CHAPITRE XV
De la langueur amoureuse du coeur blessé de dilection.
Et en somme, comme pensez-vous, Théotime, qu'une âme qui a une fois un peu à souhait tâté les consolations divines, puisse vivre en ce monde, mêlé de tant de misères, sans douleur et langueur presque perpétuelle?
On a maintes fois oui ce grand homme de Dieu, François Xavier, lançant sa voix au ciel, lorsqu'il croyait être bien solitaire, en cette sorte : Eh! mon Seigneur, non, de grâce, ne m'accablez pas d'une si grande affluence de consolations; ou si par votre infinie bonté il vous plait me faire ainsi abonder en délices, tirez-moi donc en paradis car qui a une fois bien goûté en l'intérieur votre douceur, il lui est force de vivre en amertume tandis qu'il ne jouit pas de vous.
Quand donc Dieu a donné un peu largement de ses divines douceurs à une âme, et qu'il les lui ôte, il la blesse par cette privation, et elle par après demeure languissante, soupirant avec David :
Hélas! quand viendra le jour
Que la douceur d'un retour
M'ôtera cette souffrance ?
Et avec le grand Apôtre : O moi misérable homme! qui me délivrera du Corps de cette mortalité ?
FIN DU LIVRE SIXIÈME
LIVRE SEPTIÈME
DE L'UNION DE L'ÂME AVEC SON DIEU QUI SE PARFAIT EN L'ORAISON.
CHAPITRE PREMIER
Comme l'amour fait l'union de l'âme avec Dieu en l'oraison.
Nous ne parlons pas ici de l'union générale du coeur avec son Dieu, mais de certains actes et mouvements particuliers que l'âme recueillie en Dieu fait par manière d'oraison, afin de s'unir et joindre de plus en plus à sa divine bonté.
Il y a, certes, différence entre unir et joindre une chose à l'autre, et serrer ou presser une chose contre une autre ou sur une autre, d'autant que pour joindre et unir il n'est besoin que d'une simple application d'une chose à l'autre en sorte qu'elles se touchent et soient ensemble, ainsi que nous joignons les vignes aux ormeaux et les jasmins aux treilles des berceaux que l'on fait ès jardins.
Mais pour serrer et presser, il faut faire une application forte qui accroisse et augmente l'union; de sorte quo serrer, c'est intimement et fortement joindre, comme nous voyons que le lierre se joint aux arbres, car il ne s'unit pas seulement, mais il se presse et serre si fort à eux, que même il pénètre et entre dans leurs écorces.
La comparaison de l'amour des petits enfants envers leur mère ne doit point être abandonnée, à cause de son innocence et pureté. Voyons donc ce beau petit enfant auquel sa mère assise présente son sein ; il se jette de force entre les bras d'icelle, ramassant et pliant tout son petit corps dans ce giron et sur cette poitrine aimable.
Et voyez réciproquement sa mère, comme le recevant elle le serre, et, par manière de dire, le colle à son sein, et le baisant, joint sa bouche à la sienne.
Mais voyez derechef ce petit poupon appâté des caresses maternelles, comme de son côté il coopère à cette union d'entre sa mère et lui ; car il se serre aussi et se presse tant qu'il peut par lui-même sur la poitrine et le visage de sa mère, et semble qu'il se veuille tout enfoncer et cacher dans ce sein agréable duquel il est extrait.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde