usurpateur et corrupteur !"

"Moi ? Pourquoi ? Qu'ai-je fait Seigneur ?"

"Tu as corrompu ma Mère. C'est pour cela que tu voulais être seul. Qu'est-ce que je dois te faire ?". Mais Jésus sourit et Pierre se rassure.

"Oh !" dit-il "tu m'as réellement fait peur ! Mais maintenant tu ris... Que veux-tu de moi, Maître ? Ma vie ? Je n'ai plus qu'elle puisque tu m'as tout pris... mais, si tu la veux, je te la donne."

"Je ne veux pas t'enlever, mais te donner. Cependant n'abuse pas de ta victoire et ne donne pas le secret à d'autres, homme rempli de fourberie qui triomphes du Maître avec l'arme de la parole maternelle. Tu auras l'enfant mais..."

Jésus ne peut plus parler car Pierre qui était à genoux se redresse vivement et baise Jésus avec une telle impétuosité qu'il Lui coupe la parole.

"Remercie-la, elle, pas Moi. Mais cependant rappelle-toi que cela doit t'aider et ne pas être pour toi un obstacle..."

"Seigneur, tu n'auras pas à regretter ton don... Oh ! Marie ! Que tu sois toujours bénie, sainte et bonne..."

Et Pierre, qui est retombé à genoux, pleure réellement en baisant la main de Marie...

[1] Certains rituels de la bar-mitsva, à laquelle se prépare le jeune Margziam, procèdent en effet à la purification du futur fils de la Loi par un bain rituel et par la coupe de ses cheveux. Cette offrande prolongeait le rite de la circoncision. Après cela, "l'enfant était religieusement prêt à rejoindre les officiants de la synagogue, où il récitait la prière du jeudi matin, en ensuite celle du sabbat" (Joëlle Balhoul, La maison de mémoire : ethnologie d'une demeure judéo-arabe en Algérie, 1937-1961, page 179). Il s'agit donc d'un rite ancien selon Maria Valtorta.

[2] Selon Maria Valtorta, les galiléens (ex. Jésus, Jean, …) portent les cheveux plutôt longs et les judéens, plutôt courts (ex. Judas). La chaleur à laquelle fait allusion le serviteur juste après explique peut-être cela.

[3] L'hébreu sans doute puisque l'araméen (une langue proche) était devenue la langue usuelle au temps de Jésus. Cette proximité est parfaitement rendue par la réflexion de Salomé. Nous connaissons aussi cette proximité avec la prière de Jésus sur la croix : Elôi, elôi, lama sabachthani, citation araméenne légèrement différente dans Matthieu 27, 46 et dans Marc 15, 34. Cette proximité n'esclut pas les différences cependant puisque le chapitre 8 du livre de Néhémie rapporte que les exilés de retour à Jérusalem, entendirent la lecture de la Torah "dans l'ancienne langue", mais ne la comprirent pas : il fallut la traduire.

[4] Simon le zélote est un ancien lépreux, guéri par Jésus.

[5] Porte est donnant directement sur le Temple quand on vient de Béthanie et de Gethsémani.

[6] Quartier au sud du Temple et donc à l’est de la ville

[7] Probablement Samuel, le fiancé d'Annalia.

[8] La Porte des Poissons.

[9] Zacharie le lépreux. Cf. Tome 6, chapitre 106.

[10] C'est dans la vallée de Hinnom, autrement appelée la Géhenne, qu'on brûle les ordures de Jérusalem

[11] Cf. Tome 2, chapitre 51, la guérison d’Annalia.

[12] Samuel son fiancé. Annalia a fait vœu de virginité. Cf. Tome 3, chapitre 16.

[13] Deux paroles d’enfant qui disent que Judas "leur fait peur" : Benjamin de Magdala au Tome 3, chapitre 44 et Margziam Tome 3, chapitre 57.

[14] Élise. 

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 19 Jan - 14:15

200. Aglaé et le parfum de sa joie d’être sauvée

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 61.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 200.


Vision du 25 juin 1945

(Lundi 27 mars 28)

     200.1 Jésus rentre seul chez Simon le Zélote. Le soir arrive, tranquille et serein après tant de soleil. Jésus se montre à la porte de la cuisine, salue, puis monte méditer dans la salle de l’étage supérieur, déjà préparée pour le dîner.

      Le Seigneur ne semble pas bien gai. Il soupire souvent et va et vient dans la pièce. Il jette de temps à autre un regard sur la campagne environnante que l’on voit par les nombreuses portes de cette vaste pièce qui forme un cube au-dessus du rez-de-chaussée. Il sort aussi se promener sur la terrasse en faisant le tour de la maison, et s’arrête du côté arrière pour regarder Jean d’En-Dor qui, courtoisement, puise de l’eau au puits pour l’apporter à Salomé, tout affairée. Il regarde, secoue la tête, soupire.

      La puissance de son regard attire Jean qui se retourne pour regarder et demande :

      « Maître, tu as besoin de moi ?

      – Non, je t’observais seulement.

      – Il est bon, Jean. Il m’aide, dit Salomé.

      – De cette aide aussi Dieu le récompensera. »

      Sur ces mots, Jésus rentre dans la pièce et s’assied.

      200.2 Il est tellement absorbé qu’il ne remarque pas la rumeur de plusieurs voix et le bruit de nombreux pas dans le corridor d’entrée, puis deux pas légers qui montent l’escalier extérieur et s’approchent de la salle. C’est seulement quand Marie l’appelle qu’il lève la tête.

      « Mon Fils, Suzanne est arrivée à Jérusalem avec sa famille et m’a aussitôt amené Aglaé. Veux-tu l’entendre pendant que nous sommes seuls ?

      – Oui, Mère, dès maintenant ; que personne ne monte jusqu’à ce que tout soit fini. J’espère avoir tout terminé avant le retour des autres. Mais je te prie de veiller à ce qu’il n’y ait pas de curiosités indiscrètes… chez personne… et en particulier chez Judas, fils de Simon.

      – J’y veillerai soigneusement… »

      Marie sort pour revenir peu après en tenant Aglaé par la main, non plus emmitouflée dans son manteau gris et dans son voile qui lui retombait sur le visage, non plus avec les sandales hautes et compliquées de boucles et de courroies qu’elle portait auparavant, mais en tout point semblable à une femme du pays : des sandales plates et basses, très simples comme celles de Marie, un vêtement bleu foncé sur lequel se drape le manteau, un voile blanc qu’elle porte comme les juives du peuple, c’est-à-dire posé simplement sur la tête avec un coin qui retombe sur les épaules, de sorte que le visage est voilé, mais pas complètement. Ce vêtement commun à une infinité d’autres femmes et le fait d’être dans un groupe de galiléens ont épargné à Aglaé d’être reconnue.

      Elle entre, la tête inclinée, rougissant comme une pivoine à chaque pas qu’elle fait, et je crois que, si Marie ne l’avait pas poussée doucement vers Jésus, elle se serait agenouillée sur le seuil.

      « Voici, mon Fils, celle qui te cherche depuis fort longtemps. Ecoute-la » dit Marie quand elle arrive auprès de Jésus.

      Elle abaisse les rideaux sur les portes ouvertes et ferme celle qui est la plus proche de l’escalier.

      200.3 Aglaé enlève le petit sac qu’elle avait sur les épaules, s’agenouille aux pieds de Jésus et fond en larmes. Elle glisse à terre et pleure, la tête appuyée sur ses bras croisés contre le sol.

      « Ne pleure pas comme cela. Ce n’est plus le moment. Il te fallait pleurer lorsque tu éprouvais de la haine contre Dieu, pas maintenant que tu l’aimes et que tu en es aimée. »

      Mais Aglaé continue de pleurer…

      « Tu ne crois pas qu’il en est ainsi ? »

      Sa voix se fraye un chemin à travers les sanglots :

      « Je l’aime, c’est vrai, comme je sais le faire, comme je le peux… mais j’ai beau savoir et croire que Dieu est bonté, je ne puis oser espérer obtenir son amour. J’ai trop péché… Je l’obtiendrai, un jour peut-être… mais je dois encore beaucoup pleurer… Pour l’instant, je suis seule dans mon amour. Je suis seule… Ce n’est plus la solitude désespérée des années passées. C’est une solitude remplie du désir de Dieu et qui n’est donc plus désespérée… mais si triste, si triste…

      – Aglaé, comme tu connais mal encore le Seigneur ! Ce désir que tu as de lui est pour toi une preuve que Dieu répond à ton amour, qu’il est pour toi un ami, qu’il t’appelle, qu’il t’invite, qu’il te veut. Dieu est incapable de rester inerte devant le désir de la créature, car ce désir, c’est lui qui l’a allumé dans ce cœur, lui, le Créateur et Seigneur de toute créature. C’est lui qui l’a allumé, car il a aimé d’un amour privilégié l’âme qui maintenant le désire. Le désir de Dieu précède toujours le désir de la créature, car il est le Très-Parfait et son amour est bien plus actif et brûlant que l’amour de la créature.

      – Mais comment, comment Dieu peut-il aimer ma boue ?

      – Ne cherche pas à comprendre avec ton intelligence. C’est un abîme de miséricorde incompréhensible pour l’esprit humain. Mais ce que l’intelligence de l’homme ne peut comprendre, l’intelligence de l’amour, l’amour de l’esprit le comprend au contraire. Cet amour comprend et entre avec assurance dans le mystère qui est Dieu et dans le mystère des rapports de l’âme avec Dieu. Entre, c’est moi qui te le dis. Entre, parce que Dieu le veut.

      – Oh ! Mon Sauveur ! Mais alors, suis-je bien pardonnée ? Suis-je vraiment aimée ? Dois-je le croire ?

      – T’ai-je jamais menti ?

      – Oh non, Seigneur ! Tout ce que tu m’as dit à Hébron s’est vérifié. Tu m’as sauvée, comme tu l’as dit par ton nom. Tu m’as cherchée, moi, pauvre âme perdue. Tu as redonné la vie à cette âme que je portais en moi, morte. Tu m’as dit que si je te cherchais je te trouverais, et cela s’est vérifié. Tu m’as dit que tu es partout où l’homme a besoin de médecin et de remèdes. Et c’est vrai. Tout, tout ce que tu as dit à la pauvre Aglaé, depuis ces paroles du matin de juin jusqu’à celles de la Belle Eau…

      – Par conséquent, tu dois croire à celles-ci aussi.

      – Oui, je crois, je crois ! Mais dis-moi, toi : “ Je te pardonne ” !

      – Je te pardonne au nom de Dieu et de Jésus.

      – Je te remercie… 200.4 Mais maintenant… Maintenant que dois-je faire ? Dis-moi, mon Sauveur, ce que je dois faire pour avoir la vie éternelle ? L’homme se corrompt, rien qu’à me regarder… Je ne peux plus vivre dans la crainte continuelle d’être découverte et harcelée… Durant ce voyage, je tremblais devant chaque regard d’homme… Je ne veux plus pécher ni faire pécher. Indique-moi le chemin à suivre. Quel qu’il soit, je le suivrai. Tu vois que je suis encore forte, malgré les privations… Et même si, à la suite d’un excès de privations, je rencontrais la mort, je n’en aurais pas peur. Je l’appellerais “ mon amie ” car elle me soustrairait aux dangers de la terre, et pour toujours. Parle, mon Sauveur.

      – Va dans un lieu désert.

      – Où, Seigneur ?

      – Là où tu veux. Là où te conduira ton esprit.

      – En sera-t-il capable, mon esprit à peine formé ?

      – Oui, parce que Dieu te conduit.

      – Et qui me parlera désormais de Dieu ?

      – Ton âme ressuscitée, pour le moment…

      – Je ne te verrai jamais plus ?

      – Jamais plus sur la terre. Mais d’ici peu, je t’aurai totalement rachetée et alors je viendrai vers ton âme pour te préparer à monter vers Dieu.

      – Comment ma complète rédemption adviendra-t-elle, si je ne te vois plus ? Comment me la donneras-tu ?

      – En mourant pour tous les pécheurs.

      – Oh non ! Toi, mourir ? Non !

      – Pour vous donner la vie, je dois me livrer à la mort. C’est pour cela que je suis venu en tant qu’homme. Ne pleure pas… Tu me rejoindras sans tarder là où je serai après mon sacrifice et le tien.

      – Mon Seigneur ! Moi aussi, je mourrai pour toi ?

      – Oui, mais d’une autre manière. Ta chair mourra d’heure en heure, et par la décision de ta volonté. Cela fait presque un an qu’elle est en train de mourir. Quand elle sera tout à fait morte, je t’appellerai.

      – Aurai-je la force de détruire ma chair coupable ?

      – Dans la solitude où tu seras et où Satan t’assaillira avec une violence haineuse au fur et à mesure que tu appartiendras davantage au Ciel, tu trouveras un de mes apôtres autrefois pécheur, puis racheté. [1]

      – Alors ce n’est pas l’apôtre béni qui me parlait de toi ? Il est trop honnête pour avoir été pécheur. [2]

      – Pas celui-là, mais un autre. Il te rejoindra au bon moment. Il te dira ce que tu ne peux encore savoir. Va en paix. Que la bénédiction de Dieu soit sur toi. »

      200.5 Aglaé, qui est toujours restée à genoux, se penche pour baiser les pieds du Seigneur. Elle n’ose faire plus. Puis elle reprend son sac et le retourne. Il en tombe des vêtements simples, un petit sac qui résonne et une amphore d’un délicat albâtre rose.

      Aglaé remet les vêtements dans le sac et saisit le sachet :

      « Voici pour tes pauvres. C’est le reste de mes bijoux. Je n’ai gardé que l’argent de ma nourriture durant le voyage… car, même si tu ne me l’avais pas dit, je serais partie dans un lieu éloigné. Maintenant, ceci c’est pour toi. Certes, c’est moins suave que le parfum de ta sainteté, mais c’est tout ce que la terre peut donner de meilleur. Et je m’en servais pour faire le pire… Le voilà. Que Dieu m’accorde d’exhaler un parfum au moins égal à celui-ci, en ta présence au Ciel. »

      Sur ce, elle enlève à l’amphore son bouchon précieux et en renverse le contenu sur le sol. Une odeur pénétrante de roses s’élève à flots du carrelage imprégné de cette essence précieuse.

      Aglaé ramasse l’amphore vide :

      « En souvenir de cette heure » dit-elle, puis elle s’incline une nouvelle fois pour baiser les pieds de Jésus, se relève, se retire à reculons, sort, ferme la porte…

      On entend son pas qui s’éloigne vers l’escalier, sa voix qui échange quelques mots avec Marie, puis le bruit des sandales sur les marches de l’escalier, et plus rien. D’Aglaé, il ne reste que le petit sachet aux pieds de Jésus et l’arôme pénétrant répandu dans toute la pièce.

      Jésus se lève… ramasse le sachet et le met sur son sein, se dirige vers une ouverture qui donne sur le chemin, sourit à la vue de la femme qui, seule, s’éloigne dans son manteau de femme juive en direction de Bethléem. Il fait un geste de bénédiction, puis va sur la terrasse et appelle :

      « Maman ! »

      Marie monte vivement l’escalier :

      « Tu l’as rendue heureuse, mon Fils. Elle est partie, courageuse et paisible.

      – Oui, Mère. Quand André reviendra, envoie-le-moi avant les autres. »

      200.6 Après un certain temps, on entend les voix des apôtres qui reviennent… André accourt :

      « Maître, tu me demandes ?

      – Oui, viens ici. Que personne ne le sache, mais à toi, il est juste que je te le dise : André, merci au nom du Seigneur et d’une âme.

      – Merci ? De quoi ?

      – ne sens-tu pas ce parfum ? C’est le souvenir de la femme voilée. Elle est venue. Elle est sauvée. »

      André rougit comme une pivoine, tombe à genoux et ne sait que dire… Finalement, il murmure :

      « Maintenant je suis content. Que le Seigneur soit béni !

      – Oui, lève-toi. Ne dis pas aux autres qu’elle est venue.

      – Je me tairai, Seigneur.

      – Va. Ecoute : Judas est-il encore là ?

      – Oui, il a voulu nous accompagner… en disant… beaucoup de mensonges. Pourquoi agit-il ainsi, Seigneur ?

      – Parce que c’est un enfant gâté. Dis-moi la vérité : vous vous êtes disputés ?

      – Non. Mon frère était trop heureux avec son enfant pour en avoir le désir, et les autres… tu sais… sont plus prudents. Mais il est certain que, dans notre cœur, nous sommes tous dégoûtés. Mais il s’en va après le dîner… D’autres amis… dit-il. Ah ! Et il méprise les prostituées !

      – Sois bon, André. Toi aussi, tu dois être heureux ce soir…

      – Oui, Maître. Moi aussi, j’ai mon invisible, mais douce paternité. Je m’en vais. »

      200.7 Après quelque temps, les apôtres montent en groupe avec l’enfant et Jean d’En-Dor. Les femmes les suivent avec les plats et les lampes. Lazare arrive en dernier en compagnie de Simon.

      A peine entrés dans la pièce, ils s’exclament :

      « Ah, cela venait d’ici ! » en humant l’air empli du parfum de roses, malgré les portes grandes ouvertes.

      « Mais qui a parfumé ainsi cette pièce ? Marthe, peut-être ? demandent plusieurs.

      – Ma sœur n’a pas quitté la maison de la journée, après les repas, répond Lazare.

      – Alors qui ? Quelque satrape assyrien ? plaisante Pierre.

      – L’amour d’une femme rachetée, dit sérieusement Jésus.

      – Elle pouvait faire l’économie de cet inutile étalage de rédemption et donner aux pauvres ce qu’elle a dépensé. Il y en a tellement ! Et ils savent que nous faisons des distributions [3]. Je n’ai plus le moindre sou, intervient Judas sur un ton irrité. Or il nous faut acheter l’agneau, louer une pièce pour le repas de Pâque et…

      – Mais je vous ai tout offert moi-même, rétorque Lazare.

      – Ce n’est pas juste. Le rite perd de son charme. La Loi dit : “ Tu prendras l’agneau pour toi et ta maison. ” [4] Elle ne dit pas : “ Tu accepteras l’agneau. ” »

      Barthélemy se retourne brusquement, ouvre la bouche, puis la referme. Pierre devient cramoisi sous l’effort qu’il fait pour se taire. Mais Simon le Zélote, qui est chez lui, croit pouvoir parler :

      « Tout cela, ce sont des subtilités rabbiniques… Je te prie de les laisser tomber et, en échange, de rester respectueux envers mon ami Lazare.

      – Bravo, Simon ! »

      S’il ne parle pas, Pierre va éclater.

      « Bravo ! Il me semble aussi qu’on oublie un peu trop que seul le Maître a le droit d’enseigner… »

      Pierre dit “ on oublie ” en faisant un effort héroïque pour ne pas préciser : “ Judas oublie. ”

      « C’est vrai… mais… je suis nerveux, voilà. Excuse-moi, Maître.

      – Oui. Et je te réponds aussi. La reconnaissance est une grande vertu. Je suis reconnaissant à Lazare, comme cette femme rachetée m’a été reconnaissante. Moi, je répands sur Lazare le parfum de ma bénédiction, même pour ceux de mes apôtres qui ne savent pas le faire, moi qui suis votre chef à tous. Cette femme a répandu à mes pieds le parfum de sa joie d’être sauvée. Elle a reconnu le Roi, et elle est venue à lui avant beaucoup d’autres sur lesquels le Roi a répandu plus d’amour que sur elle. Laissez-la faire sans la critiquer. Elle ne pourra assister à ma proclamation ni à mon onction. Sa croix est déjà sur ses épaules. Pierre, tu as demandé s’il était venu ici un satrape assyrien. En vérité, je te dis que même l’encens des Mages, si pur et si précieux qu’il ait pu être, n’était pas plus suave, plus précieux que ceci. L’essence s’est détrempée dans ses larmes, et c’est pour cela qu’elle est si pénétrante : l’humilité soutient l’amour et le rend parfait. Mettons-nous à table, mes amis… »

      Et la vision cesse avec l’offrande de la nourriture.

[1] Probablement Matthieu

[2] André

[3] Argument repris par Judas lors de l'onction de Béthanie : Cf. Matthieu 26,9 - Marc 14,5 - Jean 12,5

[4] Exode 12,3
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 20 Jan - 9:07

201. L’examen de Marziam

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 62.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 201.


Vision du mardi 26 juin 1945

(Mercredi 29 mars 28)

201.1 Ce doit être la matinée du mercredi, car la troupe des apôtres et des femmes, précédée de Jésus et de Marie avec le petit garçon au milieu d’eux, s’approche de la Porte des Poissons [1]. Avec eux se trouve également Joseph d’Arimathie qui, fidèle à la parole donnée, est venu à leur rencontre.

Jésus cherche du regard le soldat Alexandre, mais il ne le voit pas.

« Il est absent aujourd’hui aussi. Je voudrais avoir de ses nouvelles… »

Mais il y a une telle foule qu’il n’y a pas moyen de s’adresser aux soldats ; d’ailleurs, ce serait peut-être imprudent, car les juifs sont plus intransigeants que jamais, en raison de l’imminence de la fête, mais aussi à cause de la rancœur qu’ils éprouvent après la capture de Jean-Baptiste dont ils tiennent Pilate et ses satellites pour complices. Je comprends tout cela par les épithètes et les prises de bec qui s’échangent continuellement à la Porte entre soldats et citadins, et par les insultes… pittoresques et peu diplomatiques qui éclatent à chaque instant en un continuel feu d’artifice.

Les femmes de Galilée en sont scandalisées et s’enveloppent plus étroitement que jamais dans leurs voiles et dans leurs manteaux. Marie rougit, mais marche avec assurance, droite comme un palmier, en regardant son Fils. Jésus, de son côté, ne tente même pas de chercher à raisonner les juifs exaltés ni de conseiller aux soldats de faire preuve de pitié à leur égard. Comme quelque épithète peu respectueuse s’adresse aussi au groupe des galiléens, Joseph d’Arimathie passe devant, auprès de Jésus, et la foule, qui le connaît, se tait par respect pour lui.

Ils franchissent finalement la Porte des Poissons et ce fleuve humain, qui se déverse à flots dans la ville, mêlé aux ânes et aux troupeaux, se disperse dans les rues…

201.2 « Nous voici, Maître ! Dit, en le saluant, Thomas qui, avec Philippe et Barthélemy, se trouve au-delà de la Porte.

– Judas n’est pas là ? Pourquoi ? demandent certains.

– Non. Nous sommes ici depuis le début de la matinée par crainte que tu n’arrives plus tôt, mais lui, on ne l’a pas vu. Moi, je l’ai rencontré hier. Il était avec Sadoq le scribe, tu sais, Joseph ? Ce vieil homme, maigre, avec une verrue sous l’œil ; il y en avait d’autres aussi… des jeunes, ceux-là. Je lui ai crié : “ Je te salue, Judas ” mais il ne m’a pas répondu, feignant de ne pas me connaître. J’ai dit : “ Mais qu’est-ce qu’il a, celui-là ? ” et je l’ai suivi quelques mètres. Il s’est séparé de Sadoq, avec qui il paraissait être un lévite, et il est parti avec les autres de son âge qui… n’étaient sûrement pas des lévites… Et maintenant il n’est pas là… Il savait bien, pourtant, que nous avions décidé de venir ici ! »

Philippe se tait. Barthélemy serre les lèvres au point de presque les supprimer, comme pour mettre une barrière au jugement qui lui monte du cœur.

« Bien, bien ! Allons-y tout de même ! Je ne pleurerai certainement pas son absence, dit Pierre.

– Attendons encore un peu. Peut-être a-t-il été arrêté en route » intervient Jésus sur un ton sérieux.

Ils s’adossent au mur du côté de l’ombre, les femmes ensemble, les hommes formant un autre groupe.

Ils sont tous en habits de fête. Pierre a vraiment une tenue luxueuse : il arbore une coiffure toute neuve, blanche comme la neige, que tient un galon brodé, rouge et or. Il a mis son plus beau vêtement, couleur grenat très foncé, embelli par une ceinture neuve qui ressemble au galon du couvre-chef et d’où pend un couteau avec gaine comme un poignard, avec une poignée ciselée et le fourreau de laiton tout ajouré au travers duquel luit le fer bien luisant de la lame. Les autres aussi sont tous plus ou moins armés. Seul Jésus est sans armes, en vêtement de lin très blanc, avec un manteau couleur bleuet que Marie lui a sûrement tissé pendant l’hiver. Marziam porte un habit rouge clair avec un galon plus foncé au cou et aux poignets, et un galon du même genre brodé, à la hauteur de la ceinture et aux bords du manteau, que l’enfant garde toutefois plié sur son bras. Il le caresse avec satisfaction, levant de temps en temps son petit visage, moitié souriant, moitié préoccupé… Pierre tient aussi à la main un paquet qu’il porte soigneusement.

201.3 Le temps passe… mais Judas n’arrive toujours pas.

« Il n’a pas daigné… » grommelle Pierre ; il ajouterait volontiers quelque chose, mais l’apôtre Jean dit :

« Peut-être nous attend-il à la Porte Dorée… »

Ils se rendent au Temple, mais Judas n’y est pas.

Joseph d’Arimathie perd patience et dit :

« Allons-y. »

Marziam pâlit légèrement et il donne un baiser à Marie en disant :

« Prie !… prie !

– Oui, mon chéri. N’aie pas peur. Tu sais très bien… »

Marziam s’attache alors à Pierre. Il serre nerveusement sa main et, ne se sentant toujours pas en sécurité, voudrait prendre la main de Jésus.

« Moi, je ne viens pas, Marziam. Je vais prier pour toi. Nous nous verrons après.

– Tu ne viens pas, Maître ? Pourquoi ? dit Pierre, surpris.

– Parce que cela vaut mieux… »

Jésus est très sérieux, je dirais même triste, et il ajoute :

« Joseph, qui est juste, ne peut qu’approuver ma conduite. »

En effet, Joseph ne réplique pas et, par son silence et un soupir éloquent, il approuve.

« Dans ce cas… allons-y… »

Pierre est un peu peiné.

Marziam s’attache alors à Jean et ils reprennent leur marche, précédés de Joseph qu’on salue continuellement par de profondes inclinations. Simon et Thomas les accompagnent. Les autres restent avec Jésus.

201.4 Ils entrent dans la salle où Jésus était entré en son temps. Un jeune homme, en train d’écrire dans un coin, se lève dès qu’il voit Joseph et s’incline jusqu’à terre.

« Que Dieu soit avec toi, Zacharie. Va vite chercher Azraël et Jacob. »

Le jeune homme s’éloigne, pour revenir presque aussitôt avec deux rabbins, ou chefs de synagogues, scribes, je ne sais trop. Ce sont deux personnages renfrognés qui n’inclinent leur suffisance que devant Joseph. Derrière eux, entrent huit autres personnages moins imposants. Ils s’assoient, laissant debout les demandeurs, Joseph d’Arimathie compris.

« Que veux-tu, Joseph ? demande le plus âgé.

– Présenter à votre sagacité ce fils d’Abraham qui est arrivé à l’âge prescrit pour entrer dans la Loi et se diriger par lui-même.

– Il t’est apparenté ? »

Ils regardent avec surprise.

« En Dieu, nous sommes tous parents. Mais cet enfant est orphelin et cet homme, de l’honnêteté duquel je me porte garant, l’a pris pour que son foyer ne soit pas privé de descendance.

– Qui est cet homme ? Qu’il réponde lui-même.

– Simon, fils de Jonas, de Bethsaïde en Galilée, marié, sans enfant, pêcheur pour le monde, fils de la Loi pour le Très-Haut.

– Et toi, galiléen, tu assumes cette paternité ? Pourquoi ?

– Il est dit dans la Loi de faire preuve d’amour envers la veuve et l’orphelin. C’est ce que je fais.

– Cet homme peut-il donc connaître la Loi au point de mériter de… Mais toi, enfant, réponds : qui es-tu ?

– Yabeç Marziam, fils de Jean, des campagnes d’Emmaüs, âgé de douze ans.

– Judéen, donc. Est-il permis à un galiléen de s’en charger ? Interrogeons les lois.

– Mais que suis-je ? Lépreux ou maudit ? »

Le sang de Pierre commence à bouillir.

« Tais-toi, Simon. Je parle pour lui. Je vous ai dit que je me porte garant de cet homme. Je le connais comme s’il était de ma maison. Joseph l’Ancien ne proposerait jamais une chose contraire à la Loi, ni aux lois. Veuillez examiner l’enfant avec justice et empressement. La cour est pleine d’enfants qui attendent l’examen. Ne lambinez pas, par amour pour tous.

– Mais qui nous prouve que l’enfant a douze ans et qu’il a été racheté au Temple ?

– On peut le prouver par les Ecritures. C’est une recherche ennuyeuse, mais que l’on peut faire. Enfant, tu m’as dit que tu es l’aîné ?

– Oui, seigneur. Tu peux le voir puisque j’ai été consacré au Seigneur et racheté par la taxe imposée.

– Recherchons donc ces attestations… dit Joseph.

– Inutile, répondent sèchement les deux chicaneurs.

201.5 – Approche, mon enfant. Récite-nous le décalogue. »

L’enfant l’énonce avec assurance.

« Donne-moi ce rouleau, Jacob. Lis, si tu sais lire.

– Où, rabbi ?

– Où tu veux. A l’endroit où tes yeux tombent, dit Azraël.

– Non. Ici. Donne-le moi » dit Jacob.

Il déroule le rouleau jusqu’à un endroit donné, puis il ordonne :

« Ici.

– “ Alors, il leur dit secrètement : ‘ Bénissez le Dieu du Ciel et louez-le en présence de tous les vivants, car il a fait preuve de miséricorde envers vous. Certes, il est bon de tenir caché le secret du roi, mais il est honorable de révéler…’ [2] ” »

– Assez ! Assez ! Qu’est-ce que c’est ? » demande Jacob en montrant les franges de son manteau.

– Les franges sacrées, seigneur : nous les portons pour nous rappeler les commandements du Seigneur.

– Est-il permis à un israélite de manger de n’importe quelle viande ? demande Azraël.

– Non, seigneur, seulement celles qui sont déclarées pures.

– Enonce-moi les préceptes… »

Docilement l’enfant attaque la litanie des “ Tu ne feras pas ”.

« Assez, assez ! Pour un galiléen, tu en sais presque trop. Homme, il t’appartient de jurer que ton fils est majeur. »

Avec la meilleure grâce dont il est encore capable après tant d’impolitesses, Pierre prononce son petit discours paternel :

« Comme vous l’avez remarqué, mon fils, arrivé à l’âge prescrit, est capable de se diriger en connaissant la Loi, les préceptes, les coutumes, les traditions, les cérémonies, les bénédictions et les prières. Par conséquent, comme vous l’avez constaté, sa majorité peut être demandée par moi et par lui. En vérité, j’aurais dû être le premier à m’exprimer, mais ici les coutumes ont été violées — et pas par nous, galiléens —, de sorte que l’enfant a été interrogé avant son père. Mais je vous dis maintenant : étant donné que vous l’avez reconnu capable, à partir de cet instant, je ne suis plus responsable de ses actes, ni devant Dieu, ni devant les hommes.

– Passez à la synagogue. »

Le petit cortège passe à la synagogue entre les visages hargneux des rabbins que Pierre a remis à leur place.

Devant les pupitres et les lampes, Marziam subit la coupe des cheveux que l’on raccourcit des épaules jusqu’aux oreilles. Ensuite Pierre, qui a ouvert son petit paquet, en tire une belle ceinture de laine rouge avec des broderies jaune d’or. Il la serre à la taille de l’enfant. Puis, pendant que les prêtres lui attachent au front et au bras des bandelettes de cuir, Pierre s’affaire à fixer les franges sacrées au manteau que Marziam lui a passé. Il est bien ému, Pierre, quand il entonne la louange au Seigneur…

201.6 La cérémonie est terminée. Ils se glissent dehors rapidement et Pierre dit :

« Ouf ! Je ne me contenais plus ! Tu as vu, Joseph ! Ils n’ont même pas accompli le rite. Peu importe. Toi… toi, mon fils, tu as quelqu’un qui te consacre… Allons prendre un petit agneau pour le sacrifice de louange au Seigneur. Un petit agneau, tendre comme toi. Je te remercie, Joseph ! Toi aussi, dis “ merci ” à ce grand ami. Sans toi, ils nous auraient traités très mal.

– Simon, je suis heureux d’avoir pu être utile à un juste comme toi, et je te prie de venir à ma maison de Bézéta pour le banquet. Et tous avec toi, c’est naturel.

– Allons le dire au Maître. Pour moi… c’est trop d’honneur ! » répond l’humble Pierre ; mais son visage rayonne de joie.

Ils traversent de nouveau les cours et les atriums jusqu’à la cour des femmes où toutes félicitent Marziam. Puis les hommes passent dans l’atrium des juifs où se trouve Jésus avec ses disciples. Ils sont tous unis en une même communion de bonheur et, pendant que Pierre va sacrifier l’agnelet, ils se dirigent à travers portiques et cours jusqu’à la première enceinte.

201.7 Comme il est heureux, Pierre, avec son enfant, devenu désormais un parfait israélite ! Au point de ne pas voir la ride qui barre le front de Jésus, au point de ne pas remarquer le silence plutôt accablant de ses compagnons. C’est seulement dans la salle de la maison de Joseph – quand l’enfant, à la question rituelle sur ce qu’il a l’intention de faire plus tard déclare : « Je serai pêcheur comme mon père » –, c’est seulement à ce moment-là que, à travers ses larmes, Pierre se souvient et comprend…

« Mais… Judas a mis une goutte de poison dans cette fête… Tu en es meurtri, Maître… et les autres en sont attristés. Pardonnez-moi tous si je ne m’en suis pas rendu compte plus tôt… Ah, ce Judas !… »

Je crois que son soupir se trouve dans tous les cœurs… Mais Jésus, pour enlever le poison, s’efforce de sourire et dit :

« Ne te tourmente pas, Simon. Il ne manque que ton épouse [3] à la fête… et je pensais aussi à elle, qui est si bonne et qui se sacrifie toujours. Mais elle aura bien vite une joie inattendue et accueillie on ne peut mieux. Pensons au bien qu’il y a dans le monde. Viens. Alors, Marziam a très bien répondu ? Je le savais d’avance… »

Joseph rentre après avoir donné des ordres aux serviteurs :

« Je vous remercie tous, dit-il, de m’avoir rajeuni par cette cérémonie et de me faire l’honneur de recevoir dans ma maison le Maître, sa Mère, ses parents, et vous, chers disciples. Venez au jardin. Il y a de l’air et des fleurs… »

Sur ce, tout prend fin.

[1] Porte au nord, au pied de la forteresse Antonia

[2] Tobit 12,6-7 (deutérocanonique)

[3] Porphyrée

[4] Exode 12,3
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 21 Jan - 9:08

202. La veille de Pâque au Temple. Reproche adressé à Judas

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 63.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 202.


Vision du mercredi 27 juin 1945

(Jeudi 30 mars 28)

202.1 C’est la veille de Pâque. Seul avec ses disciples – car les femmes ne sont pas avec le groupe –, Jésus attend le retour de Pierre qui a emmené l’agneau pascal à son sacrifice.

Pendant qu’ils attendent et que Jésus parle de Salomon [1] à l’enfant, voilà Judas qui traverse la grande cour. Il est avec un groupe de jeunes et il parle en faisant des gestes grandiloquents, et en prenant des poses inspirées. Son manteau ne cesse de s’agiter et il s’en drape avec des poses savantes… Je crois bien que Cicéron n’était pas plus pompeux quand il prononçait ses discours…

« Regarde Judas, là-bas ! Dit Jude.

– Il est avec un groupe de saforim [2] » observe Philippe.

Thomas intervient :

« Je vais écouter ce qu’il dit », et il part sans attendre que Jésus exprime son refus prévisible.

Pour ce qui est de Jésus… son visage dénote une vraie souffrance et un jugement sévère. Marziam, qui le regardait jusqu’alors pendant qu’avec douceur et une légère tristesse il lui parlait du grand roi d’Israël, remarque ce changement et s’en épouvante presque. Il secoue la main de Jésus pour le rappeler à lui :

« Ne regarde pas ! Ne regarde pas ! Regarde-moi, moi qui t’aime tellement ! »

202.2 Thomas réussit à rejoindre Judas sans être vu et il le suit pendant quelques pas. Je ne sais ce qu’il lui entend dire. Je sais qu’il pousse à l’improviste une exclamation de tonnerre qui fait se retourner plusieurs personnes et spécialement Judas, blême de rage :

« Mais que de rabbins compte Israël, désormais ! Je m’en félicite avec toi, nouvelle lumière de sagesse !

– Je ne suis pas une pierre, mais une éponge, et j’absorbe. Et quand le désir de ceux qui sont affamés de sagesse le réclame, je me presse pour me donner avec tous mes sucs vitaux. »

Judas parle de façon ampoulée et méprisante.

« Tu ressembles à un écho fidèle. Mais l’écho, pour subsister, doit rester près de la Voix. Sinon, il meurt, mon ami. Or il me semble que tu t’en éloignes. Il est là. Tu ne viens pas ? »

Judas passe par toutes les couleurs et son visage prend l’expression haineuse et répugnante de ses pires moments. Mais il se domine et dit :

« Je vous salue, mes amis. Je viens avec toi, Thomas, mon cher ami. Allons tout de suite trouver le Maître. Je ne savais pas qu’il était au Temple. Si je l’avais su, je me serais mis à sa recherche. »

Et il passe le bras au cou de Thomas, comme s’il avait pour lui une grande affection.

Cependant Thomas, qui reste paisible mais n’est pas niais, ne se laisse pas embobiner par ces protestations… et il demande, quelque peu sournoisement :

« Comment ? Tu ne sais pas que c’est Pâque ? Et tu penses que le Maître n’est pas fidèle à la Loi ?

– Oh, jamais de la vie ! Mais l’an passé, il se montrait, il parlait… Je me souviens justement de ce jour. Il m’a attiré par sa violence royale… Maintenant… il me semble avoir perdu de sa vigueur. N’en as-tu pas l’impression ?

– Moi, non. Il me paraît avoir perdu confiance.

– En sa mission, voilà, tu as raison.

– Non, tu me comprends mal : il a perdu confiance dans les hommes. Et tu es l’un de ceux qui y contribuent. Honte à toi ! »

Thomas ne rit plus ! Il est sombre, et son “ honte à toi ” est cinglant comme un coup de fouet.

« Attention à tes paroles ! Menace Judas.

– Attention à ta conduite ! Ici, nous sommes deux juifs, sans témoins et c’est pour cela que je parle et je te le répète : “ Honte à toi ! ” Et maintenant, tais-toi. Ne fais pas le tragique ni le pleurnicheur, sinon je parle devant tous. 202.3 Voilà le Maître là-bas et nos compagnons. Comporte-toi comme il faut.

– Paix à toi, Maître…

– Paix à toi, Judas.

– Il m’est si doux de te trouver ici… J’aurais à te parler…

– Parle.

– Tu sais… je voulais te dire… Ne peux-tu m’entendre à part ?

– Tu es parmi tes compagnons.

– Mais je voulais te parler à toi seul.

– A Béthanie, je suis seul avec qui me veut et me cherche, mais tu ne me cherches pas. Tu me fuis…

– Non, Maître, tu ne peux pas dire cela !

– Pourquoi as-tu offensé hier Simon, et moi avec lui, et avec nous Joseph d’Arimathie, tes compagnons, ma Mère et les autres ?

– Moi ? Mais je ne vous ai même pas vus !

– Tu n’as pas voulu nous voir. Pourquoi n’es-tu pas venu, comme convenu, bénir le Seigneur pour un innocent accueilli dans la Loi ? Réponds ! Tu n’as même pas éprouvé le besoin de prévenir que tu ne viendrais pas.

– Voici mon père ! Crie Marziam, qui aperçoit Pierre de retour avec son agneau égorgé, éventré, enveloppé dans sa peau. Oh ! Avec lui, il y a Michée et les autres ! J’y vais, je peux aller à leur rencontre pour avoir des nouvelles de mon vieux père ?

– Va, mon enfant » dit Jésus en lui faisant une caresse ; il ajoute, en touchant l’épaule de Jean d’En-Dor :

« Je t’en prie, accompagne-le et… retiens-les un peu. »

Il se tourne de nouveau vers Judas :

« Réponds donc ! J’attends.

– Maître… une nécessité imprévue… inéluctable… J’en ai souffert… mais…

– Mais n’y avait-il personne, dans tout Jérusalem, qui puisse apporter ton excuse, en admettant que tu en aies eu une ? C’était déjà une faute. Je te rappelle que, récemment, un homme s’est dispensé d’ensevelir son père pour me suivre, et que mes frères ont quitté la maison paternelle sous les anathèmes pour me suivre, et aussi que Simon et Thomas, et avec eux André, Jacques, Jean, Philippe et Nathanaël ont quitté leurs familles, comme Simon le Cananéen sa fortune pour me la donner, et Matthieu le péché pour me suivre. Et je pourrais continuer à te citer cent noms. Il en est qui ont quitté la vie, la vie elle-même, pour me suivre au Royaume des Cieux. Mais, si tu manques à ce point de générosité, sois du moins poli. Tu n’as pas la charité, mais respecte au moins les convenances. Imite, puisqu’ils te plaisent, les pharisiens hypocrites qui me trahissent, qui nous trahissent en se montrant polis. Ton devoir était de te réserver pour nous, hier, pour ne pas offenser Pierre ; or j’exige qu’il soit respecté de tous. Tu devais au moins prévenir.

– Je me suis trompé. 202.4 mais maintenant je suis venu exprès à ta recherche pour te dire que, toujours pour la même raison, je ne pourrai venir demain. Tu sais… J’ai des amis de mon père et je…

– Assez ! Va donc les rejoindre. Adieu.

– Maître… Tu es en colère contre moi ? Tu m’as dit que tu me servirais de père… Je suis un étourdi, mais un père pardonne…

– Je te pardonne, oui. Mais va-t’en. Ne fais pas attendre plus longtemps les amis de ton père, comme moi je ne fais pas attendre davantage les amis du saint Jonas [3].

– Quand quitteras-tu Béthanie ?

– A la fin des Azymes. Adieu. »

Jésus lui tourne le dos et se dirige vers les paysans, en extase devant Marziam, qui a tellement changé.

Il fait quelques pas, puis s’arrête à cause de la réflexion de Thomas :

« Par Yahvé ! Il voulait te voir avec ta violence royale ! Le voilà servi !…

– Je vous prie tous d’oublier cet incident, comme je m’efforce de le faire moi-même. En outre, je vous ordonne de garder le silence envers Simon-Pierre, Jean d’En-Dor et le petit. Pour des motifs que votre intelligence est en mesure de comprendre, il convient de ne pas les attrister ni de les scandaliser. Silence également à Béthanie avec les femmes. Il y a ma Mère. Souvenez-vous-en.

– Sois tranquille, Maître.

– Nous ferons tout pour réparer.

– Et pour te consoler, oui, assurent tous ceux qui sont présents.

– Merci… 202.5 Oh ! Paix à vous tous ! Isaac vous a trouvés. J’en suis heureux. Profitez en paix de votre Pâque. Mes bergers seront autant de frères bons avec vous. Isaac, avant qu’ils ne partent, amène-les-moi. Je veux les bénir encore. Avez-vous vu l’enfant ?

– Ah, Maître, comme il va bien ! Sa santé est déjà plus florissante ! Nous le dirons à son vieux père. Il en sera très heureux ! Ce juste nous a assuré que, désormais, Yabeç est son fils… C’est providentiel ! Nous raconterons tout, tout.

– Et aussi que je suis fils de la Loi. Et que j’en suis heureux. Et que je pense à lui sans cesse. Qu’il ne pleure pas pour moi ni pour Maman. Elle m’est toute proche, et elle est un ange pour lui également et on le verra aussi à l’heure de la mort. Au cas où Jésus aurait déjà ouvert les portes des Cieux, alors Maman, plus belle qu’un ange, viendra à la rencontre de mon vieux père et le conduira à Jésus. C’est lui qui l’a dit. Vous le lui direz ? Saurez-vous bien le dire ?

– Oui, Yabeç.

– Non, maintenant je m’appelle Marziam. Ce nom, c’est la Mère du Seigneur qui me l’a donné. C’est comme si on disait son nom. Elle m’aime tant ! Elle me met au lit tous les soirs et me fait dire les prières qu’elle faisait dire à son Enfant. Et puis, elle me réveille par un baiser, elle m’habille, et m’enseigne plein de choses. Et lui aussi. Mais elles pénètrent si doucement en moi qu’on apprend sans peine. Mon Maître ! ! ! »

L’enfant se serre contre Jésus dans un tel mouvement d’adoration que son expression vous émeut.

« Oui, vous rapporterez tout cela, et aussi que le vieil homme ne doit pas perdre espoir. Cet ange prie pour lui et, moi, je le bénis. Vous aussi, je vous bénis. Allez. Que la paix soit avec vous. »

Les groupes se séparent, et chacun s’en va de son côté.

     
[1] Peut-être celui de Salomon : le passeur

[2] Saforim (sopherîms) : scribes

[3] Jonas d’Esdrelon
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 22 Jan - 9:09

203. Enseignement du Notre Père

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 64.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 203.


Vision du jeudi 28 juin 1945

(Jeudi 30 mars 28)

203.1 Jésus sort avec ses disciples d’une maison proche des murs. Je crois que c’est toujours dans le quartier de Bézéta car, pour sortir des murs, on doit encore passer devant la maison de Joseph [1], qui se trouve près de la Porte que j’ai entendu nommer Porte d’Hérode.

La ville est à moitié déserte en cette paisible soirée au clair de lune. Je me rends compte que la Pâque a été consommée dans l’une des maisons de Lazare, qui n’est pourtant pas la maison du Cénacle. Celle-ci est à l’opposé. L’une est au nord, l’autre au sud de Jérusalem.

Sur le seuil de la maison, Jésus, avec son aimable courtoisie, prend congé de Jean d’En-Dor qu’il laisse pour protéger les femmes et qu’il remercie pour cette garde. Il embrasse Marziam, venu lui aussi sur le seuil, puis s’éloigne par la Porte dite d’Hérode.

« Où allons-nous, Seigneur ?

– Venez avec moi. Je vous emmène couronner la Pâque par une perle rare et désirée. C’est pour cela que j’ai voulu rester avec vous seuls. Mes apôtres ! Merci, mes amis, de votre grand amour pour moi. Si vous pouviez voir comme il me console, vous en seriez bien surpris ! Voyez : je supporte de continuelles épreuves et déceptions. Du moins, ce sont des déceptions pour vous. Pour moi, soyez-en persuadés, je n’ai pas de déceptions, car il ne m’a pas été accordé le don d’ignorance… Même pour cela, je vous conseille de vous laisser conduire par moi. Si je permets ceci ou cela, n’y faites pas obstacle. Si je n’interviens pas pour mettre fin à quelque chose, ne vous occupez pas de le faire vous-mêmes. Chaque chose en son temps. Ayez confiance en moi, par-dessus tout. »

Ils arrivent à l’angle nord-est de l’enceinte des murs, tournent et longent le mont Moriah jusqu’à l’endroit où ils peuvent franchir le Cédron par un petit pont.

« Nous allons à Gethsémani ? demande Jacques, fils d’Alphée.

– Non, plus haut : sur le mont des Oliviers.

– Oh ! Ce sera beau ! Dit Jean.

– Cela aurait fait plaisir au petit aussi, murmure Pierre.

– Il y viendra bien d’autres fois ! Il était fatigué. Et c’est un enfant. Je veux vous donner une grande chose, parce que désormais il est juste que vous l’ayez. »

203.2 Ils montent à travers les oliviers, laissant Gethsémani sur leur droite, et s’élèvent encore sur le mont jusqu’à atteindre la crête où bruissent les oliviers.

Jésus s’arrête et dit :

« Faisons une pause… Mes chers, si chers disciples et mes continuateurs dans l’avenir, venez près de moi. Un jour — et pas seulement un jour —, vous m’avez dit : “ Apprends-nous à prier comme tu pries. Apprends-le-nous, comme Jean l’a fait pour les siens, afin que nous, tes disciples, nous puissions prier avec les mots mêmes du Maître. ” Et je vous ai toujours répondu : “ Je le ferai quand je verrai en vous un minimum de préparation suffisant pour que la prière ne soit pas une vaine formule de paroles humaines, mais une véritable conversation avec le Père. ” Nous y sommes. Vous êtes en possession de ce qui suffit pour pouvoir connaître les mots qu’il convient de dire à Dieu. Et je veux vous les enseigner ce soir, dans la paix et l’amour qui règnent entre nous, dans la paix et dans l’amour de Dieu et avec Dieu. Nous avons, en effet, obéi au précepte pascal en vrais juifs, et au commandement divin de la charité envers Dieu et envers le prochain.

203.3 L’un d’entre vous a beaucoup souffert, ces jours-ci. Souffert pour un acte immérité, et souffert par l’effort qu’il a fait sur lui-même pour contenir l’indignation que cet acte avait provoqué. Oui, Simon-Pierre, viens ici. Il n’y a pas le moindre frémissement de ton cœur honnête qui m’ait été inconnu, et il n’y a pas une seule peine que je n’aie partagée avec toi. Tes compagnons et moi…

– Mais toi, Seigneur, tu as été bien plus offensé que moi ! Et c’était pour moi une souffrance plus… plus grande, non, plus sensible… et pas plus… plus… Voilà : que Judas ait été dégoûté de participer à ma fête, j’en ai souffert comme homme. Mais de voir que tu en étais affligé et offensé, cela m’a fait mal d’une tout autre façon et j’en ai souffert deux fois plus… Moi… je ne veux pas me vanter et me faire valoir en me servant de tes mots… Mais je dois dire – et si c’est de l’orgueil, dis-le-moi – que j’ai souffert en mon âme… et cela fait plus mal.

– Ce n’est pas de l’orgueil, Simon. Tu as souffert spirituellement car Simon, pêcheur de Galilée, est en train de se transformer en Pierre, disciple de Jésus, Maître de l’esprit, grâce auquel ses disciples deviennent eux aussi spirituellement actifs et sages. Et c’est pour te faire progresser dans la vie spirituelle, pour vous faire progresser, que je veux, ce soir, vous apprendre à prier. Combien vous êtes changés, depuis la retraite solitaire !

– Tous, Seigneur ? demande Barthélemy, un peu incrédule.

– Je comprends ce que tu veux dire… mais je parle à vous onze, pas à d’autres…

– Mais qu’a donc Judas, Maître ? Nous ne le comprenons plus… il paraissait tellement changé, et maintenant, depuis que nous avons quitté le lac…, dit André, désolé.

– Tais-toi, mon frère. C’est moi qui ai la clé du mystère ! Il s’est un peu attaché à Béelzéboul. Il est allé le chercher dans la caverne d’En-Dor pour étonner les gens et… et il a été servi ! Le Maître le lui a dit ce jour-là… A Gamla, les diables sont entrés dans les porcs. A En-Dor, les diables, sortis de ce malheureux Jean, sont entrés en lui… On comprend que… on comprend… Laisse-moi le dire, Maître ! Cela me prend à la gorge et, si je ne le dis pas, si ça ne sort pas, ça va m’empoisonner…

– Simon, sois bon !

– Oui, Maître… et je t’assure que je ne lui ferai pas d’impolitesses. Mais j’affirme et je pense que Judas étant vicieux – nous l’avons tous compris –, il est un peu parent du porc… et on comprend que les démons choisissent volontiers les porcs pour leur… changement de domicile. Voilà, c’est dit.

– Tu dis que c’est cela ? demande Jacques, fils de Zébédée.

– Et que veux-tu que ce soit d’autre ? Il n’y a eu aucune raison pour qu’il devienne aussi intraitable. C’est pire qu’à la Belle Eau ! Et là, on pouvait penser que c’étaient l’endroit et la saison qui l’énervaient. Mais maintenant…

203.4 – Il y a une autre raison, Simon…

– Donne-la-moi, Maître. Je suis content de changer d’avis sur mon compagnon.

– Judas est jaloux et cette jalousie l’agite.

– Jaloux ? De qui ? Il n’a pas de femme, et même s’il en avait une et était avec les femmes, je crois qu’aucun de nous ne ferait preuve de mépris à l’égard de notre condisciple…

– Il est jaloux de moi. Réfléchis : Judas a changé après En-Dor et après Esdrelon. C’est-à-dire quand il a vu que je m’occupais de Jean et de Yabeç. Mais, maintenant que Jean – Jean surtout – s’éloignera en passant de moi à Isaac, tu verras qu’il redeviendra enjoué et bon.

– Eh… bien ! Tu ne me diras pas qu’il n’est pas possédé par un petit démon. Et surtout… Non, je le dis ! Et surtout tu ne me diras pas qu’il est devenu meilleur ces derniers mois. J’étais jaloux, moi aussi, l’an dernier… Je n’aurais voulu personne de plus que nous six, les six premiers, tu t’en souviens ? Maintenant, maintenant… laisse-moi, pour une fois, prendre Dieu à témoin de ma pensée. Maintenant, je dis que je suis heureux de voir augmenter le nombre des disciples autour de toi. Ah ! Je voudrais avoir tous les hommes et les amener à toi, ainsi que tous les moyens pour pouvoir subvenir à ceux qui sont dans le besoin, afin que la misère ne soit pour personne un obstacle pour venir à toi. Dieu voit que je dis vrai. Mais pourquoi suis-je ainsi maintenant ? Parce que je me suis laissé changer par toi. Lui… il n’a pas changé. Au contraire… Voilà, Maître… C’est un petit démon qui l’a pris…

– Ne dis pas cela. Ne le pense pas. Prie pour qu’il guérisse. La jalousie est une maladie…

– Qu’à tes côtés, on guérit si on le veut. Ah ! Je le supporterai, pour toi… Mais quel effort !…

– Je t’en ai donné la récompense : l’enfant. Et maintenant, je vais t’apprendre à prier…

– oh oui ! Mon frère, dit Jude. Parlons de cela… et que l’on ne se souvienne de mon homonyme qu’à cause du besoin qu’il en a. Il me semble qu’il a déjà son châtiment : il n’est pas avec nous en ce moment !

203.5 – Ecoutez. Quand vous priez, dites ceci : “ Notre Père qui es aux Cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne sur la terre comme il est dans le Ciel, et que ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien, remets-nous nos dettes, comme nous les remettons à nos débiteurs. Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du Malin. ” »

Jésus s’est levé pour dire la prière et tous l’ont imité, attentifs et émus.

« Rien d’autre n’est nécessaire, mes amis. Dans ces mots est renfermé comme en un cercle d’or tout ce qu’il faut à l’homme pour son âme comme pour sa chair et son sang. Avec cela, demandez ce qui est utile à celui-là ou à ceux-ci. Et si vous accomplissez ce que vous demandez, vous acquerrez la vie éternelle. C’est une prière si parfaite que les vagues des hérésies et le cours des siècles ne l’entameront pas. Le christianisme sera désuni sous la morsure de Satan et beaucoup de parties de ma chair mystique seront détachées, morcelées, formant des cellules particulières dans le vain désir de se créer un corps parfait comme le sera le Corps mystique du Christ, c’est-à-dire formé de tous les fidèles unis dans l’Eglise apostolique qui sera, tant que la terre existera, l’unique véritable Eglise. Mais ces petits groupes séparés, privés par conséquent des dons que je laisserai à l’Eglise Mère pour nourrir mes enfants, garderont toujours le titre d’églises chrétiennes en raison de leur culte pour le Christ et, au sein de leur erreur, elles se souviendront toujours qu’elles sont venues du Christ. Eh bien, elles aussi prieront avec cette prière universelle. Souvenez-vous-en. Méditez-la continuellement. Appliquez-la à votre action. Il ne faut pas autre chose pour se sanctifier. Si quelqu’un était seul, dans un milieu païen, sans église, sans livre, il aurait déjà tout ce que l’on peut savoir en méditant cette prière ainsi qu’une église ouverte dans son cœur pour la réciter. Il aurait une règle de vie et une sanctification assurée.

203.6 “ Notre Père ”.

Je l’appelle “ Père ”. C’est le Père du Verbe, c’est le Père de Celui qui s’est incarné. C’est ainsi que je veux que vous l’appeliez vous aussi, car vous faites un avec moi, si vous demeurez en moi. Il fut un temps où l’homme devait se jeter face à terre pour soupirer, en tremblant d’épouvante : “ Dieu ! ” Celui qui ne croit pas en moi ni en ma parole est encore pris par cette crainte paralysante… Observez l’intérieur du Temple. Non seulement Dieu, mais aussi le souvenir de Dieu, est caché aux yeux des fidèles par un triple voile. Sépara­tion par la distance, séparation par les voiles, tout a été pris et appliqué pour signifier à celui qui prie : “ Tu es fange. Lui, il est Lumière. Tu es abject. Lui, il est Saint. Tu es esclave. Lui, il est Roi. ”

Mais maintenant !… Relevez-vous ! Approchez-vous ! Je suis le Prêtre éternel. Je peux vous prendre par la main et vous dire : “ Venez. ” Je peux saisir les rideaux du vélarium et les écarter, ouvrant tout grand l’inaccessible lieu, fermé jusqu’à aujourd’hui. Fermé ? Pourquoi ? Fermé à cause de la faute originelle, oui, mais encore plus étroitement fermé par la conscience corrompue des hommes. Pourquoi est-il fermé si Dieu est amour, si Dieu est Père ? Je peux, je dois, je veux vous conduire, non pas dans la poussière, mais dans l’azur ; non pas au loin, mais tout près ; non pas comme des esclaves, mais comme des fils sur le cœur de Dieu.

Dites “ Père ! Père ! ”, et ne vous lassez pas de le répéter. Ne savez-vous pas que, chaque fois que vous le dites, le Ciel rayonne de la joie de Dieu ? Ne diriez-vous que ce mot, avec un amour véritable, vous feriez déjà une prière agréable au Seigneur. “ Père ! Mon père ! ” disent les enfants à leur géniteur. C’est le premier mot qu’ils disent : “ Mère, père. ” Vous êtes les petits enfants de Dieu. Je vous ai engendrés à partir du vieil homme que vous étiez. Ce vieil homme, je l’ai détruit par mon amour, pour faire naître l’homme nouveau, le chrétien. Appelez donc, du premier nom que les enfants connaissent, le Père très saint qui est aux Cieux.

203.7 “ Que ton Nom soit sanctifié. ”

O nom saint et doux plus que tout autre ! Nom que la terreur du coupable vous a appris à voiler sous un autre nom ! Ne dites plus Adonaï. C’est Dieu. C’est le Dieu qui, dans un excès d’amour, a créé l’humanité. Que l’humanité de l’avenir l’appelle de son nom, par ses lèvres purifiées par le bain que je prépare, se réservant de comprendre avec la plénitude de la sagesse le sens véritable de cet Incompréhensible lorsque, fondue en lui, l’humanité avec les meilleurs de ses enfants sera élevée jusqu’au Royaume que je suis venu fonder.

203.8 “ Que ton Règne vienne sur la terre comme au Ciel. ”

Désirez de toutes vos forces cet avènement. Ce serait la joie sur la terre, s’il venait. Le Règne de Dieu dans les cœurs, dans les familles, entre les citoyens, entre les nations. Souffrez, prenez de la peine, sacrifiez-vous pour ce Règne. Que la terre soit un miroir qui reflète en chacun la vie des Cieux. Il viendra. Un jour, tout cela adviendra. Des siècles et des siècles de larmes et de sang, d’erreurs, de persécutions, de brouillard traversé d’éclairs de lumière qu’irradiera le phare mystique de mon Eglise — si elle est une barque qui ne sombrera pas, elle est aussi un rocher qui résistera aux vagues et elle tiendra bien haut la lumière, ma lumière, la lumière de Dieu —, tout cela précédera le moment où la terre possèdera le Royaume de Dieu. Ce sera alors comme l’intense flamboiement d’un astre qui, après avoir atteint la perfection de son existence, se désagrège, comme une fleur démesurée des jardins éthérés, pour exhaler en un étincelant frémissement son existence et son amour aux pieds de son Créateur. Mais cela adviendra. Et ensuite, ce sera le Royaume parfait, bienheureux, éternel du Ciel.

203.9 “ Que ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel. ”

L’anéantissement de la volonté propre au profit de celle d’un autre ne peut se produire que lorsqu’on a atteint le parfait amour pour cette personne. L’anéantissement de la volonté propre au profit de celle de Dieu ne peut se produire que quand on a atteint la perfection des vertus théologales à un degré héroïque. Au Ciel, où tout est sans défauts, s’accomplit la volonté de Dieu. Sachez, vous qui êtes fils du Ciel, faire ce que l’on fait au Ciel.

203.10 “ Donne-nous notre pain quotidien. ”

Quand vous serez au Ciel, vous vous nourrirez uniquement de Dieu. La béatitude sera votre nourriture. Mais, ici-bas, vous avez encore besoin de pain. Et vous êtes les petits enfants de Dieu. Il est donc juste de dire : “ Père, donne-nous du pain. ”

Avez-vous peur qu’il ne vous écoute pas ? Oh, non ! Réfléchissez : supposez que l’un de vous ait un ami et qu’il s’aperçoive qu’il manque de pain pour rassasier un autre ami ou un parent arrivé chez lui à la fin de la seconde veille. Il va trouver l’ami son voisin et lui dit : “ Mon ami, prête-moi trois pains, car il m’est arrivé un hôte et je n’ai rien à lui donner à manger. ” Peut-il s’entendre répondre de l’intérieur de la maison : “ Ne m’ennuie pas car j’ai déjà fermé la porte et bloqué les battants, et mes enfants dorment déjà à mes côtés. Je ne peux me lever et te donner ce que tu désires ” ? Non. S’il s’est adressé à un véritable ami et qu’il insiste, il obtiendra ce qu’il demande. Il l’aurait obtenu même s’il s’était adressé à un ami pas très proche, à cause de son insistance, car celui auquel il demande ce service, pour n’être plus importuné, se hâterait de lui en donner autant qu’il en veut.

Mais vous, quand vous priez le Père, vous ne vous adressez pas à un ami de la terre : vous vous tournez vers l’Ami parfait, qui est le Père du Ciel. Aussi, je vous dis : “ Demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira. ” En effet, à qui demande on donne, qui cherche finit par trouver, à qui frappe on ouvre la porte.

Quel enfant des hommes se voit présenter une pierre, s’il demande du pain à son père ? Qui se voit donner un serpent à la place d’un poisson grillé ? Le père qui agirait ainsi à l’égard de ses enfants serait criminel. Je l’ai déjà dit et je le répète pour vous encourager à avoir des sentiments de bonté et de confiance. De même qu’un homme sain d’esprit ne donnerait pas un scorpion à la place d’un œuf, avec quelle plus grande bonté Dieu ne vous donnera-t-il pas ce que vous demandez ! Car il est bon, alors que vous, vous êtes plus ou moins mauvais. Demandez donc avec un amour humble et filial votre pain au Père.

203.11 “ Remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs. ”

Il y a les dettes matérielles et les dettes spirituelles. Il y a encore les dettes morales. L’argent, la marchandise qu’on vous a prêtés sont des dettes matérielles qu’il faut rembourser. L’estime que l’on exige sans réciprocité, l’amour que l’on attend, mais que l’on ne donne pas, sont des dettes morales. L’obéissance à Dieu, de qui on exigerait beaucoup, quitte à lui donner bien peu, et l’amour qu’on doit avoir pour lui sont des dettes spirituelles. Mais il nous aime et doit être aimé comme on aime une mère, une épouse, un fils de qui on exige tant de choses. L’égoïste veut posséder et ne donne pas. Mais l’égoïste est aux antipodes du Ciel. Nous avons des dettes envers tout le monde. De Dieu au parent, de celui-ci à l’ami, de l’ami à son prochain, de son prochain au serviteur et à l’esclave, car tous sont des êtres comme nous. Malheur à qui ne pardonne pas ! Il ne lui sera pas pardonné. Dieu ne peut pas, par justice, remettre ce que l’homme lui doit — à lui qui est le Très Saint — si l’homme ne pardonne pas à son semblable.

203.12 “ Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du Malin. ”

L’homme qui n’a pas éprouvé le besoin de partager avec nous le souper de la Pâque m’a demandé, il y a moins d’un an : “ Comment ? Tu as demandé de ne pas être tenté et d’être aidé dans la tentation contre elle-même ? ” Nous étions nous deux, seuls… et j’ai répondu [2].

Une autre fois, nous étions quatre dans un endroit isolé, et j’ai répondu de nouveau. Mais il n’était pas encore satisfait car, dans une âme inflexible, il faut d’abord ouvrir une brèche en démolissant la forteresse perverse de sa suffisance. C’est pour cette raison que je le répèterai encore une fois, et même dix, cent fois jusqu’à ce que tout soit accompli.

Mais vous, qui n’avez pas de cuirasse due à des doctrines malheureuses et des passions plus malheureuses encore, veuillez prier ainsi. Priez avec humilité pour que Dieu empêche les tentations. Ah, l’humilité ! Se reconnaître pour ce que l’on est ! Sans s’avilir, mais se connaître. Dire : “ Je pourrais céder même si cela me semble impossible, car je suis un juge imparfait pour moi-même. Par conséquent, mon Père, délivre-moi, si possible, des tentations en me tenant proche de toi au point que cela ne permette pas au Malin de me nuire. ” Car, souvenez-vous-en, ce n’est pas Dieu qui porte au mal, mais c’est le mal qui tente. Priez le Père pour qu’il vienne en aide à votre faiblesse au point qu’elle ne puisse être induite en tentation par le Malin.

203.13 Voilà ce que j’avais à vous dire, mes bien-aimés. C’est ma seconde Pâque au milieu de vous. L’an dernier, nous avons seulement rompu ensemble le pain et partagé l’agneau. Cette année, je vous fais le don de la prière. J’aurai d’autres dons pour mes autres Pâques parmi vous afin que, lorsque je serai allé là où le Père le veut, vous gardiez un souvenir de moi, l’Agneau, dans toute fête de l’agneau mosaïque.

Levez-vous et partons. Nous rentrerons en ville à l’aurore. Ou plutôt : demain, toi, Simon, et toi, mon frère (il désigne Jude), vous irez chercher les femmes et l’enfant. Quant à toi, Simon-Pierre, et vous autres, vous resterez avec moi jusqu’à leur retour. Ensuite, nous irons tous ensemble à Béthanie. »

Ils descendent jusqu’à Gethsémani où ils rentrent à la maison pour se reposer.
 
[i]
[1] Joseph d’Arimathie qui les avait invité la veille au soir.

[2] Judas. Cf. 2.32. (et 2.44. ) avec Simon et Jean[i]
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 23 Jan - 8:48

204. La foi et l’âme expliquées aux païens par la parabole des temples.

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 65.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 204.


(Samedi 1er avril 28)

204.1 - Dans la paix du sabbat, Jésus se repose près d'un champ de lin tout en fleurs, qui appartient à Lazare. Plutôt que près du lin, je dirais immergé dans le lin très haut, et assis au bord d'un sillon, il s'absorbe dans ses pensées. Il n'y a près de Lui que quelque silencieux papillon ou quelque lézard qui arrive en bruissant et le regarde de ses yeux de jais en levant sa tête triangulaire à la gorge claire et palpitante. Et rien d'autre. En cette fin d'après-midi il n'y a pas le moindre souffle de vent parmi les hautes tiges.        

De loin, peut-être du jardin de Lazare, arrive la chanson d'une femme et avec elle les cris joyeux de l'enfant qui joue avec quelqu'un. Puis une, deux, trois voix qui appellent : "Maître !"    

"Jésus !"    

Jésus se secoue et se lève. Si haut que soit le lin à son complet développement, Jésus émerge largement de cette mer verte et bleue [1].        

"Le voici, là, Jean !" crie le Zélote.      

Et Jean, à son tour crie :            

"Mère ! Jésus est ici, dans le lin." Et pendant que Jésus s'approche du sentier qui va vers les maisons, voici venir Marie.  

"Que veux-tu, Mère ?"  

"Mon fils, il est arrivé des gentils avec des femmes. Ils disent avoir appris de Jeanne que tu es ici. Ils disent aussi qu'il t'ont attendu tous ces jours près de l'Antonia..."        

"Ah ! j'ai compris ! J'arrive tout de suite. Où sont-ils ?"    

"Dans la maison de Lazare, dans son jardin. Les romains l'aiment bien et lui n'a pas pour eux la répulsion que nous avons, nous. Il les a fait entrer avec leurs chars dans le grand jardin pour ne scandaliser personne."  

"C'est bien, Mère. 204.2 - Ce sont des soldats et des dames romaines. Je le sais."          

"Et, que veulent-ils de Toi ?"    

"Ce que beaucoup de gens en Israël ne veulent pas : la lumière."          

"Mais comment, et qu'est-ce qu'ils te croient ? Dieu, peut-être ?"        

"En leur langage, oui. Pour eux, il est facile d'accueillir l'idée d'une incarnation d'un dieu dans une chair mortelle, plus que parmi nous."

"Alors, ils sont arrivés à la foi en Toi..."        

"Pas encore, Maman. Je dois d'abord détruire la leur. Pour le moment, je suis à leurs yeux un sage, un philosophe, comme ils disent. Mais soit par désir de connaître les doctrines philosophiques, soit par, leur tendance à croire possible l'incarnation d'un dieu, je suis beaucoup aidé pour les amener à la vraie Foi. Crois-le, ils ont plus de simplicité dans leur pensée que beaucoup de gens en Israël."        

"Mais seront-ils sincères ? On dit que le Baptiste..."          

"Non. Si la chose avait dépendu d'eux, Jean serait libre et en sécurité. Celui qui n'est pas rebelle, ils le laissent tranquille. Bien plus, je te le dis, près d'eux; le fait d'être prophètes - eux disent philosophes, parce que l'élévation de la sagesse surnaturelle, pour eux, c'est toujours de la philosophie - c'est une garantie de respect de leur part. N'en sois pas préoccupée, Maman. Ce n'est pas de là que me viendra le mal..."        

"Mais, les pharisiens... s'ils l'apprennent, que vont-ils dire aussi de Lazare ? Toi... tu es Toi et tu dois apporter la Parole au monde. Mais Lazare !... Ils l'ont déjà tant offensé..."            

"Mais il est intouchable. Ils savent qu'il est protégé par Rome."  

"Je te quitte, mon Fils. Voici Maximin qui va te conduire aux gentils" et Marie, qui pendant tout ce temps avait cheminé à côté de Jésus, se retire rapidement et va vers la maison du Zélote, alors que Jésus entre par un portillon de fer ouvert dans l'enceinte du jardin, dans une partie qui en est éloignée, là où le jardin se change en verger, près du lieu où, plus tard, serait la sépulture de Lazare.    

Là se trouve aussi Lazare et personne d'autre: "Maître, je me suis permis de les recevoir…"

"Tu as bien fait. Où sont-ils ?"

"Là, à l'ombre des buis et des lauriers. Comme tu le vois, ils sont éloignés au moins de cinq cent pas de la maison."      

"Bon, bon... 204.3 - Que la Lumière vienne vers vous tous."      

"Salut, Maître !" dit Quintilianus qui est en civil.  

Les dames se lèvent pour saluer. Il y a Plautina, Valéria et Lydia et en plus une autre, âgée, dont je ne sais qui elle est ni ce qu'elle est, si elle est du même rang ou inférieur. Elles sont toutes vêtues très simplement, sans rien qui les distingue.      

"Nous avons voulu t'entendre. Tu n'es pas venu. J'étais de... garde à ton arrivée, mais je ne t'ai pas vu."

"Moi non plus, je n'ai pas vu un soldat qui était mon ami, à la Porte des Poissons. Il s'appelait Alexandre..."    

"Alexandre ? Je ne sais pas si c'est lui précisément, mais je sais qu'il y a quelque temps nous avons dû, pour calmer les juifs, éloigner un soldat, coupable... d'avoir parlé avec Toi. Maintenant il est à Antioche mais peut-être il reviendra. Ouf ! comme ils sont ennuyeux ces gens... qui veulent commander, même maintenant qu'ils sont sujets ! Et il faut manœuvrer pour ne pas arriver à des affaires importantes... Ils nous rendent la vie difficile, crois-le... Mais Toi, tu es bon et sage. Tu vas nous parler ? Peut-être que bientôt je vais quitter la Palestine. Je voudrais avoir quelque chose de Toi, en souvenir."      

"Je vais vous parler, oui. Je ne déçois jamais. Que voulez-vous savoir ?"        

Quintilianus regarde les dames d'un air interrogatif...      

"Ce que tu veux, Maître" dit Valéria.

204.4 - Plautina se lève de nouveau et dit :  

"J'ai beaucoup réfléchi... j'aurais tant à apprendre... tout, pour juger, Mais, s'il est permis de le demander, je voudrais savoir comment se construit une foi, en Toi par exemple, sur un terrain que tu as dit privé d'une vraie foi. Tu as dit que nos croyances sont vaines. Alors, nous restons sans rien. Comment arriver à avoir ?"      

"Je vais prendre l'exemple d'une chose que vous possédez: les temples. Vos édifices sacrés, vraiment beaux, dont l'unique imperfection est d'être dédiés au Néant, peuvent vous enseigner comment on peut arriver à avoir une foi et où placer la foi. Observez. Où sont-ils construits ? Quel lieu choisit-on si possible pour eux ? Comment sont-ils construits ? L'endroit, généralement est spacieux, dégagé et élevé. Et s'il n'est pas spacieux et dégagé, on le fait tel en démolissant tout ce qui encombre ou limite le terrain. S'il n'est pas élevé, on le surélève sur un stéréobate plus élevé que celui de trois marches, utilisé pour les temples situés déjà sur un lieu naturellement élevé. Enfermés dans une enceinte sacrée, la plupart du temps, et formée de colonnades et de portiques à l'intérieur desquels sont renfermés des arbres consacrés aux dieux, des fontaines et des autels, des statues et des stèles, ils sont d'ordinaire précédés du propylée au-delà duquel se trouve l'autel où l'on fait les prières aux divinités. En face, il y a l'endroit du sacrifice car le sacrifice précède la prière. Souvent, et spécialement pour les plus grands, un péristyle les entoure d'une guirlande de marbres précieux. À l'intérieur il y a le vestibule antérieur, à l'extérieur ou à l'intérieur du péristyle, la chambre du dieu, le vestibule postérieur. Les marbres, les statues, les frontons, les acrotères et les tympans tous polis, précieux, décorés font du temple un édifice très noble, même pour la vue la plus grossière. N'est-ce pas ainsi ?"    

"C'est ainsi, Maître. Tu les as vus et très bien étudiés" confirme en le louant Plautina.  

"Mais s'il est si bien établi qu'il n'a jamais quitté la Palestine !?" s'exclame Quintilianus.        

"Je n'en suis jamais sorti pour aller à Rome ou à Athènes, mais je n'ignore pas l'architecture de la Grèce et de Rome.  Dans le génie de l'homme qui a décoré le Parthénon, j'étais présent, car je suis partout où il y a vie et manifestation de la vie. Là où un sage pense, un sculpteur sculpte, un poète compose, une mère chante sur un berceau, un homme se fatigue sur les sillons, un médecin lutte contre les maladies, un vivant respire, un animal vit, un arbre pousse, je suis là avec Celui de qui je viens.  

Dans le grondement d'un tremblement de terre ou le fracas de la foudre, dans la lumière des étoiles et le mouvement des marées, dans le vol de l'aigle ou dans le sifflement du moustique, je me trouve avec le Créateur Très-Haut."    

"De sorte que... Toi... Toi, tu connais tout ? Aussi bien les pensées que les œuvres humaines ?" demande encore Quintilianus.        

"Je sais."    

Les romains se regardent stupéfaits.  

204.5 - Un silence prolongé et puis, timidement, Valéria demande instamment :      

"Développe ta pensée, Maître, pour que nous sachions que faire."        

"Oui. La Foi se construit comme on construit les temples dont vous êtes si fiers. On fait un emplacement pour le temple, on dégage les alentours, on surélève son emplacement."    

"Mais le temple pour y mettre la foi, cette déité vraie, où est-il ?" demande Plautina.    

"Ce n'est pas une déité, la foi, Plautina. C'est une vertu. il n'y a pas de déités dans la foi vraie, mais il existe un Dieu Unique et Vrai."  

"Alors... il est là-haut, seul, dans son Olympe ? Et que fait-Il s'Il est seul ?"        

"Il se suffit à Lui-même et s'occupe de tout ce qu'il y a dans la création. Je te l'ai dit précédemment : même au sifflement du moustique Dieu est présent. il ne s'ennuie pas, n'en doute pas. Ce n'est pas un pauvre homme, maître d'un immense empire où il se sent haï et où il vit dans la crainte. Il est l'Amour, et Il vit en aimant. Sa Vie est un Amour continu. Il se suffit à Lui-même parce qu'Il est infini et très puissant. Il est la Perfection. Mais si nombreuses sont les choses créées qui vivent de son continuel vouloir qu'il n'a pas le temps de s'ennuyer. L'ennui est le fruit de l'oisiveté et du vice. Au Ciel du Vrai Dieu, il n'y a pas d'oisiveté et il n'y a pas de vice. Mais bientôt Il aura, en plus des anges qui maintenant Le servent, un peuple de justes qui jubileront en Lui. Et ce peuple s'accroîtra toujours plus de ceux qui dans l'avenir croiront au Vrai Dieu."      

"Les anges, ce sont les génies ?" demande Lydia     .          

"Non, ce sont des êtres spirituels comme l'est Dieu qui les a créés."    

Haut de page.        

347> "Et les génies alors que sont-ils ?"        

"Tels que vous les imaginez ils ne sont que mensonge. Comme vous les imaginez, ils n'existent pas. Mais ils correspondent à un besoin instinctif de l'homme de chercher la vérité.  Cela vient d'un aiguillon de l'âme qui est vivante et présente même chez les païens. Elle souffre aussi en eux, car elle est déçue dans son désir, car dans sa nostalgie, elle est affamée du Dieu Vrai dont elle garde le souvenir, dans ce corps où elle habite et qui est gouverné par un esprit païen. Même vous, vous avez eu conscience que l'homme n'est pas seulement de la chair et qu'à son corps périssable est uni quelque chose d'immortel. C'est en ce sens que les villes et les nations possèdent un génie. Voilà alors pourquoi vous croyez, vous éprouvez le besoin de croire aux "génies". Et vous vous donnez le génie de l'individu, celui de la famille, de la ville, des nations. Vous avez le "génie de Rome", "le génie de l'empereur" et vous les adorez comme des divinités mineures. Entrez dans la vraie foi. Vous aurez la connaissance et l'amitié de votre ange auquel vous devrez vénération, mais pas adoration. Dieu seul doit être adoré."          

204.6 - Publius Quintilianus demande : "Tu as dit: "Aiguillon de l'âme qui est vivante et présente même chez les païens, et qui souffre en eux parce qu'elle est déçue". Mais l'âme, de qui vient-elle ?"  

"De Dieu. C'est Lui son Créateur."      

"Mais ne naissons-nous pas d'une femme par son union avec un homme ? Même nos dieux sont ainsi engendrés."        

"Vos dieux n'existent pas. Ce sont des fruits de votre imagination qui a besoin de croire, car ce besoin est plus impérieux que celui de respirer. Même celui qui affirme qu'il ne croit pas, a une croyance. il croit en quelque chose. Le seul fait de dire : "Je ne crois pas en Dieu" présuppose une autre foi. En soi-même, peut-être, en son propre esprit orgueilleux. Mais, pour ce qui est de croire, on croit toujours. C'est comme la pensée. Si vous dites : "Je ne veux pas penser" ou bien : "Je ne crois pas en Dieu", rien que par ces deux phrases que vous dites, vous montrez que vous pensez, que vous ne voulez pas croire en Celui dont vous savez qu'il existe, et auquel vous ne voulez pas penser. En ce qui concerne l'homme, pour être exacts dans l'expression de la pensée, vous devez dire : "L'homme est engendré comme tous les animaux par une union entre mâle et femelle.        

Mais l'âme, c'est-à-dire cette chose qui différencie l'animal-homme de l'animal-brute, vient de Dieu. Il la crée toutes les fois qu'un homme est engendré, ou plutôt : qu'il est conçu dans un sein et il la greffe en cette chair qui autrement serait seulement animale"    

"Et nous la possédons ? Nous païens ? À entendre tes concitoyens il ne semble pas..." dit Quintilianus ironique.      

"Tout être qui naît de la femme la possède."            

"Tu as dit pourtant que le péché la tue. Comment alors en nous pécheurs est-elle vivante ?" demande Plautina.            

"Vous ne péchez pas en matière de foi, puisque vous croyez être dans le Vrai. Quand vous connaîtrez la Vérité et que vous persisterez dans l'erreur, alors vous pécherez. De même beaucoup de choses qui sont péché pour les israélites, pour vous ne le sont pas, parce qu'aucune loi divine ne vous les interdit. Le péché c'est quand quelqu'un se révolte sciemment contre l'ordre donné par Dieu et qu'il dit : "Je sais que ce que je fais est mal, mais je veux le faire quand même". Dieu est juste. Il ne peut punir quelqu'un qui fait le mal en croyant faire le bien. Il punit celui qui, ayant eu la possibilité de connaître le Bien et le Mal, choisit ce dernier et y persiste."        

"Alors, en nous l'âme existe, vivante et présente ?"          

"Oui."        

"Et elle souffre ? Crois-tu vraiment qu'elle se souvienne de Dieu ? Nous ne nous souvenons pas du sein qui nous a portés. Nous ne pourrions pas dire comment il est fait intérieurement. L'âme, si j'ai bien compris, est spirituellement engendrée par Dieu. Comment peut-elle se souvenir de Lui si le corps ne se souvient pas de son long séjour dans le sein ?"  

"L'âme n'est pas une brute, Plautina. L'embryon, oui [2]. C'est si vrai que l'âme n'est donnée que quand le fœtus est déjà formé [3]. L'âme est, à la ressemblance de Dieu, éternelle et spirituelle. Éternelle à partir du moment où elle est créée, tandis que Dieu est le Très parfait, Éternel et pour cette raison n'a pas de commencement dans le temps, comme Il n'aura pas de fin. L'âme, lucide, intelligente, spirituelle, œuvre de Dieu, s'en souvient [4].  

Et elle souffre parce qu'elle désire Dieu, le vrai Dieu de qui elle vient, et elle a faim de Dieu. Voilà pourquoi elle aiguillonne le corps engourdi pour chercher à s'approcher de Dieu."      

204.7 - "Alors, nous avons une âme comme ceux de votre peuple que vous appelez "justes" ? Vraiment la même ?"        

"Non, Plautina. Cela dépend de ce que tu veux dire. Si tu veux parler de l'origine et de la nature, votre âme est en tout égale à celle de nos saints. Si tu parles de la formation, alors je te dis que déjà elle est différente. Si tu veux parler de la perfection atteinte avant la mort, alors la différence peut être absolue. Mais cela n'est pas seulement pour vous les païens. Même un fils de ce peuple peut être absolument différent d'un saint dans la vie future.

L'âme passe par trois phases. La première c'est la création. La seconde c'est une nouvelle création. La troisième c'est la perfection. La première phase est commune à tous les hommes. La seconde est propre aux justes qui par leur volonté amènent l'âme à une création encore plus complète, en unissant leurs bonnes actions à la bonté du travail de Dieu et se font par conséquent une âme déjà plus parfaite spirituellement que la première. C'est un trait d'union entre la première phase et la troisième. La troisième est propre aux bienheureux, aux saints, s'il vous plaît de les appeler ainsi, qui ont fait grandir de mille et mille degrés l'âme qu'ils avaient au point de départ, une âme simplement humaine et en ont fait une âme capable de reposer en Dieu."

204.8 - "Comment pouvons-nous donner à l'âme espace, liberté, élévation ?"          

"En démolissant les choses inutiles que vous avez en votre moi. La libérer de toutes les idées fausses et avec les débris de ces démolitions l'élever pour établir le temple souverain. Il faut que l'âme monte toujours plus haut au-dessus des trois degrés.          

Oh ! vous romains, vous aimez les symboles. Considérez les trois degrés à la lumière d'un symbole. Ils peuvent vous dire leurs trois noms : pénitence, patience, constance. Ou bien : humilité, pureté, justice. Ou encore : sagesse, générosité, miséricorde.    

Ou enfin le trinôme lumineux : foi, espérance, charité. Considérez encore le symbole de l'enceinte qui, ornée et robuste, entoure l'aire du temple. Il faut savoir entourer l'âme, reine d'un corps qui est le temple de l'Esprit éternel, d'une barrière qui la défende sans pourtant lui couper la lumière ni l'accabler par la vue des laideurs. Une en- ceinte sûre et affranchie du désir de l'amour de tout ce qui est inférieur: la chair et le sang, pour monter vers ce qui est supérieur: l'esprit. L'affranchir à force de volonté, faire disparaître les angles, les ébréchures, les taches, les veines d'imperfection du marbre de notre moi pour donner à l'âme un entourage parfait. Et, en même temps, de l'enceinte établie pour protéger le temple, en faire un miséricordieux refuge pour les plus malheureux qui ne savent pas ce que c'est que la Charité. Les portiques : c'est le symbole de l'effusion de l'amour, de la pitié, du désir que les autres viennent à Dieu, semblables à des bras aimants qui s'étendent pour faire un voile sur le berceau d'un orphelin. Au-delà de l'enceinte, les plantes les plus belles et les plus parfumées en hommage au Créateur. Semées sur un terrain d'abord nu, et puis cultivées symbolisant les vertus de tous noms : la seconde enceinte vivante et fleurie autour du sanctuaire; et parmi les plantes, parmi les vertus, les fontaines, autre amour, autre purification avant de s'approcher du propylée qui en est proche et, avant de monter à l'autel, on doit sacrifier l'attachement à la chair, se dépouiller de la luxure. Et puis aller plus loin, à l'autel, pour y présenter l'offrande et puis encore vous approcher de la chambre où se trouve Dieu, en dépassant le vestibule. Et la chambre, que sera-t-elle ? Un trésor de richesses spirituelles car rien n'est de trop pour environner Dieu.

Avez-vous compris ? Vous m'avez demandé comment se construit la Foi. Je vous ai dit : "En suivant la méthode qu'on emploie pour construire les temples". Vous voyez que c'est vrai.    

204.9 - Avez-vous autre chose à me dire ?"  

"Non, Maître. Je crois que Flavia a écrit les choses que tu as dites. Claudia veut en prendre connaissance. As-tu écrit ?"          

"Exactement" dit la femme en passant les tablettes enduites de cire.    

"Cela restera pour permettre de les relire" dit Plautina.  

"C'est de la cire, cela s'efface. Écrivez-les dans vos cœurs. Ces paroles ne s'effaceront plus."      

"Maître, ils sont encombrés de temples illusoires. Nous lancerons contre eux ta Parole pour les jeter à terre. Mais c'est un long travail" dit Plautina en soupirant. Et elle termine en disant : "Souviens-toi de nous près de ton Ciel..."        

"Partez avec la certitude que je le ferai. Je vous quitte. Sachez que votre venue m'a été bien chère. Adieu, Publius Quintilianus. Souviens-toi de Jésus de Nazareth."        

Les femmes saluent et s'en vont les premières. Puis, pensif, Quintilianus s'en va. Jésus les regarde partir en compagnie de Maximin qui les reconduit à leurs chars.

  I204.10 - "À quoi penses-tu, Maître ?" demande Lazare.    

"Qu'il y a beaucoup de malheureux au monde."      

"Et je suis l'un d'entre eux."    

"Pourquoi, mon ami ?"  

"Parce que tout le monde vient à Toi, mais pas Marie. Sa ruine est donc plus grande ?"      

Jésus le regarde et sourit.        

"Tu souris ? Mais tu ne souffres pas que Marie soit inconvertissable ? Tu ne souffres pas de me voir souffrir ? Marthe ne fait que pleurer depuis la soirée de lundi. Qui était cette femme ? [5] Ne sais-tu pas que pendant une journée entière nous avons espéré que c'était elle ?"        

"Je souris parce que tu es un enfant impatient... Et je souris parce que je pense que vous gaspillez votre énergie et vos larmes. Si ç'avait été elle, je serais accouru vous le dire."    

"Alors, ce n'était vraiment pas elle ?"

"Oh ! Lazare !..."  

"Tu as raison. Patience ! Patience encore !... Voici, Maître, les bijoux que tu m'as donnés à vendre. Ils sont devenus de l'argent pour les pauvres. Ils étaient très beaux. Des bijoux de femme."    

"C'étaient ceux de "cette" femme."    

"J'y ai bien pensé. Ah ! s'ils avaient été ceux de Marie... Mais elle, mais elle !... Je perds l'espoir, mon Seigneur !..."  

Jésus l'embrasse et reste un moment sans parler. Puis il dit :    

"Je te prie de ne pas parler de ces bijoux à qui que ce soit. Elle doit échapper aux admirations et aux désirs comme une petite nuée que le vent emmène ailleurs, sans qu'il en reste trace sur l'azur."            

"Sois tranquille, Maître... et, en échange, amène-moi Marie, notre malheureuse Marie..."

"La paix soit avec toi, Lazare. Ce que j'ai promis, je le ferai."        

[1] Le lin est cultivé dans la plupart des pays tempérés ou chauds. Sa fleur est bleue, ce qui faisait écrire à Aragon : "Un grand champ de lin bleu qui fait au ciel miroir". Les plantes poussent de 10 mm par jour et peuvent atteindre 80 cm à 1 m.

[2] L’embryon, oui, au lieu de : le fœtus, si, est une correction de Maria Valtorta sur le manuscrit original, où elle insère : "Tant il est vrai que l’âme est donnée quand le fœtus est déjà formé". Cette phrase est présente dans la traduction française de 1985, de Felix Sauvage, mais a été retirée au motif qu’elle contredirait d’autre affirmation du chapitre, mais cette affirmation qui rejoint celle de St Thomas d’Aquin (voir ci-dessous) est confirmée par d’autres affirmations comme en EMV 118 : L’homme n’est d’abord qu’un embryon d’animal, pas différent de celui d’une brebis.

[3] Position soutenue par saint Thomas d’Aquin, docteur de l’Église, dans la lignée d’Aristote. Il estimait le temps d’insufflation à 40 jours (environ 6 semaines). Aujourd’hui, la science avançant, Jean-Paul II, sans trancher sur le moment exact de l’insufflation, rappelle que dès l'origine de l'embryon, il y a une définition personnelle à respecter (nous en sommes tous issus). L’étude anthropologique conduit en effet à reconnaître que, en vertu de l’unité substantielle du corps avec l’esprit, le génome humain n’a pas seulement une signification biologique; c'est le porteur d'une dignité anthropologique qui prend sa source dans l'âme spirituelle qui le pénètre et le vivifie" (Discours aux membres de l’Académie pontificale pour la vie, 24 février 1998 {it}). Pour sa part, St Thomas d’Aquin affirmait "L’âme préexiste dans l’embryon ; elle y est d’abord nutritive, puis sensitive, et enfin intellective" (Somme théologique, Première partie, Question 118, d’où provient l’âme de l’Homme, article 2, Réponse).

[4] Cela a déjà abordé plus haut, en 204.5, ainsi qu’en 94.7, 121.7, 154.7 (avec une note), 157.5, 169.5, 344.7 (dans la bouche d’un enfant), 428.4 (avec note), 534.6 (dans la bouche d’un vieillard), 554.10, 556.8. Le souvenir que les âmes ont de Dieu est traité plus spécifiquement en : 10.9, 286.7, 290.9. Par ailleurs, Marie “ ne fut jamais privée du souvenir de Dieu ”, comme on peut le lire en 4.6 ; cela est illustré en 10.8/10 et dans les dernières lignes de 11.4. Il est encore question de l’âme de Marie en 136.6 ainsi qu’en 348.9/10.

[5] Aglaé. Cf. EMV 200.
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 27 Jan - 9:01

205. La parabole du fils prodigue. Judas ramené à Jésus par Marie

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 66.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 205


Vision du samedi 30 juin 1945

(Mercredi 5 avril 28)

205.1 Jésus apparaît sur le seuil :

« Jean d’En-Dor, viens ici avec moi. J’ai à te parler. »

L’homme, délaissant l’enfant auquel il apprenait quelque chose, accourt :

« Que veux-tu me dire, Maître ? demande-t-il.

–Viens avec moi, en haut. »

Ils montent sur la terrasse et s’asseyent du côté le plus abrité car, bien que ce soit le matin, le soleil est déjà fort. Jésus tourne son regard vers la campagne cultivée où, de jour en jour, le grain prend une teinte dorée et où les fruits grossissent sur les arbres. Il paraît vouloir suivre par la pensée cette transformation végétale.

« Ecoute, Jean : je crois qu’Isaac va venir aujourd’hui pour m’amener les paysans de Yokhanan avant leur départ. J’ai demandé à Lazare de prêter un char à Isaac pour leur permettre de rentrer plus vite chez eux [1]. Il ne faut pas qu’ils craignent un retard qui pourrait leur valoir un châtiment. Et Lazare le prête, car Lazare fait tout ce que je lui dis. Mais j’attends autre chose de toi : j’ai ici une somme qui m’a été donnée pour les pauvres du Seigneur [2]. Généralement, c’est l’un de mes apôtres qui est chargé de tenir les comptes et de donner les oboles. C’est Judas de Kérioth, d’habitude ; les autres parfois. Or Judas est absent et je ne veux pas que les autres sachent ce que je veux faire. Même Judas, cette fois, ne l’aurait pas su. C’est toi qui t’en chargeras, en mon nom…

– Moi, Seigneur ? Moi ? Je n’en suis pas digne !…

– Tu dois t’habituer à travailler en mon nom. N’est-ce pas pour cela que tu es venu ?

– Oui, mais je pensais devoir travailler à reconstruire ma pauvre âme.

– Et moi, je t’en fournis le moyen. En quoi as-tu péché ? Contre la miséricorde et l’amour. C’est par la haine que tu as démoli ton âme. C’est par l’amour et la miséricorde que tu la reconstruiras. Je t’en procure les matériaux. Je te destinerai particulièrement aux œuvres de miséricorde et d’amour. Tu es capable de soigner. Tu es capable de parler. Avec cela, tu es apte à soigner les infirmités physiques et morales, et tu as le pouvoir de le faire. Tu vas faire tes débuts avec cette œuvre-ci. Prends la bourse. Tu la remettras à Michée et à ses amis. Fais-en des parts égales, mais fais comme je te dis : répartis-la en dix parts, puis donnes-en quatre à Michée : une pour lui, une pour Saül, une pour Joël et une pour Isaïe. Et donne les six autres parts à Michée pour qu’il les remette au vieux père de Yabeç, pour lui et ses compagnons. Ils pourront ainsi y trouver quelque réconfort.

– C’est bien. Mais que dois-je leur dire en guise de justification ?

– Tu diras : “ C’est pour que vous vous souveniez de prier pour une âme qui se rachète. ”

– Mais ils pourront penser que c’est moi ! Ce n’est pas juste !

– Pourquoi ? Ne veux-tu pas te racheter ?

– Il n’est pas juste qu’ils pensent que je suis le donateur.

– Ne te tracasse pas et agis comme je te le dis.

– J’obéis… mais, au moins, permets-moi d’y ajouter quelque chose. De toutes façons… désormais, je n’ai plus besoin de rien. Des livres, je n’en achète plus. Je n’ai plus de poulets à nourrir. Il me faut si peu de choses… Tiens, Maître. Je ne garde qu’un peu d’argent pour les dépenses de sandales… »

Et, d’une bourse qu’il avait à la ceinture, il sort de nombreuses pièces de monnaie et les joint à celles de Jésus.

« Que Dieu te bénisse pour ta miséricorde…

205.2 Jean, bientôt nous nous quitterons, car tu partiras avec Isaac.

– J’en suis peiné, Maître, mais j’obéis.

– Moi aussi, je souffre de t’éloigner, mais j’ai tant besoin de disciples itinérants ! Je n’y suffis plus. Bientôt je lancerai les apôtres sur les chemins, puis j’enverrai les disciples. Et tu accompliras très bien ta tâche. Je te réserverai pour des missions spéciales. En attendant, tu te formeras avec Isaac. Il est très bon, et l’Esprit de Dieu l’a vraiment instruit durant sa longue maladie. Et c’est l’homme qui a toujours tout pardonné… Nous quitter, du reste, ne veut pas dire ne plus nous voir. Nous nous rencontrerons souvent et, chaque fois que nous nous retrouverons, je parlerai spécialement pour toi. Souviens-toi de cela… »

Jean se penche, se cache le visage dans les mains en sanglotant et gémit :

« Ah ! Dans ce cas, dis-moi tout de suite quelque chose qui me persuade que je suis pardonné… que je puis servir Dieu… Si tu savais, maintenant que s’est dissipée la fumée de la haine, comme je vois mon âme… et comme… et comme je pense à Dieu…

– Je le sais. Ne pleure pas. Reste dans l’humilité, mais sans t’avilir. S’avilir, c’est encore de l’orgueil. Aie seulement, seulement l’humilité. Allons, ne pleure pas… »

Jean d’En-Dor se calme peu à peu…

Quand il le voit calmé, Jésus dit :

« Viens, allons sous les feuillages des pommiers et réunissons nos compagnons et les femmes. Je parlerai à tous, mais je te dirai comment Dieu t’aime. »

Ils descendent, rassemblant les autres autour d’eux au fur et à mesure qu’ils arrivent et on s’assied en cercle à l’ombre de la pommeraie. Lazare aussi, qui parlait avec Simon le Zélote, se joint à la compagnie. Cela fait vingt personnes en tout.

205.3 « Ecoutez : voici une belle parabole qui vous guidera par sa lumière en bien des occasions.

Un homme avait deux fils. L’aîné était sérieux, travailleur, affectueux, obéissant. Le second était plus intelligent que son aîné – qui, en vérité, était un peu borné et se laissait guider pour ne pas avoir à se donner la peine de décider par lui-même – ; en revanche, il était aussi rebelle, distrait, dépensier et paresseux, et il aimait le luxe et le plaisir. L’intelligence est un grand don de Dieu, mais c’est un don dont il faut user sagement. Sinon, il en va comme de certains remèdes qui, employés indûment, tuent au lieu de guérir. Le père suivait son droit et son devoir en le rappelant à une vie plus sage, mais c’était sans résultat, sauf d’essuyer des réponses méchantes et de voir son fils s’endurcir dans ses idées mauvaises.

Enfin, un jour, après une dispute plus envenimée, le cadet dit : “ Donne-moi ma part des biens. Ainsi, je n’entendrai plus tes reproches ni les plaintes de mon frère. A chacun son lot et que tout soit fini.

– Prends garde, répondit le père, tu seras bientôt ruiné. Que feras-tu, alors ? Réfléchis : je ne serai pas injuste en ta faveur et je ne reprendrai pas la plus petite somme à ton frère pour te la donner.

– Je ne te demanderai rien. Sois tranquille. Donne-moi ma part. ”

Le père fit estimer ses terres et les objets précieux. Après avoir constaté que l’argent et les bijoux avaient autant de valeur que les terres, il donna à l’aîné les champs et les vignes, les troupeaux et les oliviers, et au cadet l’argent et les bijoux, que ce dernier vendit aussitôt pour avoir tout en argent. Cela fait, en peu de jours, il partit pour un pays lointain où il vécut en grand seigneur, dissipant ses biens en bombances de toutes sortes, se faisant passer pour un fils de roi car il avait honte de dire : “ Je suis un campagnard ”, et reniant ainsi son père. Festins, amis et amies, vêtements, vins, jeux… vie dissolue… Il vit bien vite s’épuiser ses réserves et arriver la misère. Et pour alourdir cette misère, il survint dans le pays une grande disette qui fit fondre le reste de ses ressources.

205.4 Il aurait bien voulu aller chez son père, mais il était orgueilleux et ne s’y décida pas. Il alla alors rencontrer un homme riche du pays qui avait été son ami au temps de l’abondance et il le supplia : “ Prends-moi au nombre de tes serviteurs en souvenir des profits que je t’ai procurés. ” Voyez comme l’homme est sot ! Il préfère se mettre sous le joug d’un maître au lieu de dire à son père : “ Pardon ! Je me suis trompé ! ” Ce jeune avait appris bien des choses inutiles grâce à sa vive intelligence, mais il n’avait pas voulu apprendre le proverbe de l’Ecclésiastique : “ Comme il est infâme, celui qui abandonne son père, et comme Dieu maudit celui qui fait de la peine à sa mère ! ” [3] Il était intelligent, mais il n’était pas sage.

L’homme à qui il s’était adressé, en échange de tout ce dont il avait profité au détriment du jeune imbécile, mit ce sot à la garde des cochons — il était en effet dans un pays païen où il y avait beaucoup de porcs —. Il l’envoya donc faire paître dans ses possessions les troupeaux de porcs. Crasseux, les vêtements en lambeaux, puant, affamé — car la nourriture était rare pour tous les serviteurs et surtout pour les plus bas placés ; or lui, qui était étranger, gardien de cochons et méprisé, il rentrait dans cette catégorie —, il voyait les animaux se rassasier de glands et il soupirait : “ Si je pouvais au moins m’emplir le ventre de ces fruits ! Mais ils sont trop amers ! La faim elle-même ne me les fait pas trouver bons. ” Et il pleurait en pensant aux riches festins de satrape qu’il avait faits peu de temps auparavant, au milieu des rires, des chants et des danses… Il repensait aussi aux honnêtes repas abondants de sa maison lointaine, aux portions que son père faisait pour tous impartialement, ne gardant pour lui que la plus petite, heureux de voir le sain appétit de ses fils… Il pensait encore aux portions que ce juste faisait pour ses serviteurs, et il soupirait : “ Les domestiques de mon père, même les plus bas placés, ont du pain en abondance… or moi, ici, je meurs de faim… ” Il a fallu tout un long travail de réflexion, une longue lutte pour briser son orgueil…

205.5 Enfin vint le jour où, revenu à l’humilité et à la sagesse, il se leva et dit : “ Je vais trouver mon père ! C’est une sottise que cet orgueil qui me tient captif. Et de quoi ? Pourquoi souffrir dans mon corps et plus encore dans mon cœur, alors que je peux obtenir le pardon et le soulagement ? Je vais aller trouver mon père. C’est décidé. Que lui dirai-je ? Mais ce qui est né à l’intérieur de moi, dans cette abjection, dans ces ordures, dans la faim ! Je lui dirai : ‘ Père, j’ai péché contre le Ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ; traite-moi donc comme le dernier de tes serviteurs, mais tolère-moi sous ton toit. Que je te voie passer… ’ Je ne pourrai lui dire : ‘ …parce que je t’aime. ’ Il ne le croirait pas. Mais ma vie le lui dira, et il le comprendra et, avant de mourir, il me bénira encore… Oh ! Je l’espère, parce que mon père m’aime. ” Revenu le soir au village, il prit congé de son maître et, mendiant le long du chemin, il revint à sa maison.

Et revoilà les champs paternels… et la maison… et son père qui dirigeait les travaux, vieilli, amaigri par la souffrance, mais toujours aussi bon… A la vue de cette ruine dont il était la cause, le coupable s’arrêta, tout intimidé… mais le père, tournant les yeux, l’aperçut et courut à sa rencontre, car il était encore loin. Dès qu’il l’eut rejoint, il lui jeta les bras autour du cou et l’embrassa. Le père était le seul à avoir reconnu son fils dans ce mendiant humilié et lui seul avait eu pour lui un mouvement d’amour.

Le fils, serré entre ses bras, la tête sur les épaules de son père, murmura au milieu de ses sanglots : “ Père, permets-moi de me jeter à tes pieds. ” “ Non, mon fils ! Pas à mes pieds : sur mon cœur qui a tant souffert de ton absence et qui a besoin de revivre en sentant ta chaleur sur ma poitrine. ” Alors, le fils, pleurant plus fort, lui dit : “ Ah ! Mon père ! J’ai péché contre le Ciel et contre toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Mais permets-moi de vivre parmi tes serviteurs, sous ton toit, te voyant et mangeant ton pain, en te servant, en buvant ta respiration. A chaque bouchée de pain, à chacune de tes respirations, mon cœur si corrompu se reformera et il deviendra honnête… ”

Mais son père, sans relâcher son étreinte, le conduisit à ses serviteurs qui s’étaient rassemblés à distance et qui observaient ; il leur dit : “ Vite, apportez ici le plus beau vêtement et des bassines d’eau parfumée, lavez-le, parfumez-le, habillez-le, mettez-lui des chaussures neuves et un anneau au doigt. Puis prenez un veau gras et tuez-le. Et qu’on prépare un banquet. Car mon fils était mort, et le voilà ressuscité, il était perdu et le voilà retrouvé. Je veux que lui aussi retrouve son amour simple de petit enfant. Il faut que je lui donne mon amour et que la maison soit en fête pour son retour. Il doit comprendre qu’il est toujours pour moi mon dernier-né, tel qu’il était dans son enfance lointaine, quand il marchait à mes côtés et me réjouissait par son sourire et son babil. ” Et les serviteurs firent tout cela.

205.6 Le fils aîné était aux champs et il ne sut rien jusqu’à son retour. Le soir, en revenant à la maison, il la vit tout illuminée et il entendit provenir de l’intérieur le son des instruments et le bruit des danses. Il appela un serviteur qui courait, tout affairé, et lui demanda : “ Qu’est-ce qui se passe ? ” Et le serviteur répondit : “ Ton frère est de retour ! Ton père a fait tuer le veau gras parce qu’il a retrouvé son fils en bonne santé et guéri de son grand mal, et il a ordonné que l’on fasse un banquet. On n’attend que toi pour commencer. ” Mais l’aîné, en colère parce qu’il lui paraissait injuste de tant fêter son cadet qui, outre qu’il était le plus jeune, avait été mauvais, ne voulut pas entrer et était même sur le point de s’éloigner de la maison.

Mais dès que son père en fut averti, il courut dehors et le rejoignit, essayant de le convaincre et le priant de ne pas assombrir sa joie. L’aîné répondit à son père : “ Et tu voudrais que je n’en sois pas fâché ? Tu te montres injuste et méprisant à l’égard de ton aîné. Moi, dès que j’ai pu travailler, je t’ai servi, et cela fait bien des années. Je n’ai jamais transgressé tes ordres, ni même négligé tes désirs. Je suis toujours resté près de toi et je t’ai aimé pour deux, pour guérir la blessure que mon frère t’avait faite. Et tu ne m’as même pas donné un chevreau pour faire la fête avec des amis ! Mais lui qui t’a offensé, qui t’a abandonné, qui a été paresseux et dissipateur, et qui revient poussé par la faim, tu l’honores, et pour lui tu as tué le veau le plus beau. Ça vaut bien la peine d’être travailleur et sans vices ! Tu ne devais pas me faire cela ! ”

Le père lui dit alors en le serrant contre son cœur : “ Oh ! Mon fils ! Comment peux-tu croire que je ne t’aime pas sous prétexte que je n’étends pas un voile de fête sur tes actions ? Tes actions sont saintes par elles-mêmes, et le monde t’en loue. Mais ton frère, au contraire, a besoin d’être relevé dans l’estime du monde et dans sa propre estime. Et tu crois que je ne t’aime pas parce que je ne te donne pas une récompense visible ?

Mais matin et soir, à chacune de mes respirations et de mes pensées, tu es présent à mon cœur, et à tout instant je te bénis. Tu as la récompense continuelle d’être toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Mais il était juste de faire un banquet et de festoyer pour ton frère qui était mort et qui est ressuscité au bien, qui était perdu et qui est revenu à notre amour. ” Alors l’aîné se rendit à ses raisons.

205.7 C’est ce qui arrive, mes amis, dans la Maison du Père. Que celui qui se reconnaît dans la situation du cadet de la parabole, pense également que, s’il l’imite en revenant lui aussi au Père, le Père lui dit : “ Non pas à mes pieds, mais sur mon cœur qui a souffert de ton absence et qui se réjouit maintenant de ton retour. ” Que celui qui se trouve dans la situation de l’aîné, sans faute à l’égard du Père, ne soit pas jaloux de la joie de son père, mais qu’il y prenne part en offrant son amour à son frère racheté.

Voilà ce que j’avais à vous dire. Reste, Jean d’En-Dor, et toi aussi, Lazare. Que les autres aillent préparer les tables. Nous viendrons bientôt. »

Tous se retirent. Quand Jésus, Lazare et Jean sont seuls, Jésus dit à Lazare et à Jean :

« Ainsi en sera-t-il de l’âme chère que tu attends, Lazare, et ainsi en est-il de la tienne, Jean. La bonté de Dieu dépasse toute mesure. »…

205.8 …Les apôtres, accompagnés de Marie et des femmes, se dirigent vers la maison, précédés de Marziam qui saute en courant devant. Mais il revient vite, prend Marie par la main, et lui dit :

« Viens avec moi. Je dois te dire quelque chose en particulier. »

Et Marie accède à sa demande.

Ils tournent vers le puits qui est dans un angle de la petite cour, caché sous une tonnelle touffue qui monte de la terre vers la terrasse en faisant un arc. Là-derrière se trouve Judas.

« Judas, que veux-tu ? Va-t’en, Marziam… Parle, que veux-tu ?

– Je suis en faute… Je n’ose aller trouver le Maître, ni affronter mes compagnons. Aide-moi…

– Je t’aiderai. Mais ne penses-tu pas à la douleur que tu causes ? Mon Fils a pleuré à cause de toi, et tes compagnons en ont souffert. Mais viens. Personne ne te dira rien. Et, si tu le peux, ne retombe plus dans ces fautes. C’est indigne d’un homme, et sacrilège à l’égard du Verbe de Dieu.

– Et toi, Mère, tu me pardonnes ?

– Moi ? Moi, je ne compte pas auprès de toi qui t’estimes si grand. Je suis la plus petite des servantes du Seigneur. Comment peux-tu te préoccuper de moi, si tu n’as pas pitié de mon Fils ?

– C’est que, moi aussi, j’ai une mère et, si j’ai ton pardon, il me semble avoir le sien.

– Elle n’est pas au courant de cette faute.

– Mais elle m’avait fait jurer d’être bon avec le Maître. Je suis parjure. Je sens le reproche de l’âme de ma mère.

– Tu le sens ? Et tu ne sens pas le chagrin et le reproche du Père et du Verbe ? Tu es un malheureux, Judas ! Tu sèmes la douleur en toi et chez ceux qui t’aiment. »

Marie est grave et triste. Elle parle sans acrimonie, mais avec beaucoup de sérieux. Judas pleure.

« Ne pleure pas, mais deviens meilleur. Viens. »

Elle le prend par la main et entre ainsi dans la cuisine.

C’est pour tous la plus vive stupeur. Mais Marie prévient toute parole peu charitable. Elle dit :

« Judas est revenu. Agissez de la même manière que le fils aîné après le discours du père. Jean, va prévenir Jésus. »

Jean part au pas de course.

Un silence pèse dans la cuisine… Puis Judas dit :

« Pardonnez-moi, et toi Simon pour commencer. Tu as un cœur si paternel ! Je suis un orphelin, moi aussi.

– Oui, oui, je te pardonne. Je t’en prie, n’en parle plus. Nous sommes des frères… Ces hauts et ces bas de pardons implorés et de rechutes ne me plaisent guère. Ils avilissent celui qui les reçoit comme celui qui les accorde. Voici Jésus. Va le trouver. Et cela suffit. »

Judas y va pendant que Pierre, ne pouvant rien faire d’autre, se met avec ardeur à casser du bois sec.

[1] Yokhanan (Giocana) ne leur a donné que six jours pour faire l’aller-retour pour la Pâque. Cf. EMV 191.

[2] Aglaé. Cf. EMV 200.

[3] Siriacide 3,16.
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 28 Jan - 9:31

206. Le séjour à Béthanie se termine par deux paraboles sur le Royaume des Cieux.
1 - La parabole des dix vierges.


Ancienne édition : Tome 3, chapitre 67
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 206


Vision du dimanche 1er juillet 1945

En présence des paysans de Giocana, d'Isaac et de nombreux disciples, des femmes, parmi lesquelles Marie Très Sainte et Marthe et de beaucoup de gens de Béthanie, Jésus parle. Tous les apôtres sont présents. L'enfant, assis en face de Jésus, ne perd pas une parole. Le discours est commencé depuis peu, car il arrive encore des gens...      

Jésus dit : "...et c'est à cause de cette crainte que je vois si vive chez plusieurs, que je veux vous proposer aujourd'hui une douce parabole. Douce pour les hommes de bonne volonté, amère pour les autres. Mais ces derniers ont le moyen de supprimer cette amertume. Qu'ils deviennent, eux aussi, des gens de bonne volonté et le reproche que la parabole fait naître dans leur conscience cessera d'exister.        

Le Royaume des Cieux est la maison des épousailles qui s'accomplissent entre Dieu et les âmes. Le moment où l'on y entre, c'est le jour des épousailles.        

Écoutez donc. Chez nous, c'est une coutume que les jeunes filles escortent l'époux qui arrive, pour le conduire au milieu des lumières et des chants vers la maison nuptiale avec sa douce épouse. Le cortège quitte la maison de l'épouse qui, voilée et émue, se dirige vers le lieu où elle sera reine, dans une maison qui n'est pas la sienne mais qui devient sienne à partir du moment où elle s'unit à son époux. Alors le cortège des jeunes filles, des amies de l'épouse la plupart, accourent à la rencontre de ces deux heureux pour les entourer d'un cercle de lumières.      

Or il arriva dans un pays que l'on fit des noces. Pendant que les époux, avec leurs parents et amis, s'en donnaient à cœur joie dans la maison de l'épouse, dix jeunes filles se rendirent à leur place dans le vestibule de la maison de l'époux, prêtes à sortir à sa rencontre quand le bruit lointain des cymbales et des chants viendrait les avertir que les époux avaient quitté la maison de l'épouse pour venir à celle de l'époux. Mais le banquet, dans la maison des noces, se prolongeait et la nuit survint. Les vierges, vous le savez, gardent toujours leurs lampes allumées pour ne pas perdre de temps au dernier moment. Or, parmi ces dix vierges qui avaient leurs lampes allumées et qui éclairaient bien, il y en avait cinq sages et cinq sottes. Les sages, pleines de prudence, s'étaient munies de petits vases pleins d'huile pour pouvoir remplir les lampes si la durée de l'attente était plus longue que prévu, alors que les sottes s'étaient bornées à bien remplir leurs petites lampes.

Les heures passèrent, l'une après l'autre. Conversations gaies, bonnes histoires, plaisanteries charmaient l'attente. Mais après cela, elles ne surent plus que dire ni que faire. Ennuyées, ou simplement fatiguées, elles s'assirent plus à leur aise avec leurs lampes allumées toutes proches et tout doucement elles s'endormirent. Minuit arriva et on entendit un cri : "Voici l'époux, allez à sa rencontre !" Les dix vierges sursautèrent en entendant l'ordre, prirent les voiles et les guirlandes, se coiffèrent et coururent vers la table où étaient les lampes. Cinq d'entre elles étaient en train de languir... La mèche, que l'huile ne nourrissait plus, toute consumée, fumait avec des éclairs de plus en plus faibles, prête à s'éteindre au moindre souffle d'air. Les cinq autres, au contraire, garnies par les vierges prudentes avant leur sommeil, avaient une flamme encore vive qui se raviva davantage quand on ajouta de l'huile dans le réservoir de la lampe.    

"Oh !" dirent les sottes suppliantes, "donnez-nous un peu de votre huile, car autrement nos lampes vont s'éteindre, rien qu'à les prendre. Les vôtres sont déjà belles!..." Mais les prudentes répondirent: "Dehors souffle le vent de la nuit, et la rosée tombe à grosses gouttes. Il n'y a jamais assez d'huile pour faire une flamme robuste qui puisse résister au vent et à l'humidité. Si nous vous en donnons, il arrivera que nos lumières vacilleront elles aussi. Et bien triste serait le cortège des vierges sans les palpitations des petites flammes ! Allez, courez chez le marchand le plus proche, priez-le, frappez à sa porte, faites-le lever pour qu'il vous donne de l'huile". Et elles haletantes, froissant leurs voiles, tachant leurs vêtements, perdant les guirlandes, en se heurtant et en courant, suivirent le conseil de leurs compagnes.

Mais, pendant qu'elles allaient acheter de l'huile, voilà qu'apparaît au fond de la rue l'époux accompagné de l'épouse. Les cinq vierges, qui étaient munies des lampes allumées, allèrent à leur rencontre et, au milieu d'elles, les époux entrèrent dans la maison pour la fin de la cérémonie, lorsque les vierges auraient escorté en dernier lieu l'épouse jusqu'à la chambre nuptiale. La porte fut close après l'entrée des époux et qui se trouvait dehors, dehors resta. Ce fut le sort des cinq sottes qui, arrivées enfin avec leur huile, trouvèrent la porte verrouillée et frappèrent inutilement en se blessant les mains et en criant d'une voix gémissante: "Seigneur, seigneur, ouvre-nous ! Nous faisons partie du cortège des noces. Nous sommes les vierges propitiatoires, choisies pour apporter honneur et fortune à ton mariage". Mais l'époux, du haut de la maison, quitta pour un instant les invités plus intimes auxquels il faisait ses adieux pendant que l'épouse entrait dans la chambre nuptiale, et leur dit: 'En vérité je vous dis que je ne vous connais pas. Je ne sais pas qui vous êtes. Vos visages n'étaient pas en fête autour de mon aimée. Vous êtes des usurpatrices. Restez donc hors de la maison des noces". Et les cinq sottes, en pleurant, s'en allèrent par les rues noires, avec leurs lampes désormais inutiles, leurs vêtements fripés, leurs voiles arrachés, leurs guirlandes défaites ou perdues...

Et maintenant vous comprenez la parole renfermée dans la parabole. Je vous ai dit au début que le Royaume des Cieux est la maison des épousailles qui s'accomplissent entre Dieu et les âmes. Aux noces célestes sont appelés tous les fidèles, car Dieu aime tous ses enfants. Les uns plus tôt, les autres plus tard se trouvent au moment des épousailles et c'est un sort heureux que d'y être arrivé.      

Mais écoutez encore. Vous savez que les jeunes filles considèrent comme un honneur et une heureuse fortune d'être appelées comme servantes autour de l'épouse. Voyons dans notre cas ce que représentent les personnages et vous comprendrez mieux. L'Epoux c'est Dieu. L'épouse c'est l'âme d'un juste qui, après avoir passé le temps des fiançailles dans la maison du Père, c'est-à-dire sous la protection de la doctrine de Dieu et dans l'obéissance à cette doctrine, en vivant selon la justice, se trouve amenée dans la maison de l'Époux pour les noces. Les servantes-vierges sont les âmes des fidèles qui, grâce à l'exemple laissé par l'épouse, cherchent à arriver au même honneur en se sanctifiant. Pour l'épouse, le fait d'avoir été choisie par l'époux à cause de ses vertus, est le signe qu'elle était un exemple vivant de sainteté. Les jeunes filles sont en vêtements blancs, propres et frais, en voiles blancs, couronnées de fleurs. Elles ont dans les mains des lampes allumées. Les lampes sont bien propres, avec la mèche nourrie de l'huile la plus pure afin qu'elle ne soit pas malodorante.    

En vêtements blancs. La justice pratiquée avec fermeté donne des vêtements blancs et bientôt viendra le jour qu'ils seront parfaitement blancs, sans même le plus lointain souvenir d'une tache, d'une blancheur surnaturelle, d'une blancheur angélique.        

En vêtements nets. Il faut, par l'humilité, tenir toujours net le vêtement. Il est si facile de ternir la pureté du cœur, et celui qui n'est pas pur en son cœur ne peut voir Dieu. L'humilité est comme l'eau qui lave. L'humble, parce que son œil n'est pas obscurci par la fumée de l'orgueil, s'aperçoit tout de suite qu'il a terni son vêtement. Il court vers son Seigneur et Lui dit : "J'ai perdu la netteté de mon cœur. Je pleure pour me purifier. Je pleure à tes pieds. Et Toi, mon Soleil, blanchis mon vêtement par ton pardon bienveillant, par ton amour paternel !"        

En vêtements frais. Oh ! La fraîcheur du cœur ! Les enfants la possèdent par suite d'un don de Dieu. Les justes la possèdent par un don de Dieu et par leur propre volonté. Les saints la possèdent par un don de Dieu et par une volonté allant jusqu'à l'héroïsme. Mais les pécheurs, dont l'âme est en loques, brûlée, empoisonnée, salie ne pourront-ils alors jamais plus avoir un vêtement frais ? Oh ! oui, qu'ils peuvent l'avoir.  

Ils commencent à l'avoir du moment où ils se regardent avec mépris, ils l'augmentent quand ils ont décidé de changer de vie, le perfectionnent quand par la pénitence ils se lavent, se désintoxiquent, se soignent, refont leur pauvre âme. Avec l'aide de Dieu qui ne refuse pas son secours à qui demande son aide sainte, par leur propre volonté portée à un degré qui dépasse l'héroïsme, car en eux il n'y a pas lieu de protéger ce qu'ils possèdent, mais de reconstruire ce qu'ils ont abattu, donc effort double et triple et septuple et enfin par une pénitence inlassable, implacable à l'égard du moi qui était pécheur, ils ramènent leur âme à une nouvelle fraîcheur enfantine, rendue précieuse par l'expérience qui fait d'eux des maîtres pour ceux qui autrefois étaient comme eux, c'est-à-dire pécheurs.    

En voiles blancs. L'humilité ! J'ai dit: "Quand vous priez ou faites pénitence, faites en sorte que le monde ne s'en aperçoive pas". Dans les livres sapientiaux, il est dit: "Il n'est pas bien de révéler le secret du Roi" [1]. L'humilité est le voile blanc que l'on met pour le défendre sur le bien que l'on fait et sur le bien que Dieu nous accorde. Ne pas se glorifier de l'amour privilégié que Dieu nous accorde, ne pas chercher une sotte gloire humaine. Le don serait tout de suite enlevé. Mais le chant intérieur du cœur à son Dieu : "Mon âme te glorifie, ô Seigneur... parce que Tu as tourné ton regard vers la bassesse de ta servante" [2].

Jésus s'arrête un instant et jette un regard vers sa Mère qui rougit sous son voile et s'incline profondément comme pour remettre en place les cheveux de l'enfant assis à ses pieds, mais en réalité pour cacher l'émotion de son souvenir...          

Couronnée de fleurs. L'âme doit tresser sa guirlande quotidienne d'actes de vertu, car en présence du Très-Haut, rien ne doit rester de vicieux et rien ne doit rester d'un aspect négligé. Guirlande quotidienne, ai-je dit, car l'âme ne sait pas quand Dieu-Epoux lui apparaîtra pour lui dire : "Viens". Il ne faut donc pas se lasser de renouveler la couronne. N'ayez pas peur. Les fleurs perdent leur fraîcheur, mais les fleurs des couronnes vertueuses ne la perdent pas. L'ange de Dieu, que chaque homme a à côté de lui, recueille ces guirlandes quotidiennes et les apporte au Ciel et on en fera un trône au nouveau bienheureux quand il entrera comme épouse dans la maison nuptiale.                

Elles ont leurs lampes allumées. . A la fois pour honorer l'Époux et pour se guider en chemin. Comme elle est brillante la foi et quelle douce amie elle est ! Elle donne une flamme qui rayonne comme une étoile, une flamme qui rit car elle est tranquille dans sa certitude, une flamme qui rend lumineux même l'instrument qui la porte.

Même la chair de l'homme que nourrit la foi semble, dès cette terre, devenir plus lumineuse et plus spirituelle, exempte d'un vieillissement précoce. Car celui qui croit se laisse guider par les paroles et les commandements de Dieu pour arriver à posséder Dieu, sa fin, et par conséquent il fuit toute corruption, il n'a pas de troubles, de peurs, de remords, il n'est pas obligé de faire des efforts pour se rappeler ses mensonges ou pour cacher ses mauvaises actions, et il se conserve beau et jeune de la belle incorruptibilité des saints. Une chair et un sang, un esprit et un cœur nets de toute luxure pour conserver l'huile de la foi, pour donner une lumière sans fumée. Une volonté constante pour nourrir toujours cette lumière. La vie de chaque jour avec ses déceptions, ses constatations, ses contacts, ses tentations, ses frictions, tend à diminuer la foi. Non ! Cela ne doit pas arriver. Allez chaque jour aux sources de l'huile suave, de l'huile de la sagesse, de l'huile de Dieu.              

Une lampe peu alimentée peut s'éteindre au moindre vent, peut être éteinte par la lourde rosée de la nuit. La nuit... L'heure des ténèbres, du péché, de la tentation vient pour tous. C'est la nuit de l'âme. Mais si elle se remplit, elle-même, de foi, sa flamme ne peut être éteinte par le vent du monde ni par le brouillard de la sensualité. 

Pour conclure, vigilance, vigilance, vigilance. L'imprudent qui ose dire : "Oh ! Dieu viendra à un moment où j'aurai encore la lumière en moi", qui se met à dormir au lieu de veiller, à dormir dépourvu de ce qu'il faut pour se lever promptement au premier appel, qui attend le dernier moment pour se procurer l'huile de la foi ou la mèche résistante de la bonne volonté, court le risque de rester dehors à l'arrivée de l'Époux. Veillez donc avec prudence, avec constance, avec pureté, avec confiance pour être toujours prêts à l'appel de Dieu car en réalité vous ne savez pas quand Il viendra.            

Mes chers disciples, je ne veux pas vous amener à avoir peur de Dieu, mais plutôt à avoir foi en sa bonté. Aussi bien vous qui restez que vous qui partez, pensez que, si vous faites ce que firent les vierges sages, vous serez appelés non seulement à escorter l'Époux mais, comme pour la jeune Esther, devenue épouse à la place de Vasti [3], vous serez choisis et élus comme épouses car l'Époux aura "trouvé en vous toute grâce et toute faveur, au-dessus de tout autre". Je vous bénis, vous qui partez. Portez en vous et apportez à vos compagnons ces paroles que je vous ai adressées. La paix du Seigneur soit toujours avec vous."          

Jésus s'approche des paysans pour les saluer encore, mais Jean d'Endor lui glisse à l'oreille : "Maître, maintenant Judas est là..."              

"Peu importe. Accompagne-les jusqu'au char et fais ce que je t'ai dit."  

L'assemblée se disperse lentement. Plusieurs parlent à Lazare... Et ce dernier se tourne vers Jésus qui, ayant quitté les paysans, revient de ce côté, et dit : "Maître, avant de nous quitter, parle-nous encore... C'est ce que veulent les cœurs de Béthanie."

"La nuit descend, mais tranquille et sereine. Si vous voulez vous réunir sur les foins fauchés, je vous parlerai avant de quitter ce pays ami. Ou bien demain, à l'aurore parce qu'est arrivée l'heure de se séparer."        

"Plus tard ! Ce soir !" crient-ils tous.      

"Comme vous voulez. Partez, à présent. Au milieu de la première veille je vous parlerai".

[1] Tobit 12,7 – Le livre de Tobie(Tobit) est classé soit dans les livres sapientiaux, soit le plus souvent dans les livres historiques. Il fait par ailleurs partie des sept livres deutérocanoniques.

[2] Le Magnificat. Cf. Luc 1,46 qui s’inspire du cantique d’Anne, la mère de Samuel (1 Samuel 2,1-10)

[3] Vasthi - Vasti "la bien-aimée" en perse. Première épouse d’Assuérus (= Xerxès, 486-465), roi de Perse, qui la répudia parce qu’elle avait refusé de se présenter lors d’un festin (Esther. 1.3, 9-2.1)
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 29 Jan - 8:51

206. Le séjour à Béthanie se termine par deux paraboles sur le Royaume des Cieux.
2 - Parabole du roi qui fait les noces à son fils.


Ancienne édition : Tome 3, chapitre 68.
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 206.


Vision du dimanche 1er juillet 1945


206.8 …Jésus est réellement infatigable. Alors que le soleil disparaît, laissant le souvenir du rouge du crépuscule, à la première stridulation des grillons, indécise et solitaire, Jésus se dirige vers le centre d’un pré récemment fauché. L’herbe, en séchant, exhale une odeur pénétrante et agréable. Il est suivi par les apôtres, les Marie, Marthe et Lazare avec ceux de sa maison, Isaac avec ses disciples et, pourrais-je même dire, tout le village de Béthanie. Parmi les serviteurs se trouvent le vieillard et la femme, les deux qui, au mont des Béatitudes, ont trouvé du réconfort jusque pour leur vie quotidienne.

Jésus s’arrête pour bénir le patriarche qui, en pleurant, lui baise la main et caresse l’enfant qui marche à côté de Jésus en lui disant :

« Bienheureux es-tu, toi qui peux toujours le suivre ! Sois bon, sois attentif, mon enfant ! C’est pour toi une grande chance ! Une grande chance ! Au-dessus de ta tête est suspendue une couronne… Ah ! Bienheureux es-tu ! »

206.9 Quand tout le monde est en place, Jésus commence à parler :

« Ils sont partis, nos pauvres amis qui avaient besoin d’être bien réconfortés dans l’espérance, et même dans la certitude qu’il faut peu de connaissances pour être admis dans le Royaume, qu’il suffit d’un minimum de vérité sur laquelle la bonne volonté agit. Maintenant, je m’adresse à vous, qui êtes bien moins malheureux puisque vous vivez dans de bien meilleures conditions matérielles et avec des secours plus importants du Verbe. Mon amour va vers eux avec ma seule pensée. Ici, pour vous, mon amour vient avec la parole en plus. Vous recevez sur la terre comme au Ciel le secours d’une plus grande force car, à celui qui a reçu davantage, il sera demandé davantage. Eux, nos pauvres amis qui sont en train de retourner à leur galère, ne peuvent posséder qu’un minimum de bien et, en revanche, ils endurent un maximum de souffrances. Aussi n’y a-t-il pour eux que des promesses de bienveillance, car toute autre chose serait superflue. En vérité, je vous dis que leur vie est pénitence et sainteté et il ne faut pas leur imposer autre chose. Et en vérité, je vous dis aussi que, pareils aux vierges sages, ils ne laisseront pas leur lampe s’éteindre jusqu’à l’heure de l’appel. La laisser s’éteindre ? Non. Cette lumière est tout ce qu’ils possèdent. Ils ne peuvent la laisser s’éteindre.

206.10 En vérité, je vous dis que les pauvres sont en Dieu, comme moi je suis dans le Père. C’est pour cela que moi, le Verbe du Père, j’ai voulu naître pauvre et demeurer pauvre. Car, parmi les pauvres, je me sens plus proche du Père qui aime les petits et que les petits aiment de toutes leurs forces. Les riches possèdent beaucoup. Les pauvres n’ont que Dieu. Les riches ont des amis. Les pauvres sont seuls. Les riches ont beaucoup de consolations. Les pauvres n’en ont guère. Les riches ont des distractions. Les pauvres n’ont que leur travail. L’argent facilite tout pour les riches. Les pauvres ont encore la croix de devoir craindre les maladies et les disettes, car cela signifierait pour eux la faim et la mort. Mais les pauvres ont Dieu. C’est leur Ami. C’est leur Consolateur, celui qui les distrait de leur pénible présent par les espérances célestes, celui à qui l’on peut dire — et eux savent le dire, précisément parce qu’ils sont pauvres, humbles et seuls — : “ Père, accorde-nous ta miséricorde. ”

Sur cette propriété de Lazare, mon ami et l’ami de Dieu malgré sa grande richesse, mes propos peuvent paraître étrange. Mais Lazare est une exception parmi les riches. Lazare est arrivé à cette vertu qu’il est très difficile de trouver sur la terre et encore plus difficile à pratiquer pour l’enseigner à autrui : la vertu de la liberté à l’égard des richesses. Lazare est juste. Il ne s’en offense pas. Il ne peut s’en offenser, car il sait qu’il est le riche-pauvre et que, par conséquent, il n’est pas atteint par mon reproche caché. Lazare est juste. Il reconnaît que, dans le monde des grands, il en est comme je le dis. Je parle donc et je dis : en vérité, en vérité, je vous assure qu’il est beaucoup plus facile à un pauvre qu’à un riche d’être en Dieu ; et au Ciel de mon Père et du vôtre, beaucoup de sièges seront occupés par ceux qui, sur la terre, auront été méprisés comme étant les plus petits, comme la poussière que l’on piétine.

Les pauvres gardent au fond de leur cœur les perles de la Parole de Dieu. Elles sont leur unique trésor. Celui qui n’a qu’une seule richesse veille sur elle. Celui qui en possède beaucoup est préoccupé et distrait, orgueilleux et sensuel. A cause de tout cela, il n’admire pas avec des yeux humbles et pleins d’amour le trésor qui lui vient de Dieu, et il le confond avec les autres trésors, qui ne sont précieux qu’en apparence, ces trésors que sont les richesses de la terre. Il pense : “ Je daigne accueillir les paroles de quelqu’un qui me ressemble par son corps ! ” Les fortes saveurs de la sensualité émoussent sa capacité à goûter ce qui est surnaturel. Des fortes saveurs !… Oui, elles sont très épicées, pour dissimuler leur puanteur et leur goût de pourriture…

206.11 Mais écoutez-moi et vous comprendrez mieux comment les inquiétudes, les richesses et les ripailles empêchent d’entrer dans le Royaume des Cieux.

Un jour, un roi fêta le mariage de son fils. Vous pouvez imaginer quelle fête eut lieu dans le palais du roi ! C’était son unique fils et, arrivé à l’âge voulu, celui-ci épousait sa bien-aimée. Celui qui était père et roi voulut que tout ne soit qu’allégresse autour de la joie de son fils bien-aimé, devenu enfin l’époux de sa bien-aimée. Parmi les nombreuses fêtes des noces, il fit un grand repas, qu’il prépara en s’y prenant tôt, veillant sur chaque détail pour que ce soit une réussite magnifique, digne des noces d’un fils de roi.

Au moment voulu, il envoya ses serviteurs prévenir ses amis et ses alliés, mais aussi les principaux grands de son royaume que les noces étaient fixées pour tel soir et qu’ils étaient invités à venir pour entourer dignement le fils du roi. Mais ni les amis, ni les alliés, ni les grands du royaume n’acceptèrent l’invitation.

Alors le roi, pensant que les premiers serviteurs ne s’étaient pas expliqués convenablement, en envoya encore d’autres chargés d’insister et de dire : “ Mais venez ! Nous vous en prions. Maintenant, tout est prêt. La salle est préparée. Des vins précieux ont été apportés de partout et l’on a déjà entassé dans les cuisines bœufs et animaux gras pour les cuire. Les esclaves pétrissent la farine pour confectionner des desserts et d’autres pilent les a­mandes dans les mortiers pour préparer des friandises très fines auxquelles ils mélangent les arômes les plus rares. Les danseuses et les musiciens les meilleurs ont été engagés pour la fête. Venez donc pour ne pas rendre vains tant de préparatifs. ”

Mais les amis, les alliés et les grands du royaume soit refusèrent, soit répondirent : “ Nous avons autre chose à faire ” ; d’autres firent semblant d’accepter l’invitation, mais se rendirent à leurs occupations, les uns à leurs champs, les autres à leurs commerces ou à d’autres affaires encore moins nobles. Enfin, il y en eut qui, agacés par tant d’insistance, se saisirent des serviteurs du roi et les tuèrent pour les faire taire, parce qu’ils ajoutaient : “ Ne refuse pas cela au roi sinon il pourrait t’en arriver malheur. ”

Les serviteurs revinrent vers le souverain et lui rapportèrent tout ce qui s’était passé. Enflammé d’indignation, le roi envoya ses troupes punir les assassins de ses serviteurs et châtier ceux qui avaient méprisé son invitation, se réservant de récompenser ceux qui avaient promis de venir. Mais, le soir de la fête, à l’heure fixée, il ne vint personne.

206.12 Indigné, le roi appela ses serviteurs et leur déclara : “ Qu’il ne soit pas dit que mon fils reste sans personne pour le fêter en cette soirée de ses noces. Le banquet est prêt, mais les invités n’en sont pas dignes. Et pourtant, le banquet nuptial de mon fils doit avoir lieu. Allez donc sur les places et les chemins, postez-vous aux carrefours, arrêtez les passants, rassemblez ceux qui s’arrêtent et amenez-les ici. Que la salle soit pleine de gens en fête. ”

Les serviteurs partirent donc. Sortis dans les rues, répandus sur les places, envoyés aux carrefours, ils rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, bons ou mauvais, riches ou pauvres, les amenèrent à la demeure du roi et leur fournirent le nécessaire pour qu’ils puissent entrer dignement dans la salle du banquet. Puis ils les y conduisirent et, comme le roi le voulait, elle fut pleine d’un public joyeux.

Mais le roi entra dans la salle pour voir si on pouvait commencer les festivités et il vit un homme qui, malgré le nécessaire procuré par les serviteurs, n’était pas en habits de noces. Il lui demanda : “ Comment se fait-il que tu sois entré ici sans les vêtements de noces ? ” Il ne sut que répondre car, effectivement, il n’avait pas d’excuses. Alors le roi appela ses serviteurs et leur ordonna : “ Saisissez-vous de lui, attachez-lui les pieds et les mains et jetez-le hors de ma demeure, dans la nuit et la boue gelée. Là, il sera dans les larmes et les grincements de dents, comme il l’a mérité pour son ingratitude et l’offense qu’il m’a faite, et à mon fils plus qu’à moi, en entrant avec un habit pauvre et malpropre dans la salle du banquet, où ne doivent entrer que ceux qui sont dignes d’elle et de mon fils. ”

206.13 Comme vous le voyez, les soucis du monde, l’avarice, la sensualité, la cruauté attirent la colère du roi et font en sorte que ceux qui sont pris par tous ces embarras n’entrent jamais plus dans la maison du Roi. Vous voyez aussi comment, même parmi ceux qui sont invités, par bienveillance à l’égard de son fils, il y en a qui sont punis.

Combien y en a-t-il, aujourd’hui, sur cette terre à laquelle Dieu a envoyé son Verbe ! Dieu a vraiment invité ses alliés, ses amis, les grands de son peuple par l’intermédiaire de ses serviteurs, et il les fera inviter d’une manière toujours plus pressante à mesure que l’heure de mes noces approchera. Mais ils n’accepteront pas l’invitation parce que ce sont de faux alliés, de faux amis et qu’ils ne sont grands que de nom, car ils sont pleins de bassesse. »

Jésus ne cesse de hausser le ton et ses yeux, à la lueur du feu qui a été allumé entre lui et les auditeurs pour éclairer la soirée – où manque encore la lune qui décroît et se lève plus tard –, jettent des éclairs de lumière comme s’ils étaient deux pierres précieuses.

« Oui, ils sont pleins de bassesse, c’est pourquoi ils ne comprennent pas que c’est pour eux un devoir et un honneur d’accepter l’invitation du Roi. Orgueil, dureté, luxure dressent un mur dans leurs cœurs. Et, dans leur méchanceté, ils me haïssent et ne veulent pas venir à mes noces. Ils refusent de venir. Ils préfèrent aux noces les tractations avec une politique sordide, avec l’argent encore plus sordide, avec la sensualité encore plus sordide. Ils préfèrent les calculs rusés, les complots, la conjuration sournoise, le piège, le crime.

Moi, je condamne tout cela au nom de Dieu. On hait pour cette raison la voix qui parle et les fêtes auxquelles elle invite. C’est dans ce peuple-ci qu’il faut chercher ceux qui tuent les serviteurs de Dieu, autrement dit les prophètes, qui sont ses serviteurs jusqu’à ce jour, et mes disciples qui sont ses serviteurs à partir d’aujourd’hui. C’est dans ce peuple-ci qu’on trouve ceux qui essaient de tromper Dieu en disant : “ Oui, nous venons ” tout en pensant dans leur for intérieur : “ Jamais de la vie ! ” Il y a de tout cela en Israël.

Et le Roi du Ciel, pour donner aux noces de son Fils un digne apparat, enverra chercher aux carrefours des gens qui ne sont ni ses amis, ni des grands, ni des alliés, mais simplement le peuple qui y circule. Déjà — et par ma main, par ma main de Fils et de serviteur de Dieu — ce rassemblement a commencé. Ils viendront, quels qu’ils soient… Ils sont même déjà venus. Et moi, je les aide à se faire propres et beaux pour la fête des noces.

Mais il s’en trouvera qui — pour leur malheur — abuseront même de la magnificence de Dieu, qui leur fournit parfums et vêtements royaux pour les faire paraître ce qu’ils ne sont pas : riches et dignes ; il s’en trouvera qui profiteront indignement de toute cette bonté pour séduire, pour en tirer quelque gain… Ce sont des individus aux âmes torves, enlacés par la pieuvre répugnante de tous les vices… et qui soustrairont parfums et vêtements pour en tirer un avantage illicite, s’en servant non pour les noces du Fils, mais pour leurs noces avec Satan.

Eh bien, cela se produira, car nombreux sont les appelés, mais peu nombreux ceux qui, pour savoir rester fidèles à l’appel, parviennent à être choisis. Mais il arrivera aussi qu’à ces hyènes, qui préfèrent la putréfaction à une nourriture vivante, il sera infligé le châtiment d’être jetés hors de la salle du Banquet dans les ténèbres et la boue d’un marais éternel où retentit l’horrible rire de Satan chaque fois qu’il triomphe d’une âme et où résonnent éternellement les pleurs désespérés des sots qui suivirent le Crime à la place de la Bonté qui les avait appelés.

206.14 Levez-vous et allons nous reposer. Vous, les habitants de Béthanie, je vous bénis tous. Je vous bénis et vous donne ma paix. Et je te bénis, toi en particulier, Lazare, mon ami, et toi aussi, Marthe. Je bénis mes disciples anciens et nouveaux que j’envoie de par le monde appeler, appeler aux noces du Roi. Agenouillez-vous, que je vous bénisse tous. Pierre, récite la prière que je vous ai enseignée, debout, à côté de moi, parce que c’est ainsi que doivent la dire ceux que Dieu destine à cela. »

Toute l’assemblée s’agenouille sur la paille. Seuls restent debout Jésus, dans son vêtement de lin, grand et très beau, et Pierre, dans son habit marron foncé, pris par l’émotion, tremblant presque, qui prie de sa voix qui n’est pas belle, mais virile ; il récite lentement de crainte de se tromper : “ Notre Père… ”

On entend quelques sanglots… d’hommes, de femmes…

Marziam, agenouillé juste devant Marie qui lui tient les mains jointes, regarde Jésus avec un sourire d’ange et dit tout bas :

« Regarde, Mère, comme il est beau ! Et comme mon père est beau, lui aussi ! Il paraît être au Ciel… Est-ce que Maman nous regarde ici ? »

Et Marie, dans un murmure qui se termine par un baiser, répond :

« Oui, mon chéri. Elle est ici et elle apprend la prière.

– Et moi, est-ce que je l’apprendrai ?

– Ta mère la murmurera à ton âme pendant que tu dors et moi, je te la répèterai pendant la journée. »

L’enfant incline sa tête brune sur la poitrine de Marie et reste ainsi pendant que Jésus bénit ses auditeurs avec la bénédiction mosaïque, toujours aussi solennelle.

Ensuite, tous se lèvent et regagnent leurs maisons. Seul Lazare suit encore Jésus et pénètre avec lui dans la maison de Simon pour demeurer en sa compagnie. Tous les autres entrent aussi. Judas se met dans un coin à demi obscur, mortifié. Il n’ose pas s’approcher tout près de Jésus comme le font les autres…

206.15 Lazare félicite Jésus, et il ajoute :

« Ah ! Cela me peine de te voir partir. Mais je suis plus content que si je t’avais vu partir avant-hier !

– Pourquoi, Lazare ?

– Parce que tu me paraissais tellement triste et fatigué ! Tu ne parlais pas, tu souriais peu hier, mais aujourd’hui tu es redevenu mon saint et doux Maître ; cela me donne une telle joie !

– Je l’étais même si je me taisais…

– Tu l’étais. Mais tu es sérénité et parole. C’est cela que nous voulons de toi. Nous buvons notre force à ces fontaines. Or ces fontaines paraissaient taries. Nous souffrions de la soif… Tu vois que même les païens s’en sont étonnés et sont venus les chercher… »

Judas, près de qui Jean s’était approché, ose parler :

« C’est vrai, ils me l’avaient demandé à moi aussi… Car j’étais tout près de l’Antonia, dans l’espoir de te voir.

– Tu savais où j’étais, répond brièvement Jésus.

– Je le savais, mais j’espérais que tu n’aurais pas déçu ceux qui t’attendaient. Même les romains ont été déçus. J’ignore pourquoi tu as agi de cette manière…

– Et c’est toi qui me le demandes ? N’es-tu pas au courant des humeurs du Sanhédrin, des pharisiens, d’autres encore, à mon égard ?

– Quoi ? Tu aurais eu peur ?

– Non. J’avais la nausée. 206.16 L’an dernier, quand j’étais seul – seul contre tout un monde qui ne savait pas même si j’étais pro­phète –, j’ai montré que je n’avais pas peur et je t’ai gagné par l’audace que j’ai montrée. J’ai fait entendre ma voix contre tout un monde qui criait. J’ai fait entendre la voix de Dieu à un peuple qui l’avait oubliée. J’ai purifié la Maison de Dieu des souillures matérielles qui s’y trouvaient. Je n’espérais pas la laver des souillures morales bien plus graves qui y ont fait leur nid, car je n’ignore pas l’avenir des hommes. Mais c’était pour faire mon devoir par zèle pour la Maison du Seigneur éternel : elle était devenue le séjour bruyant de changeurs malhonnêtes, d’usuriers, de voleurs. Je voulais en outre secouer de leur torpeur ceux que des siècles de négligence sacerdotale avaient fait tomber dans une léthargie spirituelle. C’était une sonnerie de rassemblement pour mon peuple, pour l’amener à Dieu… Cette année, je suis revenu… et j’ai vu que le Temple était toujours le même… Qu’il est pire encore. Ce n’est plus un repaire de voleurs, mais l’endroit où l’on conjure. Il deviendra plus tard le siège du Crime, puis un lupanar et, finalement, il sera détruit par une force plus puissante que celle de Samson, et l’on en chassera une caste indigne de s’appeler sainte. Inutile de parler en ce lieu où, tu t’en souviens, il me fut interdit de parler. Peuple traître ! Peuple empoisonné jusque dans ses chefs, peuple qui ose interdire à la Parole de Dieu de parler dans sa Maison ! Cela me fut interdit. Je me suis tu par amour pour les plus petits. Ce n’est pas encore l’heure de me tuer. Trop de gens ont besoin de moi, et mes apôtres ne sont pas encore assez forts pour recevoir dans leurs bras mes enfants, c’est-à-dire le monde. Ne pleure pas, Mère ; toi qui es bonne, pardonne à ton Fils son besoin de dire, à qui veut ou peut s’illusionner, la vérité que je connais… Je me tais… Mais malheur à ceux par qui Dieu est réduit au silence ! Mère, Marziam, ne pleurez pas… Je vous en prie ! Que personne ne pleure… »

En réalité, tout le monde pleure, plus ou moins douloureu­sement.

Judas, pâle comme un mort, dans son vêtement jaune et rouge à rayures ose encore parler, d’une voix ridicule de pleurnicheur :

« Crois bien, Maître, que je suis étonné et contristé… Je ne sais ce que tu veux dire… Je ne sais rien… C’est vrai que je n’ai vu personne du Temple. J’ai rompu mes relations avec tous… Mais, si tu le dis, ce doit être vrai…

– Judas ! Et Sadoq, tu ne l’as pas vu ? »

Judas baisse la tête en bredouillant :

« C’est un ami… C’est comme tel que je l’ai vu, non pas comme appartenant au Temple… »

206.17 Jésus ne répond pas. Il se tourne vers Isaac et Jean d’En-Dor auxquels il fait des recommandations concernant leur travail. Pendant ce temps, les femmes réconfortent Marie, en larmes, et l’enfant qui pleure de voir pleurer Marie.

Lazare et les apôtres sont attristés eux aussi, mais Jésus vient à eux. Il a repris son doux sourire et, tout en embrassant sa Mère et en caressant l’enfant, il dit :

« Et maintenant, je vous salue, vous qui restez. Car demain, à l’aube, nous partirons. Adieu, Lazare. Adieu, Maximin. Joseph, je te remercie pour tous les services rendus à ma Mère et aux femmes disciples qui m’attendaient. Merci pour tout. Toi, Lazare, bénis encore Marthe en mon nom. Je reviendrai bientôt. Viens, Mère, te reposer. Vous aussi, Marie et Salomé, s’il est dans votre intention de vous joindre à nous.

– Bien sûr que nous venons ! Répondent les deux Marie.

– Alors au lit. Paix à tous. Que Dieu soit avec vous. »

Sur un geste de bénédiction, il sort, en tenant l’enfant par la main et en étreignant sa Mère…

Le séjour à Béthanie est terminé.
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 30 Jan - 8:43

207. À Bethléem, Marie évoque la naissance de Jésus.

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 69
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 207


Vision du mardi 3 juillet 1945

207.1 – Après avoir quitté Béthanie au premier sourire de l'aurore, Jésus va vers Bethléem avec sa Mère, Marie d'Alphée et Marie Salomé, suivi des apôtres et précédé de l'enfant qui trouve un motif de joie dans tout ce qu'il voit : les papillons qui s'éveillent, les oiseaux qui chantent ou becquettent sur le sentier, les fleurs que font resplendir les diamants de la rosée, l'apparition d'un troupeau avec quantité d'agnelets bêlants.      

Après avoir passé le torrent qui est au sud de Béthanie, tout écumeux et riant au milieu des roches, la troupe se dirige vers Bethléem entre deux rangées de collines, toutes vertes d'oliviers et de vignes, avec de petits champs de moissons dorées qui arrivent à maturation. La vallée est fraîche, et la route assez commode.    

Simon de Jonas s'avance pour rejoindre le groupe de Jésus et demande : "On y va d'ici à Bethléem ? Jean dit que l'autre fois il avait suivi un autre chemin. [1]"

"C'est vrai" répond Jésus. "Mais c'était parce que nous venions de Jérusalem. D'ici, c'est plus court. Au tombeau de Rachel que les femmes veulent voir, nous nous séparerons comme vous avez décidé il y a un moment. Nous nous retrouverons ensuite à Bethsour [2] où ma Mère désire séjourner.[3]"      

"Oui, nous l'avons dit... mais ce serait si beau d'y être tous... la Mère spécialement... car, enfin, la reine de Bethléem et de la Grotte, c'est elle et elle sait parfaitement tout... Entendu de sa bouche... ce serait différent, voilà."      

Jésus sourit en regardant Simon qui insinue doucement son désir.  

"Quelle grotte, père ?" demande Marziam.

"La grotte où est né Jésus."    

"Oh ! c'est beau ! J'y viens moi aussi !..."    

"Ce serait vraiment beau !" disent Marie d'Alphée et Salomé.  

"Très beau !... Ce serait revenir en arrière... à l'époque où le monde t'ignorait, c'est vrai, mais ne te haïssait pas encore... Ce serait retrouver l'amour des simples qui ne surent que croire et aimer, avec humilité et foi... Ce serait déposer ce fardeau d'amertume qui me pèse sur le cœur depuis que je te sais ainsi haï, le déposer là dans ta crèche. ..Elle doit a voir encore gardé la douceur de ton regard, de ta respiration, du sourire incertain que tu avais là... et tout cela me caresserait le cœur... Il est rempli de tant d'amertume !..." Marie parle doucement, exhalant son désir et sa tristesse.  

"Alors nous y allons, Maman. À toi de nous conduire. Aujourd'hui tu es la Maîtresse et Moi l'enfant qui apprend."      

"Oh ! Fils ! Non ! Tu es toujours le Maître..."

"Non, Maman. Simon de Jonas a bien parlé. Sur la terre de Bethléem, c'est toi qui es la Reine. Ce fut ton premier château. Marie, descendante de David, conduis ce petit peuple dans ta demeure."

L'Iscariote va parler, mais il se tait. Jésus, qui remarque son attitude et l'interprète, dit :

"Si quelqu'un, à cause de la fatigue, ou pour une autre raison ne veut pas venir, qu'il poursuive librement sa route pour Bethsour."        

Mais personne ne parle.

207.2 – Ils continuent leur route par la fraîche vallée orientée d'est en ouest, puis ils tournent légèrement vers le nord, côtoient une colline qui se dresse là et rejoignent ainsi la route qui de Jérusalem conduit à Bethléem, justement à côté du cube surmonté d'une coupole ronde du tombeau de Rachel [4]. Tous s'approchent pour prier avec respect.        

"Ici, nous nous sommes arrêtés, Joseph et moi. Tout est comme alors. Il n'y a que la saison qui diffère. C'était alors une froide journée de Casleu. Il avait plu et les routes étaient devenues boueuses, puis il s'était levé un vent glacial et peut-être que pendant la nuit il avait gelé. Les chemins s'étaient durcis mais, tous sillonnés par des chars et par la foule, ils étaient comme une mer couverte de barques et mon petit âne fatiguait beaucoup... [5]"      

"Et toi, non, Mère ?"    

"Oh ! moi, je t'avais Toi !..." et son regard exprime une telle béatitude qu'il est émouvant. Puis elle se remet à parler : "La nuit tombait et Joseph était très préoccupé... Il se levait toujours plus fort un vent cinglant... Les gens se hâtaient vers Bethléem s'entrechoquant et plusieurs prenaient à parti mon petit âne qui avançait si doucement, cherchant où il devait mettre les sabots... Il semblait savoir que tu y étais Toi. ..et que tu faisais ton dernier somme dans le berceau de mon sein. Il faisait froid... mais moi, je brûlais. Je te sentais arriver... Arriver ? Tu pourrais dire : "Depuis neuf mois j'y étais, Maman". Oui, mais alors, c'était comme si tu venais des Cieux. Les Cieux s'abaissaient, s'abaissaient sur moi et moi, j'en voyais les splendeurs... Je voyais la Divinité qui brûlait dans la joie de ta toute proche naissance, et ces feux me pénétraient, m'incendiaient, m'abstrayaient... de tout...        

Froid... vent... foule... tout cela n'était rien ! Je voyais Dieu... De temps à autre, avec effort, je réussissais à ramener mon esprit sur la terre et je souriais à Joseph qui avait peur pour moi du froid et de la fatigue, et qui conduisait le petit âne par crainte d'un faux pas et qui m'enveloppait dans une couverture de peur que je ne prenne froid... Mais il ne pouvait rien arriver. Les secousses, je ne les sentais pas. Il me semblait avancer sur un chemin d'étoiles, au milieu de nuées éclatantes que soutenaient les anges... Et je souriais... D'abord à Toi... Je te regardais à travers les barrières de la chair dormir avec tes petits poings fermés dans un petit lit de roses vivantes, mon bouton de lis... Puis je souriais à l'époux si affligé, si affligé, pour l'encourager... et aussi aux gens qui ne savaient pas que déjà ils respiraient dans l'aura du Sauveur...

Nous nous arrêtâmes près du tombeau de Rachel pour faire reposer le petit âne et pour manger un peu de pain et d'olives, nos provisions de pauvres. Mais moi, je n'avais pas faim. Je ne pouvais pas avoir faim... Ma joie me nourrissait...      

207.3 – Nous reprîmes le chemin... Venez que je vous montre où nous avons rencontré le berger... Ne craignez pas que je me trompe. Je revis cette heure et je retrouve chaque endroit car je vois tout à travers une grande lumière angélique. Peut-être les multitudes des anges sont de nouveau ici, invisibles pour les corps, mais visibles pour les âmes avec leur lumineuse blancheur, et tout se découvre et tout est indiqué. Eux ne peuvent se tromper, et ils me conduisent... pour ma joie et votre joie. Voici : c'est de ce champ à celui-là que vint Élie avec ses brebis et Joseph lui demanda du lait pour moi. Et, c'est ici, dans ce pré que nous nous sommes arrêtés pendant qu'il trayait le lait chaud et nourrissant et qu'il donnait ses conseils à Joseph.    

Venez, venez... Voici, voici le sentier du dernier vallon avant Bethléem. Nous l'avons pris parce que la route principale aux abords de Bethléem était encombrée de gens et de montures...

207.4 – Voici Bethléem. Oh ! chère ! chère terre de mes pères qui m'as donné le premier baiser de mon Fils ! Tu es ouverte, bonne et odorante comme le pain dont tu portes le nom [6], pour donner le Vrai Pain au monde qui meurt de faim !      

Tu m'as embrassée, toi en qui est demeuré le maternel amour de Rachel, comme une mère, terre sainte de la Bethléem de David, premier temple élevé au Sauveur, à l'Étoile du matin née de Jacob pour enseigner la route des Cieux à toute l'Humanité ! Regardez comme la ville est belle en ce printemps ! Mais alors aussi, bien que les champs et les vignes fussent dépouillés, elle était belle ! Un léger voile de givre faisait resplendir les branches nues et elles se couvraient d'une poussière de diamants comme si elles étaient enveloppés dans un impalpable voile de paradis. En chaque maison la cheminée fumait pour le souper tout proche et la fumée, montant d'échelon en échelon jusqu'à ce sommet, montrait la ville elle-même toute voilée... Tout était chaste, recueilli, dans l'attente... De Toi, de Toi, Fils ! La terre te sentait venir... Et ils t'auraient senti aussi les Bethléemites, car ils ne sont pas méchants, bien que vous ne le croyiez pas. Ils ne pouvaient nous abriter... Dans les maisons honnêtes et bonnes de Bethléem s'entassaient, arrogants comme toujours, sourds et orgueilleux ceux qui maintenant encore le sont, et eux ne pouvaient te sentir Toi... Combien de pharisiens, de sadducéens, d'hérodiens, de scribes, d'esséniens il y avait ! Oh ! leurs cœurs, maintenant fermés c'est la suite de leur dureté de cœur d'alors. Ils ont fermé leurs cœurs à l'amour à l'égard de la pauvre sœur ce soir là... et ils sont restés et ils restent dans les ténèbres. Ils ont repoussé Dieu dès cet instant, en repoussant loin d'eux l'amour du prochain.

207.5 – Venez. Allons à la Grotte. Il est inutile d'entrer dans la ville. Les plus grands amis de mon Enfant n'y sont plus [7]. La Nature amie nous suffit avec ses pierres, sa petite rivière, son bois pour faire du feu. La Nature qui a senti venir son Seigneur... Voilà, venez, rassurés. On tourne ici... Voici les ruines de la Tour de David. Oh ! elles me sont chères plus qu'un palais de roi ! Ruines bénies ! Ruisseau béni ! Arbre béni, que comme par miracle le vent a dépouillé de tarit de branches pour que nous trouvions du bois et puissions faire du feu !"

Marie descend rapidement vers la Grotte, franchit le ruisseau sur une planche qui sert de pont, court sur l'emplacement qui se trouve devant les ruines et tombe à genoux sur le seuil de la Grotte. Elle se penche et en baise le sol. Tous les autres la suivent. Ils sont émus... L'enfant, qui ne la quitte pas un instant, semble écouter une merveilleuse histoire et ses yeux noirs boivent les paroles et les gestes de Marie sans en perdre un seul.      

Marie se relève et entre en disant :    

"Tout, tout comme alors !... Mais alors il faisait nuit... Joseph fit de la lumière à mon entrée. Alors, alors seulement, en descendant de l'âne, je sentis à quel point j'étais fatiguée et gelée... Un bœuf nous salua, j'allai à lui pour sentir un peu de chaleur, pour m'appuyer au foin... Joseph, ici, où je suis, étendit du foin pour me faire un lit et le sécha pour moi comme pour Toi, Fils, à la flamme allumée dans ce coin. ..car il était bon comme un père dans son amour d'ange-époux... Et nous tenant par la main, comme deux frères perdus dans l'obscurité de la nuit, nous mangeâmes du pain et du fromage et puis il alla là-bas pour alimenter le feu, enleva son manteau pour boucher l'ouverture... En réalité, il fit tomber le voile devant la gloire de Dieu qui descendait des Cieux, Toi, mon Jésus... et je restai sur le foin, dans la tiédeur des deux animaux, enveloppée dans mon manteau et dans une couverture de laine... Mon cher époux !... En cette heure d'anxiété où j'étais seule devant le mystère de la première maternité, toujours pleine d'inconnu pour une femme et, pour moi, dans mon unique maternité, remplie aussi du mystère qu'aurait été la vision du Fils de Dieu émergeant d'une chair mortelle lui, Joseph, fut pour moi une mère, il fut un ange... mon réconfort... alors, toujours...    

207.6 – Et ensuite, le silence et le sommeil qui vinrent envelopper le Juste... pour qu'il ne vît pas ce qui était pour moi le baiser quotidien de Dieu... Et pour moi, après l'intermède des nécessités humaines, voici les flots démesurés de l'extase arrivant de la mer paradisiaque et qui me soulevaient de nouveau sur des crêtes lumineuses toujours plus hautes, me portant en haut, en haut, avec eux, dans un océan de lumière, de lumière, de joie, de paix, d'amour jusqu'à ce que je me trouve perdue dans la mer de Dieu, du sein de Dieu... Une voix de la terre, encore : "Tu dors, Marie ?" Oh ! si lointaine !... Un écho, un souvenir de la terre !... Et si faible que l'âme n'en est pas touchée, et je ne sais quelle réponse j'y fais pendant que je monte, que je monte encore dans cet abîme de feu, de béatitude infinie, d'avant-goût de Dieu... jusqu'à Lui, jusqu'à Lui... Oh ! mais, est-ce Toi qui es né ou est-ce moi qui suis née de la fulguration Trinitaire, cette nuit-là ? Est-ce moi qui t'ai donné Toi, ou Toi qui m'as aspirée pour me donner ? Je ne sais pas...        

Et puis la descente, de chœur en chœur, d'astre en astre, de nuage en nuage, douce, lente, bienheureuse, tranquille comme celle d'une fleur qu'un aigle a portée dans les hauteurs et qu'il a laissée tomber, et qui descend lentement sur les ailes de l'air, devenue plus belle par une pluie de pierres précieuses, par un morceau d'arc-en-ciel dérobé au ciel et qui se retrouve sur la terre natale... Mon diadème : Toi ! Toi sur mon cœur...      

M'étant assise ici, après t'avoir adoré à genoux, je t'ai aimé. Finalement j'ai pu t'aimer sans la barrière de la chair et d'ici je me suis levée pour te porter à l'amour de celui qui comme moi était digne de t'aimer dans les premiers. Et ici, entre ces deux rustiques colonnes, je t'ai offert au Père. Et ici, tu as reposé pour la première fois sur le cœur de Joseph... Et puis, je t'ai emmailloté et, ensemble, nous t'avons déposé ici... Je te berçais pendant que Joseph séchait le foin à la flamme et le tenait au chaud en le mettant sur sa poitrine et puis, à cet endroit, pour t'adorer tous les deux, penchés sur Toi ainsi, ainsi comme moi maintenant, pour boire ta respiration, pour voir à quel anéantissement peut conduire l'amour, pour verser les larmes que certainement on verse au Ciel pour la joie inépuisable de voir Dieu."      

207.7 – Marie est allée et venue pendant cette évocation, indiquant les endroits, haletante d'amour, une larme scintillant dans ses yeux bleus et un sourire de joie sur les lèvres, elle se penche réellement sur son Jésus qui s'est assis sur une grosse pierre pendant cette évocation, et elle baise ses cheveux en pleurant et adorant comme alors...          

"Et puis les bergers... à l'intérieur, ici, pour adorer avec leur âme bonne, avec le grand soupir de la terre qui entrait avec eux, avec leur odeur d'hommes, de troupeaux, de foin; et au-dehors, et partout les anges, pour t'adorer par leur amour, par leurs chants que ne peut redire une créature humaine, et par l'amour des Cieux, par l'atmosphère des Cieux qui entrait avec eux, qu'eux apportaient avec leurs clartés... Ta naissance, béni !..."      

Marie s'est agenouillée à côté de son Fils et elle pleure d'émotion, la tête appuyée sur ses genoux. Pendant quelques instants, personne n'ose parler. Plus ou moins émus, les assistants regardent autour d'eux comme si au milieu des araignées et des cailloux raboteux ils espéraient avoir le spectacle de la scène décrite...

Marie se ressaisit et dit :

"Voilà, j'ai dit la naissance de mon Fils dans son infinie simplicité et son infinie grandeur, avec mon cœur de femme, non pas avec la sagesse d'un maître. Il n'y a rien d'autre car ce fut la chose la plus grande de la terre, cachée sous les apparences les plus communes."  

207.8 – "Mais le lendemain ? Et ensuite ?" demandent plusieurs, parmi lesquels les deux Marie.

"Le lendemain ? Oh ! très simple ! Je fus la mère qui donne le lait à son bébé, qui le lave et l'emmaillote comme font toutes les mères. Je chauffais l'eau puisée au ruisseau, sur le feu allumé là-dehors pour que la fumée ne fasse pas pleurer ses deux yeux bleus et puis dans le coin le plus abrité, dans un vieux baquet, je lavais mon enfant et je le mettais dans des langes frais. Et j'allais à la rivière laver les petits langes et je les étendais au soleil... et puis, joie entre les joies, je Lui donnais le sein, et Lui tétait, prenait des couleurs, était heureux... Le premier jour, à l'heure la plus chaude, j'allai m'asseoir là-dehors pour bien le voir. Ici le jour filtre sans entrer et la lumière et la flamme donnaient un bizarre aspect aux choses. J'allai dehors, au soleil... et je regardai le Verbe Incarné. La Mère a alors connu son Fils et la servante de Dieu son Seigneur. Et je fus femme et adoratrice... Puis la maison d'Anne... les journées auprès du berceau, les premiers pas, la première parole... Mais cela ce fut ensuite, en son temps... Et rien, rien ne fut semblable à l'heure de ta naissance... Ce n'est qu'en revenant à Dieu que je retrouverai cette plénitude..."        

"Mais pourtant... partir ainsi, au dernier moment ! Quelle imprudence ! Pourquoi n'avoir pas attendu ? Le décret [8] prévoyait un délai pour des cas exceptionnels comme naissance ou maladie. Alphée le dit..." dit Marie d'Alphée.  

"Attendre ? Oh ! non! Ce soir-là, quand Joseph apporta la nouvelle, moi et Toi, Fils, nous avons tressailli de joie. C'était l'appel... parce que c'était ici, ici seulement que tu devais naître comme les Prophètes l'avaient dit. Et ce décret imprévu ce fut comme une pitié du Ciel pour éteindre chez Joseph jusqu'au souvenir de son soupçon. C'était celui que j'attendais pour Toi, pour lui, pour le monde judaïque et le monde de l'avenir, jusqu'à la fin des siècles. C'était dit [9]. Et, comme c'était dit, ce fut. Attendre ! Est-ce que l'épouse peut retarder son rêve nuptial ? Pourquoi attendre ?"

"Mais... à cause de tout ce qui pouvait arriver..." dit encore Marie d'Alphée.  

"Je n'avais aucune crainte. Je me reposais en Dieu."      

"Mais, savais-tu que tout se serait passé ainsi ?"  

"Personne ne me l'avait dit, et moi je n'y pensais pas du tout, au point que pour rassurer Joseph je le laissai penser et vous aussi qu'il y avait encore du temps avant la naissance. Mais moi je savais, cela je le savais que ce serait en la fête des Lumières [10] que la Lumière du monde naîtrait. "

"Et toi, mère, pourquoi n'as-tu pas plutôt accompagné Marie ? Et le père, pourquoi n'y a-t-il pas pensé ? Vous deviez venir ici vous aussi. Pourquoi ne sommes-nous pas tous venus ?" demande sévèrement Jude Thaddée.

"Ton père avait décidé de venir après les Encénies et il le dit à son frère, mais Joseph ne voulut pas attendre."

"Mais toi, au moins..." réplique encore Thaddée.  

"Ne lui fais pas de reproches, Jude. D'un commun accord nous avons trouvé juste de laisser tomber un voile sur le mystère de cette naissance."      

"Mais Joseph savait-il qu'elle serait survenue avec ces signes ? Si toi tu ne le savais pas, pouvait-il le savoir, lui ?"        

"Nous ne savions rien, sauf que Lui devait naître."          

"Et alors ?"          

"Et alors, ce fut la Sagesse divine qui nous conduisit ainsi, comme c'était juste. La naissance de Jésus, sa présence dans le monde, devait apparaître privée de tout ce qui aurait été étonnant et qui aurait excité Satan... Et vous voyez que la rancœur actuelle de Bethléem à l'égard du Messie est une conséquence de la première manifestation du Christ. La haine du démon utilisa cette révélation pour faire répandre le sang et, par le sang répandu, répandre la haine.        

207.9 – Es-tu content, Simon de Jonas, qui ne parles pas et sembles retenir ta respiration ?"

"Tellement... tellement, qu'il me semble être hors du monde, dans un lieu encore plus saint que si j'étais au-delà du Velarium du Temple... Tellement que... que maintenant que je t'ai vue dans ce lieu, et avec la lumière d'alors, je crains de t'avoir traitée, avec respect, oui, mais comme une grande femme, une femme toujours.

Maintenant... maintenant je n'oserai plus te dire comme avant : "Marie". Tu étais auparavant pour moi la Mère de mon Maître. Maintenant, maintenant je t'ai vue au sommet de ces flots célestes, je t'ai vue comme une Reine et moi, misérable, voici ce que je fais de cet esclave que je suis" et il se jette à terre, en baisant les pieds de Marie.

Jésus parle, maintenant : "Simon, lève-toi, viens ici, tout près de Moi." Pierre va à la gauche de Jésus car Marie est à sa droite. "Que sommes-nous, maintenant ?" demande Jésus.        

"Nous ? Mais il y a Jésus, Marie et Simon."

"C'est bien, mais combien sommes-nous ?"

"Trois, Maître."  

"Une trinité, alors. Un jour, au Ciel, dans la Divine Trinité il vint une pensée : "Il est temps que le Verbe aille sur la terre", et avec une palpitation d'amour le Verbe vint sur la terre. Il se sépara donc du Père et de l'Esprit Saint. Il vint travailler sur la terre [11]. Au Ciel, les Deux qui étaient restés, contemplèrent les œuvres du Verbe restant plus unis que jamais pour répandre la Pensée et l'Amour pour aider la Parole qui œuvrait sur la terre.      

Un jour viendra où du Ciel viendra un ordre : "C'est le moment de revenir, car tout est accompli" et alors le Verbe retournera au Ciel, ainsi. .. (et Jésus se retire, un pas en arrière en laissant Marie et Pierre où ils étaient) et du haut des Cieux, Il contemplera les œuvres des deux restés sur la terre. Eux, dans un mouvement saint, s'uniront plus que jamais pour fondre ensemble le pouvoir et l'amour et en faire le moyen pour accomplir le désir du Verbe : "La rédemption du monde par l'enseignement continu de son Église". Et le Père, le Fils et l'Esprit Saint feront de leur rayonnement une chaîne pour resserrer, resserrer toujours plus les deux restés sur la terre: ma Mère, l'amour; toi, le pouvoir. Tu devras donc bien traiter Marie en reine, oui, mais sans être toi un esclave. Ne te semble-t-il pas ?"        

"Ce qui me semble, c'est tout ce que tu veux. Je suis anéanti ! Moi, le pouvoir ? Oh ! si je dois être le pouvoir, alors, je dois, oui, m'appuyer sur Elle ! Oh ! Mère de mon Seigneur, ne m'abandonne jamais, jamais, jamais..."  

"N'aie pas peur. Je te tiendrai toujours par la main, ainsi, comme je faisais à mon Bébé jusqu'à ce qu'il fût capable de marcher seul."

"Et après ?"        

"Et après, je te soutiendrai par la prière. Allons, Simon, ne doute jamais de la puissance de Dieu. Je n'en ai pas douté, moi, ni Joseph. Toi non plus tu ne dois pas douter. Dieu nous donne son secours, heure après heure, si nous restons humbles et fidèles...    

207.10 – Maintenant venez dehors près du ruisseau à l'ombre de ce bon arbre. Si l'été était plus avancé il vous donnerait ses pommes en plus de son ombre. Venez. Nous allons manger avant de partir... Où, mon Fils ?"

"À Jala [12]. C'est tout près. Et demain nous irons à Bethsour." Ils s'assoient à l'ombre du pommier et Marie se met contre son tronc robuste. Barthélemy la regarde fixement, si jeune et encore célestement animée par l'évocation qu'elle a faite, recevoir de son Fils la nourriture qu'il a bénite et Lui sourire d'un regard d'amour, et il murmure : " À son ombre je me suis assise et sa nourriture est douce à mon palais [13]."

Jude Thaddée lui répond :      

"C'est vrai. Elle languit d'amour, mais on ne peut certainement pas dire que c'est sous un pommier qu'elle a été réveillée."      

"Et pourquoi pas, frère ? Qu'en savons-nous des secrets du Roi ?" répond Jacques d'Alphée.        

Et Jésus, en souriant :  

"La nouvelle Ève a été conçue par la Pensée au pied du pommier du Paradis pour que son sourire et ses larmes mettent en fuite le serpent et désintoxiquent le fruit empoisonné. Elle est devenue l'arbre du fruit rédempteur. Venez, amis, et mangez-en car se nourrir de sa douceur c'est se nourrir du miel de Dieu."  

"Maître, réponds à un désir de savoir que j'ai depuis longtemps. Le Cantique que nous citons prévoit-il Marie ?" demande doucement Barthélemy pendant que Marie s'occupe de l'enfant et parle avec les femmes.  

"Dès le commencement du Livre, on parle d'Elle et on en parlera dans les livres de l'avenir jusqu'à ce que la parole de l'homme se change en l'éternel hosanna de l'éternelle Cité de Dieu" et Jésus se tourne vers les femmes.      

"Comme on voit qu'il vient de David ! Quelle sagesse, quelle poésie !" dit le Zélote en parlant à ses compagnons.

207.11 – "Voilà" interrompt l'Iscariote qui, encore sous l'impression de la veille, parle peu tout en cherchant à retrouver la liberté qu'il avait auparavant. "Voilà, je voudrais comprendre pourquoi devait vraiment se produire l'Incarnation. Dieu seul peut parler de façon à vaincre Satan. Dieu seul peut avoir le pouvoir de racheter et je n'en doute pas. Cependant, voilà, il me semble que le Verbe pouvait se dégrader moins qu'il ne l'a fait en naissant comme tous les hommes, en s'assujettissant aux misères de l'enfance et au reste. N'aurait-il pas pu apparaître sous une forme humaine, déjà adulte, sous les apparences d'un adulte ? Ou, s'il voulait vraiment avoir une mère, en choisir une, mais adoptive comme il a fait pour le père ? Il me semble qu'une fois, je le Lui ai demandé mais il ne m’a pas répondu longuement, ou bien je ne me souviens pas."        

"Demande-le-Lui ! Puisque nous sommes dans le sujet..." dit Thomas.      

"Moi, non. Je l'ai fâché et je ne me sens pas encore pardonné. Demandez-le-Lui pour moi."  

"Mais excuse-nous ! Nous acceptons tout sans tant d'explications et c'est à nous de poser des questions ? Ce n'est pas juste !" riposte Jacques de Zébédée.  

"Qu'est-ce qui n'est pas juste ?" demande Jésus.    

Un silence, et puis le Zélote se fait l'interprète de tous et répète les questions de Judas de Kériot et les réponses des autres.

"Moi, je ne garde pas rancune. C'est la première chose que je dois dire. Je fais les observations que je dois faire, je souffre et je pardonne. Ceci dit pour qui éprouve la peur qui est encore le fruit de son trouble. En ce qui concerne mon Incarnation réelle, je dis : "Il est juste qu'il en ait été ainsi". Dans l'avenir, beaucoup et beaucoup tomberont dans des erreurs au sujet de mon Incarnation. Ils me prêteront précisément 1es formes que Judas voudrait que j'eusse pris. Un homme dont le corps était en apparence formé de matière, mais fluide en réalité, comme un jeu de lumière, grâce auquel je serais et ne serais pas une chair. Et elle existerait, sans vraiment exister la maternité de Marie. En vérité, je suis une chair, et Marie est la Mère du Verbe fait Chair. Si l'heure de ma naissance ne fut qu'extase, c'est parce qu'Elle est la nouvelle Ève qui ne porte pas le poids de la faute ni l'héritage du châtiment. Mais cela n'a pas été pour Moi une dégradation de reposer en Elle. Est-ce que par hasard la manne était avilie du fait qu'elle était dans le Tabernacle ? Non, elle était au contraire honorée de se trouver en ce lieu. D'autres diront que Moi, n'étant pas une Chair réelle, je n'ai pas enduré la souffrance ni la mort durant mon séjour sur la terre. Oui, ne pouvant nier mon existence, on niera la réalité de mon Incarnation ou la vérité de ma Divinité. Non, en vérité, je suis Un éternellement avec le Père et je suis uni à Dieu en tant que Chair car l'Amour peut avoir rejoint ce qui ne peut être rejoint dans sa Perfection en se revêtant de Chair pour sauver la chair. À toutes ces erreurs répond ma vie entière qui donne son sang depuis ma naissance jusqu'à ma mort et qui est assujettie à tout ce qu'elle partage avec l'homme, à l'exception du péché. Né, oui, d'Elle. Et pour votre bien. Vous ne savez pas à quel point s'adoucit la Justice du moment qu'elle a la Femme comme collaboratrice. Es-tu satisfait, Judas ?"  

"Oui, Maître."    

"Fais-en sorte que toi aussi tu me satisfasses."    

L'Iscariote baisse la tête, confus et, peut-être est-il réellement touché par tant de bonté.

La halte se prolonge sous l'ombre fraîche du pommier. Certains dorment, d'autres somnolent. Mais Marie se lève et retourne dans la grotte et Jésus la suit...    

[1] Périple de Jésus, Jean, Judas et Simon le zélote. Cf. EMV 70 à EMV 74.

[2] Bethsour (la maison du veilleur). Betsur (prononcer Betsour) dans l’original de Maria Valtorta. Traduit par Béthsur (1985) et par Bet-Çur (2017). Autres orthographes : Bethsur, Beth-Tsur, Beth-Zur, Bethsour. Aujourd’hui Beit Sur, à 6 km au nord d’Hébron.

[3] Pour retrouver une amie du Temple : Élise. Voir ci-après EMV 208.

[4] Genèse 35,18-19 – Rachel, fille cadette de Laban. Elle était très belle; Jacob la rencontra auprès du puits où elle allait abreuver ses troupeaux, à proximité de Harân, en Mésopotamie. Dès qu’il la vit, il l’aima. Jacob, dépourvu de biens, ne pouvait payer la somme que tout prétendant donnait aux parents d’une jeune fille. C’est pourquoi il servit son beau-père pendant 7 ans, afin d’obtenir Rachel. En même temps, Jacob, isolé et fugitif, était heureux de se rattacher à un groupe patriarcal. Il se lia par contrat, et on lui donna une femme du clan. Dès lors, il ne pouvait pas partir et emmener sa femme et ses enfants sans autorisation, même au terme du contrat. À la fin des 7 premières années, Laban trompa Jacob, et lui fit épouser Léa, son aînée, beaucoup moins attrayante semble-t-il. Le fils d’Isaac servit encore 7 ans pour avoir la cadette, la seule qu’il ait aimée. Rachel devint sa femme (Genèse 29,1-30) la mère de Joseph (30,22-25), puis de Benjamin; elle mourut à la naissance de celui-ci (35,16-20; 48,7). Jacob l’ensevelit un peu au nord de Ephrata, plus connue sous le nom de Bethléem. La tombe se trouvait en un lieu que traversait le voyageur allant de Béthel à Bethléem. (source BibleOnLine)

[5] Cf. EMV 28.

[6] Bethléem signifie "Maison du pain"

[7] Cf. le mauvais accueil réservé par les Bethléemites en EMV 73 et EMV 74.

[8] L’édit de recensement, voir EMV 27.

[9] Par les prophètes. Cf. Michée 5,1 : Et toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps anciens, aux jours d’autrefois.

[10] Hanoukka. Elle commence le 25 Kisleu ou Kislèv (correspondant approximativement à décembre) et dure huit jours ; elle célébrait à l’origine le solstice d’hiver, mais commémora plus tard la purification du temple par Juda Maccabée en 164 av. J.C. Le nom de Fête des Lumières lui vient de ses traits prédominants; la présence de Jésus à cette fête est signalée en Jean 10,22.

[11] Il n’est pas question pour autant, note Maria Valtorta sur une copie dactylographiée, de nier l’union hypostatique (= union des deux natures, divine et humaine) par laquelle le Verbe, étant réellement dans la chair du Fils de Dieu et de Marie, n’a pas cessé de faire un avec le Père et donc avec l’Amour ; il n’a pas cessé d’être le Saint des saints, car il l’était par sa nature divine et il l’était dans sa nature humaine, par grâce et par volonté très parfaites.

[12] Jala, Beit Jala (la maison des herbages). Le nom de ce village ne semble figurer ni dans la bible, ni dans aucune source ancienne courante. On peut donc considérer cette mention comme une « connaissance rare de Maria Valtorta ! (Jean-François Lavère, Dictionnaire géographique de l’Évangile, d’après Maria Valtorta).

[13] Cantique 2,3 "Comme un pommier parmi les arbres de la forêt est mon ami parmi les jeunes gens, j’ai grand plaisir à m’asseoir à son ombre. Combien son fruit est doux à mon palais."        
Cantique 8,5 : Quelle est celle-ci qui monte du désert, appuyée sur son bien-aimé? L'ÉPOUX. Je t'ai réveillée sous le pommier; là, ta mère t'a conçue; là, elle t'a conçue, là, elle t'a donné le jour.

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 31 Jan - 11:21

208. En allant chez Elise à Bet-çur. La haine de l'innocent Marziam

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 70
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 208


Vendredi 7 avril 28

208.1 « Il est à peu près sûr que nous les trouverons si nous revenons un moment sur la route d’Hébron. Je vous en prie, partez deux par deux à leur recherche sur les sentiers de la montagne. D’ici aux piscines de Salomon, puis de là à Bet-çur. Nous vous suivrons. C’est ici sa zone de pâturage » dit le Seigneur aux douze.

Je me rends compte alors qu’il parle des bergers.

Les apôtres s’apprêtent à partir, chacun avec son compagnon préféré. Seul le couple presque inséparable de Jean et André ne se forme pas car ils se dirigent tous deux vers Judas en disant : « Je viens avec toi », et Judas répond :

« Oui, viens, André. Cela vaut mieux ainsi, Jean. Toi et moi nous serions deux qui connaissons déjà les bergers [1]. Il vaut donc mieux que tu accompagnes quelqu’un d’autre.

– Moi, alors, mon garçon » dit Pierre en quittant Jacques, fils de Zébédée.

Sans protester, ce dernier part avec Thomas, tandis que Simon le Zélote s’en va avec Jude, Jacques, fils d’Alphée, avec Matthieu et les deux inséparables Philippe et Barthélemy ensemble. L’enfant reste avec Jésus et les deux Marie.

Fraîche et belle, la route passe à travers les montagnes couvertes de verdure, qu’il s’agisse de forêts ou de prés. On rencontre des troupeaux qui, à la lumière blonde de l’aurore, se dirigent vers les pâturages.

A chaque tintement de clarine, Jésus cesse de parler, regarde, puis il demande aux bergers si Elie, le berger bethléemite, se trouve dans les parages. Je saisis que désormais Elie est surnommé “ le bethléemite ”. Même si d’autres bergers sont originaires de Bethléem, ce surnom lui appartient de droit ; mais il peut aussi traduire le mépris. Mais personne n’est au courant. Ils répondent en arrêtant leur troupeau et en cessant de jouer de leurs flûtes rustiques.

Les jeunes possèdent presque tous l’une de ces flûtes primitives en roseau, devant lesquelles Marziam s’extasie, jusqu’à ce qu’un bon vieux berger lui donne celle de son petit-fils en disant :

« Il s’en fabriquera une autre. »

Et Marziam s’en va, tout heureux, avec son instrument en bandoulière car, pour le moment, il ne sait pas s’en servir.

208.2 « J’aimerais tant les rencontrer ! S’exclame Marie.

– Nous les trouverons certainement. A cette saison, ils sont toujours du côté d’Hébron. »

L’enfant s’intéresse à ces bergers qui ont vu Jésus enfant et il pose mille questions à Marie qui répond avec patience et bonté.

« Mais pourquoi ont-ils été punis ? Ils n’avaient fait que du bien…, demande l’enfant après le récit de leurs malheurs.

– Il est fréquent que l’homme commette des erreurs en accusant des innocents du mal qu’en réalité un autre a fait. Mais, comme eux sont restés bons et ont su pardonner, Jésus les aime beaucoup. Il faut toujours savoir pardonner.

– Mais tous ces enfants qui ont été tués, comment ont-ils fait pour pardonner à Hérode ?

– Ce sont de petits martyrs, Marziam, et les martyrs sont saints. Eux, non seulement pardonnent à leur bourreau, mais ils l’aiment, car il leur a ouvert le Ciel.

– Mais sont-ils au Ciel ?

– Non, pas pour le moment. Ils sont dans les limbes où ils font la joie des patriarches et des justes.

– Pourquoi ?

– Parce qu’ils ont dit, en arrivant avec leur âme rougie de sang : “ Nous voici. Nous sommes les hérauts du Christ Sauveur. Réjouissez-vous, vous qui attendez, car il est déjà sur la terre. ” Et tous les aiment parce qu’ils apportent cette bonne nouvelle.

– La bonne nouvelle, m’a dit mon père, c’est aussi la Parole de Jésus. Alors, lorsque mon père ira dans les limbes après l’avoir proclamée sur terre, et que moi aussi j’irai, ils nous aimeront nous aussi ?

– Toi, tu n’iras pas dans les limbes, mon petit.

– Pourquoi ?

– Parce que Jésus sera déjà remonté aux Cieux et les aura ouverts, et tous les bons, à leur mort, iront immédiatement au Ciel.

– Je serai bon, je le promets. Et Simon-Pierre ? Lui aussi, hein ? Parce que je ne veux pas devenir orphelin une seconde fois !

– Lui aussi, sois-en sûr. Mais, au Ciel, il n’y a pas d’orphelins. Nous avons Dieu, et Dieu est tout. Nous ne le sommes même pas ici-bas, car le Père est toujours avec nous.

– Mais, dans cette belle prière que ma mère et toi m’avez enseignée, elle, la nuit et toi, pendant la journée, Jésus dit : “ Notre Père qui es aux Cieux. ” Nous ne sommes pas encore au Ciel, comment donc sommes-nous avec lui ?

– Parce que Dieu est partout, mon enfant. Il veille sur le bébé qui naît comme sur le vieillard qui meurt. L’enfant qui naît en ce moment, à l’endroit le plus reculé de la terre, a sur lui le regard et l’amour de Dieu, et ce jusqu’à sa mort.

– Même s’il est méchant comme Doras ?

– Oui.

– Mais Dieu, qui est bon, peut-il aimer ce Doras qui est si méchant et fait pleurer mon vieux père ?

– Il le regarde avec indignation et douleur, mais s’il se repentait, il lui dirait ce que dit le père de la parabole à son fils repentant.

208.3 Tu devrais prier pour qu’il se repente et…

– Oh non, Mère ! Je prierai pour qu’il meure ! » dit l’enfant avec fougue.

Bien que sa sortie soit peu… angélique, son impétuosité est telle et si sincère que les autres sont obligés de rire.

Mais ensuite Marie reprend son doux sérieux de maîtresse :

« Non, mon chéri, tu ne dois pas faire cela envers un pécheur. Dieu ne t’écouterait pas et il te regarderait même avec sévérité. Nous devons souhaiter du bien à notre prochain, même s’il est très méchant, le plus grand bien possible. La vie est un bien, car elle donne à l’homme la possibilité d’acquérir des mérites aux yeux de Dieu.

– Mais, si quelqu’un est méchant, il n’acquiert que des péchés !

– On prie pour qu’il devienne bon. »

L’enfant réfléchit… mais cette instruction sublime ne lui convient guère et il conclut :

« Doras ne deviendra jamais bon, même si je prie. Il est trop méchant. Même si tous les enfants martyrs de Bethléem priaient avec moi, il le resterait. Tu ne sais pas que… tu ne sais pas que… qu’un jour il a frappé mon vieux père avec une verge de fer sous prétexte qu’il l’a trouvé assis à l’heure du travail ? Il ne pouvait se lever car il se sentait mal, et lui… il l’a frappé en le laissant pour mort, puis il lui a donné un coup de pied dans la figure… Moi, je le voyais, car j’étais caché derrière une haie… J’étais allé jusque là car personne ne m’avait apporté de pain depuis deux jours, et je mourais de faim… J’ai dû m’échapper pour qu’on ne m’entende pas, car je pleurais de voir mon père dans cet état, avec du sang sur la barbe, allongé par terre, comme mort… En pleurant, je suis allé mendier un pain… mais ce pain me reste toujours sur le cœur… : il a le goût du sang et des larmes de mon père, des miennes et de celles de tous les hommes torturés et qui ne peuvent aimer leur bourreau. Moi, je voudrais frapper Doras pour qu’il sache ce que sont les coups, je voudrais le laisser sans pain pour qu’il apprenne ce qu’est la faim, je voudrais le faire travailler sous le soleil, dans la boue, sous la menace du surveillant et sans manger, pour qu’il sache ce qu’il inflige aux pauvres… Je ne peux pas l’aimer car… il tue mon vieux père, et moi, si je ne vous avais pas trouvés, à qui serais-je maintenant ? »

L’enfant se tord de douleur, il crie et pleure, tremblant, bouleversé, frappant l’air de ses petits poings fermés à défaut de pouvoir frapper le bourreau. Stupéfaites, très émues, les femmes essaient de le calmer. Mais il fait vraiment une crise de nerfs et n’entend rien. Il hurle :

« Je ne peux pas, je ne peux pas l’aimer et lui pardonner. Je le hais, pour tous, je le hais, je le hais, je le hais !… »

Il fait de la peine, il fait peur.

208.4 C’est la réaction d’une personne qui a trop souffert.

Et Jésus le dit bien :

« Voilà le plus grand crime de Doras : pousser un innocent à la haine… »

Mais aussitôt, il prend l’enfant dans ses bras :

« Ecoute, Marziam : veux-tu rejoindre un jour ta maman, ton père, tes frères, ton vieux père ?

– Oui…

– Dans ce cas, tu ne dois haïr personne. Celui qui hait n’entre pas au Ciel. Tu ne peux pas, maintenant, prier pour Doras ? Eh bien, ne prie pas, mais ne hais pas. Sais-tu ce que tu dois faire ? Tu ne dois jamais te retourner en arrière pour penser au passé…

– Mais mon père qui souffre, ce n’est pas du passé…

– C’est vrai, Marziam, mais essaie de faire cette simple prière : “ Notre Père, qui es aux Cieux, pense toi-même à ce que je désire… ” Tu verras que le Père t’écoute de la meilleure des manières. Même si tu tuais Doras, qu’obtiendrais-tu ? Tu perdrais l’amour de Dieu, le Ciel, l’union avec tes parents, et tu ne ferais pas disparaître les souffrances du vieillard que tu aimes. Tu es trop petit pour pouvoir le faire. Mais Dieu, lui, le peut. Parles-en à lui. Dis-lui : “ Tu sais à quel point j’aime mon vieux père et tous les malheureux. Occupe-toi d’eux, toi qui peux tout. ” Comment ? Ne veux-tu pas annoncer la Bonne Nouvelle ? Mais elle parle d’amour et de pardon ! Comment peux-tu dire à un autre : “ Ne hais pas. Pardonne ” si, toi-même, tu ne sais pas aimer et pardonner ? Laisse faire le bon Dieu, laisse-le faire et tu verras comment il règle bien toutes choses. Le feras-tu ?

– Oui, parce que je t’aime. »

Jésus embrasse l’enfant et le met par terre. L’affaire est réglée et on arrive au bout de la route.

208.5 Les trois grands bassins creusés dans la roche de la montagne – une œuvre vraiment grandiose – resplendissent de toute leur surface très limpide, tout comme la chute d’eau qui, du premier bassin, tombe dans le second, plus grand, et de celui-ci dans un troisième bassin qui est un véritable petit lac d’où elle part par des conduites vers des villes éloignées. En raison de l’humidité du sol dans cette région, la montagne, de la source aux piscines et de celles-ci à la plaine, est d’une fertilité merveilleuse. Les fleurs les plus variées d’entre les fleurs sauvages, ainsi que des plantes parfumées et rares donnent un aspect riant aux pentes vertes. On dirait que l’homme a semé ici des fleurs de jardin et des plantes parfumées qui répandent dans l’air, sous le soleil qui les chauffe, leurs arômes de cannelle, de camphre, d’œillet, de lavande et autres odeurs pénétrantes, fortes, suaves, qui se mêlent pour former la plus merveilleuse des meilleures odeurs de la terre. Je dirais que c’est une symphonie de parfums parce que c’est réellement le poème des plantes et des fleurs sous toutes leurs teintes variées et leurs agréables exhalaisons.

Tous les apôtres sont assis à l’ombre d’un arbre couvert de grandes fleurs blanches, dont j’ignore le nom, aux énormes clochettes pendantes d’émail blanc, qui ondulent au moindre souffle de vent et répandent des flots de parfum à chaque ondulation. Je ne connais pas le nom de cet arbre. La fleur me rappelle un arbuste qui existe en Calabre et qu’on appelle là-bas « bottaro », mais ici, il s’agit d’un arbre élevé, au tronc puissant, et non d’un arbuste.

Jésus appelle ses apôtres, et ils accourent.

« Nous avons trouvé presque immédiatement Joseph qui revenait d’un marché. Ce soir, ils seront tous à Bet-çur. Nous nous sommes réunis en nous hélant et nous nous sommes installés ici, au frais, explique Pierre.

– Quel bel endroit ! On dirait un jardin ! Nous discutions entre nous pour savoir s’il était naturel ou non. Les uns pensent que oui, les autres sont d’un avis différent, dit Thomas.

– La terre de Judée a de ces merveilles…, dit Judas, qui tire inévitablement orgueil de tout, même des fleurs et des plantes.

– Oui, mais… je crois que, si par exemple le jardin de Jeanne à Tibériade était abandonné et devenait sauvage, la Galilée aussi posséderait au milieu des ruines la merveille de ses roses splendides, réplique Jacques, fils de Zébédée.

– Et tu ne te trompes pas. C’était dans cette région que se trouvaient les jardins de Salomon, aussi célèbres que ses palais dans le monde de cette époque. C’est peut-être ici qu’il a rêvé le Cantique des Cantiques appliquant à la Cité sainte toutes les beautés qu’il avait fait pousser ici, dit Jésus [2].

– C’est donc moi qui avais raison ! Dit Jude.

– Tu avais raison, dit l’autre Jacques, son frère. Sais-tu, Maître ? Il citait l’Ecclésiaste en unissant l’idée des jardins à celle des bassins [3] et terminait en disant : “ Pourtant il s’aperçut que tout est vanité et que rien ne dure sous le soleil sauf la Parole de mon Jésus [4]. ”

– Je te remercie, mais remercions aussi Salomon. Que les fleurs primitives proviennent de lui ou non, il est certain que les bassins qui alimentent plantes et hommes viennent de lui. Qu’il en soit béni. Allons donc jusqu’à ce grand rosier hirsute qui a formé, d’un arbre à l’autre, une galerie fleurie. Nous allons nous arrêter là. Nous sommes presque à mi-chemin. »

208.6 … Ils reprennent la route vers la neuvième heure [5], lorsque s’allongent les ombres des arbres de cette région bien cultivée. On croit traverser un immense jardin botanique, car chaque espèce de plante y est représentée pour son tronc, son fruit ou sa beauté. Les cultivateurs circulent un peu partout, mais ne font guère attention à la troupe des apôtres qui passe. Elle n’est pas la seule, d’ailleurs. D’autres groupes de juifs sont sur la route, de retour des fêtes pascales.

Cette route est en assez bon état, bien qu’elle soit taillée dans les montagnes, et des panoramas toujours variés rompent la monotonie de la marche. Ruisseaux et torrents dessinent des vir­gules d’argent liquide et écrivent des paroles qu’ils chantent ensuite, dans leurs mille méandres qui se recoupent, se répandent sous les bois ou se cachent sous des cavernes d’où ils ressortent embellis. Ils semblent jouer avec les arbres et les roches comme de joyeux gamins.

Même Marziam, maintenant complètement rasséréné, s’essaie à jouer de son instrument pour imiter les oiseaux. Mais, vraiment, ce ne sont pas des chants, mais de lamentables sons discordants qui me semblent être fort désagréables aux plus difficiles de la troupe, c’est-à-dire à Barthélemy à cause de son âge et à Judas pour d’autres raisons. Mais personne ne donne clairement son avis et l’enfant continue en sautillant de-ci de-là. Deux fois seulement, il montre un hameau niché dans la forêt et demande :

« C’est le mien ? » en devenant tout pâle.

Mais Simon, qui le garde tout près de lui, répond :

« Le tien est très loin d’ici. Viens, viens cueillir ces belles fleurs pour les apporter à Marie » ; il le distrait ainsi.

208.7 Le crépuscule arrive quand apparaît Bet-çur sur sa colline ; aussitôt après, voici venir, sur le chemin secondaire qu’ils ont pris pour s’y rendre, les troupeaux des bergers et avec eux les bergers qui accourent.

Mais quand Elie voit que Marie est là, elle aussi, il lève les bras de surprise, et reste sans bouger, n’osant en croire ses yeux.

« paix à toi, Elie. C’est bien moi. Cela t’avait été promis et, à Jérusalem, il n’a pas été possible de nous voir… Mais n’y pensons plus. Maintenant, nous nous voyons, dit doucement Marie.

– Oh ! Mère, Mère !… »

Elie ne sait que dire. Finalement il trouve :

« Voilà, c’est maintenant que je fais ma Pâque. C’est la même chose, même mieux encore.

– Mais oui, Elie. Nous avons fait une bonne vente : nous pouvons tuer un agneau. Soyez les hôtes de notre pauvre table…, disent Lévi et Joseph.

– Ce soir, nous sommes fatigués. Ce sera pour demain. Ecoutez : connaissez-vous une certaine Elise, épouse d’Abraham, fils de Samuel ?

– Oui, elle est chez elle, à Bet-çur, mais Abraham est mort et, l’an passé, ses fils également : un malaise subit pour le premier et on n’a jamais compris de quoi il était mort. Le second a décliné lentement et rien n’arrêtait sa maladie. Nous lui donnions du lait de jeune chèvre, car les médecins disaient que c’était bon pour le malade. Il en buvait des quantités qui venaient de tous les bergers car sa pauvre mère en envoyait chercher auprès de quiconque possédait une chèvre de premier lait dans son troupeau. Mais cela n’a servi à rien. Quand nous sommes revenus dans la plaine, il ne se nourrissait plus. Et à notre retour, au mois d’Adar, il était mort depuis deux lunes.

– Ma pauvre amie ! Elle m’aimait bien, au Temple… nous avions des ancêtres communs… Elle était bonne… Elle a quitté le Temple pour épouser Abraham auquel elle était promise depuis son enfance, deux ans avant moi, et je me souviens de sa venue au Temple pour l’offrande de son premier-né au Seigneur. Elle me fit appeler, pas uniquement moi, mais elle voulut me voir seule plus longuement… Et maintenant, elle est seule… Ah, il faut que je me hâte d’aller la consoler ! Quant à vous, restez. J’y vais avec Elie et je serai seule à entrer chez elle. La douleur veut qu’on la respecte…

– Pas même moi, Mère ?

– Toi, toujours. Mais les autres… Pas même toi, mon petit. Ce serait pour elle une souffrance. Viens, viens, Jésus !

– Attendez-nous sur la place du village. Cherchez un abri pour la nuit. Adieu » leur ordonne Jésus à tous.

208.8 Avec Elie, Jésus et sa Mère se dirigent donc vers une grande maison toute fermée et silencieuse à laquelle le berger frappe avec son bâton. Une servante passe la tête par la fenêtre en demandant qui est là. Marie s’avance en disant :

« Marie, fille de Joachim et son Fils, de Nazareth. Dis-le à ta maîtresse.

– C’est inutile. Elle ne veut voir personne. Elle se laisse mourir en pleurant.

– Essaie.

– Non, je sais comment elle me chasse si je cherche à la distraire. Elle ne veut voir personne ni parler à personne. Elle ne parle qu’au souvenir de ses fils.

– Va, femme, je te l’ordonne. Dis-lui : “ C’est la petite Marie de Nazareth, celle qui était ta fille au Temple… ” Tu verras qu’elle voudra me recevoir. »

La femme s’en va en hochant la tête.

Marie explique à son Fils et au berger :

« Elise était beaucoup plus âgée que moi [6]. Elle attendait au Temple le retour de son époux, parti en Egypte pour une affaire d’héritage, et elle y est restée jusqu’à un âge inhabituel. Elle a environ dix années de plus. Les maîtresses avaient l’habitude de donner aux plus jeunes des élèves plus grandes pour les conduire… et elle fut ma compagne-maîtresse. Elle était bonne et… Voici la femme. »

En effet, la servante accourt, stupéfaite, et elle ouvre toute grande la porte principale :

« Entre, entre ! » dit-elle.

Puis, à voix basse :

« Bénie sois-tu, toi qui la fais sortir de cette pièce. »

Elie se retire et Marie entre avec son Fils.

« Mais cet homme, vraiment… par pitié ! Il a l’âge de Lévi…

– Laisse-le entrer. C’est mon Fils, et il la consolera mieux que moi. »

La femme hausse les épaules et les précède à travers le long vestibule d’une maison, belle, mais bien triste. Tout est propre, mais tout semble mort…

208.9 Une femme, grande, mais toute courbée, avec des vêtements de deuils, s’avance dans le couloir, dans la pénombre.

« Elise ! Chère Elise ! C’est moi, Marie ! Dit Marie en courant à sa rencontre et en l’embrassant.

– Marie ? Toi ! Je te croyais morte, toi aussi. On m’avait raconté… quand ? Je ne sais plus… J’ai la tête vide… On m’avait rapporté que tu étais morte, comme beaucoup de mères, après la venue des mages. Mais qui m’a dit que tu étais la Mère du Sauveur ?

– Les bergers, peut-être…

– Ah les bergers ! »

Elle éclate en sanglots.

« Ne prononce pas ce mot. Il me rappelle mon ultime espoir de sauver la vie de Lévi… Et pourtant… oui… un berger m’a parlé du Sauveur, et j’ai tué mon fils en l’amenant à l’endroit où, disait-on, se trouvait le Messie, près du Jourdain. Mais il n’y avait personne… et mon fils est revenu pour mourir… La fatigue, le froid… je l’ai tué… mais je n’ai pas voulu être meurtrière. Je me disais que, lui, le Messie, guérissait les malades… et je l’ai fait pour cette raison… Maintenant, mon fils m’accuse de l’avoir tué…

– Non, Elise. C’est de l’imagination. Ecoute : je crois que ton fils, au contraire, m’a prise par la main en me disant : “ Va trouver ma chère maman. Conduis-lui le Sauveur. Je suis mieux ici que sur la terre. Mais elle n’écoute que son propre chagrin et ne peut entendre ce que je lui murmure tout bas parmi mes baisers, pauvre maman qui est comme possédée par un démon qui la pousse au désespoir parce qu’il veut nous séparer. Alors que, si elle se r­signe et croit que Dieu fait tout pour le bien, nous serons unis pour toujours, avec mon père et mon frère. Jésus peut le faire. ” Je suis donc venue… avec lui… Ne veux-tu pas le voir ?… »

Marie a parlé en gardant dans ses bras la malheureuse et en lui donnant des baisers sur ses cheveux gris, avec une douceur qu’elle seule peut avoir.

« Oh, si c’était vrai ! Mais alors pourquoi Daniel n’est-il pas venu te trouver pour te dire de venir plus tôt ? Et qui donc m’a dit autrefois que tu étais morte ? Je ne m’en souviens pas… je ne m’en souviens pas… C’est même pour cette raison que j’ai attendu – peut-être trop – pour venir trouver le Messie. Mais on m’avait dit qu’il était mort, comme toi, comme tous à Bethléem…

– Ne cherche pas qui te l’a dit. 208.10 Viens, regarde, voici mon Fils. Viens à lui. Fais plaisir à tes enfants et à ta Marie. Sais-tu que nous souffrons de te voir ainsi ? »

Et elle la mène à Jésus, qui s’était placé dans un coin obscur et qui maintenant seulement s’avance sous une lampe que la femme de service a posée sur un coffre élevé.

La pauvre mère lève la tête… et je vois alors qu’il s’agit de cette Elise qui se tenait aussi au Calvaire avec les saintes femmes. Jésus lui tend les mains en un geste d’invitation qui n’est qu’amour. La malheureuse lutte un peu, puis lui donne les siennes et tout à coup s’abandonne sur la poitrine de Jésus en gémissant :

« Dis-moi, dis-moi que je ne suis pas coupable de la mort de Lévi ! Dis-moi qu’ils ne sont pas perdus pour toujours ! Dis-moi que bientôt je les rejoindrai !

– Oui, oui. Ecoute : ils sont dans la joie maintenant que tu es dans mes bras. Je ne tarderai pas à les rejoindre, et que dois-je leur dire, alors ? Que tu ne t’en remets pas au Seigneur ? Est-ce cela que je dois dire ? Les femmes d’Israël, les femmes de David sont si courageuses, si sages, dois-tu leur apporter un démenti ? Non. Tu souffres, mais parce que tu as souffert seule. Ta douleur et toi. Toi et ta douleur. Alors tu ne peux en porter le poids. N’as-tu plus gardé à l’esprit les paroles d’espoir au sujet de ceux que la mort nous a pris ? “ Je vous sortirai de vos tombeaux et je vous ramènerai dans la terre d’Israël. [7] Alors vous saurez que je suis le Seigneur, lorsque j’ouvrirai vos tombes et que je vous aurai fait remonter de vos tombeaux [8]. Je mettrai mon esprit en vous et vous vivrez. [9] ” La terre d’Israël, pour les justes endormis dans le Seigneur, c’est le Royaume de Dieu. Je l’ouvrirai et le donnerai à ceux qui attendent.

– Même à mon Daniel ? Même à mon Lévi ? Il avait une si grande répulsion pour la mort… Il ne pouvait s’imaginer être éloigné de sa maman. C’est pour cela que je voulais mourir et aller auprès de lui au tombeau…

– Mais ce n’est pas là que se trouve la partie vivante d’eux-mêmes. Il n’y a là que de la matière morte qui ne peut t’entendre. Eux, ils sont dans le lieu de l’attente…

– Mais est-ce vraiment cela ? Ah ! Ne te scandalise pas de moi. Ma mémoire s’est envolée avec mon chagrin ! J’ai la tête remplie du bruit des larmes et du râle de mes fils. Quel râle ! Quel râle ! Cela m’a dissous le cerveau. Je n’ai plus que ce râle en moi…

– Et moi, je t’y mettrai les paroles de la vie. Je sèmerai la Vie, car je suis Vie, là où est la rupture de la mort. Rappelle-toi le grand Judas Macchabée qui voulut faire un sacrifice pour les morts, parce qu’il pensait à juste titre qu’ils sont destinés à ressusciter et qu’il faut hâter pour eux l’heure de la paix par des sacrifices opportuns [10]. Si Judas Maccabée n’avait pas été certain de la résurrection, aurait-il prié et fait prier pour les morts [11] ? Lui, au contraire, comme il est écrit, a pensé qu’une grande récompense était réservée à ceux qui meurent pieusement [12], comme tes fils l’ont sûrement fait… Tu vois que tu dis oui ? Ne désespère donc plus. Mais prie saintement pour tes morts, afin que leurs péchés soient effacés avant que je ne vienne à eux. Alors, sans attendre un instant, ils viendront avec moi au Ciel. Car je suis le Chemin, la Vérité et la Vie : je conduis, je dis la vérité et je donne la vie à celui qui croit à ma vérité et me suit. Dis-moi : tes fils croyaient-ils à la venue du Messie ?

– Bien sûr, Seigneur. Ils avaient appris de moi cette croyance.

– Et Lévi croyait-il possible sa guérison par l’effet de ma vo­lonté ?

– Oui, Seigneur. Nous espérions en toi mais… cela ne lui a servi à rien… et il est mort découragé après avoir tant espéré… »

Les pleurs de la femme reprennent ; s’ils se sont calmés, ils paraissent plus désolés dans ce calme que dans leur furie précédente.

« Ne dis pas que cela n’a servi à rien. Celui qui croit en moi, même s’il est mort, vivra éternellement…

208.11 La nuit descend, femme. Je vais rejoindre mes apôtres. Je te laisse, Mère…

– Ah ! Reste, toi aussi !… J’ai peur, si tu t’éloignes, d’être reprise par ce tourment… la tempête commence à peine à s’apaiser en t’écoutant…

– Ne crains rien ! Tu as Marie avec toi. Demain, je reviendrai. J’ai quelque chose à dire aux bergers. Puis-je leur demander de venir près de ta maison ?

– Oh oui ! Ils y venaient aussi l’an passé pour mon fils… Derrière la maison, il y a un jardin, puis une cour rustique. Ils peuvent y venir comme ils le faisaient alors pour rassembler leurs troupeaux…

– C’est bien. Je viendrai. Sois bonne. Rappelle-toi que, au Temple, Marie t’avait été confiée. A mon tour, je te la confie cette nuit.

– Oui, sois tranquille. J’en prendrai soin, je la… Je devrai penser à son souper, à son repos… Il y a bien longtemps que je ne pense plus à ces choses ! Marie, veux-tu dormir dans ma chambre comme le faisait Lévi durant sa maladie ? Moi, dans le lit de mon fils, toi dans le mien. J’aurai l’impression d’entendre sa respiration légère… Il me tenait toujours par la main…

– Oui, Elise. Et auparavant nous parlerons de mille choses…

– Non, tu es fatiguée. Tu dois dormir.

– Toi aussi…

– Oh, moi… Je ne dors plus depuis des mois… Je pleure… je pleure… Je ne sais rien faire d’autre…

– Ce soir, au contraire, nous prierons, puis nous irons au lit et tu dormiras… Nous dormirons main dans la main, nous aussi. Tu peux partir, mon Fils, et prie pour nous…

– Je vous bénis. Que la paix soit avec vous et à cette maison ! »

Et Jésus s’en va avec la servante qui reste interdite et ne fait que répéter :

« Quel miracle, Seigneur ! Quel miracle ! Après tant de mois, elle a parlé, elle a pensé… quelle affaire ! On disait qu’elle mourait folle… Et j’en étais peinée, car elle est bonne.

– Oui, elle est bonne, c’est pourquoi Dieu lui viendra en aide. Adieu femme. Paix à toi aussi. »

Jésus sort dans la rue à moitié sombre, et tout prend fin.

[1] Cf. Tome 2, chapitre 39

[2] Cf. Cantique des Cantiques 4,12-16

[3] Cf. Ecclésiaste (Qôhèlet) 2,1-10

[4] Cf. Ecclésiaste (Qôhèlet) 2,11

[5] Neuvième heure = 15 heures

[6] Une dizaine d’années. Elle a donc une petite soixantaine

[7] Cf. Ézéchiel 37,12

[8] Cf. Ézéchiel 37,13

[9] Cf. Ézéchiel 37,14

[10] 2 Maccabées 12,43

[11] 2 Maccabées 12,44

[12] 2 Maccabées 12,45

Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 3 Fév - 8:55

209. Dans la maison d’Élise. "Faites fructifier votre douleur"

Ancienne édition : Tome 3, chapitre 71
Nouvelle édition : Tome 3, chapitre 209


(Samedi 8 avril 28)

209.1 La nouvelle qu’Elise s’est enfin décidée à sortir de sa tragique mélancolie s’est répandue dans le pays. C’est au point que, quand Jésus, suivi des apôtres et des disciples, traverse le village en direction de la maison, beaucoup de gens l’observent attentivement et même interrogent tel ou tel berger à son sujet, sur sa venue, sur ceux qui sont avec lui, et qui est l’enfant, et qui sont les femmes, et quel remède il a donné à Elise pour la tirer de la nuit de la folie aussi vite, dès qu’il est apparu, et ce qu’il fera, et ce qu’il dira… C’est à qui a le plus envie de poser de questions…

      En dernier lieu, ils demandent :

      « Ne pourrions-nous pas venir, nous aussi ? »

      Ce à quoi les bergers répondent :

      « Nous ne le savons pas. Il faut le demander au Maître. Allez-y.

      – Et s’il nous reçoit mal ?

      – Il ne reçoit jamais mal, pas même les pécheurs. Allez-y, allez-y ! Cela lui fera plaisir. »

      209.2 Un groupe de personnes – femmes et hommes, la plupart d’âge mûr, de l’âge d’Elise – se consultent puis s’avancent, s’approchent de Jésus, qui parle avec Pierre et Barthélemy, et l’appellent, pas très sûrs d’eux :

      « Maître…

      – Que voulez-vous ? demande Barthélemy.

      – Parler avec le Maître, pour demander…

      – Que la paix vienne à vous ! Quelles questions voulez-vous me poser ? »

      Devant son sourire, les gens s’enhardissent :

      « Nous sommes tous des amis d’Elise, de sa maison. Nous avons entendu dire qu’elle est guérie. Nous voudrions la voir. Et t’en­tendre. Pouvons-nous venir ?

      – Pour m’entendre, certainement. Pour ce qui est de la voir, non, mes amis. Mortifiez votre amitié, ainsi que votre curiosité, car il y a de cela aussi. Respectez une grande douleur qu’il ne faut pas troubler.

      – Mais n’est-elle pas guérie ?

      – Elle revient à la lumière. Mais lorsque cesse la nuit, est-ce que le plein midi arrive tout d’un coup ? Et quand on rallume un feu éteint, la flamme est-elle vive aussitôt ? Il en va de même pour Elise. Et si un vent intempestif souffle sur une petite flamme naissante, ne l’éteint-il pas ? Soyez donc prudents. Cette femme n’est qu’une plaie. Même l’amitié pourrait l’exaspérer, car elle a besoin de repos, de silence, de solitude, non plus tragique comme l’était celle d’hier, mais d’une solitude résignée pour se retrouver elle-même…

      – Alors, quand donc la verrons-nous ?

      – Plus tôt que vous ne le pensez. Car elle se trouve désormais dans le sillage du salut. Mais si vous saviez ce que c’est que de sortir de ces ténèbres-là ! Elles sont pires que la mort. Et celui qui en sort, au fond, a honte d’y être tombé et que le monde le sache.

      – Es-tu médecin ?

      – Je suis le Maître. »

      Ils sont arrivés devant la maison.

      Jésus se tourne vers les bergers :

      « Allez dans la cour. Que ceux qui le veuillent vous accompagnent. Mais que personne ne fasse de bruit et n’aille plus loin que la cour. Veillez-y, vous aussi, dit-il aux apôtres, pour que tout se passe bien. Quant à vous – il s’adresse à Salomé et à Marie, femme d’Alphée –, veillez à ce que l’enfant ne fasse pas de tapage. Adieu ! »

      Il frappe à la porte, pendant que les autres prennent un sentier et se dirigent vers l’endroit convenu.

      209.3 La servante ouvre. Jésus entre au milieu des courbettes répétées de la servante.

      « Où est ta maîtresse ?

      – Avec ta Mère… et, imagine donc ! Elle est descendue au jardin ! Quelle affaire ! Quelle affaire ! Et hier soir, elle est venue dans la salle à manger… Elle pleurait, mais elle est venue. J’aurais voulu qu’elle prenne aussi de la nourriture, au lieu de sa goutte de lait habituelle, mais je n’y suis pas arrivée !

      – Elle en prendra. N’insiste pas. Montre-toi patiente, même dans ton amour pour ta maîtresse.

      – Oui, Sauveur, je ferai tout ce que tu dis. »

      Je crois en effet que, si Jésus avait ordonné à la femme de faire les choses les plus étranges, elle les aurait faites sans discuter, tant elle est persuadée que Jésus est Jésus et que tout ce qu’il fait est bien.

      Entre-temps, elle l’accompagne dans un vaste jardin plein d’arbres fruitiers et de fleurs. Mais, si les arbres fruitiers ont pensé par eux-mêmes à se revêtir de feuilles et à fleurir, à faire paraître des fruits et à les faire grossir, les pauvres fleurs, dont on ne s’occupe plus depuis un an, sont devenues un bosquet nain et tout enchevêtré où les plantes les plus faibles et les moins hautes étouffent sous le poids des plus vigoureuses. Parterres, sentiers, tout disparaît dans un enchevêtrement chaotique. Dans le fond du jardin seulement, là où la servante a fait pousser salades et légumes pour ses besoins, il y a un peu d’ordre.

      Marie se tient avec Elise sous une tonnelle tout ébouriffée de sarments et de vrilles qui descendent jusqu’à terre. Jésus s’arrête et regarde sa jeune Mère qui, avec beaucoup de finesse, éveille l’esprit d’Elise et dirige ses pensées vers des objets bien différents de ceux qui accaparaient jusqu’alors les pensées de la femme désolée.

      La servante va trouver sa maîtresse et lui dit :

      « Le Sauveur est arrivé. »

      Les femmes se retournent et vont à lui, l’une avec son doux sourire, l’autre avec son visage fatigué et égaré.

      « Paix à vous. Quel beau jardin !

      – Il était beau…, dit Elise.

      – La terre est fertile, regarde quels beaux fruits se préparent à mûrir ! Et que de fleurs sur ces rosiers ! Et là ? Ce sont des lys ?

      – Oui, autour d’un bassin où mes enfants se sont tant amusés… Mais, à l’époque, il était en bon état… Maintenant tout est en ruines, ici. Je n’ai plus l’impression que c’est le jardin de mes fils.

      – quelques jours suffiront pour qu’il redevienne comme auparavant. C’est moi qui t’aiderai. N’est-ce pas, Jésus ? Tu vas me laisser rester ici quelques jours avec Elise. Nous avons tant à faire… »

      – Tout ce que tu veux, je le veux. »

      Elise le regarde et murmure :

      « Merci. »

      Jésus caresse sa tête blanche, puis prend congé pour aller rejoindre les bergers.

      209.4 Les femmes restent au jardin mais, peu après, quand elle entend la voix de Jésus, qui salue les personnes présentes, résonner dans l’air paisible, Elise, comme attirée par une force irrésistible, s’approche lentement d’une haute haie qui sépare le jardin de la cour.

      Jésus s’adresse d’abord aux trois bergers. Il se trouve tout près de la haie, avec, en face de lui, les apôtres et les habitants de Bet-çur qui l’ont suivi. Les deux Marie, avec l’enfant, sont assises dans un coin. Jésus interroge les bergers :

      « Mais êtes-vous liés par contrat ou bien pouvez-vous quitter votre emploi n’importe quand ?

      – Voilà : en réalité, nous sommes des serviteurs libres, mais le quitter tout d’un coup, maintenant que les troupeaux réclament tant de soins et qu’il est difficile de trouver des bergers, cela ne nous paraît pas convenable.

      – Non, ce ne serait pas beau, mais il n’est pas nécessaire que ce soit tout de suite. Je vous le dis à l’avance pour que vous prépariez un juste arrangement. Je vous veux libres pour vous unir aux disciples et m’apporter votre aide…

      – Oh, Maître ! »

      La joie des trois hommes est telle qu’ils sont comme en extase.

      « Mais en serons-nous capables ? disent-ils ensuite.

      – Je n’en doute pas. Alors, c’est entendu. Dès que possible, vous vous unissez à Isaac.

      – Oui, Maître.

      – Allez, vous aussi, rejoindre les autres. 209.5Je vais dire deux mots aux gens. »

      Une fois les bergers congédiés, il se tourne vers la foule.

      « Que la paix soit avec vous.

      Hier, j’ai écouté parler deux grands malheureux, l’un à l’aurore de la vie, l’autre à son crépuscule [1] : ce sont deux âmes que faisait pleurer le poids de leur malheur. Et mon cœur a pleuré avec eux en voyant combien de souffrances il y a sur la terre et comment Dieu seul peut les soulager. Dieu ! La connaissance exacte de Dieu, de sa grande, de son infinie bonté, de sa présence conti­nuelle, de ses promesses. J’ai vu combien l’homme peut être torturé par l’homme et comment il peut être entraîné par la mort en des désolations sur lesquelles Satan travaille pour augmenter la douleur et pour créer des ruines. Je me suis dit alors : “ Les enfants de Dieu ne doivent pas souffrir de cette torture dans leurs tortures. Apportons la connaissance de Dieu à ceux qui l’ignorent, rendons-la à ceux qui l’ont oubliée sous les bourrasques de la douleur. ” Mais j’ai vu aussi que je ne suffis plus moi seul aux besoins infinis de mes frères. Et j’ai décidé d’en appeler beaucoup, en toujours plus grand nombre, pour que tous ceux qui ont besoin du réconfort de la connaissance de Dieu puissent l’obtenir.

      Ces douze sont les premiers. En m’aidant, ils sont capables d’amener à moi, et par conséquent au réconfort, tous ceux qui plient sous le poids trop lourd de la souffrance. En vérité, je vous le dis : venez à moi, vous tous qui êtes affligés, dégoûtés, vous qui avez le cœur blessé, qui êtes fatigués ; je partagerai votre douleur et vous apporterai la paix [2]. Venez, par l’intermédiaire de mes apôtres, de mes disciples, hommes et femmes, dont le nombre s’accroît chaque jour de nouveaux volontaires. Vous trouverez un réconfort dans vos souffrances, une compagnie dans votre solitude, l’amour des frères, pour vous faire oublier la haine du monde. Vous trouverez, élevé au-dessus de tous, l’amour de Dieu comme suprême consolateur et compagnon parfait. Vous ne douterez plus de rien. Vous ne direz plus jamais : “ Tout est fini pour moi ! ”, mais : “ Tout commence pour moi dans un monde spirituel qui abolit toute distance et efface toute séparation ”, un monde où les orphelins seront réunis à leurs parents montés dans le sein d’Abraham, où les pères et les mères retrouveront les enfants qu’ils ont perdus, où les épouses et les veufs retrouveront leur conjoint.

      209.6 C’est sur cette terre de Judée, proche encore de la Bethléem de Noémi,  que je vous rappelle comment l’amour soulage la douleur et rend la joie. Regardez, vous qui pleurez, la désolation de Noémi [3], une fois sa maison restée sans hommes. Ecoutez ses paroles d’adieu découragé à Orpha et Ruth : “ Retournez à la maison de votre mère ; que le Seigneur fasse preuve de miséricorde envers vous comme vous avez fait preuve de miséricorde envers ceux qui sont morts et avec moi… ” Ecoutez ses paroles lasses et insistantes. Elle n’espérait plus rien de la vie, elle qui autrefois était la belle Noémi et qui était devenue la tragique Noémi, brisée par la douleur. Elle ne pensait plus qu’à retourner, pour y mourir, sur les lieux où elle avait été heureuse au temps de sa jeunesse, entre l’amour de son mari et les baisers de ses enfants. Elle disait : “ Allez, partez. Inutile de venir avec moi… Je suis comme une morte… Ma vie n’est plus ici, mais là-bas, dans la vie de l’au-delà où eux, ils se trouvent. Ne sacrifiez plus votre jeunesse à côté d’une chose qui se meurt, car, réellement, je ne suis plus qu’une ‘ chose ’. Tout m’est indifférent. Dieu m’a tout pris… Je suis une angoisse. Je ferais votre angoisse… et elle me pèserait sur le cœur. En outre, le Seigneur m’en demanderait raison, lui qui m’a déjà tant frappée, car vous retenir, vous qui êtes vivantes, auprès de moi qui suis morte, serait de l’égoïsme. Retournez chez votre mère… ”

      Mais Ruth resta pour soulager cette douloureuse vieillesse. Ruth avait compris qu’il existe des douleurs plus grandes que celles qu’on a soi-même à supporter, et que sa douleur de jeune veuve était moins lourde que la souffrance de celle qui, en plus de son mari, avait perdu ses deux enfants. Tout comme la douleur de l’orphelin, réduit à vivre de mendicité sans jamais plus de caresses, sans jamais plus de bons conseils, est bien plus grande que celle d’une mère qui a perdu ses enfants. Quant à celui qui, pour tout un ensemble de raisons, en vient à haïr le genre humain et voit en tout homme un ennemi dont il a à se défendre et qu’il doit craindre, sa douleur est encore plus grande que les autres, parce qu’elle affecte non seulement la chair, le sang, la mentalité, mais aussi l’âme avec ses devoirs et ses droits surnaturels, et cela le conduit à sa perdition.

      Combien de mères sans enfants et d’enfants sans mère n’y a-t-il pas dans le monde ! Combien de veuves sans descendance pourraient assister les vieillesses solitaires ! Combien d’hommes, privés d’amour parce que ce sont tous des malheureux, pourraient employer leur besoin d’aimer et combattre la haine en donnant plein d’amour à l’humanité malheureuse qui souffre toujours plus parce qu’elle hait toujours plus !

      209.7 La souffrance est une croix, mais elle est aussi une aile. Le deuil nous dépouille, mais pour nous revêtir. Debout, vous qui pleurez ! Ouvrez les yeux, sortez des cauchemars, des ténèbres, des égoïsmes ! Regardez… Le monde est une lande où l’on pleure et où l’on meurt. Et le monde crie : “ Au secours ! ” par la bouche des orphelins, des malades, des isolés, de ceux qui doutent, par la bouche de ceux qu’une trahison ou une cruauté ont rendus prisonniers de la rancune. Allez vers ceux qui crient ! Oubliez-vous au milieu de ceux qui sont oubliés ! Guérissez-vous au milieu des malades ! Espérez au milieu des désespérés ! Le monde est ouvert à toutes les bonnes volontés qui désirent servir Dieu dans leur prochain et conquérir le Ciel : s’unir à Dieu et s’associer à ceux qui pleurent. Ici, c’est le lieu de l’entraînement, là-haut c’est le triomphe.

      Venez. Imitez Ruth auprès de toutes les douleurs. Dites, vous aussi : “ Je resterai avec vous jusqu’à la mort. ” Même si ces malheureux qui se croient incurables vous répondent : “ Ne m’appelez plus Noémi, mais Mara car Dieu m’a remplie d’amertume [4] ”, persistez. Et moi, je vous dis qu’en vérité un jour, grâce à votre insistance, ces malheureux s’exclameront : “ Béni soit le Seigneur qui m’a sorti de l’amertume, de la désolation, de la solitude par les soins d’une personne qui a su faire fructifier sa douleur en bonté. Que Dieu la bénisse éternellement car elle a été pour moi le salut. ”

      Réfléchissez : la bonté de Ruth à l’égard de Noémi a donné au monde le Messie parce que le Messie descend de David qui descend de Jessé, lui-même descendant de Jobed, et celui-ci de Booz et de Ruth. Booz de Salmon, Salmon de Naasson, Naasson d’Aminadab, Aminadab d’Aram, Aram d’Esron, Esron de Pharès. Ce furent eux qui vinrent peupler les campagnes de Bethléem et préparer les ancêtres du Seigneur. Tout acte de bonté est à l’origine de grandes choses auxquelles vous ne pensez pas. L’effort que l’on fait contre son propre égoïsme peut provoquer une telle marée d’amour qu’elle est capable d’élever, d’élever en gardant dans sa limpidité celui qui l’a provoquée, jusqu’à le porter au pied de l’autel, jusqu’au cœur de Dieu.

      Que Dieu vous donne la paix. »

      Et Jésus, sans retourner dans le jardin par le portillon ouvert dans la haie, veille à ce que personne ne s’approche d’elle, car on entend une longue plainte monter derrière… C’est seulement quand tous les habitants de Bet-çur sont partis qu’il s’éloigne avec les siens sans troubler ces pleurs salutaires…

[1] Margziam et Élise

[2] Voir Matthieu 11,28-29 et Cf. aussi 4.129.

[3] Ruth 1,1-14

[4] Ruth 1,20
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