CHAPITRE V
Que la sainte indifférence s'étend à toutes choses.
Job, quant à la vie naturelle, fut ulcéré d'une plaie la plus horrible qu'on eût vue. Quant à la vie civile, il fut moqué, bafoué, vilipendé, et par ses plus proches; en la vie spirituelle, il fut accablé de langueurs, pressures (oppressions), convulsions, angoisses, ténèbres et de toutes sortes d'intolérables douleurs intérieures, ainsi que ses plaintes et lamentations font foi.
Le grand Apôtre nous annonce une générale indifférence, pour nous montrer vrais serviteurs de Dieu, en fort grande patience ès tribulations, ès nécessités, ès angoisses, ès blessures, ès prisons, ès séditions, ès travaux, ès veilles, ès jeûnes; en chasteté, en science, en longanimité et suavité au Saint-Esprit, en charité non feinte, en parole de vérité, en la vertu de Dieu;
par les armes de justice é droite et il gauche, par la gloire et par l'abjection, par l'infamie et bonne renommée; comme séducteurs, et néanmoins véritables (disant la vérité), comme inconnus, et toute fois reconnus ; comme mourants, et toutefois vivants; comme châtiés, et toutefois non tués; comme tristes, et toutefois toujours joyeux; comme pauvres, et toutefois enrichissant plusieurs; comme n'ayant rien, et toutefois possédant toutes choses.
Voyez, je vous prie, Théotime comme la vie des apôtres était affligée: selon le corps, par les blessures ; selon le coeur, par les angoisses; selon le monde, par l'infamie et les prisons; et parmi tout cela, ô Dieu, quelle indifférence !
leur tristesse est joyeuse, leur pauvreté est riche, leurs morts sont vitales et leurs déshonneurs honorables: c'est-à-dire, ils sont joyeux d'être tristes, contents d'être pauvres, revigorés de vivre entre les périls de la mort, et glorieux d'être avilis, parce que telle était la volonté de Dieu.
Et parce qu'elle était pins reconnue ès souffrances qu'ès actions des autres vertus, il met l'exercice de la patience le premier, disant: Paraissons en toutes choses comme serviteurs de Dieu, en beaucoup de patience, ès tribulations, ès nécessités, ès angoisses, et puis enfin, en chasteté, en prudence, en longanimité.
Ainsi notre divin Sauveur fut affligé incomparablement en sa vie civile, condamné comme criminel de lèse-majesté divine et humaine, battu, fouetté, bafoué et tourmenté avec une ignominie extraordinaire ; en sa vie naturelle, mourant entre les plus cruels et sensibles tourments que l'on puisse imaginer; en sa vie spirituelle, souffrant des tristesses, craintes, épouvantements, angoisses, délaissements et oppressions intérieures qui n'en eurent ni n'en auront jamais de pareilles.
Car encore que la suprême portion de son âme fût souverainement jouissante de la gloire éternelle, si est-ce que l'amour empêchait cette gloire de répandre ses délices ni ès sentiments, ni en l'imagination, ni en la raison inférieure, laissant ainsi tout le coeur exposé à la merci de la tristesse et angoisse.
Ézéchiel vit le simulacre d'une main qui le saisit par un seul flocquet (petite touffe) de cheveux de sa tête, l'élevant entre le ciel et la terre.
Notre Seigneur aussi élevé en la croix entre la terre et le ciel, n'était, ce semble, tenu de la main de son Père que par l'extrême pointe de l'esprit, et, par manière de dire, par un seul cheveu de sa tête, qui touché de la douce main du Père éternel, recevait une souveraine affluence de félicité, tout le reste demeurant abîmé dans la tristesse et ennui. Cest pourquoi il s'écrie : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu délaissé ?
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde