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Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 24 Juin - 22:19

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

605. Désespoir et suicide de Judas. Il aurait encore pu être sauvé s’il s’était repenti.

Ancienne édition : Tome 9, chapitres 24 et 25
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 605

Vendredi 5 avril 30
Jérusalem


Vision du vendredi 31 mars 1944.
Vendredi de la Passion, à 2 heures du matin.


           605.1 Voici venue ma si douloureuse vision de ces toutes premières heures du vendredi de la Passion. Elle se présente à moi alors que je récitais les Heures de la Désolation de Marie [1] : j’avais en effet pensé que passer la nuit qui précède la Profession [2] en compagnie de la Vierge des sept Douleurs serait la plus belle préparation à la Profession.

    605.2 Je vois Judas. Il est seul, vêtu de jaune clair avec un cordon rouge à la taille. Mon admoniteur intérieur m’avertit que Jésus est capturé depuis peu, et que Judas, qui s’est enfui aussitôt après, est en proie à des pensées contradictoires. On dirait en effet un fauve furieux traqué par une meute de mâtins. Tout souffle de vent dans les feuilles, un bruit quelconque sur la route, l’écoulement d’une fontaine le font sursauter et se retourner, l’air soupçonneux et effrayé comme s’il se sentait rattrapé par quelque justicier. Il tourne la tête en la gardant basse, le cou tordu, il regarde comme quelqu’un qui veut voir et a peur de voir. Si un jeu de lumière de la lune crée une ombre d’apparence humaine, il écarquille les yeux, fait un saut en arrière, devient encore plus livide qu’il ne l’était, s’arrête un instant, puis s’enfuit précipitamment, revient sur ses pas, ou change de chemin jusqu’à ce qu’un autre bruit, un autre jeu de lumière le fasse s’arrêter et repartir dans une autre direction.

    Sa folle échappée le conduit ainsi vers l’intérieur de la ville, mais une clameur du peuple l’avertit qu’il s’approche de la maison de Caïphe. Alors, les mains sur la tête, il se sauve à toutes jambes en se penchant comme si ces cris étaient autant de pierres qui le lapident. Et dans sa fuite, il prend une ruelle qui l’amène tout droit vers la maison où a été consommée la Cène. Il s’en aperçoit quand il arrive en face à cause d’une fontaine qui coule à cet endroit du chemin. Les pleurs de l’eau qui tombe goutte à goutte dans un petit bassin de pierre, et un faible sifflement du vent qui s’insinue dans le chemin étroit en produisant une lamentation étouffée, doivent lui rappeler les pleurs de Celui qu’il a trahi et la plainte du Supplicié. Il se bouche les oreilles pour ne pas entendre et s’échappe, les yeux fermés, pour ne pas voir cette porte par laquelle il est passé peu de temps auparavant avec le Maître, et par laquelle il est sorti pour aller chercher les hommes en armes dans le but de se saisir de lui.

    605.3 Dans cette course aveugle, il est sur le point de heurter un chien errant, le premier chien que je vois depuis que j’ai les visions, un gros chien gris et hirsute qui s’écarte en grognant, prêt à s’élancer contre celui qui l’a dérangé. Judas ouvre les yeux et rencontre les pupilles phosphorescentes qui le fixent, et il voit la blancheur des crocs découverts qui semblent produire un rire diabolique. Il pousse un hurlement de terreur. Le chien, qui le prend probablement pour un cri menaçant, se jette sur lui, et les deux roulent dans la poussière : Judas dessous, paralysé par la peur, le chien dessus. Quand la bête lâche sa proie, considérée peut-être comme indigne de la lutte, Judas saigne à cause de deux ou trois morsures, et son manteau a de larges déchirures.

    Il a été vraiment mordu à la joue, à l’endroit précis où il a donné un baiser à Jésus. La joue saigne et le sang souille au cou le vêtement jaunâtre de Judas. Le sang lui fait une sorte de collier, en imbibant le cordon rouge qui serre le vêtement au cou et il le rend plus rouge encore. Judas porte la main à sa joue, regarde le chien s’éloigner et le guette dans embrasure d’une porte. Il murmure : “ Belzébuth ! ” et, poussant de nouveau un cri, il détale, poursuivi par le chien pendant quelque temps. Il fuit jusqu’au petit pont près de Gethsémani, et se jette dans le torrent pour y ramasser des pierres et les jeter sur le chien. Alors seulement celui-ci, fatigué de le suivre ou craignant l’eau, abandonne sa proie et part en grognant. Judas, le voyant s’éloigner, regarde autour de lui et s’aperçoit qu’il a de l’eau jusqu’au mollet. Sans s’occuper de son vêtement de plus en plus trempé, il se penche vers l’eau et boit comme s’il était brûlé par la fièvre, puis il lave sa joue qui saigne et doit lui faire mal. 605.4 A la clarté d’un premier éveil de l’aube, il sort sur l’autre rive comme s’il avait encore peur du chien et n’osait pas revenir en ville. Quelques mètres plus loin, le voilà à l’entrée du jardin des Oliviers. Dés qu’il reconnaît l’endroit, il s’écrie : « Non ! Non ! » Mais ensuite, stimulé par je ne sais quelle force irrésistible ou par quel sadisme satanique et criminel, il poursuit son chemin, à la recherche du lieu de la capture. La terre du sentier, foulée par de nombreux pieds, l’herbe piétinée et du sang par terre, sans doute celui de Malchus, lui montrent que c’est là qu’il a désigné l’Innocent aux bourreaux.

    Il observe longuement… puis il pousse un cri rauque et fait un bond en arrière. Il crie : « Ce sang, ce sang !… » et il le montre… à qui ? de son bras tendu et son index pointé. Dans la lumière croissante, son visage apparaît terreux, spectral. Il semble fou. Ses yeux sont écarquillés et brillants comme s’il délirait ; ses cheveux ébouriffés par la course et la terreur paraissent dressés sur sa tête ; sa joue qui enfle lui tord la bouche en un rictus. Son vêtement déchiré, couvert de sang, trempé, boueux — la poussière mouillée est devenue de la boue —, le rend semblable à un mendiant. Son manteau, tout aussi déchiré et souillé, pend d’une épaule comme une guenille et il s’y empêtre quand, continuant à hurler : « Ce sang, ce sang ! », il recule comme si ce sang était devenu une mer qui monte et submerge.

    Judas tombe à la renverse et se blesse la tête en heurtant une pierre. Il pousse un gémissement de douleur et de peur. « Qui est-ce ? » s’écrie-t-il. Il doit avoir pensé que quelqu’un l’a fait tomber pour le frapper. Il se retourne, l’air terrorisé. Personne ! Il se lève. Maintenant le sang dégoutte aussi sur sa nuque et le cercle rouge s’élargit sur son vêtement. Il ne tombe pas par terre [3], car il y en a peu. Le vêtement le boit. Cela donne l’impression qu’il a déjà la corde au cou.

    605.5 En poursuivant son chemin, il retrouve la trace du feu allumé par Pierre au pied d’un olivier. Comme il ignore que c’est Pierre qui l’a fait, il suppose que Jésus était là. Il s’écrie : « Va-t’en! Va-t’en ! » et, des deux mains tendues en avant, il paraît repousser un fantôme qui le tourmente. Il s’échappe et va finir justement contre le rocher de l’Agonie.

    L’aube est maintenant nette et permet de voir clairement. Judas aperçoit le manteau de Jésus, laissé plié sur le rocher. Il le reconnaît. Il veut le toucher. Il a peur. Il tend la main et la retire. Il veut. Il ne veut pas. Mais ce manteau le fascine. Il gémit : « Non ! Non ! » Puis il dit :

    « Oui, par Satan ! Oui, je veux le toucher. Je n’ai pas peur ! Je n’ai pas peur ! »

    Il a beau le prétendre, la terreur lui fait claquer des dents, et le bruit d’une branche d’olivier, remuée par le vent, qui heurte un tronc voisin au-dessus de sa tête le fait crier de nouveau. Il trouve néanmoins le courage de saisir le manteau. Et il rit, d’un rire de fou, de démon, un rire hystérique, saccadé, lugubre, qui n’en finit pas, car il a vaincu sa peur. Il s’exclame :

    « Tu ne m’effraies plus, Christ. Tu ne m’effraies plus. Je te craignais beaucoup, car je te croyais Dieu et fort. Maintenant tu ne me fais plus peur, car tu n’es pas Dieu. Tu n’es qu’un pauvre fou, un faible. Tu n’as pas su te défendre. Tu ne m’as pas réduit en cendres, comme tu n’as pas lu dans mon cœur la trahison. Mes peurs !… Quel sot ! Quand tu parlais, même hier soir, je croyais que tu savais. Tu ne savais rien. C’était ma peur qui donnait un sens prophétique à tes paroles ordinaires. Tu n’es rien. Tu t’es laissé vendre, désigner, prendre comme une souris dans son trou. Ta puissance ! Ton origine ! Ha ! Ha ! Ha ! Quel bouffon ! Celui qui est fort, c’est Satan ! Il est plus fort que toi. Il t’a vaincu ! Ha ! Ha ! Ha ! Le prophète ! Le Messie ! Le Roi d’Israël ! Et tu m’as assujetti pendant trois années ! Avec continuellement la peur au ventre ! Et je devais mentir pour te tromper avec finesse quand je voulais profiter de la vie ! Mais même si j’avais volé et forniqué sans toute l’astuce que je mettais en œuvre, tu ne m’aurais rien fait. Poltron ! Fou ! Lâche ! Tiens ! Tiens ! Tiens ! J’ai eu tort de ne pas agir envers toi comme je le fais à l’égard de ton manteau pour me venger du temps où tu m’as tenu esclave par la peur. Peur d’un lapin !… Tiens ! Tiens ! Tiens ! »

    605.6 A chaque “ tiens ! ” il cherche à mordre et à déchirer l’étoffe du manteau. Il le chiffonne entre ses mains. Mais ce faisant, il l’ouvre et les taches qui l’humectent apparaissent. La furie de Judas s’arrête. Il fixe ces taches. Il les touche, il les flaire. C’est du sang… Il déplie complètement le manteau. On reconnaît bien l’empreinte laissée par les deux mains tachées de sang de Jésus quand il appuyait l’étoffe sur son visage.

    « Ah !… Du sang ! Du sang ! Le sien… Non ! »

    Judas laisse tomber le manteau et regarde autour de lui. Contre le rocher aussi, là où Jésus s’est adossé, tandis que l’ange le réconfortait, il aperçoit une tache sombre de sang qui sèche.

    « Là !… Là !… Du sang ! Du sang !… »

    Il baisse les yeux pour ne pas voir, et il se rend compte que l’herbe est toute rougie, elle aussi. Pis ! La rosée qui l’a dilué le fait paraître fraîchement tombé. Il est rouge et brille au premier soleil.

    « Non ! Non ! Non ! Je ne veux pas voir ça ! Je ne peux pas ! Au secours ! »

    Il porte les mains à sa gorge et perd tout contrôle, comme s’il se noyait dans une mer de sang.

    « Arrière ! Arrière ! Laisse-moi ! Laisse-moi ! Maudit ! Ce sang, c’est une mer ! Il recouvre la terre ! La terre ! La terre ! Et sur la terre, il n’y a pas de place pour moi, car je ne peux voir ce sang qui la couvre. Je suis le Caïn de l’Innocent ! »

    Je crois que l’idée du suicide lui est venue à ce moment-là.

    Le visage de Judas est effrayant. 605.7 Il se jette du talus et s’enfuit dans l’oliveraie, sans revenir par la route de l’aller. Il semble poursuivi par des fauves. Revenu en ville, il s’enveloppe dans son manteau et cherche à couvrir sa blessure et son visage autant qu’il le peut.

    Il se dirige vers le Temple. Mais en route, à un carrefour, il se trouve en face des canailles qui traînent Jésus chez Pilate. Il ne peut reculer, car une autre foule, venue pour regarder, le pousse dans le dos. Et, grand comme il est, il domine forcément, donc il voit. Et il rencontre le regard du Christ…

    Les deux regards s’enlacent un moment. Puis le Christ passe, lié, frappé, et Judas tombe à la renverse comme s’il s’évanouissait. La foule le piétine sans pitié, et il ne réagit pas. Il doit préférer être écrasé par tout un monde plutôt que de rencontrer ce regard.

    605.8 Quand la meute déicide est passée avec le Martyr et que la voie est libre, il se relève et court au Temple. Il bouscule et renverse presque un garde placé à la porte de l’enceinte. D’autres gardes arrivent pour interdire l’entrée au forcené, mais lui, tel un taureau furieux, les écarte tous. L’un d’eux, qui s’agrippe à lui pour l’empêcher de pénétrer dans la salle du Sanhédrin dont tous les membres sont encore réunis pour discuter, est saisi à la gorge, étranglé et jeté, sinon mort du moins sans connaissance, en bas des trois marches.

    « Maudits, je ne veux pas de votre argent » s’écrie-t-il, debout au milieu de la salle, à l’endroit où se tenait Jésus un peu plus tôt.

    On dirait un démon qui jaillit de l’enfer. Ensanglanté, dépeigné, enflammé par le délire, la bave à la bouche, les mains comme des griffes, il hurle et semble aboyer tant sa voix est perçante, rauque, hurlante.

    « Votre argent, maudits, je n’en veux pas. Vous m’avez perdu. Vous m’avez fait commettre le plus grand péché. Comme vous, comme vous je suis maudit ! J’ai trahi le sang innocent. Que ce sang et ma mort retombent sur vous. Sur vous… Non ! Ah !… »

    Judas voit le pavé baigné de sang.

    « Même ici il y a du sang, même ici ? Partout ! Son sang est partout ! Mais combien de sang a l’Agneau de Dieu pour en couvrir ainsi la terre et ne pas en mourir ? Et c’est moi qui l’ai répandu ! A votre instigation. Maudits soyez-vous ! Maudits, maudits pour l’éternité ! Malédiction à ces murs ! Malédiction à ce Temple profané ! Malédiction au grand-prêtre déicide ! Malédiction aux prêtres indignes, aux faux docteurs, aux pharisiens hypocrites, aux juifs cruels, aux scribes sournois ! Malédiction à moi ! A moi, malédiction ! A moi ! Reprenez votre argent et qu’il vous étrangle l’âme dans la gorge, comme la corde pour moi. »

    Il lance alors la bourse à la figure de Caïphe et s’en va en poussant un hurlement, tandis que les pièces résonnent en s’éparpillant sur le sol après avoir frappé, en la faisant saigner, la bouche de Caïphe.

    Personne n’ose le retenir.

    605.9 Il sort, et court de-ci de-là. Fatalement, il rencontre à deux reprises Jésus à l’aller et au retour de chez Hérode.

    Il abandonne le centre de la ville pour prendre au hasard les ruelles les plus misérables, et va de nouveau finir contre la maison du Cénacle. Elle est entièrement fermée, comme abandonnée. Il s’arrête, la regarde.

    « La Mère de Jésus, murmure-t-il, sa Mère !… » Il reste indécis… « Moi aussi, j’ai une mère ! Et j’ai tué le fils d’une mère !… Pourtant… je veux entrer… revoir cette pièce. Là, il n’y a pas de sang… »

    Il donne un coup à la porte, un autre… encore un…

    La gardienne de la maison vient entrouvrir la porte, ne laissant qu’une simple fente… A la vue de cet homme bouleversé, méconnaissable, elle pousse un cri et essaie de refermer. Mais Judas, d’un coup d’épaule, l’ouvre toute grande et, renversant la femme terrorisée, passe outre.

    Il court vers la petite porte qui donne sur le Cénacle, et entre. Un beau soleil passe par les fenêtres. Judas pousse un soupir de soulagement. Ici, tout est calme et silencieux. La vaisselle est encore comme on l’a laissée. On comprend que, pour le moment, personne ne s’en est occupé. On pourrait croire qu’on va passer à table.

    Judas, justement, s’approche de la table. Il regarde s’il y a du vin dans les amphores : il y en a. Il boit avidement à l’amphore elle-même qu’il soulève à deux mains. Puis il se laisse tomber assis et appuie sa tête sur ses bras croisés sur la table. Il ne s’aperçoit pas qu’il est assis à la place de Jésus et qu’il a devant lui la coupe qui a servi pour l’Eucharistie. Il s’arrête un moment, jusqu’à ce que s’apaise l’essoufflement causé par sa longue course. Puis il lève la tête, voit la coupe, et reconnaît la place où il s’est assis.

    Il se lève comme un possédé. Mais la coupe le fascine. Il reste au fond un peu de vin rouge et le soleil, en frappant le métal (qui paraît être de l’argent) fait briller ce liquide.

    « Du sang ! Du sang ! Du sang même ici ! Son sang ! Son sang !…“ Faites ceci en mémoire de moi !… Prenez et buvez. Ceci est mon sang… Le sang de la nouvelle alliance qui sera versé pour vous… ” Ah ! Maudit que je suis ! Pour moi, il ne peut plus être versé pour la rémission de mon péché. Je ne demande pas pardon, parce qu’il ne peut me pardonner. Partons ! Partons ! Il n’y a plus de lieu où le Caïn de Dieu puisse connaître le repos. A mort ! A mort !… »

    605.10 En sortant, il se trouve face à face avec Marie, debout à la porte de la pièce où Jésus l’a quittée. Entendant du bruit, elle est venue, dans l’espoir peut-être de trouver Jean, qui est absent depuis bien longtemps. Elle est pâle comme si elle avait été vidée de son sang. La douleur rend ses yeux encore plus semblables à ceux de son Fils. Judas rencontre ce regard qui l’observe avec la même connaissance affligée et consciente que Jésus un peu plus tôt. Et avec un “ Oh ! ” effrayé, il s’adosse au mur.

    « Judas ! dit Marie, Judas, qu’es-tu venu faire ? »

    Ce sont les mots mêmes de Jésus, prononcés avec un amour douloureux. Judas s’en souvient et pousse un cri.

    « Judas, répète Marie, qu’as-tu fait ? Tu as répondu à tant d’amour en trahissant ? »

    La voix de Marie est une caresse tremblante.

    Judas tente de s’échapper. Marie l’appelle d’une voix qui aurait pu convertir un démon.

    « Judas ! Judas ! Arrête-toi ! Arrête-toi ! Ecoute ! Je te le dis en son nom : repens-toi, Judas. Lui, il pardonne… »

    Mais Judas s’est enfui.

    La voix de Marie, son aspect ont été le coup de grâce, ou plutôt de disgrâce puisqu’il lui résiste.

    Dans sa précipitation, il croise Jean qui vient chercher Marie en courant. La sentence est prononcée. Jésus va aller au Calvaire. C’est le moment de conduire la Mère à son Fils.

    Jean reconnaît Judas, bien qu’il reste bien peu du beau Judas d’il y a peu de temps.

    « Toi ici ? » lui lance Jean avec un dégoût visible. « Toi ici ? Malédiction à toi, meurtrier du Fils de Dieu ! Le Maître est condamné. Réjouis-toi, si tu le peux, mais dégage le chemin. Je viens chercher Marie. Elle est ton autre victime, espèce de vipère, et je ne veux pas qu’elle te rencontre. »

    605.11 Judas s’enfuit. Il s’est enveloppé la tête dans les lambeaux de son manteau en laissant seulement une fente pour les yeux. Les gens, les rares personnes qui ne sont pas vers le Prétoire, l’évitent comme s’ils voyaient un fou. Car il semble bien l’être.

    Il erre à travers la campagne. Le vent apporte de temps à autre un écho de la clameur qui monte de la foule qui suit Jésus en lui adressant des imprécations. Chaque fois qu’un pareil écho arrive à Judas, il hurle comme un chacal.

    Je crois qu’il est réellement devenu fou, car il se cogne la tête rythmiquement contre les murets de pierre. Ou bien il est devenu halluciné parce que, quand il voit un liquide quelconque : eau, lait porté par un enfant dans un récipient, de l’huile qui coule d’une outre, il crie à toutes forces :

    « Du sang ! Du sang ! Son sang ! »

    Il voudrait boire aux ruisseaux et aux fontaines, mais il ne le peut, car il prend l’eau pour du sang :

    « C’est du sang ! C’est du sang ! Il me noie ! Il me brûle ! J’ai le feu ! Son sang, qu’il m’a donné hier, est devenu feu en moi ! Malédiction à moi et à toi, Jésus ! »

    605.12 Il monte et descend les collines qui entourent Jérusalem. Irrésistiblement, ses yeux se tournent vers le Golgotha. A deux reprises, il aperçoit de loin le cortège qui monte en serpentant la côte, et pousse un cri.

    Le voilà arrivé lui aussi au sommet d’une petite colline couverte d’oliviers. Il est entré dans l’oliveraie en ouvrant une fermeture rudimentaire, comme s’il en était le maître ou pour le moins un habitué des lieux. J’ai l’impression que Judas ne se souciait pas beaucoup de la propriété d’autrui. Debout sous un olivier à l’extrémité d’un talus, il regarde vers le Golgotha. Il voit se dresser les croix et il comprend que Jésus est crucifié. Plus exactement, il ne peut voir ni entendre, mais le délire ou quelque maléfice de Satan lui font voir et entendre comme s’il se trouvait au sommet du Calvaire.

    Il observe, l’air égaré, tout en se débattant :

    « Non ! Non ! Ne me regarde pas ! Ne me parle pas ! Je ne le supporte pas. Meurs, meurs, misérable ! Que la mort ferme ces yeux qui me font peur, cette bouche qui me maudit. Mais moi aussi je te maudis, puisque tu ne m’as pas sauvé. »

    Son visage est si hagard, qu’on ne peut le soutenir. Deux filets de bave coulent de sa bouche hurlante. La joue mordue est livide et enflée, et déforme son visage. Ses cheveux collés, sa barbe très noire mettent un bâillon lugubre sur ses joues et son menton. Quant à ses yeux !… Ils roulent, ils louchent, ils sont phosphorescents. De vrais yeux de démon…

    605.13 Il arrache de sa taille le cordon de grosse laine rouge qui la ceint de trois tours. Il en éprouve la solidité en l’enroulant autour d’un olivier et en tirant de toutes ses forces. Le cordon est solide, il résiste.

    Il choisit un olivier qui se prête à ce qu’il veut faire. Celui qui penche au-delà du talus, avec son feuillage en forme de chevelure en désordre, lui convient. Il monte sur l’arbre, assure solidement un nœud coulant à une branche des plus robustes et qui pend sur le vide. Il a déjà fait le nœud coulant. Après un dernier coup d’œil vers le Golgotha, il passe la tête dans le nœud coulant. Il paraît maintenant avoir deux colliers rouges à la base du cou. Il s’assied sur le talus puis, d’un coup, se laisse glisser dans le vide.

    Le nœud le serre. Il se débat quelques minutes. Ses yeux chavirent, l’asphyxie le rend noir, il ouvre la bouche, les veines du cou se gonflent et noircissent. Il lance quatre ou cinq coups de pieds en l’air, dans les dernières convulsions. Puis la bouche s’ouvre et la langue pend, noire et baveuse, les globes oculaires ouverts sortent de la tête en montrant le blanc de l’œil injecté de sang, l’iris disparaît vers le haut. Il est mort.

    Le vent fort qui s’est levé avant l’orage imminent, balance le macabre pendule et le fait tourner comme une hideuse araignée suspendue au fil de sa toile.

    Ainsi finit cette vision. Je ne peux que me souhaiter de l’oublier au plus vite, car je vous assure que c’était horrible.

    605.14 Jésus dit :

    « Horrible, mais pas inutile. Trop de gens croient que Judas a commis un acte de peu d’importance. Certains vont jusqu’à affirmer qu’il a eu un certain mérite, car sans lui la Rédemption n’aurait pas eu lieu, et cela lui vaut d’être justifié devant Dieu.

    En vérité, je vous dis que si l’Enfer n’avait pas déjà existé, et si ses tourments n’avaient pas déjà été parfaits, il aurait été créé pour Judas encore plus horrible et éternel, parce que de tous les pécheurs et de tous les damnés, il est le plus damné et le plus pécheur. Dans toute l’éternité, il n’y aura jamais d’adoucissement de sa condamnation.

    Le remords aurait pu aussi le sauver, s’il avait fait du remords un repentir. Mais il n’a pas voulu se repentir. Au premier crime de trahison, encore pardonnable à cause de ma grande miséricorde — c’est une faiblesse que m’impose mon amour —, il a joint les blasphèmes, les résistances aux voix de la grâce qui voulaient encore lui parler par l’intermédiaire des souvenirs, des terreurs, par l’intermédiaire de mon sang et de mon manteau, par l’intermédiaire de mon regard, des traces de l’institution de l’Eucharistie, des paroles de ma Mère.

    Il a résisté à tout. Il a voulu résister, comme il avait voulu trahir. Comme il a voulu maudire, comme il a voulu se suicider. 605.15 C’est la volonté qui compte, dans le bien comme dans le mal.

    Lorsque quelqu’un tombe sans la volonté de tomber, je pardonne. Regarde Pierre : il m’a renié. Pourquoi ? Lui-même ne le savait pas exactement. Pierre, un lâche? Non, mon Pierre n’était pas un lâche. Contre la cohorte et les gardes du Temple, il avait osé frapper Malchus pour me défendre au risque de sa vie. Ensuite, il s’était enfui, sans avoir la volonté de le faire. Il a renié, sans avoir la volonté de le faire. Plus tard, il saura bien rester fidèle et avancer sur le chemin sanglant de la croix, sur mon chemin, jusqu’à arriver à la mort sur la croix. Il a su par la suite donner de moi un excellent témoignage, au point d’être tué à cause de sa foi intrépide. Je le défends, mon Pierre. Sa défaillance a été la dernière de son humanité, mais sa volonté spirituelle n’était pas présente à ce moment. Elle dormait, émoussée par le poids de son humanité. Quand elle s’éveilla, elle ne voulut pas rester dans le péché et voulut être parfaite. Je lui ai aussitôt pardonné.

    605.16 Judas, lui, n’as pas voulu. Tu dis qu’il paraissait fou et enragé. Il l’était, d’une rage satanique.

    Sa terreur à la vue du chien, animal rare, en particulier à Jérusalem, vient du fait que, depuis un temps immémorial, on attribuait cette forme à Satan pour apparaître aux mortels. Dans les livres de magie, il est encore dit qu’une des formes préférées de Satan pour apparaître est celle d’un chien mystérieux, d’un chat ou d’un bouc. Judas, déjà en proie à la terreur qui lui venait de son crime, convaincu qu’il appartenait désormais à Satan, crut reconnaître Satan sous l’aspect de cette bête errante.

    Une personne coupable voit en tout des ombres de peur. C’est sa conscience qui les crée. Ensuite, Satan excite ces ombres, qui pourraient encore susciter du repentir dans un cœur, et il en fait des larves horribles qui amènent au désespoir. Et le désespoir porte au crime ultime, au suicide.

    A quoi bon jeter le prix de la trahison, quand ce dépouillement n’est que le fruit de la colère et n’est pas fortifié par une volonté droite de repentir ? Dans ce cas, se dépouiller des fruits du mal devient méritoire, mais comme il l’a fait, non. Ce fut un sacrifice inutile.

    605.17 Ma Mère — et c’était la Grâce qui parlait et la Trésorière qui accordait le pardon en mon nom [4] —, lui dit : “ Repens-toi, Judas. Il pardonne… ” Ah ! oui, je lui aurais pardonné ! S’il s’était jeté aux pieds de ma Mère en implorant : “ Pitié ! ”, elle qui est la Mère de miséricorde, elle l’aurait recueilli comme un blessé ; sur ses blessures sataniques par lesquelles l’Ennemi lui avait inoculé le Crime, elle aurait répandu ses larmes salvatrices, puis elle me l’aurait amené au pied de la croix, en le tenant par la main pour que Satan ne puisse le saisir et les disciples le frapper ; elle me l’aurait amené pour que mon sang tombe d’abord sur lui, le plus grand des pécheurs. Et elle se serait trouvée, en Prêtresse [5] admirable sur son autel, entre la pureté et la faute, car, si elle est la Mère des vierges et des saints, elle est aussi la Mère des pécheurs.

    Mais Judas n’a pas voulu. 605.18 Méditez sur le pouvoir de la volonté dont vous êtes les arbitres absolus. C’est elle qui vous ouvre le Ciel ou l’Enfer. Méditez sur ce que veut dire persister dans la faute.

    Le Crucifié se tient les bras ouverts et attachés pour vous dire qu’il vous aime, et qu’il ne veut pas vous frapper, qu’il ne peut vous frapper parce qu’il vous aime et préfère se refuser de pouvoir vous embrasser — son unique douleur dans son état de crucifié —, plutôt que d’avoir la liberté de vous punir. Le Crucifié, objet de divine espérance pour ceux qui se repentent et veulent se détourner de la faute, devient pour les impénitents un objet d’une telle horreur qu’elle les fait blasphémer et user de violence envers eux-mêmes. Ils deviennent meurtriers de leur esprit et de leur corps à cause de leur persistance dans la faute. Et la vue de Celui qui est doux, qui s’est laissé immoler dans l’espoir de les sauver, prend l’apparence d’un spectre horrifiant.

    605.19 Maria, tu t’es plainte de cette vision. Mais c’est le vendredi de la Passion, ma fille. Tu dois souffrir. Aux souffrances que tu endures en raison de mes souffrances et de celles de Marie, tu dois unir tes propres souffrances dues à l’amertume de voir les pécheurs rester dans le même état. Ce fut notre souffrance. Elle doit être la tienne. Marie en a souffert et en souffre encore, comme de mes tortures. Tu dois donc en souffrir toi aussi. Maintenant, repose-toi. Dans trois heures, tu seras toute à moi et à Marie. Je te bénis, violette de ma passion et passiflore de ma Mère. »




[1] L'Ora di Maria Desolata consiste à méditer sept étapes du chemin de douleur de Marie après qu’elle ait vu se renfermer la pierre du tombeau. Maria Valtorta avait une particulière dévotion pour Maria Addolorata (la Vierge des Sep-douleurs) qui était en même temps au cœur de la spiritualité des Servites de Marie.

[2] Il s’agit sans doute de la procession publique du Vendredi-saint.

[3] Il ne tombe pas par terre, parce qu’il ne doit pas se mêler… au sang très pur de l’Innocent, comme cela est expliqué en EMV 603.5, et comme ce sera répété en EMV 639.3. La relation entre Jésus et le sang, qui revêt dans ce chapitre des aspects obsessionnels, est explicitée également en EMV 92.6EMV 361.5 et EMV 496.4.

[4] Qui accordait le pardon, dans le sens et dans la limite précisés en EMV 574.13.

[5] Prêtresse est un titre donné autrefois aux femmes disciples, et illustré en EMV 95.6EMV 151.3EMV 153.3EMV 157.2.5EMV 262.9EMV 307.2.   
C’est dans le même sens, mais de manière plus large, qu’il faut l’entendre quand il s’applique à Marie : en EMV 610.11 elle se définit comme “Prêtresse” en vertu de sa propre maternité, et en EMV 618.5 elle est proclamée par Jésus “Reine du Sacerdoce” (du sacerdoce commun des fidèles, comme cela sera précisé en EMV 606.15).




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-024.htm
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-025.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/desespoir-et-suicide-de-judas.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 25 Juin - 22:45

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

606. Jésus et Marie sont l’antithèse d’Adam et Ève. Judas est le nouveau Caïn. La véritable évolution de l'homme est d'ordre spirituel

Ancienne édition : Tome 9, chapitre 26
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 606

Vision du 2 avril 1944. Dimanche des Rameaux.


        606.1 Jésus dit :

    « Le couple Jésus-Marie est l’antithèse du couple Adam-Eve. C’est lui qui est chargé d’annuler la faute d’Adam et Eve et de ramener l’humanité à son état initial de la Création : riche en grâce, riche de tous les dons que le Créateur lui a prodigués. L’humanité a subi une régénération totale grâce au couple de Jésus et Marie, qui sont ainsi devenus les nouveaux parents de l’humanité. Tout ce qui précède est effacé. Le temps et l’histoire de l’homme se comptent à partir du moment où la nouvelle Eve, par un renversement de la création, tire de son sein inviolé le nouvel Adam, par l’opération du Seigneur Dieu.

    Mais pour annuler les œuvres des deux premiers parents, cause de mortelles infirmités, d’une perpétuelle mutilation, d’appauvrissement et, plus encore, d’indigence spirituelle — en effet, après le péché, Adam et Eve furent dépouillés de la richesse infinie que le Père leur avait donnée —, le nouvel Adam et la nouvelle Eve durent agir en tout et pour tout d’une manière opposée à celle des deux premiers. Il leur fallut amener l’obéissance à la perfection qui s’anéantit et s’immole dans la chair, dans les sentiments, dans la pensée, dans la volonté pour accepter tout ce que Dieu veut. Ils durent aussi élever la pureté à une chasteté absolue par laquelle la chair… mais que fut la chair pour nous, les deux êtres purs ? Un voile d’eau sur l’esprit triomphant, une caresse de vent sur l’esprit roi, du cristal qui isole l’esprit-seigneur sans le corrompre, un élan qui soulève et non un poids qui accable. Voilà ce que fut la chair pour nous. Elle nous fut moins lourde et moins sensible qu’un vêtement de lin, une substance légère interposée entre le monde et la splendeur du moi surnaturel, un moyen pour faire ce que Dieu voulait. Rien d’autre.

    606.2 Avons-nous connu l’amour ? Certainement. Mais c’est le “ parfait amour ” que nous avons connu. En revanche, l’appétit des sens qui vous pousse à vous rassasier avidement d’une chair n’est pas de l’amour, c’est de la luxure, rien de plus. C’est tellement vrai qu’en vous aimant ainsi — vous croyez que c’est de l’amour —, vous ne savez pas avoir de l’indulgence, vous aider, vous pardonner. Qu’est-ce alors que votre amour ? C’est de la haine. C’est uniquement un désir paranoïaque qui vous pousse à préférer la saveur d’un aliment faisandé à la nourriture saine, fortifiante des nobles sentiments.

    Nous, nous connaissions le “ parfait amour ”, nous qui étions parfaitement chastes. Cet amour embrassait Dieu au Ciel et était uni à lui, comme le sont les branches au tronc qui les nourrit ; il s’épanchait et descendait en prodiguant le repos, l’abri, la nourriture, le confort sur la terre à ses habitants. Un tel amour n’excluait aucun de nos semblables, ni les êtres inférieurs, ni la nature végétale, ni les eaux et les astres. Les mauvais eux-mêmes n’en étaient pas exclus. Eux aussi, en effet, bien que membres morts, étaient pourtant membres du grand corps de la Création et nous reconnaissions en eux, quoique défigurée et souillée par leurs fautes, la sainte figure du Seigneur qui les avait formés à son image et à sa ressemblance.

    Nous aimions, en nous réjouissant avec les bons, en pleurant sur ceux qui ne l’étaient pas, en priant pour les bons — c’est là le signe d’un amour actif qui s’extériorise en demandant et en obtenant la protection pour ceux qu’on aime — afin qu’ils s’améliorent et s’approchent toujours davantage de la perfection du Bon qui nous aime du haut des Cieux, en priant pour ceux qui vacillent entre la bonté et la méchanceté pour qu’ils se fortifient et sachent demeurer sur le droit chemin, en priant pour les mauvais, pour que le Bien parle à leurs esprits, les abatte peut-être par la foudre de sa puissance, mais les convertisse au Seigneur leur Dieu. Nous aimions comme personne n’a jamais aimé.

    Nous poussions l’amour aux sommets de la perfection pour combler, par notre océan d’amour, l’abîme creusé par le manque d’amour d’Adam et Eve, qui s’aimèrent eux-mêmes plus que Dieu, en voulant obtenir plus qu’il ne leur était permis pour devenir supérieurs à Dieu. 606.3 Par conséquent nous devions unir une pratique constante de tout ce qui était à l'opposé de la manière d’agir du couple d’Adam et Eve en matière de pureté, d’obéissance, de charité, de détachement de toutes les richesses de la terre : chair, puissance, argent, autrement dit le trinôme de Satan opposé au trinôme de Dieu : foi, espérance, charité. Il nous a fallu de même prendre le contre-pied de la haine, de la luxure, de la colère, de l’orgueil, ces quatre passions perverses opposées aux quatre vertus saintes : force, tempérance, justice et prudence.

    Et si notre bonne volonté sans limite nous aida grandement, l’Eternel seul sait à quel point il fut héroïque d’accomplir cette pratique, à certains moments et dans certains cas. Je désire ici n’en citer qu’un, et qui se rapporte à ma Mère, pas à moi. La nouvelle Eve avait repoussé dès ses plus tendres années les flatteries employées par Satan pour l’exhorter à mordre le fruit et en goûter la saveur qui avait rendue folle la compagne d’Adam ; elle ne s’est pas bornée à repousser Satan, elle l’a vaincu par une volonté d’obéissance, d’amour, de chasteté, tellement profonde que le Maudit en a été écrasé et dompté. Que Satan ne relève pas la tête sous le talon de la Vierge, ma Mère ! Il bave et écume, rugit et blasphème. Mais sa bave coule vers le sol, son hurlement ne touche pas l’atmosphère qui entoure Marie ; celle-ci ne sent pas la puanteur et n’entend pas ses éclats de rire démoniaques, elle ne voit pas même la bave répugnante du Serpent éternel parce que les harmonies et les parfums célestes dansent avec amour autour de sa belle et sainte personne et parce que son œil, plus pur que le lys et plus aimant que celui de la tourterelle, a les yeux fixés uniquement sur son Seigneur éternel dont elle est la fille, l’Epouse et la Mère.

    606.4 Lorsque Caïn tua Abel, sa mère proféra les malédictions que son esprit, séparé de Dieu, lui suggérait contre son prochain le plus intime : le fruit de ses entrailles profanées par Satan et souillées par un désir indécent. Or cette malédiction fut la tache dans le royaume du moral humain, tout comme le crime de Caïn fut la tache dans le royaume de l’animal humain. Le sang coula sur la terre, répandu par la main d’un frère. Ce premier sang attire comme un aimant millénaire tout le sang qu’une main d’homme répand en le tirant des veines de l’homme. Malédiction sur la terre proférée par une bouche humaine — comme si la terre n’avait pas été suffisamment maudite à cause de l’homme révolté contre son Dieu… déjà —, elle connaissait les ronces et les épines, la dureté du sol, la sécheresse, la grêle, le gel, la canicule, elle qui avait été créée parfaite et servie par des éléments parfaits pour être une belle demeure attrayante pour l’homme, son roi.

    Marie doit effacer Eve. Or Marie voit le second Caïn : Judas. Elle sait qu’il est le Caïn de son Jésus, le second Abel. Elle sait que le sang de ce second Abel a été vendu par ce Caïn, et que déjà il est répandu. Mais elle ne maudit pas, elle aime et pardonne. Elle aime et rappelle.

    Oh ! Maternité de Marie, la femme martyre ! Maternité sublime autant que ta maternité virginale et divine ! De cette dernière, c’est Dieu qui t’a fait don. Mais de la première, toi, Mère sainte, Corédemptrice, tu t’es fait don toi-même, car toi seule as su en cette heure, alors que tu sentais déjà ton cœur brisé par la flagellation qui m’avait brisé la chair, dire ces mots à Judas. Toi seule as su en cette heure, alors que tu sentais déjà la croix te briser le cœur, aimer et pardonner.

    606.5 Marie est la nouvelle Eve. Elle vous enseigne la nouvelle religion qui pousse l’amour à pardonner au meurtrier d’un fils. N’imitez pas Judas, qui ferme son cœur à cette maîtresse de grâce et désespère en disant : “ Il ne peut me pardonner. ” Il doute des paroles de la Mère de la Vérité et par conséquent de mes paroles, qui n’avaient cessé de répéter que j’étais venu pour sauver et non pour perdre, pour pardonner à ceux qui viennent à moi en se repentant.

    Marie, la nouvelle Eve, a reçu de Dieu un nouveau fils “ à la place d’Abel tué par Caïn ”. Mais cela ne s’est pas passé en un moment de plaisir animal qui assoupit la douleur sous les vapeurs de la sensualité et la lassitude de l’assouvissement. Elle l’a reçu à l’heure de la plus grande souffrance, au pied d’un gibet, au milieu des râles de son Fils mourant, des insultes d’une foule déicide et d’une désolation imméritée et totale puisque même Dieu ne la consolait plus.

    Une vie nouvelle commence pour l’humanité et pour tout homme par Marie. Ses vertus et sa manière de vivre doivent être votre école. Sa douleur, qui a pris tous les visages, même celui du pardon au meurtrier de son Fils, est votre salut. »

    606.6 Jésus dit :

    « Un jour je te parlerai encore de Caïn ainsi que d’Adam et Eve. Il y a beaucoup à dire et à méditer. »

    Le 5 avril 1944 (mercredi saint)

    606.7 Jésus dit :

    « Il est écrit dans la Genèse : “ Alors Adam donna à sa femme le nom d’Eve parce qu’elle était la mère de tous les vivants. ” [1]

    Oui : la femme était née de la “ Virago ” [2] formée par Dieu pour être la compagne d’Adam, en la tirant de la côte de l’homme. Elle était née, avec le destin douloureux qui l’attendait, parce qu’elle avait voulu naître. Elle avait voulu connaître ce que Dieu lui avait caché, en se réservant le plaisir de lui donner la joie de la postérité sans avilir ses sens. La compagne d’Adam avait voulu connaître le bien qui se cache dans le mal et surtout le mal qui se cache dans le bien, sous l’apparence du bien. Séduite par Lucifer, elle avait en effet désiré des connaissances que Dieu seul pouvait avoir sans danger, et elle s’était faite créatrice. Mais comme elle a utilisé indignement cette force de bien, elle l’a corrompue et en a fait un acte mauvais, puisqu’il était désobéissance à Dieu, malice et avidité de la chair.

    Désormais elle était la “ mère ”. Lamentation infinie de la création sur l’innocence profanée de leur reine ! Et lamentation désolée de la reine sur cette profanation dont elle comprend l’importance et l’impossible effacement ! Si les ténèbres et des cataclysmes accompagnèrent la mort de l’Innocent, les ténèbres et la tempête accompagnèrent la mort de l’innocence et de la grâce dans les cœurs des premiers parents. La souffrance était apparue sur la terre. Mais la providence de Dieu n’a pas voulu qu’elle soit éternelle et, après des années de douleur, il vous a donné la joie d’en être délivrés pour entrer dans la joie si vous savez vivre avec une âme droite.

    Malheur à l’homme s’il avait dû se rendre maître humainement de la vie et vivre avec le souvenir de ses crimes et de leur continuel accroissement ! Car vivre sans pécher vous est plus impossible que de vivre sans respirer, ô créatures qui aviez été créées pour connaître la Lumière et que les Ténèbres ont empoisonnées en faisant de vous ses victimes.

    Les Ténèbres ! Elles vous entourent continuellement. Elles vous enveloppent en réveillant ce que le baptême a effacé et, puisque vous ne leur opposez pas la volonté d’appartenir à Dieu, elles réussissent à vous empoisonner de nouveau de leur venin que le sacrement avait rendu inoffensif.

    606.8 Dieu le Père éloigna l’homme, dont les signes de désobéissance étaient manifestes, du lieu des délices paradisiaques afin qu’il ne pèche pas une autre fois, et davantage encore en levant une main avide vers l’arbre de vie. Le Père ne pouvait plus se fier à ses enfants, ni se sentir sûr dans son Paradis terrestre. Satan y avait pénétré une fois pour tromper ses créatures privilégiées et, s’il avait pu les amener à la faute quand ils étaient innocents, il aurait pu recommencer, d’autant plus aisément maintenant qu’ils ne l’étaient plus.

    L’homme avait voulu tout posséder sans laisser à Dieu le trésor d’être le Générateur. Qu’il s’en aille par conséquent avec la richesse qu’il avait acquise par la violence et l’emmène sur sa terre d’exil pour lui rappeler toujours son péché, tel un roi avili et dépouillé de ses dons. La créature paradisiaque était devenue une créature terrestre. Et il devait se passer des siècles de souffrances pour que le Seul qui pouvait tendre la main au fruit de vie, vienne et cueille ce fruit pour toute l’humanité. C’est ce qu’il fit par ses mains transpercées et il le donna aux hommes pour qu’ils redeviennent cohéritiers du Ciel et possesseurs de la vie qui ne meurt jamais.

    606.9 La Genèse poursuit : “ Adam connut ensuite sa femme Eve. ” [3]

    Ils avaient voulu connaître les secrets du bien et du mal. Il était juste qu’ils connaissent aussi la douleur de devoir se reproduire eux-mêmes dans la chair. L’aide directe de Dieu se borna à ce que l’homme ne peut créer : l’âme, cette étincelle qui part de Dieu, ce souffle que Dieu nous infuse, le sceau qui appose sur la chair le signe du Créateur éternel. Et Eve enfanta Caïn.

    J’attire ici votre attention sur un fait qui échappe à la plupart : Eve était chargée de sa faute. La souffrance n’avait pas encore atteint une mesure suffisante pour diminuer sa faute. Comme un organisme chargé de toxines, elle avait transmis à son fils ce qui pullulait en elle. Et Caïn, son premier fils, était né dur, envieux, irascible, luxurieux, pervers, guère différent des fauves pour ce qui est de l’instinct, de beaucoup supérieur sur le plan surnaturel, même si, dans son moi féroce, il refusait le respect dû à Dieu, qu’il considérait comme un ennemi, de sorte qu’il se croyait permis de ne pas lui rendre de culte sincère. Satan le poussait à se moquer de Dieu. Or qui se moque de Dieu ne respecte personne au monde. C’est pourquoi les personnes en contact avec ceux qui se rient de l’Eternel connaissent l’amertume des larmes : ils ne peuvent espérer une marque d’amour respectueux de la part leurs enfants, ils n’ont aucune assurance de la fidélité de leur conjoint, ils ne peuvent croire avec certitude à l’amitié honnête de leur ami.

    Des flots de larmes baignèrent le visage et le cœur d’Eve à cause de la dureté de son fils, faisant naître dans son cœur le germe du repentir. Ces larmes lui obtinrent une diminution de faute, car Dieu pardonne à la douleur de celui qui se repent. Et le fils cadet d’Eve eut l’âme lavée dans les pleurs de sa mère, de sorte qu’il fut doux et respectueux envers ses parents et dévoué à son Seigneur dont il sentait la toute-puissance rayonner des Cieux. Il faisait la joie de sa mère déchue.

    Mais le chemin de souffrance d’Eve devait être long, en proportion de son chemin dans l’expérience du péché. Dans ce dernier, frémissement des sens ; dans l’autre, frémissement des douleurs. Dans l’un, les baisers ; dans l’autre, le sang. De l’un, un fils ; de l’autre, la mort d’un fils, celui qu’elle préférait en raison de sa bonté. Abel devint un instrument de purification pour la coupable. Mais quelle douloureuse purification ! Elle emplit de ses cris de douleur la terre horrifiée par le fratricide et mêla les larmes d’une mère au sang d’un fils, alors que celui qui l’avait répandu par haine de Dieu et de son frère aimé de Dieu fuyait, poursuivi par son remords.

    606.10 Le Seigneur dit à Caïn : “ Pourquoi es-tu irrité ? ” Si tu me causes du tort, pourquoi me reprocher de ne pas te regarder avec bienveillance ? [4]

    Combien de Caïn il y a sur la terre ! Ils me rendent un culte dérisoire et hypocrite — même aucun —, et ils voudraient que je les regarde avec amour et que je les comble de félicité !

    Dieu est votre Roi, pas votre serviteur. Dieu est votre Père, mais un père n’est jamais un serviteur si on juge selon la justice. Dieu est juste. Vous ne l’êtes pas, mais lui l’est. Lui qui vous comble démesurément de ses bienfaits si seulement vous l’aimez un peu, il lui est impossible de ne pas vous châtier, puisque vous le méprisez à ce point. La Justice ne connaît pas deux chemins. Unique est son chemin. Vous obtenez en fonction de vos actes. Si vous êtes bons, vous recevez du bien ; si vous êtes mauvais, vous avez le mal. Et, soyez-en sûrs, le bien qui vous est donné est toujours plus grand que le mal que vous mériteriez à cause de votre manière de vivre en révolte contre la Loi divine.

    606.11 Dieu a dit : “ N’est-il pas vrai que si tu fais le bien tu auras le bien, et si tu fais le mal le péché sera à ta porte ? ” [5] En fait, le bien porte à une constante élévation spirituelle et rend toujours plus capable d’accomplir un bien plus grand, jusqu’à atteindre la perfection et devenir saint. En revanche, il suffit de céder au mal pour se dégrader et s’éloigner de la perfection, connaître la domination du péché qui entre dans le cœur et le fait descendre graduellement vers une culpabilité croissante.

    Dieu dit encore : “ Le péché est à l’affût, mais tu dois le dominer. ” Oui : Dieu ne vous a pas faits esclaves du péché. Les passions doivent vous être inférieures. Dieu vous a donné l’intelligence et la force pour vous maîtriser. Même aux premiers hommes, frappés par la rigueur de Dieu, il a laissé l’intelligence et la force morale. Et aujourd’hui que le Rédempteur a consommé pour vous le Sacrifice, vous disposez, pour soutenir votre intelligence et votre force, des fleuves de la grâce, de sorte que vous pouvez et devez dominer tout désir de mal, en vous servant de votre volonté fortifiée par la grâce. Voilà pourquoi les anges à ma naissance ont chanté à la terre : “ Paix aux hommes de bonne volonté. ” J’étais venu pour vous ramener la grâce et, par son alliance avec votre bonne volonté, la paix serait venue aux hommes, cette paix qui est la gloire du Ciel de Dieu.

    606.12 “ Alors Caïn dit à son frère : ‘ Sortons. ’ ” [6] Voilà un mensonge qui cache sous un sourire une trahison criminelle. La délinquance est toujours mensongère, envers ses victimes et envers le monde qu’elle cherche à tromper. Elle voudrait même tromper Dieu, mais Dieu lit dans les cœurs.

    “ Sortons. ” Bien des siècles plus tard, quelqu’un a dit : “ Salut, Maître ” et lui a donné un baiser. Les deux Caïn ont caché leur crime sous une apparence inoffensive et ont épanché leur envie, leur colère, leur violence et tous leurs mauvais instincts sur la victime, parce qu’ils ne s’étaient pas dominés eux-mêmes, mais avaient rendu leur esprit esclave de leur personnalité corrompue.

    Eve monte dans l’expiation. Caïn descend vers l’enfer. Le désespoir le saisit et l’y précipite. Et avec le désespoir, dernier coup mortel asséné à l’âme déjà affaiblie par son crime, vient la peur physique, lâche, de la punition humaine. Sans plus aucun souvenir du Ciel, l’homme dont l’âme est morte devient un animal qui tremble pour sa vie animale. La mort dont l’aspect est sourire pour les justes, puisque par elle ils entrent dans la joie de la possession de Dieu, fait la terreur de ceux qui savent que mourir veut dire passer de l’enfer du cœur à l’Enfer de Satan pour toujours. Et, comme hallucinés, ils voient partout la vengeance prête à les frapper.

    606.13 Mais je m’adresse aux justes : sachez que si le remords et les ténèbres d’un cœur coupable permettent et fomentent les hallucinations du pécheur, il n’est permis à personne de s’ériger en juge pour un frère, et encore moins en justicier. Un seul est Juge : Dieu. Si la justice de l’homme a créé ses tribunaux, et il faut leur confier le soin de rendre la justice, malheur à ceux qui profanent ce nom et jugent en fonction de leurs passions personnelles, ou sous la pression des puissances humaines.

    Malédiction à l’homme qui se fait le justicier privé de l’un de ses semblables ! Mais malédiction encore plus grande à ceux qui, sans même l’excuse d’être sous l’influence d’une indignation impulsive, mais par froid calcul humain, envoient à la mort ou au déshonneur de la prison sans juste raison. Le Seigneur a promis à Caïn que, s’il était tué, il serait vengé sept fois. Donc celui qui condamne injustement par asservissement à Satan, en qualité de puissance humaine, sera frappé soixante-dix-sept fois par la rigueur de Dieu.

    Gardez cela à l’esprit, en particulier à cette époque, ô hommes qui vous entretuez pour faire de ceux qui sont tombés la base de votre triomphe, sans savoir que vous creusez sous vos pieds la trappe où vous serez précipités, maudits par Dieu et par les hommes. Car j’ai dit : “ Tu ne tueras pas. ”

    606.14 Eve monte sur son chemin d’expiation. Le repentir grandit en elle devant les épreuves de son péché. Elle voulait connaître le bien et le mal. Le souvenir du bien perdu est pour elle comme le souvenir du soleil subitement obscurci ; et le mal se trouve devant elle, dans la dépouille de son fils tué, et autour d’elle à cause du vide laissé par son fils meurtrier et fugitif. Alors Seth naquit : il engendra Enos [7], le premier prêtre.

    Vous vous gonflez l’esprit des fleuves de votre science, et vous parlez d’évolution comme d’un signe de votre génération spontanée. Vous dites que l’homme-animal évoluera jusqu’à devenir un surhomme. Oui, c’est vrai, mais à ma manière, dans mon camp, pas dans le vôtre. Non pas en passant du sort de quadrumanes à celui d’hommes, mais en passant de celui d’hommes à celui d’esprits. Plus l’esprit grandira, plus vous évoluerez.

    Vous parlez de glandes et en avez plein la bouche quand vous traitez d’hypophyse ou de glande pinéale, vous mettez en elles le siège de la vie, comprise non pas dans le sens du temps où vous vivez, mais dans les temps qui ont précédé et qui succéderont à votre vie actuelle ; sachez que votre vraie glande, celle qui fait de vous les possesseurs de la vie éternelle, c’est votre esprit. Plus elle sera développée, plus vous posséderez les lumières divines et évoluerez de la condition d’hommes à celle de dieux immortels. Vous obtiendrez ainsi, sans contrevenir au désir de Dieu, à son commandement au sujet de l’arbre de vie, de posséder cette vie comme Dieu veut que vous en jouissiez, puisqu’il l’a créée pour vous, sans fin et resplendissante, pour être une étreinte béatifique avec son éternité qui vous absorbe en elle-même et vous communique ses propriétés.

    606.15 Plus votre esprit sera évolué, plus vous connaîtrez Dieu. Connaître Dieu veut dire l’aimer, le servir et être ainsi capables de l’invoquer pour soi et pour les autres. Vous deviendrez par conséquent les prêtres qui, de la terre, prient pour leurs frères. Car qui est prêtre ? L’homme ordonné bien sûr, mais le croyant convaincu, fidèle et plein d’amour l’est aussi. Plus encore, l’âme victime qui s’immole par charité, est sacerdotale.

    Ce n’est pas l’habit que Dieu prend en considération, mais l’âme. A mes yeux, beaucoup de tonsurés n’ont de sacerdotal que la tonsure ; en revanche, beaucoup de laïcs font preuve d’une charité qui les consume tant, qu’elle en devient une huile d’ordination qui fait d’eux mes prêtres, inconnus du monde mais connus de moi, et je les bénis.»




[1] Genèse 3.20.

[2] Virago est pris ici dans le sens de "égal de l'homme" et non au sens péjoratif de "qui a la manière et l'allure d'un homme"

[3] Genèse 4,1.

[4] Genèse 4,6.

[5] Proverbes 9,10-18.

[6] Genèse 4,8.

[7] Seth et Énoch.




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-026.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/la-veritable-evolution-de-l-homme-est-d-ordre-spirituel.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 26 Juin - 21:24

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

607. Jean va chercher Marie.

Ancienne édition : Tome 9, chapitre 27
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 607

Vendredi 5 avril 30
Jérusalem


Vision du vendredi 7 avril 1944, à 10 h 30
(Vendredi saint comme indique dans le texte).


    607.1. À 10,30 du Vendredi (7-1-44). Celui qui m’avertit intérieurement me révèle que c’est à cette heure que Jean alla trouver Marie.

    Je vois le disciple bien-aimé encore plus pâle que lorsqu’il se tenait dans la cour de Caïphe avec Pierre. Peut-être était-ce dû à la lueur du feu qui lui donnait un reflet de chaleur aux joues. Toujours est-il qu’il me paraît décharné et exsangue comme après une maladie grave. Son visage se détache sur sa tunique lilas comme celui d’un noyé, tant il est livide. Ses yeux aussi sont obscurcis, ses cheveux mats et dépeignés, la barbe qui a poussé pendant ces heures lui met un voile clair sur les joues et le menton et, comme il est blond, cela le fait paraître d’autant plus pâle. Il n’a plus rien du doux, du joyeux Jean, ni du Jean indigné qui, un peu plus tôt, s’est difficilement retenu de malmener Judas.

    Il frappe à la porte de la maison et, comme si de l’intérieur quelqu’un, par peur de se retrouver en face de Judas, lui demandait qui frappe, il répond : “ C’est moi, Jean. ” La porte s’ouvre et il entre.

    Lui aussi va aussitôt au Cénacle sans même répondre à la gardienne qui lui demande : « Mais que se passe-t-il en ville ? »

    Il s’y enferme, tombe à genoux contre le siège sur lequel se trouvait Jésus, et il pleure en l’appelant douloureusement. Il baise la nappe à l’endroit où le Maître tenait ses mains jointes, caresse la coupe qui était entre ses doigts… Puis il dit :

    « Oh ! Dieu très-haut, aide-moi ! Aide-moi à le dire à Marie ! Je n’en ai pas le courage !… Et pourtant je dois le faire. C’est moi qui dois le dire, puisque je suis resté seul ! »

    Il se lève et réfléchit. Il passe encore la main sur la coupe pour tirer de la force de cet objet touché par le Maître. Il regarde autour de lui… Il voit, dans le coin où Jésus l’a posé, le purificatoire dont le Maître s’est servi pour s’essuyer les mains après le lavement des pieds et l’autre dont il s’était ceint la taille. Il les prend, les plie, les caresse et les embrasse.

    Il reste encore, debout, au milieu de la pièce vide, l’air perplexe. Puis il dit : “ Allons ! ”… mais ne se dirige pas vers la porte. Il revient au contraire à la table, prend la coupe et le pain entamé par Jésus pour en couper une bouchée, la tremper dans le vin, et la donner à Judas. Il les baise, les prend avec les deux purificatoires, et les tient serrés sur son cœur comme une relique. Il répète : “ Allons ! ” et soupire. Il marche vers le petit escalier et le monte, le dos courbé, d’un pas hésitant et traînant. Il ouvre, sort.

    607.2 « Jean, tu es venu ? »

    Marie est réapparue à la porte de sa chambre, s’appuyant à l’huisserie comme si elle n’avait pas la force de rester debout toute seule.

    Jean lève la tête et la regarde. Il voudrait parler et ouvre la bouche, mais il n’y arrive pas. Deux grosses larmes roulent sur ses joues. Il baisse la tête, honteux de sa faiblesse.

    « Viens ici, Jean, ne pleure pas. Toi, tu ne dois pas pleurer. Tu l’as toujours aimé et rendu heureux. Que cela te réconforte. »

    Ces paroles ouvrent à Jean les digues de ses larmes. Il sanglote si fort et si bruyamment qu’il fait arriver la gardienne, Marie-Madeleine, la femme de Zébédée et les autres…

    « Viens chez moi, Jean. »

    Marie se détache de l’huisserie, elle prend par le poignet le disciple et l’entraîne dans sa chambre comme s’il était un enfant ; elle ferme la porte doucement pour rester seule avec lui.

    Jean reste sans réaction. Mais quand il sent se poser sur sa tête la main tremblante de Marie, il tombe à genoux et dépose sur le sol les objets qu’il gardait serrés contre son cœur. Le tête contre le sol, tenant un pan du vêtement de Marie appuyé sur son visage convulsé, il sanglote :

    « Pardon ! Pardon ! Mère, pardon ! »

    Marie, debout et angoissée, une main sur le cœur, l’autre qui pend le long du corps, lui dit d’une voix déchirante :

    « Que dois-je te pardonner à toi, mon pauvre enfant ? Quoi ? A toi ! »

    Jean lève la tête et se montre tel qu’il est, sans plus aucune trace d’orgueil masculin : c’est le visage d’un pauvre marmot en pleurs. Il crie :

    « De l’avoir abandonné ! De m’être enfui ! De ne pas l’avoir défendu ! Oh ! mon Maître ! Maître, pardon ! J’aurais dû mourir avant de te quitter ! Mère, Mère, qui m’enlèvera désormais ce remords ?

    – Paix, Jean. Jésus te pardonne, il t’a déjà pardonné. Il n’a jamais tenu compte de ta défaillance. Il t’aime. »

    Marie parle avec des pauses entre ses courtes phrases, comme si elle était essoufflée, en gardant une main sur la tête de Jean et une sur son pauvre cœur que l’angoisse fait palpiter.

    « Mais je n’ai pas su le comprendre, pas même hier soir… et j’ai dormi alors qu’il nous demander de veiller pour le réconforter. Je l’ai laissé seul, mon Jésus ! Et puis je me suis enfui quand ce maudit est venu avec ses brigands…

    – Jean, ne maudis pas. Ne hais pas, Jean. Laisse le Père rendre son jugement. 607.3 Dis-moi : où est-il maintenant ? »

    Jean tombe de nouveau face contre terre en redoublant de larmes.

    « Réponds, Jean. Où est mon Fils ?

    – Mère… je… Mère, il est… Mère…

    – Il est condamné, je le sais. Je te demande où il est en ce moment.

    – J’ai fait tout mon possible pour qu’il me voie… J’ai cherché à recourir aux puissants pour obtenir de la pitié, pour qu’il souffre moins…. Ils ne lui ont pas fait beaucoup de mal…

    – Ne mens pas, Jean. Pas même par pitié pour une mère. Tu n’y parviendrais pas et ce serait inutile. Je sais. Depuis hier soir, je l’ai suivi dans sa douleur. Tu ne le vois pas, mais mon corps est meurtri par sa flagellation, sur mon front se trouvent les épines, j’ai senti les coups… tout. Mais maintenant… je ne vois plus. Maintenant, j’ignore où se trouve mon Fils condamné à la croix !… à la croix !… à la croix !… Oh ! Dieu, donne-moi la force ! Il doit me voir. Je ne dois pas sentir ma douleur tant que lui sent la sienne. Ensuite, quand tout sera… fini, fais-moi mourir alors, mon Dieu, si tu veux. Mais pas maintenant. Il faut qu’il me voie. 607.4 Allons, Jean. Où est Jésus ?

    – Il est parti de la maison de Pilate. Cette clameur, c’est la foule qui crie autour de lui, lié sur les marches du Prétoire, attendant la croix ou marchant déjà vers le Golgotha.

    – Avertis ta mère, Jean, et les autres femmes. Et allons. Prends cette coupe, ce pain, ces linges… Pose-les ici. Ils seront pour nous un réconfort… plus tard… et partons. »

    Jean ramasse les objets laissés par terre et sort pour appeler les femmes. Marie l’attend en passant sur son visage les linges, comme pour y trouver la caresse de la main de son Fils ; elle embrasse la coupe et le pain et dépose le tout sur une étagère. Puis elle s'enveloppe dans son manteau, qu’elle rabat sur ses yeux, par dessus le voile qui lui recouvre la tête et l’enroule à son cou. Elle ne pleure pas, mais elle tremble. On dirait que l’air lui manque, tant elle halète, bouche ouverte. Jean rentre, suivi des femmes en larmes.

    « Mes filles, taisez-vous ! Aidez-moi à ne pas pleurer ! Allons. »

    Et elle s’appuie à Jean, qui la conduit et la soutient comme si elle était aveugle.

    La vision cesse ainsi.

La vision cesse ainsi. Il est 12,30 c'est-à-dire 11,30 de l'heure solaire.

Le texte ci-dessous faisait partie de l’ancienne édition de 1985, mais il ne fait plus partie de celle de 2017. Il est en effet intégré dans les Cahiers de 1944 à la date du 7 avril.   

Ensuite, de 13 à 16 heures (heure solaire), je suis restée abattue, non pas assoupie, mais dans un épuisement si intense que je ne pouvais ni parler, ni bouger, ni ouvrir les yeux. Je pouvais seulement souffrir, et sans rien voir bien que dans ma souffrance je méditais continuellement l'agonie de Jésus. À l'improviste, à 16 heures, j'ai vu, pendant que je pensais à ses mains clouées, j'ai vu mourir Jésus. Unique chose : mourir. Tourner la tête de gauche à droite dans une ultime contraction, pousser un dernier soupir profond, remuer la bouche dans une tentative de parole changée, par l'impossibilité de la prononcer, en une lamentation profonde qui finit en un gémissement à cause de la mort qui arrête la voix et demeurer ainsi, avec les yeux qui se ferment et la bouche qui reste à moitié ouverte, pendant un instant avec la tête encore droite, raide sur le cou comme pour un spasme convulsif intérieur, et puis retombant en avant mais à droite. Rien d'autre.        

Après j'ai repris un peu de force, mais bien peu jusqu'à 19 heures, heure solaire, et puis de nouveau dans un assoupissement terrible jusqu'après minuit. Mais je n'ai aucun réconfort de vision. Je suis seule, moi aussi comme Marie après la sépulture. Pas de vision et pas de parole, et j'en souffre tellement. Pour me consoler un petit peu, je décris comme je voyais bien Jésus hier soir quand s'illustrait de nouveau pour moi l'adieu à Marie avant la Cène.      

Jésus était déjà à genoux aux pieds de la Mère et la tenait embrassée à la taille en posant la tête sur ses genoux et la levant alternativement pour la regarder. La lumière d'une lampe à trois becs, posée sur le coin de la table près du siège de Marie, donnait en plein sur le visage de mon Jésus. La Mère, au contraire, restait davantage dans l'ombre car la lumière était derrière elle, mais Jésus était bien éclairé.  

Et je me perdais dans la contemplation de son visage en observant les plus petits détails. Et je le répète une fois encore. Les cheveux séparés au milieu de la tête et retombant en longues mèches sur les épaules, frisés sur la longueur d'une palme, puis se terminant en vraies boucles. Luisants, fins, bien peignés, d'une couleur blond vif qui, surtout à l'extrémité des boucles, a une franche tonalité de cuivre. Un front très haut, très beau, lisse, des tempes légèrement creusées sur lesquelles les veines azurines mettent une ombre légère d'indigo qui transparaît sous la peau très blanche, de ce blanc particulier de certains individus aux cheveux rouges blonds : un blanc de lait d'une nuance qui tend quelque peu vers l'ivoire mais avec une trace d'azurin, une peau très délicate qui semble celle d'un pétale de camélia blanc, si fine que transparaît la plus légère veine et si sensible que toute émotion s'y exprime par une pâleur plus intense ou un rouge plus vif.      

Mais Jésus je l'ai toujours vu pâle, à peine coloré par le soleil en le prenant n'importe quand pendant ses déplacements en Palestine. Marie, au contraire, est plus blanche car elle a vécu plus retirée à la maison et son blanc est plus rosé. Jésus est d'un blanc d'ivoire avec des reflets d'azurin. Le nez est long et droit, légèrement courbé vers les yeux, un très beau nez fin et bien modelé. Les yeux profonds, très beaux, de la couleur que j'ai tant de fois décrite de saphir très foncé. Des sourcils et des cils fournis, mais pas trop, longs, beaux, clairs, châtain foncé mais avec une étincelle d'or au bout de chaque poil. Ceux de Marie sont au contraire d'un châtain très clair, plus fins et moins épais. Peut-être ils paraissent tels parce qu'ils sont tellement plus clairs, si clairs qu'ils sont presque blonds. Jésus a la bouche régulière, plutôt petite, bien dessinée, très semblable à celle de la Mère, avec des lèvres de grosseur convenable, pas trop fines pour ne pas paraître serpentines, ni trop saillantes. Au milieu, elles sont rondes et forment une belle courbe; les extrémités disparaissent presque en faisant paraître plus petite qu'elle ne l'est la bouche très belle, d'un rouge sain qui s'ouvre sur une dentition régulière, forte, aux dents plutôt longues et très blanches. Celles de Marie sont au contraire petites, mais régulières et également rangées.    

Les joues sont maigres, mais pas décharnées. L'ovale est très étroit et allongé mais très beau, avec des pommettes ni trop saillantes ni trop fuyantes. La barbe, épaisse sur le menton et qui se sépare en deux pointes crépues, entoure, sans la couvrir, la bouche jusqu'à la lèvre inférieure et monte, de plus en plus courte, vers les joues où, à la hauteur des coins de la bouche, elle devient extrêmement courte se bornant à mettre une ombre rappelant la poussière de cuivre sur la pâleur des joues. Là où elle est épaisse, elle est d'une couleur de cuivre foncé : un blond rouge foncé. Et de même les moustaches ne sont pas trop épaisses et tenues courtes, de façon à couvrir à peine la lèvre supérieure entre le nez et les lèvres et s'arrêtent aux coins de la bouche. Les oreilles sont petites, bien formées et appliquées sur la tête et pas du tout écartées.        

En le voyant si beau, hier soir, et en pensant comme je l'ai vu défiguré quand il m'est apparu, de nombreuses fois, pendant la Passion ou après, mon amour devenait plus profond et plein de compassion pour sa souffrance. Et quand je le voyais se pencher et poser son visage sur la poitrine de Marie, comme un enfant qui a besoin de caresses, je me demandais une fois de plus comment ont fait les hommes pour s'acharner contre Lui, si doux et si bon dans toutes ses actions et conquérant les cœurs par son seul aspect. Je voyais ses mains belles, longues et pâles embrasser les hanches de Marie, la ceinture de Marie, les bras de Marie, et je me disais : "Et d'ici peu elles vont être transpercées par les clous !, et je souffrais. Que je souffre est visible même pour ceux qui sont le moins observateurs.

Aujourd'hui, je vous ai tant désiré, Père, car il me semblait qu'alternativement mon cœur éclatait ou cédait et il me semble qu'il y a un siècle que je ne reçois pas Jésus. Heureusement que c'est déjà deux heures du matin du samedi et que s'approche l'heure de la Communion. Mais je suis seule. Jésus se tait. Marie se tait, Jean se tait. J'avais espéré en lui au moins. Rien. Silence absolu et obscurité absolue. C'est vraiment la désolation...




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-027.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/jean-va-chercher-marie.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 28 Juin - 20:29

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

608. Le chemin de croix du Prétoire au Calvaire

Ancienne édition : Tome 9, chapitre 28
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 608

Vendredi 5 avril 30
Jérusalem


Vision du lundi 26 mars 1945


        608.1 Un certain temps passe, environ une demi-heure, peut-être encore moins. Puis Longinus, chargé de présider l’exécution, donne ses ordres [1].

     Mais avant que Jésus ne soit conduit dehors, sur le chemin, pour recevoir la croix et se mettre en marche, Longinus l’a regardé deux ou trois fois avec une curiosité déjà nuancée de compassion. Avec le coup d’œil d’un homme habitué à certaines choses, il s’approche de Jésus avec un soldat et lui offre pour le désaltérer une coupe de vin, je crois, car il coule d’une vraie gourde militaire un liquide d’un blond rosé clair.

     « Cela va te faire du bien. Tu dois avoir soif. Dehors, il y a du soleil, et la route est longue. »

     Mais Jésus répond :

     « Que Dieu te récompense de ta pitié, mais ne te prive pas.

     – Mais moi, je suis en bonne santé et fort. Toi… Je ne me prive pas… D’ailleurs, c’est bien volontiers que je le ferais pour te réconforter… Une gorgée… pour me montrer que tu ne détestes pas les païens. »

     Jésus ne refuse plus et boit une gorgée de la boisson. Il a les mains déliées, de même qu’il n’a plus le roseau ni la chlamyde, et il peut le faire tout seul. Ensuite il refuse, bien que la boisson fraîche et bonne aurait pu soulager la fièvre qui déjà se manifeste par les traces rouges qui s’allument sur ses joues pâles et sur ses lèvres sèches et gercées.

     « Prends, prends. C’est de l’eau et du miel. Cela réconforte et désaltère… Tu me fais pitié… oui… pitié… Ce n’était pas toi qu’il fallait tuer, parmi les Hébreux… Hélas !… Moi, je ne te hais pas… et je tenterai de ne te faire souffrir que l’inévitable. »

     Mais Jésus ne recommence pas à boire… Il a vraiment soif… La soif terrible des fiévreux et de ceux qui ont perdu du sang… Il sait que ce n’est pas une boisson mêlée à un narcotique et il boirait volontiers. Mais il ne veut pas souffrir moins. Grâce à une lumière intérieure, je comprends que ce qui le réconforte, c’est plus la pitié du Romain que l’hydromel.

     « Que Dieu te rende en bénédictions ce soulagement » dit-il ensuite.

     Et il a encore un sourire… un sourire déchirant de sa bouche enflée, blessée, qu’il remue difficilement ; ce qui le gêne, c’est l’enflure, entre le nez et la pommette droite, de la forte contusion du coup de bâton qu’il a reçu dans la cour intérieure après la flagellation.

     608.2 Arrivent les deux larrons, encadrés chacun par une décurie de soldats. C’est l’heure de partir. Longinus donne les derniers ordres.

     Une centurie est disposée sur deux rangs distants de trois mètres l’un de l’autre, et elle sort ainsi sur la place où une autre centurie a formé un carré pour repousser la foule afin qu’elle ne gêne pas le cortège. Sur la petite place se trouvent déjà des hommes à cheval : une décurie de cavalerie avec un jeune gradé qui les commande et avec les enseignes. Un soldat à pied tient par la bride le cheval moreau [2] du centurion. Longinus monte en selle et se rend à sa place, à deux mètres en avant des onze cavaliers.

     On apporte les croix : celles des deux larrons sont plus courtes. Celle de Jésus est beaucoup plus longue. J’affirme que la pièce verticale n’a pas moins de quatre mètres. Je la vois apportée déjà formée.

     J’ai lu à ce sujet, quand je pouvais encore lire… c’est-à-dire il y a des années, que la croix fut assemblée en haut du Golgotha et que le long du chemin les condamnés portaient seulement les deux poteaux sur leurs épaules. C’est possible, mais moi, je vois une vraie croix bien formée, solide, avec les bras parfaitement encastrés dans la pièce principale et bien renforcée par des clous et des boulons. En fait, si on réfléchit qu’elle était destinée à soutenir le poids considérable qu’est le corps d’un adulte, et cela même au moment des convulsions finales, considérables aussi, on comprend qu’elle ne pouvait être assemblée sur le sommet étroit et malcommode du Calvaire [3].

     Avant de remettre sa croix à Jésus, on lui passe au cou l’écriteau portant la mention “ Jésus le Nazaréen, Roi des Juifs ”. La corde qui le soutient s’emmêle dans la couronne d’épines, qui se déplace et griffe Jésus là où il n’y a pas encore de griffures et pénètre plus loin, occasionnant une nouvelle souffrance et en faisant de nouveau couler du sang. Les gens rient d’une joie sadique, insultent, blasphèment.

     Tout est prêt désormais, et Longinus peut donner l’ordre de marche :

     « D’abord le Nazaréen, puis les deux larrons ; une décurie autour de chacun, les sept autres décuries sur les ailes et comme renfort, et le responsable sera le soldat qui fait frapper à mort les condamnés. »

     608.3 Jésus descend les trois marches qui mènent du vestibule à la place. Il apparaît tout de suite avec évidence que Jésus est dans des conditions de grande faiblesse. Il vacille en descendant, gêné par la croix qui repose sur son épaule tout écorchée, par l’écriteau qui se déplace devant lui et dont la corde lui scie le cou, par les balancements qu’imprime au corps la longue pièce de la croix qui saute sur les marches et sur les aspérités du sol.

     Les juifs rient de le voir tituber comme un homme ivre, et ils crient aux soldats :

     « Poussez-le. Faites-le tomber. Dans la poussière, le blasphémateur ! »

     Mais les soldats s’en tiennent à leur devoir : ils ordonnent au Condamné de se placer au milieu du chemin et de marcher. Longinus éperonne son cheval, et le cortège se met lentement en mouvement.

     Longinus voudrait faire vite en prenant le chemin le plus court pour aller au Golgotha, car il n’est pas sûr de la résistance du Condamné. Mais la pègre déchaînée — c’est lui faire encore trop d’honneur de l’appeler ainsi — ne veut pas en entendre parler. Les plus rusés ont déjà pris de l’avance et se sont placés au carrefour où la route bifurque pour aller d’un côté vers les murs, de l’autre vers la ville. Ils s’agitent et crient quand ils voient Longinus prendre la direction des murs.

     « Tu n’as pas le droit ! Tu n’a pas le droit ! C’est illégal ! La Loi dit que les condamnés doivent être vus par la ville où ils ont péché ! »

     Les juifs, qui sont à la queue du cortège, comprennent que par devant on essaie de les frustrer d’un droit, et ils unissent leurs cris à ceux de leurs collègues.

     Par souci de garder la paix, Longinus prend la route qui se dirige vers la ville et en parcourt un tronçon. Mais il fait signe aussi à un décurion de venir près de lui (je dis décurion parce que c’est un gradé, mais c’est peut-être quelqu’un que nous appellerions son officier d’ordonnance) et il lui parle tout bas. Celui-ci revient en arrière au trot, et à mesure qu’il rejoint le chef de chaque décurie il transmet l’ordre, après quoi il retourne vers Longinus pour lui dire que sa mission est accomplie. Enfin, il reprend sa place primitive dans le rang derrière Longinus.

     608.4 Jésus avance en haletant. Chaque ornière est un piège pour son pied qui vacille et une torture pour ses épaules écorchées, pour sa tête couronnée d’épines sur laquelle tombe à pic un soleil excessivement chaud — même s’il se cache par moments derrière un rideau de nuages de plomb, il n’en reste pas moins brûlant. Jésus est congestionné par la fatigue, par la fièvre et par la chaleur. Je pense que même la lumière et les hurlements doivent le tourmenter. Et, s’il ne peut se boucher les oreilles pour ne pas entendre ces cris déchaînés, il ferme à demi les yeux pour ne pas voir la route éblouissante de soleil… Mais il doit aussi les rouvrir parce qu’il bute contre les pierres et les trous, et c’est chaque fois une douleur car cela fait bouger brusquement la croix qui heurte la couronne, qui se déplace sur l’épaule écorchée, élargit la plaie et augmente la souffrance.

     Les juifs ne peuvent plus le frapper directement ; mais il arrive encore quelques pierres et quelques coups de bâton, les premières spécialement dans les petites places bondées, les seconds au contraire dans les tournants, dans les petites rues où l’on monte et descend des marches, tantôt une, tantôt trois, tantôt davantage, à cause des dénivellations continuelles de la ville. Là, nécessairement, le cortège ralentit et il y a toujours quelque volontaire (!) qui défie les lances romaines pour donner un nouveau coup au chef-d’œuvre de torture qu’est désormais Jésus.

     Les soldats le défendent comme ils peuvent. Mais ce faisant, il leur arrive aussi de le frapper, parce que les longs manches des lances, brandies en aussi peu d’espace, le heurtent et le font buter. Enfin, arrivés à un certain point, les soldats font une manœuvre impeccable et, malgré les vociférations et les menaces, le cortège dévie brusquement par un chemin qui mène directement vers les murs, en descendant un chemin qui abrège beaucoup la route vers le lieu du supplice.

     Jésus halète toujours plus. La sueur coule sur son visage en même temps que le sang des blessures de la couronne d’épines. La poussière se colle sur ce visage trempé et le macule de taches étranges, car il y a aussi du vent maintenant. Des coups de vent syncopés à longs intervalles où retombe la poussière que la foule a soulevée en tourbillons, qui amènent des détritus dans les yeux et dans la gorge de Jésus.

     A la Porte Judiciaire sont déjà entassés quantité de gens, les prévoyants qui se sont choisi assez tôt une bonne place pour voir. Mais un peu avant d’y arriver, Jésus a déjà failli chuter. Seule la prompte intervention d’un soldat, sur lequel il allait presque tomber, empêche Jésus d’aller par terre. La populace rit et crie :

     « Laissez-le ! Il disait à tous : “ Levez-vous. ” Qu’il se lève lui, maintenant… »

     Au-delà de la porte, il y a un torrent et un petit pont. C’est une nouvelle fatigue pour Jésus de marcher sur ces planches disjointes sur lesquelles rebondit plus fortement le long bois de la croix. C’est aussi une nouvelle mine de projectiles pour les Juifs. Les pierres du torrent volent et frappent le pauvre Martyr…

     608.5 Alors commence la montée du Calvaire. Ce chemin nu, sans un brin d’ombre, couvert de pierres disjointes, attaque directement la montée.

     Ici aussi, à l’époque où je lisais, j’ai lu que le Calvaire n’avait que quelques mètres de hauteur. Possible. Ce n’est certainement pas une montagne. Mais c’est une colline, et certainement pas plus basse que ne l’est, à Florence, le mont aux Croix par rapport à Lungami, là où se trouve la basilique San Miniato. On dira : “ C’est bien peu de chose ! ” Oui, pour quelqu’un qui est en bonne santé et fort, c’est peu de chose. Mais il suffit d’avoir le cœur faible pour sentir si c’est peu ou beaucoup !… Je sais qu’après avoir eu le cœur malade — même quand c’était encore bénin —, je ne pouvais gravir cette pente sans souffrir beaucoup, et je devais m’arrêter à chaque instant ; or je n’avais pas de fardeau sur les épaules. Et je crois que Jésus avait le cœur très malade, surtout après la flagellation et la sueur de sang… et je ne contemple rien d'autre.

     Jésus éprouve donc une douleur aiguë dans la montée, due au poids de la croix qui, longue comme elle est, doit être très lourde.

     Une pierre dépasse, et, épuisé comme il l’est, il lève trop peu le pied, bute et tombe sur le genou droit mais parvient à se relever à l’aide de la main gauche. La foule pousse des cris de joie… Il se relève. Il avance de plus en plus courbé et haletant, congestionné, fiévreux…

     L’écriteau, qui ballotte devant lui, lui gêne la vue ; son long vêtement, maintenant qu’il avance courbé, traîne par terre par devant et gêne sa marche. Il bute de nouveau et tombe sur les deux genoux, en se blessant de nouveau là où il est déjà blessé. La croix lui échappe des mains et tombe, après lui avoir frappé fortement le dos, l’obligeant à se pencher pour la relever et à peiner pour la remettre sur ses épaules. Cela permet de voir nettement, sur son épaule droite, la plaie causée par le frottement de la croix, qui a ouvert les plaies nombreuses de la flagellation et en a fait une seule, qui transsude de l’eau et du sang, de sorte que la tunique est toute tachée à cet endroit. Les gens vont jusqu’à applaudir, heureux de ces mauvaises chutes.

     Longinus incite à se hâter, et les soldats, à coups de plat de dague, invitent le pauvre Jésus à avancer. On reprend la marche avec une lenteur de plus en plus grande malgré tous les efforts.

     Jésus semble tout à fait ivre tant sa marche est chancelante, et il heurte tantôt un rang de soldats, tantôt l’autre, occupant toute la route. Les gens le remarquent et crient :

     « Sa doctrine lui est montée à la tête. Vois, vois comme il titube ! »

     Et d’autres, qui ne sont pas du peuple, mais des prêtres et des scribes, ricanent :

     « Non ! Ce sont les festins pris dans la maison de Lazare qui lui montent encore à la tête. Ils étaient bons ? Maintenant, mange notre nourriture… » et d’autres phrases semblables.

     608.6 Longinus, qui se retourne de temps en temps, a pitié et ordonne une halte de quelques minutes. Mais il est tellement insulté par la populace que le centurion commande aux troupes de charger. Devant les lances qui brillent et menacent, la foule montre sa lâcheté, et elle s’éloigne en criant et en descendant çà et là sur la montagne.

     C’est alors que je revois sortir de derrière des décombres, peut-être de quelque muret éboulé, le petit groupe des bergers. Désolés, bouleversés, poussiéreux, déchirés, ils appellent le Maître par la seule force de leurs regards. Et lui tourne la tête, les voit… Il les fixe comme si c’étaient des visages d’anges, paraît se désaltérer et se fortifier de leurs larmes, et il sourit… On redonne l’ordre d’avancer, et Jésus passe juste devant eux et entend leurs pleurs angoissés. Il tourne avec difficulté la tête sous le joug de la croix et leur sourit de nouveau… Ses réconforts… Dix visages… une halte sous le soleil brûlant…

     Et aussitôt, la douleur de la troisième chute complète. Et cette fois, ce n’est pas qu’il bute : il tombe par un soudain fléchissement de ses forces. C’est une syncope. Il s’affale de tout son long et se frappe le visage sur les pierres disjointes, restant dans la poussière, sous la croix retombée sur lui. Les soldats essaient de le relever. Mais comme il paraît mort, ils vont le rapporter au centurion. Pendant qu’ils vont et viennent, Jésus revient à lui, et lentement, avec l’aide de deux soldats dont l’un relève la croix et l’autre aide le Condamné à se relever, il reprend sa place. Mais il est manifestement épuisé.

     « Arrangez-vous pour qu’il ne meure que sur la croix ! crie la foule.

     – Si vous le faites mourir avant, vous en répondrez au Proconsul, souvenez-vous-en. Le coupable doit arriver vivant au supplice » disent les chefs des scribes aux soldats.

     Ceux-ci les foudroient de leurs regards féroces, mais, par discipline, ils ne parlent pas.

     608.7 Longinus, cependant, redoute, tout comme les juifs, que le Christ meure en route et il ne veut pas avoir d’ennuis. Sans avoir besoin que quelqu’un le lui rappelle, il sait quel est son devoir de préposé à l’exécution et il y pourvoit. Ce faisant, il désoriente les juifs qui sont déjà accourus en avant par la route qu’ils ont rejointe de tous les côtés de la montagne en transpirant, en se griffant pour passer à travers les rares buissons épineux du mont aride et brûlé, en tombant sur les détritus qui l’encombrent comme si c’était un lieu de déblai pour Jérusalem, sans sentir d’autre peine que celle de perdre un halètement du Martyr, un de ses regards douloureux, un geste même involontaire de souffrance, et sans autre peur que celle de ne pas arriver à avoir une bonne place.

     Longinus donne donc l’ordre de prendre le chemin le plus long, qui monte en lacets au sommet et qui est beaucoup moins raide. Il semble que ce sentier, à force d’être parcouru, soit devenu un chemin praticable.

     Ce croisement des deux itinéraires se trouve à peu près à mi-hauteur. Mais je vois que, plus haut, à quatre reprises, la voie directe est coupée par celle qui monte moins rapidement, mais qui, en compensation, est beaucoup plus longue. Et sur cette route, il y a des gens qui montent, mais qui ne participent pas à l’indigne chahut des obsédés qui suivent Jésus pour jouir de ses tourments : ce sont des femmes pour la plupart, en larmes et voilées, ainsi que quelques petits groupes d’hommes, très peu nombreux en vérité mais qui ont beaucoup plus d’avance sur les femmes, puisqu’ils sont sur le point de disparaître de la vue là où le chemin fait le tour de la montagne.

     De ce côté, le Calvaire a une sorte de pointe en forme de museau, alors que de l’autre la paroi tombe à pic. Je vais essayer de donner une idée de son aspect de profil. Mais il faut que je tourne la page, car cela me serait difficile ici par manque de place [4].

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    Les hommes disparaissent derrière la pointe rocheuse et je les perds de vue.

     608.8 Les gens qui suivaient Jésus hurlent de rage. Ils trouvaient plus beau de le voir tomber. Avec des imprécations obscènes adressées au Condamné et à ceux qui le conduisent, certains se mettent à suivre le cortège judiciaire tandis que d’autres montent presque en courant par la voie pentue pour se dédommager de leur déception par une excellente place au sommet.

     Les femmes, qui s’avancent en pleurant, se retournent en entendant les cris, et voient que le cortège tourne de leur côté. Elles s’arrêtent alors en s’adossant au mont, par crainte d’être jetées en bas par les juifs violents. Elles abaissent encore plus leurs voiles sur leurs visages ; il y en a même une qui est complètement voilée, comme une musulmane, ne laissant libres que ses yeux très noirs. Elles sont vêtues très richement et ont pour les défendre un vieil homme robuste dont, enveloppé dans son manteau comme il l’est, je ne distingue pas le visage. Je ne vois que sa longue barbe, plutôt blanche que noire, qui sort de son manteau foncé.

     Quand Jésus arrive à leur hauteur, elles sanglotent plus fort et se courbent en profondes salutations. Puis elles s’avancent résolument. Les soldats voudraient les repousser de leurs lances, mais celle qui est couverte comme une musulmane écarte un instant son voile devant l’enseigne arrivé à cheval pour voir quel est ce nouvel obstacle. Il donne l’ordre de la laisser passer. Je ne puis voir son visage ni son vêtement, car elle a déplacé son voile avec la rapidité de l’éclair, et son habit est complètement caché par un manteau qui tombe jusqu’à terre, lourd, fermé complètement par une série de fibules. La main, qui apparaît un instant pour déplacer le voile, est blanche et belle, et c’est, avec ses yeux noirs, tout ce que l’on voit de cette grande matrone, certainement influente puisque l’officier de Longinus lui obéit ainsi.

     608.9 Elles s’approchent de Jésus en pleurant et s’agenouillent à ses pieds, tandis qu’il s’arrête, suffoquant… Il parvient pourtant à sourire aux saintes femmes et à l’homme qui les escorte ; celui-ci se découvre pour montrer qu’il est le berger Jonathas, mais les gardes ne le laissent pas passer, seules les femmes le peuvent.

     L’une d’elles est Jeanne, femme de Kouza. Elle a la mine plus défaite que lorsqu’elle était mourante [5]. De rouge, elle n’a que les traces de ses larmes, car son visage est blanc comme neige, et ses doux yeux noirs sont brouillés au point de prendre une teinte violet foncé comme certaines fleurs. Elle tient dans les mains une amphore d’argent et l’offre à Jésus. Mais lui refuse. D’ailleurs, son essoufflement est si grand qu’il ne pourrait même plus boire. De la main gauche, il essuie la sueur et le sang qui lui tombent dans les yeux, coulent le long de ses joues rouges et de son cou aux veines gonflées par le battement essoufflé du cœur, et trempent tout son vêtement sur la poitrine.

     Une autre femme, accompagnée d’une jeune servante portant un coffret, l’ouvre, en tire un tissu de lin très blanc, carré, et l’offre au Rédempteur. Il l’accepte, et comme il ne peut avec une seule main le faire par lui-même, la femme pleine de pitié l’aide à le poser sur son visage, en veillant à ne pas heurter la couronne d’épines. Jésus presse le linge frais sur son pauvre visage et l’y tient comme s’il y trouvait un grand réconfort.

     Puis il rend le linge et dit :

     « Merci Jeanne, merci Nikê… Sarah… Marcella… Elise… Lydia… Anne… Valeria… et toi… Mais… ne pleurez pas… sur moi… filles de… Jérusalem… mais sur les péchés… les vôtres et ceux… de votre ville… Bénie… Jeanne… de n’avoir… plus d’enfants… Vois… c’est une pitié de Dieu… de ne pas… de ne pas avoir d’enfants… qui auraient pu… souffrir de… cela. Et toi aussi… Elisabeth… Mieux… comme cela… que parmi les déicides… Et vous… mères… pleurez sur… vos enfants, car… cette heure ne passera pas… sans châtiment… Et quel châtiment, s’il en est ainsi pour… l’Innocent… Vous pleurerez alors… d’avoir conçu… allaité et… d’avoir encore… vos enfants… Les mères… de ce moment-là… pleureront parce que… en vérité, je vous le dis… heureux sera … celui qui alors… tombera… sous les décombres… le premier. Je vous bénis… Rentrez… chez vous… Priez… pour moi. Adieu, Jonathas… Reconduis-les… »

     Et, au milieu d’un cri aigu de pleurs féminins et d’imprécations juives, Jésus se remet en marche.

     608.10 Il est de nouveau trempé de sueur. Les soldats aussi transpirent, tout comme les deux autres condamnés, car le soleil de ce jour d’orage est brûlant comme la flamme, et le flanc de la montagne devenu brûlant lui aussi ajoute à la chaleur du soleil.

     Il est facile d’imaginer l’effet de ce soleil sur le vêtement de laine de Jésus, en contact avec les blessures des fouets, et d’en être horrifié… Mais lui ne profère pas une plainte. Seulement, bien que la route soit beaucoup moins raide et n’ait pas ces pierres disjointes, si dangereuses pour son pied qui traîne maintenant, Jésus titube toujours plus fort, allant heurter un rang de soldats puis le rang opposé, et fléchissant de plus en plus vers la terre.

     Ils pensent résoudre cet inconvénient en lui passant une corde à la taille et en la tenant par les deux bouts comme si c’étaient des rênes. Oui, cela le soutient, mais ne lui enlève pas son fardeau. Au contraire, la corde, en heurtant la croix, la déplace continuellement sur l’épaule et la fait frapper la couronne d’épines qui désormais a fait du front de Jésus un tatouage sanglant. De plus, cette corde frotte la taille où se trouvent tant de blessures et doit sûrement les rouvrir. Aussi la tunique blanche se colore-t-elle à la taille d’un rosé pâle. Pour l’aider, ils le font souffrir plus encore.

     608.11 Le chemin continue, il fait le tour de la colline, puis revient presque en avant vers la voie pentue. Là se trouve Marie avec Jean, à l’endroit que j’indique par la lettre M. Je suppose que Jean l’a amenée à cet endroit ombragé, derrière la pente du mont, pour qu’elle se repose un peu. C’est la partie la plus escarpée. Il n’y a que ce chemin qui la côtoie. Au-dessus comme en contrebas, la pente est forte. C’est pourquoi les cruels la négligent. Là, il y a de l’ombre — je pense que c’est le nord —, et Marie est à l’abri du soleil. Elle se tient debout, adossée au flanc de la colline, mais elle est déjà épuisée. Elle aussi halète, pâle comme une morte dans son vêtement bleu très foncé, presque noir.

     Jean la regarde avec un air de pitié désolée. Lui aussi a perdu toute trace de couleur avec sa mine terreuse ; ses yeux sont las et écarquillés, il est dépeigné et il a les joues creuses comme s’il avait été malade. Les autres femmes : Marie et Marthe, sœurs de Lazare, Marie, femme d’Alphée et Marie, femme de Zébédée, Suzanne de Cana, la maîtresse de la maison et d’autres encore que je ne connais pas [6], se tiennent au milieu du chemin et guettent le passage du Sauveur. Ayant vu que Longinus arrive, elles courent trouver Marie pour lui annoncer la nouvelle. Majestueuse dans sa douleur, Marie, soutenue par le coude par Jean, se détache de la côte de la colline et se met résolument au milieu du chemin. Elle ne s’écarte qu’à l’arrivée de Longinus qui, du haut de son cheval, regarde la femme pâle et le blond jeune homme qui l’accompagne, l’air blafard, avec ces doux yeux de ciel comme elle. Et Longinus hoche la tête en la dépassant, suivi des onze cavaliers.

     Marie essaie de passer entre les soldats à pied, mais ceux-ci, qui ont chaud et sont pressés, cherchent à la repousser de leurs lances, d’autant plus que, du chemin pavé, des pierres volent pour protester contre tant de pitié. Ce sont encore les juifs qui lancent des imprécations à cause de l’arrêt provoqué par les saintes femmes :

     « Vite ! Demain, c’est la Pâque [7]. Il faut que tout soit fini avant ce soir ! Vous qui méprisez notre Loi, vous êtes complices ! Oppresseurs ! A mort les envahisseurs et leur Christ ! Ils l’aiment ! Voyez comme ils l’aiment ! Mais prenez-le ! Emmenez-le dans votre ville maudite ! Nous vous le cédons ! Nous n’en voulons pas ! Les charognes aux charognes ! La lèpre aux lépreux ! »

     608.12 Longinus se lasse et éperonne son cheval, suivi des dix lanciers, contre la canaille qui l’insulte et qui fuit une seconde fois. C’est alors qu’il voit une charrette arrêtée, montée certainement des jardins potagers qui se trouvent au pied de la montagne, et qui attend avec son chargement de salades que la foule soit passée pour descendre vers la ville. Je pense qu’un peu de curiosité chez Simon de Cyrène et ses fils l’ont fait monter jusqu’ici, car il n’était vraiment pas nécessaire pour lui de le faire. Les deux fils, allongés sur le tas de légumes, rient de voir les juifs en fuite. L’âne effrayé, veut reculer. Debout à côté de lui, l’homme regarde attentivement le cortège. Il est robuste et doit avoir entre quarante et cinquante ans.

     Longinus le dévisage. Il pense qu’il peut lui être utile et lui ordonne :

     « Homme, viens ici. »

     Simon de Cyrène fait mine de ne pas entendre, mais avec Longinus, il n’est pas question de plaisanter. Il réitère son ordre de telle façon que l’homme jette les rênes à l'un de ses fils et s’approche du centurion.

     « Tu vois cet homme ? » lui demande-t-il.

     A ces mots, il se retourne pour indiquer Jésus et voit à son tour Marie qui supplie les soldats de la laisser passer. Il en a pitié et crie :

    « Laissez passer la femme. »

     Puis il reprend :

     « Ainsi chargé, il ne peut plus avancer. Toi, tu es fort. Prends sa croix et porte-la à sa place jusqu’au sommet.

     – Je ne peux pas… J’ai l’âne… il est rétif… les garçons ne savent pas le retenir. »

     Mais Longinus rétorque :

     « Dépêche-toi, si tu ne veux pas perdre l’âne et gagner vingt coups en guise de punition. »

     Simon n’ose plus réagir. Il crie aux garçons :

     « Allez vite à la maison et dites que j’arrive tout de suite. »

     Puis il va vers Jésus.

     608.13 Il le rejoint juste au moment où Jésus se tourne vers sa Mère : c’est alors seulement qu’il la voit venir, car il avance tout courbé et les yeux presque clos comme s’il était aveugle. Il s’écrie :

     « Maman ! »

     C’est le premier mot qui exprime sa douleur depuis qu’il est torturé. Il y a dans ce cri l’aveu de sa terrible souffrance spirituelle, morale et physique. C’est le cri déchiré et déchirant d’un enfant qui meurt seul, au milieu de ses persécuteurs et sous les pires tortures… et qui arrive à avoir peur même de sa propre respiration. C’est la plainte d’un enfant qui délire et que meurtrissent des visions de cauchemar… Il demande sa mère, la seule dont le baiser frais calme l’ardeur de la fièvre, celle dont la voix fait fuir les fantômes et dont l’étreinte rend la mort moins effrayante…

     Marie porte la main à son cœur comme si elle avait reçu un coup de poignard. Elle vacille légèrement, mais elle se reprend, hâte le pas et, les bras tendus vers son Enfant martyrisé, elle s’écrie :

     « Mon Fils ! »

     Mais elle dit cela d’une telle manière que le cœur, s’il n’est pas de pierre, se fend à la vue de cette douleur.

     Je vois chez les Romains eux-mêmes un mouvement de pitié… et pourtant ce sont des hommes d’armes habitués aux tueries, marqués de cicatrices. Mais ces mots : “ Maman ! ” et “ Mon fils ! ” sont toujours les mêmes, ils sont dits et compris partout, et soulèvent partout des flots de pitié… à moins d’avoir un cœur de hyène…

     Simon de Cyrène éprouve lui aussi cette pitié… Il voit que Marie ne peut embrasser son Fils à cause de la croix, et qu’après avoir tendu les mains, elle les laisse retomber, certaine de ne pouvoir le faire. Elle le regarde seulement, essayant de sourire de son sourire martyr, pour le réconforter, alors que ses lèvres tremblantes boivent ses larmes. Lui, tordant la tête de sous le joug de la croix, cherche à son tour à lui sourire et à lui envoyer un baiser de ses pauvres lèvres blessées et fendues par les coups et la fièvre. A cette vue, Simon se hâte d’enlever la croix, ce qu’il fait avec la délicatesse d’un père, pour ne pas heurter la couronne d’épines et ne pas frotter les plaies.

     Mais Marie ne peut embrasser son Fils… L’attouchement, même le plus léger, serait une torture sur les chairs déchirées, et elle s’en abstient. Et puis… les sentiments les plus saints ont une pudeur profonde et ils exigent le respect ou du moins la compassion. Or ici, ce sont la curiosité et surtout le mépris qui règnent. Leur étreinte se borne donc à être celle de leurs deux âmes angoissées.

     608.14 Le cortège reprend sa marche sous la poussée des flots d’un peuple furieux qui les presse, les sépare, et repousse Marie contre la colline, l’exposant au mépris de tout un peuple…

     Maintenant, Simon de Cyrène suit Jésus avec la croix. Et Jésus, libéré de ce fardeau, marche mieux. Il halète fortement, portant souvent la main à son cœur comme s’il éprouvait une grande douleur, une blessure à la région sterno-cardiaque. Maintenant qu’il le peut, puisqu’il n’a plus les mains liées, il repousse ses cheveux tombés en avant, tout gluants de sang et de sueur, jusque derrière les oreilles, pour sentir l’air sur son visage congestionné, et il délace le cordon du cou qui le fait souffrir quand il respire… Sa marche est plus facile.

     Marie s’est retirée avec les femmes. Elle suit le cortège une fois qu’il est passé, puis, par un raccourci, elle se dirige vers le sommet de la colline, sans se soucier des imprécations de la plèbe cannibale. Maintenant que Jésus est libre, le dernier lacet du chemin est assez vite parcouru et ils sont proches du sommet, bondé de tout un peuple vociférant.

     Longinus s’arrête et il ordonne que tous, inexorablement, soient repoussés plus bas, pour dégager le lieu de l’exécution. Une moitié de la centurie exécute l’ordre en accourant sur place et en repoussant sans pitié tous ceux qui s’y trouvent, se servant pour cela de leurs dagues et de leurs lances. Sous la grêle des coups de plat et des bâtons, les juifs s’enfuient du sommet. Ils voudraient bien se placer sur l’esplanade qui est au-dessous, mais ceux qui y ont déjà pris place ne cèdent pas, de sorte que des rixes féroces ont lieu. Ils semblent tous fous.

    608.15 Comme je l’ai dit l’an dernier [8], le sommet du Calvaire a la forme d’un trapèze irrégulier, légèrement plus élevé d’un côté, à partir duquel la colline descend rapidement pendant un peu plus de la moitié de sa hauteur. Sur cette petite place, on a déjà préparé trois trous profonds renforcés de briques ou d’ardoises, creusés exprès, en somme. Tout près d’eux se trouvent des pierres et de la terre, prêtes pour butter les croix. D’autres trous, en revanche, ont été laissés pleins de pierres. On comprend qu’ils les vident d’une fois sur l’autre selon le nombre de ceux qui servent.

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     Sous la cime trapézoïdale, du côté où il n’y a pas de déclivité, s’étend une sorte de plate-forme en pente douce qui constitue une seconde petite place. De celle-ci partent deux larges sentiers qui longent le sommet, de sorte que celui-ci est isolé et surélevé d’au moins deux mètres de tous les côtés.

     Les soldats, qui ont repoussé la foule, apaisent les disputes à coups persuasifs de lances, et dégagent le terrain pour que le cortège puisse passer sans encombre sur le bout de chemin qui reste, puis ils font la haie pendant que les trois condamnés, encadrés par les cavaliers, et protégés en arrière par l’autre demi-centurie, arrivent au point où ils doivent s’arrêter : au pied du balcon naturel et surélevé qui forme le sommet du Golgotha.

     608.16 Pendant ce temps, j’aperçois les Marie à l’endroit que j’indique par un M, et un peu en arrière d’elles Jeanne, femme de Kouza, avec quatre autres femmes de tout à l’heure. Les autres se sont retirées, d’elles-mêmes probablement, car Jonathas est là, derrière sa maîtresse. Celle que nous appelons Véronique et que Jésus a appelée Nikê est partie. Sa servante manque aussi, tout comme la femme complètement voilée à laquelle les soldats obéirent. Je vois Jeanne, la vieille femme qu’on appelle Elise, Anne — c’est la maîtresse de la maison où Jésus est allé aux vendanges, la première année [9] —, et deux que je ne saurais identifier. Derrière ces femmes et les Marie, je vois les fils d’Alphée Joseph et Simon, ainsi qu’Alphée, fils de Sarah, avec le groupe des bergers. Ils ont lutté contre ceux qui voulaient les repousser en les insultant, et la force de ces hommes, multipliée par leur amour et leur douleur, s’est montrée si violente qu’ils ont vaincu ; ils ont ainsi pu former un demi-cercle libre contre les juifs lâches qui n’osent que lancer des cris de mort et tendre le poing. Mais rien de plus, car les bâtons des bergers sont noueux et lourds, et ces hommes courageux ne manquent ni de force ni d’adresse. Je ne me trompe pas : il faut un réel courage pour rester aussi peu nombreux, alors qu’ils sont connus comme Galiléens ou fidèles au Galiléen, contre toute une population hostile. De tout le Calvaire, c’est le seul endroit où l’on ne blasphème pas le Christ !

     Des trois côtés de la colline qui descendent en pente douce vers la vallée, ce n’est qu’une fourmilière. On ne voit même plus la terre jaunâtre et nue et, sous le soleil qui disparaît et revient, on croit voir un pré fleuri de corolles de toutes les couleurs tant sont serrés les couvre-chefs et les manteaux des sadiques qui le couvrent. Au-delà du torrent, il y a foule sur le chemin, et encore au-delà des murs. Les terrasses les plus proches sont elles aussi bondées. Le reste de la ville est nu… vide… silencieux. Tout est ici : tout l’amour et toute la haine. Tout le Silence qui aime et pardonne, toute la Clameur qui hait et lance des imprécations.

     608.17 Pendant que les hommes préposés à l’exécution préparent leurs instruments en achevant de creuser les trous, et que les condamnés attendent dans leur carré, les juifs réfugiés à l'angle opposé aux Marie les insultent. Ils insultent même la Mère de Jésus :

     « A mort les Galiléens ! A mort ! Galiléens ! Maudits Galiléens ! A mort le blasphémateur galiléen ! Clouez sur la croix même le sein qui l’a porté ! Chassez les vipères qui enfantent les démons ! A mort ! Purifiez Israël des femmes qui s’allient au bouc !… »

     Longinus, qui est descendu de cheval, se retourne et voit Marie… Il ordonne de faire cesser ce chahut. La demi-centurie qui se tenait derrière les condamnés, charge la racaille et désencombre complètement la seconde petite place, tandis que les juifs s’échappent dans les hauteurs en s’écrasant les uns les autres. Les onze cavaliers descendent aussi de cheval, et l’un d’eux prend les onze chevaux en plus de celui du centurion et les mène à l’ombre, derrière la côte.

     Le centurion se dirige vers le sommet. Jeanne, femme de Kouza, s’avance, l’arrête. Elle lui donne l’amphore et une bourse, puis se retire en pleurant, pour aller vers l'angle de la colline avec les autres.

     608.18 Là-haut, tout est prêt. On fait monter les condamnés. Jésus passe encore une fois près de sa Mère, qui pousse un gémissement qu’elle cherche à réfréner en serrant son manteau sur sa bouche.

     Les juifs la voient et se moquent d’elle.

     Jean, le doux Jean, qui a passé un bras derrière les épaules de Marie pour la soutenir, se retourne avec un regard féroce ; son œil en est phosphorescent. S’il n’avait pas dû protéger les femmes, je crois qu’il aurait pris à la gorge l’un ou l’autre de ces lâches.

     A peine les condamnés sont-ils sur le plateau fatal que les soldats entourent la place de trois côtés. Seul reste vide celui qui est en surplomb.

     Le centurion donne à Simon de Cyrène l’ordre de partir, mais c’est de mauvaise grâce qu’il s’exécute, et je pense que ce n’est pas par sadisme, mais par amour. Il s’arrête même près des Galiléens, et partage avec eux les insultes dont la foule abreuve le petit nombre de fidèles au Christ. Les deux larrons jettent par terre leurs croix en blasphémant.

     Jésus se tait. Le chemin de croix est terminé.




[1] Le centurion Longinus est fêté par l'Église le 1er septembre (16 octobre dans les Églises d'Orient)

[2] Moreau : se dit d'un cheval extrêmement noir.

[3] Daniel-Rops, in "Jésus en son temps" estime que le poids total d'une croix devait être de 70 kg, soit le poids d'un homme adulte.

[4] L’esquisse de Maria Valtorta, reproduite ci-dessous, porte les mentions suivantes : Porte Judiciaire au centre des murs de la ville. Légèrement au-dessus, en parallèle, le mot torrent est indiqué deux fois, et à l’extrémité de la droite : jardins potagers. À gauche, il est écrit la légende suivante : Le Calvaire. Le sentier quadrillé est le plus raide. Il a été abandonné, à cause de l’état de Jésus, là où se trouve la marque rouge (qui va de la Porte Judiciaire au premier croisement). En rouge, le chemin en spirale emprunté par Jésus (à partir de ce premier croisement). Les endroits marqués par les lettres D et M sont expliqués dans le texte. Outre le chemin en rouge, Maria Valtorta a peint le mont en jaune et le torrent en bleu.

[5] Cf. EMV 102.7.

[6] La date de cette vision précède en effet celle de la plupart des visions de la vie publique de Jésus.

[7] Pâque, c’est-à-dire : ce jour de sabbat était un grand jour, comme en Jean 19,31.

[8] Comme je l’ai dit (au Père Migliorini) l’an dernier, dans la vision décrite le 18 février 1944, qui fait partie d’une “ Passion ” plus concise. C’est ce que nous expliquons dans la note de 587.13.

[9] Cf.EMV 108




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-028.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/chemin-de-croix.html
Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 1 Juil - 21:18

Bonjour à tous,

Après quelques soucis techniques, je reprends le partage des beaux textes de Maria Valtorta.

Je vous souhaite une belle lecture de la Passion de notre Seigneur.

Fraternellement,
Anayel

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

609. La crucifixion de Jésus.
"Père, pardonne-leur parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font" (partie 1)


Ancienne édition : Tome 9, chapitre 29
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 609

Vendredi 5 avril 30
Jérusalem


Vision du mardi 27 mars 1945 (mardi saint).


Episode audio:

          609.1 Quatre hommes musclés qui me paraissent être juifs, et juifs plus dignes de la croix que les condamnés — ils sont sûrement de la même catégorie que les flagellateurs —, surgissent d’un sentier sur le lieu du supplice. Vêtus de tuniques courtes et sans manches, et ils ont dans les mains des clous, des marteaux et des cordes qu’ils montrent aux condamnés en se gaussant d’eux. La foule est agitée par un délire cruel.

    Le centurion présente l’amphore à Jésus pour qu’il boive la mixture anesthésique du vin mêlé à de la myrrhe. Mais Jésus la refuse. Les deux larrons, au contraire, en boivent une quantité. Puis l’amphore largement évasée est placée près d’une grosse pierre, presque en haut du sommet.

    609.2 On donne aux condamnés l’ordre de se dévêtir. Les deux larrons le font sans aucune pudeur. Ils s’amusent même à faire des actes obscènes vers la foule, et en particulier vers le groupe sacerdotal tout blanc dans ses vêtements de lin et qui est revenu tout doucement sur la plateforme la plus basse, en profitant de sa qualité pour s’insinuer à cet endroit. Deux ou trois pharisiens ainsi que d’autres puissants personnages unis par la haine dans une même amitié se sont joints à eux. Et je vois des personnes connues comme le pharisien Yokhanan et Ismaël, le scribe Sadoq, Eli de Capharnaüm…

    Les bourreaux offrent aux condamnés trois chiffons pour qu’ils se les attachent à l’aine. Si les larrons les prennent avec les plus horribles blasphèmes, Jésus, qui se déshabille lentement à cause de la douleur des blessures, la refuse. Il pense peut-être qu’on lui laissera les sous-vêtements qu’il a gardés même pendant la flagellation. Mais quand on lui dit de les enlever, il tend la main pour mendier aux bourreaux ce chiffon pour cacher sa nudité. Il est vraiment l’Anéanti jusqu’à devoir quémander une guenille aux criminels.

    Mais Marie a vu ; elle a ôté le long et fin voile blanc qui lui couvre la tête sous le manteau foncé et dans lequel elle a déjà versé tant de larmes. Elle l’enlève sans faire tomber le manteau, et le donne à Jean pour qu’il le présente à Longinus pour son Fils. Le centurion prend le voile sans difficulté. Au moment où Jésus va se déshabiller complètement, en se tournant non vers la foule mais vers le côté où il n’y a personne, montrant ainsi son dos strié de bleus et des ampoules saignant par les blessures ouvertes ou les croûtes sombres, Longinus lui tend le voile de sa Mère. Jésus le reconnaît. Il s’en enveloppe en lui faisant faire plusieurs fois le tour du bassin, et il le fixe bien pour qu’il ne glisse pas… Les premières gouttes de sang tombent aussitôt sur le lin baigné seulement jusqu’alors de larmes, car de nombreuses blessures à peine couvertes de sang coagulé, se sont rouvertes quand il s’est baissé pour enlever ses sandales et déposer ses vêtements, et le sang recommence à couler.

    609.3 Jésus se tourne maintenant vers la foule, et on voit ainsi que la poitrine, les bras, les jambes ont été toutes frappées par les fouets. A la hauteur du foie, il y a un énorme bleu et sous l’arc costal gauche sept traces en relief, terminées par sept petites déchirures sanglantes à l’intérieur d’un cercle violacé… un féroce coup de fouet dans cette région si sensible du diaphragme… Les genoux, contusionnés par les chutes répétées qui ont commencé aussitôt après sa capture et se sont terminées sur le Calvaire, sont noirs d’hématomes et ouverts sur la rotule, spécialement le genou droit, en une vaste déchirure sanglante.

    La foule le vilipende en formant une sorte de chœur :

    « Tu es le plus beau des enfants des hommes ! Les filles de Jérusalem t’adorent… »

    Et elle se met à psalmodier :

    « Mon bien-aimé est clair et vermeil : on le distingue entre dix mille ! Sa tête est d’or, d’un or pur. Ses boucles, d’un noir de corbeau, ondulent. Ses yeux sont comme des colombes au bord d’un ruisseau qui baignent dans le lait et reposent, tranquilles. Ses joues : un parterre d’arômes, des corbeilles de senteurs. Ses lèvres, des lys, un ruissellement de myrrhe. Ses bras, des torsades d’or serties de topazes. Son ventre : un bloc d’ivoire, couvert de saphirs. Ses jambes : des colonnes de marbre posées sur des socles d’or pur. Son aspect est celui du Liban : comme le cèdre, sans rival ! Sa bouche est pur délice, tout, en lui, est désirable. »

    Ils rient et crient encore :

    « Le lépreux ! Le lépreux ! Tu as donc forniqué avec une idole, pour que Dieu t’ait frappé ainsi ? Tu as murmuré contre les saints d’Israël comme Myriam, la sœur de Moïse, si tu as été ainsi puni ? Oh ! Le Parfait ! Toi, tu es le Fils de Dieu ? Mais non ! Tu es l’avorton de Satan ! Lui, au moins, Mammon, est fort et puissant. Mais toi… tu n’es qu’une loque impuissante et dégoûtante. »

    609.4 Les larrons sont attachés sur les croix et amenés à leurs places, l’un à droite, l’autre à gauche, mais de cette manière : par rapport à celle destinée à Jésus. Ils hurlent, lancent des imprécations, maudissent. Lorsque les croix sont portées près du trou et les secouent, tandis que leurs poignets sont sciés par les cordes, leurs cris et leurs blasphèmes contre Dieu, contre la Loi, les Romains et les Juifs sont infernaux.

    Vient le tour de Jésus. Doux, il s’allonge sur le bois. Les deux larrons étaient tellement déchaînés que les quatre bourreaux, n’y arrivant pas, avaient dû demander l’intervention des soldats pour les maintenir, afin qu’ils ne repoussent pas à coups de pieds les tortionnaires qui les attachaient par les poignets. Mais pour Jésus, il n’est pas besoin d’aide. Il se couche et met la tête là où on lui dit de la mettre. Il ouvre les bras comme on lui demande de le faire, étend les jambes comme on le lui ordonne. Il s’occupe seulement de bien ajuster son voile. Désormais, son long corps, mince et blanc, se détache sur le bois sombre et le sol jaunâtre.

    609.5 Deux bourreaux s’asseyent sur sa poitrine pour la tenir immobile. Et je pense à l’oppression et à la souffrance qu’il doit avoir ressenties sous ce poids. Un troisième lui saisit le bras droit en le tenant d’une main à la première partie de l’avant-bras et de l’autre au bout des doigts. Le quatrième a déjà en main le long clou à la tige quadrangulaire terminé par une plaque arrondie et plate, large comme un sou d’autrefois. Il vérifie que le trou déjà préparé dans le bois correspond à la jointure radio-ulnaire du poignet. Il va bien. Le bourreau applique la pointe du clou sur le poignet, lève le marteau et donne le premier coup.

    Jésus, qui avait les yeux fermés, pousse un cri et a une contraction à la suite de la douleur aiguë, écarquillant ses yeux noyés de larmes. Il doit ressentir une douleur atroce… Le clou pénètre en rompant les muscles, les veines, les nerfs, en brisant les os [1]…

    Marie répond au cri de son Fils torturé par un gémissement qui rappelle la plainte d’un agneau qu’on égorge, et elle se courbe, comme brisée, en se tenant la tête dans les mains. Jésus, pour ne pas la torturer, ne crie plus. Mais les coups sont là, méthodiques, âpres, du fer contre le fer… Dire que, dessous, c’est un membre vivant qui les reçoit !

    La main droite est clouée. On passe à la gauche. Le trou ne correspond pas au carpe. Alors ils prennent une corde, lient le poignet gauche et tirent jusqu’à déboîter la jointure et arracher les tendons et les muscles, sans compter qu’ils lacèrent la peau déjà sciée par les cordes de la capture. L’autre main aussi doit souffrir, car elle est étirée par contrecoup et, autour de son clou, le trou s’élargit. On arrive à peine en haut du métacarpe, près du poignet. Ils se résignent et clouent là où ils peuvent, c’est-à-dire entre le pouce et les autres doigts, exactement au centre du métacarpe [2]. Là, le clou entre plus facilement, mais avec une plus grande souffrance, car il doit couper des nerfs importants, si bien que les doigts restent inertes alors que ceux de la main droite ont des contractions et des tremblements qui indiquent leur vitalité. Mais Jésus ne crie plus, il pousse seulement une plainte rauque derrière ses lèvres fortement serrées, et des larmes de douleur tombent par terre après avoir coulé sur le bois.

    609.6 C’est maintenant le tour des pieds. A un peu plus de deux mètres de l’extrémité de la croix, il y a un petit coin, à peine suffisant pour un pied. Les bourreaux y placent les pieds pour voir si la mesure est bonne, et comme il est un peu bas, et que les pieds y parviennent difficilement, ils étirent par les chevilles le pauvre Martyr. Le bois rêche de la croix frotte ainsi sur les blessures, déplace la couronne d’épines, qui lui arrache de nouveaux cheveux et menace de tomber. Un bourreau, d’un coup de poing, la remet en place…

    Maintenant, ceux qui étaient assis sur la poitrine de Jésus se lèvent pour se placer sur ses genoux, car Jésus fait un mouvement involontaire pour retirer ses jambes en voyant briller au soleil le clou très long qui, en longueur et en largeur est le double de ceux qui ont servi pour les mains. Ils pèsent sur les genoux écorchés, et serrent les pauvres jambes couvertes de contusions pendant que les deux autres accomplissent la besogne. Or il est beaucoup plus difficile de clouer un pied sur l’autre, en cherchant à combiner ensemble les deux jointures des tarses.

    Bien qu’ils s’appliquent à maintenir, à la cheville et aux dix orteils, les pieds immobiles contre le coin, le pied qui est dessous se déplace à cause de la vibration du clou, et ils doivent presque le déclouer, parce qu’une fois entré dans les parties molles, le clou, déjà émoussé après avoir traversé le pied droit, doit être amené un peu plus vers le milieu. Et ils frappent tant et plus… On n’entend que l’atroce frappement du marteau sur la tête du clou, car sur tout le Calvaire ce ne sont qu’oreilles tendues et regards fixés, pour recueillir tout bruit et tout geste, et en jouir…

    Par-dessus le son âpre du fer, on entend la plainte sourde d’une colombe : c’est un gémissement rauque de Marie. Elle se courbe de plus en plus à chaque coup, comme si le marteau la blessait elle, la Mère martyre. Et on comprend qu’elle semble près d’être brisée par cette torture. La crucifixion est redoutable, égale à la flagellation pour la douleur, plus atroce à regarder, car on voit le clou disparaître dans les chairs vivantes. En revanche, elle est plus brève. Alors que la flagellation épuise par sa durée.

    Pour moi, l’agonie du jardin de Gethsémani, la flagellation et la crucifixion sont les moments les plus cruels. Elles me dévoilent toute la torture du Christ. La mort me soulage, car je me dis : “ C’est fini ! ” Mais elles ne sont pas la fin. Elles sont le commencement de nouvelles souffrances.

    609.7 La croix est maintenant traînée près de la cavité qui l’attend, ce qui la fait rebondir et secoue le pauvre Crucifié. Lorsque les bourreaux veulent la dresser, elle leur échappe des mains à deux reprises, et retombe une fois soudainement, et une autre fois sur le côté droit, infligeant à Jésus un horrible déchirement, car la secousse qu’il subit déplace ses membres blessés. Mais quand ensuite on la laisse tomber, elle ondule dans tous les sens avant d’être bien calée par des pierres et de la terre, ce qui imprime de continuels déplacements au pauvre corps suspendu à trois clous. La souffrance doit être intenable.

    Tout le poids du corps de Jésus se déplace en avant et vers le bas, et les trous s’élargissent, en particulier celui de la main gauche, de même que celui des pieds. Le sang jaillit. Aux pieds, il goutte des orteils sur le sol et glisse sur le bois de la croix, mais au niveau des mains il suit les avant-bras, car ils sont plus hauts aux poignets qu’aux aisselles, par suite de la position du corps. Il coule aussi le long des côtes en descendant de l’aisselle vers la taille. Quand la croix ondule avant d’être fixée, la couronne d’épines se déplace, car la tête de Jésus se rabat vers l’arrière, et enfonce dans la nuque le gros nœud qui la termine, puis revient se placer sur le front et griffe, griffe sans pitié.

    Finalement, la croix est bien en place et il ne reste que le supplice d’y être suspendu. On dresse aussi les croix des larrons qui, une fois en position verticale, hurlent comme si on les écorchait vifs sous la torture des liens qui leur scient les poignets, en gonflent les veines comme des cordes et rendent leurs mains noires. Jésus se tait. La foule au contraire, reprend son vacarme infernal.

    Maintenant le sommet du Golgotha porte son trophée et sa garde d’honneur. A la limite la plus élevée se trouve la croix de Jésus, et les deux autres sont sur les côtés. Une demi-centurie de soldats, l’arme au pied, s’est positionnée tout autour du sommet ; à l’intérieur de ce cercle d’hommes en armes, les dix cavaliers, descendus de leur monture, jouent aux dés les vêtements des condamnés. Debout, entre la croix de Jésus et celle de droite, se tient Longinus. Il semble monter une garde d’honneur au Roi martyr. L’autre demi-centurie, au repos, est aux ordres de l’aide de camp de Longinus sur le sentier de gauche, et sur la plateforme plus basse, en attendant d’être mobilisée s’il en était besoin. Les soldats font preuve d’une indifférence à peu près totale. Un seul lève parfois la tête vers les crucifiés. 609.8 Longinus, au contraire, observe tout avec curiosité et intérêt : il compare et juge intérieurement les crucifiés, et le Christ spécialement avec les spectateurs. Son œil pénétrant ne perd aucun détail et, pour mieux voir, il protège ses yeux de la main, car le soleil doit le gêner.

    C’est en fait un soleil étrange, d’un jaune rouge d’incendie. Cet incendie semble parfois s’éteindre soudainement quand un nuage noir comme de la poix surgit de derrière les montagnes de Judée, parcourt rapidement le ciel et va disparaître derrière d’autres monts. Mais quand le soleil revient, il est si ardent que l’œil ne le supporte que difficilement.

    Longinus aperçoit Marie juste au-dessous du talus, son visage bouleversé levé vers son Fils. Il hèle un des soldats qui jouent aux dés et lui dit :

    « Si la mère de cet homme veut monter avec le fils qui la soutient, qu’elle vienne. Escorte-la et aide-la. »

    Alors Marie, soutenue par Jean que l’on prend pour son fils, monte par un petit escalier creusé dans le tufeau, je crois, et franchit le cordon de soldats pour venir au pied de la croix, mais un peu à l’écart pour être vue par Jésus et pour le voir. La foule lui adresse aussitôt les insultes les plus outrageantes, et la joint aux blasphèmes proférés contre son Fils. Mais elle, de ses lèvres tremblantes et blanches, cherche seulement à le réconforter, avec un sourire déchiré sur lequel viennent s’essuyer des larmes qu’aucune volonté ne parvient à retenir.

    609.9 Les gens, à commencer par les prêtres, scribes, pharisiens, sadducéens, hérodiens et autres de même acabit, s’offrent le plaisir de faire une sorte de carrousel : ils montent par le chemin le plus abrupt, passent le long de la hauteur terminale et redescendent par l’autre chemin, ou vice-versa. Et en passant au pied du sommet, sur la seconde plateforme, ils ne manquent pas de vomir leurs blasphèmes en hommage au Mourant. Toute la turpitude et la cruauté, toute la haine et la folie dont les hommes sont capables sortent à flots de ces bouches infernales. Les plus acharnés sont les membres du Temple, tandis que les pharisiens font chorus.

    « Sauveur du genre humain, pourquoi ne te sauves-tu pas ? Ton roi Belzébuth t’a-t-il abandonné ? Il t’a renié ? » lancent trois prêtres.

    Et une bande de juifs :

    « Toi qui, pas plus tard qu’il y a cinq jours, avec l’aide du démon, faisais dire au Père… ah ! ah ! ah ! qu’il allait te glorifier, pourquoi ne lui rappelles-tu pas sa promesse ? »

    Et trois pharisiens :

    « Blasphémateur ! Il a sauvé les autres, prétendait-il, avec l’aide de Dieu ! Et il ne réussit pas à se sauver lui-même ! Tu veux qu’on te croie ? Alors fais ce miracle. Tu ne peux pas, hein ? Maintenant tu as les mains clouées, et tu es nu. »

    Des sadducéens et des hérodiens s’adressent aux soldats :

    « Gare à ne pas être envoûtés, vous qui avez pris ses vêtements ! Il a en lui le signe infernal ! »

    Une foule en chœur :

    « Descends de la croix, et nous croirons en toi. Toi qui détruis le Temple… Quel fou !… Regarde-le, le glorieux et saint Temple d’Israël. Il est intouchable, ô profanateur ! Mais toi, tu meurs… »

    D’autres prêtres :

    « Blasphémateur ! Le Fils de Dieu, toi ? Descends de là, alors ! Foudroie-nous, si tu es Dieu. Nous n’avons pas peur de toi et nous crachons vers toi. »

    Des passants hochent la tête :

    « Il ne sait que pleurer. Sauve-toi, s’il est vrai que tu es l’Elu ! »

    Même les soldats s’y mettent :

    « Mais sauve-toi donc ! Réduis en cendres ce ramassis de bas-fonds ! Oui ! Les bas-fonds [3] de l’empire, voilà ce que vous êtes, canailles de juifs. Fais-le ! Rome te mettra au Capitole et t’adorera comme une divinité ! »

    Les prêtres et leurs comparses :

    « Les bras des femmes étaient plus doux que ceux de la croix, n’est-ce pas ? Mais regarde : elles sont déjà prêtes à te recevoir, tes… (et ils disent un mot infâme). Tu as Jérusalem tout entière pour te servir de paranymphe. »

    Et ils sifflent comme des charretiers.

    Des hommes lancent des pierres :

    « Change-les en pains, toi qui les multiplies. »

    Certains singent les hosannas du dimanche des Rameaux, agitent des palmes, et crient :

    « Maudit soit celui qui vient au nom du Démon ! Maudit soit son royaume ! Gloire à Sion qui le retranche du monde des vivants ! »

    Un pharisien se place en face de la croix, montre le poing en lui faisant les cornes et lance :

    « Je te confie au Dieu du Sinaï, disais-tu ? Maintenant le Dieu du Sinaï te prépare au feu éternel. Pourquoi n’appelles-tu pas Jonas pour qu’il te rende un bon service? »

    Un autre :

    « N’abîme pas la croix avec tes coups de tête. Elle doit servir pour tes fidèles. Il en mourra toute une légion sur ton bois. Je te le jure par le Très-Haut. Et pour commencer, j’y mettrai Lazare. Nous verrons si tu l’arraches à la mort, cette fois.

    – Oui ! Oui ! Allons chez Lazare. Clouons-le de l’autre côté de la croix. »

    Et comme des perroquets, ils imitent la parole lente de Jésus :

    « “ Lazare, mon ami, sors ! Déliez-le et laissez-le aller. [4] ”

    – Non ! Il disait à Marthe et à Marie, ses femmes : “ Je suis la Résurrection et la Vie. ” Ah ! Ah ! Ah ! La Résurrection ne sait pas repousser la mort, et la Vie meurt ! »

    609.10 « Voici Marie avec Marthe. Demandons-leur où est Lazare et allons le chercher. »

    Et ils s’avancent vers les femmes pour leur demander avec arrogance :

    « Où est Lazare ? Au palais ? »

    Alors, tandis que les autres femmes terrorisées fuient derrière les bergers, Marie-Madeleine, retrouvant dans sa douleur sa vieille hardiesse du temps du péché, s’avance vers eux :

    « Allez-y : vous trouverez déjà au palais les soldats de Rome et cinq cents hommes armés de mes terres, et ils vous castreront comme de vieux boucs destinés aux repas des esclaves attachés aux meules.

    – Effrontée ! C’est ainsi que tu t’adresses aux prêtres ?

    – Sacrilèges ! Infâmes ! Maudits ! Tournez-vous ! Je vois les langues des flammes infernales derrière vous. »

    Les lâches se tournent, vraiment terrorisés, tant est assurée l’affirmation de Marie, mais s’il n’y a pas de flammes, ils ont contre le dos les lances romaines bien pointues. En effet, Longinus a donné un ordre et la demi-centurie, qui était au repos, est entrée en faction et elle pique aux fesses les premiers qu’elle trouve. Ceux-ci s’enfuient en poussant de grands cris, et la demi-centurie reste pour fermer l’entrée des deux chemins et constituer un barrage à la plateforme. Les juifs lancent des imprécations, mais Rome est la plus forte.

    Marie-Madeleine rabaisse son voile — elle l’avait levé pour parler à ceux qui les insultaient — et revient à sa place. Les autres reviennent vers elle.

    609.11 Mais le larron de gauche continue ses insultes du haut de sa croix. Il donne l’impression d’avoir voulu rassembler tous les blasphèmes d’autrui, et il les débite tous, avant d’achever :

    « Sauve-toi et sauve-nous, si tu veux qu’on croie en toi. Le Christ, toi ? Tu es un fou ! Le monde appartient aux fourbes et Dieu n’existe pas. Moi, j’existe. Voilà la vérité. Tout m’est permis. Dieu ? Fariboles inventées pour nous tenir tranquilles. Vive notre être personnel ! Lui seul est roi et dieu ! »

    L’autre larron, celui de droite, a Marie près de ses pieds, et il la regarde presque plus qu’il ne regarde le Christ. Depuis un moment, il pleure en murmurant : “ La mère ”. Il dit :

    « Tais-toi. Tu ne crains pas Dieu, même maintenant que tu subis cette peine ? Pourquoi insultes-tu un homme bon ? Son supplice est encore plus grand que le nôtre, or lui n’a rien fait de mal. »

    Mais l’autre continue ses imprécations.

    609.12 Jésus se tait. Haletant sous l’effort que lui impose sa position, à cause de la fièvre et de son état cardiaque et respiratoire — conséquence de la flagellation subie sous une forme aussi violente —, à cause aussi de l’angoisse profonde qui lui avait fait suer du sang, il cherche à se procurer quelque soulagement, en allégeant le poids qui pèse sur ses pieds, en se suspendant à ses mains par la force des bras. Peut-être fait-il cela pour vaincre un peu la crampe qui déjà tourmente ses pieds et que trahit un frémissement musculaire. Mais le même frémissement affecte les fibres des bras qui sont forcés dans cette position ; ils doivent être gelés à leurs extrémités puisque placés plus haut et délaissés par le sang, qui arrive difficilement aux poignets, puis coule par les trous des clous en laissant les doigts sans circulation. Ceux de gauche surtout sont déjà cadavériques et restent sans mouvement, repliés vers la paume. Même les orteils expriment leur souffrance, en particulier les pouces, peut-être parce que leur nerf est moins blessé ; ils se lèvent, s’abaissent, s’écartent.

    Au niveau du tronc, le supplice se manifeste par un mouvement rapide mais sans profondeur, qui le fatigue sans le soulager. Les côtes, très larges et élevées d’elles-mêmes, car la structure du corps de Jésus est parfaite, sont maintenant dilatées plus qu’il ne le faut à cause de la position prise par le corps et de l’œdème pulmonaire qui s’est sûrement formé à l’intérieur. Et pourtant elles ne servent pas à alléger l’effort respiratoire, d’autant plus que tout l’abdomen aide par son mouvement le diaphragme qui se paralyse de plus en plus.

    La congestion et l’asphyxie grandissent de minute en minute, comme l’indiquent la couleur cyanotique qui souligne les lèvres d’un rosé allumé par la fièvre, et les étirements d’un rouge violet qui badigeonnent le cou le long des veines jugulaires gonflées, et s’élargissent jusqu’aux joues, vers les oreilles et les tempes. Le nez est effilé et exsangue et les yeux s’enfoncent dans un cercle, qui devient livide là où il est privé du sang que la couronne d’épines a fait couler.

    Sous l’arc costal gauche, on voit le coup propagé à partir de la pointe du cœur, irrégulier mais violent ; de temps en temps, sous l’effet d’une convulsion interne, le diaphragme a un frémissement profond qui se manifeste par une détente totale de la peau dans la mesure où elle peut s’étendre sur ce pauvre corps blessé et mourant.

    Le visage a déjà pris l’aspect que nous connaissons sur les photographies du Linceul, avec le nez dévié et gonflé d’un côté. L’œil droit presque fermé, à cause de l’enflure de ce côté, augmente encore cette ressemblance. La bouche, au contraire, est ouverte, et sa blessure sur la lèvre supérieure est désormais réduite à une croûte.

    La soif, provoquée par la perte de sang, par la fièvre et par le soleil, doit être intense, au point que, par un mouvement machinal, Jésus boit les gouttes de sa sueur et de ses larmes, et même les gouttes de sang qui coulent du front jusqu’à ses moustaches, et il s’en humecte la langue… La couronne d’épines l’empêche de s’appuyer au tronc de la croix pour aider la suspension par les bras et soulager les pieds. Les reins et toute l’épine dorsale se courbent vers l’extérieur : ils se détachent du tronc de la croix à partir du bassin vers le haut, à cause de la force d’inertie qui fait pencher en avant un corps suspendu comme l’était le sien.

    609.13 Les juifs, repoussés au-delà de la petite plateforme, ne cessent de proférer des insultes, et le larron impénitent leur fait écho. L’autre, qui regarde Marie avec une pitié toujours plus grande, pleure, et il riposte vertement quand il se rend compte qu’elle aussi est comprise dans les invectives adressées à Jésus.

    « Tais-toi ! Rappelle-toi que tu es né d’une femme. Et pense que nos mères ont pleuré à cause de leurs fils ; et ce furent des larmes de honte… parce que nous sommes des criminels. Elles sont mortes… Je voudrais pouvoir demander pardon à la mienne… Mais le pourrai-je ? C’était une sainte… La douleur que je lui ai causée l’a tuée… Je suis un pécheur… Qui me pardonnera ? Mère, au nom de ton Fils mourant, prie pour moi. »

    Marie lève un instant son visage torturé pour regarder ce malheureux qui, à travers le souvenir de sa propre mère et la contemplation d’elle-même, évolue vers le repentir ; elle paraît le caresser de son regard de colombe.

    Les larmes de Dismas redoublent, ce qui déchaîne encore plus les moqueries de la foule et de son compagnon. La première crie :

    « Bravo ! Prends-la pour mère. Cela lui fera deux fils criminels ! »

    Et l’autre renchérit :

    « Elle t’aime, car tu es une copie — une mauvaise copie ! — de son enfant bien-aimé. »

    609.14 Jésus prend la parole pour la première fois :

    « Père, pardonne-leur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font ! »

    Cette prière vainc toute crainte chez Dismas. Il ose regarder le Christ, et dit :

    « Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton royaume. Pour moi, il est juste que je souffre ici. Mais accorde-moi miséricorde et paix dans l’autre vie. Un jour, je t’ai entendu parler et, dans ma folie, j’ai repoussé ta parole. Je m’en repens maintenant. Je me repens de mes péchés devant toi, Fils du Très-Haut. Je crois que tu viens de Dieu. Je crois en ton pouvoir. Je crois en ta miséricorde. Christ, pardonne-moi au nom de ta Mère et de ton Père très saint. »

    Jésus se tourne et le regarde avec une profonde pitié. Avec un sourire encore très beau sur sa pauvre bouche torturée, il déclare :

    « Je te le dis : aujourd’hui, tu seras avec moi au Paradis. »

    Le larron repenti se calme et, ne sachant plus les prières apprises pendant son enfance, il répète comme une oraison jaculatoire :

    « Jésus de Nazareth, roi des Juifs, aie pitié de moi. Jésus de Nazareth, roi des Juifs, j’espère en toi. Jésus de Nazareth, roi des Juifs, je crois à ta divinité. »

    L’autre persiste dans ses blasphèmes.




[1] Cette mention semble contredire l’Évangile de Jean affirmant qu’aucun des os de Jésus ne fut brisé (Jean 19, 31-36). Mais cette mention s’applique aux jambes qui effectivement ne furent pas brisées (Cf. ci-dessous 609.31/32). Mais il semble invraisemblable que les mains (poignet droit) et les pieds de Jésus, constitués d’os nombreux et fragiles, n’aient pas été brisés par les clous dont voici une reconstitution expérimentale réalisée par Lorenzo Ferri à partir du Linceul de Turin.

[2] Cette élongation, particulièrement douloureuse, est rapportée de même par Maria d’Agreda et Anne-Catherine Emmerich (que Maria Valtorta n »avait pas lu à ce moment). C’est confirmé aussi par la reconstitution de Lorenzo Ferri qui constatait un allongement de 4 cm du bras droit qu’il ne pouvait expliquer avant de rencontrer Maria Valtorta. Les voyantes sont aussi unanimes sur le retournement de la croix que rapporte ultérieurement Jean, seul témoin parmi les apôtres.

[3] Quartier mal famé de Rome.

[4] Ils avaient donc assisté à la résurrection de Lazare EMV 548.




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-029.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/crucifiement-et-mort-de-jesus.html
Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 2 Juil - 22:10

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

609. La crucifixion de Jésus, la mort et la déposition de croix (partie 2)

Ancienne édition : Tome 9, chapitre 29
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 609

Vendredi 5 avril 30
Jérusalem


Vision du mardi 27 mars 1945 (mardi saint).


Episode audio:

    609.15 Le ciel devient toujours plus sombre. Il est désormais rare que les nuages s’entrouvrent pour laisser passer le soleil. Ils s’amoncellent au contraire en couches de plus en plus épaisses, blanches, verdâtres, ils se surmontent, se démêlent selon les caprices d’un vent froid qui parcourt le ciel par intervalles, puis descend sur la terre, puis se tait de nouveau ; l’air est presque plus sinistre quand il se tait, étouffant et mort, que quand il siffle, coupant et rapide.

    La lumière, d’abord vive outre mesure, est en train de devenir blafarde. Les visages prennent des teintes bizarres. Les soldats, sous leurs casques et dans leurs cuirasses d’abord brillantes, mais dorénavant enveloppées dans une lumière glauque sous un ciel de cendre, présentent des profils durs comme s’ils étaient sculptés. Les juifs, en majorité bruns de peau, de cheveux et de barbe, ont l’air de noyés tant leurs visages deviennent terreux. Les femmes ressemblent à des statues de neige bleutée à cause de leur pâleur exsangue que la lumière accentue.

    Jésus paraît devenir sinistrement livide, comme s’il commençait à se décomposer, comme s’il était déjà mort. Sa tête commence à retomber sur la poitrine. Les forces lui manquent rapidement. Il tremble malgré la fièvre qui le brûle. Et dans sa faiblesse, il murmure le nom qu’il ne prononçait jusqu’ici qu’au fond de son cœur :

    « Maman ! Maman ! »

    Il le murmure doucement, comme dans un soupir, comme s’il éprouvait déjà un léger délire qui l’empêche de se retenir autant que sa volonté le voudrait. Et Marie, chaque fois, ne peut s’empêcher de lui tendre les bras comme pour le secourir.

    Les gens cruels rient de ce spasme du Mourant et de celle qui le partage. Prêtres et scribes montent de nouveau par derrière les bergers, qui cependant se tiennent sur la plateforme basse. Comme les soldats voudraient les repousser, ils réagissent :

    « Ces Galiléens n’y sont-ils pas ? C’est aussi notre place, car il nous faut vérifier que justice est faite complètement, or nous ne pouvons pas voir de loin dans cette lumière étrange. »

    En fait, beaucoup commencent à être impressionnés par la lueur qui est en train d’envelopper le monde ; certains même ont peur. Les soldats eux aussi regardent le ciel, car une sorte de cône qui semble de l’ardoise tant il est sombre, s’élève comme un pin derrière un sommet. On pourrait croire à une trombe marine. Il s’élève, s’élève et produit des nuages de plus en plus noirs, comme si c’était un volcan vomissant de la fumée et de la lave.

    C’est dans cette lumière crépusculaire et effrayante que Jésus donne Jean à Marie et Marie à Jean. Il penche la tête, car la Mère, pour mieux voir, s’est mise plus près sous la croix, et il lui dit :

    « Femme, voici ton fils. Fils, voici ta Mère. »

    Marie a le visage encore plus bouleversé après cette parole, le testament de son Jésus, qui n’a rien à donner à sa Mère sinon un homme, lui qui, par amour de l’homme, la prive de l’Homme-Dieu né d’elle. Mais elle, la pauvre Marie, s’efforce de ne pleurer que silencieusement, car elle ne peut pas, elle ne peut pas s’en empêcher… Ses larmes coulent malgré les efforts qu’elle fait pour les retenir, bien que sa bouche garde un sourire déchirant qu’elle fixe sur ses lèvres pour lui, pour le réconforter lui…

    Les souffrances ne cessent d’augmenter et la lumière ne cesse de décroître.

    609.16 C’est dans cette lumière de fond marin que Nicodème et Joseph, qui étaient derrière les juifs, traversent leurs rangs :

    « Ecartez-vous !

    – Impossible ! Que voulez-vous ? demandent les soldats.

    – Passer. Nous sommes des amis du Christ. »

    Les chefs des prêtres, indignés, se tournent :

    « Qui ose se déclarer ami du rebelle ? »

    Et Joseph, résolument :

    « Moi, noble membre du Grand Conseil, Joseph d’Arimathie, l’Ancien, et j’ai avec moi Nicodème, chef des juifs.

    – Qui pactise avec le rebelle est un rebelle.

    – Et qui pactise avec les assassins est un assassin, Eléazar, fils d’Hanne. J’ai vécu en juste, et maintenant je suis âgé et près de mourir. Je ne veux pas devenir injuste alors que déjà le Ciel descend sur moi et avec lui le Juge éternel.

    – Toi, Nicodème ! Je m’étonne !

    – Moi aussi, et d’une seule chose : qu’Israël soit tellement corrompu qu’il ne sait plus reconnaître Dieu.

    – Tu me dégoûtes.

    – Ecarte-toi donc, et laisse-moi passer. Je ne demande que cela.

    – Pour te contaminer davantage ?

    – Si je ne me suis pas contaminé en restant à vos côtés, rien ne me contamine plus. Soldat, prends cette bourse et le laissez-passer. »

    Et il tend au décurion le plus proche une bourse et une tablette de cire. Celui-ci en prend connaissance et ordonne aux soldats :

    « Laissez passer ces hommes. »

    Joseph et Nicodème s’approchent des bergers. Je ne sais même pas si Jésus les voit, dans ce brouillard de plus en plus épais ; d’ailleurs, déjà son regard se voile dans l’agonie. Mais eux le voient et ils pleurent sans respect humain, tandis que les insultes des prêtres tombent sur eux.

    609.17 Les souffrances sont toujours plus fortes. Le corps éprouve les premières cambrures de la tétanie et chaque clameur de la foule les exaspère. La mort des fibres et des nerfs s’étend des extrémités torturées au tronc, rendant de plus en plus difficile le mouvement de la respiration, plus faible la contraction du diaphragme et plus désordonnés les battements du cœur. Le visage du Christ passe alternativement d’une rougeur intense à la pâleur verdâtre d’un mourant par hémorragie. Sa bouche remue avec un grand effort, car les nerfs exténués du cou et de la tête elle-même, qui ont servi des dizaines de fois de levier au corps, en s’arc-boutant sur la barre transversale de la croix, propagent la crampe jusqu’aux mâchoires. Je suppose que sa gorge, enflée par les carotides engorgées, lui fait mal ; elle doit étendre son œdème à la langue, qui paraît grossie et dont les mouvements sont très lents. La colonne vertébrale, même dans les moments où les contractions tétanisantes ne la courbent pas en un arc complet de la nuque aux hanches, appuyées comme points extrêmes au bois de la croix, s’incline de plus en plus en avant, car les membres ne cessent de s’alourdir du poids de la chair morte.

    La foule distingue mal tout cela, car la lumière est désormais couleur de cendre sombre, et seuls peuvent bien voir ceux qui se tiennent au pied de la croix.

    609.18 A un moment donné, Jésus s’affaisse vers l’avant, vers le bas, comme s’il était déjà mort ; il ne halète plus, sa tête inerte pend en avant. Le corps, depuis les hanches vers le haut, est complètement détaché, et fait un angle avec les bras de la croix.

    Marie pousse un cri :

    « Il est mort ! »

    Cri tragique qui se propage dans l’air obscurci… Et Jésus semble réellement mort.

    Un autre cri féminin lui répond, et dans le groupe des femmes je vois un mouvement. Puis une dizaine de personnes s’éloignent en soutenant quelque chose, mais je n’arrive pas à voir qui. La lumière brumeuse est trop faible. On se croirait plongé dans une nuée épaisse de cendres volcaniques.

    « Ce n’est pas possible ! » hurlent des prêtres et des juifs. « C’est une feinte pour nous éloigner. Soldat, pique-le de ta lance. C’est un bon remède pour lui rendre la voix. »

    Et comme les soldats ne le font pas, pierres et mottes de terre volent vers la croix, frappent le Martyr et retombent sur les cuirasses romaines.

    Le remède, comme disent ironiquement les juifs, opère le prodige. Une pierre aura adroitement atteint la blessure d’une main ou la tête elle-même, car ils visaient vers le haut. Jésus pousse un gémissement pitoyable et revient à lui. Le thorax recommence à respirer avec beaucoup de peine et la tête à se tourner de droite à gauche à la recherche d’une position qui la fasse moins souffrir, sans trouver autre chose qu’une souffrance plus grande.

    609.19 Avec peine, Jésus, puisant sa force dans sa seule volonté, prend appui une fois encore sur ses pieds torturés, se raidit sur la croix, se redresse comme s’il était en pleine forme, relève la tête et regarde avec des yeux bien ouverts le monde qui s’étend à ses pieds, la ville lointaine qu’on entrevoit à peine comme une vague blancheur dans la brume, et le ciel noir d’où toute couleur bleue et toute trace de lumière ont disparu.

    Et vers ce ciel fermé, compact, bas, semblable à une énorme plaque d’ardoise sombre, il pousse un grand cri, triomphant par la force de sa volonté, par l'exigence de son âme, de l’obstacle de ses mâchoires raidies, de sa langue enflée, de sa gorge gonflée :

    « Eloï, Eloï, lamma chébacténi ? » [5] (c’est ainsi que je l’entends).

    Il doit se sentir mourir, et dans un abandon absolu du Ciel, pour reconnaître par un tel cri l’abandon de son Père.

    Les gens rient et se gaussent. Ils l’insultent :

    « Dieu n’a que faire de toi ! Les démons sont maudits de Dieu ! »

    D’autres crient :

    « Voyons si Elie viendra le sauver ! »

    Ou encore :

    « Donnez-lui un peu de vinaigre, pour qu’il se gargarise la gorge. C’est bon pour la voix ! Elie ou Dieu, car on ne sait pas ce que veut le fou, sont loin… Il faut de la voix pour se faire entendre ! »

    Et ils rient comme des hyènes ou comme des démons.

    Mais aucun soldat ne donne du vinaigre, et personne ne vient du Ciel le réconforter. C’est l’agonie solitaire, totale, cruelle, même surnaturellement cruelle, de la grande Victime.

    Alors reviennent les vagues de douleur désolée qui l’avaient accablé à Gethsémani, la marée des péchés du monde entier frappent le Naufragé innocent pour l’engloutir dans leur amertume. Revient surtout la sensation, plus crucifiante que la croix elle-même, plus désespérante que toute torture, que Dieu l’a abandonné et que sa prière ne monte pas vers lui…

    Et c’est le tourment final, celui qui hâte la mort : il exsude les dernières gouttes de sang des pores, il écrase les dernières fibres du cœur, il achève ce que la première connaissance de cet abandon a commencé : la mort. Car cet abandon est bien la première cause de la mort de mon Jésus, ô Dieu, toi qui l’as frappé à cause de nous !

    Après ton abandon, par l’effet de ton abandon, que devient une créature ? Un fou ou un mort. Jésus ne pouvait pas devenir fou car son intelligence était divine et, spirituelle comme l’est l’intelligence, elle triomphait du traumatisme total de Celui que Dieu frappait. Il devint donc un mort : le Mort, le très saint Mort, le Mort absolument innocent. Mort, lui qui était la Vie, tué par ton abandon et par nos péchés.

    609.20 L’obscurité s’épaissit encore. Jérusalem disparaît complètement et les pentes du Calvaire lui-même semblent s’effacer. Seul le sommet en est visible, comme si les ténèbres le surélevaient pour recueillir l’unique et dernière lumière qui restait, en la plaçant comme pour une offrande avec son trophée divin, sur une nappe d’onyx liquide, pour qu’elle soit vue par l’amour et par la haine.

    Et de cette lumière qui n’est pas de la lumière arrive la voix plaintive de Jésus :

    « J’ai soif ! »

    Il souffle en effet un vent qui altère même les personnes en bonne santé, un vent continu maintenant, violent, chargé de poussière, froid, effrayant. Je pense à la douleur qu’il aura provoquée aux poumons, au cœur, au gosier de Jésus, à ses membres glacés, engourdis, blessés. Vraiment, tout s’est réuni pour torturer le Martyr.

    Un soldat se rend auprès d’un vase où les aides du bourreau ont mis du vinaigre avec du fiel parce que, par son amertume, il augmente la salivation chez les suppliciés. Il prend l’éponge dans le liquide, l’enfile au bout d’un roseau fin et pourtant rigide qui est prêt, à portée de main, et il la présente au Mourant.

    Jésus se tend avidement vers l’éponge qui approche. On dirait un enfant affamé qui cherche le sein de sa mère.

    A cette vue Marie, qui doit y penser, gémit, en s’appuyant sur Jean :

    « Je ne peux même pas lui donner une de mes larmes… Oh ! mon sein, pourquoi ne donnes-tu plus de lait ? Mon Dieu, pourquoi, pourquoi nous abandonnes-tu ainsi ? Fais un miracle pour mon Fils ! Qui me soulèvera pour que je le désaltère de mon sang, puisque je n’ai pas de lait ?… »

    Jésus, qui a sucé avidement l’âpre et amère boisson, détourne la tête, dégoûté. Ce breuvage doit brûler ses lèvres blessées et gercées.

    609.21 Il se retire, s’affaisse, s’effondre.

    Tout le poids de son corps retombe sur ses pieds, en avant. Ce sont les extrémités blessées qui subissent l’atroce souffrance de s’ouvrir sous le poids d’un corps qui s’abandonne. Plus un mouvement ne saurait soulager cette douleur. Depuis le bassin jusqu’en haut, tout est détaché du bois et reste ainsi.

    La tête de Jésus pend en avant si pesamment que le cou paraît creusé en trois endroits : à la gorge, complètement enfoncée, et de part et d’autre du sterno-cléido-mastoïdien. Sa respiration est de plus en plus haletante et entrecoupée. C’est déjà plus un râle syncopé qu’une respiration. De temps à autre, un accès de toux pénible fait monter sur ses lèvres une écume légèrement rosée. Les intervalles entre deux expirations deviennent toujours plus longs. L’abdomen est déjà immobile. Seul le thorax se soulève encore, mais avec beaucoup de difficulté… La paralysie pulmonaire s’accentue.

    Alors, à la manière d’un enfant qui se plaint, Jésus appelle :

    « Maman ! »

    Et la malheureuse murmure :

    « Oui, mon trésor, je suis là. »

    Et quand sa vue qui se voile fait dire à Jésus : “ Maman, où es-tu ? Je ne te vois plus. Toi aussi tu m’abandonnes ? ” ce n’est même plus une parole, c'est un murmure, à peine audible pour celui qui recueille avec le cœur plutôt qu’avec l’ouïe tous les soupirs du Mourant.

    Elle dit :

    « Non, non, mon Fils ! Moi je ne t’abandonne pas ! Ecoute-moi, mon chéri… Maman est ici, elle est ici… et son seul tourment est de ne pas pouvoir venir là où tu es… »

    C’est un déchirement… Jean pleure sans retenue. Je suppose que Jésus entend ses sanglots, mais il ne dit rien. Je pense que la mort imminente le fait parler comme s’il délirait ; il ne doit même pas savoir ce qu’il dit et, malheureusement, il ne comprend pas le réconfort de sa Mère et l’amour de son disciple bien-aimé.

    Longinus avait abandonné sans s’en rendre compte son attitude de repos mains croisées sur la poitrine et jambes croisées à cause de la longueur de l’attente pour s’appuyer tantôt sur un pied tantôt sur l’autre. Mais maintenant, il se met au garde-à-vous, la main gauche sur son épée, la main droite pendant le long de son côté comme s’il se trouvait sur les marches du trône impérial. Il ne veut pas s’émouvoir. Mais son visage s’altère sous l’effort qu’il fait pour vaincre l’émotion, et ses yeux brillent d’une larme que seule retient sa discipline de fer.

    Les autres soldats, qui jouaient aux dés, se sont arrêtés et se sont levés pour remettre les casques qui leur avaient servi à agiter les dés ; ils se sont groupés près du petit escalier creusé dans le tuffeau, silencieux, attentifs. Les autres sont de service et ne peuvent changer de position. On dirait des statues. Mais l’un des plus proches entend les paroles de Marie, bougonne quelque chose et hoche la tête.

    609.22 Un silence. Puis, nette dans l’obscurité totale, jaillit la parole :

    « Tout est accompli ! »

    Suit un halètement de plus en plus rauque avec, entre les râles, des intervalles de silence de plus en plus longs.

    Le temps court sur ce rythme angoissé. La vie revient quand l’air est rompu par le halètement âpre du Mourant… La vie cesse quand ce son pénible disparaît.

    On souffre de l’entendre… on souffre de ne pas l’entendre… On dit : “ Assez de souffrance ! » et on dit : “ Mon Dieu ! que ce ne soit pas son dernier soupir ! »

    Toutes les Marie pleurent, la tête contre le talus. Leurs sanglots sont bien audibles car, désormais, la foule se tait de nouveau pour recueillir les râles du Mourant.

    Encore un silence. Puis, prononcée avec une infinie douceur, en une ardente prière, s’élève cette supplication :

    « Père, entre tes mains je remets mon esprit ! »

    Encore un silence. Même le râle se fait léger. Ce n’est plus qu’un souffle qui sort des lèvres et de la gorge.

    Puis voilà le dernier spasme de Jésus, une affreuse convulsion, qui paraît vouloir arracher du bois le corps qui y est fixé par trois clous. Elle monte par trois fois des pieds à la tête, et parcourt tous les pauvres nerfs torturés, soulève à trois reprises l’abdomen d’une manière anormale, puis lâche prise après l’avoir dilaté comme par un bouleversement des viscères, de sorte qu’il retombe et se creuse comme s’il était vidé. Encore une fois cette convulsion revient, elle gonfle, puis resserre si fortement le thorax que la peau se creuse entre les côtes, qui se tendent en apparaissant sous l’épiderme ; les blessures de la flagellation se rouvrent. Puis la convulsion porte violemment la tête en arrière à trois reprises, la faisant frapper durement contre le bois. Elle contracte en un seul spasme tous les muscles du visage, en accentuant la déviation de la bouche à droite, elle fait ouvrir et dilater les paupières sous lesquelles on voit rouler le globe oculaire et apparaître la sclérotique. Le corps se tend tout entier. A la dernière des trois contractions, Jésus n’est plus qu’un arc tendu, vibrant, terrible à voir. Soudain un cri puissant, impensable dans ce corps épuisé, se dégage, déchire l’air, le “ grand cri ” dont parlent les évangiles et qui est la première syllabe du mot “ Maman ”… Puis plus rien…



    La tête retombe sur la poitrine, le corps en avant, le frémissement cesse ainsi que toute respiration.
Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 09-02810

Jésus a expiré.

    609.23 La terre répond au cri de Celui qu’on a tué par un grondement effrayant. On dirait que des milliers de buccins de géants émettent un même son et, sur cet accord terrifiant, se greffent les notes isolées, déchirantes, des éclairs qui sillonnent le ciel en tous sens, tombant sur la ville, sur le Temple, sur la foule… Je crois qu’il y aura eu des gens foudroyés, car la foule est frappée directement. Il n’y a plus d’autre lumière que celle des éclairs, encore est-elle irrégulière.

    Et puis tout à coup, pendant que durent encore les décharges de la foudre, la terre se convulse sous un tourbillon de vent digne d’un cyclone. Le tremblement de terre et la trombe d’air s’unissent dans une même apocalypse pour châtier les blasphémateurs. Le sommet du Golgotha ondule et danse comme un plat dans la main d’un fou ; les secousses telluriques [6] malmènent tellement les trois croix qu’elles pourraient les renverser.

    Longinus, Jean et les soldats s’accrochent là où ils peuvent, comme ils peuvent, pour ne pas tomber. D'un bras, Jean s'agrippe à la croix, et de l’autre il soutient Marie qui, à cause de sa douleur et des secousses, s’abandonne sur son cœur. Les autres soldats, et surtout ceux du côté en pente, ont dû se réfugier au milieu pour ne pas être projetés en bas. Les larrons hurlent de terreur, la foule crie encore plus fort et voudrait s’enfuir, mais elle ne le peut. Les gens tombent les uns sur les autres, s’écrasent, se précipitent dans les fentes du sol, se blessent, roulent le long de la pente, deviennent fous.

    Le tremblement de terre et la trombe d’air se répètent trois fois, puis vient l’immobilité absolue d’un monde mort. Seuls des éclairs, mais sans tonnerre, sillonnent encore le ciel et éclairent la scène des juifs qui fuient dans tous les sens, les mains dans les cheveux, tendues en avant, ou encore levées vers ce ciel, méprisé jusque là, mais dont ils ont maintenant peur. L’obscurité est tempérée par une clarté lumineuse qui, aidée par la lueur magnétique des éclairs silencieux, permet de voir que beaucoup gisent sur le sol, morts ou évanouis, je ne sais. Une maison brûle, et les flammes s’élèvent tout droit dans l’air immobile, mettant une nuance de rouge vif sur le vert cendre de l’atmosphère.

    609.24 Marie quitte la poitrine de Jean, et lève la tête pour regarder son Jésus. Elle l’appelle, car elle le voit mal dans la faible lumière, d’ailleurs ses pauvres yeux sont pleins de larmes. Trois fois elle l’appelle : “ Jésus ! Jésus ! Jésus ! ” C’est la première fois qu’elle l’appelle par son nom depuis qu’il est sur le Calvaire. Enfin, grâce à un éclair qui forme une sorte de couronne sur la cime du Golgotha, elle le voit, immobile, tout penché, la tête complètement inclinée vers l’avant et à droite, au point de toucher l’épaule avec la joue, et les côtes avec le menton, et elle comprend. Elle tend ses mains, qui tremblent dans l’air obscurci et crie :

    « Mon Fils ! Mon Fils ! Mon Fils ! »

    Puis elle écoute… Elle a la bouche ouverte comme si elle pouvait lui servir à mieux écouter, et les yeux dilatés pour voir, pour voir… Elle ne peut croire que son Jésus n’est plus…

    Jean lui aussi a regardé et écouté, et il a compris que tout est fini. Il prend Marie dans ses bras et cherche à l’éloigner en disant :

    « Il ne souffre plus. »

    Mais avant que l’apôtre ne termine sa phrase, Marie, qui a compris, se dégage, tourne sur elle-même, se penche vers le sol, porte les mains à ses yeux et s’écrie :

    « Je n’ai plus de Fils ! »

    Alors elle vacille, et tomberait même, si Jean ne la recueillait sur son cœur. Puis il s’assied par terre pour mieux la soutenir sur sa poitrine, jusqu’à ce que les Marie remplacent l’apôtre auprès de la Mère. Elles ont en effet pu s’approcher sans être retenues par le cercle supérieur des soldats car, maintenant que les juifs se sont enfuis, ils se sont rassemblés sur la petite place qui est au-dessous pour commenter l’événement.

    Marie-Madeleine s’assied là où était Jean, et étend presque Marie sur ses genoux. La soutenant entre ses bras et sa poitrine, elle embrasse son visage exsangue, renversé sur son épaule compatissante. Marthe et Suzanne se servent d’une éponge et d’un linge trempés dans le vinaigre, pour laver ses tempes et ses narines, pendant que sa belle-sœur, la bonne Marie, femme d’Alphée, lui baise les mains en l’appelant d’une voix déchirante. Dès que la Vierge rouvre les yeux et tourne vers elle un regard que la douleur rend pour ainsi dire hébété, elle lui dit :

    « Ma fille, ma fille chérie, écoute… dis-moi que tu me vois… Je suis ta Marie… Ne me regarde pas ainsi !… »

    Et après que le premier sanglot a ouvert la gorge de Marie et que ses premières larmes coulent, elle ajoute :

    « Oui, oui, pleure… Ici avec moi, comme près d’une maman, ma pauvre, ma sainte fille. »

    Puis quand elle l’entend dire : « Oh ! Marie ! Marie ! tu as vu ? », elle gémit :

    « Oui ! oui… mais… mais… ma fille… oh ! ma fille !… »

    Elle ne trouve rien d’autre à dire et hoquette, en pleurs désolés auxquels font écho toutes les autres, c’est-à-dire Marthe et Marie, la mère de Jean et Suzanne.

    Les autres saintes femmes ne sont plus là. Je pense qu’elles sont parties et avec elles les bergers, quand on a entendu ce cri de femme…

    609.25 Les soldats discutent :

    « Tu as vu les juifs ? Cette fois, ils avaient peur.

    – Et ils se frappaient la poitrine.

    – Les plus terrifiés, c’étaient les prêtres !

    – Quelle peur ! J’ai senti d’autres tremblements de terre. Mais jamais comme celui-là. Regarde : la terre est pleine de crevasses.

    – Et tout un passage de la longue route s’est effondré.

    – Et dessous, il y a des corps.

    – Laisse-les ! Cela fera autant de serpents de moins.

    – Oh ! Un autre incendie ! Dans la campagne…

    – Mais est-il vraiment mort ?

    – Tu ne vois pas ? Tu en doutes ? »

    609.26 Joseph et Nicodème surgissent de derrière la roche. Ils ont sûrement dû se réfugier à l’abri de la montagne pour se protéger de la foudre. Ils s’avancent vers Longinus.

    « Nous voulons le corps.

    – Seul le Proconsul peut l’accorder. Allez le trouver, et vite, car j’ai entendu dire que les juifs veulent se rendre au Prétoire et obtenir le brisement des jambes. Or je ne voudrais pas qu’ils lui fassent affront.

    – Comment le sais-tu ?

    – Rapport de l’enseigne. Allez. Je vous attends. »

    Les deux homme se précipitent par la descente raide et disparaissent.

    609.27 C’est alors que Longinus s’approche de Jean et lui dit un mot que je ne comprends pas, puis il se fait donner une lance par un soldat. Il regarde les femmes : elles s’occupent toutes de Marie, qui reprend lentement des forces, et tournent le dos à la croix.

    Longinus se met en face du Crucifié, étudie bien le coup, puis le donne. La large lance pénètre profondément de bas en haut, de droite à gauche.

    Jean qui se débat entre son désir de voir et l’horreur de la vision, détourne la tête un instant.

    « C’est fait, mon ami » dit Longinus, avant d’ajouter : « C’est mieux ainsi. Comme à un cavalier, et sans briser les os… c’était vraiment un juste ! »

    De la blessure suinte beaucoup d’eau et à peine un filet de sang qui déjà forme des caillots. Suinte, ai-je dit. Il ne sort qu’en filtrant par la coupure nette qui reste inerte. Si Jésus avait encore respiré, elle se serait ouverte et fermée par le mouvement du thorax et de l’abdomen…

    609.28 … Pendant que sur le Calvaire tout garde ce tragique aspect, je rejoins Joseph et Nicodème qui descendent par un raccourci pour aller plus vite.

    Ils sont presque en bas quand ils rencontrent Gamaliel : un Gamaliel dépeigné, sans couvre-chef, sans manteau, avec son splen­dide vêtement souillé de terre et déchiré par les ronces. Il monte en courant et haletant, les mains dans ses cheveux clairsemés et plutôt gris d’homme âgé. Ils se parlent sans s’arrêter.

    « Gamaliel ! Toi ?

    – Toi, Joseph ? Tu le quittes ?

    – Moi, non. Mais pourquoi es-tu ici ? Et dans un tel état ?…

    – Il se passe des choses terribles ! J’étais dans le Temple ! Le signe ! Le Temple tout ouvert ! Le rideau pourpre et jacinthe pend, déchiré ! Le Saint des Saints est découvert ! Anathème sur nous ! »

    Il a parlé sans cesser de courir vers le sommet, rendu fou par la preuve.

    Les deux hommes le regardent s’éloigner… Ils se regardent mutuellement… et disent ensemble :

    « “ Ces pierres frémiront à mes dernières paroles ! ” Il le lui avait promis !… »

    609.29 Ils hâtent leur marche vers la ville.

    A travers la campagne, entre la colline et les murs, et au-delà, errent, dans une semi-obscurité, des gens à l’air hébété… Cris, pleurs, lamentations… Il y en a qui s’exclament :

    « Son sang a fait pleuvoir du feu ! »

    D’autres :

    « Le Seigneur est apparu parmi les éclairs pour maudire le Temple ! »

    Plusieurs gémissent :

    « Les tombeaux ! Les tombeaux ! »

    Joseph saisit quelqu’un qui se cogne la tête contre les murs et il l’appelle par son nom, en le traînant avec lui au moment où il entre dans la ville :

    « Simon, mais qu’est-ce que tu dis ?

    – Laisse-moi ! Tu es toi aussi un mort ! Tous les morts ! Tous sont dehors et ils me maudissent.

    – Il est devenu fou » constate Nicodème.

    Ils le laissent là et reprennent leur marche rapide vers le Prétoire.

    La ville est en proie à la terreur. Des gens vont et viennent en se battant la poitrine ; d’autres font un bond en arrière ou se retournent avec épouvante en entendant derrière eux une voix ou un pas.

    Dans l’une des si nombreuses arcades obscures, l’apparition de Nicodème, vêtu de laine blanche — car pour aller plus vite, il a enlevé sur le Golgotha son manteau foncé — fait pousser un cri de terreur à un pharisien, qui s’enfuit. Puis il s’aperçoit que c’est Nicodème et il s’attache à son cou, étrangement expansif, en s’exclamant :

    « Ne me maudis pas ! Ma mère m’est apparue et m’a dit : “ Sois maudit pour toujours ! ” » avant de s’affaisser sur le sol en s’écriant : « J’ai peur ! J’ai peur !

    – Mais ils sont tous devenus fous ! » s’étonnent les deux hommes.

    Ils arrivent au Prétoire. C’est seulement là, pendant qu’ils attendent d’être reçus par le Proconsul, que Joseph et Nicodème réussissent à savoir la raison de telles terreurs. Beaucoup de tombeaux s’étaient ouverts par suite de la secousse tellurique, et des personnes juraient en avoir vu sortir des squelettes qui, l’espace d’un instant, reprenaient apparence humaine et allaient accuser les coupables du déicide et les maudire.

    Je les quitte dans l’atrium du Prétoire où les deux amis de Jésus entrent sans faire tant d’histoires de dégoût stupide et de peur de contamination, 609.30 et je reviens au Calvaire, rejoignant Gamaliel qui, désormais épuisé, gravit les derniers mètres. Il avance en se battant la poitrine et, lorsqu’il arrive sur la première des deux petites plateformes, il se jette par terre, longue forme blanche sur le sol jaunâtre, et gémit :

    « Le signe ! Le signe ! Dis-moi que tu me pardonnes ! Un gémissement, même un seul gémissement, pour me dire que tu m’entends et me pardonnes… »

    Je comprends qu’il croit Jésus encore vivant. Il ne se détrompe que lorsqu’un soldat le heurte de sa lance et lui lance :

    « Lève-toi et tais-toi. C’est inutile ! Il fallait y penser avant. Il est mort. Et moi, qui suis païen, je te le déclare : l’homme que vous avez crucifié était réellement le Fils de Dieu !

    – Mort ? Tu es mort ? Oh ! »

    Gamaliel lève un visage terrorisé, cherche à voir jusque là haut, sur le sommet, dans la lumière crépusculaire. Il distingue peu de choses, mais assez pour comprendre que Jésus est bien mort. Il regarde le groupe qui réconforte Marie ainsi que Jean, debout à gauche de la croix, tout en larmes, et Longinus debout à droite, dans une posture solennelle et respectueuse.

    Il se met à genoux, tend les bras et pleure :

    « C’était toi ! C’était toi ! Nous ne pouvons plus être pardonnés. Nous avons demandé ton sang sur nous. Il crie vers le Ciel, et le Ciel nous maudit… Mais tu étais la Miséricorde !… Je te dis, moi, qui suis le rabbi anéanti de Juda : “ Ton sang sur nous, par pitié. ” Asperges-en-nous! Lui seul peut nous obtenir le pardon… »

    Il sanglote. Puis, plus doucement, il reconnaît sa secrète torture :

    « J’ai obtenu le signe demandé… Mais des siècles et des siècles de cécité spirituelle obsurcissent encore ma vue intérieure, et contre ma volonté de maintenant se dresse la voix de mon orgueilleuse pensée d’hier… Pitié pour moi ! Lumière du monde, dans les ténèbres qui ne t’ont pas compris, fais descendre un de tes rayons ! Je suis le vieux juif fidèle à ce qu’il croyait justice et qui était erreur. Maintenant je suis une lande brûlée, sans plus aucun des vieux arbres de la foi antique, sans aucune semence ni tige de la foi nouvelle. Je suis un désert aride. Opère le miracle de faire se dresser une fleur qui ait ton nom dans ce pauvre cœur de vieil israélite entêté. Toi, le Libérateur, pénètre dans ma pauvre pensée prisonnière des formules. Isaïe le dit : “ Il a payé pour les pécheurs et il a pris sur lui les péchés des multitudes. ” Oh ! le mien aussi, Jésus de Nazareth… »

    Il se lève, regarde la croix qui se fait toujours plus nette dans la lumière qui revient, puis s’en va courbé, vieilli, anéanti.

    Sur le Calvaire le silence règne, à peine interrompu par les pleurs de Marie.

    Les deux larrons, épuisés par la peur, ne disent plus rien.

    609.31 Nicodème et Joseph arrivent rapidement et annoncent qu’ils ont la permission de Pilate. Mais Longinus, qui ne s’y fie pas trop, envoie chez le Proconsul un soldat à cheval pour vérifier ce qu’il en est, et demander ce qu’il doit faire avec les deux larrons. Le soldat va et revient au galop avec l’ordre de remettre Jésus aux siens et de briser les jambes des autres, par volonté des juifs.

    Longinus appelle les quatre bourreaux, qui se sont lâchement accroupis sous le rocher et sont encore terrorisés par l’événement, et ordonne que les deux larrons soient achevés à coups de massue. Dismas n’émet aucune protestation, et le coup de massue adressé au cœur après avoir frappé ses genoux, brise à moitié sur ses lèvres le nom de Jésus, dans un dernier soupir. L’autre larron ne profère que des malédictions horribles. Son râle est lugubre.

    609.32 Les quatre bourreaux voudraient aussi s’occuper de Jésus pour le détacher de la croix, mais Joseph et Nicodème ne le leur permettent pas.

    Joseph enlève son manteau et demande à Jean de l’imiter et de tenir les échelles pendant qu’ils montent avec des leviers et des tenailles.

    Tremblante, Marie s’est levée, soutenue par les femmes, et s’approche de la croix.

    Pendant ce temps, les soldats s’en vont, leur besogne terminée. Longinus, avant de descendre de la plateforme inférieure, se tourne du haut de son cheval pour regarder Marie et le Crucifié. Puis le bruit des sabots résonne sur les pierres et celui des armes contre les cuirasses, et il s’éloigne.

    La paume gauche de Jésus est déclouée. Son bras retombe le long du corps qui maintenant pend, à demi détaché. Ils demandent à Jean de venir les aider, et de confier les échelles aux femmes.

    Jean, monté sur l’échelle où se trouvait d’abord Nicodème, passe le bras de Jésus autour de son cou et le tient ainsi, tout abandonné sur son épaule, en l’enlaçant par son bras à la taille ; il le tient par la pointe des doigts pour ne pas heurter l’horrible déchirure de la main gauche, qui est presque ouverte. Quand les pieds sont décloués, Jean a beaucoup de mal à soutenir le corps de son Maître entre la croix et son propre corps.

    Marie s’assied déjà au pied de la croix, en lui tournant le dos, prête à recevoir son Jésus sur ses genoux.

    Mais le plus difficile, c’est de déclouer le bras droit. Malgré tous les efforts de Jean, le corps de Jésus pend complètement en avant et la tête du clou est profondément enfoncée dans la chair. Comme ils ne voudraient pas le blesser davantage, les deux hommes compatissants peinent beaucoup. Finalement, ils saisissent le clou avec les tenailles et le sortent tout doucement.

    Jean soutient toujours Jésus par les aisselles, sa tête renversée sur son épaule, pendant que Nicodème et Joseph le saisissent l’un aux cuisses, l’autre aux jambes, et le descendent avec précaution par les échelles.

    609.33 Arrivés à terre, ils voudraient l’étendre sur le drap qu’ils ont placé sur leurs manteaux, mais Marie veut qu’il lui soit remis. Elle a ouvert son manteau en le laissant pendre d’un côté et écarte les genoux pour faire un berceau à son Jésus.

    Pendant que les disciples se retournent pour lui donner son Fils, la tête couronnée d’épines de Jésus retombe en arrière, et ses bras pendent vers la terre et frotteraient le sol de ses mains blessées si la pitié des saintes femmes ne les retenaient pas pour l’empêcher.

    Le voilà sur les genoux de sa Mère… Il ressemble à un grand enfant fatigué qui dort pelotonné sur les genoux maternels. Marie a passé son bras droit derrière les épaules de son Fils et le gauche au-dessus de l’abdomen pour le soutenir aux hanches. La tête de Jésus repose sur l’épaule maternelle. Elle l’appelle… l’appelle de sa voix déchirante. Puis elle le détache de son épaule et le caresse de sa main gauche, prend et étend ses mains et, avant de les croiser, elle les baise et pleure sur les blessures. Puis elle lui caresse les joues, spécialement là où il y a des bleus et de l’enflure, elle baise les yeux enfoncés, la bouche restée légèrement tordue vers la droite et entrouverte.

    Elle voudrait remettre ses cheveux en ordre, comme elle l’a fait pour la barbe souillée de sang, mais son geste rencontre les épines. Elle se pique pour enlever cette couronne, mais tient à s’en charger elle-même, de la seule main qu’elle a de libre. Elle repousse tout le monde en disant :

    « Non ! Non ! C’est moi qui le fais. »

    On dirait qu’elle a entre ses doigts la tendre tête d’un nouveau-né tant elle y met de la délicatesse. Et quand enfin elle parvient à enlever cette couronne de torture, elle se penche pour soigner par ses baisers toutes les éraflures des épines.

    De sa main tremblante, elle sépare les cheveux en désordre, les repeigne, elle pleure et elle parle tout doucement. Elle essuie de ses doigts les larmes qui tombent sur les pauvres chairs glacées et couvertes de sang, et elle pense les nettoyer avec son voile, encore ceint autour des reins de Jésus. Elle en tire à elle une extrémité et se met à nettoyer et à essuyer les membres saints. Elle ne cesse de lui caresser le visage, puis les mains, les genoux couverts de contusions, avant de remonter pour essuyer le corps sur lequel coulent des flots de larmes.

    C’est en faisant cela que sa main rencontre l’ouverture du côté. La petite main, couverte d’un linge fin, entre presque entièrement dans le large trou de la blessure. Marie se penche pour voir dans la demi-clarté qui s’est formée, et elle voit. Elle voit le côté ouvert et le cœur de son Fils. Elle pousse un hurlement. C’est comme si une épée ouvrait son propre cœur. Elle crie, puis se renverse sur son Fils et paraît morte, elle aussi.

    609.34 On la secourt, on la réconforte, on veut lui enlever le divin Mort. Elle gémit :

    « Où vais-je te mettre ? Dans quel lieu qui soit sûr et digne de toi ? »

    Joseph, tout courbé en une inclination respectueuse, la main ouverte appuyée sur sa poitrine, propose :

    « Rassure-toi, Femme ! Mon tombeau est neuf et digne d’un grand homme. Je le lui donne. Et Nicodème, mon ami, a déjà porté au tombeau les aromates qu’il veut lui offrir personnellement. Mais, je t’en prie, puisque le soir approche, laisse-nous faire… C’est la parascève. Sois bonne, Femme sainte ! »

    Jean et les femmes la supplient dans le même sens, de sorte que Marie les laisse se saisir de son Fils sur ses genoux. Elle se lève pendant qu’on l’enveloppe dans le drap, et elle les prie d’une voix angoissée :

    « Oh ! Faites doucement ! »

    Nicodème et Jean par les épaules, Joseph par les pieds, soulèvent la dépouille, enveloppée dans le drap, mais aussi étendue sur les manteaux qui font office de brancard, et ils descendent par le chemin.

    Marie, soutenue par sa belle-sœur et Marie-Madeleine, suivie par Marthe, Marie, femme de Zébédée, et Suzanne, qui ont ramassé les clous, les tenailles, la couronne, l’éponge et le roseau, descend vers le tombeau.

    Sur le Calvaire restent les trois croix. Celle du milieu est nue et les deux autres ont leur trophée vivant qui meurt.

609.35 – "Et maintenant, dit Jésus, soyez bien attentifs. Je t'épargne la description du tombeau, qui a été bien faite l'an dernier, le 19 février 1944 [7]. C'est donc de cette vision que vous vous servirez, et P. M. (Père Migliorini) ajoutera, à la fin, celle des lamentations de Marie que j'ai donnée le 4 octobre 1944. Puis tu mettras de nouveau ce que tu verras. Ce sont des parties nouvelles de la Passion, et il faut les placer avec précision, pour ne pas créer de confusion ou laisser des lacunes.  
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[1] Cette mention semble contredire l’Évangile de Jean affirmant qu’aucun des os de Jésus ne fut brisé (Jean 19, 31-36). Mais cette mention s’applique aux jambes qui effectivement ne furent pas brisées (Cf. ci-dessous 609.31/32). Mais il semble invraisemblable que les mains (poignet droit) et les pieds de Jésus, constitués d’os nombreux et fragiles, n’aient pas été brisés par les clous dont voici une reconstitution expérimentale réalisée par Lorenzo Ferri à partir du Linceul de Turin.

[2] Cette élongation, particulièrement douloureuse, est rapportée de même par Maria d’Agreda et Anne-Catherine Emmerich (que Maria Valtorta n »avait pas lu à ce moment). C’est confirmé aussi par la reconstitution de Lorenzo Ferri qui constatait un allongement de 4 cm du bras droit qu’il ne pouvait expliquer avant de rencontrer Maria Valtorta. Les voyantes sont aussi unanimes sur le retournement de la croix que rapporte ultérieurement Jean, seul témoin parmi les apôtres.

[3] Quartier mal famé de Rome.

[4] Ils avaient donc assisté à la résurrection de Lazare EMV 548.

[5] "Eloi, Eloi, lamma scebacteni!" dans le texte italien. Pour la lecture, il faut intégrer la prononciation italienne des "sc".

[6] Mouvement saccadé vertical ayant lieu lors de tremblements de terre.

[7] En fait, elle correspond seulement à la partie initiale de la vision du 19 février 1944, dont la suite, réécrite de manière plus ample le 28 mars 1945, se trouve dans le chapitre 611, qui suivra



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-029.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/crucifiement-et-mort-de-jesus.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 9 Juil - 22:22

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

610. L'angoisse de Marie au tombeau et l'onction du corps de Jésus

Ancienne édition : Tome 9, chapitre 30
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 610

Vendredi 5 avril 30
Jérusalem


Vision du samedi 19 février 1944


    610.1 Dire ce que j’éprouve est inutile. Je ferais uniquement un exposé de ma propre douleur, ce qui serait sans valeur par rapport à la souffrance que je vois. Je l’écris donc sans commentaires sur mes propres réactions.

    610.2 J’assiste à la sépulture de Notre-Seigneur.

    Le petit cortège, après avoir descendu le Calvaire jusqu’en bas, trouve, creusé dans le calcaire de la colline, le tombeau de Joseph d’Arimathie. Les porteurs y pénètrent avec le corps de Jésus.

    Voici son aspect : c’est une pièce creusée dans la pierre au fond d’un jardin tout fleuri. Cela ressemble à une grotte, mais on se rend compte qu’elle est évidée de main d’homme. Il y a la chambre sépulcrale proprement dite, avec ses loculi (ils sont faits d’une manière différente de ceux des catacombes [1]). Pour en donner une idée, ce sont des sortes de cavités rondes qui s’enfoncent dans la pierre comme les trous d’une ruche. Pour le moment, ils sont tous vides. On voit l’œil vide de chaque loculus comme une tache noire sur la grisaille de la pierre. Puis, précédant cette chambre sépulcrale, il y a une sorte d’antichambre. En son milieu, une table de pierre pour l’onction. C’est sur elle que l’on dépose le corps de Jésus enveloppé dans son linceul.

    Jean et Marie entrent à leur tour, mais eux seuls, car cette chambre préparatoire est petite et s’il y avait des personnes supplémentaires, ils ne pourraient plus bouger. Les autres femmes se tiennent près de la porte, ou plutôt près de l’ouverture, car il n’y a pas de porte proprement dite.

    610.3 Les deux porteurs découvrent Jésus.

    Pendant que, dans un coin, ils préparent les bandes et les aromates sur une espèce de console à la lumière de deux torches, Marie se penche sur son Fils en pleurant, et de nouveau elle l’essuie avec le voile qui entoure encore les reins de Jésus. C’est l’unique toilette que reçoit le corps de Jésus, celle des larmes maternelles, et si elles sont copieuses et abondantes, elles ne servent pourtant qu’à enlever superficiellement et partiellement la poussière, la sueur et le sang de ce corps torturé.

    Marie ne se lasse pas de caresser ces membres glacés. Avec une délicatesse encore plus grande que si elle touchait celles d’un nouveau-né, elle prend les pauvres mains déchirées, les serre dans les siennes, en baise les doigts, les allonge, cherche à réunir les lèvres des blessures comme pour les soigner ou du moins les rendre moins douloureuses, elle applique sur ses propres joues ces mains qui ne peuvent plus caresser et elle gémit, elle gémit dans son atroce douleur. Elle redresse et joint les pauvres pieds qui s’abandonnent, comme s’ils étaient mortellement épuisés de tant de chemin parcouru pour nous. Mais ils ont été trop déplacés sur la croix, surtout celui de gauche qui reste pour ainsi dire à plat, comme s’il n’avait plus de cheville.

    Puis elle revient au corps, si froid et déjà rigide, et le caresse. Elle voit une nouvelle fois la déchirure de la lance. Maintenant que le Sauveur est couché sur le dos sur la table de pierre, elle est ouverte et béante comme une bouche, permettant de mieux voir la cavité thoracique (la pointe du cœur se voit distinctement entre le sternum et l’arc costal gauche ; deux centimètres environ au-dessus se trouve l’incision faite par la pointe de la lance dans le péricarde et le carde, longue d’un bon centimètre et demi alors que l’ouverture externe du côté droit est d’au moins sept centimètres). De nouveau, Marie crie comme sur le Calvaire. Il semble que la lance la transperce, tant elle se tord de douleur en portant les mains à son cœur, transpercé comme celui de Jésus. Que de baisers sur cette blessure, pauvre Mère !

    Puis elle revient à la tête renversée et la redresse, car elle est restée légèrement inclinée en arrière et fortement à droite. Elle cherche à fermer les paupières qui s’obstinent à rester entrouvertes, et la bouche toujours ouverte, contractée, un peu tordue à droite. Elle peigne les cheveux, qui hier seulement étaient beaux et qui sont devenus un enchevêtrement alourdi par le sang. Elle démêle les mèches les plus longues, les lisse sur ses doigts, les enroule pour leur rendre la forme des doux cheveux de son Jésus, si soyeux et si bouclés. Et elle ne cesse de gémir car elle se souvient de l’époque de son enfance… C’est la raison fondamentale de sa douleur : le souvenir de l’enfance de Jésus, de son amour pour lui, de ses soins qui redoutaient même l’air vif pour la petite créature divine, et la comparaison avec ce que les hommes ont fait de lui.

    610.4 Sa lamentation me fait souffrir, tout comme son geste quand elle gémit :

    « Que t’ont-ils fait, que t’ont-ils fait, mon Fils ? »

    Ne pouvant le voir ainsi nu, raide, sur une pierre, elle le prend dans ses bras en lui passant le bras sous les épaules, en le serrant de l’autre main sur sa poitrine et elle le berce, avec le même mouvement qu’à la grotte de la Nativité. Tout cela me fait pleurer et souffrir comme si une main me fouillait le cœur.

Le 4 octobre 1944.

    610.5 La terrible angoisse spirituelle de Marie.

    Marie se tient près de la pierre de l’onction et caresse, contemple, gémit et pleure. La lumière tremblante des torches éclaire par instants son visage et je vois de grosses larmes rouler sur les joues très pâles d’un visage ravagé. Et j’entends toutes les paroles, très distinctement bien que murmurées entre les lèvres, d’un vrai colloque de son âme avec l’âme de son Fils. Je reçois l’ordre de les écrire.

    610.6 « Mon pauvre Fils ! Que de blessures !… Comme tu as souffert ! Vois ce qu’ils t’ont fait !… Comme tu es froid, mon Fils ! Tes doigts sont glacés, et comme ils sont inertes ! Ils paraissent brisés. Jamais, pas même dans le sommeil le plus abandonné de l’enfance, ni dans la lourdeur de ta fatigue d’artisan, ils n’étaient ainsi… Et comme ils sont glacés ! Pauvres mains ! Donne-les à ta Maman, mon trésor, mon amour saint, mon amour ! Regarde comme elles sont transpercées ! Mais regarde, Jean, cette déchirure ! Oh ! les cruels ! Donne à ta Maman cette main blessée. Que je te la soigne. Oh ! je ne te ferai aucun mal… J’emploierai baisers et larmes, et je te les réchaufferai de mon souffle et de mon amour. Fais-moi une caresse, mon Fils ! Tu es de glace, moi je brûle de fièvre. Ma fièvre sera soulagée par ta glace et ta glace s’adoucira au contact de ma fièvre. Une caresse, mon Fils ! La dernière remonte à peu de temps, mais j’ai l’impression que cela fait des siècles… Des mois entiers se sont passés sans caresses de ta part, mais ils me semblaient être des heures, parce que j’attendais toujours ton arrivée, et de chaque jour je faisais une heure, de chaque heure une minute, pour me dire que tu n’étais pas éloigné d'une ou de plusieurs lunes, mais seulement de quelques jours, mais seulement de quelques heures. Pourquoi le temps est-il devenu si long ? Quel tourment inhumain ! Parce que tu es mort. Ils t’ont tué ! Tu n’es plus sur la terre ! Non ! En quelque endroit que j’envoie mon âme chercher la tienne et l’embrasser — puisque te trouver, te posséder, te sentir, était la vie de ma chair et de mon esprit —, en quelque endroit que je te cherche avec le flot de mon amour, je ne te trouve plus, je ne te trouve plus ! Il ne me reste de toi que cette dépouille froide, cette dépouille sans âme ! O âme de mon Jésus, ô âme de mon Christ, ô âme de mon Seigneur, où es-tu ? Pourquoi avez-vous enlevé son âme à mon Fils, hyènes cruelles unies à Satan ? Et pourquoi ne m’avez-vous pas crucifiée avec lui ? Avez-vous eu peur d’un second crime ? (Sa voix devient de plus en plus forte et déchirante.) Et qu’était-ce de tuer une pauvre femme, pour vous qui n’avez pas hésité à tuer Dieu fait chair ? N’avez-vous pas commis un second crime ? Et n’est-il pas le plus infâme de laisser une mère survivre à son Fils mis à mort ? »

    610.7 Marie, qui en haussant la voix avait également levé la tête, revient se pencher sur le visage éteint de Jésus et parle à lui seul :

    « Ici, dans ce tombeau, nous aurions au moins été ensemble, comme nous l’avons été pendant l’agonie sur le bois, et nous aurions fait ensemble le voyage au-delà de la vie et à la rencontre de la Vie. Mais si je ne puis te suivre dans ce voyage, je peux rester ici à t’attendre. »

    Elle se redresse et dit à haute voix à ceux qui sont présents :

    « Eloignez-vous tous. Moi, je reste. Enfermez-moi ici avec lui. Je l’attends. Qu’est-ce que vous dites ? Que ce n’est pas possible ? Pourquoi n’est-ce pas possible ? Si j’étais morte, ne serais-je pas ici, couchée à son côté, en attendant d’être décomposée ? Je resterai à côté de lui, mais à genoux. J’étais là à son premier vagissement, une nuit de décembre. Je le serai maintenant dans cette nuit du monde privé du Christ. Ah ! c’est une vraie nuit ! La Lumière n’est plus ! Nuit glaciale ! L’Amour est mort ! Que dis-tu, Nicodème ? Je me contamine ? Son sang n’est pas contamination. Je ne me suis pas contaminée en l’engendrant. Ah ! comme tu es sorti, toi, Fleur de mon sein, sans déchirer des fibres, mais vraiment comme la fleur du narcisse parfumé qui éclot de l’âme du bulbe matrice et donne une fleur même si l’étreinte de la terre n’a pas été sur la matrice. Floraison virginale qui se réalise en toi, ô mon Fils venu de l’étreinte céleste et né dans l’éclat des splendeurs célestes. »

    610.8 Déchirée, la Mère se penche de nouveau sur son Fils, étrangère à tout ce qui n’est pas lui, et elle murmure doucement :

    « Mais toi, mon Fils, te souviens-tu de cet éclat de splendeurs qui revêtait toutes choses tandis que ton sourire s’ouvrait au monde ? Te souviens-tu de la lumière béatifique que le Père envoya des Cieux pour envelopper le mystère de ta floraison et te faire trouver moins repoussant ce monde obscur, pour toi qui étais Lumière et venais de la Lumière du Père et de l’Esprit Paraclet ? Et maintenant ? Tout est nuit et froid… Quel froid ! Quel froid ! J’en frissonne. Il fait plus froid qu’en cette nuit de décembre. J’éprouvais alors la joie de t’avoir auprès de moi pour me réchauffer le cœur. Et nous étions deux à t’aimer… Maintenant… Maintenant, je suis seule et mourante moi aussi. Mais je t’aimerai pour deux : pour ceux qui t’ont si peu aimé qu’ils t’ont abandonné au moment de ta souffrance ; je t’aimerai pour ceux qui t’ont haï ; je t’aimerai pour le monde entier. Tu ne sentiras pas le froid du monde. Tu ne m’as pas ouvert les entrailles pour naître, mais pour que tu ne sentes pas le froid, je suis prête à me les ouvrir et à t’enfermer dans mon sein. Te souviens-tu comme il t’a aimé, ce sein, ce petit germe palpitant ?… Il est toujours le même. Oui, c’est mon droit et mon devoir de Mère. C’est mon désir. Il n’y a que ta Mère qui puisse l’avoir, et qui puisse éprouver pour son Fils un amour aussi grand que l’univers. »

    610.9 Elle a peu à peu haussé la voix, et c’est maintenant avec force qu’elle déclare :

    « Partez. Moi, je reste. Vous reviendrez dans trois jours et nous sortirons ensemble. Ah ! Revoir le monde appuyée à ton bras, mon Fils ! Comme il sera beau à la lumière de ton sourire ressuscité ! Le monde frémissant au pas de son Seigneur ! La terre a tremblé quand la mort t’a arraché l’âme et que de ton cœur est sorti ton esprit. Cette fois, elle va trembler, non plus d’horreur et de douleur, mais d’un suave frémissement que je ne connais pas, mais dont ma féminité a l’intuition, qui émeut une vierge quand, après une absence, elle entend le pas de son époux arrivant pour les noces. Mieux encore : la terre frémira d’un saint tressaillement, pareil à celui qui m’a bouleversée au plus profond de mon être quand le Seigneur un et trine vint sur moi, et quand la volonté du Père unie au feu de l’Amour créa la semence dont tu es venu, ô mon saint Petit, mon Enfant, tout à moi ! Oui, tu tiens tout de moi ! Chaque enfant a un père et une mère, même les bâtards. Mais toi, c’est ta Maman seule qui a formé ta chair de rose et de lys, ainsi que ces broderies de veines bleues comme nos rivières de Galilée, et ces lèvres de grenade, ces cheveux plus gracieux que la toison blonde des chèvres de nos collines, ou encore ces yeux qui ressemblent à deux petits lacs de Paradis. Non, ils sont plutôt de l’eau d’où coule l’unique et quadruple fleuve du lieu de délices [2], et qui emporte dans ses quatre branches l’or, l’onyx, le béryl et l’ivoire, les diamants, les palmes, le miel, les roses et les richesses infinies : ô Phison [3], ô Gehon [4], ô Tigre, ô Euphrate [5], vous êtes un chemin pour les anges qui se réjouissent en Dieu, un chemin pour les rois qui t’adorent, Essence connue ou inconnue, mais vivante, et présente même dans le cœur le plus obscur ! C’est ta Maman seule qui t’a fait cela grâce à son “ oui ”… De musique et d’amour je t’ai formé, de pureté et d’obéissance je t’ai composé, ô ma joie ! 610.10 Qu’est-ce que ton cœur, sinon la flamme du mien qui s’est partagée pour se condenser en une couronne autour du baiser de Dieu à sa Vierge. Voilà ce qu’est ton cœur. Ah ! »

    (Le cri est déchirant au point que Marie-Madeleine et Jean accourent pour la secourir. Les autres n’osent pas mais, en pleurs et voilées, elles jettent un coup d’œil par l’ouverture.)

    « Ah ! ils te l’ont brisé ! Voilà pourquoi tu es si froid et moi aussi ! Tu n’as plus en toi la flamme de mon cœur et moi je ne puis plus continuer à vivre du reflet de cette flamme, qui était mienne et que je t’ai donnée pour te faire un cœur. Viens ici, sur ma poitrine ! Avant que la mort me tue, je veux te réchauffer, je veux te bercer. Je te chantais : “ Il n’y a pas de maison, il n’y a pas de nourriture, il n’y a que la douleur. ” Quelles paroles prophétiques ! Douleur, douleur, douleur pour toi comme pour moi ! Je te chantais : “ Dors, dors sur mon cœur. ” Il en est de même maintenant : dors ici, ici, ici… »

    Déchirée et déchirante, elle s’assied sur le bord de la pierre, prend Jésus sur ses genoux, passe un de ses bras derrière elle, pose la tête de son Fils sur son épaule et y appuie la sienne, et, en le tenant serré contre sa poitrine, elle le berce et le couvre de baisers.

    610.11 Nicodème et Joseph s’approchent et placent sur une sorte de siège, de l’autre côté de la pierre, des vases, des bandes, un linceul propre et un bassin rempli d’eau, me semble-t-il, ainsi que des tampons de charpie.

    A cette vue, Marie demande à haute voix :

     « Que faites-vous là ? Que voulez-vous ? Le préparer ? Pourquoi ? Laissez-le sur les genoux de sa maman. Si j’arrive à le réchauffer, il ressuscitera plus tôt. Si j’arrive à consoler le Père et à le consoler lui de la haine déicide, le Père pardonnera plus tôt, et lui reviendra plus tôt. »

    La Douloureuse délire presque.

    « Non, je ne vous le donnerai pas ! Je l’ai donné une fois, une fois je l’ai donné au monde et le monde n’en a pas voulu. Il l’a tué parce qu’il ne voulait pas de lui. Maintenant, je ne le donne plus ! Que dites-vous ? Que vous l’aimez ? Bon ! Mais pourquoi ne l’avez-vous pas défendu ? Vous avez attendu, pour lui dire que vous l’aimiez, qu’il ne puisse plus vous entendre. Quel pauvre amour que le vôtre ! Mais si vous craigniez le monde au point de ne pas oser défendre un innocent, vous deviez au moins me le rendre, à moi, sa Mère, pour lui permettre de défendre son Enfant. Elle savait qui il était et ce qu’il méritait. Quant à vous… vous l’avez eu pour Maître, mais vous n’avez rien appris. N’est-ce pas vrai ? Est-ce que je mens ? Mais vous ne voyez pas que vous ne croyez pas à sa Résurrection ? Vous y croyez ? Non. Pourquoi êtes vous là, en train de préparer bandes et aromates ? Parce que vous estimez que c’est un pauvre mort, aujourd’hui glacé, demain décomposé, et c’est pour cela que vous voulez l’embaumer. Laissez là vos pommades. Venez adorer le Sauveur avec le cœur pur des bergers de Bethléem. Regardez : dans son sommeil, c’est seulement un homme fatigué qui se repose. Comme il s’est fatigué de son vivant ! Il s’est exténué jusque dans ces dernières heures !… Maintenant, il repose. Pour moi, pour sa Maman, ce n’est qu’un grand Enfant épuisé qui dort. Son lit et sa chambre sont bien misérables, mais son premier berceau n’était pas plus beau, ni sa première demeure plus plaisante. Les bergers adorèrent le Sauveur pendant son sommeil d’enfant. Vous adorez le Sauveur pendant son sommeil de triomphateur de Satan. Alors, comme les bergers, allez annoncer au monde : “ Gloire à Dieu ! Le Péché est mort ! Satan est vaincu ! Paix sur la terre et dans les Cieux entre Dieu et l’homme ! ” Préparez les chemins pour son retour. Je vous envoie, moi que la maternité rend prêtresse rituelle. Allez. J’ai dit que je refuse. Je l’ai lavé de mes larmes, et cela suffit. Le reste est inutile, et ne vous imaginez pas le mettre sur lui. Il sera plus facile pour lui de se relever s’il est dégagé de ces bandes funèbres et inutiles. Pourquoi me regardes-tu ainsi, Joseph ? Et toi, Nicodème ? L’horreur de cette journée vous a-t-elle rendus hébétés ? Avez-vous perdu la mémoire ? Ne vous le rappelez-vous pas ? “ A cette génération mauvaise et adultère qui cherche un signe, il ne sera donné que le signe de Jonas… De même, le Fils de l’homme restera trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre. [6] ” Ne vous en souvenez-vous pas ? “ Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes qui le tueront, mais le troisième jour il ressuscitera. [7] ” Ne vous le rappelez-vous pas ? “ Détruisez ce Temple du vrai Dieu et en trois jours je le ressusciterai. [8] ” Ce Temple, c’était son corps. Tu hoches la tête ? Tu me plains ? Tu me crois folle ? Mais comment ? Il a ressuscité des morts, et il ne pourrait pas se ressusciter lui-même ? 610.12 Jean ?

    – Mère !

    – Oui, appelle-moi “ mère ”. Je ne peux vivre à l’idée que personne ne m’appellera plus ainsi ! Jean, tu étais présent quand il a ressuscité la fille de Jaïre [9] et le jeune homme de Naïm [10]. Ils étaient bien morts, eux, n’est-ce pas ? Ce n’était pas seulement un lourd sommeil ? Réponds.

    – Ils étaient morts. La fillette depuis deux heures, le jeune homme depuis un jour et demi.

    – Et ils se sont levés à son commandement ?

    – Ils se sont levés à son commandement.

    – Vous avez entendu ? Vous deux, vous avez entendu ? Mais pourquoi hochez-vous la tête ? Peut-être voulez-vous dire que la vie revient plus vite chez un homme jeune et innocent. Mais mon Enfant est l’Innocent ! Il est l’éternellement jeune. Il est Dieu, mon Fils !… »

    Marie jette un regard déchirant et fiévreux sur les deux hommes qui, accablés mais inexorables, disposent les rouleaux des bandes désormais trempées dans les aromates. Elle a étendu son Fils sur la pierre avec la délicatesse d’une mère qui dépose son nouveau-né dans son berceau. Elle fait deux pas, se penche au pied du lit funèbre, où Marie-Madeleine pleure à genoux. Elle la saisit par l’épaule, la secoue, l’appelle :

    « Marie, réponds-moi. Ils pensent que Jésus ne peut pas ressusciter parce qu’il est un homme et qu’il est mort de blessures, mais ton frère n’était-il pas plus âgé que lui ?

    – Si.

    – N’était-il pas devenu tout entier une plaie ?

    – Si.

    – N’était-il pas décomposé avant même de descendre au tombeau ?

    – Si.

    – Et n’est-il pas ressuscité au bout de quatre jours d’asphyxie et de putréfaction ?

    – Si.

    – Et alors ? »

    610.13 Un silence grave et prolongé lui répond. Puis avec un cri inhumain, Marie vacille en portant une main à son cœur. Ils la soutiennent, mais elle les repousse. Du moins, elle paraît les repousser, car en réalité elle rejette ce qu’elle est seule à voir. Et elle crie :

    « Arrière ! Arrière, cruel ! Pas cette vengeance-là ! Tais-toi ! Je ne veux pas t’entendre ! Tais-toi ! Ah ! il me mord le cœur !

    – Qui, Mère ?

    – Oh, Jean, c’est Satan ! Satan qui dit : “ Il ne ressuscitera pas. Aucun prophète ne l’a annoncé. ” Dieu très-haut ! Aidez-moi tous, vous qui êtes des esprits bons et des personnes pieuses ! Ma raison vacille ! Je ne me rappelle plus rien. Que disent les prophètes ? Que dit le psaume ? Ah ! qui va me répéter les passages qui parlent de mon Jésus ? »

    C’est Marie-Madeleine qui, de sa voix d’orgue, récite le psaume de David sur la Passion du Messie [11].

    Marie, soutenue par Jean, redouble de larmes, qui tombent sur son Fils mort. Celui-ci en est inondé. La Mère s’en aperçoit, elle l’essuie et dit à voix basse :

    « Tant de larmes… alors que, lorsque tu avais si soif je n’ai pas pu t’en donner une seule goutte. Et maintenant… je t’inonde ! Tu ressembles à un arbuste sous une épaisse rosée. Viens ici, que la Maman t’essuie, mon Fils! Tu as goûté à tant d’amertume ! Que sur tes lèvres blessées ne tombe pas aussi l’amertume et le sel des larmes maternelles!… ”

    Puis elle appelle à haute voix :

    « Marie ! David ne dit pas… Connais-tu Isaïe ? Dis-moi ses paroles… »

    Marie-Madeleine récite le passage sur la Passion [12] et finit dans un sanglot :

    « …il a livré sa vie à la mort et fut compté parmi les malfaiteurs, lui qui a enlevé les péchés du monde et a prié pour les pécheurs. [13]

    – Ah ! Tais-toi ! Pas la mort ! Pas livré à la mort ! Non, non ! Ah ! que votre manque de foi, allié à la tentation de Satan, me met le doute au cœur ! Devrais-je ne pas te croire, mon Fils, ne pas croire à ta sainte parole ? Parle à mon âme ! Des rives lointaines où tu es allé délivrer ceux qui attendaient ta venue, que ton âme s’adresse à mon âme qui l’attend, à mon âme qui est ici, toute prête à l’écouter. Dis à ta Mère que tu reviens. Dis : “ Le troisième jour, je ressusciterai. ” Je t’en supplie, mon Fils et Dieu ! Aide-moi à protéger ma foi. Satan enroule ses anneaux autour d’elle pour l’étrangler. Il a détourné sa tête de serpent de la chair de l’homme, car tu lui as arraché cette proie, mais maintenant il a enfoncé ses crocs venimeux dans la chair de mon cœur et il en paralyse les battements, la force et la chaleur. Mon Dieu ! Ne permets pas que je me méfie ! Ne laisse pas le doute me glacer ! Ne donne pas à Satan la liberté de m’amener au désespoir ! Mon Fils ! Mets ta main sur mon cœur. Elle chassera Satan. Pose-la sur ma tête. Elle y ramènera la lumière. Sanctifie mes lèvres par une caresse, pour qu’elles aient la force de dire : “ Je crois ” même contre tout un monde qui ne croit pas. Ah ! quelle douleur c’est de ne pas croire ! Père ! Il faut beaucoup pardonner à ceux qui ne croient pas. Car, quand on ne croit plus… quand on ne croit plus… toute horreur devient facile. Je peux te l’affirmer… moi qui éprouve cette torture. Père, pitié des sans-foi ! Donne-leur, Père saint, donne-leur, au nom de cette Hostie consumée et de moi, hostie qui se consume encore, donne ta foi aux sans-foi ! »

    610.14 Un long silence s’intalle.

    Nicodème et Joseph font un signe à Jean et à Marie-Madeleine.

    « Viens, Mère.»

    C’est Marie-Madeleine qui parle pour chercher à éloigner Marie de son Fils et à séparer les doigts de Jésus entrelacés dans ceux de Marie qui les couvre de baisers en pleurant.

    Marie, solennelle, se redresse. Elle étend une dernière fois les pauvres doigts exsangues, pose la main inerte de Jésus le long de son corps. Puis elle baisse les bras vers la terre et, bien droite, la tête légèrement renversée, elle prie et offre. On n’entend pas un mot. Mais par toute son attitude, on comprend qu’elle prie. C’est vraiment la Prêtresse à l’autel, la Prêtresse au moment de l’offertoire. “ Offerimus praeclarae majestati tuae de tuis donis, ac datis, hostiam puram, hostiam sanctam, hostiam immaculatam… [14] ”.

    Puis elle se tourne :

    « Faites-le donc. Mais il ressuscitera. C’est inutilement que vous vous défiez de ma raison et que vous êtes aveugles à la vérité qu’il vous a révélée. C’est inutilement que Satan cherche à attaquer ma foi. Pour racheter le monde, il manque aussi la torture que Satan vaincu fait endurer à mon cœur. Je la subis et l’offre pour ceux qui viendront. Adieu, mon Fils ! Adieu, mon enfant ! Adieu, mon petit ! Adieu… Adieu… Saint… Bon… Très aimé et aimable… Beauté… Joie… Source de salut… Adieu… Sur tes yeux… sur tes lèvres… sur tes cheveux d’or… sur tes membres glacés… sur ton cœur transpercé… oh ! sur ton cœur transpercé… mes baisers… mes baisers… mes baisers… Adieu… Adieu !… Seigneur ! Pitié pour moi ! »

Le 19 février 1944.

    610.15 Une fois la préparation des bandes achevée, Nicodème et Joseph s’approchent de la table et dénudent Jésus même de son voile. Ils passent une éponge, me semble-t-il, ou un morceau de lin sur ses membres — qui dégouttent de partout pour les préparer très sommairement.

    Puis ils enduisent d’onguents le corps tout entier. Ils l’ensevelissent vraiment sous une couche de pommade. Auparavant, ils l’ont soulevé pour nettoyer aussi la table de pierre sur laquelle ils étendent le linceul, dont plus de la moitié pend à la tête du lit. Ils posent Jésus sur le ventre, et enduisent tout le dos, les cuisses, les jambes, toute la partie postérieure. Ceci fait, ils le retournent délicatement, en veillant à laisser intacte la couche de pommade, puis ils font aussi l’onction de la partie antérieure, d’abord le tronc, ensuite les membres. D’abord les pieds, et en dernier lieu les mains qu’ils joignent sur le bas ventre.

    La mixture des aromates doit être collante comme de la glu, car je vois que les mains de Jésus restent en place alors qu’auparavant elles glissaient toujours à cause de leur poids de membres morts. Les pieds, eux, gardent leur position : l’un plus droit, l’autre plus allongé.

    Ils terminent par la tête. Après l’avoir enduite avec soin, de manière à ce que les traits disparaissent sous la couche d’onguents, ils lient le menton avec une bande pour maintenir la bouche fermée.

    Marie gémit plus fort.

    Puis ils soulèvent le côté du linceul qui pend et le replient sur Jésus, qui disparaît sous la grosse toile. Ce n’est plus qu’une forme couverte par une toile.

    Après avoir vérifié que tout est comme il faut, Joseph pose encore sur le visage un suaire de lin et d’autres linges, qui ressemblent à de courtes et larges bandes rectangulaires, qui passent de droite à gauche au-dessus du corps, et maintiennent en place le linceul, bien adhérent au Corps. Ce n’est pas le bandage que l’on voit sur les momies, ni même à la résurrection de Lazare. C’est un embryon de bandage.

    Jésus désormais est effacé. Même sa forme disparaît sous les linges. Cela ressemble à un long paquet de toile, plus étroit aux extrémités et plus large au milieu, appuyé sur la pierre grise.

    Marie redouble de larmes.

Le 4 octobre 1944.

    610.16 Jésus dit :

    « La torture de Marie a continué par des assauts périodiques jusqu’à l’aube du dimanche. J’ai eu, dans la Passion, une seule tentation. Mais ma Mère, la Femme, a expié pour la femme, coupable de tout mal, de très nombreuses fois. Et Satan s’est acharné sur la Victorieuse avec une férocité décuplée.

    Marie l’avait vaincu. Elle a connu la plus atroce tentation. Tentation contre sa chair de Mère. Tentation contre son cœur de Mère. Tentation contre son âme de Mère. Le monde s’imagine que la Rédemption s’est achevée avec mon dernier soupir. Non. Ma Mère l’a accomplie, en y ajoutant sa triple torture pour racheter la triple concupiscence, en luttant pendant trois jours contre Satan qui voulait l’amener à nier ma Parole et à ne pas croire en ma Résurrection. Marie fut la seule qui continua à croire. Si elle est grande et bienheureuse, c’est aussi en raison de cette foi.

    Tu as aussi connu cela, ce tourment qui fait écho à mes angoisses de Gethsémani. Le monde ne comprendra pas cette page. Mais “ ceux qui sont dans le monde sans être du monde ” la comprendront et leur amour pour ma douloureuse Mère en sera renforcé. C’est pour cela que je te l’ai donnée.

    Va en paix avec notre bénédiction. »




[1] Voir à quoi ressemblait un loculus des catacombes.
[2] Genèse 2,10 : Un fleuve sortait d'Éden pour arroser le jardin et de là il se divisait pour former quatre bras.
[3] Genèse 2,11-12 : Le premier s'appelle le Pishôn : il contourne tout le pays de Havila, où il y a l'or; l'or de ce pays est pur et là se trouvent le bdellium et la pierre de cornaline.
[4] Genèse 2,13 : Le deuxième fleuve s'appelle le Gihôn : il contourne tout le pays de Kush.
[5] Genèse 2,14 : Le troisième fleuve s'appelle le Tigre : il coule à l'orient d'Assur. Le quatrième fleuve est l'Euphrate.
[6] Cf. Le signe de Jonas : EMV 269.
[7] Troisième annonce de la Passion. Cf. EMV 577.
[8] Jésus chasse les marchands du Temple : Cf. EMV 53.
[9] Cf. Miryam, la fille de Jaïre . Cf. EMV 230.
[10] Daniel de Naïm. Cf. EMV 189.
[11] Psaume 21 (Hébreu 22).
[12] Isaïe 53,1-11.
[13] Isaïe 53,12.
[14] Nous offrons à votre Très Auguste Majesté, de vos propres dons et bienfaits, l'Hostie pure, l'Hostie sainte, l'Hostie immaculée ….




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-030.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/mise-au-tombeau.html
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 10 Juil - 23:31

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

611. La fermeture du tombeau et le retour au Cénacle

Ancienne édition : Tome 9, chapitre 31
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 611

Vendredi 5 avril 30
Jérusalem


Vision du 28 mars 1945


611.1 Joseph d’Arimathie éteint l’une des torches, jette un dernier coup d’œil et se dirige vers l’entrée du tombeau en tenant bien haut la torche allumée restante.

Marie s’incline encore une fois pour donner un baiser à son Fils à travers les linges. Elle voudrait dominer sa peine et la contenir en une forme de respect envers le Cadavre qui, déjà embaumé, ne lui appartient plus. Mais quand elle est toute proche du visage voilé, elle ne se maîtrise plus et tombe dans une nouvelle crise de désolation.

On la soulève de là non sans peine, et on l’éloigne plus difficilement encore de la couche funèbre. On remet en place les toiles dérangées, et c’est plutôt portée que soutenue qu’on emmène la pauvre Mère. Elle s’éloigne en tournant encore la tête, pour voir, pour voir son Jésus qui reste seul dans l’obscurité du tombeau.

611.2 Ils sortent dans le jardin silencieux dans la lumière du crépuscule. La relative clarté revenue après la tragédie du Golgotha commence déjà à s’affaiblir à cause de la nuit qui tombe. Et là, dans le verger de Joseph, sous les branchages épais bien qu’encore sans feuilles et à peine garnis des boutons blancs rosés des pommiers — étrangement en retard alors qu’ailleurs ils sont couverts de fleurs épanouies et même déjà fécondés en fruits minuscules —, la pénombre est encore plus avancée qu’ailleurs.

Ils roulent la lourde pierre du tombeau dans son logement. Les longues branches d’un rosier ébouriffé descendent du haut de la grotte vers le sol et semblent frapper à cette porte de pierre et dire : “ Pourquoi te fermes-tu devant une mère en pleurs ? ” Ils paraissent verser eux aussi des larmes de sang de leurs pétales rouges qui s’effeuillent, avec les corolles qui s’étendent le long de la pierre sombre et les boutons serrés qui frappent contre l’inexorable fermeture.

611.3 Mais bientôt cette porte du tombeau sera mouillée d’un autre sang et d’autres larmes. Marie, jusqu’alors soutenue par Jean et relativement tranquille malgré ses sanglots, se dégage de l’apôtre et, avec un cri qui, je crois, a fait trembler jusqu’aux fibres des plantes, elle se jette contre la porte, s’attaque à sa saillie pour la repousser. Elle s’écorche les doigts et se brise les ongles sans y parvenir, et elle fait pression jusque avec sa tête contre la saillie rêche. Son gémissement a quelque chose du rugissement d’une lionne qui s’évanouit sur le seuil de la trappe où sont enfermés ses lionceaux, pleine de tendresse et féroce dans son amour de mère.

Elle n’a plus rien de la douce Vierge de Nazareth, de la femme patiente que l’on connaissait jusque là. Elle est une mère, seulement et simplement la mère liée à son enfant par toutes les fibres de sa chair et de son amour. C’est la plus vraie “ maîtresse ” de cette chair qu’elle a engendrée, l’unique maîtresse après Dieu, et elle refuse que cette “ propriété ” lui soit dérobée. C’est la “ reine ” qui défend son diadème : son fils.

Toute la révolte et toutes les rébellions qu’en trente-trois ans toute autre femme aurait eues contre l’injustice du monde envers son enfant, toutes les férocités saintes et licites que toute autre mère aurait eues durant ces dernières heures pour frapper et tuer de ses mains et de ses dents les assassins de son enfant, tout ce que, par amour du genre humain, elle a toujours dompté, s’agitent maintenant dans son cœur, bouillonnent dans son sang. Mais malgré la douleur qui la fait délirer, elle reste douce, elle ne fait pas d’imprécations, elle ne s’acharne pas. Elle demande seulement à la pierre de s’ouvrir, de la laisser passer, car sa place est à l’intérieur, là où se trouve Jésus. Elle demande seulement aux hommes, impitoyables dans leur pitié, de lui obéir et d’ouvrir.

Après avoir frappé et ensanglanté de ses mains la pierre qui résiste, elle se tourne et s’appuie, les bras ouverts, en embrassant encore les deux bords de la pierre puis, avec sa grande majesté de Mère douloureuse, elle ordonne :

« Ouvrez ! Vous refusez ? Eh bien, moi je reste ici. Ce n’est pas possible à l’intérieur ? Alors ici, à l’extérieur. C’est ici que sont mon pain et mon lit. C’est ici qu’est ma demeure. Je n’ai pas d’autres maisons ni d’autre but. Quant à vous, partez. Retournez dans ce monde affreux. Moi, je reste là où il n’y a ni cupidité, ni odeur de sang.

– Tu ne peux pas, Femme !

– Tu ne peux pas, Mère !

– Tu ne peux pas, ma chère Marie ! »

Ils cherchent à lui détacher les mains de la pierre, effrayés par ces yeux dont ils ne connaissent pas la lueur qui les rend durs et impérieux, vitreux, phosphorescents.

611.4 Mais la violence n’est pas le fait des doux, et les humbles ne savent pas persister dans l’orgueil… Et Marie perd soudain la véhémence de sa volonté et le caractère impérieux de son commandement. Elle reprend son doux regard de colombe torturée, perd la majesté de son attitude. Elle fait un geste suppliant et elle joint les mains en implorant :

« Laissez-moi ! Au nom de vos morts, au nom des vivants que vous aimez, ayez pitié d’une pauvre mère !… Ecoutez… Ecoutez mon cœur. Il a besoin de paix pour perdre ce battement cruel. Il s’est mis à battre ainsi là-haut, sur le Calvaire. Chaque coup de marteau blessait mon Enfant… et retentissait dans mon cerveau et dans mon cœur… Ma tête est pleine du bruit des chocs, et mon cœur palpite au rythme des coups, sur les mains, sur les pieds de mon Jésus, de mon petit Jésus… Mon Enfant ! Mon Enfant !… »

Sa torture, qui paraissait calmée après sa prière au Père, près de la table de l’onction, reprend soudain. Tous pleurent.

« J’ai besoin de n’entendre ni cris ni coups. Or le monde est rempli de voix et de rumeurs. Toute voix me rappelle le “ grand cri ” qui a pétrifié le sang dans mes veines, et toute rumeur me semble être le son du marteau sur les clous. J’ai besoin de ne pas voir de visages d’hommes. Or le monde est plein de visages… Cela fait presque douze heures que je vois des visages d’assassins… Judas… les bourreaux… les prêtres… les juifs… Tous, tous des assassins !… Au loin ! Au loin !… Je ne veux plus voir personne… En tout homme, il y a un loup et un serpent. J’éprouve à l’égard de l’homme dégoût et peur… Laissez-moi ici, sous ces arbres paisibles, sur cette herbe fleurie… D’ici peu, il y aura les étoiles… Elles ont toujours été ses amies et les miennes… Hier soir, elles ont tenu compagnie à notre solitaire agonie… Elles savent tant de choses… Elles viennent de Dieu… Oh ! Mon Dieu ! Mon Dieu !… »

Elle pleure et s’agenouille.

« Paix, mon Dieu ! Il ne me reste que toi !

611.5 – Viens, ma fille ! Dieu te donnera la paix. Mais viens. Demain, c’est le sabbat pascal. Nous ne pourrions pas venir t’apporter de quoi manger…

– Je ne veux pas de nourriture ! Je veux mon Enfant ! Je me rassasie de ma douleur et me désaltère de mes larmes… Ici… Entendez-vous comme pleure ce petit duc ? Il pleure avec moi, et d’ici peu les rossignols en feront autant. Et demain, dans le soleil, ce sera au tour des calandres, des fauvettes et de tous les oiseaux qu’il aimait, et les tourterelles viendront avec moi pour frapper cette pierre et dire : “ Lève-toi, mon amour, et viens ! Amour qui te tiens dans les fentes du rocher, dans les retraites escarpées, que je voie ton visage, que j’entende ta voix ! ” [1] Ah ! que dis-je ! Les assassins sournois ont eux aussi interpellé Jésus avec les mots du Cantique des Cantiques ! Oui, venez, filles de Jérusalem, voir votre Roi portant le diadème dont l’a couronné sa patrie le jour de son mariage avec la mort, le jour de son triomphe de Rédempteur !

– Regarde, Marie ! Les gardes du Temple arrivent. Partons, pour qu’ils ne crachent pas sur toi leur mépris.

– Les gardes ? Leur mépris ? Non : ce sont des lâches, des lâches. Et si je marchais sur eux, terrible dans ma douleur, ils fuiraient comme Satan devant Dieu. Mais je me souviens que je suis Marie… et je ne les frapperai pas comme j’en aurais le droit. Je resterai bonne… ils ne me verront même pas. Et s’ils me voient et me demandent : “ Que veux-tu ? ”, je leur rétorquerai : “ L’aumône de respirer l’air embaumé qui sort de cette fente. ” J’ajouterai : “ Au nom de votre mère. ” Tous ont une mère… le bon larron l’a dit aussi…

– Mais ces gens sont pires que des larrons. Ils vont t’insulter.

– Y aurait-il encore une insulte que je ne connaisse pas après celles d’aujourd’hui ? »

611.6 C’est Marie-Madeleine qui trouve la raison qui peut plier la Douloureuse à l’obéissance.

« Tu es bonne, tu es sainte, tu as la foi, et tu es courageuse. Mais nous, que sommes-nous ?… Tu le vois, la plupart ont fui, ceux qui restent tremblent. Le doute, qui est déjà en nous, nous dominerait. Toi, tu es la Mère. Tu n’as pas seulement des droits et des devoirs sur ton Fils, mais des devoirs et des droits sur ce qui appartient à ton Fils. Tu dois revenir avec nous, parmi nous, pour nous rassembler, pour nous rassurer, pour nous infuser ta foi. Tu l’as dit, après ton juste reproche à notre poltronnerie et à notre mécréance : “ Il lui sera plus facile de ressusciter s’il est débarrassé de ces bandes inutiles. ” Moi, je te le déclare : “ Si nous arrivons à nous unir dans la foi en sa Résurrection, il ressuscitera plus vite. Nous l’appellerons par notre amour… ” Mère, Mère de mon Sauveur, reviens avec nous, toi qui es l’amour de Dieu, pour nous donner cet amour que tu possèdes ! Veux-tu donc que la pauvre Marie de Magdala que Jésus a sauvée avec tant de pitié se perde de nouveau ?

– Non, on me le reprocherait. Tu as raison. Je dois revenir… aller à la recherche des apôtres… des disciples… de la famille… de tous… pour leur dire : “ croyez ” et “ il vous pardonne ”… A qui ai-je déjà dit ces mots ? … Ah ! A Judas. Il faudra… oui, il faudra le rechercher, même lui… car c’est le plus grand pécheur… »

Marie reste la tête inclinée sur la poitrine, elle tremble presque de dégoût, puis elle reprend :

« Jean, tu iras à sa recherche et tu me l’amèneras. Tu dois le faire, et je dois le faire. Père, que cela aussi soit pour la édemption de l’humanité. Allons. »

Elle se lève. Ils sortent du jardin à moitié obscur. Les gardes les regardent sortir sans intervenir.

611.7 La route, poussiéreuse et ravagée par la marée humaine qui l’a parcourue et frappée de ses pieds, de ses pierres et de ses matraques, fait une courbe autour du Calvaire pour rejoindre la route principale, parallèle aux murs. Les traces de l’événement y sont encore plus visibles. Par deux fois, Marie pousse un cri et se penche pour étudier le sol avec une mauvaise lumière, car il lui semble voir du sang et elle pense que c’est celui de son Jésus. Mais, à ce qu’il me semble, ce ne sont que des morceaux d’étoffe déchirés dans la mêlée de la fuite. Le petit torrent, qui court le long de la route, gazouille doucement dans l’épais silence qui envahit tout. La ville paraît abandonnée, tant il n’en provient que du silence.

Voici le petit pont qui conduit au rude chemin du Calvaire et, en face, la Porte Judiciaire. Avant de passer dessous et de disparaître, Marie se retourne pour porter un dernier regard vers le sommet du Calvaire… et elle verse des larmes désolées. Puis elle dit :

« Allons-y. Mais conduisez-moi. Je ne veux pas voir Jérusalem, ses rues, ses habitants.

– Oui, oui, mais pressons-nous. Ils vont fermer les portes et, comme tu vois, leur garde est renforcée. Rome craint des soulèvements.

– Elle a raison. Jérusalem est un repaire de tigres ! C’est une tribu d’assassins, une horde de brigands. Et ce n’est pas seulement vers les biens matériels, mais vers les vies humaines que ces usurpateurs tendent leurs griffes rapaces. 611.8 Cela fait trente-deux ans qu’ils dressent des pièges contre la vie de mon Enfant… C’était un agneau de lait et de rose, c’était un petit agneau aux cheveux d’or frisés… Il savait à peine dire “ Maman ”, faire ses premiers pas et rire de ses petites dents entre ses lèvres de clair corail, quand ils sont venus pour l’égorger… Ils prétendent maintenant qu’il avait blasphémé, violé le sabbat, poussé à la révolte, visé au trône, péché avec les femmes… Mais qu’avait-il fait, alors ? Quel blasphème pouvait-il avoir proféré s’il savait à peine appeler sa maman ? Que pouvait-il violer de la Loi, si lui, l’éternel Innocent, était alors aussi le petit innocent de l’homme ? Quelle révolte pouvait-il soulever s’il ne savait pas même faire un caprice ? A quel trône aurait-il visé ? Il avait son trône sur la terre et au Ciel, et il n’en demandait pas d’autre. Au Ciel, il avait le sein du Père, et sur terre il avait mon sein. Jamais il n’a eu un regard sensuel, et vous, qui êtes jeunes et belles, vous pouvez le certifier. Mais à cette époque… L’exercice de ses sens se bornait au besoin de tiédeur et de nourriture, et il était plein d’amour, oui, mais pour mon sein tiède, pour y poser son petit visage et dormir ainsi, et pour mon sein duquel mon amour s’écoulait en lait… Oh ! mon enfant !… Et ils voulaient ta mort ! C’est la vie, ton unique trésor, qu’ils voulaient t’enlever. Ils voulaient enlever sa mère au fils, son fils à la mère, pour nous rendre les plus misérables et les plus désolés de l’univers. Pourquoi ôter la vie au Vivant ? Pourquoi vous arroger le droit de retirer ce miracle qu’est la vie, le bien de la fleur et de l’animal, le bien de l’homme ? Mon Jésus ne vous demandait rien, ni argent, ni bijoux, ni maison. Il en avait une, petite et sainte, et il l’avait quittée par amour pour les hommes, ces hyènes. La demeure qu’a le petit de l’animal, il y avait renoncé pour vous, et c’est pauvre et seul qu’il a parcouru le monde, sans même le lit que lui avait construit le Juste, sans même le pain que lui cuisait sa Maman, et il a dormi là où c’était possible, il a mangé comme il l’a pu : chez des gens honnêtes comme tout fils d’homme, ou sur la couchette formée par l’herbe des prés, veillé par les étoiles. Assis à une table, ou partageant avec les oiseaux de Dieu les grains de blé et les fruits des ronces sauvages. Il ne vous demandait rien, mais, au contraire, il vous donnait. Il voulait seulement la vie pour vous donner la Vie par sa parole. Et vous, et toi, Jérusalem, vous l’avez dépouillé de la vie. Es-tu rassasiée et repue de son sang et de sa chair ? Ou cela ne te suffit-il pas encore ? Et toi, hyène après avoir été vampire et vautour, veux-tu te repaître de son cadavre, et, loin d’être rassasiée d’opprobres et de tourments, veux-tu encore t’acharner et jouir de déshonorer ses dépouilles et de revoir ses spasmes de douleur, ses tremblements, ses hoquets, ses convulsions en moi, la Mère de celui que vous avez tué ? 611.9 Sommes-nous arrivés ? Pourquoi vous arrêtez-vous ? Cet homme, que veut-il de Joseph ? Que dit-il ? »

En fait Joseph a été accosté par un des rares passants et, dans le silence absolu de la ville déserte, on entend très bien leurs paroles.

« On sait que tu es entré dans la maison de Pilate : tu as profané la Loi, et tu en rendras compte ! La Pâque t’est interdite ! Tu es devenu impur.

– Toi aussi, Elchias. Tu m’as touché, or je suis tout couvert du sang du Christ et de sa sueur de mort !

– Ah ! Horreur ! Ecarte-toi ! Eloigne de moi ce sang !

– N’aie pas peur. Il t’a déjà abandonné et maudit.

– Mais toi aussi, tu es maudit. Et maintenant que tu t’es acoquiné avec Pilate, n’espère pas pouvoir soustraire le cadavre. Nous avons pris des mesures pour que ce petit jeu cesse. »

Nicodème s’est approché lentement, tandis que les femmes se sont arrêtées avec Jean, en s’adossant à un portail fermé [2].

« Nous l’avons vu » répond Joseph. « Lâches ! Vous avez peur même d’un mort ! Mais de mon jardin et de mon tombeau, je fais ce que bon me semble.

– Nous verrons cela…

– Nous verrons. J’en appellerai à Pilate.

– Oui, tu forniques avec Rome, maintenant. »

Nicodème s’avance :

« Mieux vaut avec Rome qu’avec le démon, comme vous, déicides ! Et du reste, dis-moi : comment donc reprends-tu courage ? Il y a un instant tu fuyais, en proie à la terreur. C’est déjà passé pour toi ? Ce qui est arrivé ne te suffit-il pas ? Une de tes maisons n’est-elle pas brûlée ? Tremble donc ! Le châtiment n’est pas fini. Il vient, au contraire. Il te menace comme la Némésis des païens. Ni gardiens ni sceaux n’empêcheront le Vengeur de se lever et de frapper.

– Maudit sois-tu ! »

Elchias s’enfuit et va buter contre les femmes. Il le comprend, et lance une injure grossière à Marie.

611.10 Jean, sans un mot, fait un saut de panthère et le jette à terre, il le maintient avec ses genoux, lui serre les mains autour du cou et lui intime :

« Demande-lui pardon ou je t’étrangle, démon ! »

Il ne le lâche que lorsque l’homme, pressé et à moitié asphyxié par les mains de Jean, geint :

« Pardon. »

Mais son cri a attiré la ronde.

« Halte-là ! Qu’est-ce qu’il se passe ? Encore des séditions ? Arrêtez-vous tous, ou vous serez frappés. Qui êtes-vous ?

– Joseph d’Arimathie et Nicodème, autorisés par le Proconsul à ensevelir le Nazaréen mis à mort, qui reviennent du tombeau avec sa Mère, son disciple, ainsi que ses parents et amis. Cet homme a offensé la Mère de Jésus et on l’a obligé à demander pardon.

– C’est tout ? Il fallait l’étrangler. Allez ! Soldats, arrêtez cet homme. Que veulent-ils d’autre, ces vampires ? Même le cœur des mères ? Salut, juifs !

– Quelle horreur ! Mais ce ne sont plus des hommes… Jean, sois bon avec eux. Prends en compte le souvenir de mon Jésus — qui est aussi ton Jésus : il prêchait le pardon.

– Mère, tu as raison. Mais ce sont des criminels et ils me font perdre la tête. Ce sont des sacrilèges : ils t’offensent et je ne puis le permettre.

– Ce sont des criminels, oui, et ils savent qu’ils le sont. 611.11 Regarde comme il y en a peu dans les rues et comme ils s’esquivent furtivement ! Leur forfait accompli, les criminels sont pris d’inquiétude. Les voir fuir ainsi, entrer dans les maisons, se barricader par peur, me fait horreur. Je les vois tous coupables du déicide. Regarde là, Marie, ce vieil homme. Il est déjà au bord de la fosse et pourtant, maintenant que la lumière de cette porte qui s’ouvre l’éclaire, il me semble l’avoir vu défiler pour accuser mon Jésus, là-haut, sur le Calvaire… Il l’appelait larron… Larron, mon Jésus !… Et ce jeune, à peine plus qu’un enfant, lui adressait des blasphèmes obscènes en invoquant son sang sur lui… Le malheureux !… Et cet homme ? Il est si musclé et si fort, se sera-t-il abstenu de le frapper ? Oh ! je ne veux pas voir ! Regardez : sur leurs visages se superpose le visage de leur âme et… et ils n’ont plus figure d’hommes, mais de démons… Ils se montraient bravaches contre l’homme lié, le Crucifié… Et maintenant ils fuient, ils se cachent, ils s’enferment. Ils ont peur. De qui ? D’un mort. Pour eux, ce n’est qu’un mort puisqu’ils nient qu’il soit Dieu. De quoi donc ont-ils peur ? A qui ferment-ils leurs portes ? Au remords, à la punition. C’est inutile : le remords est en vous et il vous poursuivra éternellement. La punition n’est pas humaine. Et contre elle les verrous et les bâtons, les portes et les barreaux ne servent à rien. Elle descend du Ciel, de Dieu, vengeur de son Immolé, elle pénètre au-delà des murs et des portes, et vous marque de sa flamme céleste, pour le châtiment surnaturel qui vous attend. Le monde viendra au Christ, à Celui qui est le Fils de Dieu et le mien, il viendra à Celui que vous avez transpercé, mais vous, les Caïn d’un Dieu, vous serez marqués pour toujours comme l’opprobre de l’espèce humaine. Moi, qui suis née de vous, moi qui suis la Mère de tous, je dois dire que pour moi, votre fille, vous n’avez été que des parâtres. Dans la foule infinie de mes enfants, vous êtes ceux qui m’imposez le plus d’effort pour vous accueillir, car vous êtes souillés du crime envers mon enfant. Et vous ne vous en repentez pas en disant : “ Tu étais le Messie. Nous te reconnaissons et nous t’adorons. ”

Voici une autre ronde romaine. L’Amour n’est plus sur la terre. La Paix n’est plus dans le monde des hommes. Haine et guerre s’agitent comme ces torches fumeuses. Ceux qui dominent ont peur du déchaînement de la foule. Ils savent par expérience que, lorsque cette bête qui s’appelle homme a senti le goût du sang, elle devient avide de carnage… Mais ne les craignez pas. Ce ne sont pas de vrais lions ni de vraies panthères, ce sont des hyènes très lâches. Ils s’acharnent sur l’agneau sans défense, mais ils redoutent le lion armé de lances et son autorité. Ne craignez pas ces chacals rampants. Votre pas ferré les met en fuite et l’éclat de vos lances les rend plus doux que des lapins. 611.12 Ces lances ! L’une d’elles a ouvert le cœur de mon Fils ! Laquelle ? Leur vue est une flèche dans mon cœur… Et pourtant je voudrais les avoir toutes dans ces mains qui tremblent pour voir quelle est celle qui porte encore des traces de sang et dire : “ C’est celle-là ! Donne-la-moi, soldat ! Donne-la à une mère en souvenir de ta mère lointaine, et je prierai pour elle et pour toi. ” Aucun soldat ne me la refuserait, car ces hommes de guerre ont été les meilleurs devant l’agonie du Fils et de la Mère. Pourquoi n’y ai-je pas pensé, là-haut ? C’était comme si on m’avait frappé à la tête. Déjà, elle était abrutie par ces coups… Ah ! quels coups ! Qui me permet de ne plus les entendre ici, dans ma pauvre tête ? La lance… Comme je la voudrais !…

– Nous pouvons la chercher, Mère. Le centurion me paraît très bon avec nous. Je crois qu’il ne la refusera pas. J’irai demain.

– Oui, oui, Jean. Je suis pauvre, je n’ai que peu d’argent, mais je me dépouille jusqu’à mon dernier sou pour obtenir cette arme… Ah ! comment ai-je pu ne pas la demander ?

– Marie, ma chérie, aucun d’entre nous ne connaissait cette blessure… Quand tu l’as vue, les soldats étaient déjà loin.

– C’est vrai… Je suis abrutie par la douleur. Et les vêtements ? Je n’ai rien de lui ! Je donnerais mon sang pour les avoir… »

Marie verse de nouveau des larmes désolées.

611.13 Elle arrive ainsi dans la rue où se trouve le Cénacle. Il est temps, car elle est épuisée et se traîne vraiment comme une vieille femme. Et elle le dit.

« Courage ! Nous voilà arrivées

– Arrivées ? Le chemin qui, ce matin, m’a paru si long est donc si court ? Ce matin… était-ce ce matin ? Cela ne fait pas plus longtemps ? Que d’heures, que de siècles sont passés depuis que je suis entrée hier soir ici et depuis que j’en suis sortie ce matin ? Est-ce vraiment moi, une Mère de cinquante ans, ou bien une centenaire, une femme d’il y a longtemps, croulant sous les siècles qui pèsent sur mes épaules courbées et sur ma tête chenue ? Il me semble avoir vécu toute la douleur du monde. Cette croix est immatérielle, mais combien lourde ! Elle est de pierre. Peut-être encore plus lourde que celle de mon Jésus. Car je porte la mienne et la sienne avec le souvenir de sa torture et la réalité de la mienne. Entrons, puisqu’il le faut. Mais ce n’est pas un réconfort, c’est un accroissement de douleur. C’est par cette porte qu’est entré mon Fils pour son dernier repas. C’est par elle qu’il est sorti pour aller à la rencontre de la mort. Et il a dû mettre son pied là où le traître avait posé le sien, en sortant pour appeler ceux qui devaient s’emparer de l’Innocent. C’est contre cette porte que j’ai vu Judas… Oui, j’ai vu Judas ! Et je ne l’ai pas maudit. Je lui ai parlé au contraire comme une mère déchirée, déchirée pour son Fils bon et pour ce fils mauvais … J’ai vu Judas ! C’est le Démon que j’ai vu en lui ! Moi, qui ai toujours tenu Lucifer sous mon talon et, ne considérant que Dieu, n’ai jamais posé les yeux sur Satan, j’ai connu son visage en regardant le traître. J’ai parlé avec le Démon… Et il s’est enfui, car il ne supporte pas ma voix. L’aura-t-il quitté maintenant ? Je pourrais ainsi parler à ce mort et moi, qui suis mère, le concevoir à nouveau avec le sang d’un Dieu, pour l’enfanter à la grâce ? Jean, jure-moi que tu le rechercheras et que tu ne te montreras pas cruel envers lui. Je ne le suis pas, moi qui pourtant en aurais le droit… Oh ! Laissez-moi entrer dans cette pièce où mon Jésus a pris son dernier repas, là où la voix de mon enfant a prononcé en paix ses dernières paroles !

– Oui, nous le trouverons. Mais maintenant, regarde, viens ici, là où nous étions hier. Repose-toi. 611.14 Salue Joseph et Nicodème qui se retirent.

– Je les salue, oui. Oh ! je les salue, je les remercie, je les bénis !

– Mais viens, viens. Tu vas le faire à loisir.

– Non. Ici. Joseph… Ah ! je n’ai connu personne de ce nom qui ne m’aime pas… »

Marie, femme d’Alphée, éclate en sanglots.

« Ne pleure pas… Même ton Joseph… C’était par amour que ton fils se trompait. Il voulait me donner la paix humainement… Mais aujourd’hui… tu l’as vu… tous les Joseph sont bons avec Marie… Joseph, je te remercie, et toi aussi, Nicodème… Mon cœur se prosterne sous vos pieds fatigués à cause de tant de chemin fait pour lui… pour les derniers honneurs qui lui ont été rendus… Je n’ai que mon cœur à vous donner… et je vous le donne, amis loyaux de mon Fils… et… et pardonnez les paroles qu’une mère transpercée vous a dites au tombeau…

– Toi qui es sainte, c’est à toi de pardonner ! dit Nicodème.

– Sois bonne maintenant. Repose dans ta foi. Nous viendrons demain, ajoute Joseph.

– Oui, nous viendrons. Nous sommes à tes ordres.

– C’est le sabbat demain [3], objecte la gardienne de la maison.

– Le sabbat est mort. Nous viendrons. Adieu. Que le Seigneur soit avec nous. »

Et ils s’en vont.

611.15 « Viens, Marie.

– Oui, Mère, viens.

– Non. Ouvrez. Vous m’avez promis de le faire après les salutations. Ouvrez cette porte ! Vous ne pouvez la fermer à une mère, à une mère qui cherche à respirer dans l’air l’odeur du souffle, du corps de son enfant. Ne savez-vous pas que ce souffle et ce corps, c’est moi qui les lui ai donnés ? Moi, moi qui l’ai porté neuf mois, qui l’ai enfanté, allaité, élevé, soigné ? Ce souffle est mien ! Cette odeur de chair est mienne ! C’est la mienne, rendue plus belle chez mon Jésus. Laissez-moi la sentir une fois encore.

– Mais oui, ma chérie, demain. Aujourd’hui, tu es exténuée. Tu es brûlante de fièvre. Tu ne peux pas. Tu es malade.

– Oui, malade. Mais c’est parce que j’ai dans les yeux la vue de son sang et dans le nez l’odeur de son corps couvert de plaies. Que je voie la table où il s’est appuyé vivant et en bonne santé, que je sente le parfum de son corps juvénile. Ouvrez ! Ne me l’ensevelissez pas une troisième fois ! Déjà, vous me l’avez caché sous les aromates et les bandes, puis vous me l’avez enfermé sous la pierre. Maintenant pourquoi, pourquoi refuser à une Mère de retrouver son dernier vestige dans le souffle qu’il a laissé derrière cette porte ? Laissez-moi entrer. Je chercherai par terre, sur la table, sur son siège, les traces de ses pieds, de ses mains. Et je les baiserai, je les baiserai jusqu’à me consumer les lèvres. Je chercherai… je chercherai… Peut-être trouverai-je un cheveu de sa tête blonde, un cheveu qui ne soit pas couvert de sang. Savez-vous donc ce qu’est le cheveu d’un fils pour sa maman ? Toi, Marie, femme de Clopas, et toi, Salomé, vous êtes mères. Et vous ne comprenez pas ? Jean ? Jean ? Ecoute-moi. Je suis ta Mère : c’est Jésus qui m’a rendue telle. Lui ! Tu me dois obéissance. Ouvre ! Je t’aime, Jean. Je t’ai toujours aimé parce que tu l’aimais. Je t’aimerai plus encore. Mais, ouvre. Ouvre, te dis-je ! Tu ne veux pas ? Tu ne veux pas ? Ah ! je n’ai donc plus de fils ? Jésus ne me refusait jamais rien, parce qu’il était mon fils. Tu refuses. Tu ne l’es pas. Tu ne comprends pas ma douleur… Oh ! Jean, pardon… pardon… Ouvre… Ne pleure pas… Ouvre… Oh ! Jésus!… Jésus!… Ecoute-moi… Que ton esprit opère un miracle ! Ouvre à ta pauvre Maman cette porte que personne ne veut ouvrir ! Jésus ! Jésus ! »

Marie serre les poings et frappe la porte bien close. Son déchirement est au paroxysme. Elle finit par pâlir en murmurant :

« Oh ! mon Jésus ! Je viens ! Je viens ! »

Elle se renverse sans force dans les bras des femmes qui pleurent. Elles la soutiennent pour l’empêcher de tomber au pied de cette porte, et la transportent ainsi dans la pièce en face.





[1] Cantique des cantiques 2,14.

[2] Le portail de Josué le synhédriste.

[3] Le Shabbat commence le vendredi soir à 18 heures.




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-031.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/mise-au-tombeau.html
Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 11 Juil - 22:39

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

612. La nuit du vendredi saint.
Les lamentations de la Vierge (partie 1)


Ancienne édition : Tome 9, chapitres 32 et 33
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 612

Vendredi 5 avril 30
Jérusalem


Vision du 28 mars 1945


    612.1 Marie, secourue par les femmes en pleurs, revient à elle. Elle n’a plus que la force de sangloter. Il semble vraiment que sa vie doive s’écouler et se consumer tout entière dans ces larmes.

    Les femmes veulent qu’elle se restaure. Marthe lui offre un peu de vin, la gardienne voudrait qu’elle prenne au moins un peu de miel. Marie, femme d’Alphée, à genoux devant elle, lui présente une tasse de lait tiède en disant :

    « Je l’ai trait moi-même à la chèvre de la petite Rachel. »

    (Peut-être s’agit-il d’une fille de la famille qui habite dans cette maison de Lazare, comme locataires ou comme gardiens, je ne sais). Mais Marie ne veut rien. Pleurer, seulement pleurer. Et aussi demander et s’entendre promettre que l’on battra le rappel des apôtres et des disciples, que l’on recherchera la lance et les vêtements et que, quand il fera jour, puisque maintenant ils ne veulent pas la laisser aller, elles lui permettront d’entrer dans la pièce du Cénacle.

    « Oui. Si tu es un peu tranquille, si tu reposes un peu, je t’y conduirai » dit sa belle-sœur. « Nous entrerons toutes les deux et, à genoux, j’irai pour toi à la découverte de toute trace de Jésus… » Marie, femme d’Alphée, sanglote. « Mais tu vois ? Ici tu as la coupe et le pain entamé par lui, employé par lui pour l’Eucharistie. Y a-t-il plus saint souvenir ? Tu vois ? Jean te les a apportés dès ce matin pour que tu les voies ce soir… 612.2 Pauvre Jean qui est là, qui pleure et qui a peur…

    – Peur ? Pourquoi ? Viens, Jean. »

    Jean sort de l’ombre — car dans la pièce il n’y a qu’une petite lampe posée sur la table près des objets de la Passion —, et vient s’agenouiller aux pieds de Marie, qui lui fait une caresse et lui demande :

    « Pourquoi as-tu peur ? »

    Alors Jean, en embrassant ses mains et en pleurant :

    « Parce que tu es malade. Tu es fiévreuse et angoissée… Et tu n’es pas tranquille. Si tu continues ainsi, tu vas mourir comme lui est mort…

    – Ah ! Si cela pouvait être vrai !

    – Non ! Mère ! Maman ! Oh ! il est plus doux de dire : “ Maman ”, comme à la mienne ! Laisse-moi t’appeler ainsi… Je ne trouve pas de différence entre ma mère et toi, et même je t’aime encore plus qu’elle, parce que tu es la Mère que Jésus m’a donnée et que tu es sa Mère, par conséquent ne fais pas une trop grande différence entre le Fils né de toi et le fils qui t’a été donné… Et aime-moi un peu comme tu l’aimes, lui… Si c’était lui qui te disait : “ J’ai peur que tu meures ”, lui répondrais-tu : “ Ah ! Si cela pouvait être vrai ! ” ? Non, n’est-ce pas ? Tu regretterais au contraire de t’en aller et le laisser dans un monde de loups, lui, ton Agneau… Et pour moi tu n’es pas en peine ?… Je suis tellement plus agneau que lui, non par bonté et pureté, mais par stupidité et par peur. Si tu n’es plus là pour moi, le pauvre Jean sera dévoré par les loups sans avoir su élever un bêlement qui parle de son Maître… Veux-tu que je meure ainsi, sans le servir ? Stupide dans la mort comme dans la vie ? Non, n’est ce pas ? Alors, Maman, cherche à t’apaiser… Pour lui… D’ailleurs ne dis-tu pas qu’il va ressusciter ? Si, tu le dis, et c’est vrai. Veux-tu donc qu’à sa résurrection, il trouve la maison vide de toi ? Car il viendra sûrement ici… Oh ! pauvre, pauvre Jésus si, au lieu de ton cri d’amour, il entendait nos lamentations de deuil et si, au lieu de trouver ton sein pour poser sa tête martyrisée et glorieuse, il trouvait close la porte de ton tombeau. Tu dois vivre. Pour le saluer quand il reviendra… je ne dis pas “ à notre amour ”. Nous méritons tous des reproches pour la façon dont nous nous sommes conduits. Mais à ton amour. 612.3 Oh ! Que sera cette rencontre ? Et lui, comment sera-t-il ? Mère de la Sagesse, Maman du très ignorant Jean, toi qui sais tout, dis-nous comment il sera, quand il apparaîtra ressuscité.

    – Lazare avait les blessures des jambes cicatrisées, mais on en voyait la trace. Et il est apparu enveloppé dans des bandes pleines de pourriture, dit Marthe.

    – Il nous a fallu le laver à plusieurs reprises… ajoute Marie.

    – Il était faible, et nous avons dû le restaurer sur l’ordre du Maître, achève Marthe.

    – Le fils de la veuve de Naïm était comme étourdi et semblait être un bébé incapable de marcher et de parler couramment, si bien que Jésus le rendit à sa mère pour qu’elle lui apprenne de nouveau à user des biens de la vie. Quant à la fillette de Jaïre, c’est lui-même qui guida ses premiers pas, dit Jean.

    – Je pense que mon Seigneur nous enverra un ange pour nous dire : “ Venez avec un vêtement propre. ” Et mon amour l’a déjà préparé. Il est dans le palais. Je n’ai pas pu le filer, mais je l’ai fait filer par ma nourrice, qui maintenant est tranquille sur mon avenir, et ne pleure plus. J’ai pris le lin le plus précieux, j’ai eu la pourpre par Plautina, Noémie en a tissé le volant, et moi j’ai fait la ceinture, la bourse et le talit [1]. Je les ai brodés de nuit pour n’être pas vue. Mère, c’est toi qui me l’as appris. Ce n’est pas parfait. Mais plus que les perles qui dessinent son nom sur la ceinture et sur la bourse, ce sont les diamants de mes larmes d’amour et mes baisers qui le rendent beau. Chaque point me fait brûler de dévouement pour lui. Et je la lui porterai. Tu m’y autorises, n’est-ce pas ?

    – Je ne pensais pas qu’on le priverait de son vêtement… Je ne suis pas habituée aux usages du monde et à sa férocité… Je croyais déjà la connaître… (et des larmes roulent de nouveau le long de ses joues cireuses), mais je m’aperçois que je ne savais encore rien… Je m’imaginais : “ Après, il aura encore le vêtement de sa Maman. ” Il lui plaisait tant ! Il l’avait voulu ainsi et il me l’avait dit depuis longtemps : “ Tu feras un vêtement de telle et telle façon, et tu me l’apporteras pour la Pâque… Car Jérusalem doit me voir dans un vêtement pourpre de roi… ” Ah ! Cette laine, plus blanche que la neige, devenait rouge aux yeux de Dieu et aux miens pendant que je la filais, parce que mon cœur avait reçu une nouvelle blessure à cette parole… Quant aux autres, si elles ne s’étaient pas complètement fermées au long des années, du moins leur suintement de sang avait-il séché. Mais celle-là ! Chaque jour, chaque heure retournait l’épée dans mon cœur : “ Un jour de moins ! Une heure de moins ! Et ensuite, il sera mort ! ” Oh ! Oh !… Sur le fuseau ou sur le métier, le fil devenait rouge à mes yeux… On l’a teint ensuite pour le monde… Mais il était déjà rouge… »

    Marie pleure de nouveau.

    Les femmes cherchent à la soulager en lui parlant de la Résurrection. Suzanne demande :

    « Que dis-tu ? Comment sera-t-il, une fois ressuscité ? Et comment ressuscitera-t-il ? »

    Alors Marie, égarée, aveuglée à cette heure de martyre rédempteur, répond :

    « Je ne sais pas… Je ne sais plus rien… sauf qu’il est mort… »

    612.4 Elle éclate de nouveau en de violents sanglots et elle baise le linge qui ceignait les reins de son Fils, elle le serre sur son cœur et le berce comme si c’était un enfant…

    Elle touche les clous, les épines, l’éponge, et s’exclame :

    « C’est donc cela qu’a su te donner ta patrie : du fer, des épines, du vinaigre et du fiel ! Et des insultes, des insultes, encore des insultes ! Et parmi tous les fils d’Israël, on a dû choisir un homme de Cyrène pour porter la croix. Cet homme est pour moi sacré comme un époux. Si j’en connaissais un autre qui ait secouru mon Enfant, je lui baiserais les pieds. Mais personne n’a donc eu pitié ? Sortez ! Partez ! Votre simple vue me fait souffrir ! De vous tous, aucun n’a su obtenir une torture moins cruelle. Serviteurs inutiles et inertes de votre Roi, sortez ! »

    Elle s’emporte tant qu’elle en paraît terrible. Debout, bien droite, elle paraît même plus grande, avec ses yeux impérieux, son bras tendu qui indique la porte. Elle ordonne comme une reine sur son trône.

    Tous sortent sans réagir pour ne pas l’énerver davantage et vont s’asseoir de l’autre côté de la porte fermée, pour écouter ses gémissements et tout bruit qu’elle peut faire. Mais après le grincement du siège qu’elle a repoussé et le battement de ses genoux qui frappent le sol — car elle s’est agenouillée, la tête contre la table sur laquelle se trouvent les objets de la Passion —, on n’entend que ses pleurs sans arrêt et sans réconfort.

    Elle murmure, mais si doucement que ceux qui sont dehors ne peuvent l’entendre :

    « Père, Père, pardon ! Je deviens orgueilleuse et méchante. Mais tu le vois : ce que je dis est vrai. Il y avait toute une foule autour de lui, et en ces jours de fête toute la Palestine se regroupe dans les murs saints… Saints ? Non, ils ne le sont plus… Ils le seraient restés si mon Fils avait expiré à l’intérieur d’eux. Mais Jérusalem l’a expulsé comme un vomissement qui donne la nausée. Il n’y a donc dans Jérusalem que le Crime… Eh bien, de tout ce peuple qui le suivait, il n’a pu se rassembler une poignée qui s’impose, je ne dis pas pour le sauver — il devait mourir pour racheter —, mais pour lui permettre de mourir sans autant de tortures. Ils sont restés dans l’ombre, ou bien ils ont fui… Mon cœur se révolte devant tant de lâcheté. Je suis la Mère. A cause de cela, pardonne mon péché d’orgueilleuse dureté… »

    Elle pleure…

    Dehors, les autres sont sur les chardons ardents, et pour plusieurs raisons.

    612.5 Le gardien de la maison rentre. Il était sorti par curiosité et il apporte des nouvelles redoutables. On dit que beaucoup de gens sont morts dans le tremblement de terre, que beaucoup ont été blessés dans les corps à corps entre les fidèles du Nazaréen et les juifs, que plusieurs ont été arrêtés et qu’il y aura de nouvelles exécutions pour révoltes et menaces contre Rome, que Pilate a ordonné d’arrêter tous les partisans du Nazaréen et tous les chefs du Sanhédrin présents dans la ville, ou même déjà enfuis à travers la Palestine, que Jeanne est mourante dans son palais [2], que Manahen a été arrêté par Hérode pour l’avoir insulté devant la Cour comme complice du Déicide. En somme, un tas de nouvelles catastrophiques…

    Les femmes gémissent, moins par peur pour elles-mêmes que pour leurs fils et leurs maris. Suzanne pense à son époux, connu parmi les fidèles de Jésus en Galilée. Marie, femme de Zébédée, pense à son mari, logé chez un ami, et à son fils Jacques dont elle n’a pas de nouvelles depuis la veille au soir. Et Marthe sanglote :

    « Ils seront déjà allés à Béthanie ! Qui pouvait ignorer ce qu’était Lazare pour le Maître ?

    – Mais il est protégé par Rome, lui, réplique Marie Salomé.

    – Protégé… Qui sait, avec la haine qu’ont pour nous les chefs d’Israël, quelles accusations ils portent contre lui à Pilate… Oh ! Mon Dieu ! »

    Marthe se passe les mains dans les cheveux et crie :

    « Les armes ! Les armes ! La maison en est pleine… et aussi le palais ! Je le sais ! Ce matin, à l’aurore, Lévi, le gardien, est venu m’en parler… Mais tu le sais déjà, toi aussi ! Et tu l’as dit aux juifs sur le Calvaire… Sotte ! Tu as mis dans la main des malfaiteurs l’arme pour tuer Lazare !…

    – Je l’ai dit, oui, j’ai dit la vérité sans le savoir. Mais tais-toi, espèce de poule mouillée ! Ce que j’ai dit est la plus sûre garantie pour Lazare. Ils se garderont bien de s’aventurer dans des recherches là où ils savent qu’il y a des gens armés ! Ce sont des lâches !

    – Les juifs, oui. Mais pas les Romains.

    – Je ne crains pas Rome. Elle est juste et prend ses dispositions paisiblement.

    – Marie a raison » intervient Jean. « Longinus m’a confié : “ J’espère qu’ils vous laisseront tranquilles. Mais si ce n’est pas le cas, viens ou envoie quelqu’un au Prétoire. Pilate est bienveillant pour les fidèles du Nazaréen. Il l’était aussi pour lui. Nous vous défendrons.

    – Mais si les juifs font tout par eux-mêmes ? Hier soir, c’étaient eux qui ont capturé Jésus ! Et, s’ils prétendent que nous sommes des profanateurs, ils ont le droit de nous prendre. Oh ! mes fils ! J’en ai quatre ! Où sont Joseph et Simon ? Ils étaient sur le Calvaire, puis ils sont descendus quand Jeanne n’a pas résisté. Pour aider et défendre les femmes… Eux, les bergers, Alphée… tous, ils les auront certainement déjà tués. Tu as entendu que Jeanne est mourante ? Elle l’est certainement parce qu’elle est blessée. Et eux, avant que la plèbe ne puisse frapper une femme, ils l’auront défendue et ils seront morts !… Et Jude et Jacques ? Mon petit Jude ! Mon trésor ! Et Jacques, qui est doux comme une fillette ! Ah ! Je n’ai plus de fils ! Je suis comme la mère des fils Maccabées !… »

    612.6 Toutes pleurent désespérément. Toutes, sauf la gardienne de la maison qui est allée chercher une cachette pour son mari, et Marie-Madeleine. Mais ses yeux jettent du feu : elle redevient la femme autoritaire d’autrefois. Sans mot dire, elle darde son regard sur ses compagnes abattues, et elle bout de leur adresser une épithète très claire : “ Pusillanimes ! ”

    Un certain temps passe ainsi… De temps à autre l’une d’elles se lève, ouvre doucement la porte, jette un coup d’œil, la referme.

    « Que fait-elle ? » demandent les autres.

    Celle qui a regardé répond :

    « Elle est toujours à genoux. Elle prie » ou bien : « Elle semble parler avec quelqu’un. » Et encore : « Elle s’est levée et fait de grands gestes en marchant çà et là dans la pièce. »

    612.7 « Jésus ! Jésus ! Où es-tu ? M’entends-tu encore ? Entends-tu ta pauvre Maman qui crie, en ce moment, ton nom saint et béni, après l’avoir gardé dans son cœur pendant tant d’heures ? Ton saint nom, qui a été mon amour, l’amour de mes lèvres qui goûtaient une saveur de miel en disant ton nom, de mes lèvres qui maintenant, au contraire, semblent en le disant boire l’amertume restée sur tes lèvres, l’amertume de l’atroce mixture… Ton nom, amour de mon cœur qui se gonflait de joie quand il le prononçait, comme il s’était dilaté pour transvaser son sang, t’accueillir et t’en revêtir quand tu es descendu du Ciel vers moi, si petit, si minuscule, que tu aurais pu tenir dans le calice de la menthe sauvage, toi qui es si grand, toi, le Puissant anéanti dans un germe d’homme pour le salut du monde. Ton nom, douleur de mon cœur, maintenant qu’il est arraché aux caresses de ta Maman pour te jeter dans les bras des bourreaux qui t’ont torturé jusqu’à te faire mourir !

    J’ai le cœur brisé par ce nom que j’ai dû renfermer pendant tant d’heures et dont le cri augmentait à mesure que croissait ta douleur, jusqu’à l’abattre, comme s’il était foulé par le pied d’un géant. Oui, ma douleur est gigantesque, elle m’écrase, elle me broie et il n’est rien qui puisse la soulager. A qui dire ton nom ? Rien ne répond à mon cri. Même si je hurlais jusqu’à fendre la pierre qui ferme ton tombeau, tu ne l’entendrais pas, puisque tu es mort. Tu n’entends plus ta Maman !

    612.8 Que de fois ne t’ai-je pas appelé, pendant ces trente-quatre ans, ô mon Fils ! [3] Du moment où j’ai su que je devais être Mère, et que mon enfant s’appellerait “ Jésus ! ”. Tu n’étais pas encore né que moi, en caressant le sein où tu grandissais, je t’appelais doucement : “ Jésus ! ” et il me semblait que tu remuais pour me répondre : “ Maman ! ”

    Je te donnais déjà une voix, je la rêvais déjà. Je l’entendais avant même qu’elle n’existe. Et quand je l’ai entendue, faible comme celle d’un agneau qui vient de naître, qui tremblait dans la nuit froide pendant laquelle tu es né, j’ai connu l’abîme de la joie… et je croyais avoir connu l’abîme de la douleur parce que c’étaient les pleurs de mon Enfant qui avait froid, qui était mal à l’aise, qui versait ses premières larmes de Rédempteur. Or je n’avais pas de feu ni de berceau, et je ne pouvais souffrir à ta place, Jésus. Je n’avais que mon sein comme feu et oreiller, et mon amour pour t’adorer, mon saint Fils.

    Je croyais avoir connu l’abîme de la douleur… ce n’en était que l’aube. Maintenant, c’en est le midi. Ce n’en était que l’amorce, maintenant c’en est le fond. C’est l’abîme que je touche maintenant, après y être descendue au cours de ces trente-quatre années, bousculée par tant d’aléas et prostrée, aujourd’hui, sur le fond horrible de ta croix.

    Quand tu étais petit, je te berçais en chantonnant : “ Jésus ! Jésus ! ” Quelle harmonie plus sainte et plus belle que ce nom qui fait sourire les anges au Ciel ? Pour moi, il était plus beau que le chant, si doux, des anges dans la nuit de ta naissance. J’y voyais le Ciel, c’était le Ciel entier que je contemplais à travers ce nom. Et maintenant, en te le disant, à toi qui es mort et qui ne m’entends pas, et ne me réponds pas, comme si tu n’avais jamais existé, je vois l’Enfer, tout l’Enfer. Voilà : je comprends maintenant ce que veut dire être damné. C’est ne plus pouvoir dire : “ Jésus ! ” Quelle horreur !

    612.9 Combien de temps durera cet enfer pour ta Maman ? Tu as dit : “ En trois jours, je reconstruirai ce Temple. ” Je me répète cette parole toute la journée, pour ne pas tomber morte, pour être prête à te saluer à ton retour, et te servir encore… Mais comment pourrai-je te savoir mort, pendant trois jours ? Trois jours dans la mort, toi, toi, ma vie ?

    Mais comment, toi qui sais tout, puisque tu es la Sagesse infinie, ne connais-tu pas la douleur de ta Maman ? Ne peux-tu te l’imaginer en te rappelant ce moment où je t’ai perdu à Jérusalem et où tu m’as vue fendre la foule autour de toi, avec le visage d’un naufragé qui atteint le rivage après une longue lutte contre l’eau et la mort, avec le visage d’une femme qui sort d’une torture, épuisée, ayant perdu son sang, vieillie, brisée ? Et encore, je pouvais penser que tu étais seulement perdu, je pouvais avoir cette illusion. Mais pas aujourd’hui. Je sais bien que tu es mort. L’illusion n’est pas possible. Je t’ai vu être tué. Même si la douleur me le faisait oublier, voici ton sang sur mon voile, qui me crie : “ Il est mort ! Il n’a plus de sang ! Celui-ci est le dernier sorti de son cœur ! ” De son cœur ! du cœur de mon Enfant, de mon Fils ! de mon Jésus ! Mon Dieu ! Dieu de pitié, ne me fais pas souvenir qu’on lui a ouvert le cœur…

    612.10 Jésus, je ne puis rester seule ici pendant que tu es seul là-bas. Moi qui n’ai jamais aimé les chemins du monde et les foules, et tu le sais, depuis que tu as quitté Nazareth, je t’ai suivi de plus en plus, pour ne pas vivre loin de toi. Cela m’aurait été impossible. J’ai affronté la curiosité et le mépris, je ne compte pas ma fatigue parce qu’elle disparaissait quand je te voyais, pour vivre là où tu étais. Et maintenant, je suis ici seule, et tu es là-bas seul. Pourquoi ne m’ont-ils pas laissée dans ton tombeau ? Je me serais assise auprès de ton lit glacé, en tenant une de tes mains dans les miennes, pour te faire sentir que j’étais à côté de toi… Non, pour sentir que tu étais à côté de moi. Tu ne sens plus rien. Tu es mort !

    Que de nuits j’ai passées près de ton berceau, à prier, à aimer, à me délecter de toi… Veux-tu que je te dise comment tu dormais, tes petits poings serrés comme deux boutons de fleur contre ton petit visage saint ? Veux-tu que je te dise comment tu souriais dans ton sommeil et comment, en te rappelant certainement le lait de la Maman, tu faisais le geste de sucer ? Veux-tu que je te dise comment tu t’éveillais, comment tu ouvrais tes petits yeux, comment tu riais en me voyant penchée sur ton visage et comment tu tendais joyeusement tes menottes, impatient que je te prenne, et comment, avec un petit cri doux comme le trille d’une fauvette, tu réclamais ta nourriture ? Ah ! que j’étais heureuse lorsque tu t’attachais à mon sein et que je sentais la tiédeur lisse de tes joues, les caresses de tes menottes sur ma poitrine !

    Tu ne savais pas rester seul sans ta Maman. Et maintenant, te voilà seul ! Pardonne-moi, mon Fils, de t’avoir laissé seul, de ne m’être pas révoltée pour la première fois de ma vie et d’avoir voulu rester là. C’était ma place. Je me serais sentie moins désolée si j’avais été près de ton lit funèbre, pour arranger les langes comme autrefois et les changer… Même si tu n’avais pu me sourire et me parler, il m’aurait semblé t’avoir, de nouveau, comme quand tu étais petit. Je t’aurais accueilli sur mon cœur pour ne pas te faire sentir la froideur de la pierre, la dureté du marbre. Ne t’ai-je pas tenu aujourd’hui même ? Le sein d’une mère est toujours capable d’accueillir son fils, même s’il est adulte. Un fils est toujours un enfant pour sa maman, même s’il est déposé de la croix, couvert de plaies et de blessures.

    612.11 Que de blessures ! Que de douleur ! Ah ! mon Jésus, mon Jésus si durement blessé ! Blessé de cette manière ! Tué de cette manière ! Non, non, Seigneur, non ! Ce ne peut être vrai ! Je suis folle ! Jésus mort ? Je délire. Jésus ne peut mourir ! Souffrir, oui. Mourir, non. Il est la Vie ! Il est le Fils de Dieu. Il est Dieu. Dieu ne meurt pas.

    Il ne meurt pas ? Et alors pourquoi s’est-il appelé “ Jésus ” ? Que veut dire “ Jésus ” ? Cela veut dire… oh ! cela veut dire : “ Sauveur ” ! Il est mort ! Il est mort parce qu’il est le Sauveur. Il a dû sauver tous les hommes, en se perdant lui-même… Je ne délire pas, non. Je ne suis pas folle. Non. Si je l’étais, je souffrirais moins ! Il est mort. Voici son sang. Voici sa couronne. Voici les trois clous : c’est avec ceux-ci qu’ils l’ont transpercé !

    Hommes, regardez avec quoi vous avez transpercé Dieu, mon Fils ! Or je dois vous pardonner et je dois vous aimer… Parce que lui, il vous a pardonné, et parce qu’il m’a dit de vous aimer ! Il m’a fait votre Mère, Mère des assassins de mon Enfant ! Ce fut l’une de ses dernières paroles, alors qu’il luttait contre le râle de l’agonie… “ Mère, voici ton fils… tes fils. ” Même si je n’avais pas été Celle qui obéit, j’aurais dû obéir aujourd’hui, car c’était le commandement d’un mourant.

    Alors voici, Jésus, je pardonne, je les aime. Ah ! mon cœur se brise dans ce pardon, dans cet amour ! Entends-tu que je leur pardonne et les aime ? Je prie pour eux. Voilà : je prie pour eux… Je ferme les yeux pour ne pas voir ces objets de ta torture, pour être capable de leur pardonner, de les aimer, de prier pour eux. Chaque clou sert à crucifier toute volonté de ma part de ne pas pardonner, de ne pas aimer, de ne pas prier pour tes bourreaux.

    612.12 Je dois, je veux penser que je suis près de ton berceau. A cette époque, je priais aussi pour les hommes, mais alors c’était facile. Tu étais vivant et moi, même si je jugeais les hommes cruels, je n’arrivais jamais à penser qu’ils puissent l’être autant à ton égard, alors que tu les avais comblés outre mesure de bienfaits. Je priais, convaincue que ta Parole allait les rendre bons. Je leur disais dans mon cœur, en les regardant : “ Vous êtes maintenant mauvais et malades, mes frères. Mais d’ici peu il parlera, d’ici peu il vaincra en vous Satan, il vous donnera la vie perdue ! ” La vie perdue ! C’est toi, toi, toi qui l’as perdue, la vie, pour eux. Mon Jésus !

    Si, quand tu étais dans les langes, j’avais pu voir l’horreur de ce jour, mon doux lait se serait changé en poison sous l’effet de la douleur ! Siméon l’a annoncé : “ Une épée te transpercera le cœur. ” Une épée ? Une forêt d’épées ! Combien de blessures ils t’ont faites, mon Fils ? Combien de gémissements tu as poussés ? Combien de spasmes ? Combien de gouttes de sang tu as versées ? Eh bien ! chacune est une épée pour moi. Je suis une forêt d’épées. En toi, il n’en est pas une partie de ta peau qui ne soit une plaie. En moi, il n’en est pas qui ne soit transpercée. Elles transpercent mes chairs et me pénètrent dans le cœur.

    612.13 Quand j’attendais ta naissance, je te préparais les langes et les linges en filant le plus beau lin de la terre. Je n’ai pas regardé au prix pour posséder l’étoffe la plus lisse. Comme tu étais beau dans les langes de ta Maman ! Tous me félicitaient : “ Il est beau, ton enfant, Femme ! ” Tu étais beau ! Ton petit visage rose ressortait sur la blancheur du lin. Tu avais deux yeux plus bleus que le ciel, et ta petite tête semblait entourée d’un nuage d’or tant tes cheveux étaient blonds et soyeux. Ils sentaient la fleur d’amandier à peine ouverte. On croyait que je te parfumais. Non, mon trésor n’avait que le parfum des langes lavés par sa Maman, réchauffés, baisés par son cœur et par ses lèvres. Je n’étais jamais lasse de travailler pour toi.

    Et maintenant ? Je n’ai plus rien à faire pour toi. Voici trois ans que tu avais quitté la maison, mais tu étais encore le but de mes journées. Penser à toi, à tes vêtements, à ta nourriture : pétrir la farine et en faire du pain, soigner les abeilles pour t’en donner le miel, veiller sur les arbres pour qu’ils produisent des fruits pour toi. Comme tu aimais ce que ta Maman t’apportait ! Aucun mets de table riche, aucun vêtement d’étoffe précieuse n’égalaient à tes yeux ces tissus cousus, soignés, préparés par les mains de ta Maman. Quand j’allais te voir, tu regardais tout de suite mes mains, comme quand tu étais tout petit et que Joseph et moi, nous te présentions nos pauvres dons pour te faire sentir que tu étais notre Roi. Tu n’as jamais été gourmand, mon Enfant, mais c’était l’amour que tu cherchais, c’était cela ta nourriture et tu le trouvais dans nos soins. Maintenant aussi, c’était ce que tu trouvais, ce que tu cherchais, mon pauvre Fils, si peu aimé du monde !

    Maintenant, plus rien. Tout est accompli. Ta Maman ne fera plus rien pour toi. Tu n’as plus besoin de rien… Maintenant, tu es seul… Et moi aussi, je suis seule… Oh ! heureux Joseph, qui n’a pas vu ce jour. Si moi aussi je n’avais plus été là ! Mais alors tu n’aurais pas eu même ce réconfort de voir ta pauvre Maman. Tu aurais été seul sur la croix, comme tu es seul dans le tombeau, seul avec tes blessures.

    612.14 Oh Dieu ! Dieu, que de blessures a ton Fils, mon Fils ! Comment ai-je pu les voir sans mourir, moi qui m’évanouissais quand tout petit tu te faisais mal ?

    Une fois, tu es tombé dans le jardin de Nazareth et tu t’es blessé le front : cela t’a valu quelques gouttes de sang. Mais moi, qui m’étais sentie mourir en voyant des gouttes de ton sang à la circoncision — Joseph dut même me soutenir, car je tremblais comme un mourant —, il me semblait que cette blessure minuscule devait te tuer, et c’est plus avec mes larmes qu’avec de l’eau et de l’huile que je l’ai soignée ; je me suis rassurée seulement lorsque le sang s’est arrêté de couler. Une autre fois, tu apprenais à travailler, et tu t’es blessé avec la scie. Une petite blessure. Mais c’était comme si la scie m’avait coupée en deux. Je n’ai eu de repos que lorsque, six jours après, j’ai vu ta main guérie.

    Et maintenant ? Et maintenant ? Maintenant tu as les mains, les pieds, le côté ouverts, maintenant ta chair tombe en lambeaux et ton visage est couvert de contusions. Ce visage que je n’osais effleurer d’un baiser… Ton front et ta nuque sont couverts de plaies et personne ne t’a donné de remède et de réconfort.

    612.15 Regarde mon cœur, ô Dieu qui m’as frappée dans mon Enfant ! Regarde-le ! N’est-il pas couvert de plaies comme le corps de Celui qui es mon Fils et le tien ? Les coups de fouets sont tombés sur moi comme une grêle pendant qu’on le frappait. Qu’est la distance pour l’amour ? J’ai souffert les tortures de mon Fils ! Que ne les ai-je souffertes moi seule ! Que n’ai-je été, moi, sur la pierre du tombeau ! Regarde-moi, ô Dieu ! Mon cœur ne suinte-t-il pas le sang ? Voici le cercle des épines, je le sens. C’est une bande qui me serre et me transperce. Voici le trou des clous : trois stylets plantés dans mon cœur.

    Oh ! Ces coups ! Ces coups ! Comment le Ciel ne s’est-il pas écroulé sous ces coups sacrilèges dans la chair de Dieu ? Et ne pas pouvoir crier ! Ne pas pouvoir m’élancer pour arracher l’arme des mains des assassins et en faire une défense pour mon Enfant mourant. Mais devoir les entendre, entendre et ne rien faire ! Un coup sur le clou, et le clou entre dans les chairs vivantes. Un autre coup, et il entre encore davantage. Un autre et un autre encore, et les os, les nerfs se brisent, et voilà transpercée la chair de mon Enfant et le cœur de sa Maman.

    Et quand ils t’ont élevé sur la croix ? Combien tu dois avoir souffert, mon saint Fils ! Je vois encore ta main se déchirer dans la secousse de la chute. J’ai le cœur déchiré comme elle. Je suis contusionnée, flagellée, frappée à coup de pique, battue, transpercée comme toi. Je n’étais pas avec toi sur la croix, mais regarde-la, ta Maman ! Est-elle différente de toi ? Non. Il n’y a pas de différence de martyre. D’ailleurs, si le tien est fini, le mien dure encore. Tu n’entends plus les accusations mensongères, moi je les entends. Tu n’entends plus les blasphèmes horribles, moi je les entends encore. Tu ne sens plus la morsure des épines et des clous, ni la soif et la fièvre. Je suis pleine de pointes de feu, il en est comme si je mourais brûlée et délirante.

    612.16 Si du moins ils m’avaient laissée te donner une goutte d’eau ! Ou mes larmes, si la férocité des hommes refusait au Créateur l’eau créée par lui. Je t’ai donné beaucoup de lait, parce que nous étions pauvres, mon Fils ; dans notre fuite en Egypte nous avions tout perdu, et nous avions dû nous refaire un toit, des meubles, sans compter les vêtements et la nourriture, et nous ne savions pas combien de temps l’exil allait durer, ni ce que nous allions trouver à notre retour au pays. Je t’ai donné du lait au-delà du temps habituel pour que tu ne sentes pas le manque de nourriture. Jusqu’au moment où nous eûmes une petite chèvre, c’est moi qui ai joué ce rôle, enfant de ta Maman. Tu avais déjà des dents et tu mordais… Oh ! quelle joie de te voir rire dans tes jeux d’enfant !…

    Tu voulais marcher. Tu étais fort et en pleine santé. Moi, je te soutenais pendant des heures et des heures, et je ne sentais pas se briser mes reins à rester penchée sur toi, qui faisais tes petits pas et répétais à chacun : “ Maman ! ”, “ Maman ! ” Oh ! quel bonheur pour moi de t’entendre chanter ce nom !

    Tu le disais aussi aujourd’hui : “ Maman, Maman ! ” Mais ta Maman ne pouvait que te regarder mourir. Je ne pouvais même pas caresser tes pieds ! Tes pieds ? Ah ! même s’ils avaient été à portée de main, je n’aurais pu les toucher pour ne pas accroître ton tourment. Comme tes pauvres pieds devaient souffrir, mon Jésus ! Si j’avais pu monter jusqu’à toi, et me mettre entre le bois et ton corps, et t’empêcher de heurter contre le bois dans les convulsions de l’agonie ! J’entends encore ta tête frapper le bois dans les derniers sursauts. Et ce bruit, ce bruit me rend folle. C’est comme si j’avais un marteau dans la tête…

    Reviens, reviens, mon cher Fils, mon Fils adoré, mon Fils saint ! Je meurs. Je ne puis me faire à cette désolation qu’est la mienne. Montre-moi de nouveau ton visage. Appelle-moi encore. Je ne puis penser que tu es sans voix, sans regard, simple dépouille froide et sans vie !

    Oh ! Père, viens à mon secours. Jésus ne m’entend pas ! La Passion n’est-elle pas finie ? Tout n’est-il pas accompli ? Ces clous, ces épines, ce sang, ces larmes ne suffisent-ils pas ? Faut-il encore autre chose pour guérir l’homme ?

    612.17 Père, je te cite les instruments de sa douleur et mes larmes. Mais ceci est ce qu’il y a de moindre. Ce qui l’a fait mourir dans une angoisse surhumaine, a été ton abandon. Ce qui me fait crier, c’est ton abandon. Je ne t’entends plus. Où es-tu, Père saint ? J’étais “ pleine de grâce ”. L’Ange l’a dit : “ Salut, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre toutes les femmes. ”

    Non, ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai ! Me voilà traitée comme si j’étais maudite par toi à cause de mon péché. Tu n’es plus avec moi. La grâce s’est retirée, comme si j’étais une seconde Eve pécheresse. Mais moi, je te suis toujours restée fidèle. En quoi t’ai-je déplu ? Tu as fait de moi ce qui t’a semblé bon et je t’ai toujours dit : “ Oui, Père, je suis prête. ” Les anges peuvent-ils donc mentir ? Pourtant, Anne m’avait assuré que tu allais me donner ton ange à l’heure de la souffrance. Or je suis seule. Je ne trouve plus grâce à tes yeux, je ne t’ai plus en moi, toi qui es la Grâce. Je n’ai plus d’ange gardien. Les saints mentent-ils donc ? En quoi t’ai-je déplu, s’ils mentent et si j’ai mérité cette heure ?

    Et Jésus ? Quel tort avait-il, ton Agneau pur et doux ? En quoi t’avons-nous offensé, pour que, en plus du martyre causé par les hommes, nous devions subir la torture incalculable de ton abandon ? Il était pour toi un Fils et il t’appelait de cette voix qui a fait frissonner la terre et se secouer dans un sanglot de pitié ! Comment as-tu pu le laisser seul au milieu de tels tourments ?

    Pauvre cœur de Jésus qui t’aimait tant ! Où est la marque de la blessure de son cœur ? La voici. Regarde, Père, cette marque : c’est l’empreinte de ma main entrée dans la large blessure de la lance. Regarde… Les larmes, le baiser de sa Mère, qui a brûlé ses yeux et consumé ses lèvres en pleurant et en l’embrassant, ne l’effacent pas. Ce signe est un cri et un reproche à la fois. Plus encore que le sang d’Abel, ce signe crie vers toi depuis la terre. Or toi, qui as maudit Caïn et as exercé sur lui ta vengeance, tu n’es pas intervenu pour mon Abel, déjà saigné par ses Caïn, et tu as permis le dernier outrage ! Tu lui as broyé le cœur par ton abandon et tu as laissé un homme le mettre à nu, pour que je le voie et que j’en sois brisée. Mais peu importe ce que, moi, je ressens. C’est pour lui, pour lui, que je fais cette demande et que je t’appelle pour que tu répondes. Tu ne devais pas… Tu ne devais pas…

    612.18 Oh ! Pardon, Père ! Pardon, Père saint ! Pardonne à une Mère qui pleure son enfant… Il est mort ! Il est mort, mon Fils, mort avec le cœur ouvert. Oh ! Père, Père, pitié ! Je t’aime ! Nous t’avons aimé et tu nous as tant aimés ! Comment as-tu permis que soit blessé le cœur de notre Fils ? Oh ! Père !… Pitié pour une pauvre femme. Je blasphème, Père. Je suis ta servante, ton rien, et voilà que j’ose te faire des reproches ! Pitié ! Tu as été bon. La blessure, l’unique blessure qui ne lui a pas fait mal, c’est celle-là. Ton abandon a servi à le faire mourir avant le coucher du soleil, pour lui éviter d’autres tortures.

    Tu as été bon. Tu fais tout par bonté. Nous sommes, nous, des créatures qui ne comprenons pas. Tu as été bon. Tu as été bon. Répète-le, mon âme, pour enlever la morsure de ta souffrance. Dieu est bon et il t’a toujours aimée, mon âme. Du berceau à cette heure-ci, il t’a toujours aimée. Il t’a donné toute la joie du temps. Toute. Il s’est donné lui-même. Il a été bon, bon, bon. Merci, Seigneur, sois béni pour ton infinie bonté !

    Merci. Je te dis merci pour toi aussi, Jésus ! Moi seule l’ai sentie dans mon cœur quand j’ai vu le tien ouvert. Maintenant ta lance est dans le mien, et elle fouille et déchire. Mais c’est mieux ainsi. Tu ne la sens pas. Mais Jésus, pitié ! Donne-moi un signe de toi, une caresse, une parole pour ta pauvre Maman au cœur déchiré ! Un signe, un signe, Jésus, si tu veux me trouver vivante à ton retour. »






[1] Une nouvelle journée s'est ouverte à 18 heures : nous sommes donc le samedi.

[2] La lamentation de la Vierge n'est pas datée. Elle n'est pas écrite sur les cahiers comme le reste de l'Œuvre, mais sur les huit faces de deux grandes feuilles pliées en deux. Nous l'insérons ici parce que, à cet endroit, Maria Valtorta note: Ici lamentation II° de Marie III point Désolée (annotation compréhensible pour le Père Migliorini, son confesseur, sui dactylographie l’Œuvre).          

Voici ce qu'elle écrit dans une longue note, dont nous avons cité quelques passages en EMV 242.6 :

[.. ] Du berceau à la croix, Marie s'est entièrement dédiée à Jésus, et Jésus a tout reçu de Marie. Paisible — mieux encore: sereine—, comme si elle ignorait l'avenir, elle eut toujours pour Jésus le sourire et la parole qui encourageaient le Maître affligé et consolaient le divin Martyr. Semblable à une mère qui dissimule sous le bleu de ses eaux paisibles les tempêtes et les agitations du fond, jusqu'à ce que "tout soit consommé", elle vint en aide avec dignité, force et douceur à son Fils. Ce n'est qu'ensuite qu'elle laissa s'écrouler les digues de sa force et que l'océan de sa douleur de mère et de croyante la submergea, jusqu'à ce que Dieu l'a permis, ce en quoi elle fut encore plus la Corédemptrice. […] Héroïque dans son supplice, comme parfaite dans son double amour de mère et de croyante, elle fut encore, jusqu'au dernier souffle du Martyr, son suprême réconfort. Une fois consommée sa propre passion, non sanglante, mais pas moins atroce, elle laissa, après l'heure de none, libre cours à sa douleur incommensurable devant l'horrible déicide et l'odieux homicide de son Fils, le Fils unique de Dieu, puisqu'il n'avait plus besoin désormais de ses maternelles consolations.

[3] Trente-quatre ans : non pas que Jésus ait vécu trente-quatre ans, mais Marie y ajoute les neufs mois pendant lesquels elle l’a porté.




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-032.htm
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-033.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/la-nuit-du-vendredi-saint.html
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/la-lamentation-de-la-vierge.html
Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 12 Juil - 22:27

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

612. La nuit du vendredi saint.
Le voile de Nikê et la préparation des onguents. (partie 2)


Ancienne édition : Tome 9, chapitres 32 et 33
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 612

Vendredi 5 avril 30
Jérusalem


Vision du 28 mars 1945


        612.19 Un coup énergique à la porte les fait tous sursauter. Le gardien court se cacher courageusement. Marie, femme de Zébédée, voudrait que son fils le suive et elle pousse Jean vers la cour. Les autres, excepté Marie-Madeleine, se serrent l’une contre l’autre en gémissant. C’est Marie de Magdala qui, droite et courageuse, se dirige vers la porte et demande :

    « Qui frappe ? »

    Une voix de femme répond :

    « C’est Nikê. J’ai quelque chose à donner à Marie. Ouvrez vite ! La ronde fait son tour. »

    Jean, qui s’est dégagé de sa mère et est accouru près de Marie-Madeleine, s’affaire autour des multiples serrures, toutes bien verrouillées ce soir. Il ouvre. Nikê entre avec sa servante et un homme musclé qui l’accompagne. On ferme.

    « J’apporte quelque chose… »

    Nikê pleure et ne peut parler…

    « Quoi ? Quoi ? »

    Curieux, tous se pressent autour d’elle.

    « Sur le Calvaire… J’ai vu le Sauveur dans un tel état… J’avais préparé un voile pour ses reins afin qu’il n’utilise pas les chiffons des bourreaux… Mais Jésus était tout en sueur, avec du sang dans les yeux, et j’ai pensé à le lui tendre pour qu’il s’essuie… ce qu’il a fait… Puis il m’a rendu le voile. Je ne m’en suis plus servie… Je voulais le garder en relique avec sa sueur et son sang. Mais à la vue de l’acharnement des juifs, Plautina, les autres Romaines, Lidia et Valeria, et moi, avons décidé de rentrer, par peur qu’ils nous enlèvent ce voile. Les Romaines sont des femmes viriles. Elles nous ont mises au milieu, la servante et moi, et elles nous ont protégées. Il est vrai qu’elles sont une contamination pour Israël… et qu’il est dangereux de toucher Plautina. Mais cela, on y pense par temps calme. Aujourd’hui, ils étaient tous ivres… A la maison, j’ai pleuré… pendant des heures… Puis le tremblement de terre a eu lieu, et je me suis évanouie… Revenue à moi, j’ai voulu baiser ce voile et j’ai vu… Oh !… On y voit la face du Rédempteur !…

    – Fais voir ! Fais voir !

    – Non. D’abord à Marie. C’est son droit.

    – Elle est tellement épuisée ! Elle ne tiendra pas le coup…

    – Ne dites pas cela ! Ce sera pour elle un réconfort, au contraire. Avertissez-la ! »

    612.20 Sur le seuil de la pièce, Jean frappe doucement.

    « Qui est-ce ?

    – Moi, Mère. Dehors, il y a Nikê… Elle est venue de nuit… Elle t’a apporté un souvenir… un cadeau… Elle espère te réconforter avec cela.

    – Oh ! un seul cadeau pourrait me réconforter ! Le sourire de son visage…

    – Mère ! »

    Jean l’entoure de ses bras de peur qu’elle ne tombe et il dit, comme s’il confiait le vrai nom de Dieu :

    « C’est lui. C’est le sourire de son visage imprimé sur le voile avec lequel Nikê l’a essuyé au Calvaire.

    – Oh ! Père ! Dieu très-haut ! Fils saint ! Eternel Amour ! Soyez bénis ! Le signe ! Le signe que je vous ai demandé ! Vite, fais-la entrer ! »

    Marie s’assied, car elle n’est plus maîtresse d’elle-même et, pendant que Jean fait signe aux femmes qui guettent le passage de Nikê, elle se reprend.

    Nikê entre et s’agenouille à ses pieds avec sa servante. Jean, debout près de Marie, lui passe le bras derrière les épaules comme pour la soutenir. Sans dire un mot, Nikê ouvre le coffre, en retire le voile, le déplie. Et le visage de Jésus, le visage vivant de Jésus, le visage douloureux et pourtant souriant de Jésus, regarde sa Mère et lui sourit.

    Marie pousse un cri d’amour douloureux et tend les bras. De l’entrée où elles sont groupées, les femmes lui font écho et l’imitent en s’agenouillant devant le visage du Sauveur.

    Nikê ne trouve pas de mot. Elle passe le voile de ses mains aux mains maternelles, et se penche ensuite pour en baiser le bord. Puis elle s’en va à reculons, sans attendre que Marie sorte de son extase.

    Elle est déjà dehors dans la nuit quand on pense à elle… Il ne reste qu’à refermer la porte.

    Marie est de nouveau seule, dans un colloque d’âme avec l’image de son Fils, car tous se retirent de nouveau.

    612.21 Après un moment, Marthe dit :

    « Comment allons-nous faire pour les onguents ? Demain, c’est le sabbat…

    – Et nous ne pourrons rien trouver… surenchérit Salomé.

    – Il le faudrait pourtant… Plusieurs livres d’aloès et de myrrhe… mais il était si mal lavé…

    – Il faudrait que tout soit prêt pour l’aurore du premier jour après le sabbat, observe Marie, femme d’Alphée.

    – Et les gardes ? Comment allons-nous faire ? demande Suzanne.

    – Nous le dirons à Joseph, s’ils ne nous laissent pas entrer, répond Marthe.

    – Nous ne pourrons déplacer la pierre toutes seules. »

    Marie-Madeleine réplique :

    « Tu prétends qu’à cinq cela nous serait impossible ? Nous sommes toutes robustes… et l’amour fait le reste.

    – Je vous accompagnerai, propose Jean.

    – Non, pas toi, vraiment. Je ne veux pas te perdre aussi, mon fils.

    – Ne t’en soucie pas. Nous suffirons.

    – En attendant… qui nous fournit les aromates ? »

    L’accablement les saisit… Puis Marthe suggère :

    « Nous pouvions demander à Nikê si ce qu’on disait de Jeanne est vrai… des soulèvements…

    – Bien sûr ! Mais nous sommes stupides. Nous aurions pu prendre des aromates plus tôt. Isaac était sur le seuil de sa porte quand nous sommes revenues…

    612.22 – Au palais, il y a de nombreux petits vases d’essences et de l’encens fin. Je vais les chercher. »

    Déjà Marie-Madeleine se lève et met son manteau.

    Marthe s’écrie :

    « Tu ne vas pas y aller.

    – Si, j’y vais.

    – Tu es folle ! Ils vont te prendre !

    – Ta sœur a raison. N’y va pas !

    – Oh ! quelles femmelettes inutiles et criardes vous êtes ! En vérité, Jésus avait une belle troupe de disciples ! Vous avez déjà épuisé votre réserve de courage ? Pour moi, au contraire, plus j’en use et plus il m’en vient.

    – Je l’accompagne. Moi, je suis un homme, propose Jean.

    – Et moi, je suis ta mère et je te l’interdis.

    – Sois tranquille, Marie Salomé, et toi aussi, Jean. Je pars seule. Je n’ai pas peur. Je suis habituée à courir dans les rues la nuit. Je l’ai fait mille fois pour pécher… et je devrais craindre, maintenant que c’est pour servir le Fils de Dieu ?

    – Mais aujourd’hui la ville est en révolte. Tu as entendu l’homme.

    – C’est un couard, et vous avec lui. J’y vais.

    – Et si tu rencontres des soldats ?

    – Je dirai : “ Je suis la fille de Théophile, un Syrien, serviteur fidèle de César. ” Ils me laisseront partir, et d’ailleurs… devant une jolie jeune femme, l’homme est un jouet plus inoffensif qu’un fétu de paille. Je le sais, pour ma honte…

    – Mais où veux-tu trouver des parfums dans le palais puisqu’il n’est plus habité depuis des années ?

    – Tu crois cela ? Allons donc, Marthe ! Tu ne te souviens pas qu’Israël vous obligea à le quitter parce que c’était l’un de mes lieux de rendez-vous avec mes amants ? J’y avais tout ce qui servait à les rendre encore plus fous de moi. Quand je fus sauvée par mon Sauveur, j’ai caché à un endroit connu de moi seule, les albâtres et les encens dont je me servais pour mes orgies d’amour. Et j’ai juré que seuls mes pleurs sur mon péché et l’adoration de Jésus très saint seraient les eaux parfumées et les encens ardents de Marie repentie, et que j’allais me servir des signes d’un culte profane des sens et de la chair uniquement pour les sanctifier sur lui et lui donner l’onction. Voici l’heure venue. J’y vais. Restez, et soyez tranquilles. L’ange de Dieu m’accompagne, et rien de mal ne m’arrivera. Adieu. Je vous apporterai des nouvelles. Ne dites rien à Marie… Cela augmenterait son angoisse… »

    Sûre d’elle, imposante, Marie de Magdala sort.

    612.23 Jean prend alors la parole :

    « Mère, que cela soit pour toi un enseignement : n’agis pas de telle sorte que tout le monde puisse prétendre que ton fils est un lâche. Demain, ou plutôt aujourd’hui, car la seconde veille venue, j’irai chercher mes compagnons comme elle le désire…

    – C’est le sabbat… tu ne peux pas… objecte Salomé pour le retenir.

    – “ Le sabbat est mort ”, je le déclare, moi aussi, avec Joseph. Une ère nouvelle a commencé, et elle comporte d’autres lois, d’autres sacrifices et d’autres cérémonies. »

    Marie Salomé baisse la tête sur ses genoux et pleure sans plus protester.

    « Et si nous pouvions avoir des nouvelles de Lazare ! » gémit Marie, femme de Clopas.

    « Si vous me laissez aller, vous en aurez. Car mes compagnons, Simon le Cananéen en avait reçu l’ordre, ont été conduits chez lui, chez Lazare. Jésus l’a demandé à Simon en ma présence.

    – Tous sont là bas ? Dans ce cas, ils sont tous perdus ! »

    Marie, femme de Clopas, et Salomé versent des larmes de désolation.

    Le temps passe, scandé par les pleurs et les signes d’attente.

    612.24 Puis Marie-Madeleine revient, triomphante, chargée de sacs pleins de vases précieux.

    « Vous voyez que rien ne m’est arrivé ? Voici des huiles de toutes espèces, du nard, de l’oliban et du benjoin. Pas de myrrhe ni d’aloès… Je ne voulais pas d’amertumes… Je les bois toutes maintenant… Mais, en attendant, nous mélangerons celles-ci et, demain, nous prendrons de la myrrhe et de l’aloès… Si on le paie bien, Isaac les donnera même le jour du sabbat…

    – On t’a vue ?

    – Personne. Je n’ai même pas rencontré une chauve-souris.

    – Les soldats ?

    – Les soldats ? Je crois qu’ils ronflent sur leurs paillasses.

    – Mais les séditions… les arrestations…

    – C’est la peur de cet homme qui les a vues…

    – Qui se trouve dans le palais ?

    – Lévi et sa femme, tranquilles comme des enfants. Les hommes armés ont pris la fuite… Ah ! Ah ! Nous avons de beaux preux, ma foi !… Ils sont partis dès qu’ils ont appris la condamnation. Je dis la vérité : Rome est dure et elle emploie le fouet… Mais avec cela, elle se fait craindre et servir. Et elle a de vrais hommes, pas des couards… Jésus disait : “ Mes fidèles connaîtront le même sort que moi. ” Hum ! Si de nombreux Romains se rallient à Jésus, c’est possible. Mais des martyrs parmi les israélites… Je crois plutôt qu’il restera seul ! Voici mon sac. L’autre est celui de Jeanne qui… oui, nous sommes non seulement lâches, mais menteurs. Jeanne est accablée. Elise et elle se sont senties mal sur le Golgotha. L’une est une mère qui a vu son fils mort, et d’entendre les râles de Jésus elle a cru défaillir. L’autre est délicate, elle n’est pas habituée à tant marcher, qui plus est au soleil. Mais aucune blessure, aucune agonie. Elle pleure comme nous, certainement. Pas davantage. Elle regrette d’avoir été éloignée. Elle viendra demain et elle envoie ces aromates : il y a là tout ce qu’elle avait. Avec elle était restée Valeria sur l’ordre de Plautina, mais maintenant elle est partie avec ses esclaves chez Claudia, car elles ont beaucoup d’encens. Quand elle arrivera — car elle aussi, grâce au Ciel, n’est pas une peureuse qui tremble toujours —, ne vous mettez pas à hurler comme si vous sentiez le glaive sur votre gorge. Allons, levez-vous ! Prenons des mortiers, mettons-nous à l’œuvre. Pleurer ne sert à rien, ou besognez en pleurant. Notre baume sera détrempé par nos larmes, et il les sentira sur lui… Il sentira notre amour. »

    Et elle se mord les lèvres pour ne pas pleurer et pour donner du courage aux autres, qui sont visiblement à bout.

    Elles travaillent avec énergie.

    612.25 Marie appelle Jean.

    « Mère, qu’as-tu ?

    – Ces coups…

    – Elles pilent les encens…

    – Ah !… Mais… pardonnez-moi… Ne faites pas tant de bruit… Cela me fait penser aux marteaux… »

    En effet les pilons de bronze contre le marbre des mortiers font vraiment le bruit des marteaux.

    Jean le rapporte aux femmes, qui sortent dans la cour pour qu’on les entende moins.

    Puis il retourne vers la Mère.

    « Comment les ont-elles obtenus ?

    – Marie, sœur de Lazare, est allée à son palais et chez Jeanne… Et on en apportera d’autres…

    – Personne n’est venu ?

    – Personne depuis Nikê.

    – Regarde-le, Jean, et vois comme il est beau en dépit de sa souffrance ! »

    Marie, les mains jointes, contemple la toile qu’elle a étendue contre un coffre en la tendant avec des poids.

    « Il est beau, oui, Mère. Et il te sourit… Ne pleure plus… Déjà plusieurs heures sont passées. C’est autant de moins à attendre son retour… »

    Cela n’empêche pas Jean de pleurer…

    Marie lui caresse la joue, mais elle ne regarde que l’image de son Fils. Jean sort, aveuglé par les larmes.

    612.26 Marie-Madeleine, qui est revenue prendre des amphores, est dans le même état. Mais elle confie à l’apôtre :

    « Nous ne devons pas montrer que nous pleurons, sinon les femmes ne seront plus bonnes à rien. Or on doit agir…

    – …et on doit croire, achève Jean.

    – Oui, croire. Si on ne pouvait pas croire, ce serait le désespoir. Moi, je crois. Et toi ?

    – Moi aussi…

    – Tu le dis mal. Tu n’aimes pas encore suffisamment. Si tu aimais de tout ton être, tu ne pourrais pas ne pas croire. L’amour est lumière et voix. Même face aux ténèbres de la négation et au silence de la mort, il dit : “ Je crois. ” »

    Marie-Madeleine, déjà si grande et imposante, est vraiment splendide dans cette impérieuse confession de foi ! Elle doit avoir le cœur torturé — et ses yeux brûlés par les larmes le disent —, mais son âme est invaincue.

    Jean la regarde avec admiration et murmure :

    « Tu es courageuse !

    – Toujours. Je l’étais au point de défier le monde, or j’étais sans Dieu à cette époque. Maintenant que je l’ai, lui, je me sens capable de défier l’enfer lui-même. Toi qui es bon, tu devrais être plus courageux que moi. Car la faute déprime, sais-tu ? Plus qu’une consomption. Mais tu es innocent… C’est pour cela qu’il t’aimait tant…

    – Il t’aimait aussi…

    – Moi, je n’étais pas innocente. Mais j’étais sa conquête et… »

    612.27 On frappe avec force à la porte.

    « Ce sera Valeria. Ouvre. »

    Jean, dominé par le calme de Marie, le fait sans peur.

    C’est effectivement Valeria, accompagnée de ses esclaves qui portent la litière d’où elle est descendue. Elle entre en saluant en latin :

    « Salve.

    – La paix soit avec toi, ma sœur. Entre, répond Jean.

    – Puis-je offrir à Marie l’hommage de Plautina ? Claudia aussi y a contribué. Mais uniquement si ce n’est pas une douleur pour elle de me voir. »

    Jean entre chez Marie.

    « Qui frappe ? Pierre ? Judas ? Joseph ?

    – Non, c’est Valeria. Elle a apporté des résines précieuses. Elle voudrait te les offrir… si cela ne te peine pas.

    – Je dois   surmonter la peine. Jésus a appelé à son Royaume les enfants d’Israël comme les païens. Il les a tous appelés. Maintenant… il est mort… Mais je suis ici pour lui, et je reçois tout le monde. Qu’elle entre. »

    Valeria entre. Elle a enlevé son manteau foncé et elle porte une étole toute blanche. Elle s’incline jusqu’à terre, salue et parle :

    « Domina, tu sais qui nous sommes : les premières rachetées de l’obscurantisme païen. Nous étions fange et ténèbres. Ton Fils nous a donné ailes et lumière. Maintenant il est… il est endormi dans la paix. Nous connaissons vos usages et nous voulons que les baumes de Rome soient eux aussi répandus sur le Triomphateur.

    – Que Dieu vous bénisse, filles de mon Seigneur. Et… pardonnez-moi si je ne sais en dire plus…

    – Ne te force pas, Domina. Rome est forte, mais elle sait comprendre la douleur et l’amour. Elle te comprend, Mère douloureuse. Adieu.

    – La paix soit avec toi, Valeria ! A Plautina, à vous toutes, ma bénédiction. »

    Valeria se retire en laissant ses encens et autres essences.

    « Tu vois, Mère ? Tout le monde donne pour le Roi du Ciel et de la terre.

    – Oui » dit Marie. « Tout le monde. Et sa Mère n’aura eu que ses larmes à lui offrir. »

    612.28 Un coq chante joyeusement non loin de là. Jean sursaute.

    « Qu’as-tu, Jean ? demande la Vierge.

    – Je pensais à Simon-Pierre…

    – Mais n’était-il pas avec toi ? demande Marie-Madeleine, qui est entrée dans la pièce.

    – Si, chez Hanne. Puis j’ai compris que je devais venir ici et je ne l’ai plus vu du tout.

    – D’ici peu, ce sera l’aube.

    – Oui. Ouvrez. »

    Ils ouvrent les fenêtres, et leurs visages semblent encore plus terreux dans la pâle lumière verte de l’aurore.

    La nuit du vendredi saint est finie.


Observations

Sur le chemin du Calvaire, la disciple Nike s’écarte d’un groupe de femmes (Lc 23, 27-31) et tente d’apporter un peu de réconfort à Jésus. Elle tire d’un coffret « un tissu de lin très blanc, carré, et l’offre au Rédempteur. Il l’accepte (…) la femme pleine de pitié l’aide à le poser sur son visage (...) Jésus presse le linge frais sur son pauvre visage » (EMV 608.9). Plus tard, Véronique ayant constaté le miracle, elle apporte la relique à Marie : « Du coffret (…) Véronique sort le voile de lin et l’explique. La Face vivante du Christ est là, sur la toile. Un visage douloureux, mais encore vivant de par son expression, ses yeux ouverts, le léger mais douloureux sourire de sa bouche ». (Les Cahiers de 1944, 19 février, p 162).
Dans l‘adieu à l’œuvre, Jésus donne ce commentaire : « Le voile de Véronique est aussi un point d’achoppement pour votre esprit sceptique. Hommes rationnels, tièdes, à la foi vacillante, vous qui procédez par d’arides analyses, comparez le visage du Voile à celui du Saint-Suaire. L’un est la face d’un vivant, l’autre celle d’un mort. Mais la longueur, la largeur, les caractères somatiques, la forme, les caractéristiques sont identiques. Superposez les images, vous verrez qu’elles correspondent. C’est bien moi. J’ai voulu rappeler comment j’étais et ce que je suis devenu par amour pour vous ». (EMV 637.7).


Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Le-voi10
La peinture de Fetti superposée au Saint-Suaire

L'histoire certaine du voile de Véronique commence lors du pontificat de Jean VII en 705. Le 23 novembre 1011, le pape Sergius lui consacra un autel et un reliquaire au Vatican. Depuis le 13e siècle jusqu’au 18e siècle, les ostensions du voile furent continues, puis l’image devint pratiquement invisible. Heureusement vers 1615 Domenico Fetti en fit un tableau qui constitue certainement l’une des plus fidèles reproductions du voile, tel qu’il pouvait être visible il y a quatre siècles (de nombreux artistes en firent des tableaux au 17e siècle).

En superposant le visage de ce tableau avec la photo du Saint Suaire de Turin, on constate que les images se correspondent parfaitement, et que leur fusion par simple transparence, produit ce portrait du Christ souffrant si profondément émouvant, surnaturel et ineffable.


SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-033.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/la-nuit-du-vendredi-saint.html
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/le-voile-de-veronique.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 13 Juil - 20:37

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

613. Réflexions sur la Passion de Jésus et de Marie et sur la com-passion de Jean

Ancienne édition : Tome 9, chapitres 34
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 613

Dictée du dimanche 20 février 1944.


    613.1 Il fait déjà nuit quand Jésus dit :

    « Tu as vu ce qu’il en coûte d’être Sauveur. Tu l’as vu chez moi et chez Marie. Tu as connu toutes nos tortures, et tu t’es rendu compte de la générosité, de l’héroïsme, de la patience, de la douceur, de la constance et de la force avec lesquelles nous les avons subies, poussés par l’amour de votre salut.

    Tous ceux qui le veulent et qui demandent au Seigneur Dieu de faire d’eux des “ sauveurs ” [1] doivent bien penser que Marie et moi sommes le modèle et se rendre compte des tortures à partager pour sauver. Si ce ne sont pas la croix, les épines, les clous ou les coups de fouet, il y en aura d’autres, de formes et de natures différentes, mais tout aussi douloureuses et consumantes. Car c’est seulement par la consommation du sacrifice au moyen de ces souffrances que l’on peut devenir sauveur.

    C’est une mission ardue, la plus ardue de toutes. Par rapport à celle-ci, la vie monastique selon la règle la plus sévère n’est qu’une fleur comparée à un tas d’épines. Car il ne s’agit pas là de la règle d’un Ordre humain, mais de celle d’un sacerdoce, d’une vie monastique divine, dont je suis moi-même le fondateur. C’est moi qui consacre et qui accueille dans mon Ordre, selon ma règle, ceux qui y sont élus, et je leur impose mon habit : la souffrance totale, jusqu’au sacrifice.

    613.2 Tu as contemplé mes souffrances. Elles étaient destinées à réparer vos fautes. Aucune partie de mon corps n’a été épargnée, car rien en l’homme n’est exempt de faute, et toutes les parties de votre être physique et moral — cet être que Dieu vous a donné avec la perfection de toute œuvre divine et que vous avez avili par la faute originelle et par vos tendances au mal, par votre volonté mauvaise — sont des instruments dont vous vous servez pour pécher.

    Mais je suis venu effacer les effets du péché par mon sang et ma souffrance, en y lavant chaque partie physique et morale de votre personne pour la purifier et la rendre forte contre vos tendances coupables.

    613.3 Mes mains ont été blessées et emprisonnées, après s’être fatiguées à porter la croix, pour réparer tous les délits et crimes commis par la main de l’homme. Depuis celui de tourner une arme contre son frère — ce qui fait de vous des Caïn — jusqu’au vol, aux accusations mensongères, aux actes contre votre propre corps ou celui d’autrui, ou à la fainéantise propice à vos vices. C’est pour toutes les libertés illicites de vos mains que j’ai fait crucifier les miennes, en les clouant au bois de la croix et en les privant de tout mouvement plus qu’il n’était permis et nécessaire.

    Les pieds de votre Sauveur, après s’être épuisés et blessés sur les pierres de mon chemin de croix, ont été transpercés, immobilisés, pour réparer tout le mal que vous faites par les vôtres, quand vous vous en servez pour aller commettre vos délits, vols ou fornications. J’ai parcouru les rues, les places, les maisons, les escaliers de Jérusalem pour purifier toutes les rues, toutes les places, tous les escaliers, toutes les maisons de la terre, du mal né ou semé à cet endroit au cours des siècles passés ou à venir par votre mauvaise volonté, lorsque vous obéissez aux tentations de Satan.

    613.4 Ma chair a été maculée, frappée, lacérée pour punir en moi le culte exagéré, l’idolâtrie même que vous rendez à la vôtre et à celle des personnes que vous aimez par caprice sensuel, ou même poussés par une affection qui en soi n’a rien de répréhensible, mais que vous rendez telle lorsque vous aimez un parent, un conjoint, un enfant, un frère ou une sœur plus que vous n’aimez Dieu.

    Non : l’amour pour le Seigneur votre Dieu doit être plus grand que tout amour ou tout lien de la terre. Aucune autre affection, vraiment aucune, ne peut lui être supérieure. Aimez les personnes qui vous sont chères en Dieu, mais pas plus que Dieu. Aimez Dieu de tout votre être. Cela ne diminuera pas votre amour au point de vous rendre indifférent à votre conjoint, bien au contraire : cela enrichira votre amour pour lui de la perfection que vous puiserez en Dieu, car celui qui aime Dieu a Dieu en lui, et donc sa perfection.

    J’ai fait de ma chair une plaie pour enlever à la vôtre le venin de la sensualité, de l’impudeur, du manque de respect, de l’ambition et de l’admiration pour les corps destinés à retourner à la poussière. Ce n’est pas en rendant un culte à la chair qu’on la rend belle. C’est en s’en détachant qu’on lui donne la beauté éternelle dans le Ciel de Dieu.

    613.5 Ma tête a subi mille tortures : les coups, le soleil, les hurlements, les épines, pour réparer les fautes que vous commettez par votre intelligence. Orgueil, impatience, caractère insupportable, intolérance pullulent comme des champignons dans votre cerveau. J’en ai fait un organe torturé, enfermé dans un écrin orné de sang, pour réparer tout ce que vos pensées produisent.

    La dernière couronne que j’ai voulue, tu l’as vue : la couronne que seul un fou ou un supplicié peut porter. Aucune personne saine d’esprit (humainement parlant) et libre de soi ne saurait se l’imposer. Mais moi, j’ai été jugé fou ; surnaturellement, divinement, je l’étais d’ailleurs, en voulant mourir pour vous qui ne m’aimez pas — ou si peu ! —, en voulant mourir pour vaincre en vous le Mal, tout en sachant pertinemment que vous le préférez à Dieu. Et j’étais à la merci de l’homme, son prisonnier, son condamné… moi, Dieu, condamné par l’homme !

    De quelle impatience vous faites preuve pour des riens, avec quelle incompatibilité vous vous opposez pour des inepties, quelle intolérance vous montrez à de simples malaises ! Mais regardez donc votre Sauveur. Réfléchissez comme cela devait être irritant, des épines qui s’enfoncent à des endroits toujours différents, s’empêtrent dans les touffes de cheveux, se déplacent continuellement sans laisser la possibilité de bouger la tête, de l’appuyer d’une manière que leur tourment cesse ! Pensez à ce que devaient être pour ma tête torturée, souffrante, fébrile, les hurlements de la foule, les coups sur la tête, le soleil cuisant ! Méditez sur la souffrance que je devais ressentir dans mon pauvre cerveau, qui est allé à l’agonie du vendredi après l’extrême douleur due à l’effort subi le jeudi soir, dans ce pauvre cerveau auquel montait la fièvre de tout mon corps supplicié et des intoxications provoquées par les tortures !

    613.6 Sur ma tête, ces tortures s’en prirent aussi à mes yeux, à ma bouche, à mon nez, à ma langue. Pour réparer vos regards si friands de se porter vers ce qui est mal en négligeant la recherche de Dieu pour réparer le flot incessant de paroles menteuses, sales ou luxurieuses que vous dites au lieu d’utiliser votre bouche pour prier, enseigner, réconforter. Mon nez et ma langue ont souffert pour réparer votre gourmandise et votre sensualité olfactive : elles vous conduisent à des imperfections qui sont le terrain de fautes plus graves, par exemple votre avidité pour des aliments superflus, sans pitié pour les affamés, des aliments que vous pouvez vous permettre en ayant bien souvent recours à des profits illicites.

    Quant à mes organes, pas un seul ne fut exempt de souffrance. Suffocation et toux s’en prirent à mes poumons lésés par la flagellation barbare que j’avais subie, puis les œdèmes, vu ma position sur la croix. Ma souffrance au cœur vint de ce qu’il était déplacé et affaibli par la flagellation, par la douleur morale qui l’avait précédée, par la fatigue de la montée sous le poids de la croix, par l’anémie consécutive à tout le sang que j’avais déjà perdu. J’avais le foie et la rate congestionnés, les reins blessés et eux aussi congestionnés.

    613.7 Tu as vu la couronne de bleus qui entouraient mes reins. Vos scientifiques essaient d’étayer votre incrédulité à propos de cette preuve de ma souffrance qu’est le saint Suaire [2] en expliquant que le sang, la sueur cadavérique et l’urée d’un corps exténué mêlés aux aromates ont pu produire la peinture naturelle de mon corps éteint et supplicié.

    Il vaudrait mieux croire sans avoir besoin de tant de preuves. Il vaudrait mieux dire : “ Voilà l’œuvre de Dieu ” et bénir Dieu qui vous a permis d’avoir la preuve irréfutable de ma crucifixion et des tortures qui l’ont précédée.

    Mais puisque vous ne savez plus croire aujourd’hui avec la simplicité d’un enfant, puisque vous avez besoin de preuves scientifiques — pauvres croyants que vous êtes, vous qui ne savez plus tenir debout et marcher sans le soutien de la science ! —, sachez que les cruelles contusions de mes reins ont été l’agent chimique le plus puissant dans le miracle du saint Suaire. Mes reins, presque brisés par les coups de fouet, n’ont plus pu jouer leur rôle. Comme ceux des grands brûlés dans les flammes, ils devinrent incapables de filtrer, de sorte que l’urée s’est accumulée et répandue dans mon sang, dans mon corps. Cela m’a fait souffrir d’une intoxication urémique et a provoqué l’apparition d’un réactif qui, en suant de mon cadavre, a fixé mon empreinte sur le tissu. Mais n’importe quel médecin parmi vous, n’importe quelle personne qui souffre d’urémie, sera en mesure de comprendre quelles souffrances ont dû causer en moi les toxines urémiques, abondantes au point d’être capables de produire une empreinte indélébile.

    613.8 Venons-en à la soif. Quelle torture ! Pourtant, tu l’as vu : pendant toutes ces heures, personne, dans cette foule, n’a su me donner une goutte d’eau. A partir de la Cène, je n’ai plus eu aucun réconfort. En revanche, la fièvre, le soleil, la chaleur, la poussière, les pertes de sang, s’unissaient pour provoquer chez votre Sauveur une soif abominable.

    Tu as vu que j’ai repoussé le vin mêlé de myrrhe. Je voulais que rien ne vienne adoucir ma souffrance. Quand on s’est offert en victime, il faut l’être sans compromis, sans adoucissement. Il convient de boire le calice tel qu’il est donné, de goûter le vinaigre et le miel jusqu’au fond… et non pas le vin drogué qui engourdit la douleur.

    Ah ! le sort de victime est bien sévère ! Mais bienheureux celui qui le choisit.

    613.9 Voilà ce que ton Jésus a subi dans son corps innocent. Et je ne te parle pas du déchirement que mon affection pour ma Mère me causait, surtout à la vue de sa douleur. Cette douleur était nécessaire, mais ce fut mon plus cruel tourment. Seul le Père sait ce que son Verbe a enduré spirituellement, moralement, physiquement. La présence de ma Mère elle-même me fut une torture, même si elle est ce qui répondait le mieux au désir de mon cœur d’avoir ce réconfort dans l’infinie solitude qui n’entourait — solitude qui venait de Dieu et des hommes.

    Ma Mère devait être présente, telle un ange de chair, pour empêcher le désespoir de m’assaillir comme l’ange spirituel l’avait contrecarré à Gethsémani ; elle devait être présente pour recevoir l’investiture de Mère du genre humain. Mais la voir mourir à chacun de mes frémissements fut ma plus grande souffrance. Rien ne saurait lui être comparé, pas même la trahison, pas même la conscience que mon sacrifice serait inutile pour tant de personnes, alors que ces deux douleurs m’avaient paru terribles au point de me faire suer du sang quelques heures plus tôt.

    613.10 Mais tu as vu comme Marie s’est montrée grande dans un tel moment. Son déchirement ne l’a pas empêchée d’être bien plus forte que Judith. Celle-ci a tué [3]. Marie a été tuée à travers son Enfant. Elle n’a pas murmuré, elle n’a pas eu de haine. Elle a prié, aimé, obéi. Elle est toujours restée mère, au point de penser, au milieu de toutes ces tortures, que son Jésus avait besoin de son voile virginal sur sa chair innocente pour défendre sa pudeur. Elle a su en même temps être la Fille du Père des Cieux et obéir à sa terrible volonté de cette heure-là. Elle n’a pas lancé d’imprécations contre Dieu ou contre les hommes. Elle a dit “ Fiat ” à Dieu et pardonné aux hommes.

    Même ensuite, tu l’as entendue dire : “ Père, je t’aime et tu nous as aimés ” ! Elle se rappelle que Dieu l’a aimée, elle le proclame et lui renouvelle son acte d’amour. A ce moment-là ! Après que le Père l’a transpercée et privée de sa raison d’être ! Elle l’aime. Elle ne dit pas : “ Je ne t’aime plus, parce que tu m’as fais du mal. ” Elle l’aime et ne s’arrête pas à sa propre douleur, mais à celle que subit son Fils. C’est de celle-ci qu’elle demande raison au Père, pas de sa souffrance personnelle. Elle demande raison au Père au nom de leur Fils.

    613.11 Elle est bien l’Epouse de Dieu. Elle est bien celle qui a conçu conjointement avec le Père. Elle sait qu’aucun contact humain n’a engendré son Enfant, mais que seul le Feu descendu du Ciel a pénétré son sein immaculé et y a déposé le Germe divin, la chair de l’Homme-Dieu, du Dieu-Homme, du Rédempteur du monde. Et parce qu’elle en est consciente, c’est en tant qu’Epouse et Mère qu’elle demande raison de cette blessure. Les autres devaient être faites. Mais celle-là, quand tout était déjà accompli, pourquoi ?

    Pauvre Maman ! Il y avait bien une raison, que ta douleur ne t’a pas permis de lire sur ma blessure : il fallait que les hommes puissent voir le cœur de Dieu. Toi, tu l’as vu, Maria. Ne l’oublie jamais.

    Cependant, même si Marie ne connaît pas les motifs surnaturels de cette blessure, elle pense aussitôt qu’elle ne m’a pas fait mal et elle bénit Dieu pour cela. Cela a beau la faire souffrir, elle, elle n’en a cure. Il lui suffit de savoir qu’elle ne m’a pas fait souffrir, moi, et elle y trouve l’occasion de bénir Dieu qui l’immole.

    613.12 Elle se contente de demander un peu de réconfort pour ne pas mourir. Elle est nécessaire à l’Eglise naissante, dont elle vient d’être faite la Mère. L’Eglise, comme un nouveau-né, a besoin des soins et du lait d’une mère. Marie les apportera à l’Eglise en priant pour elle, en soutenant les apôtres, en leur parlant du Sauveur. Mais comment le pourrait-elle si elle mourait le soir même ? L’Eglise, qui n’a plus que quelques jours à rester sans son Chef, serait complètement orpheline si ma Mère aussi expirait. Et le sort des bébés orphelins est toujours précaire.

    Dieu ne déçoit jamais une prière juste, et il réconforte ses enfants qui espèrent en lui. Marie trouve ce soutien grâce à Véronique. Ma pauvre Maman a imprimé dans ses yeux l’effigie de mon visage de défunt. Elle ne peut résister à cette vue. Ce n’est plus son Jésus, cet homme vieilli, boursouflé, aux yeux fermés qui ne la regardent pas, cet homme à la bouche tordue qui ne parle ni ne sourit. Mais voilà sur le voile un visage qui est celui de Jésus vivant. Douloureux, blessé, mais encore vivant. Voilà ses yeux qui la regardent, sa bouche qui semble dire “ Maman ”, son sourire qui la salue encore.

    Oh ! Maria, cherche ton Jésus dans ta douleur. Il viendra toujours et te regardera, t’appellera, te sourira. Nous partagerons la souffrance, mais nous serons unis !

    613.13 Jean, ô petit Jean, a partagé la douleur de Marie et de Jésus. Sois toujours comme lui, en cela aussi. Je te l’ai déjà dit [4] : “ Ce ne seront jamais les contemplations ou les dictées qui te rendront grande. Elles sont miennes. Ce sera par ton amour. Or l’amour le plus élevé est la participation à la souffrance. ” C’est là le moyen de comprendre les moindres désirs de Dieu et de les réaliser en dépit de tous les obstacles.

    Vois avec quelle sensibilité, avec quelle délicatesse, Jean se conduit en cette nuit du vendredi saint. Plus tard aussi, mais observons-le pendant ces heures-là.

    Un instant d’égarement, une heure de pesanteur. Mais une fois le sommeil surmonté par le choc de la capture, et le choc par l’amour, il vient, en entraînant Pierre, afin que le Maître soit réconforté par la vue du chef des apôtres et de son apôtre bien-aimé.

    Puis il pense à ma Mère, à qui quelque personne méchante pourrait apprendre cruellement ma capture. Et il se rend auprès d’elle. Il ne sait pas que Marie vit déjà les tourments de son Fils et que, pendant que les apôtres dormaient, elle veillait et priait, et elle agonisait avec son Fils. Comme Jean l’ignore, il va la trouver et la prépare à apprendre cette nouvelle.

    Il fait ensuite la navette entre la maison de Caïphe [5] et le Prétoire, entre la maison de Caïphe et le Palais d’Hérode, et de nouveau entre la maison de Caïphe et le Prétoire. Courir ainsi ce matin-là, en traversant la foule enivrée de haine, avec des vêtements qui trahissent son origine galiléenne, ce n’est pas chose facile. Mais l’amour le soutient, et il ne pense pas à lui-même, mais à ma souffrance et à celle de ma Mère. Comme disciple du Nazaréen, il risque d’être lapidé. Peu lui importe. Il défie tout. Les autres se sont enfuis, ils sont cachés, ils sont menés par la peur ou la prudence. Lui, c’est l’amour qui le conduit, donc il reste et se montre. C’est un pur. L’amour prospère dans la pureté.

    Et si sa pitié et son bon sens populaire le poussent à tenir Marie éloignée de la foule et du Prétoire — il ne se doute pas que Marie partage toutes les tortures de son Fils en les souffrant spirituellement —, il n’hésite pas à la conduire à lui quand il estime que le moment est venu où Jésus a besoin de sa Mère et qu’il n’est pas permis de garder davantage la Mère séparée de son Fils. Mais il reste présent pour la soutenir et la défendre.

    Il a la poigne des personnes fidèles : que peut un homme seul, désarmé, jeune, sans autorité, à la tête de quelques femmes, contre toute une foule bestiale ? Rien. C’est un tas de feuilles que le vent peut disperser. Peu importe. L’amour est la force de Jean, la voile qui l’entraîne. C’est armé d’amour qu’il part, et protège la Femme et les femmes jusqu’à la fin.

    Jean a possédé l’amour de compassion comme personne au monde, excepté ma Mère. Il est le chef de file des amoureux de cet amour. Il est ton maître en cela. Suis l’exemple de pureté et de charité qu’il te donne, et tu seras grande.

    Maintenant, va en paix. Je te bénis. »  

[Le 7 avril 1945]  

Explication de Jésus :

    613.14 Jésus dit :

    « […]

    Je prévois les observations des trop nombreux Thomas et des scribes d’aujourd’hui sur une phrase de cette dictée [6] qui semble en contradiction avec la gorgée d’eau offerte par Longinus. Ah, comme les négateurs du surnaturel, les rationnalistes de la perfection se réjouiraient s’ils pouvaient trouver une fissure dans le magnifique ensemble de cette œuvre de bonté divine unie à ton sacrifice, petit Jean, une fissure dans laquelle ils glisseraient, en guise de levier, le pic de leur rationalisme meurtrier pour tout faire écrouler ! C’est donc pour les prévenir que je vais m’expliquer.

    Cette pauvre gorgée d’eau — une goutte dans l’incendie de la fièvre et par rapport à la sècheresse de mes veines vides — acceptée par amour pour une âme qu’il fallait persuader par l’amour pour l’amener à la Vérité, cette gorgée m’a demandé un immense effort, car l’essoufflement m’étranglait la gorge et empêchait toute déglutition, et les coups de fouet m’avaient brisé ; elle ne m’a apporté aucun soulagement autre que spirituel. Pour mon corps, elle n’a servi à rien. Je pourrais presque parler d’un tourment supplémentaire… Il aurait fallu des fleuves pour désaltérer ma soif ! Et je ne pouvais pas boire en raison de l’angoisse de la douleur précordiale. Tu sais ce qu’il en est… Il m’aurait donc fallu des fleuves, mais on ne me les a pas donnés. D’ailleurs, je n’aurais pu les accepter tant je suffoquais. Mais quel réconfort cela aurait été pour mon cœur s’ils m’avaient été offerts ! C’est d’amour que je mourais, d’amour non reçu. La pitié est amour. Or Israël n’a montré aucune pitié.

    Quand vous contemplez — vous, les bons — ou analysez — vous, les sceptiques — cette gorgée, donnez lui son nom exact : pitié, et non pas boisson. C’est ainsi que l’on peut dire, sans pouvoir être taxé de mensonge, que “ à partir de la Cène, je n’ai plus eu aucun réconfort ”. De toute la foule qui m’entourait, il ne s’est pas trouvé une seule personne pour m’apporter quelque compassion, puisque je n’ai pas voulu prendre le vin drogué. J’ai reçu du vinaigre et des railleries. J’ai connu les trahisons et les coups. Voilà ce que j’ai eu. Rien d’autre.




[1] Référence à la vocation des âmes victimes ou corédempteurs, selon la déclaration de Paul : ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église (Colossiens 1, 24).

[2] le saint Suaire, déjà mentionné par l’écrivain en 609.12 est celui, très célèbre, qui est conservé et vénéré à Turin. Selon les écrits de Maria Valtorta, il est authentique. Il s’agit du second suaire utilisé par Jésus mort, comme ce sera expliqué en 644.4/9. Il est fait également mention des suaires en 637.7, 641.3 et 643.7.

[3] Celle-ci a tué, comme on le voit en Judith 13.

[4] Je te l’ai déjà dit le 26 décembre 1943, dans “Les cahiers de 1943”.

[5] de Caïphe : omis les trois fois sur l’original, c’est ajouté ici, parce qu’il s’agit d’un oubli de l’écrivain, que Jésus lui a signalé dans une “observation” du 13 mai 1944, dans “Les cahiers de 1944”.

[6] Phrase qui se trouve en 613.8 et qui sera éclaircie de nouveau dans le texte de 627.14. La référence aux Thomas s’explique par la date de cette “dictée”, qui est la même que la “vision” sur l’incrédulité de l’apôtre Thomas (chapitre 628). Dans la précédente édition française (1985) elle était incluse à cette place.




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-032-02.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/reflexions-sur-la-passion-de-jesus-et-de-marie.html

Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 14 Juil - 21:08

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

614. Le jour du samedi saint

Ancienne édition : Tome 9, chapitres 34
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 614

Dictée du dimanche 20 février 1944.


Samedi 6 avril 30
Jérusalem


    614.1 L’aube arrive avec peine, comme si elle hésitait. Et l’aurore tarde étrangement, bien qu’il n’y ait pas de nuages dans le ciel. C’est à croire que les astres ont perdu toute vigueur. De même que la lune était pâle pendant la nuit, le soleil l’est à son lever. Ils sont voilés… Auraient-ils pleuré, eux aussi, pour avoir cet aspect embué comme les yeux des bons qui ont pleuré et qui pleurent encore la mort du Seigneur ?

    Dès que Jean comprend que les portes sont ouvertes, il sort, sourd aux supplications maternelles. Les femmes, encore plus craintives maintenant que l’apôtre est parti lui aussi, s’enferment dans la maison.

    Marie, toujours dans sa chambre, les mains sur les genoux, regarde fixement par la fenêtre qui s’ouvre sur un jardin, pas très vaste, mais suffisamment grand, et plein de roses fleuries le long des hautes murailles et de parterres fantaisistes. Les lys, au contraire, n’ont pas encore les tiges des futures fleurs. Ils sont touffus, beaux, mais n’ont que des feuilles. Elle a beau regarder, je pense qu’elle ne voit rien d’autre que ce qui occupe sa pauvre tête fatiguée : l’agonie de son Fils.

    Les femmes vont et viennent. Elles s’approchent, la caressent, la prient de se restaurer… et à chacune de leurs entrées, c’est un flot de parfum capiteux, étourdissant, qui pénètre.

    Marie a chaque fois un léger frisson, mais rien d’autre. Pas un mot, pas un geste, rien. Elle est épuisée. Elle attend. Elle n’est qu’attente. Elle est Celle qui attend.

    614.2 On frappe à la porte… Les femmes courent ouvrir. Marie se retourne sur son siège sans se lever et fixe la porte entrouverte.

    Peu après, Marie-Madeleine vient trouver Marie.

    « C’est Manahen… Il voudrait se rentre utile.

    – Manahen… Fais-le entrer. Il a toujours été bon… Mais je croyais que c’était quelqu’un d’autre…

    – A qui pensais-tu, Mère ?…

    – Plus tard… Plus tard… Fais-le entrer. »

    Manahen apparaît. Il n’est pas fastueux comme d’habitude. Il porte un vêtement très commun, d’un marron presque noir, et un manteau du même ton. Ni bijoux, ni épée, rien. On peut le prendre pour un homme aisé, mais du peuple.

    Il s’incline d’abord pour saluer, les mains croisées sur la poitrine, puis il s’agenouille comme devant un autel.

    « Lève-toi, et pardonne-moi si je ne réponds pas à ton inclination. Je ne le peux…

    – Tu ne le dois pas. Je ne te le permettrais pas. Tu sais qui je suis. Aussi, je te prie de me considérer comme ton serviteur. As-tu besoin de moi ? Je vois que tu n’as pas d’homme dans ton entourage. Je sais par Nicodème que tous se sont enfuis. Il n’y avait rien à faire, c’est vrai, mais au moins lui donner le réconfort de nous voir. Moi… moi, je l’ai salué au Sixte, et ensuite je ne l’ai pas pu car… Mais c’est inutile de le préciser. Cela aussi était voulu par Satan. Me voilà désormais libre, et je viens me mettre à ton service. Ordonne, Femme.

    – Je voudrais savoir et faire savoir à Lazare… Ses sœurs sont dans la peine, ma belle-sœur et l’autre Marie aussi. Nous voudrions savoir si Lazare, Jacques, Jude et l’autre Jacques sont saufs.

    – Judas ? L’Iscariote ? Mais il a trahi ! [1]

    – Jude, le fils du frère de mon époux.

    – Ah ! J’y vais. »

    614.3 En se levant, il esquisse un mouvement de douleur.

    « Mais tu es blessé ?

    – Hum !… oui. Ce n’est rien. Un bras qui me fait un peu souffrir.

    – A cause de nous, peut-être ? Est-ce la raison de ton absence là-haut ?

    – Effectivement. Et c’est seulement de cela que je souffre, pas de la blessure. Le reste de pharisaïsme, d’hébraïsme, de satanisme qui était en moi — car le culte d’Israël est devenu du satanisme — est parti avec ce sang. Me voilà comme un enfant qui, une fois coupé le cordon ombilical, n’a plus de contact avec le sang de sa mère, et les quelques gouttes qui restent encore dans le cordon coupé n’entrent pas en lui, empêchées comme elles le sont par le lacet de lin. Mais elles tombent… désormais inutiles. Le nouveau-né vit avec son propre cœur et son propre sang. C’est ce qui m’arrive. Jusqu’à présent, je n’étais pas encore complètement formé. Maintenant je suis arrivé à terme, et je viens, j’ai été mis au jour. Je suis né d’hier. Ma mère, c’est Jésus de Nazareth. Et il m’a enfanté quand il a poussé son dernier cri. Je sais… car je me suis enfui dans la maison de Nicodème cette nuit. Seulement, je voudrais le voir. Quand vous vous rendrez au tombeau, prévenez-moi. Je viendrai avec vous… Son visage de Rédempteur, je l’ignore !

    – Il te regarde, Manahen. Retourne-toi. »

    L’homme, qui était entré avec la tête inclinée et qui ensuite n’avait eu d’yeux que pour Marie, se retourne, presque épouvanté, et il voit le suaire [2]. Il se jette aussitôt à terre pour adorer… Et il pleure.

    Puis il se lève, s’incline devant Marie, et dit :

    « J’y vais.

    – Mais c’est le sabbat, tu le sais ! Ils nous accusent déjà de violer la Loi, à l’instigation de Jésus.

    – Alors nous sommes pareils, car eux violent la loi de l’amour, la première et la plus grande. C’est ce qu’il disait. Que le Seigneur te réconforte. »

    Il sort.

    614.4 Et les heures passent. Comme elles sont lentes pour qui attend…

    Marie se lève et, en s’appuyant aux meubles, elle parvient au seuil de la pièce. Elle cherche à traverser le vaste vestibule de l’entrée. Mais quand elle n’a plus d’appui, elle vacille comme si elle était ivre. Marthe, qui l’aperçoit de la cour qui est au-delà de l’entrée ouverte au bout du vestibule, accourt.

    « Où veux-tu aller ?

    – Là, à l’intérieur. Vous me l’avez promis.

    – Attends Jean.

    – J’ai assez attendu. Vous voyez que je suis tranquille. Allez ouvrir la porte, puisque vous l’avez fait fermer de l’intérieur. Moi, j’attends ici. »

    Suzanne — car toutes les femmes sont accourues — va appeler le gardien de la maison qui a les clés. Pendant ce temps, Marie s’appuie à la petite porte comme si elle voulait l’ouvrir par la force de sa volonté. L’homme arrive. Craintif, l’air abattu, il ouvre et se retire. Et Marie, aux bras de Marthe et de Marie, femme d’Alphée, entre dans le Cénacle.

    Tout est resté comme à la fin de la Cène. La suite des événements et l’ordre donné par Jésus ont empêché qu’on dérange quoi que ce soit. Les sièges ont seulement été remis à leur place. Et Marie, qui pourtant n’était pas venue dans le Cénacle, se rend directement à la place où était assis son Jésus. On dirait qu’une main la conduit. Elle paraît somnambule, tant elle se raidit dans son effort pour y aller… Elle tourne autour du lit-siège, se glisse entre lui et la table, reste un instant debout, puis s’abat en travers de la table, en éclatant en sanglots. Une fois calmée, elle s’agenouille et prie, la tête appuyée contre le bord de la table. Elle caresse la nappe, le siège, la vaisselle, le bord du grand plateau où était l’agneau, le grand couteau qui a servi à découper l’agneau, l’amphore qui se trouve devant cette place. Elle ne sait pas qu’elle touche ce que Judas a lui aussi touché. Et elle reste comme hébétée, la tête appuyée sur ses bras croisés, posés sur la table.

    Toutes se taisent, jusqu’au moment où sa belle-sœur intervient :

    « Viens, Marie. Méfions-nous des juifs. Voudrais-tu qu’ils entrent ici ?

    – Non, non. C’est un lieu saint. Allons. Aidez-moi… Vous avez bien fait de me le dire. Je voudrais aussi un coffre, beau, grand, bien fermé, pour y mettre tous mes trésors.

    – Demain, je te le fais apporter du palais. C’est le plus beau de la maison. Il est robuste et sûr. Je te le donne avec joie » promet Marie-Madeleine.

    Elles sortent. Marie est vraiment épuisée. Elle vacille en franchissant les quelques marches. Et si sa douleur est moins dramatique, c’est parce qu’elle n’a plus la force de l’être. Mais sous son air apaisé, elle est encore plus pathétique.

    Elles retournent dans la pièce où elles se trouvaient un peu plus tôt, et, avant de revenir à sa place, Marie caresse, comme si c’était un visage de chair, la sainte Face du suaire.

    614.5 On frappe de nouveau. Les femmes se hâtent de sortir et d’entrouvrir la porte. Marie dit de sa voix lasse :

    « Si ce sont les disciples, et en particulier Simon-Pierre et Jude, qu’ils viennent tout de suite me trouver. »

    Mais c’est Isaac le berger. Il entre en pleurant après quelques minutes, et se prosterne devant le Suaire, puis devant Marie, mais il ne sait que dire. C’est donc elle qui prend la parole :

    « Merci. Il t’a vu et je t’ai vu. Je le sais. Il vous a regardés tant qu’il l’a pu. »

    Isaac redouble de larmes. Il ne peut parler qu’une fois ses sanglots apaisés.

    « Nous ne voulions pas partir [3], mais Jonathas nous en a prié. Les juifs menaçaient les femmes… et ensuite, nous n’avons plus pu revenir. Tout… tout était fini… Où devions-nous aller ? Nous nous sommes dispersés à travers la campagne et, quand il a fait nuit, nous nous sommes réunis à mi-chemin entre Jérusalem et Bethléem. Nous avions l’impression d’éloigner sa mort en allant vers sa grotte… Mais ensuite, nous avons senti qu’il n’était pas juste d’aller là… C’était de l’égoïsme… C’est pourquoi nous sommes revenus vers la ville… Et nous nous sommes trouvés, sans savoir comment, à Béthanie…

    – Mes fils !

    – Lazare !

    – Jacques !

    – Ils sont tous là-bas. A l’aurore, les champs de Lazare étaient couverts de gens errants qui pleuraient… Ses inutiles amis et disciples !… Moi… je suis entré chez Lazare et je croyais être le premier… Pas du tout : il y avait déjà là tes deux fils [4], femme, et le tien aussi [5], avec André, Barthélemy et Matthieu. C’est Simon le Zélote qui les avait persuadés d’y aller. Et Maximin, sorti de bon matin dans la campagne, en avait trouvé d’autres. Lazare les a tous secourus, et il y est encore occupé. Il assure que le Maître lui en avait donné l’ordre, et Simon le Zélote le confirme.

    – Mais Simon et Joseph, mes autres fils, où sont-ils ?

    – Je l’ignore, femme. Nous sommes restés ensemble jusqu’au tremblement de terre. Après… je ne sais plus rien de précis. Au milieu des ténèbres, des éclairs, des morts ressuscités, du tremblement du sol et des tourbillons du vent, j’ai perdu la tête. Je me suis retrouvé au Temple, et je me demande encore comment j’ai pu être là-dedans, au-delà de la limite sacrée. Pense qu’entre l’autel des parfums et moi, il n’y avait qu’une coudée… Pense que l’endroit où j’avais les pieds était réservé aux prêtres de service !… Et… et j’ai vu le Saint des Saints !… Oui, car le Voile s’est déchiré de haut en bas, comme si la volonté d’un géant l’arrachait … Si on m’avait vu à l’intérieur, on m’aurait lapidé. Mais personne n’y voyait plus. Je n’ai rencontré que des spectres de morts et des spectres de vivants. Car tous ressemblaient à des fantômes à la lueur des éclairs, à la clarté des incendies et avec la terreur sur le visage…

    – Oh ! mon Simon ! mon Joseph !

    – Qu’en est-il de Simon-Pierre ? De Judas de Kérioth ? Et de Thomas et Philippe ?

    – Je ne sais pas, Mère… Lazare m’a envoyé voir, car on lui avait rapporté qu’ils… vous avaient tués.

    – Dans ce cas, hâte-toi d’aller le tranquilliser. J’ai déjà envoyé Manahen à Béthanie. Mais vas-y, toi aussi, et dis… et dis que Jésus seul a été tué. Et moi avec lui. Et si tu vois d’autres disciples, amène-les ici. Mais Judas et Simon-Pierre, je les veux, moi.

    – Mère… pardonne-nous si nous n’avons pas fait davantage.

    – Je pardonne tout… Va. »

    Isaac sorti, Marthe et Marie, Salomé et Marie, femme d’Alphée, l’étouffent de prières, de recommandations, d’ordres… Suzanne pleure doucement, car personne ne lui parle de son époux [6]. C’est alors que Salomé se souvient du sien et qu’elle pleure, elle aussi.

    614.6 Silence de nouveau jusqu’à un nouveau coup à la porte.

    Comme la ville est tranquille, les femmes ont moins peur. Mais quand, par la porte entrouverte, elles voient se profiler le visage rasé de Longinus, elles prennent leurs jambes à leur cou comme si elles avaient vu un mort dans son suaire ou le démon en personne. Le gardien de la maison, qui flânait dans le vestibule, est le premier à s’enfuir.

    Mais voilà qu’accourt Marie-Madeleine, qui se tenait avec Marie. Longinus, avec un petit sourire moqueur, involontaire sur les lèvres, est entré et, de lui-même, il a fermé la lourde porte. Il n’est pas en uniforme, mais il porte un vêtement gris et court, sous un manteau foncé lui aussi.

    Marie-Madeleine le regarde, et lui la regarde. Puis, toujours adossé à la porte, Longinus demande :

    « Puis-je entrer sans contaminer et sans effrayer personne ? J’ai vu, ce matin à l’aurore, le citoyen Joseph et il m’a parlé du désir de la Mère de Jésus. Je demande pardon de ne pas y avoir pensé de moi-même. Voici la lance. Je l’avais gardée comme souvenir d’un… du Saint des saints. Car il l’est réellement ! Mais il est juste qu’elle soit en possession de sa Mère. Quant aux vêtements… c’est plus difficile. Ne le lui dites pas… mais peut-être ont-ils été déjà vendus pour quelques deniers… C’est le droit des soldats, mais j’essaierai de les trouver…

    – Viens. Elle est là.

    – Mais je suis païen !

    – Peu importe. Je vais l’avertir si tu le souhaites.

    – Oh ! non… je ne pensais pas le mériter.

    614.7 Marie-Madeleine va trouver la Vierge.

    « Mère, Longinus est dehors… Il t’offre la lance.

    – Fais-le entrer. »

    Le gardien, qui se tient sur le seuil, bougonne :

    « Mais c’est un païen !

    – Je suis la Mère de tous, homme, comme mon Fils est le Rédempteur de tous. »

    Longinus entre et, sur le seuil, salue à la romaine avec un geste du bras (il a enlevé son manteau) :

    « Ave, Domina. C’est un Romain qui te salue : Mère du genre humain. La vraie Mère. Personnellement, je n’aurais pas voulu être à… à… à ce moment-là, mais j’en avais reçu l’ordre. Cependant, si je sers à te donner ce que tu désires, je pardonne au destin de m’avoir choisi pour cette horrible tragédie. Voici. »

    A ces mots, il lui remet la lance enveloppée dans un drap rouge, plus précisément le fer seul, pas la hampe.

    Marie la prend, mais elle devient d’une telle pâleur que ses lèvres semblent s’estomper. La lance semble lui faire perdre son sang. Elle répond en tremblant de tous ses membres :

    « Qu’il te conduise à lui, en raison de ta bonté.

    – C’était l’unique Juste que j’aie rencontré dans le vaste empire de Rome. Je regrette de ne l’avoir connu que par les dires de mes compagnons. Maintenant… c’est trop tard !

    – Non, mon fils. Lui a fini d’évangéliser. Mais son Evangile reste, dans son Eglise.

    – Et où donc est son Eglise ? »

    Longinus se fait légèrement ironique.

    « Elle est ici. Aujourd’hui, elle est frappée et dispersée, mais demain, elle se réunira comme un arbre qui remet en place son feuillage après la tempête. Et même s’il n’y avait plus personne, moi je suis là. L’Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu et mon Fils, est tout entier écrit dans mon cœur. Je n’ai qu’à regarder mon cœur pour pouvoir le répéter.

    – Je viendrai. Une religion, qui a pour chef un tel héros, ne peut être que divine. Ave, Domina ! »

    Longinus s’éloigne à son tour.

    Marie baise la lance où se trouve encore le sang de son Fils… Et elle ne veut pas enlever ce sang, “ rubis de Dieu sur la lance cruelle ”, dit-elle…

    614.8 La journée se passe ainsi au milieu des éclaircies et des averses orageuses.

    Jean revient seulement quand le soleil au zénith annonce l’heure de midi.

    « Mère, je n’ai trouvé personne sauf… Judas.

    – Où est-il ?

    – Ah ! Mère ! Quelle horreur ! Il est pendu à un olivier, enflé et noir comme s’il était mort depuis des semaines. Décomposé, horrible… Au-dessus de lui, les vautours, les corbeaux, que sais-je, crient dans des rixes atroces… C’est leur vacarme qui m’a attiré dans cette direction. J’étais sur la route du mont des Oliviers, et sur un talus j’ai vu ces tourbillons d’oiseaux noirs. J’y suis allé… Pourquoi ? Je ne sais pas, et j’ai vu. Quelle horreur !…

    – Quelle horreur ! Tu dis bien. Mais au-dessus de la Bonté, il y a eu la Justice. En effet la Bonté est absente en ce moment… Mais Pierre ! Pierre !… Jean, j’ai la lance. Mais les vêtements… Longinus n’en a pas parlé.

    – Mère, j’ai l’intention d’aller à Gethsémani. Jésus a été capturé sans son manteau. Peut-être est-il resté là-bas. Puis je me rendrai à Béthanie.

    – Va. Va, pour le manteau… Les autres sont chez Lazare. Ne va donc pas chez lui, ce n’est pas nécessaire. Reviens plutôt ici. »

    Jean part en courant, sans même prendre de nourriture. Marie elle aussi reste à jeun. Les femmes ont mangé, debout, du pain et des olives tout en travaillant à leurs baumes.

    614.9 Jeanne, femme de Kouza, arrive avec Jonathas. C’est un masque de pleureuse. Dès qu’elle voit Marie, elle s’exclame :

    « Il m’a sauvée ! Il m’a sauvée, et c’est lui qui est mort ! Aujourd’hui, je voudrais ne pas avoir été sauvée ! »

    C’est la Mère des Douleurs qui doit consoler cette enfant guérie, mais restée d’une sensibilité morbide. Elle la console et la fortifie par ces mots :

    « Tu ne l’aurais pas connu et aimé, et tu ne pourrais pas le servir maintenant. Il y aura tant à faire à l’avenir ! Et nous devrons agir, puisque, tu le vois… nous sommes restées, et les hommes se sont enfuis. C’est toujours la femme qui donne la vie. Pour le bien comme pour le mal. Nous engendrerons la nouvelle foi. Nous y croyons fermement, car elle a été déposée en nous par Dieu notre Epoux. Et nous l’engendrerons à la terre, pour le bien du monde. Regarde, comme il est beau ! Comme il sourit et mendie le saint travail que nous ferons ! Jeanne, moi je t’aime, tu le sais. Ne pleure plus.

    – Mais Jésus est mort ! Il a beau ressembler encore à un vivant sur ce linge, il ne l’est plus. Qu’est le monde sans lui ?

    – Il reviendra. Va, prie, attends. Plus tu croiras, plus tôt il ressuscitera. J’en suis absolument persuadée, et cela fait ma force… Seuls Dieu, Satan et moi, nous savons quels assauts sont portés contre cette foi en sa Résurrection. »

    Jeanne aussi s’en va, mince et courbée comme un lys trop chargé de pluie. Mais après son départ, Marie retombe dans son tourment.

    « C’est à tous, à tous que je dois donner de la force. Mais qui m’en donne à moi ? »

    Et elle pleure en caressant le Visage de l’image, car elle est maintenant assise près du coffre sur lequel le suaire est étendu.

    614.10 Joseph et Nicodème arrivent, évitant aux femmes de sortir pour acheter de la myrrhe et de l’aloès, car ils en apportent des sachets. Mais leur force cède devant le Visage imprimé sur la toile et devant le visage ravagé de la Mère. Ils s’asseyent dans un coin après l’avoir saluée et gardent le silence, l’air sérieux, funèbre même… puis ils s’en vont.

    Marie, elle non plus, n’a plus la force de parler. Le soir arrive tôt, en raison d’un amas de nuages étouffants, et peu à peu elle redevient une pauvre créature déchirée. Les ombres du crépuscule sont, pour elle, comme pour toute personne qui souffre, la source d’une plus grande douleur.

    Les autres femmes, elles aussi, deviennent plus tristes, et en particulier Salomé, Marie, femme d’Alphée, et Suzanne. Mais elles sont vite réconfortées par l’arrivée, en groupe, de Zébédée, de l’époux de Suzanne et de Simon et Joseph, les fils d’Alphée. Les deux premiers restent dans le vestibule pour expliquer comment Jean les a rencontrés en passant par le faubourg d’Ophel. Les deux autres, en revanche, ont été trouvés errant dans la campagne par Isaac, au moment même où ils se demandaient s’il leur fallait revenir en ville ou aller voir leurs frères, qu’ils supposaient être ensemble à Béthanie.

    614.11 Simon demande :

    « Où est Marie ? Je veux la voir »

    Et, précédé par sa mère, il entre et embrasse sa parente dans la peine.

    « Tu es seul ? Pourquoi Joseph n’est-il pas avec toi ? Pourquoi vous êtes-vous quittés ? Encore une brouille entre vous ? Vous n’auriez pas dû. Vous voyez ? La raison de votre désaccord est morte ! »

    Et elle montre le visage du suaire.

    Simon le regarde et pleure. Il dit :

    « Nous ne nous sommes plus quittés, et nous ne nous quitterons pas. Oui, la raison de notre désaccord est morte, mais pas comme tu le crois. Elle est morte car, maintenant, Joseph a compris… Joseph est dehors… il n’ose s’approcher…

    – Oh non ! Je ne fais jamais peur et je ne suis que pitié. J’aurais pardonné même au traître, mais c’est impossible : il s’est tué. »

    A ces mots, elle se lève et, toute courbée, marche en appelant :

    « Joseph ! Joseph ! »

    Mais Joseph, les yeux noyés de larmes, ne répond pas.

    Elle va jusqu’à la porte, comme elle l’avait fait pour parler à Judas et, en s’appuyant sur le chambranle, elle tend l’autre main et la pose sur la tête du plus âgé et du plus tenace de ses neveux. Elle le caresse et dit :

    « Laisse-moi m’appuyer à un Joseph ! Tout était paix et sérénité tant que j’ai eu ce nom comme roi dans ma maison. Puis mon saint époux est mort… et tout le bien humain de la pauvre Marie est mort aussi. Il m’est resté le bien surnaturel de mon Dieu et Fils… Désormais, je suis la Délaissée… Mais si je puis être dans les bras d’un Joseph — que j’aime et tu sais combien je t’aime —, je me sentirai moins seule. J’aurai l’impression de revenir en arrière, et de pouvoir dire : “ Jésus est absent, mais il n’est pas mort. Il est à Cana ou à Naïm pour des travaux, mais il sera bientôt de retour… ” Viens, Joseph. Entrons ensemble là où il t’attend pour te sourire. Il nous a laissé son sourire pour nous dire qu’il n’a pas de rancœur. »

    Joseph entre, tandis que Marie le tient par la main, et lorsqu’il la voit s’asseoir, il s’agenouille devant elle, la tête sur ses genoux, et il sanglote :

    « Pardon ! Pardon !

    – Ce n’est pas à moi, c’est à lui que tu dois le demander.

    – Il ne peut me l’accorder. Sur le Calvaire, j’ai cherché à attirer son regard. Il a regardé tout le monde, mais pas moi… Il a raison… Je l’ai connu et aimé comme Maître trop tard. Maintenant, c’est terminé.

    – Maintenant, cela commence. Tu iras à Nazareth et tu diras : “ Je crois. ” Ta foi aura une valeur infinie. Tu l’aimeras avec la perfection des apôtres de l’avenir qui auront le mérite d’aimer Jésus qu’ils auront connu seulement par l’esprit. Le feras-tu ?

    – Oui ! Oui ! Pour réparer. Mais je voudrais entendre de lui une parole, et je ne l’entendrai jamais plus…

    – Le troisième jour, il ressuscitera et il parlera à ceux qu’il aime. Tout le monde attend sa voix.

    – Bénie es-tu, toi qui peux croire…

    – Joseph ! Joseph ! Mon époux était ton oncle et il a cru à une chose qui est encore plus difficile à croire que celle-ci. Il a su croire que la pauvre Marie de Nazareth était l’Epouse et la Mère de Dieu. Pourquoi toi, le neveu de ce Juste, toi qui portes son prénom, ne peux-tu croire qu’un Dieu puisse dire à la mort : “ Cela suffit ! ” et à la vie : “ Reviens ! ” ?

    – Je ne mérite pas cette foi, car j’ai été mauvais. Je me suis montré injuste envers lui. Mais toi… toi, tu es sa Mère. Bénis-moi. Pardonne-moi… Donne-moi la paix…

    – Oui… Paix… Pardon… Oh mon Dieu ! Une fois, j’ai dit :

    “ Comme il est difficile d’être les ‘ rédempteurs ’ [7] ! Maintenant, je dis : “ Comme il est difficile d’être la Mère du Rédempteur ! ” Pitié, mon Dieu ! Pitié !… 614.12 Va, Joseph. Ta mère a tant souffert en ces heures. Réconforte-la… Moi, je reste ici… avec tout ce que j’ai de mon Enfant… Et mes larmes solitaires t’obtiendront la foi. Adieu, mon neveu. Dis à tous que je veux me taire… réfléchir… prier… Je suis… Je suis une pauvre femme, suspendue par un fil au-dessus d’un abîme… Le fil, c’est ma foi… Et votre manque de foi, puisque personne ne sait croire totalement et saintement, heurte continuellement ce fil… Vous ne vous doutez pas de la fatigue que vous m’imposez… Vous ne savez pas que vous aidez Satan à me tourmenter. Va !… »

    Et Marie reste seule…

    Elle s’agenouille devant le suaire. Elle baise le front, les yeux, la bouche de son Fils et dit :

    « Ainsi ! Ainsi ! Pour avoir de la force… Je dois croire. Je dois croire. Pour tous. »

    La nuit est tombée, sans étoiles, obscure, étouffante. Marie reste dans l’ombre avec sa douleur.

    La journée du samedi est finie.



[1] Jude et Judas se prononçait de la même façon. Il était nécessaire de les distinguer par des surnoms, car cela donnait lieu à des ambiguïtés comme celle à laquelle nous assistons.

[2] Il s'agit du linge avec lequel (Véro)Nikê a essuyé le visage du Seigneur (Cf. EMV 612). C'est "la Sainte Face" et non le Linceul de Turin.

[3] L'iconographie populaire ne représente que Jean, la Vierge Marie et quelques femmes au pied de la croix, mais la présence de disciples et de femmes sur le Calvaire, est attestée par l'Évangile. Cf. Marc 15, 40-41; Luc 23,49.

[4] Jude Thaddée et Jacques le mineur, fils d'Alphée et de Marie de Cléophas

[5] Jacques, fils de Zébédée et de Marie Salomé. Jean est déjà présent.

[6] L'époux des noces de Cana. Dans l'œuvre, il reste anonyme. On le suppose de la parenté de Marie de Cléophas, tante de Jésus.

[7] En EMV 168.9. Être "la mère du Rédempteur" est doux, comme en EMV 157.7 et dur comme en EMV 157.7 et en EMV262.7.




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-034.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/le-jour-du-samedi-saint.html



Dernière édition par Anayel le Jeu 15 Juil - 22:15, édité 1 fois
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 15 Juil - 22:15

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

615. La nuit du samedi saint

Ancienne édition : Tome 9, chapitres 35
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 615

Le 31 mars 1945,
(Samedi saint).


Samedi 6 avril 30
Jérusalem


    615.1 Marie, femme d’Alphée, entre avec circonspection et écoute. Peut-être pense-t-elle que la Vierge s’est assoupie. Elle s’approche, se penche et elle la voit à genoux, le visage par terre contre le suaire. Elle murmure :

    « Oh ! la malheureuse ! Elle est restée comme ça ! »

    Elle doit penser qu’elle s’est endormie ou évanouie ainsi. Mais Marie, sortant de son oraison, dit :

    « Non, je priais.

    – Mais à genoux ! Dans l’obscurité ! Dans le froid ! La fenêtre ouverte ! Regarde, tu es glacée.

    – Mais je me sens tellement mieux, Marie. Pendant que je priais — et l’Eternel seul sait à quel point j’étais épuisée après avoir soutenu tant de personnes à la foi vacillante, éclairé tant d’âmes que sa mort elle-même n’a pas éclairées —, il m’a semblé sentir un parfum angélique, une fraîcheur du Ciel, la caresse d’une aile… Un instant… Pas davantage. Il m’a semblé que, dans l’océan de myrrhe dont la furie me submerge depuis trois jours désormais [1], il s’infusait une goutte de pacifiante douceur. Il m’a semblé que la voûte fermée du Ciel s’entrouvrait, et qu’un filet d’amour lumineux descendait sur l’Abandonnée. Il m’a semblé que, venant de distances infinies, un murmure incorporel disait : “ C’est réellement terminé. ” Ma prière, désolée jusqu’à ce moment-là, est devenue plus paisible. Elle s’est teintée de la paix lumineuse — oh ! à peine une nuance ! — qui imprégnait mes contacts avec Dieu dans l’oraison… 615.2 Mes oraisons !… Marie, tu as beaucoup aimé, toi, ton Alphée quand tu étais la vierge épouse ?

    – Oh ! Marie !… Je jubilais à l’aurore en me disant : “ Une nuit est passée. Une de moins à attendre. ” Je jubilais au coucher du soleil en me disant : “ Un autre jour est fini. Plus proche est mon entrée sous son toit. ” Quand le soleil descendait, je chantais comme une alouette en pensant : “ Il viendra d’ici peu. ” Et lorsque je le voyais venir, avec son beau visage comme celui de mon Jude – c’est pour cela que Jude est mon préféré avec son regard de cerf amoureux comme l’est mon Jacques –, je ne savais plus où j’étais ! Et quand il me saluait en disant : “ Ma douce épouse ! ” et que je pouvais lui dire : “ Mon seigneur ”, alors je… je crois que si j’avais été écrasée à ce moment-là par un char ou frappée par une flèche, je n’aurais pas senti la douleur. Et ensuite, quand je fus son épouse… Ah !… »

    Marie se perd dans l’extase de ses souvenirs. Puis elle demande :

    « Mais pourquoi cette question ?

    – Pour t’expliquer ce qu’étaient pour moi les oraisons. Multiplie par cent tes sentiments, fais-les monter à de plusieurs milliers de puissances, et tu comprendras ce qu’a toujours été pour moi l’oraison, l’attente de cette heure… Oui, je crois que, même si je ne priais pas dans la paix de la grotte ou de ma pièce, mais que je me livrais aux travaux normaux d’une femme, mon âme priait sans arrêt… Mais quand je pouvais dire : “ Voilà que vient l’heure de me recueillir en Dieu ”, j’avais mon cœur qui brûlait en battant fort. Et quand je me perdais en lui… alors… Non, cela je ne puis l’expliquer. Quand tu seras dans la lumière de Dieu, tu le comprendras… 615.3 J’avais perdu tout cela depuis trois jours… C’était plus déchirant encore que de ne plus avoir de Fils… Et Satan travaillait ces deux plaies superposées de la mort de mon Enfant et de l’abandon de Dieu, en créant la troisième plaie de la terreur de l’absence de foi. Marie, je t’aime beaucoup et tu es ma parente. Tu le raconteras plus tard à tes fils apôtres, pour qu’ils sachent résister dans l’apostolat et triompher de Satan. Moi, je suis certaine que si j’avais accepté le doute, si j’avais cédé à la tentation de Satan, et si j’avais dit : “ Il n’est pas possible qu’il ressuscite ” en niant Dieu — car dire cela, c’était nier la vérité et la puissance de Dieu —, une si grande Rédemption serait retombée dans le néant. Moi qui suis la nouvelle Eve, j’aurais mordu de nouveau à la pomme de l’orgueil et de la sensualité spirituelle, et j’aurais défait l’œuvre de mon Rédempteur. Les apôtres seront continuellement tentés ainsi : par le monde, par la chair, par le pouvoir, par Satan. Qu’ils restent fermes, contre toutes les tortures, dont les corporelles seront les plus légères, pour ne pas détruire ce que Jésus a accompli.

    – C’est à toi, Marie, de le dire à mes fils… Comment veux-tu que ta pauvre belle-sœur sache s’exprimer ? ! 615.4 Pourtant, s’ils étaient venus… Patience, fuir à la première heure ! Mais ensuite…

    – Tu vois que Lazare et Simon avaient reçu l’ordre de les conduire à Béthanie. Jésus sait tout…

    – Oui… Mais… quand je les verrai, je leur ferai d’amers reproches. Ils ont été lâches. Que tous le soient, peut-être, mais pas mes fils ! Je ne le leur pardonnerai jamais…

    – Pardonne, pardonne… Cela a été un moment d’égarement… Ils n’imaginaient pas que Jésus pouvait être pris. Il l’avait pourtant bien annoncé…

    – C’est bien pour cette raison que je ne le leur pardonne pas. Ils le savaient. Ils y étaient donc déjà préparés. Quand on sait quelque chose et que l’on croit celui qui le dit, rien n’étonne plus !

    – Marie, vous aussi il vous a averties : “ Je ressusciterai. ” Et pourtant… Si je pouvais vous ouvrir la poitrine et la tête, sur le cœur et sur le cerveau, je verrais écrit : “ C’est impossible. ”

    – Mais au moins… Oui… Il est difficile de croire… Nous sommes néanmoins restées sur le Calvaire.

    – Par une grâce de Dieu. Autrement, nous aurions fui nous aussi. Longinus, tu l’as entendu, a parlé de tragédie. Or c’est un guerrier. Nous, femmes, seules avec un jeune garçon, nous avons résisté grâce à une aide directe de Dieu. Ne t’en glorifie donc pas. Ce n’est pas notre mérite.

    – Et pourquoi cette grâce ne leur a-t-elle pas été donnée à eux aussi ?

    – Parce qu’ils seront les prêtres de demain. Ils doivent donc savoir, pour l’avoir éprouvé, comme il est facile à celui qui a été fidèle à un Credo d’abjurer. Jésus ne veut pas de prêtres qui le sont si peu, qu’ils ont été ses ennemis les plus tenaces…

    – Tu parles de Jésus comme s’il était déjà revenu.

    – Tu vois ? Toi aussi tu avoues que tu ne crois pas. Comment donc peux-tu faire des reproches à tes fils ? »

    Marie, femme d’Alphée, ne sait que répliquer. Tête basse, elle bouge machinalement des objets. Elle trouve la petite lampe et sort avec elle, pour revenir ensuite après l’avoir allumée, et la remet à sa place ordinaire.

    Marie s’est assise de nouveau près du suaire déplié. Le suaire, à la lumière jaune de la lampe à huile, avec sa flamme qui tremble, acquiert une vivacité particulière, comme si la bouche et les yeux remuaient.

    « Tu ne prends rien ? demande sa belle-sœur, encore un peu vexée.

    – Un peu d’eau. J’ai soif. »

    Marie va et revient… avec du lait.

    « N’insiste pas, je ne peux pas. De l’eau, oui. Je n’ai plus d’eau en moi… Je crois n’avoir pas de sang non plus. Mais… »

    615.5 On frappe à la porte. Marie, femme d’Alphée, sort. On entend chuchoter dans le vestibule, puis Jean passe la tête.

    « Jean, tu es revenu ? Encore rien ?

    – Si. Simon-Pierre… et le manteau de Jésus… ensemble… A Gethsémani. Le manteau… » Jean glisse à genoux et poursuit : « Le voilà… Mais il est tout déchiré et plein de sang. Les empreintes des mains sont celles de Jésus. Lui seul les avait si longues et si fines. Mais les déchirures viennent de dents. On voit nettement que c’est une bouche d’homme. Je pense que cela a été… que cela a été Judas car, près de l’endroit où Simon-Pierre a trouvé le manteau, il y avait un morceau du vêtement jaune de Judas. Il est revenu là… plus tard… avant de se tuer. Regarde, Mère. »

    Marie n’a fait que caresser et embrasser le lourd manteau rouge de son Fils, mais, pressée par Jean, elle l’ouvre et voit les empreintes de sang, foncées sur la couleur rouge du sang et les déchirures des dents. Temblante, elle murmure :

    « Que de sang ! »

    Elle paraît ne voir que lui.

    « Mère… la terre en est rougie. Simon, qui est accouru là-haut aux premières heures du matin, raconte que l’herbe portait encore des traces de sang frais… Jésus… Je ne sais pas… Il ne paraissait pas blessé… D’où venait tout ce sang ?

    – De son corps. C’est l’angoisse… Oh ! Jésus-Victime totale ! Oh ! mon Jésus ! »

    Marie pleure avec tant de chagrin, tant d’épuisement aussi, que les femmes se présentent à la porte, regardent, puis se retirent.

    « Dire que tous t’abandonnaient à ce moment là… Vous, que faisiez-vous, pendant qu’il souffrait sa première agonie ?

    – Nous dormions, Mère… »

    Jean pleure.

    615.6 « Simon était présent ? Raconte.

    – J’étais allé chercher le manteau. J’avais pensé le demander à Jonas et à Marc… Mais ils se sont enfuis. La maison est fermée et tout est à l’abandon. Je suis donc descendu aux murs de la ville pour parcourir toute la route que nous avons faite jeudi… J’étais tellement las ce soir, et affligé, que je n’arrivais plus à me rappeler où Jésus avait enlevé son manteau. Il me semblait qu’il l’avait puis qu’il ne l’avait plus… A l’endroit de la capture, rien… Là où nous étions tous les trois, rien… J’ai pris le sentier emprunté par le Maître… Et j’ai cru que Simon-Pierre était mort lui aussi, car je l’ai vu là, blotti tout contre un rocher. J’ai crié. Il a levé la tête… et je l’ai cru fou tant il était changé. Il a poussé un cri et a cherché à fuir. Mais il titubait, aveuglé par les larmes qu’il avait versées, et je l’ai attrapé. Il m’a lancé : “ Laisse-moi ! Je suis un démon. Je l’ai renié, comme il l’avait annoncé… Quand le coq a chanté, il m’a regardé. Je me suis enfui… j’ai couru de tous côtés à travers la campagne et puis je me suis trouvé ici. Et tu vois ? Ici Jéovêh m’a fait trouver son sang pour m’accuser. Du sang partout ! Du sang partout ! Sur la roche, sur la terre, sur l’herbe… C’est moi qui l’ai fait répandre. Comme toi, comme tous. Mais moi, ce sang, je l’ai renié ! ” Il me paraissait en plein délire. J’ai essayé de le calmer et de l’éloigner. Mais il ne voulait pas. Il disait : “ Ici ! Ici, pour garder ce sang et son manteau. Et c’est avec mes larmes que je veux le laver. Quand il n’y aura plus de sang sur l’étoffe, peut-être qu’alors je reviendrai parmi les vivants en me battant la poitrine et en disant : ‘ J’ai renié le Seigneur. ’ ” Je lui ai expliqué que tu voulais le voir, que tu m’avais envoyé le chercher. Mais il ne voulait pas le croire. Alors j’ai ajouté que tu aurais aussi désiré voir Judas pour lui pardonner et que tu souffrais de ne plus pouvoir le faire à cause de son suicide. Alors, il a pleuré avec plus de calme. Il a tout voulu savoir. Et il m’a raconté que l’herbe avait encore des traces de sang frais, et que le manteau avait été maltraité par Judas, dont il avait trouvé un morceau de vêtement. Je l’ai laissé parler longuement, puis je l’ai invité à venir auprès de toi. Oh ! combien j’ai dû prier pour le convaincre ! Quand il me semblait avoir réussi à le persuader, et que je me levais pour partir, il ne voulait plus. C’est seulement vers le soir qu’il est venu. Mais après avoir passé la porte de la ville, il s’est caché de nouveau dans un jardin désert en disant : “ Je ne veux pas que les gens me voient. Je porte sur mon front ces mots : ‘ Voici celui qui renie Dieu. ’ ” Maintenant qu’il fait tout à fait nuit, j’ai réussi à le traîner jusqu’ici.

    615.7 – Où est-il ?

    – Derrière cette porte.

    – Fais-le entrer.

    – Mère…

    – Oui, Jean ?

    – Ne lui fais pas de reproches. Il s’est repenti.

    – Me connais-tu si mal encore ? Fais-le entrer. »

    Jean sort. Il revient seul, et dit :

    « Il n’ose pas. Essaie de l’appeler, toi. »

    Alors Marie, doucement :

    « Simon, fils de Jonas, viens. »

    Rien.

    « Simon-Pierre, viens. »

    Rien.

    « Pierre de Jésus et de Marie, viens. »

    On entend des sanglots amers, mais il n’entre pas. Marie se lève alors, laisse le manteau sur la table et se dirige vers la porte.

    Pierre est blotti là-dehors, comme un chien sans maître, tout pelotonné. Il pleure si fort qu’il n’entend pas la porte grincer, ni le bruit des sandales de Marie. Il s’aperçoit de sa présence quand elle se penche pour lui prendre une main pressée sur ses yeux et l’oblige à se lever. Puis elle entre dans la pièce en le traînant comme un enfant. Elle ferme la porte et met le verrou, et courbée par la douleur comme lui l’est par la honte, elle revient à sa place.

    Pierre va s’agenouiller à ses pieds. Il pleure sans retenue tandis que Marie caresse ses cheveux grisonnants, tout en sueur à cause de la douleur. Elle ne dit mot, elle ne fait aucun autre geste que cette caresse jusqu’à ce qu’il soit calmé. 615.8 Enfin, Pierre murmure :

    « Tu ne peux me pardonner. Ne me caresse donc pas, car je l’ai renié. »

    Marie répond :

    « Pierre, tu l’as renié, c’est vrai. Tu as trouvé le courage de le renier en public, le lâche courage de le faire. Les autres… Tous, excepté les bergers, Manahen, Nicodème, Joseph et Jean, ont fait preuve uniquement de lâcheté. Ils l’ont tous renié : hommes et femmes d’Israël, hormis quelques femmes… Je ne compte pas parmi eux mes neveux et Alphée, fils de Sarah : eux étaient parents et amis. Mais les autres !… Et ils n’ont même pas eu le courage satanique de mentir pour se sauver, ni le courage spirituel de se repentir et de pleurer, ni celui encore plus grand de reconnaître publiquement leur erreur. Tu es un pauvre homme. Tu l’étais, plutôt, tant que tu as présumé de toi. Maintenant, tu es un homme. Demain, tu seras un saint. Mais, même si tu n’avais pas été ce que tu es, je t’aurais quand même pardonné. J’aurais pardonné à Judas, pour sauver son âme. Car la valeur d’une âme, même d’une seule, mérite tous les efforts pour surmonter les répugnances et les ressentiments, jusqu’à en être brisé. Je te le répète, Pierre, pour que tu t’en souviennes bien : “ La valeur d’une âme [2] est telle que, même si on doit mourir sous l’effort de subir son voisinage, il faut la tenir dans ses bras comme je tiens ta tête chenue, si on comprend qu’en la tenant ainsi on peut la sauver. ” Il en est comme de la maman qui, après le châtiment paternel, prend sur son cœur la tête de son fils coupable, et obtient davantage par les paroles de son cœur déchiré qui bat d’amour et de douleur, que par les coups paternels. Pierre de mon Fils, pauvre Pierre qui as été, comme tous, entre les mains de Satan en cette heure de ténèbres, et ne t’en es pas aperçu, et qui crois avoir agi par toi-même, viens, viens ici sur le cœur de la Mère des fils de mon Fils. Ici, Satan ne peut plus te faire de mal. Ici se calment les tempêtes et, en attendant le soleil — mon Jésus qui ressuscitera pour te dire : “ Paix, mon Pierre ” —, l’étoile du matin se lève. Elle est pure, elle est belle et rend pur et beau tout ce qu’elle touche, comme cela arrive sur les claires eaux de notre mer dans les frais matins du printemps. C’est pour cela que j’ai tant désiré ta venue. Au pied de la croix, j’étais martyrisée pour lui et pour vous ; et comment ne l’as-tu pas senti ? j’ai appelé vos âmes si fort que je crois qu’elles sont réellement venues à moi. Enfermées au plus profond de mon cœur, ou plutôt déposées sur mon cœur comme les pains de proposition, je les ai tenues sous le bain du sang et des larmes de Jésus. Je le pouvais, car lui, en Jean, m’a rendue Mère de toute sa descendance… Combien j’ai désiré ta présence !… Ce matin-là, l’après-midi qui a suivi, puis la nuit et le nouveau jour… Pourquoi as-tu fait tant attendre une Mère, mon pauvre Pierre blessé et piétiné par le Démon ? Ne sais-tu pas que c’est la tâche des mères de remettre sur la bonne voie, de guérir, de pardonner, de ramener ? Je te ramène à lui. 615.9 Désires-tu le voir ? Désires-tu voir son sourire pour être convaincu qu’il t’aime encore ? Oui ? Alors, détache-toi de mon pauvre sein de femme, et pose ton front sur son front couronné, ta bouche sur sa bouche blessée, et embrasse ton Seigneur.

    – Il est mort… Je ne le pourrai jamais plus.

    – Pierre, réponds-moi. Quel est pour toi le dernier miracle de ton Seigneur ?

    – Celui de l’Eucharistie. Ou plutôt, non. Celui du soldat guéri là-bas… là-bas… Oh ! ne me fais pas me souvenir !…

    – Une femme fidèle, aimante, courageuse, l’a rejoint sur le Calvaire et lui a essuyé la figure. Et lui, pour dire ce que peut l’amour, a fixé son visage sur la toile. Le voilà, Pierre. Voilà ce qu’a obtenu une femme à l’heure des ténèbres infernales et du courroux divin, uniquement parce qu’elle a aimé. Rappelle-le-toi, Pierre, pour les heures où il te semblera que le Démon est plus fort que Dieu. Dieu était prisonnier des hommes, déjà accablé, condamné, flagellé, déjà mourant… Et pourtant, puisque même dans les plus dures persécutions, Dieu est toujours Dieu, et que si on frappe l’Idée, Dieu qui la suscite est intouchable, voilà que, par ce linge, Dieu répond, sans parole, aux négateurs, aux incrédules, aux hommes des “ pourquoi ” stupides, des “ c’est impossible ” coupables, des “ ce n’est pas vrai puisque je ne le comprends pas ” sacrilèges. Regarde-le. 615.10 Un jour — c’est toi qui me l’as raconté —, tu as dit à André [3] :

    “ Le Messie se manifeste à toi ? Cela ne peut être vrai ! ”, et puis ta raison humaine dut se soumettre à la force de l’esprit qui voyait le Messie là où la raison ne le voyait pas. Une autre fois, sur la mer en tempête, tu as demandé : “ Est-ce que je viens, Maître ? ” [4] puis, à mi-chemin, sur l’eau démontée, tu as douté en disant : “ L’eau ne peut me soutenir ”, et en raison de ce doute il s’en est fallu de peu que tu te noies effectivement. C’est seulement quand l’esprit qui sait croire a prévalu sur la raison humaine, que tu as pu trouver l’aide de Dieu. Une autre fois tu as dit : “ Si Lazare est mort depuis déjà quatre jours, pourquoi sommes-nous venus ? Pour mourir inutilement. ” Car, avec ta raison humaine, tu ne pouvais admettre d’autre solution. Et ta raison fut démentie par l’esprit qui, en t’indiquant par l’homme ressuscité la gloire de Celui qui le ressuscitait, te montra que vous n’y étiez pas allés en vain. Une autre fois encore, et même à plusieurs reprises, tu disais en entendant ton Seigneur parler de mort, et de mort atroce : “ Cela ne t’arrivera jamais ! ” [5] Or tu vois quel démenti a obtenu ta raison. Moi, j’attends, maintenant, d’entendre la parole de ton âme dans ce dernier cas…

    – Pardon.

    – Pas cela. Un autre mot.

    – Je crois.

    – Un autre.

    – Je ne sais pas…

    – J’aime. Pierre, aime ! Tu seras pardonné, tu croiras, tu seras fort. Tu seras le Prêtre, et non le pharisien qui accable et en qui le formalisme remplace la foi active. 615.11 Regarde-le. Ose le regarder. Tous l’ont regardé et vénéré. Même Longinus… Et, toi tu ne le pourrais pas ? Tu as pourtant su le renier ! Si tu ne le reconnais pas maintenant, à travers le feu de ma maternelle et affectueuse douleur qui vous unit, vous rend la paix, tu ne pourras plus. Lui, il ressuscite. Comment pourras-tu le faire, face à son nouvel éclat, si tu ne connais pas son visage dans le trépas de Maître que tu connais pour arriver au Triomphateur que tu ne connais pas ? Car la douleur, toute la douleur des siècles et du monde, l’a travaillé au ciseau et à la massette en ces heures qui vont du jeudi soir au vendredi à l’heure de none, et elles ont changé son visage. Avant, il était seulement le Maître et l’Ami. Désormais, il est le Juge et le Roi. Il est monté sur son siège pour juger, et il a ceint le diadème. Il restera ainsi. Sauf qu’après sa glorieuse Résurrection, il ne sera plus l’Homme Juge et Roi, mais le Dieu Juge et Roi. Regarde-le. Regarde-le pendant que l’humanité et la souffrance le voilent pour pouvoir le regarder quand il triomphera dans sa divinité. »

    Pierre lève finalement la tête des genoux de Marie et la dévisage, de ses yeux rougis par les larmes, avec un visage de vieil enfant désolé et étonné du mal commis et du si grand bien qu’il trouve.

    Marie le force à regarder son Seigneur, et Pierre, comme devant un visage vivant, gémit :

    « Pardon, pardon ! Je ne sais comment cela s’est passé. J’ignore ce que cela a été. Je n’étais pas moi. Il y avait quelque chose qui faisait que je n’étais pas moi ! Mais je t’aime, Jésus ! Je t’aime, mon Maître ! Reviens ! Reviens ! Ne t’en va pas ainsi sans me dire que tu m’as compris ! »

    Pendant ce temps, Marie réitère le geste qu’elle a fait dans la chambre du tombeau. Les bras tendus, debout, elle paraît être la prêtresse au moment de l’offertoire. Et, comme alors elle a offert l’Hostie sans tache, maintenant elle offre le pécheur repenti. C’est bien la Mère des saints et des pécheurs !

    615.12 Puis elle relève Pierre, elle le console encore, et lui dit :

    « Maintenant, je suis plus contente. Je te sais ici. Va maintenant à côté avec les femmes et Jean. Vous avez besoin de repos et de nourriture. » Et elle ajoute comme à un enfant : « Va et sois bon… »

    La maison, plus calme en cette seconde nuit depuis la mort de Jésus, voit peu à peu réapparaître les habitudes humaines du sommeil et de la nourriture, et elle présente cet aspect las et résigné des habitations où les survivants reviennent doucement du choc de la mort. Marie seule veut rester debout, ferme à sa place, dans son attente, dans sa prière, encore et toujours. Pour les vivants et pour les morts. Pour les justes et les coupables. Pour le retour, le retour, le retour de son Fils.

    Sa belle-sœur avait voulu rester avec elle, mais elle dort lourdement, assise dans un coin, la tête renversée contre le mur. Marthe et Marie viennent deux fois, mais elles tombent de sommeil et se retirent dans une pièce voisine ; après quelques mots, elles s’assoupissent, elles aussi… Plus loin, dans une chambre petite comme un jouet, Salomé sommeille avec Suzanne, alors que, sur deux nattes jetées sur le sol, dorment bruyamment Pierre et Jean. Le premier avec encore un sanglot machinal perdu dans son ronflement, le second avec un sourire d’enfant qui rêve à quelque joyeuse vision.

    La vie reprend son activité, et la chair ses droits… Seule l’Etoile du matin brille sans sommeil, avec son amour qui veille près de l’image de son Fils.

    La nuit du samedi saint se passe ainsi, jusqu’au moment où le chant du coq, à la première clarté de l’aube, fait lever Pierre avec un cri, et son cri apeuré et douloureux réveille les autres dormeurs.

    Pour eux, la trêve est finie et la peine recommence, tandis que pour Marie l’anxiété de l’attente ne fait que grandir.



[1] Le jour juif commence à 18h00. Nous sommes donc dimanche.
[2] La valeur d’une âme… On trouve cette expression dans la bouche de Jésus en EMV 300.3, et dans celle de Marie en EMV 437.4.
[3] Tu as dit à André, en EMV 48,3 ; tu as demandé, en EMV 274.3/4 ; tu as dit (à propos de Lazare, mais ce fut Thomas qui rapporta l’avis de Pierre), en EMV 547.6 ; tu disais (au sujet de la prédiction de la mort de Jésus), en EMV 346.6.
[4] Cf. EMV 274.
[5] Cf. EMV 346.



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-035.htm
https://valtorta.fr/passion-et-mort-de-jesus/la-nuit-du-samedi-saint.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 17 Juil - 22:23

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

616. Le matin de la Résurrection

Ancienne édition : Tome 10, chapitres 1 et 2
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 616

Le dimanche 1er avril 1945.
(Dimanche de Pâques).


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


616.1 Les femmes reprennent leurs travaux de préparation des onguents qui, dans la nuit, à la fraîcheur de la cour, se sont solidifiés en une lourde pâte.

Jean et Pierre pensent à ranger le Cénacle mais, s’ils lavent la vaisselle, ils remettent tout dans l’état où c’était à la fin de la Cène.

« C’est Jésus qui l’a dit, rappelle Jean.

– Il avait dit aussi : “ Ne dormez pas ! ” Il avait dit : “ Ne sois pas orgueilleux, Pierre. Ne sais-tu pas que l’heure de l’épreuve va venir ? ” Et… et il a dit : “ Tu me renieras… ” »

Pierre pleure de nouveau en gémissant avec un sombre chagrin :

« Et moi, je l’ai renié !

– Assez, Pierre ! Te voilà revenu. Assez de ce tourment !

– Non, ce ne sera jamais assez, jamais. Même si je devenais vieux comme les premiers patriarches, même si je vivais les sept ou neuf cents années d’Adam et de ses premiers descendants, je ne cesserais jamais d’éprouver ce tourment.

– Tu n’espères pas en sa miséricorde ?

– Si. Si je n’y croyais pas, je serais comme Judas : un désespéré. Mais même si Jésus me pardonne du sein du Père où il est retourné, moi, je ne me pardonne pas. Moi ! Moi ! Moi qui ai dit : “ Je ne le connais pas ” parce qu’à ce moment-là il était dangereux de le connaître, parce que j’ai eu honte d’être son disciple, parce que j’ai eu peur de la torture… Lui allait à la mort, et moi… moi, j’ai pensé à sauver ma vie. Et pour la sauver je l’ai repoussé, comme une femme qui a péché repousse, après l’avoir enfanté, le fruit de son sein, qu’il est dangereux d’avoir près d’elle, avant le retour de son mari ignorant de tout. Je suis pire qu’une femme adultère, pire que… »

616.2 Marie-Madeleine entre, attirée par ses lamentations.

« Ne crie pas comme ça ! Marie t’entend. Elle est tellement épuisée ! Elle n’a plus aucune force, et tout lui fait mal. Tes cris inutiles et désordonnés la ramènent à se tourmenter de ce que vous avez été…

– Tu vois ? Tu vois, Jean ? Une femme peut m’imposer le silence. Et elle a raison, parce que nous, les mâles consacrés au Seigneur, nous avons seulement su mentir ou nous enfuir. Les femmes ont été braves. Toi qui n’es qu’à peine plus qu’une femme, tant tu es jeune et pur, tu as su rester. Mais nous, les forts, les mâles, nous nous sommes enfuis. Ah ! quel mépris le monde doit avoir pour moi ! Dis-le-moi, dis-le-moi, femme ! Tu as raison ! Mets ton pied sur cette bouche qui a menti. Sur la semelle de ta sandale, il y a peut-être un peu du sang du Maître. Et seul ce sang, mêlé à la boue du chemin, peut donner un peu de pardon, un peu de paix à celui qui a renié. Je dois pourtant m’habituer au mépris du monde ! Que suis-je ? Répondez-moi donc : que suis-je ?

– Tu es un grand orgueillleux » répond avec calme Marie-Madeleine. « De la souffrance ? Oui, il y en aussi. Tu peux cependant être sûr que cinq parts de ta souffrance sur dix, pour ne pas t’offenser en disant six, viennent de la douleur d’être un homme qui peut être méprisé. Mais réellement, je vais devoir te mépriser si tu ne fais que gémir et te mettre dans tous tes états comme une sotte femmelette ! Ce qui est fait est fait, et ce ne sont pas tes hauts cris qui vont le réparer ou l’effacer. Ils ne font qu’attirer l’attention et mendier une compassion qu’on ne mérite pas. Sois viril dans ton repentir. Ne crie pas. Agis. 616.3 Moi… tu sais qui j’étais… Mais quand j’ai compris que j’étais plus méprisable que du vomi, je ne me suis pas livrée aux convulsions. J’ai agi. Publiquement. Sans indulgence pour moi et sans demander l’indulgence. Le monde me méprisait ? Il avait raison. Je l’avais bien mérité. Le monde disait : “ Une nouvelle fantaisie de la prostituée ” ? Et il appelait blasphème mon recours à Jésus ? Il avait raison. Le monde se rappelait ma conduite passée, qui justifiait toutes ces remarques. Eh bien ? Le monde a dû se convaincre que la pécheresse Marie n’existait plus. C’est par mes actes que j’ai persuadé le monde. Fais-en autant, et tais-toi.

– Tu es sévère, Marie, objecte Jean.

– Plus avec moi qu’avec les autres. Mais je le reconnais : je n’ai pas la main légère de la Mère. Elle est l’Amour. Moi… oh ! moi ! J’ai brisé ma sensualité par le fouet de ma volonté. Et je le ferai davantage. Crois-tu que je me suis pardonnée d’avoir été la Débauche ? Non. Mais je ne le dis qu’à moi-même. Et je me le répéterai toujours. Je mourrai consumée en ce secret regret d’avoir été ma propre corruptrice, dans l’inconsolable douleur de m’être profanée et de n’avoir pu donner au Maître qu’un cœur piétiné… Tu vois… j’ai travaillé plus que toutes aux baumes… Et c’est avec plus de courage que les autres que je le découvrirai… Dieu ! Comment sera-t-il maintenant ! (Marie de Magdala pâlit à cette seule pensée). Je le couvrirai de nouveaux baumes en enlevant ceux qui seront certainement corrompus sur ses plaies sans nombre… Je le ferai, parce que les autres auront l’air de liserons après une averse… Mais j’ai le regret de le faire avec ces mains qui ont donné tant de caresses lascives, de m’approcher de sa sainteté avec ma chair souillée… Je voudrais… je voudrais avoir la main de la Mère Vierge pour faire cette dernière onction… »

Marie pleure maintenant doucement, sans sanglots. Qu’elle est différente de la Marie-Madeleine théâtrale qu’on nous présente toujours ! Ce sont les mêmes larmes silencieuses qu’elle avait le jour de son pardon dans la maison du pharisien [1].

616.4 « Tu dis que… les femmes auront peur ? lui demande Pierre.

– Pas peur… Mais elles se troubleront certainement devant son corps, certainement déjà corrompu… enflé… noir. Et puis, c’est certain, elles auront peur des gardes.

– Veux-tu que je vienne ? Et Jean avec moi ?

– Ah ! cela, non ! Nous sortons toutes parce que, comme nous étions toutes là-haut, il est juste que nous soyons toutes autour de son lit de mort. Toi et Jean, vous restez ici. Marie ne peut rester seule !

– Elle ne vient pas ?

– Nous ne la laisserons pas venir !

– Elle est convaincue qu’il va ressusciter… Et toi ?

– Moi, après Marie, je suis celle qui croit le plus. J’ai toujours cru que c’était possible. C’est lui-même qui l’annonçait. Et il ne ment jamais… Lui !… Oh ! avant je l’appelais Jésus, Maître, Sauveur, Seigneur… Maintenant, je le sens si grand que je ne sais, je n’ose plus lui donner un nom… Que lui dirai-je quand je le verrai ?…

– Mais crois-tu vraiment qu’il va ressusciter ?…

– Encore ! Oh ! à force de vous affirmer que je crois et de vous entendre dire que vous ne croyez pas, je finirai par ne plus croire, moi non plus ! J’ai cru et je crois. J’ai cru, et je lui ai depuis longtemps préparé son vêtement. Et pour demain — car demain c’est le troisième jour — je l’apporterai ici, tout prêt…

– Mais si tu dis qu’il sera noir, enflé, laid ?

– Laid, jamais. C’est le péché qui est laid. Mais… mais oui, il sera noir. Eh bien ? Lazare n’était-il pas déjà en décomposition ? Et pourtant il est ressuscité et sa chair fut guérie. Mais si je le dis !… Taisez-vous, incroyants ! En moi aussi la raison humaine sussure : “ Il est mort et ne ressuscitera pas. ” Mais mon esprit, “ son ” esprit, car j’ai eu de lui un nouvel esprit, crie, et il me semble entendre retentir des trompettes d’argent : “ Il ressuscite ! Il ressuscite ! Il ressuscite ! ” Pourquoi me battez-vous comme une nacelle sur les écueils de votre doute ? Je crois ! Je crois, mon Seigneur ! Lazare a obéi au Maître, quoi qu’il lui en ait coûté, et il est resté à Béthanie… Moi qui sais qui est Lazare, fils de Théophile : un homme courageux, pas un couard, je peux mesurer son sacrifice de rester dans l’ombre et non près du Maître. Mais il a obéi. Il lui a été plus héroïque d’obéïr que s’il avait arraché Jésus par l’épée aux hommes armés. Moi, j’ai cru, et je crois. Et je reste ici, à l’attendre, comme Marie. Mais laissez-moi partir. Le jour se lève et, dès que nous y verrons suffisamment, nous nous rendrons au tombeau… »

Et Marie-Madeleine s’éloigne, le visage brûlé par les larmes, mais toujours aussi courageuse. 616.5 Elle entre chez la Vierge.

« Qu’avait Pierre ?

– Une crise de nerfs. Mais c’est passé.

– Ne sois pas dure, Marie. Il souffre.

– Moi aussi. Mais tu vois que je ne t’ai pas même demandé une caresse. Lui a déjà été soigné par toi… Et moi, au contraire, je pense que toi seule, ma Mère, tu as besoin de baume. Ma Mère, sainte, aimée ! Prends courage… Demain, c’est le troisième jour. Nous nous enfermerons ici à l’intérieur, nous deux qui l’aimons. Toi, la sainte femme aimante, moi, la pauvre femme aimante… Mais je le fais avec ce que je suis. Et nous l’attendrons… Eux, ceux qui ne croient pas, nous les enfermerons à côté, avec leurs doutes. Et ici, je mettrai plein de roses… Aujourd’hui, je vais faire apporter le coffre… Je vais passer au palais et donner des ordres à Lévi. Au loin toutes ces horreurs ! Il ne doit pas les voir, notre cher Ressuscité… Plein de roses… Tu mettras un habit neuf… Il ne doit pas te voir ainsi. Je vais te peigner, je vais laver ce pauvre visage défiguré par les larmes. Eternelle jeune fille, je vais te servir de mère… J’aurai enfin la joie de donner des soins maternels à une enfant plus innocente qu’un nouveau-né ! Ma chère Marie ! »

Et, avec son affection exubérante, Marie-Madeleine serre contre sa poitrine la tête de Marie qui est assise, elle la couvre de baisers, la caresse, remet en ordre les légères boucles des cheveux dépeignés derrière les oreilles, essuie les nouvelles larmes qui coulent encore, encore, toujours, avec l’étoffe de son vêtement…

616.6 Les femmes entrent avec des lampes, des amphores et des vases aux larges becs. Marie, femme d’Alphée, porte un lourd mortier.

« On ne peut rester dehors. Il y a un peu de vent et il éteint les lampes » explique-t-elle.

Elles se placent de côté. Sur une table, étroite mais longue, elles posent tout leur matériel puis terminent de préparer leurs baumes, en mêlant dans le mortier la pâte déjà lourde des essences à une poussière blanche qu’elles puisent à pleines poignées dans un sachet. Elles mélangent l’ensemble énergiquement et en emplissent un vase au large bec. Elles le mettent par terre, puis répètent avec un autre la même opération. Parfums et larmes tombent sur les résines.

Marie-Madeleine dit :

« Cela n’était pas là l’onction que j’espérais pouvoir te préparer. »

En effet, Marie-Madeleine, plus habile que toutes, a réglé et dirigé toute la composition du parfum, si capiteux qu’elles se décident à ouvrir la porte et à entrebâiller la fenêtre sur le jardin, qui commence juste à blanchir.

Toutes pleurent après l’observation à voix basse de Marie-Madeleine.

Enfin, elles achèvent leur tâche : tous les vases sont pleins.

Elles sortent avec les amphores vides, le mortier désormais inutile, et plusieurs lampes. Dans la petite pièce, il en reste seulement deux, qui semblent sangloter sous leur lumière tremblante…

Les femmes rentrent et referment la fenêtre, car l’aube est un peu froide. Elles revêtent leurs manteaux et prennent de larges sacs où elles disposent les vases de baume.

616.7 Marie se lève et cherche son manteau, mais toutes se pressent autour d’elle pour la persuader de ne pas venir.

« Tu ne tiens pas debout, Marie ! Cela fait deux jours que tu ne prends pas d’autre nourriture qu’un peu d’eau.

– Oui, Mère, nous ferons vite et bien. Et nous reviendrons aussitôt.

– Ne crains rien, nous l’embaumerons comme un roi. Tu vois quel baume précieux nous avons composé ! Et en quelle quantité !

– Nous ferons attention aux membres et aux blessures, et nous le mettrons en place avec nos mains. Nous sommes fortes, et nous sommes mères. Nous le disposerons comme un enfant dans son berceau. Il ne restera aux autres qu’à fermer les lieux. »

Mais Marie insiste :

« C’est mon devoir » dit-elle. « C’est moi qui l’ai toujours soigné. Je n’ai cédé à d’autres la charge de prendre soin de lui qu’au cours de ses trois dernières années, quand il appartenait au monde, et encore, seulement lorsqu’il était loin de moi. Maintenant que le monde l’a repoussé et renié, il m’appartient de nouveau, et je redeviens sa servante. »

A ces mots, Pierre, qui s’était approché avec Jean de la porte, sans être vu des femmes, s’enfuit dans quelque recoin caché pour pleurer sur son péché. Jean s’arrête sur le seuil, silencieux. Il voudrait certainement y aller lui aussi, mais il fait le sacrifice de rester auprès de Marie.

616.8 Marie-Madeleine reconduit Marie à son siège. Elle s’agenouille devant elle, embrasse ses genoux en levant vers elle son visage douloureux, mais rempli d’amour, et elle lui promet :

« Par son Esprit, ton Fils sait et voit tout. Mais je dirai à son corps, par des baisers, ton amour, ton désir. Je sais ce qu’est l’amour. Je sais quel aiguillon, quelle faim c’est d’aimer, et aussi quelle nostalgie de se trouver en permanence avec celui qui représente l’amour pour nous. Cela existe aussi dans les vils amours qui paraissent être de l’or et ne sont que boue. Quand ensuite la pécheresse peut savoir ce qu’est l’amour saint pour la Miséricorde vivante que les hommes n’ont pas su aimer, alors elle peut mieux comprendre ce qu’est ton amour, Mère. Tu sais que je sais aimer. Et tu te souviens de cette parole de Jésus [2], lors de cette soirée de ma vraie naissance, là-bas sur les rives de notre lac serein : Marie de Magdala sait beaucoup aimer. Or cet amour exubérant qui est le mien, tel l’eau qui déborde d’un bassin incliné, comme le rosier en fleurs qui passe par dessus un mur, tel la flamme bien alimentée qui s’élève plus haut, s’est tout entier déversé sur lui, et a tiré de son amour une nouvelle puissance… Ah ! pourquoi ma capacité d’amour n’a-t-elle pas pu se substituer à lui sur la croix !… Je n’ai pu faire pour lui ce que j’aurais désiré : souffrir, verser mon sang, mourir à sa place sous les railleries de tous. J’aurais été comblée de bonheur s’il m’avait été possible de souffrir à sa place. J’en suis certaine, le cours de ma pauvre vie aurait été brûlé davantage par l’amour triomphal que par le gibet infâme. C’est une fleur nouvelle qui serait née des cendres, la fleur d’une vie pure, vierge, ignorante de tout ce qui n’est pas Dieu. Mais ce que je n’ai pas pu faire pour lui, je le peux encore pour toi, Mère que j’aime de tout mon cœur. Fais-moi confiance. Moi qui ai su, dans la maison de Simon le pharisien, caresser si doucement ses pieds saints, je saurai, maintenant que mon âme s’ouvre de plus en plus à la grâce, caresser encore plus doucement ses membres saints, soigner ses plaies, les embaumer plus avec mon amour, plus avec le baume tiré de mon cœur sous l’action de l’amour et de la douleur, qu’avec l’onguent. Et la mort n’abîmera pas ces chairs qui ont donné tant d’amour et en ont tant reçu. La mort fuira, car l’amour est plus fort qu’elle. L’amour est invincible. Et moi, Mère, avec ton amour parfait, avec mon amour total, j’embaumerai par l’amour mon Roi d’amour. »

Marie embrasse cette femme passionnée qui, finalement, a su trouver l’Homme qui mérite tant de passion, et elle cède à sa prière.

616.9 Les femmes sortent en emportant une lampe. Il n’en reste qu’une dans la pièce. Marie-Madeleine sort la dernière après un dernier baiser à la Mère.

La maison est toute sombre et silencieuse. Le chemin est encore obscur et solitaire.

Jean demande :

« Vous ne voulez vraiment pas de moi ?

– Non. Tu peux être utile ici. Adieu. »

Jean revient trouver Marie.

« Elles n’ont pas voulu de moi… dit-il doucement.

– N’en sois pas blessé. Elles sont à Jésus, et toi à moi. Jean, prions un peu ensemble. Où est Pierre ?

– Je ne sais pas. Dans la maison… mais je ne le vois pas. C’est… Je le croyais plus fort… Moi aussi, j’ai de la peine, mais lui…

– Lui a deux douleurs, toi une seule. Viens, prions aussi pour lui. »

Et Marie dit lentement le “ Notre Père ”. Puis elle fait une caresse à Jean :

« Va trouver Pierre. Ne le laisse pas seul. Il a été tellement dans les ténèbres pendant ces heures, qu’il ne supporte même pas la légère lumière du monde. Sois l’apôtre de ton frère égaré. Commence par lui ta prédication. Sur ton chemin, et il sera long, tu en trouveras toujours qui lui ressemblent. Commence ton travail par ton compagnon…

– Mais que dois-je dire ?… Moi, je ne sais pas… Tout le fait pleurer…

– Rappelle-lui le précepte d’amour de Jésus. Dis-lui que celui qui se borne à craindre ne connaît pas encore Dieu suffisamment, car Dieu est amour. Et s’il te réplique : “ J’ai péché ”, réponds-lui que Dieu a tant aimé les pécheurs qu’il leur a envoyé son Fils unique. Dis-lui qu’à tant d’amour il faut répondre par l’amour. Et l’amour donne la confiance dans le Seigneur très bon. Cette confiance ne nous fait pas craindre son jugement parce que, grâce à elle, nous reconnaissons la sagesse et la bonté divines et nous disons : “ Je suis une pauvre créature, mais lui le sait, et il me donne le Christ comme garantie de pardon et colonne de soutien. Ma misère est vaincue par mon union avec le Christ. ” C’est au nom de Jésus que tout est pardonné… Va, Jean, parle-lui de cette manière. Moi, je reste ici avec mon Jésus… »

Et elle caresse le suaire.

Jean sort en fermant la porte derrière lui.

616.10 Marie se met à genoux, comme le soir précédent, visage contre Visage avec le voile de Véronique, et elle prie et parle avec son Fils. Forte pour donner de la force aux autres, elle ploie sous son écrasante croix lorsqu’elle est seule. Pourtant, de temps en temps, telle une flamme qui n’est plus étouffée par le boisseau, son âme s’élève vers une espérance qui, en elle, ne saurait mourir mais croît au contraire avec l’écoulement des heures. Marie dit aussi au Père son espérance, son espérance et sa demande.

616.11 – (Vous pouvez placer ici, telle quelle puisqu’elle n’a subi aucun changement, la prière de l’an dernier, les lamentations de cette aube pascale, du 21 février 1944).


Texte supplémentaire présent dans l'ancienne édition:

616.12 « Jésus, Jésus ! Tu ne reviens pas encore ? Ta pauvre Maman ne résiste plus à l’idée de te savoir là-bas, mort. Tu l’as dit, et personne ne t’a compris. Mais moi, je t’ai compris ! “ Détruisez le Temple de Dieu, et moi, je le reconstruirai en trois jours. ” Voici venu le commencement du troisième jour. Oh ! mon Jésus ! N’attends pas qu’il soit accompli pour revenir à la vie, à ta Maman qui a besoin de te voir vivant pour ne pas mourir de se souvenir de toi comme mort, ta Maman qui a besoin de te voir beau, en parfaite santé, triomphant, pour ne pas mourir en se souvenant de l’état où elle t’a laissé !

616.13 Oh ! Père ! Père ! Rends-moi mon Fils ! Que je le voie redevenu homme et non plus cadavre, roi et non plus condamné. Plus tard, je le sais, il retournera à toi, au Ciel. Mais je l’aurai vu guéri de tant de mal, je l’aurai vu fort après tant de faiblesse, je l’aurai vu triomphant après tant de luttes, je l’aurai vu Dieu après une humanité qui a enduré de telles souffrances pour les hommes. Alors je me sentirai heureuse, même quand je serai privée de son contact immédiat. Je le saurai avec toi, Père saint, je le saurai pour toujours loin de la Douleur. Maintenant, au contraire, je ne puis, je ne puis oublier qu’il gît dans un tombeau, qu’il est là tué par les souffrances qu’on lui a infligées, et que mon Fils-Dieu partage le sort des hommes dans l’obscurité d’un tombeau, lui qui est ton Vivant.

Père, Père, écoute ta servante. En raison de ce “ oui ”… Je ne t’ai jamais rien demandé en échange de mon obéissance à tes volontés ; c’était ta volonté, et ta volonté était la mienne ; je ne devais rien exiger pour le sacrifice de la mienne à toi, ô Père saint. Mais aujourd’hui, pour ce “ oui ” que j’ai dit à l’ange ton messager, Père, écoute-moi !

Jésus en a fini avec les tortures, car il a tout accompli en agonisant trois heures durant, après les sévices du matin. Mais moi, je vis depuis trois jours cette agonie. Tu vois mon cœur, et tu en entends les battements. Notre Jésus a dit qu’un oiseau ne perd pas une plume que tu ne la voies, qu’il ne meurt pas une fleur des champs sans que tu ne consoles son agonie par ton soleil et ta rosée. Oh ! Père, je meurs de cette douleur ! Traite-moi comme le passereau que tu revêts d’un nouveau plumage et la fleur que tu réchauffes et désaltères par pitié pour elle. Je meurs transie de douleur. Je n’ai plus de sang dans les veines. Autrefois, il est devenu lait pour nourrir ton Fils et le mien ; aujourd’hui, il s’est fait larmes parce que je n’ai plus de Fils. Ils me l’ont tué, tué, Père, et tu sais de quelle façon !

616.14 Je n’ai plus de sang ! Je l’ai répandu avec mon Fils dans la nuit de jeudi, pendant ce funeste vendredi. J’ai froid comme une personne exsangue. Je n’ai plus de soleil, puisque le voilà mort, mon Soleil saint, mon Soleil béni, le Soleil né de mon sein pour la joie de sa Maman, pour le salut du monde. Je n’ai plus de rafraîchissement parce que je ne l’ai plus, Lui, la plus douce des sources pour sa Maman qui buvait sa parole, qui se désaltérait de sa présence. Je suis comme une fleur dans du sable sec.

Je meurs, je meurs, Père saint. Cela ne m’effraie pas, puisque Jésus est mort, lui aussi. Mais comment feront ces petits, le petit troupeau de mon Fils, si faible, si craintif, si inconstant, s’il n’y a personne pour le soutenir ? Je ne suis rien, Père. Mais pour les désirs de mon Fils, je suis comme une troupe d’hommes en armes. Je défends, je défendrai sa doctrine et son héritage comme une louve défend ses louveteaux. Moi qui suis une agnelle, je me ferai louve pour défendre ce qui appartient à mon Fils, et par conséquent ce qui est à toi.

616.15 Tu l’as vu, Père : il y a huit jours, cette ville a dépouillé ses oliviers, ses maisons, ses jardins, ses habitants, et sa voix est devenue rauque à force de crier : “ Hosanna au Fils de David ; béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. ” Pendant qu’il passait sur des tapis de branchages, de vêtements, d’étoffes, de fleurs, les habitants se le montraient en disant : “ C’est Jésus, le Prophète de Nazareth de Galilée. C’est le Roi d’Israël. ” Et alors que ces branchages n’étaient pas fanés et que leurs voix étaient encore rauques après tant d’hosannas, ils ont changé leurs cris en accusations, en malédictions et en requêtes de mort ; ils se sont servi des branches coupées en vue du triomphe pour fabriquer les matraques qui allaient frapper ton Agneau, qu’ils conduisaient à la mort.

S’ils en ont tant fait pendant qu’il était au milieu d’eux et leur parlait, leur souriait, les bénissait, les instruisait et portait sur eux ce regard qui fait fondre le cœur et trembler jusqu’aux pierres s’il tourne les yeux vers elles, que feront-ils quand il sera retourné à toi ?

Quant à ses disciples, tu l’as vu : l’un d’eux l’a trahi, les autres se sont enfuis. Il a suffi qu’il soit frappé pour qu’ils s’enfuient comme un vil troupeau, et ils n’ont pas su l’entourer au moment de sa mort. Un seul, le plus jeune, est resté. Maintenant leur chef est revenu, mais il a déjà su le renier une fois. Quand Jésus ne sera plus ici à le garder, saura-t-il persister dans la foi ?

616.16 J’ai beau n’être rien, un peu de mon Fils est en moi, et mon amour comble ce qui me manque et l’efface. Je deviens ainsi quelque chose d’utile à la cause de ton Fils, à son Eglise qui ne trouvera jamais la paix et qui a besoin de faire pousser des racines profondes pour ne pas être arrachée par les vents. Je serai celle qui la soigne. Comme une jardinière active, je veillerai à ce qu’elle grandisse et pousse, droite et forte, à ses débuts… Je ne me soucierai pas de mourir. Mais je ne puis vivre si je reste plus longtemps sans Jésus.

Oh ! Père qui as abandonné le Fils pour le bien des hommes mais l’as ensuite réconforté — puisqu’il est certain que tu l’as accueilli dans ton sein après sa mort —, ne me laisse pas plus longtemps à l’abandon. Je souffre, et je l’offre pour le bien des hommes. Mais réconforte-moi, maintenant, Père. Père, pitié ! Pitié, mon Fils ! Pitié, divin Esprit ! Souviens-toi de ta Vierge ! »

Le dimanche 1er avril 1945
(Pâques).


616.17 Prostrée à terre, Marie paraît prier, non seulement de tout son cœur, mais aussi de tout son corps. C’est vraiment une pauvre épave échouée. Elle ressemble à cette fleur morte de soif dont elle a parlé.

Elle ne remarque même pas la secousse d’un bref mais violent tremblement de terre qui fait crier et fuir le couple de gardiens de la maison pendant que Pierre et Jean, pâles comme la mort, se traînent jusqu’au seuil de la pièce. Mais la vue de Marie ainsi absorbée dans sa prière, loin de tout ce qui n’est pas Dieu, les incitent à refermer la porte et à se retirer, puis à revenir au Cénacle, encore tout effrayés.



[1] Dans la maison du pharisien, au chapitre 236.

[2] En EMV 239.4, répétée en EMV 550.7, lorsqu’il parlait du baume véritable, celui de l’amour, “qui lui plaira infiniment”.




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-001.htm
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-002.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/le-matin-de-la-resurrection.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 18 Juil - 20:54

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

617. La Résurrection

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 3
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 617

Vision du dimanche 1er avril 1945
(jour de Pâques).


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


    617.1 Je revois la puissante Résurrection du Christ, qui me remplit de joie [1].

    Dans le jardin, tout n’est que silence et scintillement de la rosée. Au-dessus, le ciel devient d’un saphir de plus en plus clair, après avoir quitté sa couleur bleu-noir criblée d’étoiles qui, pendant toute la nuit, ont veillé sur le monde. L’aube repousse de l’orient vers l’occident les régions encore obscures, comme le fait l’eau, lors des marées hautes, qui avance toujours plus pour recouvrir la plage, et remplace le gris-noir du sable humide par le bleu des eaux marines.

    L’une ou l’autre étoile ne veut pas encore mourir et luit de plus en plus faiblement sous l’onde de lumière vert clair de l’aube, d’un blanc laiteux nuancé de gris, comme les feuillages des oliviers engourdis qui couronnent un coteau peu distant. Finalement, elle fait naufrage, submergée par l’onde de l’aube comme une terre que recouvre l’eau. Et puis en voilà une de moins… encore une… et une autre, et une autre. Le ciel perd ses troupeaux d’étoiles, et ce n’est qu’à l’extrême occident que trois étoiles, puis deux, puis une, restent à regarder ce prodige quotidien qu’est l’aurore qui se lève. Quand, du côté de l’orient, un filet de rose trace une ligne sur la soie turquoise du ciel, un soupir de vent passe dans les feuillages et sur les herbes et avertit : “ Réveillez-vous, le jour est revenu. ” Mais il ne réveille que les herbes et les feuillages qui frissonnent sous leurs diamants de rosée, émettent un bruissement ténu, mêlé à l’arpège des gouttes qui tombent.

    Les oiseaux ne se réveillent pas encore, dans les branches touffues d’un cyprès de grande taille qui semble dominer comme un seigneur dans son royaume, ni dans l’entrelacs confus d’une haie de lauriers qui abrite de la tramontane.

    617.2 C’est dans des poses variées que les gardes, transis de froid, gagnés par l’ennui et ensommeillés, veillent sur le tombeau ; la porte de pierre a été renforcée, sur ses bords, par une épaisse couche de chaux, comme si c’était un contrefort, sur le blanc opaque de laquelle se détachent les larges rosaces de cire rouge portant le sceau du Temple, imprimé avec d’autres directement dans la chaux fraîche.

    Les gardes doivent avoir allumé du feu pendant la nuit, car on voit encore de la cendre et des tisons mal éteints sur le sol. Ils ont aussi joué et mangé, car je vois, répandus sur le sol, des restes de nourriture et des osselets bien polis qui ont servi certainement pour quelque jeu, comme notre jeu de domino ou nos billes ; ils ont pour cela utilisé un échiquier rudimentaire tracé sur le sentier. Puis ils ont tout laissé en plan par lassitude et essayé de trouver des positions plus ou moins commodes pour dormir ou veiller.

    617.3 A l’orient, une étendue rose s’agrandit de plus en plus dans le ciel serein, où, par ailleurs, il n’y a pas encore de rayon de soleil. C’est alors que surgit de profondeurs inconnues, un météore resplendissant qui descend, tel une boule de feu à l’éclat insoutenable, suivi d’un sillage rutilant qui peut-être n’est que le souvenir de son rayonnement sur notre rétine. Il descend à grande vitesse vers la terre, en répandant une lumière si intense, si fantasmagorique, à la beauté si effrayante, que la lumière rosée de l’aurore en est éclipsée et disparaît.

    Surpris, les gardes lèvent la tête, parce que cette lumière s’accompagne d’un grondement puissant, harmonieux, solennel, qui remplit toute la Création. Il provient de profondeurs paradisiaques. C’est l’alléluia, la gloire angélique qui suit l’Esprit du Christ revenant dans sa chair glorieuse.

    Le météore s’abat contre l’inutile fermeture du tombeau, l’arrache, la jette par terre, foudroie de terreur et de bruit les gardes placés comme geôliers du Maître de l’univers en provoquant, avec son retour sur la terre, un nouveau tremblement de terre comme cet Esprit du Seigneur en avait produit en fuyant la terre [2]. Il entre, éclaire le tombeau de sa lumière indescriptible, et pendant qu’il reste suspendu dans l’air immobile, l’Esprit se réinfuse dans le corps du Christ sans mouvement sous les bandes funèbres.

    Tout cela se passe, non en une minute, mais en une fraction de minute, tant l’apparition, la descente, la pénétration et la disparition de la Lumière de Dieu a été rapide…

    617.4 Le “ Je le veux ” du divin Esprit à sa chair froide n’a pas de son. L’ordre est donné par l’Essence à la matière immobile. Aucune parole n’est audible par l’oreille humaine.

    La chair reçoit le commandement et lui obéit en poussant un profond soupir…

    Rien d’autre pendant quelques minutes.

    Sous le suaire et le linceul, la chair glorieuse se recompose en une beauté éternelle, se réveille du sommeil de la mort, revient du “ rien ” où elle était, vit après avoir été morte. Certainement, le cœur se réveille et se remet à battre, il pousse dans les veines le sang glacé qui reste et en crée d’un seul coup la quantité nécessaire dans les artères vides, dans les poumons immobiles, dans le cerveau obscurci, et il y ramène la chaleur, la santé, la force, la pensée.

    Un moment passe, et voilà que se produit un mouvement soudain sous le lourd linceul. C’est si soudain, depuis l’instant où Jésus bouge sûrement ses mains croisées jusqu’au moment où il se tient debout, majestueux, splendide dans son vêtement de matière immatérielle, surnaturellement beau et imposant, avec une gravité qui le change et l’élève tout en le laissant lui-même, que l’œil n’a qu’à peine le temps d’en suivre le développement.

    Et maintenant, il l’admire : Jésus est fort différent de ce que la pensée peut rappeler, il est en pleine forme, sans blessures ni sang, mais seulement éblouissant de la lumière qui jaillit à flots des cinq plaies et sort par tous les pores de son épiderme.

    617.5 Il fait son premier pas : dans son mouvement, les rayons qui jaillissent des mains et des pieds l’auréolent de lames de lumière ; depuis la tête nimbée d’un diadème composé des innombrables blessures de la couronne d’épines qui ne donnent plus de sang mais seulement de la splendeur, jusqu’au bord du vêtement quand, en ouvrant les bras qu’il a croisés sur sa poitrine, il découvre la zone de luminosité très vive qui filtre de son habit en lui donnant l’éclat d’un soleil à la hauteur du cœur [3]. Alors, c’est réellement la “ Lumière ” qui a pris corps.

    Il ne s’agit pas de la faible lumière de la terre, ni du pauvre éclat des astres ou du soleil. C’est la Lumière de Dieu : toute la splendeur paradisiaque se rassemble en un seul Etre et lui donne un bleu azur inconcevable dans les yeux, des feux d’or en guise de cheveux, des blancs purs et angéliques pour vêtement et coloris et, ce qui est indescriptible par des mots humains, la suréminente ardeur de la très sainte Trinité, dont la puissance anéantit tout feu du Paradis en l’absorbant en elle-même, pour l’engendrer à nouveau à chaque instant du Temps éternel ; c’est le cœur du Ciel qui attire et diffuse son sang, les innombrables gouttes de son sang incorporel : les bienheureux, les anges, tout ce qui constitue le Paradis : l’amour de Dieu, l’amour pour Dieu, voilà la Lumière qu’est le Christ ressuscité et qui lui donne forme.

    617.6 Lorsqu’il se dirige vers la sortie, et dès que l’œil peut voir autre chose que son éclat, voici que m’apparaissent deux clartés très belles, mais semblables à des étoiles par rapport au soleil, chacune d’un côté du seuil, prosternées en adoration pour leur Dieu qui passe, enveloppé de sa lumière, avec un sourire qui béatifie. Il quitte la grotte funèbre et revient fouler la terre que la joie réveille et qui resplendit sous sa rosée, parmi les couleurs des herbes et des rosiers, sous les innombrables corolles des pommiers qui s’ouvrent par prodige aux premiers rayons du soleil qui les frappent, et au Soleil éternel qui avance sous eux.

    Les gardes sont évanouis… Les forces corrompues de l’homme ne voient pas Dieu alors que les forces pures de l’univers, les fleurs, les herbes, les oiseaux admirent et vénèrent le Puissant qui passe, nimbé de sa propre Lumière et de celle du soleil.

    Devant son sourire, et sous son regard qui se pose sur les fleurs, sur les ramilles, puis s’élève vers le ciel serein, tout devient plus beau. Les millions de pétales qui forment une mousse fleurie au-dessus de la tête du Vainqueur prennent une teinte plus soyeuse, plus nuancée. Les diamants de rosée se font plus vifs. Et plus bleu est le ciel que réfléchissent ses yeux resplendissants, et plus joyeux le soleil qui peint de gaieté un petit nuage porté par un vent léger qui vient baiser son Roi avec des parfums enlevés aux jardins et des caresses de pétales soyeux.

    Jésus lève la main et bénit et puis, pendant que les oiseaux chantent plus fort et que le vent apporte ses parfums, il disparaît de ma vue, en me laissant dans une joie qui efface jusqu’au moindre souvenir de tristesse, de souffrance et d’hésitation sur le lendemain.


Observations


Les plaies rayonnantes du Christ

Le 22 février 1931, sainte Faustine reçut la vision du Christ de la Miséricorde et nota dans son journal : «je vis Jésus-Christ, vêtu d'une robe blanche, il levait la main droite pour bénir pendant que son autre main reposait sur son Cœur. De son vêtement, légèrement entrouvert sur la poitrine, s'échappaient deux faisceaux de rayons lumineux, l’un rouge et l’autre pâle».


Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 La-res10
L’image du Christ de la Miséricorde


Maria Valtorta reçue elle aussi la vision du Christ ressuscité, faisant ses premiers pas hors du Sépulcre : «sans blessures ni sang, mais seulement éblouissant de la lumière qui jaillit à flots des cinq plaies et sort par tous les pores de son épiderme ». Maria Valtorta décrit ainsi le Christ ressuscité : « les rayons qui jaillissent des mains et des pieds l'auréolent de lames de lumière... jusqu'au bord du vêtement quand, en ouvrant les bras qu'il a croisés sur sa poitrine, il découvre la zone de luminosité très vive qui filtre de son habit en lui donnant l'éclat d'un soleil à la hauteur du cœur » (EMV 617.5).

Dans une autre vision, Maria Valtorta écrit encore : « Jésus est déjà revêtu de son vêtement resplendissant de blancheur, qui ne porte plus aucune trace de sang ni de blessure, sa tête divine est toute recoiffée et radieuse, sans autre signe de sa terrible Passion que les rayons qui sortent de ses blessures et qui, tels cinq feux, reflètent leur lumière sur la Personne divine et l’auréolent d’un halo de rayons croisés qui montent, descendent des mains et des pieds, et irradient en cercle à partir du centre de la poitrine. On ne voit pas la blessure au côté, car le vêtement la couvre. Mais la lumière la plus vive provient de sa poitrine et ressemble à un soleil dissimulé derrière un voile de soie ». (Cahiers le 21 février 1944)

La description valtortienne, plus détaillée, est en harmonie avec la vision de sainte Faustine. Pourtant il n’est pas pensable que Maria Valtorta ait pu avoir connaissance des écrits de sainte Faustine en 1945, puisque leur première transcription (incomplète) fut envoyée à Rome en 1950. Et la Congrégation des Sœurs de Notre-Dame de la Miséricorde n’en prit connaissance qu’en 1955 !

(Source : http://www.faustine-message.com/zgromadzenie_fr1a.htm)




[1] Maria Valtorta l’a déjà vue et décrite de manière plus brève le 21 février 1944 (consignée dans les Cahiers). Voir la note en EMV 587.13.

[2] On oublie parfois que la Mort de Jésus, comme sa Résurrection, sont accompagnées d’un tremblement de terre évoqué en Matthieu 27, 51-53 pour la mort, et en Matthieu 28, 2 pour la résurrection.

[3] Cette vision est à rapprocher des visions du Cœur sacré de Jésus reçues par Marguerite-Marie Alacoque, sœur Faustine, etc…




SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-003.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/la-resurrection.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 20 Juil - 10:18

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

618. Jésus ressuscité apparaît à sa Mère

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 4
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 618

Vision du lundi 21 février 1944.


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

    618.1 Marie est prosternée, le visage contre terre. On dirait une pauvre loque abandonnée. Elle semble être cette fleur morte de soif dont elle a parlé.

    La fenêtre fermée s’ouvre en faisant fortement battre les volets et, avec le premier rayon de soleil, Jésus entre.

    Marie sursaute, lève la tête pour voir quel vent a pu ouvrir les volets, et voit son Fils rayonnant : il est beau, infiniment plus beau qu’il ne l’était avant d’avoir souffert, souriant, vivant, plus lumineux que le soleil, vêtu d’un blanc qui ressemble à de la lumière tissée, et il s’avance vers elle.

    Elle se redresse sur ses genoux et, joignant en croix les mains sur sa poitrine, elle dit dans un sanglot qui est tout à la fois rire et pleur :

    « Seigneur, mon Dieu ! »

    Et elle reste ainsi ravie dans sa contemplation, le visage tout baigné de larmes, mais devenu serein, pacifié par le sourire et l’extase.

    618.2 Mais lui ne veut pas voir sa Maman à genoux comme une servante. Il l’appelle en lui tendant les mains, des blessures desquelles sortent des rayons qui rendent encore plus lumineuse son corps glorieux :

    « Maman ! »

    Ce n’est pas la parole affligée des colloques et des adieux qui ont précédé la Passion, ni la lamentation déchirée de la rencontre sur le Calvaire et de l’agonie. C’est un cri de triomphe, de joie, de libération, de fête, d’amour, de gratitude.

    Incliné sur sa Mère qui n’ose pas le toucher, il glisse les mains sous les coudes pliés de Marie, puis il la lève, la serre sur son cœur et l’embrasse.

    Alors Marie comprend qu’il ne s’agit pas d’une vision, que c’est son Fils réellement ressuscité, que c’est son Jésus, son Fils qui l’aime encore comme un fils. Et avec un cri, elle se jette à son cou, l’embrasse et le couvre de baisers, mêlant rire et larmes. Elle baise son front où il n’y a plus de blessures, sa tête qui n’est plus dépeignée ni couverte de sang, ses yeux éblouissants, ses joues guéries, sa bouche qui n’est plus enflée. Et puis elle lui prend les mains et en baise le dessus et la paume, sur les blessures rayonnantes, et tout à coup se baisse à ses pieds, les découvre de dessous son vêtement de splendeur et les baise. 618.3 Puis elle se lève, le regarde, n’ose pas.

    Mais lui sourit et comprend. Il entrouvre son vêtement sur la poitrine et suggère :

    « Et celle-là, Maman, tu ne la baises pas, celle qui t’a fait si mal et que toi seule es digne de baiser ? Embrasse-moi sur le cœur, Maman. Ton baiser m’enlèvera le dernier souvenir de tout ce que j’ai souffert et me donnera cette joie qui manque encore à ma joie de Ressuscité. »

    Il prend dans ses mains le visage de sa Mère et en pose les lèvres sur le bord de la blessure du côté, d’où sortent des flots de lumière très vive.

    Le visage de Marie est auréolé de cette lumière, plongé comme il l’est dans ses rayons. Elle l’embrasse longuement tandis que Jésus la caresse. Elle ne s’en lasse pas. On dirait une assoiffée qui a trouvé une source et y boit la vie qui lui échappait.

    618.4 Jésus prend la parole :

    « Tout est terminé, Maman. Maintenant, tu ne dois plus pleurer pour ton Fils. L’épreuve est achevée. La Rédemption est arrivée.

    Maman, merci de m’avoir conçu, élevé, aidé dans la vie et dans la mort.

    J’ai senti monter vers moi tes prières. Elles ont été ma force dans la douleur, mes compagnes dans mon voyage sur la terre et au-delà de la terre. Elles sont venues avec moi sur la croix et dans les limbes. Elles étaient l’encens qui précédait le Grand-Prêtre qui allait appeler ses serviteurs pour les amener dans le Temple qui ne meurt pas : dans mon Ciel. Elles sont venues avec moi au Paradis, précédant comme une voix angélique le cortège des rachetés guidés par le Rédempteur pour que les anges soient prêts à saluer le Vainqueur de retour dans son Royaume. Elles ont été entendues et vues par le Père et par l’Esprit, qui en ont souri comme de la fleur la plus belle et du chant le plus doux nés au Paradis. Elles ont été connues par les Patriarches et les nouveaux saints, par les nouveaux, les premiers habitants de ma Jérusalem. Et moi, je t’apporte leurs remerciements, Maman, accompagnés des baisers de nos parents, de leur bénédiction et de celle de Joseph, ton époux d’âme.

    Le Ciel tout entier t’acclame, ma Mère, Maman sainte ! Ce sont des louanges qui ne meurent pas, qui ne mentent pas comme les hosannas qui m’ont été adressés, il y a quelques jours.

    618.5 Je vais maintenant auprès du Père avec mon vêtement humain. Le Paradis doit voir le Vainqueur dans son vêtement d’homme avec lequel il a vaincu le péché de l’homme. Mais ensuite je reviendrai. Je dois confirmer dans la foi ceux qui ne croient pas encore et ont besoin de croire pour amener les autres à la foi, je dois fortifier les faibles qui auront bien besoin de force pour résister au monde.

    Puis je monterai au Ciel, mais je ne te laisserai pas seule, Maman. Tu vois ce voile ? Dans mon anéantissement, j’ai dégagé encore une puissance de miracle pour toi, pour te donner ce réconfort. Mais j’accomplis pour toi un autre miracle *. Tu me posséderas dans le Sacrement, réel comme je l’étais quand tu me portais.

    Tu ne seras jamais seule. Ces jours-ci, tu l’as été. Mais il fallait aussi à ma Rédemption cette douleur que tu as éprouvée. Ma Rédemption s’enrichira encore beaucoup, car les péchés abonderont continuellement. J’appellerai tous mes serviteurs à cette participation corédemptrice. Tu feras, à toi seule, plus que tous les autres saints ensemble. C’est pour cela aussi qu’il fallait ce long abandon.

    Il est désormais terminé. Je ne suis plus séparé du Père. Tu ne seras plus séparée du Fils. Et, ayant le Fils, tu as notre Trinité. Ciel vivant, tu porteras sur la terre la Trinité parmi les hommes et tu sanctifieras l’Eglise, toi, la Reine du sacerdoce et la Mère des chrétiens. Puis je viendrai te chercher. Et cette fois, je ne serai plus en toi, mais toi en moi, dans mon Royaume, pour rendre le Paradis plus beau.

    618.6 Maintenant je m’en vais, Maman. Je vais rendre heureuse l’autre Marie. Puis je monterai vers le Père. C’est de là que je viendrai à ceux qui ne croient pas.

    Maman, ton baiser pour bénédiction, et ma paix à toi pour compagne. Adieu. »

    Alors Jésus disparaît dans le soleil qui descend à flots du ciel serein du matin.





        * Mais j’accomplis pour toi un autre miracle, c’est-à-dire pour te procurer ce réconfort. Cette expression est employée une autre fois, avec la même signification mais aussi celle de : par ton intermédiaire, grâce à toi, comme on le verra au chapitre 637 (en particulier en 637.6/7), où Jésus l’explique longuement et précise que l’Eucharistie est “ un miracle d’amour que j’ai fait pour vous, les hommes ”.



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-004.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/jesus-ressuscite-apparait-a-sa-mere.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 21 Juil - 23:13

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

619. Les saintes femmes au tombeau du Christ.

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 5
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 619

Vision du lundi 2 avril 1945.
(Lundi de Pâques)


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

Le matin de la Résurrection - Chronologie:

    619.1 Pendant ce temps, les femmes, qui sont sorties de la maison, marchent en silence. Ombres dans l’ombre, toutes emmitouflées et rendues craintives par tant de silence et de solitude, elles ne soufflent mot. Puis, rassurées par le calme absolu de la ville, elles se regroupent et osent parler.

    « Les portes seront-elles déjà ouvertes ? s’interroge Suzanne.

    – Certainement. Regarde le premier jardinier qui entre avec ses légumes. Il se rend au marché, répond Salomé.

    – Ils ne nous diront rien ? reprend Suzanne.

    – Qui ? demande Marie-Madeleine.

    – Les soldats, à la Porte Judiciaire. Il y a peu de monde qui entre par là, et encore moins qui sort… Nous allons éveiller les soupçons…

    – Et avec cela ? Ils nous regarderont. Ils verront cinq femmes qui vont à la campagne. Nous pourrions aussi bien rentrer dans nos villages après avoir célébré la Pâque !

    – Pourtant… pour ne pas attirer l’attention de quelque soldat mal intentionné, pourquoi ne sortons-nous pas par une autre porte, pour faire ensuite le tour des murs ?

    – C’est allonger notre route.

    – Mais nous serions plus tranquilles. Passons par la Porte de l’Eau…

    – Oh ! Salomé ! A ta place, je choisirais la Porte Orientale ! Ton détour serait encore plus grand ! Mais il faut faire vite et revenir vite. »

    Marie-Madeleine est tranchante.

    « Alors une autre, mais pas la Judiciaire. Sois gentille… supplient-elles toutes.

    – C’est bien. 619.2 Alors, puisque vous le voulez, passons chez Jeanne. Elle nous a recommandé de la prévenir. Si nous avions pris la voie directe, nous aurions évité cette halte. Mais puisque vous voulez faire un tour plus long, passons chez elle…

    – Oh oui ! Les gardes qu’on a postés là vont nous être utiles… Elle est connue et on la craint…

    – Moi, je dirais de passer aussi chez Joseph d’Arimathie. C’est le propriétaire du tombeau, dit Marthe.

    – Mais oui ! Faisons un cortège, maintenant, pour ne pas attirer l’attention ! Ah ! quelle sœur craintive j’ai ! Ou plutôt, sais-tu, Marthe ? Nous allons faire ceci : moi, je vais partir de l’avant, et je regarderai. Vous, vous me suivrez avec Jeanne. Je me mettrai au milieu du chemin s’il y a du danger : vous me verrez, et nous reviendrons en arrière. Mais j’ai pensé à ceci (elle montre une bourse pleine de pièces de monnaie), et je vous assure que les gardes nous laisseront tout faire.

    – Nous le dirons aussi à Jeanne, tu as raison.

    – Alors, laissez-moi y aller.

    – Tu pars seule, Marie ? Je t’accompagne, propose Marthe, qui craint pour sa sœur.

    – Non, tu vas chez Jeanne avec Marie, femme d’Alphée. Salomé et Suzanne t’attendront près de la porte, à l’extérieur des murs. Puis vous arriverez par la route principale toutes ensemble. Adieu. »

    Et Marie-Madeleine coupe court à tout autre commentaire en s’éloignant rapidement avec son sac de baumes, et son argent sur sa poitrine.

    Elle vole, tant sa marche est rapide sur le chemin, qui devient plus gai au fur et à mesure que l’aurore rosit. Elle franchit la Porte Judiciaire pour aller plus vite, et personne ne l’arrête…

    619.3 Les autres la regardent s’éloigner, puis lui tournent le dos au carrefour où elles se tenaient, et prennent une autre ruelle, étroite et sombre, qui s’ouvre ensuite, à proximité du Sixte, sur une rue plus large et dégagée, bordée de belles maisons. Elles se séparent encore, Salomé et Suzanne continuant leur chemin pendant que Marthe et Marie, femme d’Alphée, frappent à la porte de fer et se montrent quand le portier l’entrouvre.

    Elles entrent et vont trouver Jeanne. Celle-ci est déjà levée et entièrement vêtue de violet très foncé — ce qui la rend encore plus pâle. Elle aussi manipule des huiles avec sa nourrice et une servante.

    « Vous êtes ici ? Que Dieu vous en récompense ! Mais si vous n’étiez pas venues, j’y serais allée de moi-même… Pour trouver du réconfort… car beaucoup de choses sont restées troubles depuis ce jour redoutable. Et, pour ne pas me sentir seule, il me faut aller contre cette pierre, frapper et dire : “ Maître, je suis ta pauvre Jeanne… Ne me laisse pas seule, toi aussi… ” »

    Jeanne pleure doucement d’un air désolé, pendant qu’Esther, sa nourrice, fait de grands gestes incompréhensibles derrière sa maîtresse en lui mettant son manteau.

    « Je pars, Esther.

    – Que Dieu te soutienne ! »

    Elles sortent du palais pour rejoindre leurs compagnes. C’est à ce moment que se produit le bref et fort tremblement de terre qui jette de nouveau dans la panique les habitants de Jérusalem, encore terrorisés par les événements de vendredi.

    Les trois femmes reviennent précipitamment sur leurs pas, et restent dans le large vestibule, au milieu des servantes et des serviteurs qui crient et invoquent le Seigneur. Elles attendent là, dans la crainte de nouvelles secousses…

    619.4 … Marie-Madeleine, de son côté, se trouve exactement à la limite de la ruelle qui mène au jardin de Joseph d’Arimathie quand elle est surprise par le grondement puissant et pourtant harmonieux de ce signe céleste. Au même instant, dans la lumière à peine rosée de l’aurore qui s’avance dans le ciel où une étoile tenace résiste encore à l’occident, et qui rend blond l’air jusqu’alors vert clair, s’allume une grande lumière qui descend comme si c’était un globe incandescent, splendide, qui coupe en zigzag l’air tranquille.

    Marie de Magdala en est presque effleurée et renversée sur le sol.

    Elle se penche un moment en murmurant : “ Mon Seigneur ! ” puis se redresse comme une fleur après le passage du vent, et s’élance encore plus rapidement vers le jardin.

    Elle y entre en courant, comme un oiseau poursuivi qui cherche son nid, du côté du tombeau taillé dans le roc. Mais malgré sa hâte, elle n’est pas arrivée quand le céleste météore fait office de levier et de flamme sur le sceau de chaux posé pour renforcer la lourde pierre, ni quand celle-ci tombe avec fracas, provoquant une secousse qui s’unit à celle du tremblement de terre ; car celui-ci a beau être bref, il est d’une violence telle qu’il terrasse les gardes comme s’ils étaient morts.

    A son arrivée, Marie-Madeleine voit ces inutiles geôliers du Triomphateur jetés à terre comme une gerbe d’épis fauchés. Elle ne fait pas le rapprochement entre le tremblement de terre et la Résurrection. Mais, à la vue de ce spectacle, elle croit que c’est le châtiment de Dieu sur les profanateurs du tombeau de Jésus, et elle tombe à genoux en disant :

    « Malheur ! Ils l’ont enlevé ! »

    Consternée, elle pleure comme une fillette venue avec la certitude de trouver son père tant recherché, et qui voit au contraire la demeure vide. 619.5 Puis elle se lève et repart en courant prévenir Pierre et Jean. Comme c’est devenu son unique souci, elle ne pense plus à aller à la rencontre de ses compagnes et à s’arrêter sur le chemin. Rapide comme une gazelle, elle refait le trajet en sens contraire, franchit la Porte Judiciaire, vole dans les routes qui commencent à s’animer, s’abat contre le portail de la maison, la frappe et la secoue furieusement.

    La gardienne lui ouvre.

    « Où sont Jean et Pierre ? demande Marie-Madeleine, hors d’haleine.

    – Ici » lui répond la femme en lui indiquant le Cénacle.

    A peine entrée devant les deux apôtres étonnés, elle dit, à voix basse par pitié pour la Mère, mais avec tant d’angoisse que c’est comme si elle criait :

    « Ils ont enlevé le Seigneur du tombeau ! Qui sait où ils l’ont mis ! »

    Pour la première fois elle titube, et pour ne pas tomber, elle se raccroche là où elle peut.

    « Mais comment ? Que dis-tu ? » demandent les deux hommes.

    Et elle, haletante :

    « Je suis allée de l’avant…, pour acheter les gardes… afin qu’ils nous laissent faire. Ils étaient comme morts… Le tombeau est ouvert, la pierre par terre… Qui a pu faire cela ? Oh ! venez ! Courons… »

    Pierre et Jean partent aussitôt. Marie les suit un instant, avant de revenir sur ses pas. Poussée par son amour prévoyant, elle saisit la gardienne de la maison, la secoue avec violence et lui souffle au visage :

    « Garde-toi bien de laisser passer qui que ce soit chez elle (et elle montre la porte de la chambre de Marie). Rappelle-toi que c’est moi qui suis la maîtresse. Obéis et tais-toi. »

    Plantant là la femme épouvantée, elle rejoint les apôtres qui se dirigent à grands pas vers le tombeau…

    619.6 … Pendant ce temps, Suzanne et Salomé, après avoir quitté leurs compagnes et atteint les murs, sont surprises par le tremblement de terre. Effrayées, elles se réfugient sous un arbre et restent là, combattues entre leur grand désir d’aller au tombeau et celui de courir chez Jeanne. Mais l’amour triomphe de la peur, et elles repartent vers le tombeau.

    Encore toutes apeurées, elles pénètrent dans le jardin et voient les gardes évanouis, ainsi qu’une grande lumière qui sort du tombeau ouvert. Cela augmente leur effroi, qui atteint son comble quand, se tenant par la main pour s’encourager mutuellement, elles se présentent sur le seuil et aperçoivent dans l’obscurité de la grotte sépulcrale une créature lumineuse et très belle, qui sourit doucement et les salue de là où elle se tient : appuyée à droite de la pierre de l’onction, dont la grisaille disparaît devant une si incandescente splendeur.

    Elles tombent à genoux, abasourdies.

    Mais l’ange leur parle avec douceur :

    « N’ayez pas peur de moi. Je suis l’ange de la divine Douleur. Je suis venu pour me réjouir de la fin de celle-ci. La souffrance du Christ, son humiliation dans la mort sont terminées. Jésus de Nazareth, le Crucifié que vous cherchez, est ressuscité. Il n’est plus ici ! L’endroit où vous l’avez déposé est vide. Réjouissez-vous avec moi. Allez. Dites à Pierre et aux disciples qu’il est ressuscité et qu’il vous précède en Galilée. Vous le verrez encore là-bas pendant quelque temps, comme il l’a dit. »

    Les femmes tombent visage contre terre, et quand elles le lèvent, elles s’enfuient comme si elles étaient poursuivies par un châtiment. Elles sont terrorisées et murmurent :

    « Nous allons mourir ! Nous avons vu l’ange du Seigneur ! »

    Arrivées en pleine campagne, elles se calment un peu et se concertent. Que faire ? Si elles racontent ce qu’elles ont vu, on ne les croira pas. Si elles disent qu’elles viennent de là, elles peuvent être accusées par les juifs d’avoir tué les gardes. Non. Elles ne peuvent rien dire, ni aux amis ni aux ennemis…

    Craintives, rendues muettes, elles reviennent par un autre chemin à la maison, et se réfugient au Cénacle, sans même demander à voir Marie… Et là, elles s’imaginent que ce qu’elles ont vu est une tromperie du Démon. Humbles comme elles le sont, elles jugent “ qu’il n’est pas possible qu’il leur ait été accordé de voir le messager de Dieu. C’est Satan qui a voulu les épouvanter pour les éloigner de là. ”

    Elles pleurent et prient comme des fillettes effrayées par un cauchemar…

    619.7 … Le troisième groupe, celui de Jeanne, Marie, femme d’Alphée, et Marthe, ne voyant rien venir, se décide à aller là où certainement leurs compagnes les attendent. Elles sortent dans les rues, où des gens apeurés viennent commenter le nouveau tremblement de terre et le rattachent aux événements du vendredi… quand encore ils ne voient pas des choses qui n’existent pas !

    « Il vaut mieux qu’ils soient tous effrayés ! Peut-être les gardiens le seront-ils aussi, de sorte qu’ils ne feront pas d’objection » déclare Marie, femme d’Alphée.

    Et elles se hâtent vers les murs.

    619.8 Mais pendant qu’elles sont en chemin, Pierre et Jean, suivis de Marie-Madeleine, sont déjà arrivés au jardin. Jean, plus rapide, arrive le premier au tombeau. Les gardes n’y sont plus et l’ange non plus.

    Craintif et affligé, Jean s’agenouille sur le seuil ouvert, pour vénérer et recueillir quelque indice. Mais il voit seulement, entassés par terre, les linges posés sur le linceul.

    « Il n’est vraiment pas là, Simon ! Marie a bien vu. Viens, entre, regarde. »

    Pierre, encore tout essoufflé par la course, pénètre dans le tombeau. Il avait dit en route :

    « Je ne vais pas oser m’approcher de cet endroit. »

    Mais maintenant il ne pense qu’à découvrir où peut être le Maître. Il l’appelle aussi, comme s’il pouvait être caché dans quelque sombre recoin.

    L’obscurité, à cette heure matinale, est encore profonde dans le tombeau, qui n’a pour toute lumière que la petite ouverture de la porte, d’ailleurs masquée par Jean et Marie-Madeleine… Pierre a donc du mal à voir et doit s’aider de ses mains pour se diriger… Il touche, en tremblant, la table de l’onction et se rend compte qu’elle est vide…

    « Il n’est pas là, Jean ! Il n’est pas là !… Oh ! Viens toi aussi ! J’ai tant pleuré que je n’y vois guère, avec ce peu de lumière. »

    Jean se relève et entre. Au même moment, Pierre découvre le suaire posé dans un coin, bien plié, avec à l’intérieur le linceul soigneusement roulé.

    « Ils l’ont vraiment enlevé. La présence des gardes, ce n’était pas pour nous rendre service, mais dans ce but-là… Et nous l’avons laissé faire ! En nous éloignant d’ici, nous l’avons permis…

    – Ah ! où l’auront-ils mis ?

    – Pierre, Pierre ! Maintenant.. c’est vraiment fini ! »

    Les deux disciples sortent, anéantis [1].

    « Allons, femme. Tu le diras à la Mère…

    – Moi, je ne m’éloigne pas. Je reste ici… Quelqu’un viendra… Non, moi, je ne vous accompagne pas… Ici, il y a encore quelque chose de lui. Marie avait raison … Respirer l’air où il a été est l’unique soulagement qui nous reste.

    – L’unique soulagement… Maintenant, tu vois bien toi aussi que c’était une folie d’espérer… » dit Pierre.

    Marie ne répond même pas. Elle s’affaisse sur le sol, juste à côté de la porte, et elle pleure pendant que les autres repartent lentement.

    619.9 Puis elle lève la tête et regarde à l’intérieur et, à travers ses larmes, voit deux anges assis à la tête et aux pieds de la pierre de l’onction. La pauvre Marie est tenaillée par un tel combat intérieur entre l’espérance qui meurt et la foi qui ne veut pas mourir, qu’elle les regarde d’un air hébété, sans même s’étonner. Cette femme courageuse qui a résisté héroïquement à tout n’a plus que des larmes.

    « Pourquoi pleures-tu, femme ? » demande l’un des deux enfants lumineux — car ils ont l’aspect de très beaux adolescents.

    – Parce qu’ils ont emporté mon Seigneur, et je ne sais où ils me l’ont mis. »

    Marie n’a pas peur de leur parler, elle ne demande pas : “ Qui êtes-vous ? ” Rien ne l’étonne plus. Tout ce qui peut étonner une créature, elle l’a déjà subi. Elle n’est plus qu’une âme brisée qui pleure sans force ni retenue.

    L’ange tourne les yeux vers son compagnon en souriant, et l’autre fait de même. Et avec un éclair de joie angélique, tous deux regardent en direction du jardin, tout fleuri, maintenant que des millions de corolles se sont ouvertes au premier soleil sur les frondaisons touffues de la pommeraie.

619.10 Marie se retourne pour suivre leur regard, et elle voit un homme très beau. J’ignore comment elle peut ne pas l’identifier tout de suite.

Cet homme la regarde avec pitié et lui demande :

« Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? »

Il est vrai que c’est un Jésus assombri par sa pitié pour une créature que trop d’émotions ont épuisée et qu’une joie imprévue pourrait faire mourir, mais je me demande vraiment pourquoi elle ne le reconnaît pas.

Alors Marie dit au milieu de ses sanglots :

« Ils m’ont pris le Seigneur Jésus ! J’étais venue l’embaumer en attendant sa résurrection… J’ai rassemblé tout mon courage, mon espérance et ma foi, autour de mon amour… et maintenant je ne le trouve plus… J’ai même mis mon amour comme un garde-fou autour de ma foi, de mon espérance et de mon courage, pour les défendre des hommes… Mais tout est inutile ! Les hommes ont enlevé mon Amour, et avec lui ils m’ont tout enlevé… Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le chercher… Je ne le dirai à personne… Ce sera un secret entre toi et moi. Regarde : je suis la fille de Théophile, la sœur de Lazare, mais je reste à genoux devant toi, à te supplier comme une esclave. Veux-tu que je t’achète son corps ? Je le ferai. Combien veux-tu ? Je suis riche. Je peux te donner son poids en or et en bijoux. Mais rends-le-moi. Je ne te dénoncerai pas. Veux-tu me frapper ? Fais-le, jusqu’au sang si tu veux. Si tu as de la haine pour lui, fais-la-moi payer. Mais rends-le-moi. Oh ! ne m’appauvris pas de cette misère ! Pitié pour une pauvre femme !… Tu le refuses pour moi ? Fais-le pour sa Mère, alors. Dis-moi où est mon Seigneur Jésus. Je suis forte. Je le prendrai dans mes bras et je le porterai comme un enfant dans un lieu sûr. Tu le vois, depuis trois jours nous sommes frappés par la colère de Dieu à cause de ce qu’on a fait au Fils de Dieu… N’ajoute pas la profanation au crime…

– Marie ! »

Jésus rayonne, en l’appelant. Il se dévoile dans sa splendeur triomphante.

« Rabbouni ! »

Le cri de Marie est vraiment “ le grand cri ” qui ferme le cycle de la mort. Avec le premier, les ténèbres de la haine enveloppèrent la Victime des bandes funèbres, avec le second les lumières de l’amour accrurent sa splendeur.

Et Marie se lève au cri qui emplit le jardin, court aux pieds de Jésus, et voudrait les baiser.

Jésus l’écarte en la touchant à peine du bout des doigts sur le front :

« Ne me touche pas ! Je ne suis pas encore monté vers mon Père avec ce vêtement. Va trouver mes frères et mes amis, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Plus tard, je viendrai à eux. »

Absorbé par une lumière insoutenable, Jésus disparaît alors.

619.11 Marie baise le sol où il se trouvait et court vers la maison. Elle entre comme une fusée, car le portail est entrouvert pour livrer passage au gardien qui sort pour aller à la fontaine ; elle ouvre la porte de la chambre de Marie et s’abandonne sur son cœur en s’écriant :

« Il est ressuscité ! Il est ressuscité ! »

Elle en pleure de bonheur.

Pierre et Jean accourent ; Salomé et Suzanne, toujours apeurées, sortent du Cénacle et écoutent son récit, tandis que Marie, femme d’Alphée, Marthe et Jeanne, le souffle court, révèlent “ qu’elles y sont allées elles aussi et qu’elles ont vu deux anges qui se disaient le gardien de l’Homme-Dieu et l’ange de sa Douleur, et qu’ils ont donné l’ordre d’annoncer aux disciples qu’il était ressuscité. ”

Et comme Pierre hoche la tête, elles insistent :

« Oui. Ils ont dit : “ Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici. Il est ressuscité comme il l’avait dit quand il était encore en Galilée. Ne vous le rappelez-vous pas ? Il l’a prédit : ‘ Le Fils de l’homme doit être livré aux mains des pécheurs et être crucifié, mais le troisième jour il ressuscitera. ’ ” »

Mais Pierre continue à hocher la tête :

« Il s’est passé trop de choses, ces derniers jours ! Cela vous aura troublées. »

Marie-Madeleine lève la tête du sein de Marie, et elle précise :

« Je l’ai vu, je lui ai parlé. Il m’a dit qu’il montait vers le Père et qu’il viendrait ensuite. Comme il était beau ! »

Elle pleure comme elle n’a jamais pleuré, maintenant qu’elle n’a plus à se torturer pour s’opposer au doute qui surgit de tous côtés.

Mais Pierre, et même Jean, restent très hésitants. Ils se regardent, mais leurs yeux se disent : “ Fariboles de femmes ! ”

Alors Suzanne et Salomé osent prendre la parole à leur tour, mais l’inévitable différence dans les détails des gardes qui d’abord sont là comme morts et ensuite ne sont plus là, des anges qui tantôt sont un et tantôt deux et qui ne se sont pas montrés aux apôtres, des deux versions sur la venue de Jésus ici et sur le fait qu’il précède les siens en Galilée, renforce le doute. La conviction des apôtres s’accroît même.

619.12 Marie, la Mère bienheureuse, se tait en soutenant Marie-Madeleine… Je ne comprends pas le mystère de ce silence maternel.

Marie, femme d’Alphée, dit à Salomé :

« Retournons-y toutes les deux. Voyons si nous sommes toutes ivres… »

Et elles sortent en courant.

Les autres restent, paisiblement ridiculisées par les deux apôtres, auprès de Marie qui se tait, absorbée dans une pensée que chacun interprète à sa façon et sans que personne comprenne qu’elle est en extase.

Les deux vieilles femmes reviennent :

« C’est vrai ! C’est vrai ! Nous l’avons vu. Il nous a dit, près du jardin de Barnabé : “ Paix à vous. N’ayez pas peur. Allez dire à mes frères que je suis ressuscité et qu’ils doivent se rendre, d’ici quelques jours, en Galilée. Là-bas, nous serons réunis. ” Ce sont ses propres mots. Marie a raison. Il faut l’annoncer à ceux de Béthanie, à Joseph, à Nicodème, aux disciples les plus fidèles, aux bergers, aller, agir, agir… Oh ! il est ressuscité !… »

Toutes pleurent de bonheur.

« Vous êtes folles, femmes » dit Pierre. « La douleur vous aura troublées. Vous avez pris de la lumière pour un ange, le vent pour une voix, le soleil pour le Christ. Je ne vous critique pas, je vous comprends, mais je ne peux croire qu’à ce que j’ai vu : le tombeau ouvert et vide, et les gardes partis avec le corps volatilisé.

– Mais puisque les gardes eux-mêmes annoncent qu’il est ressuscité ! La ville est en émoi et les princes des prêtres sont fous de colère, parce qu’ils ont parlé pendant leur fuite éperdue ! Ils exigent maintenant que ces soldats reviennent sur leurs propos, et ils les paient pour cela. Mais l’événement se sait déjà, et si les juifs ne croient pas à la Résurrection, ne veulent pas croire, beaucoup d’autres croient…

– Hum ! Les femmes !… »

Pierre hausse les épaules, il est sur le point de prendre la porte.

619.13 Alors Marie, qui tient toujours sur son cœur Marie-Madeleine qui pleure comme un saule sous une averse à cause de sa trop grande joie et qui baise ses cheveux blonds, lève son visage transfiguré et dit une courte phrase :

« Il est réellement ressuscité [2]. Je l’ai tenu dans mes bras et j’ai baisé ses plaies. » Puis elle se penche sur les cheveux de cette passionnée qu’est Marie-Madeleine, et elle ajoute : « Oui, la joie est encore plus forte que la douleur. Mais ce n’est qu’un grain de sable par rapport à ce que sera ton océan de joie éternelle. Heureuse es-tu d’avoir fait parler ton esprit sans tenir compte de la raison. »

Pierre n’ose plus nier… et avec un de ces mouvements du Pierre d’autrefois qui revient affleurer, il s’écrie, comme si c’était des autres et non pas de lui que dépendait le retard :

« Mais alors, s’il en est ainsi, il faut le faire savoir aux autres, à ceux qui sont dispersés dans les campagnes… chercher… agir… Allons, remuez-vous. S’il devait vraiment venir, qu’il nous trouve, au moins. »

Il ne se rend même pas compte que, par ces mots, il reconnaît ne pas encore croire aveuglément à la Résurrection.




[1] Cette attitude semble en contradiction avec l’Évangile dans lequel Jean affirme qu’il vit et qu’il crut (Jean 20,Cool. Cette apparente contradiction trouve sa réponse dans une catéchèse du 30 juillet 1946. Ainsi l’anéantissement des deux apôtres n’est pas le même : pour Pierre le rapt du corps achève la déroute dont il se sent coupable. Pour Jean la résurrection signe la séparation définitive d’avec le Christ qui est remonté vers son Père comme il l’avait annoncé (Jean 13,33 et Jean 14,3). Jean ne sait pas encore qu’il le reverra vraiment vivant (Jean 14,19). Il interprète la promesse de retrouvaille comme l’annonce de la félicité future en Paradis. Dans ces conditions, partager sa conviction que Jésus est ressuscité ne lui semble pas essentiel.

[2] Cette phrase rappelle le répond orthodoxe de la semaine de Pâques : "Il est vraiment ressuscité". Cet usage a été repris, ces dernières années, dans l’Église catholique : "Christ est ressuscité !" – "Il est vraiment ressuscité !". Il prend ici la puissance d’affirmation d’une réalité face au doute.



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-005.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/les-femmes-au-tombeau-vide.html
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/apparition-a-marie-madeleine.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 22 Juil - 21:35

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

620. Considérations sur la Résurrection

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 6
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 620

Catéchèse du lundi 21 février 1944.


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 620.1 Jésus dit :

    « Les prières ardentes de Marie ont anticipé de quelque temps ma Résurrection.

    J’avais dit : “ Le Fils de l’homme va être tué, mais il ressuscitera le troisième jour. ” Je suis mort vendredi, à trois heures de l’après-midi. Que vous comptiez les jours par leur nom, ou que vous calculiez en nombre d’heures, ce n’était pas l’aube du dimanche qui devait me voir ressusciter. Mon corps est resté sans vie trente-huit heures seulement, au lieu de soixante-douze. Et, pour ce qui est des jours, je devais au moins arriver au dimanche soir pour dire que j’étais resté trois jours dans la tombe.

    Mais Marie a anticipé le miracle. De la même manière que, par sa prière, elle a ouvert les Cieux quelques années avant l’époque fixée pour apporter au monde son salut, elle a obtenu d’anticiper de quelques heures ma résurrection pour que je puisse procurer quelque réconfort à son cœur défaillant.

    620.2 Au début de l’aube du troisième jour, je suis donc descendu comme le soleil et par ma splendeur j’ai brisé les sceaux des hommes, tellement dérisoires devant la puissance de Dieu. J’ai fait levier de ma force pour renverser la pierre gardée en vain, et de mon apparition j’ai fait la foudre qui a terrassé les soldats inutilement placés là pour garder une mort qui était Vie, que nulle force humaine ne pouvait empêcher d’être telle.

    Bien plus puissant que votre courant électrique, mon Esprit est entré comme une épée de feu divin pour réchauffer la froide dépouille de mon cadavre ; l’Esprit de Dieu a insufflé la vie au nouvel Adam, en se disant à lui-même : “ Vis. Je le veux. ”

    Moi qui avais ressuscité les morts quand je n’étais que le Fils de l’homme, la Victime désignée pour porter les fautes du monde, ne devais-je pas pouvoir me ressusciter moi-même maintenant que j’étais le Fils de Dieu, le Premier et le Dernier, le Vivant éternel, celui qui tient dans ses mains les clés de la vie et de la mort ? Et mon corps a senti la vie revenir en lui.

    Regarde : tout comme un homme qui s’éveille après un sommeil dû à une extrême fatigue, je respire profondément, mais n’ouvre pas encore les yeux. Le sang recommence lentement à circuler dans les veines, et il ramène la pensée à l’esprit. Mais je viens de si loin ! Regarde : comme dans le cas d’un blessé guéri par une puissance miraculeuse, le sang se remet à couler dans les veines exsangues, remplit le cœur, réchauffe les membres ; alors les blessures se cicatrisent, les bleus et les blessures disparaissent, la force me revient. Mais j’étais tellement blessé ! Voilà : la Force agit. Je suis guéri. Je m’éveille. Je suis revenu à la vie. J’étais mort. Maintenant, je vis ! Maintenant, je ressuscite !

    J’écarte les linges de mort, je jette l’enveloppe des onguents. Je n’ai pas besoin d’eux pour apparaître comme la Beauté éternelle, l’éternelle Intégrité. Je porte un vêtement qui n’est pas de cette terre, mais tissé par mon Père, lui qui a aussi tissé la soie des lys virginaux. Je suis revêtu de splendeur. Je suis orné de mes plaies qui ne suintent plus du sang, mais dégagent de la lumière. Cette lumière qui sera la joie de ma Mère, celle des bienheureux, et la vue insoutenable des maudits et des démons sur la terre et au dernier jour.

    620.3 L’ange de ma vie d’homme et l’ange de ma douleur sont prosternés devant moi et adorent ma gloire. Mes deux anges gardiens sont présents, l’un pour se réjouir à la vue de Celui sur lequel il a veillé et qui maintenant n’a plus besoin de défense angélique, et l’autre, qui a vu mes larmes pour voir mon sourire, qui a vu mon combat pour voir ma victoire, qui a vu ma douleur pour voir ma joie.

    620.4 Je sors alors dans le jardin plein de boutons de fleurs et de rosée. Les pommiers ouvrent leurs corolles pour former un arc fleuri au-dessus de ma tête de Roi, et les plantes font un tapis de joyaux et de corolles à mes pieds, qui reviennent fouler la terre rachetée après que j’ai été élevé au-dessus d’elle. Je reçois la salutation du premier soleil, d’une douce brise d’avril, d’un léger nuage qui passe, rose comme la joue d’un enfant, et des oiseaux dans les feuillages. Je suis leur Dieu. Ils m’adorent.

    Je passe au milieu des gardes évanouis, symbole des âmes en faute mortelle qui ne remarquent pas le passage de Dieu.

    C’est Pâques, Maria ! C’est bien le “ passage de l’Ange de Dieu ” [1] ! Son passage de la mort à la vie, son passage pour donner la Vie à ceux qui croient en son nom. C’est Pâques! C’est la Paix qui passe dans le monde, une paix qui n’est plus voilée par la condition humaine, mais qui est libre, complète puisque le pouvoir de Dieu lui est rendu.

    620.5 Je vais ensuite trouver ma Mère. Il est bien juste que je me rende auprès d’elle : ce qui l’était pour mes anges gardiens doit l’être bien plus pour celle qui, en plus d’être ma gardienne et mon réconfort, m’a donné la vie. Avant même de revenir vers mon Père dans mon vêtement d’homme glorifié, je vais voir ma Mère. J’y vais dans la splendeur de mon vêtement paradisiaque et de mes joyaux vivants. Il lui est possible, à elle, de me toucher, de m’embrasser, car elle est la Pure, la Belle, l’Aimée, la Bénie, la Sainte de Dieu.

    Le nouvel Adam va trouver la nouvelle Eve. Le mal est entré dans le monde par la femme et c’est par la Femme qu’il a été vaincu. Le Fruit de la Femme a désintoxiqué les hommes de la bave de Lucifer. Désormais, s’ils le veulent, ils peuvent être sauvés. Elle a sauvé la femme restée si fragile après la blessure mortelle.

    620.6 Après m’être rendu auprès de la Toute-Pure — il était juste que son Fils-Dieu commence par elle, en vertu de son droit de sainteté et de maternité —, je me présente à la femme rachetée, Marie-Madeleine. Telle un chef de file, elle représente toutes les créatures féminines que je suis venu délivrer de la morsure de la luxure, pour qu’elle dise à celles qui viennent à moi pour guérir, d’avoir foi en moi, de croire en ma miséricorde qui comprend et pardonne, de regarder ma chair ornée des cinq plaies pour vaincre Satan qui fouille leur chair.

    Je ne me laisse pas toucher par elle. Elle n’est pas la Pure qui peut toucher sans le contaminer le Fils qui revient au Père. Elle a encore beaucoup à purifier par la pénitence, mais son amour mérite cette récompense. Elle a su ressusciter par sa volonté du tombeau de ses vices, étrangler Satan qui la possédait, défier le monde par amour pour son Sauveur, elle a su se dépouiller de tout ce qui n’est pas amour, elle a su n’être plus que l’amour qui se consume pour son Dieu.

    Et Dieu l’appelle : “ Marie ! ” Entends-la répondre : “ Rabbouni ! ” C’est un vrai cri du cœur. C’est à elle, qui l’a mérité, que je donne la charge d’être la messagère de la Résurrection. Une nouvelle fois, elle sera méprisée comme si elle avait déliré. Mais aucun jugement des hommes ne compte aux yeux de Marie de Magdala, de Marie de Jésus. Elle m’a vu ressuscité, et cela lui donne une joie qui apaise tout autre sentiment.

    Vois-tu combien j’aime toute personne qui a été coupable, mais a voulu sortir de sa faute ? Ce n’est même pas à Jean d’abord que je me montre, mais à Marie-Madeleine. J’avais déjà accordé à Jean la qualité de fils. Il la méritait, car il était pur et il pouvait être pour la Toute-Pure de Dieu non seulement un fils spirituel, mais aussi celui qui pourvoit aux nécessités de la chair et y apporte ses soins.

    Marie-Madeleine, celle qui est ressuscitée à la grâce, a la première vision de la Grâce ressuscitée.

    620.7 Quand vous m’aimez jusqu’à tout vaincre pour moi, je prends votre tête et votre cœur malades dans mes mains transpercées, et je vous souffle au visage ma puissance. Et je vous sauve, je vous sauve, mes enfants que j’aime. Vous redevenez beaux, en bonne santé, libres, heureux. Vous redevenez les enfants bien-aimés du Seigneur. Je fais de vous des porteurs de ma bonté parmi les pauvres hommes, les témoins de ma bonté à leur égard, pour les en persuader.

    Surtout, ayez foi en moi. Vivez dans l’amour. Ne craignez rien. Que tout ce que j’ai souffert pour vous sauver vous donne l’assurance d’être aimés de votre Dieu.

    620.8 Quant à toi, petit Jean, souris après avoir pleuré. Ton Jésus ne souffre plus. Il n’y a plus ni sang ni blessures, mais de la lumière, de la lumière, de la lumière, et la joie et la gloire. Que ma joie et ma lumière soient en toi, jusqu’à ce que vienne l’heure du Ciel. »




[1] Exode 12.11.



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-006.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/considerations-sur-la-resurrection.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Ven 23 Juil - 19:26

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

621. Apparition à Lazare

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 7
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 621

Le mardi 3 avril 1945.
(Mardi de Pâques).


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 Apparition à Lazare [1]

    621.1 Le soleil d’une sereine matinée d’avril emplit de scintillements les bosquets de roses et de jasmins du jardin de Lazare. Les haies de buis et de lauriers, le feuillage d’un grand palmier qui ondule à l’extrémité d’une allée, le laurier très touffu près du vivier semblent lavés par une main mystérieuse tant l’abondance de la rosée nocturne en a baigné et constellé les feuilles, qui maintenant paraissent couvertes d’un émail nouveau tant elles sont luisantes et nettes.

    Mais la maison est silencieuse comme si tout le monde était mort. Les fenêtres sont ouvertes, mais pas une voix, pas un bruit ne monte des pièces ; celles-ci, d’ailleurs, sont dans la pénombre car tous les rideaux sont baissés.

    A l’intérieur, au-delà du vestibule dans lequel il y a de nombreuses portes toutes ouvertes — qu’il est étrange de voir sans aucun apparat les salles qui servent habituellement pour les banquets plus ou moins nombreux ! — se trouve une large cour pavée, entourée d’un portique couvert de sièges. De nombreux disciples y ont pris place, d’autres sont assis sur le sol, sur des nattes ou même sur le marbre. Je distingue les apôtres Matthieu, André, Barthélemy, les frères Jacques et Jude, Jacques, fils de Zébédée, les bergers avec Manahen, et d’autres encore que je ne connais pas. Je ne vois pas Simon le Zélote, ni Lazare, ni Maximin.

    Finalement, ce dernier entre avec des serviteurs, et il distribue à tous du pain et divers aliments : des olives ou du fromage, du miel ou encore du lait frais pour ceux qui en désirent. Mais ils n’ont guère d’appétit, bien que Maximin les invite à manger. Leur accablement est profond. En quelques jours, les visages se sont creusés, sont devenus terreux et rougis par les larmes. Les apôtres en particulier, et ceux qui se sont enfuis dès les premières heures, ont un air humilié, alors que les bergers et Manahen paraissent moins accablés ou plutôt moins honteux ; quant à Maximin, il est virilement affligé.

    621.2 Simon le Zélote entre presque en courant, et il demande :

    « Lazare est-il ici ?

    – Non, il est dans sa chambre. Que veux-tu ?

    – Au bout du sentier, près de la fontaine du Soleil, se trouve Philippe. Il vient de la plaine de Jéricho. Il est épuisé. Il ne veut pas s’approcher parce que… comme tous, il se sent pécheur. Mais Lazare le persuadera. »

    Barthélemy se lève :

    « Je viens, moi aussi… »

    Ils vont appeler Lazare, qui sort avec un visage déchiré de la pièce à demi-obscure, où il a sûrement pleuré et prié.

    Ils sortent tous et traversent d’abord le jardin, puis la partie du village du côté qui mène vers les pentes du mont des Oliviers. Une fois qu’ils en ont atteint l’extrémité, à la fin du plateau sur lequel il est édifié, ils continuent par le chemin de montagne qui s’élève et descend par des marches naturelles à travers les monts. Ceux-ci s’inclinent en pente douce vers la plaine à l’est, et s’élèvent vers la ville de Jérusalem, à l’ouest.

    Il y a là une fontaine avec un large bassin où hommes et troupeaux se désaltèrent certainement. L’endroit, à cette heure, est solitaire et frais. Des arbres touffus ombragent le bassin, rempli d’une eau pure qui descend d’une source de montagne, ne cesse de se renouveler et déborde en gardant le sol humide.

    621.3 Philippe est assis sur le bord le plus élevé de la fontaine, tête basse, ébouriffé, poussiéreux, avec des sandales trouées qui pendent de son pied écorché.

    Lazare l’appelle avec pitié :

    « Philippe, viens près de moi ! Aimons-nous par amour pour Jésus. Soyons unis en son nom. C’est encore l’aimer que de faire cela !

    – Oh ! Lazare ! Lazare ! Je me suis enfui… et hier, après avoir passé Jéricho, j’ai appris qu’il était mort !… Je… je ne puis me pardonner de l’avoir abandonné…

    – Tous, nous avons fui, sauf Jean qui lui est resté fidèle, et Simon qui nous a rassemblés sur son ordre après notre lâche fuite. Et puis… aucun de nous n’a été fidèle, dit Barthélemy.

    – Et tu peux te le pardonner ?

    – Non. Mais je pense réparer comme je le peux, en ne tombant pas dans un abattement stérile. Nous devons nous unir entre nous et nous unir à Jean, connaître les dernières heures de Jésus. Jean l’a toujours suivi, répond Barthélemy.

    – Et ne pas laisser mourir sa Doctrine. Il faut l’annoncer au monde, la garder vivante, elle au moins, puisque nous n’avons pas su pourvoir à temps pour sauver Jésus de ses ennemis, intervient Simon.

    – Vous n’auriez pas pu le sauver. Rien ne le pouvait. C’est lui qui me l’a dit. Je le répète, déclare Lazare avec assurance.

    – Tu le savais, Lazare ? demande Philippe.

    – Oui. Cela a été pour moi une torture d’être au courant de sa mort, dès le soir du sabbat, et de savoir, dans les détails, comment nous allions réagir… »

    Barthélemy l’interrompt vivement :

    « Non, pas toi. Tu as seulement obéi et souffert. Nous, nous avons agi lâchement. Simon et toi, vous avez été sacrifiés à l’obéissance.

    – Oui. A l’obéissance. Ah ! comme il est dur de résister à l’amour pour obéir à l’Aimé ! 621.4 Viens, Philippe. Presque tous les disciples sont chez moi. Viens, toi aussi.

    – J’ai honte de paraître devant le monde, devant mes compagnons…

    – Nous sommes tous pareils ! gémit Barthélemy.

    – Oui. Mais moi, j’ai un cœur qui ne se pardonne pas.

    – C’est de l’orgueil, Philippe. Viens. Il m’a dit, le soir du sabbat : “ Ils auront du mal à se pardonner. Dis-leur que, moi, je leur pardonne, car je sais qu’ils n’ont pas agi librement, mais que Satan les a dévoyés. ” Viens. »

    Philippe redouble de larmes, mais il cède. Courbé comme s’il était devenu vieux en quelques jours, il marche à côté de Lazare jusqu’à la cour où tous l’attendent. Le regard qu’il échange avec ses compagnons est l’aveu le plus clair de leur accablement total.

    621.5 Lazare le remarque et s’adresse à eux :

    « Une nouvelle brebis du troupeau du Christ, effrayée par la venue des loups et en fuite après la capture du Berger, a été recueillie par son ami. Puisqu’elle était égarée et a connu l’amertume d’être seule, sans avoir le réconfort de pleurer la même erreur parmi des frères, je répète le testament d’amour de Jésus.

    Je le jure en présence des chœurs célestes, il m’a confié bien des choses que votre faiblesse humaine présente ne peut supporter car, vraiment, elles sont d’une tristesse qui me déchire le cœur depuis dix jours et, si je ne savais pas que ma vie sert à mon Seigneur, aussi pauvre et imparfaite qu’elle soit, je m’abandonnerais à la blessure de cette douleur d’ami et de disciple qui a tout perdu en le perdant, lui. Il m’a dit notamment : “ Les miasmes putrides de Jérusalem corrompue rendront fous mes disciples eux-mêmes. Ils fuiront et iront chez toi. ” Vous voyez que, effectivement, c’est ce que vous avez fait, tous pourrais-je dire, car hormis Simon-Pierre et Judas, vous êtes tous venus chez moi pour vous tourner vers mon cœur d’ami. Il m’a encore enjoint ceci : “ Tu les rassembleras. Tu rendras courage à mes brebis dispersées. Tu leur diras que je leur pardonne. Je te confie mon pardon pour eux. Ils ne s’accorderont aucune paix à cause de leur fuite. Recommande-leur de ne pas tomber dans un plus grand péché, celui de désespérer de mon pardon. ”

    Voilà ce qu’il a dit. Et moi, c’est en son nom que je vous ai transmis son pardon. Et j’ai rougi de vous donner en son nom cette action si sainte, si sienne, qu’est le pardon, c’est-à-dire l’amour parfait, car aime parfaitement celui qui pardonne au coupable. Ce ministère a réconforté ma dure obéissance… Car j’aurais voulu être présent, comme Marie et Marthe, mes douces sœurs. Et si Jésus a été crucifié sur le Golgotha par les hommes, moi ici, je vous le jure, je suis crucifié par l’obéissance. C’est un martyre bien déchirant. Mais s’il sert à réconforter son Esprit, si cela sert à sauver ses disciples jusqu’au moment où il les réunira pour les perfectionner dans leur foi, alors j’immole une fois encore mon désir d’aller au moins vénérer sa dépouille avant que le troisième jour ne s’achève.

    621.6 Je sais que vous doutez. Vous ne le devez pas. Moi, je ne connais pas ses paroles du banquet pascal autrement que par ce que vous m’en avez relaté. Mais plus j’y pense, plus j’élève un par un ces diamants de ses vérités, et plus je sens qu’elles se rapportent au futur immédiat. Il ne peut avoir dit : “ Je vais au Père, puis je reviendrai ”, s’il ne devait pas vraiment revenir. Il ne peut avoir dit : “ Quand vous me reverrez, vous serez remplis de joie ”, s’il avait disparu pour toujours. Il a toujours annoncé : “ Je ressusciterai. ” Vous m’avez rapporté ces mots : “ Sur les semences jetées en vous va tomber une rosée qui les fera toutes germer, puis viendra le Paraclet qui les fera devenir des arbres puissants. ” N’a-t-il pas parlé ainsi ? Ah ! veillez à ce que cela n’arrive pas uniquement pour le dernier de ses disciples, pour le pauvre Lazare qui a bien rarement pu profiter de sa présence ! Préparez-vous pour que, à son retour, il trouve germées ses semences sous la rosée de son sang.

    Je sens en moi un éclatement de lumière, un jaillissement de forces depuis cette heure terrible où il est monté sur la croix. Tout s’illumine, tout naît, tout pousse. Il n’est pas, à mes yeux, de mot qui se borne à son seul sens humain. Mais tout ce que j’ai entendu par lui ou de lui prend vie, et réellement ma lande aride se change en un fertile parterre où chaque fleur porte le nom de Jésus et où tout suc tire la vie de son cœur béni.

    Moi, je crois, ô Christ ! Mais pour que ceux-ci croient en toi, en toutes tes promesses, en ton pardon, en tout ce qui est toi, je t’offre ma vie. Consume-la, mais fais que ta Doctrine ne meure pas ! Brise le pauvre Lazare, mais rassemble les membres dispersés du noyau apostolique. Tout ce que tu veux, mais en échange que soit vivante et éternelle ta Parole, et qu’à elle, maintenant et toujours, viennent ceux qui ne peuvent obtenir que de toi la vie éternelle. »

    621.7 Lazare est réellement inspiré. Ses transports d’amour l’élèvent si haut qu’il entraîne ses compagnons. On l’appelle à droite, on l’appelle à gauche, comme si c’était un confesseur, un médecin, un père…

    La cour de la riche maison de Lazare, je ne sais pourquoi, me fait penser à la demeure des patriciens chrétiens en temps de persécution et de foi héroïque…

    Il est penché sur Jude, qui ne parvient pas à trouver une raison suffisante pour calmer son angoisse d’avoir abandonné son Maître et cousin, quand quelque chose le fait se redresser brusquement. Il se retourne en regardant autour de lui, puis il dit nettement :

    « Je viens, Seigneur. »

    Ce sont ces mots de prompte adhésion de toujours. Et il sort en courant comme s’il suivait quelqu’un qui l’appelle et le précède.

    Tous se regardent avec étonnement et s’interrogent.

    « Qu’aura-t-il vu ?

    – Mais il n’y a rien !

    – As-tu entendu une voix, toi ?

    – Moi, non.

    – Et moi non plus.

    – Alors ? Lazare serait-il malade de nouveau ?

    – Peut-être… Il a souffert plus que nous, et il nous a donné tant de force à nous, les lâches ! Peut-être que le voilà maintenant pris de délire.

    – En effet, son visage est très altéré.

    – Et son regard était ardent pendant qu’il nous parlait.

    – Serait-ce Jésus qui l’a appelé au Ciel ?

    – Effectivement, Lazare lui a offert sa vie tout à l’heure… Il l’a aussitôt cueilli comme une fleur… Ah ! malheureux que nous sommes ! Qu’allons-nous devenir ? »

    Les commentaires sont disparates et douloureux.

    621.8 Lazare traverse le vestibule, sort dans le jardin sans cesser de courir, souriant, murmurant, et c’est son âme qui parle :

    « Je viens, Seigneur. »

    Il arrive à un bosquet de buis qui forme un asile vert, nous dirions un pavillon vert, et il tombe à genoux, le visage sur le sol, en s’écriant :

    « Oh ! mon Seigneur ! »

    Car Jésus, dans sa beauté de Ressuscité, est sur le bord de ce coin de verdure, il lui sourit et lui dit :

    « Tout est accompli, Lazare. Je suis venu te remercier, mon fidèle ami. Je suis venu te demander de dire à mes frères de se rendre immédiatement à la maison de la Cène. Quant à toi — fais encore cet autre sacrifice, mon ami, par amour pour moi —, restes ici pour le moment… Je sais que tu en souffres, mais je te sais généreux. Marie, ta sœur, est déjà consolée, car je l’ai vue et elle m’a vu.

    – Tu ne souffres plus, Seigneur. Et cela me dédommage de tous les sacrifices. J’ai… souffert de te savoir dans la douleur… et de ne pas être là…

    – Oh si, tu étais présent ! Ton esprit était au pied de ma croix et dans l’obscurité de mon tombeau. Tu m’as appelé plus tôt des profondeurs où je me trouvais, comme tous ceux qui m’ont aimé de tout leur cœur. Je viens à l’instant de te dire : “ Viens, Lazare ”, comme au jour de ta résurrection. Mais toi, depuis de longues heures, tu me disais : “ Viens. ” Je suis venu, et je t’ai appelé pour te tirer, à mon tour, du fond de ta douleur. Va ! Paix et bénédiction à toi, Lazare ! Continue à croître dans mon amour. Je reviendrai. »

    621.9 Lazare est toujours resté à genoux sans oser faire un geste. La majesté du Seigneur, bien que tempérée par l’amour, est telle qu’elle paralyse la manière d’agir habituelle de Lazare.

    Mais Jésus, avant de disparaître dans un tourbillon de lumière qui l’absorbe, fait un pas et effleure de sa main le front de son fidèle ami.

    C’est alors que Lazare sort de sa stupeur bienheureuse. Il se lève et court précipitamment vers ses compagnons, avec une clarté de joie dans les yeux et une lueur sur le front effleuré par le Christ. Il crie :

    « Il est ressuscité, frères ! Il m’a appelé. J’y suis allé et je l’ai vu. Il m’a parlé. Il m’a demandé de vous dire de vous rendre immédiatement à la maison de la Cène. Dépêchez-vous ! Partez ! Moi, je reste, car c’est sa volonté. Mais ma joie est complète… »

    Lazare pleure de joie tout en pressant les apôtres de se mettre en route.

    « Allez ! Allez ! Il veut vous voir ! Il vous aime ! N’ayez pas peur de lui… Il est plus que jamais le Seigneur, la bonté, l’amour ! »

    Les disciples se lèvent, Béthanie se vide. Il reste Lazare avec son grand cœur consolé…
 




[1] Apparition… En ce qui concerne les apparitions dont l’Évangile ne fait pas mention - c’est‑à‑dire autres que celles aux disciples d’Emmaüs et aux apôtres - Maria Valtorta note sur une copie dactylographiée, en renvoyant à Jean 20,30‑31 : Les Pères et les Docteurs de l’Église, au rang desquels saint Augustin, assurent qu’elles furent nombreuses.



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-007.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/apparition-a-lazare.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 25 Juil - 21:01

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

622. Apparition à Jeanne, femme de Kouza

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 8
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 622

Le mercredi 4 avril 1945.
(Mercredi de Pâques).


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 

    622.1 Dans une riche pièce où la lumière de l’extérieur filtre à peine, Jeanne pleure dans un total abandon sur un siège près d’un lit bas, couvert de splendides couvertures. Un bras appuyé sur le bord du lit et le front posé sur son bras, elle est secouée de sanglots qui doivent lui rompre la poitrine. Essoufflée, elle lève un moment la tête pour respirer, laissant voir une large tache humide sur la couverture précieuse ; son visage est littéralement inondé de larmes. Puis elle le penche de nouveau sur son bras, et on ne voit plus d’elle que son cou, fin et très blanc, la masse de ses cheveux bruns, ses épaules et le sommet du tronc très élancés. Le reste se perd dans la pénombre qui fait disparaître son corps, enveloppé dans un vêtement violet foncé.

    Sans déplacer le rideau ni entrouvrir la porte, Jésus entre et s’approche d’elle sans bruit. Il lui effleure les cheveux de sa main et demande dans un murmure :

    « Pourquoi pleures-tu, Jeanne ?»

    Jeanne doit croire que c’est son ange gardien qui l’interroge, et elle ne voit rien, car elle ne lève pas la tête du bord du lit. Dans un sanglot encore plus désolé, elle confie son tourment :

    « Parce que je n’ai même plus le tombeau du Seigneur pour aller verser mes larmes et n’être pas seule…

    – Mais il est ressuscité. N’en es-tu pas heureuse ?

    – Oh si ! Mais toutes l’ont vu, excepté Marthe et moi. Marthe le verra sûrement à Béthanie… car là, c’est une maison amie. Mais la mienne… la mienne n’est plus une maison amie… J’ai tout perdu avec sa Passion : mon Maître, l’amour de mon mari… et même son âme… car il ne croit pas… il ne croit pas… et se gausse de moi… Il va jusqu’à m’imposer de ne plus même vénérer la mémoire de mon Sauveur, pour ne pas lui porter tort, à lui… Pour lui, l’intérêt humain est plus important… Moi… moi… je ne sais pas si je continue à l’aimer ou si j’éprouve pour lui du dégoût. Je ne sais s’il me faut lui obéir comme épouse ou lui désobéir, comme mon âme le souhaiterait, à cause du lien sponsal de mon esprit avec le Christ à qui je reste fidèle… Je voudrais tant savoir… Et qui pourrait me conseiller, si la pauvre Jeanne ne peut plus le rejoindre ? Pour mon Seigneur, la Passion est finie… mais pour moi, elle a commencé vendredi, et elle continue… Oh ! moi je suis si faible, je n’ai pas la force de porter cette croix !…

    – Mais si lui t’aidait, voudrais-tu la porter pour lui ?

    – Oh oui ! Pourvu qu’il m’aide… Il sait, lui, comme il est rude de porter seul sa croix… Ah ! pitié de mon malheur !

    – Oui. Je sais combien il est rude de porter seul sa croix. C’est pour cela que je suis venu et que je suis à tes côtés. 622.2 Jeanne, comprends-tu qui est celui qui te parle ? Ta maison n’est plus amie du Christ ? Pourquoi ? Ton époux terrestre a beau ressembler à un astre couvert de miasmes humains, toi, tu es toujours Jeanne de Jésus. Le Maître ne t’a pas quittée. Jésus ne quitte jamais les âmes devenues ses épouses. Il est toujours le Maître, l’Ami, l’Epoux, même maintenant qu’il est le Ressuscité. Lève la tête, Jeanne. Regarde-moi. A cette heure d’instruction secrète, plus douce que si je t’étais apparu comme aux autres, je t’apprends ce que devra être ta conduite future, ce que devra être celle de nombre de tes sœurs. Aime avec patience et soumission ton époux troublé. Augmente ta douceur d’autant plus que fermente en lui l’amertume des peurs humaines. Fais croître ta clarté spirituelle d’autant plus qu’il engendre de lui-même des ombres d’intérêts terrestres. Sois fidèle pour deux. Et sois courageuse dans ton mariage spirituel. Combien, dans l’avenir, devront choisir entre la volonté de Dieu et celle de leur conjoint ! Mais elles seront grandes quand, par dessus l’amour et la maternité, elles suivront Dieu. Ta passion commence, oui. Mais tu vois que toute passion se termine par une résurrection… »

    Jeanne tout doucement a levé la tête. Ses sanglots se sont dissipés. Maintenant, elle regarde, voit, et glisse à genoux, en adorant et en murmurant :

    « Le Seigneur !

    – Oui, le Seigneur. Tu vois que je me suis conduit avec toi comme avec aucune autre. Mais je connais les nécessités particulières des âmes et je dose le secours à donner à celles qui attendent une aide de moi. Gravis ton calvaire d’épouse avec l’aide de ma caresse et celle de ton enfant innocent. Il est entré avec moi au Ciel et m’a donné sa caresse pour toi. Je te bénis, Jeanne. Aie foi. Je t’ai sauvée. Tu sauveras si tu sais avoir foi. »

    622.3 Maintenant, Jeanne sourit et elle ose demander :

    « Tu ne vas pas trouver les enfants ?

    – Je les ai embrassés à l’aurore pendant qu’ils dormaient encore dans leur petit lit. Mais ils m’ont pris pour un ange du Seigneur. Les innocents, je peux les embrasser quand je veux. Mais je ne les ai pas réveillés pour ne pas trop les troubler. Leur âme conserve le souvenir de mon baiser… et le transmettra, au moment voulu, à leur esprit. Rien ne se perd de ce qui est mien. Sois toujours une bonne mère pour eux, et sois toujours fille de ma Mère. Ne te sépare jamais totalement d’elle. Elle perpétuera pour toi, avec une douceur maternelle, ce qu’a été notre amitié. Et amène-lui les enfants. Elle a besoin d’enfants pour se sentir moins isolée de son Enfant…

    – Kouza ne voudra pas…

    – Kouza te laissera faire.

    – Il me répudiera, Seigneur… »

    C’est un cri d’un nouveau déchirement.

    « C’est un astre assombri. Ramène-le à la lumière par ton héroïsme d’épouse et de chrétienne. Adieu. Ne parle pas aux autres de ma venue, sauf à ma Mère. Il ne faut parler des révélations qu’à ceux à qui il est juste de le faire, et au bon moment.

    Jésus lui sourit en resplendissant, et disparaît dans cet éclat.

    Jeanne se lève, perdue dans un rêve, partagée entre la joie et la peine, entre la crainte d’avoir rêvé et la certitude d’avoir vu, mais ce qu’elle ressent en elle-même la rassure. 622.4 Elle va trouver ses enfants qui jouent tranquillement sur la terrasse supérieure et les embrasse.

    « Tu ne pleures plus, maman ? » demande timidement Marie. *

    Ce n’est plus la pauvre enfant miséreuse d’autrefois, mais une fillette délicate et gracieuse habillée avec soin et bien peignée ; et Matthias, brun et agile, lance avec son exubérance de garçon :

    « Dis-moi qui t’a fait pleurer et je le punirai ! »

    Jeanne les serre tous les deux sur son cœur et répond, en parlant sur la chevelure châtain de Marie et les cheveux bruns de Matthias :

    « Je ne pleure plus. Jésus est ressuscité et nous bénit.

    – Oh ! Alors, il ne saigne plus ? Il n’a plus mal ? demande Marie.

    – Imbécile !… Dis plutôt : il n’est plus mort ! Maintenant, il est heureux ! Parce que, être mort, ça doit être affreux… réplique Matthias.

    – Alors, il n’y a plus à pleurer, maman ? demande de nouveau Marie.

    – Non. Pour vous, qui êtes innocents, non. Vous jubilez avec les anges.

    – Les anges ! » dit Marie. » Cette nuit, je ne sais pas à quelle veille c’était, j’ai senti une caresse et je me suis réveillée en disant : “ Maman ! ”, mais ce n’était pas toi que j’appelais. J’appelais ma maman morte, car cette caresse était plus légère et plus douce que la tienne, et j’ai ouvert un moment les yeux. Mais j’ai vu seulement une grande lumière et j’ai dit : “ Mon ange gardien m’a fait un baiser pour me consoler de la grande douleur que j’ai pour la mort du Seigneur. ”

    – Moi aussi. Mais j’avais très sommeil, et j’ai demandé : “ C’est toi ? ” Je pensais à mon ange gardien et je voulais lui dire : “ Va embrasser Jésus et Jeanne pour qu’ils n’aient plus peur ” mais je n’y suis pas arrivé. J’ai recommencé à dormir et à rêver, et j’avais l’impression d’être au Ciel avec Marie et toi. Puis est venu ce tremblement de terre, et je me suis encore réveillé, effrayé. Mais Esther m’a dit : “ N’aie pas peur. C’est déjà passé ”, et je me suis rendormi. »

    Jeanne les embrasse de nouveau, avant de les laisser à leurs jeux paisibles. 622.5 Elle se rend à la maison du Cénacle, demande Marie, entre chez elle, ferme la porte et dit :

    « Je l’ai vu. Je te le confie, à toi. Je suis réconfortée et heureuse. Aime-moi, car il m’a recommandé de te rester unie. »

    Marie répond :

    « Je t’ai déjà assurée de mon amour, le jour du sabbat. Hier. Car c’était hier… Ce sabbat de pleurs et de ténèbres me paraît si loin de cette journée de lumière et de sourire !

    – Oui… Tu m’as déjà dit, je m’en souviens maintenant, ce que Jésus vient de me répéter. Tu as dit : “ Nous, les femmes, nous devrons agir, car nous sommes restées et les hommes se sont enfuis… C’est toujours la femme qui donne la vie… ” Oh ! Mère, aide-moi à donner la vie à Kouza ! Il a abandonné la foi !… »

    Jeanne se remet à pleurer.

    Marie la prend dans ses bras :

    « L’amour est plus fort que la foi. C’est la vertu la plus active. C’est par elle que tu créeras l’âme nouvelle de Kouza. Ne crains rien. Je t’aiderai. »

    * Marie et Matthias sont deux petits orphelins que Jésus a confiés à Jeanne, femme de Kouza (EMV 5 / 23)



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-008.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/apparition-a-jeanne-femme-de-kouza.html



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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 25 Juil - 21:02

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Lun 26 Juil - 21:11

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

623. Apparition à Joseph d'Arimathie, Nicodème, et Manahen

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 9
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 623

Le mercredi 4 avril 1945.
(Mercredi de Pâques).


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 

     623.1 Manahen descend d’un bon pas avec les bergers les pentes qui séparent Béthanie de Jérusalem. Une belle route mène directement à l’oliveraie. C’est vers elle que tourne Manahen, après avoir quitté les bergers qui veulent entrer dans la ville, par petits groupes, pour aller au Cénacle.

    Un peu avant, je le remarque à leurs conversations, ils doivent avoir rencontré Jean qui allait à Béthanie apporter la nouvelle de la Résurrection et l’ordre d’être tous en Galilée dans quelques jours. Si les bergers quittent Manahen, c’est parce qu’ils veulent répéter personnellement à Pierre ce qu’ils ont déjà rapporté à Jean, à savoir que le Seigneur, en apparaissant à Lazare, a demandé aux apôtres de se réunir au Cénacle.

    Manahen monte par un chemin secondaire vers une maison au milieu d’une oliveraie. C’est une belle demeure, entourée de cèdres du Liban qui dominent de leurs masses imposantes les nombreux oliviers de la montagne. Il entre avec assurance et demande au serviteur qui est accouru :

    « Où est ton maître ?

    – De ce côté, avec Joseph qui est arrivé depuis peu.

    – Dis-lui que je suis ici. »

    Le serviteur s’éloigne, puis revient avec Nicodème et Joseph. Les voix des trois hommes se mêlent en un seul et même cri :

    « Il est ressuscité ! »

    Ils se regardent, étonnés de le savoir tous.

    623.2 Puis Nicodème entraîne son ami dans une pièce intérieure. Joseph les suit.

    « Tu as osé revenir ?

    – Oui. Il a dit : “ Au Cénacle. ” Je désire vivement le voir, glorieux désormais, pour m’enlever le souvenir douloureux que j’ai de lui, attaché et couvert d’immondices comme un malfaiteur frappé par le mépris du monde.

    – Nous aussi, nous voudrions le voir… Aussi pour nous enlever l’horreur du souvenir de son supplice, de ses blessures sans nombre… Mais il ne s’est montré qu’aux femmes, murmure Joseph.

    – C’est juste. Elles lui ont été toujours fidèles, ces années-ci. Nous autres, nous avions peur. Sa Mère l’a dit : “ C’est un bien pauvre amour que le vôtre s’il a attendu cette heure pour se manifester ! ” constate Nicodème.

    – Mais pour défier Israël qui lui est plus opposé que jamais, nous aurions bien besoin de le voir !…. 623.3 Si tu savais ! Les gardes ont parlé… Maintenant, les chefs du Sanhédrin et les pharisiens, pas encore convertis par une telle colère du Ciel, sont à la recherche de tous ceux qui sont au courant de sa Résurrection pour les emprisonner. J’ai envoyé le petit Martial* : un enfant s’échappe plus facilement prévenir ceux de la maison de se tenir sur leurs gardes. Ils ont puisé des deniers sacrés dans le trésor du Temple pour payer les gardes, afin qu’ils prétendent que les disciples ont enlevé le corps de Jésus, et que la Résurrection dont ils ont parlé n’était qu’un mensonge dû à leur crainte d’être punis. La ville bout comme un chaudron, et il y a des disciples qui la quittent déjà par peur… Je veux parler des disciples qui n’étaient pas à Béthanie…

    – Oui, nous aurions besoin de sa bénédiction pour avoir du courage.

    – Il est apparu à Lazare… C’était environ l’heure de tierce. Lazare avait l’air transfiguré.

    – Lazare le mérite ! Mais nous… constate Joseph.

    – Oui. Nous sommes encore envahis de doute et de pensées humaines, comme d’une lèpre mal guérie… Et il n’y a que lui qui puisse dire : “ Je veux que vous en soyez purifiés ! ” Il ne nous parlera donc plus, maintenant qu’il est ressuscité, à nous qui sommes les moins parfaits ? demande Nicodème.

    – Et il ne fera plus de miracles, pour châtier le monde, maintenant qu’il est sorti de la mort et des misères de la chair ? » s’interroge de nouveau Joseph.

    Mais leur question ne peut avoir qu’une réponse : celle de Jésus. Or elle ne vient pas. Les trois hommes restent accablés.

    623.4 Manahen propose alors :

    « Eh bien, je vais au Cénacle. S’ils me tuent, il absoudra mon âme et je le verrai au Ciel. Si je ne le vois pas ici, sur la terre. Manahen est tellement inutile à ses troupes que, s’il tombe, il laissera le même vide qu’une fleur cueillie dans un pré qui en est tapissé. Cela ne se verra même pas… »

    Il se lève pour partir. Mais pendant qu’il se tourne vers la porte, celle-ci s’illumine du divin Crucifié qui, les mains ouvertes en un geste d’étreinte, l’arrête :

    « Paix à toi ! Paix à vous ! Restez là où vous êtes, Nicodème et toi. Joseph peut encore aller là-bas s’il le juge bon. Mais vous m’avez ici et je vous dis ce que vous demandiez : “ Je veux que vous soyez purifiés de ce qu’il reste d’impur dans votre foi. ” Demain, vous descendrez en ville. Vous irez trouver les frères. Ce soir, je dois parler aux seuls apôtres. Adieu. Et que Dieu soit toujours avec vous. Manahen, merci. Tu as cru mieux qu’eux. Merci donc aussi à ton âme. Quant à vous, je vous remercie de votre pitié. Tâchez de l’élever en menant une vie de foi intrépide. »

    Jésus disparaît dans une incandescence éblouissante. Les trois hommes sont à la fois heureux et troublés.

    « C’était vraiment lui ?» demande Joseph.

    – N’as-tu pas entendu sa voix ? répond Nicodème.

    – La voix… un esprit aussi peut l’avoir… Toi, Manahen, qui étais près de lui, que t’en semble-t-il ?

    – C’était un vrai corps, très beau. Il respirait. Je sentais son haleine. Et il dégageait de la chaleur. Et puis… les plaies, je les ai vues. Elles paraissaient ouvertes à ce moment. Elles ne saignaient pas, mais c’était une chair vivante. Oh ! Ne doutez plus ! Qu’il ne vous châtie pas. Nous avons vu le Seigneur. Je veux dire Jésus, redevenu glorieux comme sa nature le veut ! Et… il nous aime encore… En vérité, si aujourd’hui Hérode m’offrait son royaume, je lui répondrais : “ Ton trône, ta couronne, ne sont pour moi que poussière et ordure. Rien ne dépasse ce que je possède. J’ai la connaissance bienheureuse de la Face de Dieu. »

    * Martial : Orphelin de Romains affranchis confié à Joseph d'Arimathie (EMV 7 / 235)


SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-009.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/apparition-a-joseph-d-arimathie-nicodeme-et-manahen.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 28 Juil - 21:05

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

624. Apparition aux bergers

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 10
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 624

Le mercredi 4 avril 1945.
(Mercredi de Pâques).


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 

624.1 Eux aussi cheminent rapidement sous les oliviers. Ils sont tellement sûrs de sa résurrection qu’ils parlent avec la gaieté d’enfants heureux. Ils se dirigent tout droit vers la ville.

« Nous dirons à Pierre de le regarder attentivement et de nous dire combien son visage est beau, suggère Elie.

– Personnellement, si beau qu’il puisse être, je n’oublierai jamais son aspect pendant le supplice, murmure Isaac.

– Tu le revois encore tel qu’il était quand il a été élevé sur la croix ? » demande Lévi. « Et vous autres ?

– Moi, parfaitement. La lumière était alors encore bonne. Ensuite, avec mes vieux yeux, je n’y voyais plus guère, répond Daniel.

– Moi, au contraire, je l’ai vu jusqu’à ce qu’il me paraisse être mort. Mais j’aurais préféré être aveugle pour ne pas voir cela, déclare Joseph.

– Bon ! Mais maintenant il est ressuscité, cela doit nous rendre heureux, intervient Jean pour le consoler.

– Tout comme la pensée que nous ne l’avons quitté que pour être charitables, ajoute Jonathas.

– Mais notre cœur est resté là-haut, pour toujours, soupire Matthias.

– Pour toujours, oui. Toi qui l’as vu sur le suaire, dis-nous : comment est-il ? Ressemblant ? questionne Benjamin.

– Comme s’il parlait, répond Isaac.

– Le verrons-nous, ce voile ? demandent plusieurs.

– La Mère de Jésus le montre à tous. Vous le verrez certainement. Mais c’est un triste spectacle. Il vaudrait mieux voir… 624.2 Oh ! Seigneur !

– Serviteurs fidèles, me voici. Allez. Je vous attends les jours prochains en Galilée. Je veux encore vous dire que je vous aime. Jonas est bienheureux, avec les autres, au Ciel.

– Seigneur ! Oh ! Seigneur !

– Paix à vous, qui êtes de bonne volonté. »

Le Ressuscité se fond dans le vif éclat du soleil de midi. Quand ils relèvent la tête, il n’est plus là. Mais il leur reste la grande joie de l’avoir vu tel qu’il est maintenant : glorieux.

Ils se lèvent, rayonnants de bonheur. Dans leur humilité, ils ont du mal à croire qu’ils ont mérité de le voir, et ils répètent à l’envi :

« A nous ! A nous ! Comme il est bon, notre Seigneur ! De sa naissance à son triomphe, il s’est toujours montré humble et bon envers ses pauvres serviteurs !

– Et comme il était beau !

– Il ne l’a jamais été autant ! Quelle majesté !

– Il semble plus grand encore et avoir davantage de maturité.

– C’est vraiment le Roi !

– On l’appelait le Roi pacifique ! Mais il est aussi le Roi redoutable pour ceux qui doivent craindre son jugement !

– Tu as vu quels rayons se dégageaient de son visage ?

– Et quels éclairs dans son regard !

– Moi, je n’osais pas le fixer. Je l’aurais pourtant voulu, car je pense qu’il ne me sera probablement plus accordé de le voir ainsi avant d’être au Ciel. Et je veux le connaître pour ne pas éprouver de crainte alors.

624.3 Oh ! nous ne devons pas avoir peur si nous restons tels que nous sommes : ses serviteurs fidèles. Tu l’as entendu : “ Je veux vous dire encore que je vous aime. Paix à vous, qui êtes de bonne volonté. ” Il n’y a pas un mot de trop. Mais dans ce peu de paroles, il exprime sa totale approbation de ce que nous avons fait jusqu’à présent, et nous fait les plus grandes promesses pour la vie à venir. Ah ! entonnons le cantique de la joie, de notre joie :

Gloire à Dieu dans les Cieux très-hauts et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.

Le Seigneur est vraiment ressuscité, comme il l’avait dit par la bouche des prophètes et par sa parole sans défauts.

Il a perdu avec son sang tout ce que le baiser d’un homme avait déposé en lui de corrompu, et, purifié comme l’est l’autel, son corps a pris l’inexprimable beauté de Dieu.

Avant de monter aux Cieux, il s’est montré à ses serviteurs. Alléluia !

Marchons en chantant l’éternelle jeunesse de Dieu, alléluia !

Allons annoncer aux païens qu’il est ressuscité, alléluia ! Le Juste, le Saint est ressuscité, alléluia, alléluia !

Du tombeau il est sorti immortel. Et l’homme juste avec lui est ressuscité.

Dans le péché, comme dans une grotte, était enfermé le cœur de l’homme.

Il est mort pour dire : ‘ Levez-vous ! ’ Et ceux qui étaient dispersés se sont levés, alléluia !

Après avoir ouvert aux élus les portes des Cieux, il a dit : ‘ Venez. ’

Qu’il nous permette par son sang saint d’y monter nous aussi. Alléluia ! »

Matthias, l’ancien disciple âgé de Jean-Baptiste, marche en tête en chantant, comme autrefois peut-être David avait chanté devant son peuple sur les routes de Judée. Les autres le suivent en chantant en chœur à chaque alléluia avec une sainte joie.

624.4 Mais déjà Jérusalem apparaît au pied de la petite colline qu’ils descendent rapidement. Jonathas, qui fait partie du groupe, dit :

« A cause de sa naissance, j’ai perdu ma patrie et ma maison, et à sa mort j’ai perdu la nouvelle maison où je travaillais honnêtement depuis trente ans. Mais même si on m’avait enlevé la vie à cause de lui, je serais mort dans la joie, car c’est pour lui que je l’aurais perdue. Je n’éprouve aucune rancœur à l’égard de celui qui se montre injuste envers moi. Mon Seigneur m’a enseigné en mourant la parfaite douceur. Et je ne m’inquiète pas pour le lendemain. Ma demeure n’est pas ici, mais au Ciel. Je vivrai dans cette pauvreté qui lui a été si chère, et je le servirai jusqu’au moment où il m’appellera… et… oui… je lui offrirai aussi le renoncement… à ma maîtresse… C’est l’épine la plus dure… Mais maintenant que j’ai vu la douleur du Christ et sa gloire, je ne dois pas tenir compte de ma douleur, mais seulement espérer la céleste gloire. Allons dire aux apôtres que Jonathas est le serviteur des serviteurs du Christ. »


SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-010.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/apparition-aux-bergers.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 29 Juil - 22:46

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625. Apparition aux disciples d'Emmaüs

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 11
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 625

Le jeudi 5 avril 1945.
(Jeudi de Pâques).


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 

    625.1 Sur une route montueuse, deux hommes entre deux âges marchent rapidement en tournant le dos à Jérusalem, dont les hauteurs disparaissent de plus en plus derrière les autres qui se suivent, avec de continuelles ondulations de sommets et de vallées.

    Ils discutent. Le plus âgé dit à l’autre, qui peut avoir trente-cinq ans tout au plus :

    « Il te faut croire que nous faisons bien d’agir ainsi. J’ai une famille et toi aussi. Le Temple ne plaisante pas. Il veut vraiment en finir. A-t-il raison ? A-t-il tort ? Je l’ignore. Je sais qu’il a l’intention bien claire d’en finir pour toujours avec cela.

    – Avec ce crime, Simon. Donne-lui son vrai nom, parce que c’est au moins un crime.

    – Cela dépend. L’amour nous fait bouillir contre le Sanhédrin. Mais peut-être… qui sait !

    – Rien. L’amour éclaire. Il ne porte pas à l’erreur.

    – Le Sanhédrin, les prêtres et les chefs aiment eux aussi. Ils aiment Jéovêh, Celui qu’Israël tout entier a aimé depuis que l’alliance a été conclue entre Dieu et les Patriarches. Alors, pour eux aussi, l’amour est lumière et ne porte pas l’erreur !

    – Ce n’est pas de l’amour pour le Seigneur qu’ils éprouvent. Oui, Israël a cette foi depuis des siècles. Mais dis-moi : peux-tu m’assurer que la foi que nous transmettent les chefs du Temple, les pharisiens, les scribes et les prêtres en est encore réellement une ? Tu vois bien… Avec l’or consacré au Seigneur – on le savait déjà, ou du moins on soupçonnait que cela arrivait – ; avec l’or consacré au Seigneur, ils ont payé le traître, et maintenant ils soudoient les gardes. Le premier pour qu’il trahisse le Christ, les seconds pour qu’ils mentent. Vraiment, je ne sais pas comment la Puissance éternelle s’est bornée à secouer les murs et à déchirer le Voile ! Je t’assure que j’aurais voulu que ces nouveaux Philistins soient ensevelis sous les décombres. Tous !

    – Cléophas ! Tu aurais été habité par un esprit de vengeance !

    – Oui ! Car, même si l’on admet que Jésus n’était qu’un prophète, est-il permis de tuer un innocent ? Car il était innocent ! L’as-tu jamais vu commettre un seul des crimes dont on l’a accusé pour le tuer ?

    – Non. Aucun. 625.2 Pourtant, il a fait une erreur.

    – Laquelle, Simon ?

    – Il n’a pas manifesté sa puissance du haut de la croix, pour confirmer notre foi et punir les incrédules sacrilèges. Il aurait dû relever le défi et descendre de la croix.

    – Il a fait davantage. Il est ressuscité.

    – Est-ce que c’est vrai ? Ressuscité comment ? Avec son seul esprit, ou avec l’esprit et la chair ?

    – Mais l’esprit est éternel ! Il n’a pas besoin de ressusciter ! s’exclame Cléophas.

    – Je le sais bien. Je voulais dire : s’il est ressuscité uniquement avec sa nature de Dieu, supérieure à tous les pièges humains. Car maintenant son esprit a connu les embûches par la terreur de l’homme. Tu as entendu, hein ? Marc raconte qu’à Gethsémani, où Jésus était allé prier contre un rocher, il y avait du sang partout. Et Jean, qui a parlé avec Marc, lui a dit : “ Ne laisse pas piétiner cet endroit, car il y a du sang sué par l’Homme-Dieu. ” S’il a sué du sang avant d’être torturé, quelle a dû être sa terreur !

    – Notre pauvre Maître !… »

    Attristés, ils se taisent.

    625.3 Jésus les rejoint et les interroge :

    « De qui parliez-vous ? Dans le silence, j’entendais vos paroles par intervalles. Qui a été tué ? »

    C’est un Jésus voilé sous l’apparence modeste d’un pauvre voyageur pressé.

    Les deux hommes ne le reconnaissent pas.

    « Tu es d’ailleurs, homme ? Tu ne t’es pas arrêté à Jérusalem ? Ton vêtement poussiéreux et tes sandales en piteux état nous paraissent appartenir à un inlassable pèlerin.

    – Je le suis. Je viens de très loin…

    – Tu dois être fatigué, alors. Et tu vas loin ?

    – Très loin. Plus loin encore que de l’endroit d’où j’arrive.

    – Tu fais du commerce ? Des marchés ?

    – Je dois acquérir une quantité infinie de troupeaux pour le plus grand Seigneur. Je dois faire le tour du monde pour choisir des brebis et des agneaux, et descendre même parmi les troupeaux sauvages qui, quand ils seront rendus domestiques, deviendront meilleurs que ceux qui maintenant ne sont pas sauvages.

    – Travail difficile… Et tu as continué ta route sans t’arrêter à Jérusalem ?

    – Pourquoi demandez-vous cela ?

    – Parce que toi seul sembles ignorer ce qui s’est passé ces jours-ci.

    – Qu’est-il arrivé ?

    – Tu viens de loin, et c’est vraisemblablement la raison pour laquelle tu l’ignores. Pourtant, tu as l’accent galiléen. Aussi, même si tu es serviteur d’un roi étranger ou fils de Galiléens expatriés, tu dois savoir, si tu es circoncis, que depuis trois ans un grand prophète du nom de Jésus de Nazareth s’est levé dans notre patrie. Il était puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant les hommes. Il a traversé le pays en tout sens en prêchant. Il disait être le Messie. Ses paroles et ses œuvres étaient réellement celles du Fils de Dieu, comme il disait l’être. Mais seulement du Fils de Dieu. Tout Ciel… Maintenant, tu sais pourquoi… 625.4 Mais es-tu circoncis ?

    – Je suis premier-né et consacré au Seigneur.

    – Alors tu connais notre religion ?

    – Je n’en ignore pas une syllabe. Je connais les préceptes et les usages. La halakha, le midrash et la haggadah me sont connus comme les éléments de l’air, de l’eau, du feu et de la lumière qui sont les premiers vers lesquels tend l’intelligence, l’instinct, les besoins d’un nouveau-né.

    – Alors tu sais qu’Israël a eu la promesse du Messie, mais comme d’un roi puissant qui aurait rassemblé Israël. Celui-ci, au contraire, n’était pas ainsi…

    – Comment donc ?

    – Lui ne visait pas un pouvoir terrestre. Mais c’était d’un royaume éternel et spirituel qu’il se disait roi. Lui n’a pas rassemblé, mais au contraire a divisé Israël, qui est maintenant partagé entre ceux qui croient en lui et ceux qui le prétendent malfaiteur. En vérité, il n’avait pas l’étoffe d’un roi, car il ne voulait que douceur et pardon. Or comment dominer et vaincre avec de telles armes ?

    – Et alors ?

    – Alors les chefs des prêtres et les Anciens d’Israël l’ont pris et l’ont jugé passible de mort… en l’accusant, à vrai dire, de fautes qu’il n’avait pas commises. En fait, sa faute était d’être trop bon et trop sévère…

    – Comment pouvait-il être l’un et l’autre ?

    – Il était trop sévère en disant la vérité aux chefs d’Israël, et trop bon pour ne pas accomplir contre eux des miracles de mort, en foudroyant ses injustes ennemis.

    – Il était sévère comme Jean-Baptiste ?

    – Voilà… je ne saurais… Il faisait de durs reproches, surtout dans les derniers temps, aux scribes et aux pharisiens, et il menaçait ceux du Temple, qu’il disait marqués par la colère de Dieu. A l’inverse, si un pécheur se repentait, et s’il reconnaissait dans son cœur un véritable repentir — car le Nazaréen lisait dans les cœurs mieux qu’un scribe dans le texte —, alors il était plus doux qu’une mère.

    – Et Rome a permis qu’on tue un innocent ?

    – C’est Pilate qui l’a condamné… Pourtant, il ne le voulait pas et le qualifiait d’homme juste… Mais les juifs l’ont menacé de l’accuser auprès de César et il a pris peur. 625.5 Bref, il a été condamné à la croix et y est mort ; cela, ajouté à la crainte des membres du Sanhédrin, nous a beaucoup humiliés. Car je suis Cléophas, fils de Cléophas, et lui est Simon. Nous sommes tous les deux d’Emmaüs, et parents, car j’ai épousé sa première fille, et nous étions disciples du Prophète.

    – Et maintenant, vous ne l’êtes plus ?

    – Nous espérions que ce serait lui qui libérerait Israël et que, par quelque prodige, il confirmerait ses paroles. Au contraire !…

    – Quelles étaient ces paroles ?

    – Nous te l’avons dit : “ Je suis venu au Royaume de David. Je suis le Roi pacifique ”, et ainsi de suite. Il déclarait : “ Venez au Royaume ”, mais ensuite il ne nous a pas donné le royaume. Il déclarait : “ Le troisième jour je ressusciterai. ” C’est aujourd’hui le troisième jour qu’il est mort, il est même déjà fini, car l’heure de none est passée, or il n’est pas ressuscité. Des femmes et des gardiens disent qu’il est effectivement ressuscité. Mais nous, nous ne l’avons pas vu. Les gardiens prétendent maintenant avoir menti pour justifier le vol du cadavre fait par les disciples du Nazaréen. Mais les disciples !… Nous l’avons tous quitté par peur quand il était vivant… et, évidemment, nous ne l’avons pas dérobé maintenant qu’il est mort. Quant aux femmes… qui se fie à elles ? Nous étions en train de réfléchir à tout cela. Et nous voulions savoir s’il a voulu dire s’il ressusciterait avec l’esprit redevenu divin ou avec sa chair aussi. Les femmes racontent que les anges — car elles disent avoir vu également des anges après le tremblement de terre, et c’est possible, car le vendredi déjà des justes sont sortis de leur tombeau — elles racontent que les anges leur ont expliqué que Jésus est comme s’il n’était jamais mort. Et c’est en effet ainsi que les femmes ont cru le voir. Mais deux de nous, deux chefs, sont allés au tombeau. Et, s’ils l’ont vu vide, comme les femmes l’avait décrit, ils ne l’ont pas vu lui, ni là, ni ailleurs. C’est pour nous une grande tristesse, car nous ne savons plus que penser !

    625.6 – Oh ! comme vous êtes sots, comme vous avez du mal à comprendre, et comme vous êtes lents à croire aux paroles des prophètes ! Cela n’avait-il pas été annoncé ? L’erreur d’Israël est d’avoir mal interprété la royauté du Christ. C’est pour cela qu’on ne l’a pas cru. C’est pour cela qu’on l’a craint. C’est pour cela que maintenant vous doutez. En haut, en bas, au Temple et dans les villages, partout on imaginait un roi selon la nature humaine. Contrairement à ce que vous supposiez, dans la pensée de Dieu la reconstruction du royaume d’Israël n’était pas limitée dans le temps, dans l’espace et dans les moyens.

    Dans le temps : aucune royauté, même la plus puissante, n’est éternelle. Rappelez-vous les puissants pharaons qui opprimèrent les Hébreux au temps de Moïse. Combien de dynasties ne sont-elles pas finies, dont il ne demeure que les momies sans âme au fond des hypogées secrets ! Et il reste un souvenir, si encore il en reste un de leur pouvoir d’une heure, et encore moins, si on mesure leurs siècles à l’aune du Temps éternel. Ce Royaume est éternel.

    Dans l’espace : il était appelé “ Royaume d’Israël ”, parce que c’est d’Israël qu’est venue la souche de l’espèce humaine, et parce qu’en Israël, dirais-je, se trouve la semence de Dieu. C’est pourquoi, sous le nom d’Israël, on entendait : le royaume de ceux qui ont été créés par Dieu. Mais la royauté du Roi Messie ne se borne pas à la petite étendue de la Palestine, elle s’étend du septentrion au midi, de l’orient à l’occident, partout où se trouve un être qui possède une âme dans sa chair, c’est-à-dire partout où il y a un homme. Comment un seul homme aurait-il pu réunir en lui-même tous les peuples ennemis entre eux, et en faire un unique royaume sans répandre des fleuves de sang et les assujettir tous par la cruelle oppression des soldats ? Dans ce cas, comment aurait-il pu être le roi pacifique dont parlent les prophètes ?

    Dans les moyens : le moyen humain, comme je viens de le dire, c’est l’oppression. Le moyen spirituel, c’est l’amour. Le premier est toujours limité, car les peuples finissent par se révolter contre l’oppresseur. Le second est infini parce que l’amour est aimé ou, s’il ne l’est pas, il est tourné en dérision. Mais comme c’est une réalité spirituelle, il ne peut jamais être directement attaqué. Et Dieu, l’Infini, veut des moyens qui soient comme lui. Il veut ce qui est infini parce qu’il est éternel : l’esprit, ce qui appartient à l’esprit, ce qui mène à l’Esprit. Voici quelle a été leur erreur : ils se sont fait du Messie une idée erronée dans les moyens et dans la forme.

    Quelle est la royauté la plus élevée ? Celle de Dieu, n’est-ce pas ? Donc cet Admirable, cet Emmanuel, ce Saint, ce Germe sublime, ce Fort, ce Père du siècle à venir, ce Prince de la paix, ce Dieu comme Celui dont il vient — car tel il est appelé et tel est le Messie — n’aura-t-il pas une royauté semblable à celle de Celui qui l’a engendré ? Si, il aura une royauté toute spirituelle et éternelle, pure de violence et de sang, ignorante des trahisons et des injustices. Sa Royauté ! Celle que la Bonté éternelle accorde aux pauvres hommes, pour procurer honneur et joie à son Verbe.

    625.7 Mais David n’a-t-il pas dit que ce Roi puissant a mis toute chose sous ses pieds pour lui servir d’escabeau ? Isaïe n’a-t-il pas annoncé toute sa Passion et David n’a-t-il pas énuméré, pourrait-on dire, toutes ses tortures ? N’est-il pas écrit qu’il est le Sauveur et le Rédempteur dont l’holocauste sauvera l’homme pécheur ?

    N’est-il pas précisé, comme Jonas en est la figure, que pendant trois jours il serait englouti dans le ventre insatiable de la terre, puis en serait expulsé comme le prophète l’a été de la baleine ? Or Jésus n’a-t-il pas dit : “ Le troisième jour après sa destruction, mon Temple, c’est-à-dire mon corps, sera reconstruit par moi (c’est-à-dire par Dieu) ? ” Que vous imaginiez-vous donc ? Qu’il allait relever les ruines du Temple par magie ? Non : il ne s’agissait pas des murs, mais de lui-même. Et Dieu seul pouvait se faire ressusciter lui-même. Il a relevé le véritable Temple : son corps d’Agneau immolé, comme Moïse en reçut l’ordre et la prophétie, pour préparer le “ passage ” de la mort à la Vie, de l’esclavage à la liberté, des hommes fils de Dieu et esclaves de Satan.

    “ Comment est-il ressuscité ? ”, vous demandez-vous. Je réponds : il est ressuscité avec sa vraie chair et avec son esprit divin qui l’habite, de même que toute chair mortelle est habitée par l’âme, qui est reine dans le cœur. C’est ainsi qu’il est ressuscité après avoir tout souffert pour tout expier, et pour réparer l’offense primitive ainsi que les offenses infinies que chaque jour l’humanité accomplit. Il est ressuscité comme cela était annoncé sous le voile des prophéties. Venu à son temps, je vous rappelle Daniel, il a été immolé à son temps. Enfin, écoutez et rappelez-le-vous, au temps prédit après sa mort, la ville déicide sera détruite.

    625.8 Je vous donne ce conseil : lisez les prophètes avec l’âme, et non avec une intelligence orgueilleuse, depuis le début du Livre jusqu’aux paroles du Verbe immolé, rappelez-vous le Précurseur qui l’indiquait comme Agneau, rappelez-vous quel était le destin de l’agneau symbolique de Moïse. C’est par ce sang que furent sauvés les premiers-nés d’Israël. C’est par ce sang que seront sauvés les premiers-nés de Dieu, c’est-à-dire ceux qui, par leur bonne volonté, se seront consacrés au Seigneur. Souvenez-vous du psaume messianique de David et du prophète messianique Isaïe, et comprenez-les. Rappelez-vous Daniel, remettez-vous en mémoire, mais en l’élevant de la fange à l’azur céleste, toutes les paroles sur la royauté du Saint de Dieu, et comprenez qu’il ne pouvait vous être donné d’autre signe plus juste, plus fort de cette victoire sur la mort, que cette Résurrection accomplie par lui-même.

    Rappelez-vous qu’il aurait été contraire à sa miséricorde et à sa mission de punir du haut de la croix ceux qui l’y avaient mis. Il était encore le Sauveur, même s’il était le Crucifié méprisé et cloué à un gibet ! Crucifiés étaient les membres, mais libres étaient son esprit et sa volonté. Et avec ceux-ci, il a voulu encore attendre pour donner aux pécheurs le temps de croire et d’appeler son sang sur eux, non par des cris blasphématoires, mais par des gémissements de contrition.

    625.9 Le voilà donc ressuscité. Il a tout accompli. Il était glorieux avant son incarnation. Il est trois fois glorieux maintenant que, après s’être anéanti pendant tant d’années dans une chair, il s’est immolé lui-même en portant l’obéissance à la perfection, c’est-à-dire en sachant mourir sur une croix pour accomplir la volonté de Dieu. Il est très glorieux avec sa chair glorifiée, à présent qu’il monte au Ciel et entre dans la gloire éternelle, en commençant le Règne qu’Israël n’a pas compris.

    C’est à ce Royaume qu’il appelle les tribus du monde, d’une manière plus pressante que jamais, en y mettant tout son amour, toute son autorité. Comme l’ont vu et prévu les justes d’Israël et les prophètes, tous les peuples viendront au Sauveur. Et il n’y aura plus de juifs ou de Romains, de Scythes ou d’Africains, d’Ibères ou de Celtes, d’Egyptiens ou de Phrygiens. Ce qui est au-delà de l’Euphrate s’unira aux sources du Fleuve éternel. Les Hyperboréens à côté des Numides viendront à son Royaume, les races et les langues disparaîtront. Les coutumes, tout comme les couleurs de peau et de cheveux, n’auront plus lieu d’exister, mais il y aura un peuple infini, resplendissant et pur, une langue unique, un seul amour. Ce sera le Royaume de Dieu, le Royaume des Cieux, avec un Monarque éternel — l’Immolé ressuscité — et des sujets éternels ceux qui croient en sa foi. Croyez, pour lui appartenir.

    625.10 Voici Emmaüs, mes amis. Je vais plus loin. Il n’est pas accordé de repos au Voyageur qui a tant de route à faire.

    – Seigneur, tu es plus instruit qu’un rabbi. Si Jésus n’était pas mort, nous dirions que c’est lui qui nous a parlé. Nous voudrions encore entendre de toi d’autres vérités, et plus développées. Car désormais, nous qui sommes des brebis sans berger, troublées par la tempête de la haine d’Israël, nous ne savons plus comprendre les paroles du Livre. Veux-tu que nous venions avec toi ? Tu nous instruirais encore pour compléter l’œuvre du Maître qui nous a été enlevé.

    – Vous l’avez eu si longtemps auprès de vous, et vous n’avez pas su acquérir une instruction complète ? N’est-ce pas une synagogue ?

    – Oui. Je suis Cléophas, fils de Cléophas, le chef de la synagogue mort dans la joie d’avoir connu le Messie.

    – Et tu n’es pas encore arrivé à croire sans nuage ? Mais ce n’est pas votre faute. Après le Sang, il manque encore le Feu. Ensuite, vous croirez, car vous comprendrez. Adieu.

    – Seigneur, déjà le soir approche et le soleil est à son déclin. Tu es las et assoiffé. Entre, et reste avec nous. Tu nous parleras de Dieu pendant que nous partagerons le pain et le sel. »

    625.11 Jésus entre et on le sert, avec l’habituelle hospitalité hébraïque, en lui donnant une boisson et de l’eau pour ses pieds fatigués.

    Puis ils se mettent à table et les deux hommes le prient d’offrir pour eux la nourriture.

    Jésus se lève alors, tenant dans ses mains le pain et, les yeux levés vers le ciel rouge du soir, il rend grâce pour la nourriture puis s’assied. Il rompt le pain et en donne à ses deux hôtes et, ce faisant, il se révèle pour ce qu’il est : le Ressuscité.

    Ce n’est pas le Ressuscité resplendissant apparu à ceux qui lui sont le plus cher. Mais c’est un Jésus plein de majesté, aux plaies bien nettes sur ses longues mains : roses rouges sur l’ivoire de la peau. C’est un Jésus bien vivant avec sa chair recomposée, mais bien Dieu aussi par la majesté de son regard et de tout son aspect.

    Les deux hommes le reconnaissent et tombent à genoux… Mais lorsqu’ils osent relever la tête, il ne reste de lui que le pain rompu…

    Ils le prennent et le baisent. Chacun prend son morceau, l’enveloppe dans un linge et le met comme une relique sur sa poitrine.

    Ils disent en pleurant :

    « C’était lui ! Et nous ne le reconnaissions pas ! Pourtant, ne sentais-tu pas ton cœur tout brûlant dans ta poitrine pendant qu’il nous parlait et nous expliquait les Ecritures ?

    – Si. Et j’ai maintenant l’impression de le voir de nouveau, dans une lumière qui vient du Ciel, la lumière de Dieu. Et je vois que c’est lui le Sauveur.

    625.12 – Partons. Moi, je ne sens plus la lassitude ni la faim. Allons l’annoncer aux disciples de Jésus, à Jérusalem.

    – Allons-y. Ah ! si mon vieux père avait pu vivre cette heure, comme il s’en serait réjoui !

    – Ne dis pas cela ! Il s’en est réjoui plus que nous. Sans le voile dont il s’est servi par pitié pour notre faiblesse charnelle, le juste Cléophas a vu en esprit le Fils de Dieu rentrer au Ciel. Allons ! Allons ! Nous arriverons en pleine nuit mais, si Jésus le veut, il fera en sorte que nous puissions passer. S’il a ouvert les portes de la mort, il pourra bien ouvrir les portes des murs ! Partons ! »

    Et dans le couchant entièrement pourpre, ils prennent avec empressement la direction de Jérusalem.




Remarques de l'épisode ici


SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-011.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/disciples-d-emmaus.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 3 Aoû - 22:27

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

626. Arrivée des païens et mentions d'autres apparitions

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 12
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 626

Le jeudi 5 avril 1945.
(Jeudi de Pâques).


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 

    626.1 La maison du Cénacle est bondée. Le vestibule, la cour, les pièces, hormis le Cénacle et la salle où se trouve la Vierge Marie, présentent cet air d’allégresse et d’animation d’un lieu où plusieurs se retrouvent après un certain temps pour une fête. Il y a là les apôtres — Thomas excepté —, les bergers, les femmes fidèles et, avec Jeanne, je vois aussi Nikê, Elise, Syra, Marcelle et Anne. Tous parlent, à voix basse mais avec une animation visible et joyeuse. La maison est bien fermée comme si on redoutait quelque chose, mais la peur de l’extérieur ne saurait porter atteinte à la joie de l’intérieur.

    Marthe, aidée de Marcelle et de Suzanne, s’affaire à la préparation du repas des “ serviteurs du Seigneur ”, comme elle appelle les apôtres. Les autres, hommes et femmes, s’interrogent, se confient leurs impressions, leurs joies, leurs peurs… comme autant d’enfants qui attendent quelque chose qui les électrise et les effraie aussi un peu.

    Les apôtres voudraient paraître avoir plus d’assurance que les autres, mais ils sont les premiers à se troubler si un bruit laisse croire qu’on frappe à la porte ou imite l’ouverture d’une fenêtre. Même l’entrée rapide de Suzanne, qui arrive avec deux lampes à plusieurs flammes au secours de Marthe, qui cherche du linge, fait sursauter Matthieu ; il s’écrie : “ Le Seigneur ! ”, ce qui fait tomber à genoux Pierre, qui semble visiblement plus agité que les autres.

    626.2 Un coup énergique à la porte coupe court à toutes les conversations et met tout le monde en alerte. Je crois que tous les cœurs battent plus vite !

    Ils regardent par un soupirail et ouvrent avec un “ Oh ! ” de stupeur, à la vue du groupe inattendu des dames romaines, accompagnées de Longinus et d’un autre qui porte, comme ce dernier, un habit foncé. Les dames aussi se sont enveloppées dans des manteaux foncés qui leur couvrent la tête. Elles ont enlevé tous leurs bijoux pour moins attirer l’attention.

    « Pouvons-nous entrer un moment pour dire notre joie à la Mère du Sauveur ? dit Plautina, la plus respectée de toutes.

    – Venez donc. Elle est là. »

    Elles entrent en groupe avec Jeanne et Marie de Magdala qui, à ce qu’il me semble, les connaît fort bien.

    Longinus avec l’autre Romain restent seuls dans un coin du vestibule, car on les regarde un peu de travers.

    Les femmes saluent par leur : “ Ave, Domina ! ” puis s’agenouillent. Plautina s’exprime au nom de toutes :

    « Si auparavant nous admirions la Sagesse, maintenant nous voulons être les filles du Christ. Et c’est à toi que nous le disons. Toi seule peux vaincre la défiance hébraïque envers nous. C’est à toi que nous viendrons pour être instruites jusqu’au moment où eux — elles désignent les apôtres groupés à l’entrée — nous permettront de nous dire disciples de Jésus. »

    Marie répond, avec un sourire de bonheur :

    « Je demande au Seigneur de purifier mes lèvres comme celles du prophète [1] pour que je puisse parler dignement de mon Seigneur. Soyez bénies, prémices de Rome !

    626.3 Longinus aussi le voudrait… ainsi que le lancier, qui s’est senti un feu dans le cœur quand… quand le ciel et la terre s’ouvrirent au cri de Dieu. Mais si nous savons peu de choses, eux ne connaissent absolument rien, excepté que Jésus était le Saint de Dieu et qu’ils ne veulent plus appartenir à l’Erreur.

    – Tu leur diras d’aller trouver les apôtres.

    – Ils sont là, mais les apôtres se défient d’eux. »

    Marie se lève et se dirige vers les soldats. Les apôtres la regardent aller, en cherchant à comprendre sa pensée.

    « Que Dieu vous conduise à sa lumière, mes fils ! Avancez, venez faire la connaissance des serviteurs du Seigneur. Celui-ci, c’est Jean, vous le connaissez. Et celui-là, c’est Simon-Pierre, choisi par mon Fils et Seigneur comme chef de ses frères. Voici Jacques et Jude, les cousins du Seigneur. Et là, Simon et puis André, le frère de Pierre. Voilà encore Jacques, frère de Jean, et eux sont Philippe, Barthélemy et Matthieu. Il manque Thomas, qui est encore absent, mais je le cite comme s’il était présent. Tous ont été choisis pour une mission spéciale. Mais ces autres, qui se tiennent humblement dans l’ombre, furent les premiers dans l’héroïsme de l’amour. Depuis plus de six lustres, ils prêchent le Christ. Ni les persécutions qu’ils ont subies, ni la condamnation de l’Innocent n’ont porté atteinte à leur foi. Tous sont pêcheurs ou bergers, or vous êtes des patriciens. Mais dans le nom de Jésus, il n’y a plus de différences. L’amour dans le Christ nous rend tous égaux et frères, et mon amour vous appelle fils bien que vous apparteniez à une autre nation. J’irai jusqu’à vous dire que je vous retrouve après vous avoir perdus car, au moment de la douleur, vous étiez auprès du Mourant. Et je n’oublie pas ta pitié, Longinus. Ni tes paroles, soldat [2]. Je paraissais meurtrie, mais je voyais tout. 626.4 Moi, je n’ai pas la possibilité de vous récompenser. D’ailleurs, il n’existe aucun paiement pour des choses saintes, seulement de l’amour et la prière. Et c’est elle que je vous donnerai, en priant notre Seigneur Jésus de vous donner, lui, la récompense.

    – Nous l’avons eue, Domina. C’est pour cela que nous avons osé venir tous ensemble. Une commune impulsion nous a rassemblés. Déjà la foi a jeté son lien d’un cœur à l’autre » dit Longinus.

    Tous s’approchent avec curiosité et il se trouve quelqu’un qui, vainquant sa retenue et peut-être sa répulsion du contact avec les païens, demande :

    « Qu’avez-vous eu ?

    – Moi, une voix : celle de ton Fils, qui me disait : “ Viens à moi ”, dit Longinus.

    – Et moi, j’ai entendu : “ Si tu me crois saint, crois en moi, ajoute l’autre soldat.

    – Quant à nous, raconte Plautina, nous étions en train de parler de lui ce matin quand nous avons vu une lumière, une lumière ! Elle a pris la forme d’un visage. Ah ! toi, dis sa splendeur. C’était le sien. Et il nous a souri avec une telle douceur que nous n’avions plus qu’un désir : venir vous demander de ne pas nous repousser. »

    Il y a un bourdonnement de voix et des commentaires. Tous parlent pour répéter comment ils l’ont vu.

    626.5 Les dix apôtres se taisent, un peu vexés. Pour ne pas sembler être les seuls que Jésus n’ait pas salués, ils demandent aux femmes juives si elles sont restées sans cadeau pascal.

    Elise dit :

    « Il m’a enlevé l’épée douloureuse de la mort de mon fils. »

    Et Anne :

    « J’ai entendu sa promesse sur le salut éternel des miens. »

    Syra :

    « Moi, une caresse. »

    Et Marcelle :

    « Moi, un éclair et sa voix qui disait : “ Persévère. ”

    – Et toi, Nikê ? demandent-ils parce que celle-ci se tait.

    – Elle l’a déjà obtenu, répondent d’autres.

    – Non. J’ai vu son visage, et il m’a dit : “ Pour que celui-ci s’imprime sur ton cœur. ” Comme il était beau ! »

    Marthe va et vient, discrète et rapide.

    « Et toi, ma sœur ? N’as-tu rien eu ? Tu gardes le silence, mais tu souris. Tu souris trop doucement pour ne pas éprouver quelque joie, remarque Marie-Madeleine.

    – C’est vrai. Tu tiens tes paupières baissées et ta langue est muette, mais c’est comme si tu chantais une chanson d’amour tant tes yeux brillent derrière le voile des cils.

    – Parle donc ! Mère, elle te l’a confié ? »

    La Mère sourit, mais ne dit mot.

    Marthe, qui est occupée à mettre le couvert, veut tenir baissé le voile sur son heureux secret. Mais sa sœur ne la laisse pas tranquille. Alors elle murmure en rougissant de bonheur :

    « Il m’a donné rendez-vous pour l’heure de la mort et de l’accomplissement des noces… »

    Elle rougit encore plus, tandis que son visage s’éclaire d’un sourire qui vient de son âme.




[1] Celles du prophète, en Isaïe 6,5-7.

[2] Cf. EMV 609.21. "Mais l'un des plus proches et qui entend les paroles de Marie, bougonne quelque chose entre ses lèvres et hoche la tête".



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-012.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/arrivee-des-paiens-et-mentions-d-autres-apparitions.html

Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Dim 8 Aoû - 18:56

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

627. Apparition aux apôtres réunis au Cénacle

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 13
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 627

Le jeudi 5 avril 1945.
(Jeudi de Pâques).


Dimanche 7 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 

627.1 Ils sont rassemblés au Cénacle. La soirée doit être bien avancée, car aucun bruit ne monte plus de la maison ni de la rue. Je pense que, fatigués par tant d’émotions, tous ceux qui sont venus dans la journée se sont retirés chez eux pour la nuit.

En revanche, les dix apôtres, après un repas de poissons — il en reste quelques-uns sur un plateau posé sur la crédence —, conversent à la lumière d’une seule flamme du candélabre le plus proche de la table, autour de laquelle ils sont restés assis. En fait de conversations, elles tiennent davantage du monologue : chacun semble se parler à lui-même plutôt qu’à son compagnon. Et les autres le laissent dire, quitte à intervenir à leur tour sur un tout autre thème. Pourtant ces “ conversations ” décousues, qui me donnent l’impression d’être les rayons d’une roue démontée, tournent autour d’un seul sujet qui est au centre de ce fouillis : c’est Jésus.

627.2 « Je ne voudrais pas que Lazare ait mal entendu et que les femmes aient mieux compris que lui… déclare Jude.

– A quelle heure la Romaine dit-elle l’avoir vu ? » demande Matthieu.

Personne ne lui répond.

« Demain, je vais à Capharnaüm, annonce André.

– Quelle merveille ! Agir de telle façon que c’est le moment précis où sort la litière de Claudia ! lance Barthélemy.

– Nous avons mal fait, Pierre, de nous éloigner aussitôt, ce matin… Si nous étions restés, nous l’aurions vu comme Marie-Madeleine, soupire Jean.

– Moi, je ne comprends pas comment il peut être à Emmaüs et en même temps au palais. Et apparaître ici, chez sa Mère, chez Marie-Madeleine et chez Jeanne à la fois… intervient Jacques, fils de Zébédée.

– Il ne viendra pas. Je n’ai pas suffisamment pleuré pour le mériter… Il a raison. Je suis certain qu’il me fait attendre pendant trois jours à cause de mes trois reniements. Comment ai-je donc pu faire cela ?

– Lazare était complètement transfiguré ! On aurait dit un soleil, je peux vous l’assurer. Je pense qu’il lui est arrivé la même chose qu’à Moïse après avoir vu Dieu. Et aussitôt n’est-ce pas, vous qui étiez là ? aussitôt après avoir offert sa vie ! » s’exclame Simon le Zélote.

Personne ne l’écoute.

627.3 Jacques, fils d’Alphée, se tourne vers Jean :

« Qu’a-t-il dit aux disciples d’Emmaüs ? Il me semble qu’il nous a excusés, non ? N’a-t-il pas déclaré que tout est arrivé à cause de notre erreur d’israélites sur la façon de comprendre son Royaume ? »

Jean ne l’écoute pas. Il se tourne pour regarder Philippe et parle en l’air… car il ne s’adresse pas à Philippe :

« Pour moi, il me suffit de savoir qu’il est ressuscité. Et puis… Et puis que mon amour soit toujours plus fort. Vous avez vu, hein ! Si vous regardez de près, c’est en proportion de l’amour que nous lui avons témoigné qu’il est allé rencontrer d’abord Marie, puis Marie-Madeleine, les enfants, ma mère et la tienne, enfin Lazare et Marthe… Quand à Marthe… Tu te souviens comment elle nous a fait sursauter quand elle a entonné à l’improviste ce psaume de David : “ Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre. ” [1] Et ces paroles sont en relation avec ce qu’elle a dit : “ Il a appelé mon âme à lui. ” En effet, Marthe semble avoir retrouvé sa route… Auparvant, elle était égarée, elle, la courageuse ! Peut-être qu’en l’appelant il lui a indiqué l’endroit où il la veut. C’est même certain car, s’il lui a donné rendez-vous, il doit savoir où elle sera. Qu’aura-t-il voulu dire en parlant d’un “ accomplissement des noces ” ? »

Philippe, qui le regarde depuis un certain temps mais l’a laissé monologuer, gémit :

« Je ne saurai pas que lui dire s’il vient… Je me suis enfui… et je sens que je vais fuir. La première fois, c’était par peur des hommes. Maintenant, c’est par peur de lui.

– Tous racontent qu’il est très beau. Peut-il donc être plus beau qu’il ne l’était déjà ? se demande Barthélemy.

– Moi, je lui dirai : “ Tu m’as pardonné sans même me parler quand j’étais publicain. Pardonne-moi encore une fois par ton silence, car ma lâcheté ne mérite pas que tu t’adresses à moi ”, annonce Matthieu.

– Longinus rapporte qu’il s’est demandé : “ Dois-je lui demander de guérir ou de croire ” ? Mais son cœur a répondu : “ de croire ”, et alors la Voix a dit : “ Viens à moi ”, et il a senti en lui la volonté de croire et en même temps la guérison. Ce sont ses propres mots, affirme Jude.

– Personnellement, je soutiens que Lazare a été récompensé si vite, à cause de son offrande… J’ai dit, moi aussi : “ Ma vie pour ta gloire. ” Mais il n’est pas venu, soupire Simon le Zélote.

627.4 – Qu’en penses-tu, Simon ? Toi qui es cultivé, dis-moi : quels mots dois-je employer pour lui faire comprendre que je l’aime et que je lui demande pardon ? Et toi, Jean ? Tu as parlé beaucoup avec Marie, aide-moi. Par pitié, ne laisse pas seul le pauvre Pierre ! »

Jean est ému de compassion pour son compagnon humilié et il répond :

« Je lui dirais tout simplement : “ Je t’aime. ” L’amour inclut le désir du pardon et le repentir. Mais… je ne sais pas. Simon, quel est ton avis ? »

Simon le Zélote dit :

« – Je répéterais le cri des miraculés : “ Jésus, aie pitié de moi ! ” Je dirais : “ Jésus ” et c’est tout, car il est bien plus que le Fils de David !

– C’est bien ce que je pense, et ce qui me fait trembler. Oh ! je me cacherai la tête… Ce matin, je redoutais de le voir…

– Tu es néanmoins entré le premier. Mais n’aie donc pas peur. On dirait que tu ne le connais pas » lui dit Jean pour l’encourager.

627.5 La pièce s’illumine vivement comme par un éclair éblouissant. Les apôtres se cachent le visage, craignant que ce ne soit la foudre, mais ils n’entendent pas de bruit et relèvent la tête.

Jésus se tient au milieu de la pièce, près de la table. Il ouvre les bras en disant :

« La paix soit avec vous. »

Personne ne répond. Les uns sont plus pâles, d’autres plus rouges, ils le fixent tous, craintifs et émus, fascinés et en même temps un peu tentés de fuir.

Jésus fait un pas en avant avec un grand sourire.

« N’ayez donc pas peur ! C’est moi. Pourquoi êtes-vous si troublés ? Ne désiriez-vous pas me voir ? Ne vous avais-je pas fait dire que j’allais venir ? Ne vous l’avais-je pas annoncé dès le soir de la Pâque ? »

Personne n’ose parler. Déjà, Pierre pleure et Jean sourit, pendant que les deux cousins, les yeux brillants et remuant les lèvres sans réussir à parler, semblent être deux statues représentant le désir.

« Pourquoi avez-vous au fond du cœur des pensées si opposées entre le doute et la foi, entre l’amour et la crainte ? Pourquoi voulez-vous être encore chair, au lieu de voir, comprendre, juger, agir avec votre esprit uniquement ? Votre vieux moi n’a-t-il pas complètement brûlé sous la flamme de la douleur, pour faire place au nouveau moi d’une vie renouvelée ? 627.6 Je suis Jésus, votre Jésus ressuscité, comme il vous l’avait annoncé. Regardez : toi qui as vu mes blessures et vous qui ignorez ma torture, car ce que vous savez est bien différent de la connaissance exacte qu’en a Jean. Viens, toi, le premier. Tu es déjà tout à fait pur, si pur que tu peux me toucher sans crainte. L’amour, l’obéissance, la fidélité t’avaient déjà rendu pur. Mon sang, dont tu as été inondé quand tu m’as descendu de la croix, a fini de te purifier. Regarde : ce sont de vraies mains et de vraies blessures. Observe mes pieds. Tu vois la marque du clou ? Oui, c’est vraiment moi et non pas un fantôme. Touchez-moi. Les spectres n’ont pas de corps. Moi, j’ai une vraie chair sur un vrai squelette. »

Il pose sa main sur la tête de Jean qui a osé s’approcher de lui :

« Tu sens ? Elle est chaude et lourde. » Il lui souffle sur le visage : « Et ceci, c’est ma respiration.

– Oh ! mon Seigneur ! »

Ce n’est pas une exclamation, mais un doux murmure…

« Oui, votre Seigneur. Jean, ne pleure pas de crainte et de désir. Viens vers moi. Je suis toujours celui qui t’aime. Mettons-nous à table comme toujours. N’avez-vous rien à manger ? Donnez-le-moi donc. »

Avec des mouvements de somnambules, André et Matthieu prennent sur les crédences les pains et les poissons, ainsi qu’un plateau contenant un rayon de miel à peine entamé dans un coin.

Jésus offre la nourriture et mange, puis il en donne un peu à chacun. Et il les regarde d’un air si bon, mais si majestueux, qu’ils en sont paralysés.

627.7 Le premier à oser parler, c’est Jacques, le frère de Jean :

« Pourquoi nous observes-tu ainsi ?

– Parce que je veux vous connaître.

– Tu ne nous connais pas encore ?

– Comme vous ne me connaissez pas. Si vous me connaissiez, vous sauriez qui je suis et vous trouveriez les mots pour me faire part de votre tourment. Vous vous taisez, comme en face d’un étranger puissant que vous craignez. Tout à l’heure, vous parliez… Cela fait presque quatre jours que vous réfléchissez à l’attitude que vous aurez à cet instant : “ Je lui dirai ceci… ” en disant à mon Esprit : “ Reviens, Seigneur, que je puisse te dire ceci. ” Je suis là désormais, et vous vous taisez ? Ai-je tellement changé que je ne vous semble plus être moi-même ? Ou bien êtes-vous tellement changés que vous ne m’aimez plus ? »

Jean, assis auprès de Jésus, retrouve son geste habituel de poser la tête sur sa poitrine en murmurant :

« Moi, je t’aime, mon Dieu. »

Mais il se raidit pour s’interdire cet abandon par respect pour le resplendissant Fils de Dieu. En effet, Jésus a beau avoir un corps en tout point semblable au nôtre, il semble irradier une lumière. Mais lorsqu’il l’attire sur son cœur, Jean ouvre les digues de ses larmes de joie.

C’est le signal pour tous.

627.8 Pierre, deux places après Jean, glisse entre la table et son siège, et il pleure en criant :

« Pardon, pardon ! Retire-moi de l’enfer où je me trouve depuis si longtemps. Dis-moi que tu as vu mon erreur pour ce qu’elle a été : non pas une faute de l’esprit, mais une faiblesse de la chair qui a dominé le cœur. Dis-moi que tu as vu mon repentir… Il durera jusqu’à la mort. Mais toi… dis-moi que, comme Jésus, je ne dois pas te craindre… Et moi, je chercherai à bien agir, de façon à être pardonné même par Dieu… et, à ma mort, à avoir seulement un grand purgatoire à faire.

– Viens ici, Simon, fils de Jonas.

– J’ai peur.

– Viens ici. Ne sois plus lâche.

– Je ne mérite pas de venir près de toi.

– Viens ici. Que t’a dit ma Mère ? “ Si tu ne le regardes pas sur ce suaire, tu n’auras jamais plus le courage de le regarder. ” [2] Homme borné que tu es ! Ce Visage ne t’a-t-il pas dit, par son regard douloureux, que je te comprenais et que je te pardonnais ? J’ai pourtant donné ce linge pour qu’il vous soit un signe de réconfort, d’absolution, de bénédiction, un guide… Mais que vous a fait Satan pour vous aveugler à ce point ? Je te le dis : si tu ne me regardes pas, maintenant que j’ai encore un voile étendu sur ma gloire pour me mettre à la portée de votre faiblesse, tu ne pourras jamais plus venir sans peur à ton Seigneur. Et que t’arrivera-t-il alors ? Tu as péché par présomption. Veux-tu pécher de nouveau par obstination ? Viens, te dis-je ! »

Pierre se traîne sur ses genoux, entre la table et les sièges, les mains sur son visage en larmes. Jésus l’arrête, quand il arrive à ses pieds, en lui posant la main sur la tête. Pierre, en pleurant plus fort, saisit cette main et la baise dans un vrai sanglot sans frein. Il ne sait que répéter :

« Pardon ! Pardon ! »

Jésus se dégage de son étreinte et, faisant levier de sa main sous le menton de l’apôtre, il l’oblige à lever la tête et fixe, de ses yeux brillants et sereins, les yeux de Pierre rougis, brûlés, déchirés par le repentir. Il semble vouloir lui transpercer l’âme, puis il dit :

« Allons ! Lève l’opprobre de Judas. Embrasse-moi là où il m’a embrassé. Lave, par ton baiser, la marque de la trahison. »

Jésus se penche encore davantage, Pierre lève la tête et effleure sa joue. Puis il incline la tête sur les genoux de Jésus, et il reste ainsi… comme un vieil enfant qui a mal agi, mais qui est pardonné.

627.9 Maintenant que les autres voient la bonté de leur Jésus, ils retrouvent un peu de hardiesse et s’approchent comme ils peuvent.

Viennent d’abord ses cousins… Ils voudraient dire tant de choses que rien ne sort. Jésus les caresse et les encourage d’un sourire.

Matthieu s’avance avec André, et dit :

« Comme à Capharnaüm… » et André : « Moi, moi… je t’aime, moi. »

Barthélemy s’approche en gémissant :

« Je n’ai pas été sage, mais sot. Lui est sage. »

Et il désigne Simon le Zélote, auquel Jésus sourit déjà.

Jacques, fils de Zébédée, vient à son tour, et murmure à Jean :

« Dis-le-lui, toi… »

Jésus se tourne :

« Tu l’as répété depuis quatre soirs, et depuis tout ce temps j’étais plein de compassion pour toi. »

Philippe, en dernier lieu, arrive, tout courbé, mais Jésus le force à lever la tête, et lui dit :

« Pour prêcher le Christ, il faut davantage de courage. »

627.10 Maintenant qu’ils sont tous autour de Jésus, ils s’enhardissent peu à peu et retrouvent ce qu’ils ont perdu ou craint d’avoir perdu pour toujours. La confiance, la tranquillité réapparaissent et, bien que Jésus soit si majestueux qu’il tient ses apôtres dans un respect nouveau, ils trouvent finalement le courage de parler.

C’est son cousin Jacques qui soupire :

« Pourquoi nous avoir fait cela, Seigneur ? Tu savais bien que nous ne sommes rien, et que tout vient de Dieu. Pourquoi ne nous as-tu pas donné la force de nous tenir à tes côtés ? »

Jésus le regarde et sourit sans mot dire. Simon le Zélote prend la parole à son tour :

« Maintenant, tout est accompli. Tu ne dois plus rien souffrir, mais ne me demande plus jamais une telle obéissance. Chaque heure m’a vieilli d’un lustre. Dans mon imagination, l’amour et Satan augmentaient également tes souffrances de cinq fois ce qu’elles ont été, et cela m’a épuisé, je n’ai plus aucune force. Pour ne pas périr, pour continuer à obéir alors que je ressemblais à un homme qui se noie avec les mains blessées, je n’ai pu que tenir ma force avec ma volonté, comme des dents qui serrent une planche… Ah ! ne demande plus cela à ton lépreux ! »

Jésus regarde Simon le Zélote et sourit.

« Seigneur, tu sais ce que voulait mon cœur. Mais, ensuite, je n’ai plus eu de cœur… comme si les gredins qui t’ont pris me l’avaient arraché… et il m’est resté un trou d’où fuyaient toutes mes pensées antérieures. Pourquoi as-tu permis cela, Seigneur ? » demande André.

Philippe intervient alors. Le souvenir de sa souffrance lui écarquille encore les yeux.

« Tu parles de cœur ? C’est comme si j’avais perdu la raison, comme si j’avais reçu un coup de massue sur la tête. Quand, la nuit venue, je me suis trouvé à Jéricho… Mon Dieu ! Un homme peut-il périr ainsi ? Voilà, à mon avis, ce qu’est la possession. Maintenant, je comprends ce maléfice redoutable… »

Barthélemy prend la parole :

« Tu as raison, Philippe. Moi, je regardais en arrière. Je suis âgé et non dépourvu de sagesse, or je ne savais plus rien de ce que j’avais su jusqu’à cette heure. 627.11 J’observais Lazare, si déchiré mais si sûr, et je songeais : “ Comment se peut-il que lui sache encore trouver une raison et moi plus rien ? ”

– Moi aussi, je regardais Lazare. Et, puisque je sais à peine ce que tu nous as expliqué, je ne pensais pas au savoir, mais je me disais : “ Si mon cœur pouvait être comme le sien ! ” Je ne ressentais au contraire que douleur, douleur, et encore douleur. Lazare, lui, connaissait certes la douleur, mais aussi la paix… Pourquoi tant de paix en lui ? »

Jésus regarde tour à tour d’abord Philippe, puis Barthélemy, puis Jacques, fils de Zébédée. Il sourit en silence.

Jude déclare :

« Moi, j’espérais arriver à voir ce que Lazare voyait certainement. C’est pourquoi je restais toujours à côté de lui… Son visage était un vrai miroir. Un peu avant le tremblement de terre de vendredi, il a semblé mourir, comme broyé, avant de devenir tout à coup majestueux dans sa douleur. Vous rappelez-vous l’avoir entendu dire : “ Le devoir accompli donne la paix ” ? Nous avons tous cru à quelque reproche à notre encontre, ou à l’approbation de son propre comportement. Je pense aujourd’hui qu’il disait cela pour toi. Lazare était un phare dans nos ténèbres. Combien tu lui as donné, Seigneur ! »

Jésus continue à sourire en silence. André dit :

« Oui : la vie ! Peut-être lui as-tu donné aussi une âme différente. Car enfin, pourquoi est-il différent de nous ? Il n’est plus un homme, il est déjà quelque chose de plus. Or, à cause de ce qu’il était dans le passé, il aurait dû être encore moins parfait spirituellement que nous. Mais lui s’est fait, et nous… Seigneur, mon amour a été vide comme certains épis. J’ai seulement produit de la bale. »

Et Matthieu :

« Moi, je ne peux rien demander : j’ai déjà tant obtenu avec ma conversion ! Mais oui ! J’aurais voulu avoir ce qu’a reçu Lazare : une âme donnée par toi, car je suis de l’avis d’André…

– Marie-Madeleine et Marthe ont été des phares, elles aussi. Serait-ce la race ? Vous ne les avez pas vues. L’une était pitié et silence. L’autre… ah ! si nous avons tous été un faisceau autour de la Bénie, c’est parce que Marie de Magdala nous a regroupés par les flammes de son courageux amour. Oui, j’ai dit “ la race ”, mais il est plus juste de parler d’amour. Tous les trois, ils nous ont dépassés en amour. C’est pour cela qu’ils ont été ce qu’ils furent » dit Jean.

Jésus sourit et continue de se taire.

« Ils en ont été grandement récompensés…

– C’est à eux que tu es apparu.

– A tous les trois.

– A Marie, tout de suite après ta Mère… »

Les apôtres éprouvent manifestement une certaine jalousie de ces apparitions privilégiées.

« Marie te sait ressuscité depuis si longtemps… Or nous, il nous a fallu attendre cet instant pour te voir…

– Elles n’ont plus aucun doute. En nous, au contraire, voilà… c’est seulement maintenant que nous sentons que rien n’est fini. Pourquoi leur être apparu à elles, Seigneur, si tu nous aimes encore et si tu ne nous repousses pas ? demande Jude.

– Oui. Pourquoi aux femmes, et en particulier à Marie ? Tu as même touché son front, et elle assure qu’il lui semble porter une couronne éternelle. Et à nous, tes apôtres, rien… »

627.12 Jésus ne sourit plus. Son visage n’est pas troublé, mais il ne sourit plus. Il regarde sérieusement Pierre qui a parlé le dernier, reprenant de la hardiesse à mesure que sa peur se dissipe, et il dit :

« J’avais douze apôtres. Je les aimais de tout mon cœur. Je les avais choisis et, comme une mère, j’avais pris soin de les faire grandir dans ma vie. Je n’avais pas de secrets pour eux. Je leur disais tout, je leur expliquais tout, je leur pardonnais tout. Leurs idées humaines, leurs étourderies, leurs entêtements… tout. Et j’avais des disciples. Des disciples riches et des pauvres. J’avais des femmes au passé ténébreux ou de faible constitution. Mais mes préférés étaient les apôtres.

Mon heure est venue. L’un m’a trahi et livré aux bourreaux. Trois ont dormi pendant que je suais du sang. Tous, sauf deux, ont fui par lâcheté. Un m’a renié par peur malgré l’exemple que lui montrait l’autre, jeune et fidèle. Et, comme si cela ne suffisait pas, il y a eu parmi les Douze le suicide d’un désespéré. Un autre a tant douté de mon pardon qu’il n’a cru que difficilement, grâce à la parole de ma Mère, à la miséricorde de Dieu. Bref, si j’avais porté sur ma troupe un regard humain, j’aurais dû dire : “ A part Jean, fidèle par amour, et Simon, fidèle à l’obéissance, je n’ai plus d’apôtres. ” Voilà ce que j’aurais dû penser pendant que je souffrais dans l’enceinte du Temple, au Prétoire, dans les rues et sur la croix.

627.13 J’avais des femmes disciples… L’une d’elles, la plus coupable dans le passé, a été, comme Jean l’a dit, la flamme qui a soudé les fibres brisées des cœurs. Cette femme, c’est Marie de Magdala. Toi, tu m’as renié et tu as fui. Elle, elle a bravé la mort pour rester près de moi. Insultée, elle a découvert son visage, prête à recevoir les crachats et les gifles pour ressembler davantage à son Roi crucifié. Méprisée, au fond des cœurs, à cause de sa foi tenace en ma résurrection, elle a su continuer à croire. Déchirée, elle a agi. Désolée, ce matin, elle a dit : “ Je suis prête à me dépouiller de tout, mais rendez-moi mon Maître. ” Comment oses-tu me demander : “ Pourquoi elle ? ”

J’avais des disciples pauvres, des bergers. Je les ai peu approchés, et pourtant, comme ils ont su me montrer leur amour et leur foi par leur fidélité !

J’avais des disciples timides, comme toutes les femmes de ce pays. Et pourtant, elles ont su quitter leurs maisons et venir dans la marée d’un peuple qui me blasphémait, pour m’apporter le secours que mes apôtres m’avaient refusé.

J’avais des païennes qui admiraient le “ philosophe ”. J’étais cela, pour elles. Mais ces puissantes Romaines ont su s’abaisser aux usages juifs pour me dire, à l’heure de l’abandon d’un monde ingrat : “ Nous sommes tes amies. ”

627.14 J’avais le visage couvert de crachats et de sang. Les larmes et la sueur coulaient sur mes blessures. La saleté et la poussière s’incrustaient sur ma peau. Quelle est la main qui m’a essuyé ? La tienne ? La tienne ? Celle de qui ? Aucune de vos mains. Mais celui-ci se tenait aux côtés de ma Mère. Celui-ci rassemblait les brebis dispersées, c’est-à-dire vous. Car si mes brebis étaient dispersées, auraient-elles pu venir à mon secours ? Tu cachais ton visage par peur du mépris du monde au moment où ton Maître, l’Innocent, était couvert de mépris par le monde entier.

J’avais soif. Oui, sache aussi cela : je mourais de soif. Je n’avais plus que fièvre et douleur. Le sang avait déjà coulé à Gethsémani, tant je souffrais d’être trahi, abandonné, renié, frappé, submergé par le nombre infini des fautes et par la rigueur de Dieu. Et il avait coulé au Prétoire… Qui a pensé à me donner une goutte pour ma gorge en feu ? Une main d’Israël ? Non. La pitié d’un païen. Cette même main qui, par un décret éternel, m’ouvrit la poitrine pour montrer que mon cœur avait déjà une blessure mortelle, et c’était celle que l’absence d’amour, la lâcheté, la trahison, m’avaient faite. Un païen. Je vous le rappelle : “ J’ai eu soif et tu m’as donné à boire. ” De tout Israël, il ne s’est trouvé personne pour me réconforter, que ce soit dû à l’impossibilité de le faire, comme ma Mère et les femmes fidèles, ou à la mauvaise volonté. Mais un païen trouva, pour l’inconnu que j’étais, la pitié que mon peuple m’avait refusée. Il trouvera au Ciel la gorgée qu’il m’a donnée.

En vérité, je vous le dis : j’ai refusé tout réconfort puisque, quand on est Victime, il ne faut pas adoucir son sort, mais je n’ai pas voulu repousser le païen car, dans son offrande, j’ai savouré le miel de tout l’amour que me donneront les païens pour compenser l’amertume qui m’est venue d’Israël. Il ne m’a pas ôté ma soif. Mais le découragement, oui. J’ai accepté cette gorgée ignorée pour attirer à moi celui qui déjà penchait vers le bien. Que le Père le bénisse pour sa pitié !

627.15 Vous ne parlez plus ? Pourquoi ne me demandez-vous pas pourquoi j’ai agi ainsi ? Vous ne l’osez pas ? Je vais vous le dire. Je vais tout vous dire des raisons de cette heure.

Qui êtes-vous ? Mes continuateurs. Oui. Vous l’êtes malgré votre égarement. Que devez-vous faire ? Convertir le monde au Christ. Convertir ! C’est la chose la plus difficile et la plus délicate, mes amis. Le dédain, le dégoût, l’orgueil, le zèle exagéré sont tous très nuisibles pour réussir. Mais comme rien ni personne ne vous auraient amenés à la bonté, à la pitié, à la charité pour ceux qui sont dans les ténèbres, il a été nécessaire, vous comprenez ? il a été nécessaire que soit, une bonne fois, brisé votre orgueil d’Hébreux, de mâles, d’apôtres, pour faire place à la vraie sagesse de votre ministère, à la douceur, à la miséricorde, à l’amour sans arrogance ni mépris.

Vous voyez que tous ceux que vous considériez avec mépris ou orgueilleuse compassion vous ont surpassés dans la foi et dans l’action. Tous. Même l’ancienne pécheresse. Même Lazare, pénétré de culture profane, le premier à avoir pardonné et guidé en mon nom. Même les femmes païennes. Même la faible épouse de Kouza… faible ? En réalité, elle vous surpasse tous, elle est la première martyre de ma foi. Même les soldats de Rome, les bergers, Manahen l’hérodien et jusqu’au rabbin Gamaliel. Ne sursaute pas, Jean. Crois-tu que mon esprit était dans les ténèbres ? Tous. Et cela pour que, à l’avenir, le souvenir de votre erreur vous empêche de fermer votre cœur à ceux qui viendront à la croix.

Je vous le dis. Je sais déjà que, malgré ces mots, il faudra toute la force du Seigneur pour vous plier comme des brindilles à ma volonté, qui est d’avoir des chrétiens de toute la terre. J’ai vaincu la mort, mais elle est moins dure que le vieil hébraïsme. Mais je vous plierai.

627.16 Toi, Pierre, qui dois être la Pierre de mon Eglise, grave ces amères vérités dans ton cœur au lieu de rester en larmes et humilié. La myrrhe sert à préserver de la corruption. Imprègne-toi donc de myrrhe. Et lorsque tu voudras fermer ton cœur et l’Eglise à une personne d’une autre foi, rappelle-toi que ce n’est pas Israël mais Rome qui m’a défendu et a voulu avoir pitié. Rappelle-toi que ce n’est pas toi, mais une pécheresse qui a su rester au pied de la croix et a mérité de me voir la première. Pour ne pas mériter de blâme, sois donc l’imitateur de ton Dieu. Ouvre ton cœur et l’Eglise en disant : “ Moi, le pauvre Pierre, je ne puis mépriser car, si je méprise, je serai méprisé par Dieu, et mon erreur sera ravivée à ses yeux. ” Malheur si je ne t’avais pas brisé ainsi ! Ce n’est pas un berger, mais un loup que tu serais devenu. »

627.17 Jésus se lève avec la plus grande majesté.

« Mes fils, je vous parlerai encore pendant que je resterai parmi vous. Mais pour l’instant, je vous absous et vous pardonne. Après l’épreuve qui, si elle a été humiliante et cruelle, était aussi salutaire et nécessaire, que descende en vous la paix du pardon. Une fois qu’elle sera dans votre cœur, redevenez mes amis fidèles et courageux. Le Père m’a envoyé dans le monde. A mon tour, je vous envoie dans le monde continuer mon évangélisation. Des misères de toutes sortes viendront à vous pour vous demander quelque soulagement. Soyez bons en pensant à votre propre misère quand vous êtes restés sans votre Jésus. Soyez éclairés. Dans les ténèbres, il n’est pas permis de voir. Soyez purs pour donner la pureté. Soyez amour pour aimer. Puis viendra celui qui est Lumière, Purification et Amour. Mais, en attendant, pour vous préparer à ce ministère, je vous communique l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez leurs péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. Que votre expérience vous apporte un jugement juste. Que l’Esprit Saint vous rende saints pour sanctifier. Que la volonté sincère de surmonter vos manquements vous rende héroïques pour la vie qui vous attend. J’ai encore d’autres directives pour vous, mais attendons que l’absent soit revenu. Priez pour lui. Restez dans ma paix et sans agitation ou doute sur mon amour. »

Et Jésus disparaît comme il était entré, laissant une place vide entre Jean et Pierre. Il s’éclipse dans une lumière qui fait fermer les yeux tant elle fascine. Quand leurs yeux éblouis se rouvrent, ils trouvent seulement que la paix de Jésus est restée, flamme qui brûle, soigne et consume les amertumes du passé dans un unique désir : servir.




[1] Psaume 22 (Hébreu 23).

[2] Cf. EMV 615.11.



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-013.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/apparition-aux-dix-apotres.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mar 10 Aoû - 21:39

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

628. Le retour de Thomas et son incrédulité

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 14
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 628

Le samedi 7 avril 1945.
(Samedi de Pâques).


Jeudi 11 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 
628.1 Les dix apôtres se tiennent dans la cour de la maison du Cénacle. Ils discutent, ils prient un moment, puis ils reprennent leur conversation.

Simon le Zélote dit :

« Je suis vraiment affligé de la disparition de Thomas. Je ne sais plus où le chercher.

– Moi non plus, soupire Jean.

– Il n’est pas chez ses parents [1], personne ne l’a vu. Pourvu qu’on ne l’ait pas arrêté !

– Si c’était le cas, le Maître n’aurait pas annoncé : “ Je poursuivrai quand l’absent sera là. ” [2]

– C’est vrai. Néanmoins, je veux encore aller à Béthanie. Peut-être erre-t-il dans ces collines sans oser se montrer.

– Vas-y, Simon. Tu nous as tous rassemblés, et même sauvés en nous réunissant, puisque tu nous as menés chez Lazare [3]. A son sujet, avez-vous entendu les paroles du Seigneur ? Il a dit : “ c’est le premier à avoir pardonné et guidé en mon nom. ” Pourquoi ne le met-il pas à la place de Judas ? demande Matthieu.

– Probablement parce qu’il ne veut pas attribuer à son parfait ami celle d’un traître » répond Philippe.

628.2 Pierre intervient :

« Tout à l’heure, j’ai fait un tour aux marchés et j’ai discuté avec des marchands de poissons. Et j’ai entendu dire que… — oui, je peux me fier à eux — que ceux du Temple ne savent que faire du corps de Judas. J’ignore quel en est le responsable, mais ce matin, à l’aube, les gardiens du Temple ont trouvé son corps corrompu, avec encore la corde au cou, à l’intérieur de l’enceinte sacrée. Je pense que ce sont des païens qui l’ont détaché et jeté là, qui sait comment, rapporte Pierre.

– Moi, j’ai entendu hier soir à la fontaine, dit Jacques, fils d’Alphée, qu’on avait lancé les viscères du traître sur la maison d’Hanne. Des païens certainement, car aucun juif n’aurait touché ce corps après plus de cinq jours. Dans quel état de décomposition il devait être !

– Une horreur, depuis le sabbat ! »

Jean pâlit à ce souvenir.

« Mais comment a-t-il fini à cet endroit ? Il s’agissait bien de lui ?

– Qui a jamais eu la moindre certitude au sujet de Judas de Kérioth ? Rappelez-vous comme il était fermé, compliqué…

– Tu peux dire menteur, Barthélemy. Il n’était jamais sincère. Au cours des trois années qu’il a passées avec nous, nous avions tout en commun, mais nous nous trouvions en face de lui comme devant les remparts d’une forteresse.

– D’une forteresse ? Simon, parle plutôt d’un labyrinthe ! » s’exclame Jude.

Jean s’écrie alors :

« Oh ! écoutez ! Ne parlons pas de lui ! J’ai l’impression que nous l’invoquons et qu’il va venir nous troubler. Je voudrais effacer son souvenir de ma mémoire et de tous les cœurs, qu’ils soient israélites ou païens. Cela afin que les juifs n’aient pas à rougir de ce que notre race ait enfanté ce monstre, et afin que, chez les païens, personne ne puisse dire un jour : “ C’est un homme d’Israël qui l’a trahi. ” 628.3 Je ne suis qu’un jeune garçon, et je ne devrais pas parler le premier. Je suis le dernier et toi, Pierre, tu es le premier. Il y a ici Simon le Zélote et Barthélemy qui sont instruits, ainsi que les frères du Seigneur [4]. Mais, voilà, je voudrais que nous nous hâtions de mettre à la douzième place un homme saint, car tant que cette place sera vide dans notre groupe, j’y verrai la gueule de l’enfer avec ses puanteurs parmi nous. J’ai peur que cela ne nous dévoie…

– Mais non, Jean ! Tu es encore sous le coup de l’horreur de son crime et de son corps pendu…

– Non, non, Marie l’a dit elle aussi : “ J’ai vu Satan en voyant Judas. ” Oh ! hâtons-nous de chercher un saint à mettre à cette place !

– Ecoute : moi, je ne choisis personne. Si Jésus, qui est Dieu, a choisi un Judas, que choisira donc le pauvre Pierre ?

– Et pourtant tu devras bien le faire…

– Non, mon cher, moi je ne choisis rien. Je le demanderai au Seigneur. Pierre a déjà commis assez de péchés ! »

628.4 Jacques, fils d’Alphée, intervient d’un air découragé :

« Il y a tant de choses que nous devons demander ! L’autre soir, nous étions sidérés. Mais il faut que quelqu’un nous enseigne. Car… comment ferons-nous pour comprendre si quelque chose est vraiment un péché, ou non ? Vois comme le Seigneur parle des païens d’une façon différente de la nôtre. Vois comme il excuse plutôt une lâcheté et un reniement que le doute sur la possibilité de son pardon… Moi, j’ai peur de mal faire.

– Vraiment, il nous a beaucoup parlé. Et pourtant il me semble ne rien savoir. Je suis hébété depuis une semaine, avoue, découragé, l’autre Jacques.

– Moi aussi.

– Moi aussi.

– Et moi de même. »

Ils sont tous dans le même état et se regardent les uns les autres avec étonnement. Ils recourent à ce qui est désormais leur dernière solution :

« Nous irons chez Lazare » disent-ils. « Peut-être que là nous trouverons le Seigneur et… Lazare nous aidera. »

628.5 On frappe à la porte. Ils se taisent tous pour écouter et poussent un “ oh ! ” de stupeur en voyant entrer dans le vestibule Elie accompagné de Thomas, un Thomas si hagard qu’il ne paraît plus être lui-même.

Ses compagnons se pressent autour de lui en criant leur joie :

« Tu sais qu’il est ressuscité et qu’il est venu ? Et il t’attend pour revenir !

– Oui. Elie m’a dit cela, lui aussi. Mais je n’en crois rien. Je crois ce que je vois, or je vois que, pour nous, c’en est fini. Je vois que nous sommes tous dispersés. Je vois qu’il n’y a même plus un tombeau où le pleurer. Je vois que le Sanhédrin veut se débarrasser à la fois de son complice, dont il décrète l’inhumation comme si c’était un animal souillé, au pied de l’olivier où il s’est pendu, et des fidèles du Nazaréen. J’ai été arrêté le vendredi aux portes, et on m’a dit : “ Toi aussi, tu étais l’un des siens ? Il est mort, désormais. Retourne battre l’or. ” Je me suis enfui…

– Mais où ? Nous t’avons cherché partout !

– Où ? Je suis allé jusqu’à la maison de ma sœur à Rama. Mais je n’ai pas osé entrer, car… pour qu’une femme ne m’adresse pas de reproches. Alors j’ai erré à travers les montagnes de Judée et hier j’ai fini à Bethléem, dans sa grotte. Que j’ai pleuré ! J’ai dormi dans les décombres et c’est là que m’a trouvé Elie à son arrivée… Je ne sais pourquoi.

– Pourquoi ? Tout simplement parce qu’aux moments de joie ou de douleur trop grande, on va là où on se sent le mieux. Bien des fois, ces années-ci, je suis allé là-bas, de nuit, comme un voleur, pour me sentir caresser l’âme par le souvenir de ses vagissements. Je m’échappais dès le lever du soleil pour ne pas être lapidé. Mais j’étais déjà consolé. Cette fois, j’y suis allé pour dire à cet endroit : “ Je suis heureux ” et pour en prendre ce que je peux. C’est ce que nous avons décidé : nous voulons prêcher sa foi, mais nous en recevrons la force d’un morceau de ce mur, d’une poignée de cette terre, d’une écharde de ces poteaux. Nous ne sommes pas assez saints pour oser prendre la terre du Calvaire…

– Tu as raison, Elie. Nous devrions le faire nous aussi, et nous le ferons. Mais Thomas ?

– Thomas dormait et pleurait. Je lui ai dit : “ Réveille-toi et ne pleure plus. Il est ressuscité. ” Il refusait de me croire, mais j’ai tellement insisté que je l’ai convaincu. Le voici. Maintenant qu’il est parmi vous, je me retire. Je rejoins mes compagnons qui partent en Galilée. Paix à vous. »

Elie s’en va.

628.6 « Thomas, il est ressuscité. C’est moi qui te l’affirme. Il a été avec nous. Il a mangé. Il a parlé. Il nous a bénis. Il nous a pardonné. Il nous a donné le pouvoir de pardonner. Oh ! Pourquoi n’es-tu pas venu plus tôt ? »

Thomas ne sort pas de son abattement. Il hoche la tête, têtu.

« Je ne crois pas. Vous avez vu un fantôme. Vous êtes tous fous, à commencer par les femmes. Un homme mort ne se ressuscite pas.

– Un homme, non. Mais lui est Dieu. Ne le crois-tu pas ?

– Si. Je crois qu’il est Dieu. Mais précisément parce que je le crois, je dis que, si bon qu’il puisse être, il ne peut l’être au point de venir parmi ceux qui l’ont si peu aimé. Et j’ajoute que, si humble qu’il soit, il doit en avoir assez de s’humilier dans notre carne [5]. Non. Il doit être — il l’est certainement — triomphant au Ciel, et peut-être apparaîtra-t-il comme esprit. Je dis : peut-être. Nous ne méritons même pas cela ! Mais ressuscité en chair et en os, non. Non, je ne le crois pas.

– Mais puisque nous l’avons embrassé, vu manger, entendu sa voix, senti sa main, vu ses blessures !

– Je n’en crois rien. Je ne peux le croire. Pour croire, je devrais voir. Si je ne vois pas dans ses mains le trou des clous et si je n’y mets pas le doigt, si je ne touche pas les blessures de ses pieds, et si je ne mets pas ma main à l’endroit où la lance a ouvert son côté, je ne croirai pas. Je ne suis pas un enfant ou une femme. Je veux l’évidence. Ce que ma raison ne peut accepter, je le refuse. Or je ne peux accepter votre parole.

– Mais, Thomas ! Comment peux-tu imaginer que nous voulions te tromper ?

– Non, mes pauvres, au contraire ! Bienheureux êtes-vous d’avoir la bonté de vouloir m’amener à trouver la paix que vous avez réussi à obtenir par votre illusion. Mais… moi, je ne crois pas à sa résurrection.

– Tu n’as pas peur qu’il te punisse ? Il entend et voit tout, tu sais ?

– Je lui demande de me convaincre. J’ai une raison, et je m’en sers. Que lui, le Maître de la raison humaine, redresse la mienne si elle se fourvoie.

– Il disait que la raison est libre.

– Voilà donc un motif supplémentaire de ne pas la rendre esclave d’une suggestion collective. Je vous aime bien, et j’aime le Seigneur. Je le servirai comme je le peux, et je serai avec vous pour vous aider à le servir. J’annoncerai sa doctrine. Mais je ne puis croire que si je vois. »

Entêté, Thomas n’écoute que lui-même.

Ils lui parlent de tous ceux qui l’ont vu, et comment ils l’ont vu. Ils lui conseillent de parler avec Marie. Mais lui secoue la tête, assis sur un siège de pierre, plus pierre lui que son siège. Têtu comme un enfant, il répète :

« Je croirai si je vois… »

C’est le grand mot des malheureux qui nient ce qu’il est si doux et si saint de croire quand on admet que Dieu peut tout.




[1] À Rama, non loin de Jérusalem.

[2] Voir EMV 627.17.

[3] C’était une instruction et une prédiction de Jésus lors de son dernier séjour à Béthanie (Cf. EMV 587.9).

[4] Les cousins : Jude et Jacques, les fils d’Alphée.

[5] Carnaccia dans le texte original.



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-014.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/l-incredulite-de-thomas.html

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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Mer 11 Aoû - 22:19

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

629. Apparition aux apôtres en présence de Thomas. Discours sur la dignité du sacerdoce et sur les futurs prêtres.

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 15
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 629

Le 9 août 1944.


Dimanche 14 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 
       629.1 Les apôtres sont rassemblés au Cénacle, autour de la table où fut consommée la Pâque. Par respect, la place centrale, celle de Jésus, est restée vide.

    Maintenant que celui qui les groupait et les disposait autour de la table, selon sa volonté et par un choix inspiré par l’amour, n’est plus là, les apôtres se sont répartis différemment. Pierre est encore à sa place, mais Jude a pris celle de Jean.

    Puis vient le plus âgé des apôtres [1] — j’ignore encore de qui il s’agit —, suivi de Jacques, le frère de Jean, presque au coin de la table, du côté droit pour moi qui regarde. Près de Jacques, mais sur le plus petit côté de la table, est assis Jean. Après Pierre, de l’autre côté, vient Matthieu et après lui Thomas, Philippe, André, puis Jacques, le frère de Jude, et Simon le Zélote sur les autres côtés. Le plus long côté, en face de Pierre, est vide car les apôtres ont des sièges plus rapprochés qu’ils ne l’étaient pour la Pâque.

    Les fenêtres sont barrées et les portes verrouillées. La lampe, dont deux becs seulement sont allumés, répand une faible lumière sur la table. Le reste de la vaste pièce est dans la pénombre.

    Jean, qui a derrière lui une crédence, a la charge de présenter à ses compagnons ce qu’ils désirent. Leur frugale nourriture se compose de poisson, qui est sur la table, de pain, de miel et de petits fromages frais. C’est en se retournant vers la table pour tendre à son frère le fromage qu’il a demandé, que Jean voit le Seigneur.

    629.2 Jésus est apparu d’une manière très curieuse. Le mur derrière les convives, tout d’une pièce sauf le coin de la porte, s’est éclairé en son milieu, à une hauteur d’environ un mètre du sol, d’une lueur ténue et phosphorescente comme celle que produisent certaines gravures qui ne sont lumineuses que dans l’obscurité de la nuit. La lumière, haute d’environ deux mètres, a une forme ovale comme une niche. Dans la clarté, comme si elle avançait de derrière les voiles d’un brouillard lumineux, se dégage avec une netteté grandissante Jésus.

    Je ne sais pas si j’arrive à bien m’expliquer. On dirait que son corps coule à travers l’épaisseur du mur. Celui-ci ne s’ouvre pas, il reste compact, mais le corps passe tout de même. La lumière paraît être la première émanation de son corps, l’annonce de son approche. Le corps de Jésus est d’abord formé de légères lignes de lumière, comme je vois au Ciel le Père et les anges saints : immatériel. Puis il se matérialise de plus en plus jusqu’à prendre en tout point l’aspect d’un corps réel, celle de son divin corps glorifié.

    Je me suis attardée à le décrire, mais tout s’est passé en quelques secondes.

    Jésus est vêtu de blanc, comme lorsqu’il est ressuscité et apparu à sa Mère. Très beau, affectueux et souriant, il garde les bras le long du corps, un peu écartés, avec les mains vers la terre et les paumes tournées vers les apôtres. Les plaies des mains ressemblent à deux étoiles de diamant d’où sortent deux rayons très vifs.

    Je ne vois pas ses pieds, couverts par son vêtement, ni son côté. Mais l’étoffe de son habit, qui n’est pas terrestre, laisse passer une lumière là où elle recouvre les divines blessures. Au début, il semble que Jésus ne soit qu’un corps de clarté lunaire puis, quand il s’est concrétisé en apparaissant hors du halo de lumière, il a les couleurs naturelles de ses cheveux, de ses yeux, de sa peau. C’est Jésus, en somme, Jésus-homme-Dieu, mais devenu plus solennel maintenant qu’il est ressuscité.

    629.3 Jean le voit quand il est déjà ainsi. Aucun autre ne s’était encore aperçu de l’apparition. Il bondit sur ses pieds, laissant tomber sur la table le plateau de petits fromages ronds et, prenant appui sur le bord de la table, il se penche un peu vers elle et de côté comme si un aimant l’attirait vers elle, et il pousse à voix basse un “ Oh ! ” pourtant intense.

    Les autres lèvent la tête de leurs assiettes au bruit de la chute du plat de petits fromages et au saut que fait Jean. Ils regardent avec étonnement son attitude extatique et suivent son regard. Ils tournent la tête ou pivotent sur eux-mêmes, selon leur position par rapport au Maître, et ils voient Jésus. Ils se lèvent tous, émus et heureux, et courent vers lui. Accentuant son sourire, Jésus avance vers eux, en marchant désormais sur le sol comme tous les mortels.

    Au début, Jésus ne fixait que Jean qui, je pense, a dû se sentir attiré par ce regard caressant. Désormais, il les dévisage tous et dit :

    « Paix à vous. »

    Tous sont groupés autour de lui, les uns à genoux à ses pieds, dont Pierre et Jean — Jean baise un pan de son vêtement et en recouvre son visage comme pour en être caressé —, les autres plus en arrière, debout, mais inclinés dans une attitude de respect.

    Pour arriver plus vite, Pierre a fait un vrai bond au-dessus de son siège, sans attendre que Matthieu sorte le premier et lui libère le passage. Il faut se rappeler que les sièges servaient à deux personnes à la fois.

    629.4 Le seul qui reste un peu éloigné, l’air embarrassé, c’est Thomas. Il s’est agenouillé près de la table, mais n’ose avancer. Il semble même essayer de se cacher derrière le coin de la table.

    Jésus, en donnant ses mains à baiser — les apôtres les recherchent avec une sainte et affectueuse convoitise — passe les yeux sur les têtes inclinées comme s’il cherchait le onzième. Bien entendu, il l’a vu dès le premier instant et, s’il agit ainsi, c’est pour laisser à Thomas le temps de s’enhardir et de s’approcher. En voyant que l’incrédule, honteux de son manque de foi, n’ose le faire, il l’appelle :

    « Thomas, viens ici. »

    Thomas lève la tête, confus, presque en larmes, mais il n’ose s’avancer. Il baisse de nouveau la tête. Jésus fait quelques pas dans sa direction et dit de nouveau :

    « Viens ici, Thomas ! »

    La voix de Jésus est plus impérieuse que la première fois. L’air réticent, confus, Thomas se lève et s’approche de Jésus.

    « Voilà donc celui qui ne croit pas s’il ne voit pas ! » s’écrie Jésus, mais dans sa voix, il y a un sourire de pardon.

    Thomas s’en aperçoit, il ose lever les yeux vers Jésus et se rend compte qu’il sourit vraiment. Alors il prend courage et se hâte davantage.

    « Viens tout près. Regarde. Mets un doigt, s’il ne te suffit pas de regarder, dans les blessures de ton Maître. »

    Jésus a présenté ses mains et a ouvert son vêtement sur la poitrine pour découvrir la large blessure du côté.

    La lumière ne sort plus des blessures depuis que, sortant de son halo de lumière lunaire, il s’est mis à marcher comme un homme mortel, de sorte que les plaies apparaissent dans leur sanglante réalité : deux trous irréguliers — celui de gauche va jusqu’au pouce — qui transpercent un poignet et une paume à leur base, et une longue entaille, qui dans le côté supérieur forme légèrement un accent circonflexe, à son côté.

    Thomas tremble, regarde et ne touche pas. Il remue les lèvres, mais n’arrive pas à parler clairement.

    « Donne-moi ta main, Thomas » dit Jésus avec beaucoup de douceur.

    De sa main droite, il prend la main droite de l’apôtre et en saisit l’index. Il le fait entrer profondément dans la déchirure de sa main gauche, pour lui faire sentir que la paume est transpercée, puis il le guide vers son côté. Il va même jusqu’à saisir les quatre gros doigts de Thomas à leur base, au métacarpe, mais il ne se borne pas à les appuyer sur le bord de la déchirure de la poitrine, il les y fait entrer et les y maintient sans quitter Thomas des yeux.

    Son regard se fait sévère et néanmoins doux, tandis qu’il reprend :

    « Mets-là ton doigt, enfonce tes doigts et même ta main, si tu veux, dans mon côté et ne sois pas incrédule, mais croyant. »

    Ce sont les paroles qui accompagnent le geste que je viens de décrire.

    Il semble que la proximité du cœur divin que Thomas touche presque, lui ait communiqué du courage, car il arrive enfin à parler distinctement. Tombant à genoux, les bras levés et avec des larmes abondantes de repentir, il s’écrie :

   « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

    Il ne sait dire rien d’autre.

    Jésus lui pardonne. Il lui pose la main droite sur la tête et répond :

    « Thomas, Thomas ! Tu crois parce que tu as vu… Mais heureux ceux qui croiront en moi sans avoir vu ! Quelle récompense devrai-je leur donner si je dois vous récompenser, vous, dont la foi a été secourue par la force de la vision ?… »

    629.5 Puis Jésus passe le bras sur l’épaule de Jean, prend Pierre par la main et s’approche de la table. Il s’assied à sa place. Cette fois, ils se sont disposés comme le soir de Pâques. Cependant Jésus veut que Thomas s’asseye après Jean.

    « Mangez, mes amis » dit Jésus.

    Mais plus personne n’a faim. La joie de contempler les rassasie.

    Alors Jésus prend les petits fromages épars sur la table, les rassemble sur le plat, les coupe, les distribue, et tend le premier morceau à Thomas, en le posant sur un morceau de pain et en le passant derrière Jean. Il verse le vin des amphores dans le calice et le tend à ses amis : cette fois, c’est Pierre le premier servi. Puis il se fait donner des rayons de miel, il les brise et en donne pour commencer un morceau à Jean avec un sourire qui est plus doux que le miel blond et filant. Pour les encourager, il en mange lui aussi. Il ne goûte que le miel.

    Jean, avec son geste habituel, appuie sa tête contre l’épaule de Jésus. Jésus l’attire sur son cœur et il parle en le tenant ainsi.

    629.6 « Mes amis, il ne faut pas que vous vous troubliez quand je vous apparais. Je serai toujours pour vous le Maître qui a partagé avec vous nourriture et sommeil, et qui vous a choisis parce qu’il vous a aimés. Maintenant aussi, je vous aime. »

    Jésus insiste fortement sur ces derniers mots.

    « Vous, poursuit-il, vous avez été avec moi dans les épreuves… Vous serez aussi avec moi dans la gloire. Ne baissez pas la tête. Le dimanche soir, quand je suis venu à vous pour la première fois après ma Résurrection, je vous ai infusé l’Esprit Saint… même sur toi qui n’étais pas présent, que vienne l’Esprit… Ignorez-vous que l’infusion de l’Esprit est comme un baptême de feu, puisque l’Esprit est Amour et que l’amour efface les fautes ? Pour cette raison, votre péché de désertion au moment où je mourais vous est pardonné. »

    A ces mots, Jésus embrasse la tête de Jean qui n’a pas déserté, et Jean pleure de joie.

    « Je vous ai donné le pouvoir de remettre les péchés. Mais on ne peut donner ce que l’on ne possède pas. Vous devez donc être certains que je possède ce pouvoir parfaitement, et j’en use pour vous qui devez être tout à fait purs pour purifier ceux qui viendront à vous, souillés par le péché. Comment pourrait-on juger [2] et purifier, si l’on méritait d’être condamné et si l’on était personnellement impur ? Comment quelqu’un pourrait-il juger un autre s’il avait une poutre dans son œil et des poids infernaux dans le cœur ? Comment pourrait-il dire : “ Je t’absous au nom de Dieu ” si, à cause de ses péchés, il n’avait pas Dieu avec lui ?

    629.7 Mes amis, réfléchissez à votre dignité de prêtres.

    Auparavant, j’étais parmi les hommes pour juger et pardonner. Maintenant, je vais au Père. Je reviens dans mon Royaume. La faculté de juger ne m’est pas enlevée. Elle est même tout entière entre mes mains puisque le Père me l’a confiée. Mais c’est un jugement redoutable, car il se fera quand il ne sera plus possible à l’homme de se faire pardonner par des années d’expiation sur la terre. Toute créature viendra à moi avec son âme quand elle laissera, à cause de la mort matérielle, sa chair comme une dépouille inutile. Et je la jugerai une première fois. Puis l’humanité reprendra son vêtement de chair sur commandement céleste [3], pour être séparée en deux parties : les agneaux avec le Pasteur, les boucs sauvages avec leur Tortionnaire. Mais combien d’hommes seraient avec leur Pasteur si, après le bain du baptême, il ne se trouvait plus personne pour pardonner en mon nom ?

    Voilà pourquoi je crée les prêtres : pour sauver ceux qui ont été sauvés par mon sang. Mon sang sauve. Mais les hommes continuent à tomber dans la mort, à retomber dans la Mort. Il faut que quelqu’un, qui en a le pouvoir, les lave continuellement en lui, soixante-dix et soixante-dix fois sept fois, pour qu’ils ne soient pas la proie de la Mort. Vous et vos successeurs le ferez. C’est pourquoi je vous absous de tous vos péchés. Car vous avez besoin de voir, or la faute aveugle, car elle enlève à l’esprit la lumière qui est Dieu. Vous avez besoin de comprendre, or la faute abêtit, car elle enlève à l’esprit l’intelligence qui est Dieu. Votre ministère est de purifier, or la faute souille, car elle enlève à l’esprit la pureté qui est Dieu.

    Que votre ministère de juger et d’absoudre en mon nom est grand ! Quand vous consacrerez pour vous le pain et le vin, et en ferez mon corps et mon sang, vous accomplirez un acte grand, surnaturellement grand et sublime. Pour le faire dignement, il vous faudra être purs puisque vous toucherez celui qui est le Pur, et que vous vous nourrirez de la chair d’un Dieu. Vous devrez être purs de cœur, d’esprit, de membres et de langue, car c’est avec votre cœur que vous devrez aimer l’Eucharistie. Il ne faudra pas mêler à cet amour céleste des amours profanes qui seraient un sacrilège. Purs d’esprit, parce que vous devrez croire et comprendre ce mystère d’amour, or l’impureté de la pensée tue la foi et l’intelligence. La science du monde a beau rester, la sagesse de Dieu meurt en vous. Vous devrez être purs de membres, car le Verbe descendra dans votre sein comme il est descendu dans le sein de Marie grâce à l’amour.

    629.8 Vous avez l’exemple vivant de ce que doit être un sein qui accueille le Verbe qui se fait chair. Cet exemple est celui de la femme sans faute originelle ni individuelle qui m’a porté.

    Observez comme est pur le sommet de l’Hermon encore enveloppé dans le voile de la neige d’hiver [4]. Vu de l’oliveraie, il paraît être un tas de lys effeuillés ou d’écume de mer qui s’élève comme une offrande en face de cette autre blancheur que constituent les nuages, poussés par le vent d’avril à travers les champs azurés du ciel. Observez un lys qui ouvre maintenant sa corolle à un sourire parfumé. Ces deux puretés sont pourtant moins vives que celle du sein qui m’a formé. La poussière apportée par les vents est tombée sur les neiges de la montagne et sur la soie de la fleur. L’œil humain ne la perçoit pas tant elle est légère, mais elle est bien présente, et elle corrompt la blancheur.

    Mieux encore : regardez la perle la plus pure que l’on ait arrachée à la mer, au coquillage où elle est née, pour orner le sceptre d’un roi. Elle est parfaite, son irisation compacte ignore le contact profanateur de toute chair, puisqu’elle s’est formée dans la cavité nacrée de l’huître, isolée dans le fluide saphir des profondeurs marines. Elle est cependant moins pure que le sein qui m’a porté. A son centre se trouve un petit grain de sable, un corpuscule très menu, mais toujours terrestre. En Marie, la Perle de la mer, il n’existe ni grain de péché, ni tendance au péché. C’est une perle née dans l’océan de la Trinité pour en porter sur la terre la seconde Personne. Elle est compacte autour de son centre, qui n’est pas une semence de la concupiscence terrestre, mais une étincelle de l’Amour éternel. Cette étincelle a trouvé en elle une correspondance et a engendré les tourbillons du divin Météore, qui maintenant appelle et attire à lui les enfants de Dieu : moi, le Christ, l’Etoile du Matin [5].

    C’est cette pureté inviolée que je vous donne en exemple.

    629.9 Mais quand ensuite, tels des vendangeurs près d’une cuve, vous plongez les mains dans la mer de mon sang et en puisez de quoi purifier les étoles corrompues des misérables qui ont péché, il ne vous suffit pas d’être purs : il vous faut être parfaits pour ne pas vous souiller d’un péché plus grand et même de plusieurs péchés en répandant et en touchant d’une manière sacrilège le sang d’un Dieu, ou en manquant à la charité et à la justice, si vous le refusez ou le donnez avec une rigueur qui n’est pas du Christ. Lui, il s’est montré bon avec les mauvais pour les attirer à son cœur, et trois fois plus avec les faibles pour les porter à la confiance. Si vous faites preuve d’une telle rigueur, vous serez trois fois indignes, car vous vous opposerez à ma volonté, à mon enseignement et à la justice. Comment être sévères avec les agneaux quand on est des pasteurs idolâtres ?

    O mes bien-aimés amis que j’envoie parcourir les chemins du monde pour continuer l’œuvre que j’ai commencée et qui sera poursuivie tant que le temps existera, rappelez-vous mes paroles. Je vous les dis pour que vous les répétiez à ceux que vous consacrerez pour le ministère auquel je vous ai consacrés.

    629.10 Je vois… Je regarde le déroulement des siècles… Le temps et les foules infinies des hommes à venir sont tous devant mes yeux… Je vois… les massacres et les guerres, les paix mensongères et les horribles carnages, la haine et les vols, la sensualité et l’orgueil. De temps en temps, une oasis verdoyante : une période de retour à la Croix. Telle un obélisque qui indique une eau pure au milieu des sables arides du désert, ma Croix sera élevée avec amour, après que le venin du mal aura rendu les hommes malades de la rage. Autour d’elle, plantés sur les bords des eaux salutaires, fleuriront les palmiers d’une période de paix et de bien dans le monde. Les âmes, comme des cerfs et des gazelles, comme des hirondelles et des colombes, accourront, pour guérir de leurs douleurs et espérer de nouveau, à ce refuge reposant, frais, nourrissant. Il resserrera ses branches comme une coupole pour protéger des tempêtes et des grandes chaleurs, et il tiendra au loin les serpents et les fauves avec le Signe qui met le Mal en fuite. Il en sera ainsi aussi longtemps que les hommes le voudront.

    Je vois… des hommes en multitude… des femmes, des vieillards, des enfants, des guerriers, des étudiants, des docteurs, des paysans… Tous viennent et passent avec leur fardeau d’espoirs et de souffrances. J’en vois beaucoup vaciller, car l’excès de douleur a fait glisser de ce fardeau trop lourd, en premier lieu, l’espérance, et elle s’est effritée sur le sol…

    J’en vois beaucoup tomber au bord du chemin parce que d’autres, plus forts ou plus chanceux en raison d’un fardeau léger, les poussent de côté. Enfin, j’en vois beaucoup qui se sentent abandonnés, sinon même piétinés par les passants : se sentant mourir, ils en viennent à haïr et à maudire.

    Mes pauvres enfants ! Parmi tous ceux-là, qui ont été frappés par la vie, qui passent ou tombent, mon amour a, intentionnellement, répandu les Samaritains pleins de pitié, les bons médecins, les lumières dans la nuit, les voix dans le silence. Grâce à eux, les faibles chancelants trouveront une aide, ils reverront la Lumière, et ils réentendront la Voix qui dit : “ Espère. Tu n’es pas seul. Dieu est au-dessus de toi, Jésus est avec toi. ” J’ai placé, intentionnellement, ces charités actives pour que mes pauvres enfants ne meurent pas spirituellement et ne perdent pas la demeure du Père, mais pour que la vue de mes ministres qui me reflètent leur permette de continuer à croire en moi, qui suis la Charité.

    629.11 Mais une grande douleur fait saigner la blessure de mon cœur comme quand elle fut ouverte au Golgotha… Que voient mes yeux divins ? Il n’y a peut-être pas de prêtres dans les foules innombrables qui passent ? Est-ce pour cela que mon cœur saigne ? Les séminaires sont-ils vides ? Mon divin appel ne trouve-t-il donc plus d’écho dans les âmes ? Le cœur de l’homme n’est-il plus capable de l’entendre ? Non. Au cours des siècles, il y aura des séminaires, et dans ceux-ci des lévites. Il en sortira des prêtres, car mon appel aura résonné avec une voix céleste en de nombreux cœurs d’adolescents, et ils l’auront suivi. Mais, une fois venues la jeunesse et la maturité, quantité d’autres voix auront retenti et elles auront étouffé ma voix dans ces cœurs. Ma voix parle au cours des siècles à ses ministres, pour qu’ils soient toujours ce que vous êtes actuellement : des apôtres à l’école du Christ. Le vêtement est resté, mais le prêtre est mort.

    Cela se produira chez un trop grand nombre, au cours des siècles. Ombres inutiles et sombres, ils ne seront pas un levier qui soulève, une corde qui tire, une source qui désaltère, un grain qui nourrit, un cœur qui est un oreiller, une lumière dans les ténèbres, une voix qui répète ce que le Maître lui dit. Mais ils seront pour la pauvre humanité un fardeau de scandale, un poids de mort, un parasite, une pourriture… Quelle horreur ! Les plus grands Judas de l’avenir se trouveront encore et toujours parmi mes prêtres !

    629.12 Mes amis, je suis dans la gloire, et pourtant je pleure. J’ai pitié de ces foules innombrables, troupeaux sans pasteurs ou avec des pasteurs trop peu nombreux. J’en ai infiniment pitié ! Eh bien, je le jure par ma Divinité : je leur donnerai le pain, l’eau, la lumière, la voix que leur refusent ceux qui ont été choisis pour cette œuvre. Je réitérerai au cours des siècles le miracle des pains et des poissons. Avec quelques pauvres petits poissons et avec quelques quignons de pain — des âmes humbles et laïques —, je donnerai à manger à un grand nombre ; ils en seront rassasiés et il en restera pour ceux de l’avenir, car “ j’ai compassion de ce peuple ”, et je ne veux pas qu’il périsse.

    Bienheureux ceux qui mériteront de jouer ce rôle. Ils seront bénis, non pour ce qu’ils sont, mais parce qu’ils l’auront mérité par leur amour et leurs sacrifices. Et trois fois bénis seront les prêtres qui sauront rester apôtres, c’est-à-dire pain, eau, lumière, voix, repos et remède de mes pauvres enfants. Ils brilleront dans le Ciel d’une lumière spéciale. Je vous le promets, moi qui suis la Vérité.

    629.13 Levons-nous, mes amis, et venez avec moi pour que je vous enseigne encore à prier. L’oraison est ce qui alimente les forces de l’apôtre, car elle l’unit à Dieu. »

    Jésus, se levant, se dirige vers l’escalier.

    Mais, arrivé en bas, il se retourne et me regarde. Oh ! Père ! Il me regarde ! Il pense à moi [6] ! Il cherche sa petite “ voix ” ! La joie de se trouver avec ses amis ne l’empêche pas de penser à moi ! Il me regarde par-dessus la tête des disciples et me sourit. Il lève la main pour me bénir et me dit :

    « Que la paix soit avec toi. »

    C’est ainsi que la vision s’achève.




[1] J’ignore encore de qui il s’agit : il s’agit de Barthélémy ; cette “vision”, écrite en 1944, précède presque toutes celles de la vie publique de Jésus. La cène pascale à laquelle Maria Valtorta fait référence est celle qui est décrite, le 17 février 1944, de façon beaucoup plus condensée que celle du 9 mars 1945, rapportée au chapitre 600 de l’Œuvre. (Au sujet de la double rédaction de nombreux épisodes, nous renvoyons les lecteurs à notre note en EMV 587.13). Voir aussi le descriptif des apôtres.

[2] Comment pourrait-on… Le sens implicite est de manière digne, comme on le voit plus loin à propos de l’eucharistie : “pour la célébrer dignement”. Le discours porte sur la dignité, non pas sur le pouvoir, conféré aux apôtres en EMV 278.2 et à Pierre comme primat en EMV 343.5.

[3] La résurrection de la chair précède donc le jugement dernier. Maria Valtorta en reçoit la vision le 29 janvier 1944.

[4] Le mont Hermon (=saint) culmine à 2.800 m, dont 2.236 m (Golan) pour la partie israélienne. Jérusalem, et notamment le mont des oliviers dont parle Jésus, se trouve sur un plateau des monts de Judée à une altitude moyenne de 750 m. La ville est à 250 km à vol d’oiseau de l’Hermon.

[5] L’Étoile du Matin est une image du Christ dans l’Apocalypse 2, 28. Dans Les commentaires de l’épître de saint Paul aux romains, leçon n° 3, Maria Valtorta confirme qu’avec la Vierge des derniers temps : «on verra se lever l’Étoile de la Mer [Marie] pour annoncer l’Étoile du Matin, pour annoncer l’ultime venue de l’Étoile du Matin sur la Terre.»

[6] Nous interprétons cette rencontre à travers le temps, de cette façon : Jésus vient d’avoir la vision de l’avenir et notamment «des âmes humbles et laïques» par qui Il donne à manger aux âmes qui ont faim. Il rejoint dans le temps, toutes ces âmes humbles et laïques qui par leur amour et leur sacrifice le rejoignent dans la «corédemption» évoquée par Paul : ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église (Colossiens 1, 24). Par ailleurs, il affirme : Avec le Christ, je suis crucifié. Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi (Galates 2, 19-20.),



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-015.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/jesus-apparait-aux-apotres-avec-thomas.html

Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Jeu 12 Aoû - 21:43

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

630. Les apôtres envoyés à Gethsémani. Méditations sur la prière du Notre Père

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 16
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 630

Vision du vendredi 11 avril 1947.
(Vendredi de Pâques).


Dimanche 14 et lundi 15 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 
    630.1 Les apôtres mettent leurs manteaux et demandent :

    « Où allons-nous, Seigneur ? »

    Leur langage n’est plus aussi familier qu’il l’était avant la Passion. S’il m’est permis d’employer cette expression, je dirai qu’ils parlent avec l’âme agenouillée. Plus que l’attitude de leur corps, qui reste toujours un peu penché par respect devant le Ressuscité, plus que leur retenue quand ils le touchent, plus que leur joie tremblante quand c’est lui qui les touche, les caresse, les embrasse ou leur adresse la parole en particulier, il y a dans leur attitude un je-ne-sais-quoi qui ne peut se décrire, mais qui est bien visible. Plus manifeste encore que leur humanité, c’est leur esprit qui ne peut redevenir ce qu’il était dans ses rapports avec le Maître, et imprègne de son nouveau sentiment tous les actes de l’homme.

    Avant, Jésus était “ le Maître ”, un Maître que leur foi croyait Dieu, mais qui était toujours pour leurs sens “ un homme ”. Maintenant, il est “ le Seigneur ”. Il est Dieu. Il n’est plus besoin de faire des actes de foi pour le croire. L’évidence a aboli cette nécessité. Il est Dieu. C’est le Seigneur auquel le Seigneur a dit : “ Siège à ma droite ” [1], ce qu’il a proclamé par sa parole et par le prodige de la Résurrection. Dieu comme le Père. Et c’est le Dieu qu’ils ont abandonné par peur, après avoir tant reçu de lui…

    Ils portent toujours sur lui ce regard empreint de vénération respectueuse avec lequel un vrai croyant observe l’hostie rayonner au milieu d’un ostensoir, ou le corps du Christ élevé par le prêtre dans le sacrifice quotidien de la messe. Dans leur regard qui veut voir l’aspect aimé, encore plus beau que dans le passé, je reconnais aussi l’expression de celui qui n’ose pas voir, de celui qui n’ose pas s’arrêter un instant pour regarder… L’amour les pousse à fixer leur Aimé, la crainte les fait aussitôt baisser les paupières et la tête, comme si son éclat les avait éblouis.

    630.2 En effet, Jésus, Jésus ressuscité, est toujours le même mais, à bien considérer, quelque chose a changé. Pareils sont les traits du visage, la couleur des yeux et des cheveux, la taille, les mains, les pieds, et pourtant il est différent. Pareils sont la voix et les gestes, et pourtant il est différent. C’est un vrai corps, si bien qu’il intercepte la lumière du soleil mourant dont le dernier rayon entre dans la pièce par la fenêtre ouverte, et il projette derrière lui l’ombre de sa haute personne ; et pourtant il est différent. Il n’est pas devenu fier, ni distant, et pourtant il est différent.

    Une majesté nouvelle, permanente, se répand là où l’on voyait seulement l’aspect humble, modeste, parfois si modeste qu’il paraissait accablé, de l’infatigable Maître. La maigreur des derniers temps a disparu, l’empreinte de lassitude physique et morale qui le vieillissait est effacée, et il a perdu ce regard affligé, suppliant, qui demandait sans mot dire : “ Pourquoi me repoussez-vous ? Accueillez-moi… ” Le Christ ressuscité semble même plus grand et plus robuste, délivré de tout poids, sûr de lui, victorieux, majestueux, divin. Même quand il montrait toute sa puissance à l’occasion de certains de ses grands miracles, ou lorsqu’il était imposant aux moments saillants de son magistère, il n’était pas tel qu’il est maintenant que le voilà ressuscité et glorifié. Il n’exhale pas de lumière. Non. Il n’émet pas de lumière comme à la Transfiguration ou lors de ses premières apparitions après la Résurrection, et pourtant il semble lumineux. C’est vraiment le corps de Dieu, avec la beauté des corps glorifiés, et il attire et effraie à la fois.

    630.3 Ce sont peut-être ses blessures, si visibles sur les mains et sur les pieds, qui inspirent ce respect profond. Je l’ignore. Je vois que les apôtres ont changé, bien que Jésus soit très doux avec eux et cherche à recréer l’atmosphère d’autrefois. Si insistants et bavards auparavant, ils parlent peu désormais, et si lui ne répond pas, ils n’insistent pas. S’il leur sourit, ou sourit à l’un d’eux, ils changent de couleur et n’osent pas répondre par un sourire à son sourire. Si, comme il le fait maintenant, il tend la main pour prendre son manteau blanc — depuis sa résurrection, il porte toujours un vêtement blanc plus éclatant que le satin le plus blanc — aucun d’eux n’accourt comme ils faisaient auparavant pour se disputer l’honneur et la joie de l’aider. On dirait qu’ils ont peur de toucher ses vêtements et ses membres, et il est obligé de dire, comme il le fait à l’instant :

    « Viens, Jean, aide ton Maître. Ces blessures sont de vraies blessures… et mes mains blessées ne sont pas aussi agiles qu’avant… »

    Jean obéit et met l’ample manteau de Jésus sur ses épaules. Il semble vêtir un grand-prêtre, tant il le fait avec des mouvements prudents et attentifs, en se gardant d’effleurer les mains sur lesquelles rougissent les stigmates. Mais, malgré toute son attention, il heurte la main gauche de Jésus ; il crie comme si c’était lui qui avait reçu le coup, et il garde les yeux rivés sur le dos de cette main, craignant d’en voir couler encore du sang. Elle est si vive, cette atroce blessure !

    Jésus lui pose la main droite sur la tête en disant :

    « Tu as montré plus de courage lorsqu’on m’a détaché de la croix et que tu m’as reçu dans les bras. A ce moment-là, il coulait encore du sang, tellement que tes cheveux en étaient rouges, nouvelle rosée de la nuit sur celui qui aimait. Tu m’avais cueilli comme une grappe du cep… Pourquoi pleures-tu ? Je t’ai donné ma rosée de Martyr. Tu as répandu sur ma tête ta rosée de pitié. Mais tu pouvais pleurer, alors… Plus maintenant. 630.4 Et toi, pourquoi pleures-tu, Simon-Pierre ? Tu n’as pas heurté ma main, tu ne m’as pas vu mort…

    – Ah ! Mon Dieu ! C’est bien pour cela que je pleure ! Pour mon péché.

    – Je t’ai pardonné, Simon, fils de Jonas.

    – Mais moi, je ne me pardonne pas. Non, rien ne mettra fin à mes larmes, pas même ton pardon.

    – Mais ma gloire, oui.

    – Toi tu es glorieux, moi je suis pécheur.

    – Tu es glorieux, après avoir été mon pêcheur. C’est une grande pêche, abondante, miraculeuse que tu feras, Pierre. Plus tard, je te dirai : “ Viens au banquet éternel. ” Et tu ne pleureras plus. Mais vous avez tous les larmes aux yeux ! Et toi, Jacques, mon frère, te voilà prostré dans ce coin là-bas, comme si tu avais perdu tout bien. Pourquoi ?

    – Parce que j’espérais que… Tu sens donc encore tes blessures ? J’espérais que toute souffrance serait évanouie, que toutes les marques seraient effacées … Même pour nous, pécheurs. Ces plaies !… Quelle douleur de les voir !

    – Oui, surenchérit Barthélemy, pourquoi ne les as-tu pas fait disparaître ? Lazare n’a gardé aucune marque… Ces plaies sont pour nous… un reproche ! Elles crient d’une voix redoutable ! Elles sont plus fulgurantes et plus effrayantes que les foudres du Sinaï.

    – Elles crient notre lâcheté parce que nous fuyions pendant que tu les recevais… dit Philippe.

    – Et plus nous les regardons, plus notre conscience nous reproche notre lâcheté, notre sottise, notre incrédulité, ajoute Thomas.

    – Pour notre paix et celle de ce peuple pécheur, puisque tu es mort et ressuscité pour le pardon du monde, efface ces accusations portées contre le monde, Seigneur ! supplie André.

    630.5 – Elles sont le salut du monde. C’est en elles que réside le salut. Le monde qui hait les a ouvertes, mais l’amour en a fait un remède et une lumière. C’est par elles que la faute originelle a été clouée. C’est par elles qu’ont été suspendus et soutenus tous les péchés des hommes, afin que le feu de l’amour les consume sur le véritable Autel. Quand le Très-Haut prescrivit à Moïse l’arche et l’autel des parfums, ne les a-t-il pas voulus transpercés d’anneaux pour qu’on puisse les élever et les porter là où le Seigneur le voulait ? Moi aussi, je suis transpercé. Je suis plus que l’arche et que l’autel. Je suis bien plus que l’arche et que l’autel. J’ai brûlé le parfum de ma charité pour Dieu et pour le prochain, et j’ai porté le poids de toutes les iniquités du monde. Et le monde doit se rappeler cela, pour se rappeler ce qu’il en a coûté à un Dieu. Pour se rappeler comment un Dieu l’a aimé. Pour se rappeler ce que produisent les fautes. Pour se rappeler que le salut est dans Un seul : en Celui qu’ils ont transpercé. Si le monde ne voyait pas rougir mes plaies, en vérité il oublierait vite que c’est à cause de ses fautes qu’un Dieu s’est immolé, il oublierait que je suis vraiment mort dans les plus atroces tourments, il oublierait quel est le baume capable de soulager ses blessures. C’est ici qu’est le baume. Venez et embrassez-les. Chaque baiser est un accroissement de purification et de grâce pour vous. En vérité, je vous dis que la purification et la grâce ne sont jamais suffisantes, car le monde consume ce que le Ciel lui donne, et il faut compenser, par le Ciel et ses trésors, les ruines du monde. Je suis le Ciel, tout le Ciel est en moi, et les trésors célestes coulent de mes plaies ouvertes. »

    Il présente ses mains au baiser de ses apôtres. Mais il doit appuyer lui-même ces mains blessées sur les bouches avides et anxieuses, car la crainte d’augmenter sa douleur les retient de le faire.

    « Ce n’est pas cela qui fait souffrir, même si cela donne de la rigidité. Ma vraie douleur est bien différente !

    – Laquelle, Seigneur ? demande Jacques, fils d’Alphée.

    – C’est d’être mort inutilement pour trop de gens… 630.6 Mais allons. Partez en avant. Nous allons à Gethsémani… Eh quoi ! Avez-vous peur ?

    – Pas pour nous, Seigneur… C’est que les grands de Jérusalem te haïssent plus qu’avant.

    – Vous n’avez rien à redouter, ni pour vous, car Dieu vous protège, ni pour moi, car j’en ai fini avec les contraintes de l’humanité. Je vais chez ma Mère, puis je vous rejoindrai. Nous avons à effacer beaucoup d’horreurs vécues dans un récent passé de faute et de haine. Et nous le ferons avec amour, le contraire de ce que fut la faute… Vous voyez ? Votre baiser efface et apaise la douleur et la conséquence des clous dans la chair vive. De même, ce que nous allons faire effacera toute trace horrible et sanctifiera les lieux que les fautes ont profanés, pour que leur vue ne nous peine plus…

    – Irons-nous aussi au Temple ? »

    La crainte, et même l’épouvante, se lit sur tous les visages.

    « Non. Je le sanctifierais par ma présence, mais il ne le peut pas. Il pouvait l’être, mais ne l’a pas voulu. Il n’y a plus de rédemption possible pour lui. C’est un cadavre qui se décompose rapidement. Laissons-le à ses morts. Qu’ils l’ensevelissent ! En vérité, les lions et les vautours mettront en pièces tombeau et cadavre, et il ne restera même pas le squelette du grand Mort qui a refusé la vie. »

    Jésus monte l’escalier et sort. Les autres l’imitent en silence. Mais quand ils mettent le pied dans le couloir qui sert d’atrium, Jésus n’est plus là. La maison est silencieuse et semble déserte. Toutes les portes sont fermées.

    630.7 Jean montre la porte qui fait face au Cénacle et il dit :

    « Marie est là. Elle y reste toujours, comme en une extase continuelle. Son visage resplendit d’une lumière ineffable. C’est la joie qui rayonne de son cœur. Hier, elle me disait : “ Pense, Jean, à tout ce bonheur qui s’est répandu dans les royaumes de Dieu. ” Je lui ai demandé : “ Quels royaumes ? ” Je pensais qu’elle connaissait quelque merveilleuse révélation sur le royaume de son Fils qui avait vaincu jusqu’à la mort. Elle m’a répondu : “ Au Paradis, au Purgatoire, dans les limbes. Le pardon pour les âmes du Purgatoire, la montée au Ciel de tous les justes et des pardonnés. Le Paradis peuplé de bienheureux. Dieu glorifié en eux. Nos ancêtres et nos parents jubilent là-haut. Le bonheur aussi pour ce royaume qu’est la terre, où maintenant resplendit le signe, et s’est ouverte la source qui vainc Satan et efface la Faute et les fautes. Les personnes de bonne volonté n’obtiennent plus seulement la paix, mais aussi la rédemption et la réélection au rang d’enfants de Dieu. Je vois les foules — et quelles foules ! — descendre à cette Source et s’y plonger pour en sortir renouvelées, belles, en vêtement de noces, en habit royal. Les noces des âmes avec la grâce, la royauté d’être fils du Père et frères de Jésus… »

    Les apôtres sont sortis dans la rue et s’éloignent en devisant pendant que tombe le soir.

    630.8 La rue n’est guère fréquentée, surtout à cette heure où les gens se rassemblent autour des tables pour le dîner. Jérusalem, après la cohue qui l’a inondée pour la Pâque et l’a abandonnée une fois passées les fêtes, si tragiques cette année, semble encore plus vide qu’elle ne l’est habituellement. Thomas s’en aperçoit et le fait remarquer.

    « C’est comme ça » dit Simon le Zélote. « Les étrangers, terrorisés, l’ont abandonnée précipitamment après le vendredi, et ceux qui avaient encore résisté à la grande peur de ce jour se sont enfuis au second tremblement de terre, à celui qui est sûrement arrivé quand le Seigneur est sorti du tombeau. Ceux qui n’étaient pas païens ont fui pareillement. Beaucoup, je le sais de bonne source, n’ont même pas mangé l’agneau et devront revenir pour la Pâque supplémentaire. Même des habitants de Jérusalem ont fui ou se sont éloignés, certains pour emporter leurs morts qui ont péri dans le tremblement de terre de la parascève, d’autres par peur de la colère de Dieu. L’exemple a été fort…

    – Tant mieux ! Que la foudre et les pierres tombent sur tous les pécheurs ! maugrée Barthélemy.

    – Ne dis pas cela ! Ne dis pas cela ! Nous méritons plus que tout autre les châtiments célestes. Nous aussi sommes pécheurs… Vous rappelez-vous ce qui s’est passé ici ?… Il y a combien de temps ? Dix soirs… dix ans… ou dix heures ? Mon péché, ces heures, ce soir-là… tout me semble à la fois si loin et si proche que je ne sais jamais… Quel nigaud j’ai fait ! Nous étions si sûrs, si belliqueux, si héroïques ! Et puis ? Ah!… » Pierre se frappe le front de la main et indique, car ils sont déjà à la petite place : « Voici. Et là, j’avais déjà peur !

    – En voilà assez, Simon ! Jésus t’a pardonné, et Marie avant lui. Cela suffit ! Tu te tortures, lance Jean.

    – Ah ! Je le voudrais bien ! Toi, Jean, soutiens-moi toujours ! Toujours ! C’est parce que tu sais guider que Jésus t’a confié sa Mère. C’est juste. Mais moi qui suis un ver lâche et menteur, j’ai davantage besoin que Marie d’être guidé, car j’ai des écailles sur les yeux et je n’y vois guère…

    – Vraiment, elles vont venir si tu continues, tu te brûleras vraiment les pupilles, et le Seigneur ne sera plus là pour te les guérir… rétorque Jean, en l’embrassant pour le consoler.

    – Il me suffirait de bien voir avec l’âme. D’ailleurs… les yeux ne comptent pas.

    – Voyons ! Ils sont évidemment très importants ! 630.9 Comment feront les malades, maintenant ? Tu as vu le désespoir de cette femme, hier ! dit André.

    – Bien… »

    Ils se regardent les uns les autres, puis, tous ensemble, ils reconnaissent :

    « Aucun de nous ne s’est senti digne de lui imposer les mains… »

    L’humilité, causée par le souvenir de leur comportement, les écrase.

    Mais Thomas suggère à Jean :

    « Toi, tu aurais pu le faire. Tu ne t’es pas enfui, tu n’as pas renié, tu n’as pas été incrédule…

    – J’ai moi aussi mon péché, et il est contre l’amour tout comme le vôtre. Près du coin de la maison de Josué, j’ai saisi Elchias au collet et je l’aurais presque étranglé, parce qu’il insultait Marie. Et j’ai haï et maudit Judas, avoue Jean.

    – Tais-toi ! Ne prononce pas ce nom. C’est celui d’un démon, et j’ai l’impression qu’il n’est pas encore en enfer et qu’il rôde ici autour de nous, pour nous faire pécher encore, s’exclame Pierre avec une vraie terreur.

    – Oh ! il est bien en enfer ! Mais même s’il était ici, il n’aurait plus désormais aucun pouvoir. Il avait tout pour être un ange, et il a été un démon, or Jésus a vaincu le Démon, dit André.

    – D’accord… mais il vaut mieux ne pas le nommer. J’ai peur, moi… Je connais maintenant ma faiblesse. En ce qui te concerne, Jean, ne te sens pas coupable. Tous maudiront l’homme qui a trahi le Maître !

    – Et il est juste de le faire, approuve Jude, fidèle à l’opinion qu’il s’est toujours faite de Judas.

    – Non. Marie m’a dit que le jugement de Dieu suffit pour lui, et que nous ne devons avoir qu’un seul sentiment : la reconnaissance, pour ne pas avoir été les traîtres. Et si elle ne le maudit pas, elle, la Mère qui a vu les tortures de son Fils, devrions-nous le faire ? Oublions donc…

    – C’est de la sottise ! s’écrie son frère Jacques.

    – C’est pourtant ce que dit le Maître des péchés de Judas… »

    Jean se tait et soupire.

    « Quoi ? Il y en a d’autres ? Tu sais quelque chose ?… Parle !

    – J’ai promis de chercher à oublier, et je m’efforce de le faire. Pour Elchias… j’ai dépassé les bornes… Mais ce jour-là, chacun de nous avait son ange gardien et son démon à côté de lui, et nous n’avons pas toujours écouté l’ange de lumière… »

    Simon le Zélote dit :

    « Tu sais que Nahum est estropié et que son fils a été écrasé sous un mur ou un pan de montagne ? Oui, le jour de la mort. On l’a trouvé plus tard, beaucoup plus tard, quand déjà il sentait. Il a été découvert par un homme qui allait aux marchés. Nahum était avec ses pareils, et j’ignore ce qu’il a pris sur la tête, si c’est une pierre ou un coup [2]. Je sais qu’il est comme brisé et ne comprend plus rien. Il ressemble à une bête, il bave et geint, et hier, de son unique main saine, il a saisi à la gorge son… maître qui était allé chez lui, et il criait tant et plus : “ C’est à cause de toi ! A cause de toi ! ” Si les serviteurs n’étaient pas accourus…

    – Comment sais-tu cela, Simon ? demandent-ils tous.

    – J’ai vu Joseph hier.

    630.10 – Je vois que le Maître tarde à venir. Je m’inquiète, intervient Jacques, fils d’Alphée.

    – Retournons sur nos pas, propose Matthieu.

    – Ou bien faisons halte ici, au petit pont » dit Barthélemy.

    Ils s’arrêtent. Mais Jacques, fils de Zébédée et l’autre Jacques, André et Thomas reviennent sur leurs pas, l’air pensif ; ils regardent par terre, observent les maisons… André, en pâlissant, indique le mur d’une maison où se détache, sur la blancheur de la chaux, une tache rouge-brun, en s’exclamant :

    « C’est du sang ! Du sang du Maître, peut-être ? Perdait-il déjà du sang ici ? Oh ! dites-le-moi !

    – Que veux-tu que nous te disions, puisque aucun de nous ne le suivait ? lance, découragé, Jacques, fils d’Alphée.

    – Mais mon frère, et Jean surtout, l’ont suivi…

    – Pas tout de suite. Jean m’a raconté qu’ils l’ont suivi à partir de la maison de Malachie. Ici, il n’y avait personne. Aucun de nous… » dit Jacques, fils de Zébédée.

    Hypnotisés, ils regardent la large tache sombre sur le mur blanc, à peu de distance du sol, et Thomas remarque :

    « La pluie ne l’a pas lavée, et même la grêle qui est tombée si fort ces jours-ci ne l’a pas écaillée… Si j’étais sûr que c’est son sang, je gratterais ce mur pour l’enlever…

    – Interrogeons les habitants de la maison. Ils sauront peut-être, conseille Matthieu qui les a rejoints.

    – Non. Ils pourraient reconnaître en nous ses apôtres ; ils pourraient s’agir d’ennemis du Christ, et… répond Thomas.

    – Et nous sommes encore des lâches… » achève Jacques, fils d’Alphée, avec un profond soupir.

    Tout doucement, tous se sont approchés de ce mur, et ils regardent…

    630.11 Passe une femme, une retardataire qui revient de la fontaine avec des brocs d’où déborde de l’eau fraîche. Elle les observe, pose ses brocs par terre et les interpelle.

    « Vous regardez cette tache sur le mur ? Vous êtes des disciples du Maître ? Vous me paraissez l’être, même si votre visage est amaigri et… même si je ne vous ai pas vus suivre le Seigneur quand il est passé par ici, pris pour être conduit à la mort. Cela me rend incertaine, car voici mon avis : un disciple qui suit le Maître dans les heures favorables et tient à être son disciple, et qui porte un regard sévère sur ceux qui ne sont pas comme lui, prêts à tout quitter pour se mettre sur les pas du Maître, doit aussi le suivre aux heures mauvaises. Du moins, il le devrait. Or moi, je ne vous ai pas vus. Et si je ne vous ai pas vus, c’est signe que moi, une femme de Sidon, j’ai suivi Celui que ses disciples juifs n’ont pas suivi. Mais j’avais reçu un bienfait de lui. Vous… vous n’en aviez peut-être jamais reçu ? Cela me surprend, car il répandait ses bienfaits sur les païens et les Samaritains, sur les pécheurs et même sur les criminels, en leur accordant la vie éternelle s’il ne pouvait plus leur donner celle de la chair. Il ne vous aimait pas, peut-être ? Alors c’est signe que vous étiez pires que des vipères ou des hyènes immondes ! Encore que… en vérité, je crois qu’il aimait même les vipères et les chacals, non pas pour ce qu’ils sont, mais parce qu’ils ont été créés par son Père.

    Ceci, c’est du sang. Oui, c’est du sang. Du sang d’une femme du rivage de la Grande Mer. Autrefois, c’étaient les terres des Philistins, et ses habitants sont encore un peu méprisés par les Hébreux. Et pourtant elle sut défendre le Maître jusqu’à ce que son mari la tue. Il la battit si violemment qu’il lui ouvrit la tête, et sa cervelle avec son sang giclèrent sur le mur de sa maison où maintenant pleurent des orphelins. Mais elle avait reçu un bienfait. Le Maître avait guéri son mari atteint d’une maladie honteuse. Et elle aimait le Maître pour cette raison. Elle l’a aimé jusqu’à mourir pour lui. Elle l’a précédé dans le sein d’Abraham, comme vous dites. Annalia aussi l’a précédé, et elle aurait su mourir ainsi, elle aussi, si la mort ne l’avait cueillie avant. Il y a aussi une mère, plus haut, qui a lavé de son sang le chemin, du sang de son ventre ouvert par son fils brutal, pour défendre le Maître. Une vieille femme est morte de douleur en voyant blessé et frappé Celui qui avait rendu les yeux à son fils. Un vieillard, un mendiant, est mort parce qu’il s’est redressé pour le défendre, et il a reçu sur la tête une pierre destinée à la tête de votre Seigneur. Parce que vous croyiez qu’il l’était bien, n’est-ce pas ? Mais la garde d’un roi meurt autour de lui. Or aucun de vous n’est mort. Vous étiez loin de ceux qui le frappaient. Ah, non ! L’un de vous est mort. Il s’est tué. Mais pas par douleur, pas pour défendre le Maître. Il l’a d’abord vendu, puis il l’a désigné par un baiser, après quoi il s’est tué. Il n’avait rien d’autre à faire. Il ne pouvait plus croître en perversité. Il était parfait, comme Belzébuth. Le monde l’aurait lapidé pour le faire disparaître de la terre. Ah ! je crois que cette femme pleine de pitié, morte pour empêcher qu’on frappe le Martyr, je crois que la vieille Anne qui est morte de douleur de le voir dans cet état, comme aussi le vieux mendiant, la mère de Samuel, la jeune fille qui est morte, et moi qui ne puis monter au Temple parce que je souffre de voir immoler les agneaux et les tourterelles, je crois que nous aurions trouvé le courage de le lapider, et que nous n’aurions pas frémi de le voir mourir sous nos pierres… Lui le savait bien, et il a épargné au monde le soin de le tuer, il nous a évité de devenir bourreaux pour venger l’Innocent… »

    Elle les regarde avec mépris. Son mépris est devenu de plus en plus manifeste à mesure qu’elle parlait. Ses yeux, grands et noirs, observent avec la dureté de l’œil d’un rapace le groupe qui ne sait pas, qui ne peut pas réagir… Elle siffle entre ses dents le dernier mot :

    « Bâtards ! »

    Sur ce, elle reprend ses brocs et s’en va, satisfaite d’avoir craché son dédain sur les disciples qui ont abandonné le Maître…

    Ceux-ci sont anéantis. Ils restent tête basse, les bras ballants, épuisés… La vérité les écrase. Ils méditent sur les conséquences de leur lâcheté… Ils se taisent… Ils n’osent pas se regarder.

    Même Jean et Simon le Zélote, les deux qui sont innocents de cette faute, ont la même attitude que les autres, peut-être à cause de la douleur de les voir ainsi mortifiés et de l’impossibilité de panser la blessure produite par les francs propos de la femme…

    630.12 La route est désormais dans la pénombre. La lune, à ses derniers jours, se lève tard, par conséquent le crépuscule s’obscurcit rapidement. Le silence est absolu. Pas de bruit ni de voix humaine qui s’entende, et dans le silence règne seul le gargouillis du Cédron. Quand soudain la voix de Jésus résonne, elle les fait sursauter comme si c’était un son effrayant, alors qu’il parle avec douceur.

    « Que faites-vous ici ? Je vous ai attendus au milieu des oliviers… Pourquoi restez-vous à contempler des choses mortes quand la Vie vous attend ? Venez avec moi. »

    Jésus semble venir de Gethsémani. Il s’arrête près d’eux.

    Il regarde la tache sur laquelle sont encore fixés les regards terrifiés des apôtres, et reprend :

    « Cette femme est déjà dans la paix, et elle a oublié toute douleur. Est-elle inutile pour ses enfants ? Non, elle est doublement active au contraire, et elle les sanctifiera, car elle ne demande que cela à Dieu. »

    Il se met en route. Ils le suivent en silence.

    Mais Jésus se retourne :

    « Pourquoi vous demandez-vous dans votre cœur : “ Pourquoi ne demande-t-elle pas la conversion de son mari ? Elle n’est pas sainte si elle le hait… ” Elle ne le hait pas. Elle a pardonné dès le moment où il l’a tuée, mais dorénavant, âme entrée dans le Royaume de la Lumière, elle voit avec sagesse et justice. Elle se rend compte qu’il n’est pas de conversion et de pardon possibles pour son mari. Elle tourne alors sa prière vers ceux qui peuvent en recevoir du bien. 630.13 Ce n’est pas mon sang, non. Pourtant, j’en ai tant perdu dans cette rue aussi !… Mais les pas des ennemis l’ont éparpillé, mêlé à la poussière et aux ordures, puis la pluie l’a délavé et entraîné parmi les couches de poussière. Mais il en reste encore beaucoup de visible… Car il en a tant coulé que les pas et l’eau ne pourront l’effacer facilement. Nous nous y rendrons ensemble et vous verrez mon sang répandu pour vous…

    – Où ? Où veut-il aller ? A l’endroit où il a pleuré ? Au Prétoire ? » s’interrogent-ils.

    Jean intervient :

    « Mais Claudia est repartie deux jours après le sabbat et, dit-on, indignée, effrayée même à l’idée de rester auprès de son mari… C’est le lancier qui me l’a rapporté. Claudia sépare sa responsabilité de celle de Pilate. Elle lui avait conseillé de ne pas poursuivre le Juste, car il valait mieux être persécuté par les hommes que par le Très-Haut, dont le Maître était le Messie. Et il n’y a pas non plus Plautina, ni Lydia. Elles ont suivi Claudia à Césarée, et Valeria est partie avec Jeanne à Béther. Si elles avaient été présentes, nous aurions pu entrer. Mais maintenant… je ne sais pas… Longinus aussi est absent, car Claudia a voulu qu’il l’accompagne.

    – Ce sera à l’endroit où tu as vu l’herbe trempée de sang… »

    Jésus, qui est en avant, se tourne et dit :

    « Au Golgotha. Il y a tant de mon sang là-haut que la poussière est semblable à du minéral ferreux. Quelqu’un vous y a même précédés…

    630.14 – Mais l’endroit est impur ! » s’écrie Barthélemy.

    Jésus répond avec un sourire de compassion :

    « Toute la ville de Jérusalem est impure après ce péché atroce. Cela ne vous gêne pourtant pas d’y rester, si ce n’est que vous avez peur de la foule…

    – Les larrons y sont toujours morts…

    – Moi, j’y suis mort. Et je l’ai sanctifiée pour toujours. En vérité, je vous dis que jusqu’à la fin des siècles, il n’y aura pas de lieu plus saint que celui-là, et il attirera les foules de toute la terre et de toutes les époques pour baiser cette poussière. Quelqu’un vous y a précédés, sans redouter les moqueries et les vengeances, sans craindre de se contaminer. Cette personne avait pourtant une double raison d’en éprouver quelque appréhension.

    – Qui est-ce, Seigneur ? demande Jean, à qui Pierre pique le côté avec son coude pour qu’il interroge Jésus.

    – Marie-Madeleine ! De même qu’elle a ramassé les fleurs foulées par mes pas pendant que j’entrais, avant la Pâque, dans sa maison — souvenir de joie qu’elle a distribué à ses compagnes —, ainsi elle a su monter au Calvaire, et de ses mains creuser la terre, durcie par mon sang, redescendre avec cette charge et la déposer sur les genoux de ma Mère. Elle n’a pas eu peur. Or elle était connue en tant que “ pécheresse ” et “ disciple ”. Et celle qui a accueilli sur ses genoux ce terreau du lieu du Crâne, n’a pas cru se contaminer. Mon sang a tout effacé, et sainte est la terre où il est tombé. Demain, avant sexte, vous monterez au Golgotha. Je vous y rejoindrai… Mais celui qui veut voir mon sang, le voici. »

    Il montre la rampe du petit pont.

    « Ici on m’a frappé la bouche, et il en a coulé du sang… Ma bouche n’avait prononcé que des paroles saintes, des paroles d’amour. Pourquoi donc l’a-t-on frappée, sans personne pour la panser par un baiser ?… »

    630.15 Ils entrent à Gethsémani. Mais Jésus doit d’abord ouvrir une serrure qui ferme dorénavant l’accès du jardin des Oliviers. C’est une serrure neuve posée sur une haute palissade bien robuste, avec des pointes aiguës. Jésus a la clé, si neuve qu’elle brille comme de l’acier, et il l’ouvre à la clarté d’une branche enflammée que Philippe a allumée pour y voir, car il fait maintenant nuit noire.

    « Elle n’y était pas… Pourquoi ?… chuchotent les apôtres, à la vue de l’enceinte qui isole désormais Gethsémani.

    – Lazare aura sûrement voulu que plus personne n’entre ici. Regarde : il y a là un tas de pierres, avec des briques et de la chaux. Un mur va remplacer le bois… »

    Jésus déclare :

    « Venez. Ne vous occupez pas de choses mortes, vous dis-je… Voilà : vous étiez ici… C’est ici que j’ai été entouré et capturé, et c’est de ce côté que vous vous êtes sauvés… Si cette enceinte avait existé… elle aurait empêché votre fuite rapide. Mais comment Lazare aurait-il pu imaginer, lui qui brûlait de me suivre alors que vous brûliez de déguerpir, que vous alliez vous enfuir ? Je vous fais souffrir ? Moi, j’ai souffert avant vous. Et je veux effacer cette douleur. Embrasse-moi, Pierre…

    – Non, Seigneur ! Non ! Je refuse d’imiter Judas, ici, à la même heure, non, non et non !

    – Embrasse-moi. J’ai besoin que vous fassiez avec un amour sincère le geste sans sincérité de Judas. Après, vous serez heureux. Nous serons plus heureux, vous et moi. Viens, Pierre, embrasse-moi. »

    Alors Pierre ne se contente pas de l’embrasser : il inonde de larmes la joue du Seigneur et se retire en se couvrant le visage avant de s’asseoir par terre pour pleurer. L’un après l’autre, les autres embrassent Jésus au même endroit. Ils ont tous des larmes sur le visage, les uns plus que d’autres…

    630.16 « Et maintenant, allons-y tous ensemble. Je vous ai quittés ce soir-là après vous avoir fortifiés de mon corps, et pour quelques heures. Mais vous êtes aussitôt tombés. Rappelez-vous toujours combien vous avez été faibles, souvenez-vous que, sans l’aide de Dieu, vous ne pourriez demeurer justes une seule heure. A cet endroit, j’ai demandé de veiller à ceux qui se croyaient les plus forts, forts au point de demander à boire à ma coupe et de proclamer que, même s’il leur fallait mourir, ils ne me renieraient pas. Je les ai quittés en les avertissant de la nécessité de prier… Je les ai quittés, et ils ont dormi. Souvenez-vous-en, et enseignez que si une personne que Jésus a quittée ne se maintient pas en contact avec lui par l’oraison, elle s’assoupit et peut être prise. Si je ne vous avais pas réveillés, en vérité, vous pouviez même être tués pendant votre sommeil et comparaître au jugement de Dieu avec toute la pesanteur de votre l’humanité. Avancez… Voilà ! Baisse la branche, Philippe !

    Voici ! Que celui qui veut voir de mon sang, regarde. Ici, dans la plus grande angoisse, semblable à un agonisant, j’ai sué du sang. Regardez… Il y en a eu tellement que la terre en est durcie et que l’herbe en est encore rougie, car la pluie n’a pas été capable de faire fondre les grumeaux séchés au milieu des tiges et des corolles. Voilà ! A cet endroit, je me suis adossé, et c’est ici qu’a plané au-dessus de moi l’ange du Seigneur pour renforcer ma volonté de faire la volonté de Dieu. Car, souvenez-vous-en, si vous voulez toujours faire la volonté de Dieu, là où la créature ne peut tenir, Dieu vient avec son ange soutenir le héros épuisé. Quand vous serez angoissés, ne craignez pas de tomber dans la lâcheté ou dans l’abjuration si vous persistez à vouloir ce que Dieu veut. Dieu fera de vous des géants d’héroïsme si vous restez fidèles à sa volonté. Souvenez-vous-en ! Souvenez-vous-en ! Je vous ai dit autrefois qu’après la tentation dans le désert, j’ai été soutenu par les anges. Sachez maintenant qu’ici aussi, après cette suprême tentation, j’ai été soutenu par un ange. Il en sera de même pour vous et tous mes fidèles. Car, en vérité je vous le dis, vous aurez vous aussi l’aide que j’ai reçue. Moi-même je vous l’obtiendrais s’il n’y avait déjà le Père, dans son amoureuse justice, pour vous l’accorder. Seulement, votre douleur sera toujours moindre que la mienne…

    Asseyez-vous. La lune se lève à l’orient. Il va faire clair. Je ne crois pas que cette nuit vous dormirez, bien que vous soyez encore seulement des hommes… et à quel point ! Non, vous ne dormirez pas, car il est entré en vous un principe actif que vous n’aviez pas auparavant : le remords. C’est une torture, c’est vrai, mais il sert à progresser, que ce soit dans le bien ou dans le mal. Chez Judas, parce qu’il s’était éloigné de Dieu, il a produit désespoir et damnation. Chez vous, qui n’êtes jamais sortis de la proximité de Dieu — je vous l’assure, car vous n’aviez ni la volonté ni la pleine connaissance [3] de ce que vous faisiez —, il suscitera un repentir confiant qui vous amènera à la sagesse et à la justice. 630.17 Restez là où vous êtes. Je me retire là-bas, à un jet de pierre, en attendant l’aube.

    – Ne nous quitte pas, Seigneur ! Tu as bien dit que nous sommes loin de toi ! supplie André, à genoux, les mains tendues comme s’il demandait une obole de pitié.

    – Vous avez le remords. C’est un bon ami pour les bons.

    – Ne t’éloigne pas, Seigneur ! Tu nous avais dit que nous allions prier ensemble… » implore Jude.

    Il n’ose plus se comporter avec le Ressuscité aussi familièrement que sa condition de parent le lui permettait auparavant et, du haut de sa grande taille, il se tient un peu penché en avant pour le vénérer.

    « La méditation n’est-elle pas l’oraison la plus active ? Et ne vous ai-je pas donné un thème de méditation et de contemplation depuis que je vous ai rejoints sur la route, en faisant réagir votre cœur par des actes vrais de saints sentiments ? C’est cela, l’oraison, ô hommes : se mettre en contact avec l’Eternel et avec ce qui sert à élever l’esprit bien au-delà de la terre ; et, par la méditation des perfections de Dieu et de la misère de l’homme, du moi, susciter des actes de volonté amoureuse ou réparatrice, adoratrice toujours, même si c’est une volonté qui jaillit de la méditation d’une faute et d’un châtiment. Le bien comme le mal servent à la fin dernière, si on sait s’en servir. Je l’ai dit maintes fois. Le péché est une ruine inguérissable seulement s’il n’est pas suivi de repentir et de réparation. Dans le cas contraire, la contrition du cœur peut former un mortier solide pour tenir compacts les fondements de la sainteté, dont les pierres sont les bonnes résolutions. Pourriez-vous tenir les pierres unies sans mortier, ce mélange brut et vil en apparence, mais sans lequel les pierres polies ou les marbres brillants ne resteraient pas unis pour former l’édifice ? »

    630.18 Jésus est sur le point de partir.

    Jean, auquel son frère et l’autre Jacques ainsi que Pierre et Barthélemy ont parlé à voix basse, se lève et le suit en disant :

    « Jésus, mon Dieu, nous espérions dire avec toi la prière à ton Père. Ta prière. Nous nous sentons peu pardonnés si tu ne nous accordes pas de la réciter avec toi. Nous sentons en avoir tant besoin…

    – Là où deux sont unis dans la prière, moi, je suis au milieu d’eux. Dites alors cette prière entre vous, et je serai parmi vous.

    – Ah ! Tu ne nous juges plus dignes de prier avec toi ! » s’écrie Pierre, le visage caché dans les herbes qui ne sont pas toutes pures du sang divin, et en pleurant fortement.

    Jacques, fils d’Alphée, s’exclame :

    « Nous sommes malheureux, mon frè… Seigneur. »

    Il se reprend aussitôt en disant “ Seigneur ” au lieu de “ frère ”.

    Jésus le regarde :

    « Pourquoi ne m’appelles-tu pas “ mon frère ”, toi qui es de mon sang ? Frère de tout homme, pour toi je le suis doublement, triplement, en tant que fils d’Adam, fils de David, et fils de Dieu. Termine ton mot.

    – Frère, mon Seigneur, nous sommes malheureux et sots, tu le sais, et l’humiliation où nous sommes l’accentue encore. Comment pouvons-nous dire ta prière du plus profond de notre âme si nous n’en connaissons pas la signification ?

    – Que de fois, comme à des enfants mineurs, je vous l’ai expliquée ! Mais vous avez la tête plus dure que le plus distrait des élèves d’un pédagogue, et vous n’avez pas retenu ce que j’ai dit ! »

    Jean prend alors la parole :

    « C’est vrai ! Mais en ce moment, notre esprit est uniquement centré sur notre torture de ne pas t’avoir compris… Ah ! Nous n’avons rien compris, je le reconnais au nom de tous ! Et aujourd’hui encore, nous ne te comprenons pas bien, Seigneur. Mais, je t’en prie, trouve quelque indulgence pour notre mal en voyant comment celui-ci nous rend obtus. Tu avais expiré quand le grand rabbin a crié la vérité de l’aveuglement d’Israël, là, au pied de ta croix. Dieu omniprésent, Esprit de Dieu libéré de la prison de la chair, tu as entendu ces paroles : “ Des siècles et des siècles de cécité spirituelle obscurcissent la vue intérieure ”, et il t’a fait cette prière : “ Dans cette manière de penser prisonnière des formules, pénètre, toi qui es le Libérateur. ” O mon adoré et adorable Jésus, qui nous as sauvés de la faute originelle en prenant sur toi nos péchés et en les consumant dans l’ardeur de ton amour parfait, prends, consume aussi notre intelligence de juifs obstinés. Donne-nous un esprit nouveau, vierge comme celui d’un nouveau-né, fais-nous oublier pour nous remplir de ta seule sagesse. Tant de choses du passé sont mortes pendant cette journée horrible ! Mortes avec toi. Mais maintenant que tu es ressuscité, fais que naisse en nous une nouvelle manière de penser. Crée en nous un cœur et un esprit nouveaux, mon Seigneur, et nous te comprendrons.

    630.19 Ce n’est pas à moi que revient cette tâche, mais à Celui dont je vous ai parlé à la dernière Cène. Chacune de mes paroles se perd dans l’abîme de votre pensée, en tout ou en partie, ou son esprit vous reste hermétique. Seul le Paraclet, quand il viendra, sortira mes paroles de votre abîme et vous les ouvrira pour vous faire comprendre leur esprit.

    – Mais c’est toi qui nous l’as infusé, objecte Simon le Zélote.

    – Tu nous as annoncé que, quand tu serais remonté vers le Père, l’Esprit de vérité viendrait, insiste Mattieu au même moment.

    – Dites-moi : quand un enfant naît, a-t-il l’âme infusée ?

    – Evidemment ! répondent-ils tous.

    – Mais cette âme a-t-elle la grâce de Dieu ?

    – Non. La faute originelle pèse sur elle et la prive de la grâce.

    – Et d’où viennent l’âme et la grâce ?

    – De Dieu !

    – Pourquoi Dieu ne donne-t-il pas tout bonnement une âme en état de grâce à la créature ?

    – Parce que Adam a été puni, et nous en lui. Mais maintenant que tu es devenu le Rédempteur, il en sera ainsi.

    – Non. Il n’en sera pas ainsi. Les hommes naîtront toujours impurs dans leur âme que Dieu a créée et que l’hérédité d’Adam a tachée. Mais par un rite que je vous expliquerai une autre fois, l’âme infusée dans l’homme sera vivifiée par la grâce, et l’Esprit du Seigneur en prendra possession. Vous, cependant, baptisés avec de l’eau par Jean, vous serez baptisés par le feu de la puissance de Dieu. Alors l’Esprit de Dieu sera vraiment en vous. Et ce sera le Maître, que les hommes ne peuvent persécuter ni chasser, qui vous expliquera intérieurement l’esprit de mes paroles et vous instruira. Je vous l’ai infusé, car c’est seulement par mes mérites que toute chose peut s’obtenir et être valide : obtenir Dieu, et rendre valide la parole d’un délégué de Dieu. Mais l’Esprit de vérité n’est pas encore Maître en vous.

    – Alors, vivement que cela se produise ! Il viendra en son temps. Mais, en attendant, fais nous sentir ton pardon. Sois pour nous un Maître, mon Seigneur. Sois-le encore et encore, puisque tu as dit qu’il nous faut pardonner soixante-dix fois sept fois » insiste Jean.

    Et comme Jean est toujours le plus confiant et le plus affectueux des apôtres, il ose prendre dans ses mains la main gauche de Jésus, qui pend et dont la déchirure du clou paraît encore plus grande sous l’éclat de la lune. Et il achève :

    « Toi qui es la Lumière éternelle, ne permets pas que tes serviteurs restent dans les ténèbres. »

    Puis il baise légèrement le bout des doigts de Jésus, ces doigts restés un peu repliés, exactement comme le sont ceux d’un blessé, guéri, mais qui garde les nerfs légèrement contractés.

    630.20 « Venez. Montons un peu plus haut et nous dirons ensemble cette prière » accorde Jésus, qui laisse sa main dans celle de Jean tout en montant à la limite la plus élevée de la colline de Gethsémani, vers la route qui traverse le champ des Galiléens et mène à Béthanie.

    Les travaux de délimitation, voulus par Lazare, sont visiblement en cours ici. Plus précisément, on a déjà élevé, après la maison du gardien de l’Oliveraie, un haut mur lisse qui suit la haie et le sentier en lacets qui marquaient la limite de Gethsémani.

    En bas, Jérusalem sort lentement des ténèbres, même les quartiers exposés au couchant, car la lune est maintenant à son zénith, et elle blanchit toutes choses de sa fine faucille, qui brille comme une flamme de diamant posée sur le firmament sombre sur lequel palpitent les corolles lumineuses d’un nombre invraisemblable d’étoiles, comme on en voit dans les cieux de l’Orient.

    630.21 Jésus prend son attitude habituelle de prière, lève les bras, et entonne : “ Notre Père qui es aux Cieux. ”

    Il s’interrompt aussitôt et commente :

    « Il vous a donné la preuve qu’il est Père en vous pardonnant. Vous qui êtes tenus plus que tout autre à la perfection, vous qui avez reçu tant de bienfaits, mais êtes, comme vous dites, si inaptes à la mission, quel Seigneur qui ne serait pas Père ne vous aurait pas punis ? Moi, je ne vous ai pas punis. Le Père ne vous a pas punis. Car ce que fait le Père, le Fils le fait, et ce que fait le Fils, le Père le fait, puisque nous sommes une seule Divinité unie dans l’Amour. Je suis dans le Père, et le Père est avec moi. Le Verbe est toujours auprès de Dieu, qui est sans commencement. Et le Verbe est avant toute chose, depuis toujours, depuis une éternité qui a nom toujours, depuis un éternel présent près de Dieu. Il est Dieu comme Dieu, car il est le Verbe de la Pensée divine.

    630.22 Quand, après mon départ, vous prierez notre Père — le mien et le vôtre, celui par qui nous sommes frères, moi en tant que Premier-né, vous en tant que cadets —, veuillez toujours me voir, moi aussi, dans mon Père et le vôtre. Veuillez voir le Verbe qui fut pour vous le “ Maître ” et vous a aimés jusqu’à la mort… et même par delà la mort, en se laissant lui-même en guise de nourriture et de boisson, afin que vous soyez en moi et moi en vous tant que dure l’exil, et puis vous et moi dans le Royaume pour lequel je vous ai enseigné à prier : “ Que ton Règne vienne ”, après l’avoir invoqué pour que vos œuvres sanctifient le nom du Seigneur et lui rendent gloire sur la terre comme au Ciel. Oui, il n’y aurait pas de Royaume pour vous au Ciel ni pour ceux qui croiront comme vous, si d’abord vous n’aviez pas voulu établir le Royaume de Dieu en vous par la pratique réelle de la loi de Dieu et de ma parole. Car là se trouve la perfection de la loi qui a donné, au temps de la grâce, la loi des élus, c’est-à-dire celle des personnes qui ont dépassé les constitutions civiles, morales, religieuses du temps mosaïque, pour adopter la loi spirituelle du temps du Christ.

    Vous voyez donc la différence entre être proche de Dieu, et avoir Dieu en vous ; entre connaître la parole de Dieu, mais la mettre réellement en pratique. Tous les crimes ont été accomplis pour obtenir cette proximité de Dieu, mais non pas Dieu dans le cœur ; pour avoir la connaissance de la parole, mais non pas l’obéissance à cette parole. C’était la raison de tout. L’aveuglement et la criminalité, le déicide, la trahison, les tortures, la mort de l’Innocent et de son Caïn, tout est venu de là. Et pourtant, qui ai-je aimé autant que Judas ? Mais il ne m’a pas reçu — moi comme Dieu — dans son cœur. C’est pourquoi il est le damné déicide, l’infiniment coupable comme juif et comme disciple, comme suicidé et comme déicide, sans oublier ses sept vices capitaux et toutes ses autres fautes.

    630.23 Vous pouvez désormais obtenir le Royaume de Dieu avec plus de facilité parce que je vous l’ai obtenu par ma mort. Je vous ai rachetés par ma souffrance. Souvenez-vous-en. Que personne ne fasse fi de la grâce, parce qu’elle a coûté la vie et le sang d’un Dieu. Que le Royaume de Dieu soit donc en vous par la grâce, que ce soit sur la terre par l’Eglise, ou au Ciel pour le peuple des bienheureux : si ces derniers ont vécu en gardant Dieu dans leur cœur, unis au Corps dont le Christ est la tête, unis à la Vigne dont tout chrétien est un sarment, ils méritent de reposer dans le Royaume de celui pour lequel toutes choses ont été créées : moi qui vous parle, et qui me suis donné moi-même à la volonté de mon Père pour que tout puisse être accompli. C’est pourquoi je peux vous enseigner, sans hypocrisie, qu’il faut dire : “ Que ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel. ” Tout peut certifier que j’ai fait la volonté de mon Père, depuis les mottes de terre jusqu’aux plantes, aux fleurs, aux pierres de Palestine, jusqu’à mes chairs blessées, jusqu’à tout un peuple.

    Suivez mon exemple jusqu’au bout, jusqu’à la mort sur la croix si Dieu le veut. Car, souvenez-vous-en, je l’ai fait et il n’est pas de disciple qui mérite la miséricorde plus que moi. J’ai néanmoins connu la plus grande des souffrances, et j’ai obéi par de continuels renoncements. Vous le savez. Vous le comprendrez encore davantage à l’avenir quand vous me ressemblerez en buvant une gorgée à ma coupe…

    Ayez constamment cette pensée à l’esprit : “ C’est par son obéissance au Père que Jésus nous a sauvés. ” Et si vous voulez être sauveurs, faites ce que j’ai fait. Certains connaîtront la croix, d’autres le supplice des tyrans, ou la torture de l’amour, de l’exil des Cieux en y tendant jusqu’à l’âge le plus avancé avant d’y monter : que la volonté de Dieu soit faite en toute chose. Sachez que supplice de mort ou supplice de vie — si vous désiriez mourir pour venir là où je suis — sont pareils aux yeux de Dieu s’ils sont acceptés avec une joyeuse obéissance. Ils sont la volonté de Dieu, donc ils sont saints.

    630.24 “ Donne-nous notre pain quotidien ”, au jour le jour, heure par heure. C’est de la foi. C’est de l’amour. C’est de l’obéissance. C’est de l’humilité. C’est de l’espérance de demander le pain d’un seul jour, et de l’accepter comme il est : aujourd’hui doux, demain amer, en grande ou en petite quantité, agrémenté d’épices ou avec de la cendre. Quel qu’il soit, c’est toujours juste. C’est Dieu, qui est Père, qui le donne. Il est donc bon.

    Je vous parlerai une autre fois de l’autre Pain qu’il serait salutaire de vouloir manger chaque jour et de prier le Père de le maintenir. Car malheur aux jours et aux lieux où on viendrait à en manquer par la volonté des hommes ! Or vous voyez combien les hommes sont puissants quand il s’agit d’accomplir des œuvres de ténèbres. Priez le Père afin qu’il défende son Pain et vous le donne. Qu’il vous le donne d’autant plus que les ténèbres voudront étouffer la lumière et la vie comme ils ont fait à la parascève. La seconde parascève serait sans résurrection. Souvenez-vous-en, tous. Si le Verbe ne pourra plus être tué, sa doctrine pourrait encore l’être, et éteintes la liberté et la volonté de l’aimer chez un trop grand nombre de personnes. Dans un tel cas, ce sont aussi la vie et la lumière qui seraient finies pour les hommes. Malheur à ce jour-là ! Que le Temple soit pour vous un exemple. Rappelez-vous : je l’ai qualifié de “ grand Cadavre ”.

    630.25 “ Remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs. ”

    Puisque vous êtes tous pécheurs, soyez doux à l’égard des pécheurs. Gardez en mémoire ma parole : “ A quoi sert-il de regarder la paille de ton frère si tu n’enlèves pas la poutre de ton œil ? ” Cet Esprit que je vous ai infusé, cet ordre que je vous ai donné vous donnent le pouvoir de remettre, au nom de Dieu, les péchés de votre prochain. Mais comment cela vous serait-il possible si Dieu ne vous les remet pas, à vous ? Je parlerai de cela une autre fois. Pour le moment je me borne à vous dire : pardonnez à ceux qui vous offensent, pour être pardonnés et pour avoir le droit d’absoudre ou de condamner. Celui qui est sans péché peut le faire en toute justice. Celui qui ne pardonne pas, qui est en faute et feint d’être scandalisé est hypocrite. C’est l’Enfer qui l’attend. Car si la miséricorde est encore de mise à l’égard des jeunes pupilles, sévère sera le verdict adressé à leurs tuteurs s’ils sont coupables de fautes semblables ou plus grandes commises malgré l’aide de la plénitude de l’Esprit dont ils disposent.

    630.26 “ Ne nous induis pas en tentation [4], mais délivre-nous du mal. ” Il s’agit ici de l’humilité, la pierre de base de la perfection. En vérité, je vous dis de bénir ceux qui vous humilient, car ils vous donnent ce qui est nécessaire pour votre trône céleste.

    Non, la tentation n’est pas la ruine, si l’homme se tient humblement près du Père et lui demande de ne pas permettre que Satan, le monde et la chair triomphent de lui. Les couronnes des bienheureux sont ornées des joyaux des tentations vaincues. Ne les recherchez pas, mais ne soyez pas lâches quand elles viennent. Humbles, et forts par conséquent, criez à mon Père et au vôtre : “ Délivre-nous du mal ”, et vous vaincrez le mal. De cette manière, vous sanctifierez vraiment le nom de Dieu par vos actes, comme je l’ai dit au début, car tout homme dira en vous voyant : “ Dieu existe, car ceux-ci vivent comme des dieux, tant leur conduite est parfaite ”, et ils viendront à Dieu, multipliant ainsi le nombre des habitants du Royaume de Dieu.

    630.27 Agenouillez-vous pour que je vous bénisse et que ma bénédiction vous ouvre l’esprit pour méditer. »

    Ils se prosternent sur le sol et Jésus les bénit, puis disparaît comme s’il était absorbé par un rayon de lune.

    Après un moment, les apôtres lèvent la tête, étonnés de ne pas entendre d’autres paroles. Ils s’aperçoivent que Jésus a disparu… et se prosternent de nouveau, le visage au sol, dans la crainte séculaire de tout israélite qui se rend compte d’avoir été au contact de Dieu tel qu’il est au Ciel.



Observations



Nahum, un synhédriste « estropié »

Cet « homme de confiance du grand prêtre Anne » est présenté dans l’œuvre de Maria Valtorta comme l’un des plus acharnés ennemis de Jésus. Judas s’honore qu’il soit l’un de ses amis… Lorsque dans les derniers temps de sa vie publique, Jésus proclame sur le parvis du Temple : « Moi et le Père nous sommes un » (1), cette déclaration solennelle est ressentie comme un blasphème par les synhédristes, et Nahum, à leur tête, chasse Jésus à coup de pierres.

Juste après le tremblement de terre qui suit la Passion, Maria Valtorta nous livre ce surprenant dialogue : « Tu sais que Nahum est estropié… Nahum était avec les autres ses pareils et je ne sais pas ce qui lui a pris, si c'est une pierre ou un coup. Je sais qu'il est comme brisé et ne comprend plus rien. Il ressemble à une bête, il bave et geint, et hier, avec son unique main saine, il a saisi à la gorge son… maître qui était allé chez lui et il criait, criait : A cause de toi ! À cause de toi ! » (EMV 630.9).

Comment Maria Valtorta, alitée et sans documentation, a-t-elle pu avoir connaissance de ce fait, si ce n’est par une authentique révélation. Un document de la tradition talmudique mentionne en effet que « dans ses vieux jours, Nahum fut paralysé des mains et des pieds, et fut affligé de troubles divers » ? (2)

(1) Jn 10,30-31 ;

(2) Voir Encyclopaedia Judaïca, article Nahum




[1] Psaume 109,1 (Hébreu 110).

[2] Un choc cérébral.

[3] Dans l'ancienne édition, il est écrit "la pleine advertance". C'est le contraire de l’inadvertance = pleine conscience.

[4] "Non ci indurre in tentazione ma liberaci dal male" dans le texte original qui reprend le texte du Pater Noster en italien. Cette phrase est nouvellement traduite en français par "Ne nous laisse pas entrer en tentation". Le verbe indurre se traduit habituellement par induire avec le sens être la cause, avoir pour effet, inciter, etc. L’Abbé Jean Carmignac traduisait ce passage par "Fais que nous n’entrions pas dans la tentation"



SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-015.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/jesus-apparait-aux-apotres-avec-thomas.html

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Anayel
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ÉTQMÉR de M.V. Re: Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10

Message par Anayel Sam 14 Aoû - 22:47

Partage de "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta, tomes 1 à 10 - Page 24 Maria_28

631. Les apôtres envoyés au Golgotha et le retour au Cénacle

Ancienne édition : Tome 10, chapitre 17
Nouvelle édition : Tome 10, chapitre 631

Vision du lundi 14 avril 1947


Lundi 15 avril 30
Jérusalem


Episode audio:

 
    631.1 Jérusalem brûle déjà sous le soleil de midi. L’ombre d’une archivolte vient parfois reposer le regard ébloui par le soleil qui frappe les murs blancs des maisons et rend brûlant le sol des chemins. La blancheur incandescente des murs et l’obscurité des arcades font de Jérusalem une étrange peinture en blanc et noir, une alternance de lumière violente et de pénombre — qui, par contraste avec la lumière violente, paraît ténèbre —, alternance qui tourmente comme une obsession, car elle enlève la faculté de voir, soit par excès de lumière soit par excès d’ombre. On marche les yeux plissés, en cherchant à courir dans les zones de lumière et de chaleur, et en ralentissant sous les archivoltes. Impossible de faire autrement, car le contraste entre lumière et ténèbre est tel que, même les yeux ouverts, on ne voit rien.

    C’est ainsi qu’avancent les apôtres dans une ville que l’heure de midi rend déserte. Ils transpirent abondamment, s’essuient le visage et le cou avec leur couvre-chef, et halètent…

    Mais quand ils doivent sortir de la ville, le soulagement intermittent des arcades cesse. La route, qui rase les murs et qui se perd vers le nord et vers le sud comme un ruban éblouissant de poussière incandescente, donne l’impression d’un sol de fournaise. Il s’en élève une chaleur de four, une chaleur qui dessèche les poumons. Le petit torrent, qui coule au-delà des murs, n’est plus qu’un filet d’eau au milieu d’une grève de cailloux que le soleil blanchit comme autant de crânes calcinés. Les apôtres se précipitent sur ce filet d’eau et y boivent. Ils y plongent leur couvre-chef, et se les mettent trempés sur la tête après s’être lavé le visage. Ils pataugent dans ce filet d’eau les pieds nus. Mais oui ! C’est un bien piètre rafraîchissement. L’eau est chaude comme si on l’avait versée d’un chaudron suspendu au-dessus d’une flamme. Ils s’en font la remarque :

    « Elle est chaude et peu abondante. Elle a un goût de boue et de borith. Quand il y en a si peu, elle garde le goût des lessives faites à l’aube. »

    631.2 Ils entreprennent alors la montée du Golgotha, un Golgotha brûlé sur lequel le soleil a séché le peu d’herbe qui paraissait être un duvet rare sur la montagne jaunâtre une quinzaine de jours auparavant. Maintenant, seules quelques rigides touffes de plantes épineuses, tout en piquants et sans feuilles, dressent çà et là des tiges de squelettes déterrés, d’un vert jauni par la poussière de la colline. Oui, on dirait réellement des bouquets d’ossements calcinés plantés dans le sol. L’un d’eux présente, au-dessus d’une tige droite de deux palmes, un coude imprévu qui se termine en cinq doigts après une sorte de palette : on pourrait le prendre pour une main squelettique qui se tend pour saisir le passant et le retenir dans ce lieu de cauchemar.

    « Voulez-vous prendre le chemin long ou le court ? demande Jean, le seul à avoir déjà gravi cette colline.

    – Le plus court ! Le plus court ! Faisons vite ! On meurt de chaleur, ici ! s’écrient-ils en chœur, à l’exception de Simon le Zélote et de Jacques, fils d’Alphée.

    – Allons ! »

    Les pierres du chemin pavé sont brûlantes comme des plaques tirées du feu.

    « Mais c’est impossible de marcher ici ! s’exclament-ils après quelques mètres.

    – Le Seigneur est pourtant monté jusqu’à l’endroit où se trouvent ces ronces, or il était déjà blessé et portait la croix, fait remarquer Jean, qui pleure depuis qu’il est sur le Calvaire.

    Ils reprennent leur chemin, mais se jettent bientôt à terre, épuisés, haletants. Les couvre-chefs trempés dans le ruisseau sont déjà séchés par le soleil ; en revanche, les vêtements sont tachetés par la sueur.

    « Cette montée est trop raide et trop brûlante ! souffle Barthélemy.

    – Oui, beaucoup trop ! approuve Matthieu, qui est congestionné.

    – En ce qui concerne le soleil, c’est tout pareil. Mais pour monter, prenons cette route. Elle est plus longue, mais moins fatigante. Longinus lui-même l’a prise pour permettre au Seigneur de monter. Voyez-vous cet endroit où se trouve cette pierre un peu sombre ? C’est là qu’est tombé le Seigneur. Nous l’avons cru mort, nous qui regardions de là-haut, au nord : vous voyez ? là où se trouve ce creux avant que la côte ne s’élève rapidement. Il ne bougeait plus. Quel cri Marie a poussé ! Je l’entends encore ! Je n’oublierai jamais ce cri ! Je n’oublierai pas un seul de ses gémissements… Il y a des choses qui vous vieillissent en une heure, et donnent la mesure de la douleur du monde… Allons, venez ! Notre Seigneur martyr s’est arrêté moins que vous ! » dit Jean.

    631.3 Abasourdis, ils se lèvent et le suivent jusqu’à l’intersection du chemin pavé et du sentier à lacets, et ils tournent par celui-ci. Oui ! c’est moins raide… mais quant au soleil ! La chaleur y est encore plus forte étant donné que la côte, que longe ce sentier, réverbère ses feux sur les voyageurs déjà brûlés par le soleil.

    « Mais pourquoi nous faire monter ici à cette heure-ci ? Ne pouvait-il pas nous faire venir à l’aube, au point du jour, pour que nous puissions voir où nous posons les pieds ? D’autant plus que nous étions hors des murs, et que nous pouvions venir sans attendre l’ouverture des portes. »

    Ils se lamentent et grommellent.

    Ils sont hommes, encore et toujours hommes, maintenant, après la tragédie du vendredi saint, qui est la tragédie de leur humanité orgueilleuse et lâche plus encore que la tragédie du Christ, car il était, lui, toujours héros et victorieux même en mourant. Ils sont hommes comme auparavant, quand ils s’enivraient des hosannas de la foule et jubilaient en pensant aux fêtes et aux banquets somptueux chez Lazare… Ils sont sourds, aveugles, fermés à tous les signes et avertissements de la tempête prochaine.

    Jacques, fils d’Alphée et Simon le Zélote pleurent en silence. André aussi ne se lamente plus après les derniers mots de Jean. Or Jean reprend la parole pour partager ses souvenirs, et ce rappel est un avertissement fraternel, une exhortation à ne pas se plaindre :

    « C’est l’heure à laquelle le Seigneur est monté ici. Or il marchait déjà depuis longtemps. Je pourrais même dire que, depuis l’instant où il est sorti du Cénacle, il n’a plus eu un moment de repos ! Et il faisait bien chaud, ce jour-là ! C’était la chaleur étouffante de l’orage proche… Il brûlait de fièvre. Nikê raconte qu’elle a eu l’impression de toucher du feu quand elle a posé le linge sur son visage.

    Ce doit être ici l’endroit où il a rencontré les femmes… Nous étions du côté opposé, de sorte que nous n’avons pas vu la rencontre, mais aux dires de Nikê et des autres… Allons, avançons ! Pensez que les Romaines, habituées à la litière, ont parcouru à pied ce chemin en restant au soleil dès le matin, dès l’heure de tierce, quand il fut condamné. Elles ont précédé tout le monde, elles, les païennes, en envoyant des esclaves avertir les autres qui s’étaient absentées pour quelque motif… »

    631.4 Ils avancent… Ce chemin est un martyre de feu ! Ils chancellent, même. Pierre lance :

    « S’il n’opère pas un miracle, nous tomberons à cause d’un coup de soleil.

    – Oui. Mon cœur éclate dans ma gorge » confirme Matthieu.

    Barthélemy ne parle plus. Il paraît ivre. Jean le prend par le coude et le soutient comme il le faisait avec Marie, ce vendredi sanglant. Il le réconforte :

    « Il y aura bientôt un peu d’ombre. J’y ai conduit la Mère. Nous nous reposerons là. »

    Ils progressent de plus en plus lentement… Les voilà contre le rocher où se tenait Marie, et Jean le dit. Il y a en effet un peu d’ombre, mais l’air est immobile, brûlant.

    « S’il y avait au moins une tige d’anis, une feuille de menthe, un brin d’herbe ! J’ai la bouche semblable à du parchemin mis près d’une flamme. Mais rien ! Rien ! gémit Thomas, qui a les veines gonflées au cou et au front.

    – Je donnerais ce qui me reste de vie pour avoir une goutte d’eau », ajoute Jacques, fils de Zébédée.

    Jude éclate en sanglots :

    « Mon pauvre Frère, combien tu as souffert ! Il a dit… il a dit, vous le rappelez-vous ? qu’il mourait de soif ! Ah ! Maintenant je comprends ! Je n’avais pas saisi la portée de ces paroles ! Il mourait de soif ! Et il n’y eut personne pour lui donner une gorgée d’eau pendant qu’il pouvait boire encore ! Qui plus est, au soleil s’ajoutait sa fièvre !

    – Jeanne lui avait apporté de quoi se désaltérer… » intervient André.

    Jean dit : « Mais il ne pouvait déjà plus boire, désormais ! Il ne pouvait plus parler… Quand il a rencontré sa Mère, là, à dix pas de nous, il a seulement pu dire : “ Maman ! ” mais pas lui donner un baiser, même de loin, bien que Simon de Cyrène l’ait délivré de la croix. Il avait les lèvres durcies par les blessures, brûlées… Oh ! je le voyais bien, par delà la rangée de légionnaires ! Car je ne suis pas passé ici. J’aurais pris sa croix, s’ils m’avaient laissé passer ! Mais ils craignaient pour moi… et à cause de la foule qui voulait nous lapider… Il ne pouvait pas parler… pas boire… pas donner un baiser… Il ne pouvait presque plus y voir, tant les croûtes formées par le sang qui descendait de son front couvraient ses yeux… Son vêtement était déchiré au genou qu’on voyait ouvert, sanglant… Il avait les mains enflées et blessées… Il avait une blessure au menton et à une joue… La croix avait formé une plaie à son épaule déjà ouverte par les coups de fouets… Sa ceinture était blessée par les cordes… Ses cheveux étaient couverts du sang qui coulait des épines… Il avait…

    – Tais-toi ! Tais-toi ! Impossible de t’entendre davantage ! Tais-toi ! Je t’en prie et te l’ordonne ! crie Pierre, qui semble à la torture.

    – Impossible de m’entendre ! Vous ne pouvez m’entendre ! Mais moi, j’ai dû le voir et entendre ses spasmes de douleur ! Et sa Mère ? Et sa Mère, alors ? »

    Ils baissent la tête en sanglotant et recommencent à marcher, à marcher… Ce n’est plus sur eux qu’ils se lamentent, tous pleurent désormais sur les douleurs du Christ.

    631.5 Les voici au sommet, à la première petite plateforme : c’est une vraie plaque de feu. La réverbération est telle que la terre semble trembler par suite de ce phénomène que produit le soleil sur les sables enflammés des déserts.

    « Venez. Montons de ce côté. C’est ici que le centurion nous a fait passer. Moi aussi : ils m’ont pris pour un fils de Marie. Les femmes se tenaient à cet endroit, ici les bergers et là les juifs… » Jean indique les lieux et termine : « Mais la foule était en bas, elle couvrait la pente jusqu’à la vallée, jusqu’à la route. Elle était sur les murs, et même sur les terrasses près des murs. Elle s’étendait à perte de vue. Je m’en suis rendu compte quand le soleil a commencé à se voiler. Auparavant, c’était comme à présent, et je ne pouvais voir… »

    En effet, Jérusalem fait penser à un mirage qui tremble au loin. L’excès de lumière la voile à qui veut la voir, et Jean reprend :

    « A d’autres heures, Marie-Madeleine l’a dit, mais je ne savais ni quand ni pourquoi elle y était venue, on voit les restes noirs des maisons incendiées par la foudre. Les maisons des plus coupables… d’un grand nombre, du moins parmi eux… Voici ! (Jean compte ses pas, reconstitue la scène : là se tenait Longinus, et ici Marie et moi. La croix du larron repenti se dressait à cet endroit, et l’autre ici. C’est là que les vêtements du Seigneur furent tirés au sort, là aussi que la Mère est tombée à la mort de Jésus… et c’est d’ici que je l’ai vu frappé au cœur (Jean devient pâle comme un mort), car sa croix était ici. »

    Et il s’agenouille pour adorer, le visage dans la terre visiblement creusée  à l’emplacement sanglant, le long de l’ombre du bras transversal de la croix et autour de son tronc vertical.

    Marie-Madeleine doit avoir peiné pour creuser ainsi tant de terre et sur une profondeur d’au moins un bon palme, dans une terre si dure, mêlée à des pierres et des débris qui en font une sorte de croûte compacte ! Ils se jettent tous à terre pour baiser cette poussière que baignent leurs larmes…

    631.6 Jean est le premier à se relever et, affectueusement impitoyable, il évoque tous les épisodes… Il ne sent plus le soleil… Personne ne le sent plus… Il parle du moment où Jésus a repoussé le vin à la myrrhe… du moment où il s’est dévêtu et ceint du voile de sa Mère… du moment où il est apparu si durement flagellé et blessé… du moment où il s’est étendu sur la croix et a crié au premier clou, puis s’est interrompu pour que sa Mère ne souffre pas trop… du moment où ils lui déchirèrent le poignet et déboîtèrent le bras pour l’étirer jusqu’au trou préparé à l’avance… enfin du moment où, tandis qu’il était entièrement cloué, la croix fut retournée pour river les clous. C’est alors qu’elle pesa de tout son poids sur le Martyr, dont on entendit le halètement. Jean raconte comment la croix fut retournée puis relevée pour être traînée jusqu’au trou où on la fit tomber et où elle fut calée. Il explique comment, dans sa chute, le corps de Jésus déchira ses mains et comment le déplacement de la couronne griffa sa tête. Jean rapporte aussi les paroles de Jésus adressées au Père des Cieux, sa demande de miséricorde pour ceux qui le crucifiaient, son pardon au larron repenti, ses mots à sa Mère et à Jean. Il décrit l’arrivée de Joseph et de Nicodème, qui osèrent héroïquement défier tout un monde, ainsi que le courage de Marie de Magdala, le cri d’angoisse de Jésus au Père qui l’avait abandonné, et sa soif, le vinaigre avec le fiel, ses derniers instants d’agonie, puis son faible appel à sa Mère et les paroles de celle-ci, dont l’âme, sous cette torture, était à la mort… enfin la résignation et l’abandon de Jésus à Dieu et, horribles, sa dernière convulsion, le cri qui fit trembler le monde, et le cri de Marie quand elle le vit mort…

    « Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! » crie Pierre.

    Il semble, lui, transpercé par la lance. Les autres aussi le supplient :

    « Tais-toi ! Tais-toi !…

    631.7 – Je n’ai rien à ajouter. Le sacrifice était fini. Quant à la sépulture… elle fut notre déchirement et non le sien. Seule la douleur de la Mère a de la valeur. Notre déchirement mérite-t-il de la compassion ? Remettons-le-lui, au lieu de demander pitié pour nous. Nous avons toujours fui la souffrance, la fatigue, les abandons, en lui laissant tout cela à lui seul. En vérité, nous avons été des disciples indignes qui l’avons aimé pour la joie d’être aimés, pour l’orgueil d’être des grands dans son royaume, mais nous n’avons pas su l’aimer dans la douleur… Il en est de même actuellement.

    Nous devons jurer ici, en face du Ciel et de la terre – or c’est ici un autel, haut placé – qu’il n’en sera plus ainsi. Le temps de la joie est venu pour le Seigneur, et pour nous la croix. Jurons-le. C’est ainsi seulement que nous donnerons la paix à nos âmes. Ici est mort Jésus de Nazareth, le Messie, le Seigneur, pour être le Sauveur et le Rédempteur. Qu’ici meure l’homme que nous sommes, et que ressuscite le vrai disciple. Levez-vous ! Jurons sur le saint nom de Jésus Christ que nous voulons embrasser sa doctrine jusqu’à savoir mourir pour la rédemption du monde. »

    Jean a l’air d’un séraphin. Ses gestes ont fait tomber son couvre-chef, et sa tête blonde brille au soleil. Il est monté sur des débris jetés de côté, peut-être les étais des croix des larrons, et a pris involontairement l’attitude à bras ouverts qu’a souvent Jésus quand il enseigne, en particulier la position qu’il avait sur la croix.

    Les autres l’admirent, lui qui est si beau, si enflammé, si jeune, le plus jeune de tous, et si mûr spirituellement. Le Calvaire l’a fait parvenir à l’âge parfait… Ils le regardent et s’écrient :

    « Nous le jurons !

    – Alors prions pour que le Père fortifie notre serment : “ Notre Père qui es aux Cieux… ” »

    Le chœur des onze voix prend peu à peu de l’assurance. Pierre se frappe la poitrine quand il dit : “ Remets-nous nos dettes ”, et tous s’agenouillent au moment de supplier : “ Délivre-nous du mal. ” Ils restent ainsi penchés jusqu’au sol, en méditant…

    631.8 Jésus est parmi eux. Je n’ai pas vu quand ni d’où il est apparu. On dirait que c’est du côté du mont qui est inaccessible. Il resplendit d’amour dans la grande lumière de midi et il déclare :

    « Celui qui demeure en moi ne subira aucun méfait de la part du Malin. En vérité, je vous dis que ceux qui seront unis à moi pour servir le Très-Haut, dont le désir est le salut de tous les hommes, pourront chasser les démons, rendre inoffensifs reptiles et venins, passer au milieu des fauves et des flammes sans subir de dommage, tant que Dieu voudra qu’ils restent sur la terre pour le servir.

    – A quel moment es-tu arrivé, Seigneur ? demandent-ils en s’inclinant, mais en restant à genoux.

    – C’est votre serment qui m’a appelé. Et maintenant que les pieds de mes apôtres ont foulé cette terre, descendez rapidement en ville, au Cénacle. Ce soir, les femmes de Galilée vont partir avec ma Mère. Jean et toi, vous les accompagnerez. Nous nous retrouverons tous unis en Galilée sur le mont Thabor, dit-il à Simon le Zélote et à Jean.

    – Quand, Seigneur ?

    – Jean sera prévenu et il vous le transmettra.

    – Tu nous quittes, Seigneur ? Tu ne nous bénis pas ? Nous avons tant besoin de ta bénédiction.

    – Je vous la donnerai ici et au Cénacle. Prosternez-vous ! »

    Il les bénit, puis l’éclat du soleil l’enveloppe comme à la Transfiguration, à cette différence près que, ici, il le cache. Jésus n’est plus là.

    Ils relèvent la tête et ne voient plus rien que le soleil et la terre brûlée…

    « Mettons-nous en route ! Il est parti ! constatent-ils avec tristesse.

    – Ses séjours parmi nous se font toujours plus brefs…

    – Mais aujourd’hui, il semblait plus content qu’hier soir. Tu n’as pas eu cette impression, mon frère ? demande Jude à Jacques.

    – C’est notre serment qui l’a réjoui. Sois béni, Jean, de nous l’avoir fait faire ! s’exclame Pierre en l’embrassant.

    – Moi, j’espérais qu’il nous parlerait de sa Passion ! Pourquoi nous a-t-il fait venir ici si c’est pour ne rien nous partager ? s’interroge Thomas.

    – Nous le lui demanderons ce soir, suggère André.

    – Oui. Mais allons-y ! La route est longue, et nous souhaitons rester un peu avec Marie avant son départ, dit Jacques, fils d’Alphée.

    – Une autre douceur qui finit ! soupire Jude.

    – Nous restons orphelins ! Comment ferons-nous ? »

    Ils se tournent vers Jean et Simon le Zélote et ajoutent, avec une pointe d’envie dans la voix :

    « Vous, au moins, vous accompagnez sa Mère ! Et vous restez avec elle, toujours. »

    Jean fait un geste qui signifie : “ C’est comme ça… ” Mais eux, qui les envient sans malice, reprennent aussitôt :

    « En tout cas, c’est juste. Car tu étais ici avec elle, et tu as renoncé à y rester par obéissance. Nous… »

    631.9 Ils commencent à descendre. Mais à peine ont-ils posé le pied sur la seconde plate-forme, la plus basse, qu’ils voient une femme y arriver sous le soleil par le chemin le plus raide. Elle les dévisage sans mot dire, et se dirige avec assurance vers la plate-forme supérieure.

    « On vient déjà ici, et ce n’est pas seulement Marie ! Mais que fait-elle ? Elle pleure en cherchant par terre. C’est peut-être une femme qui a perdu quelque chose ce jour-là ? » se demandent-ils.

    Ce serait possible en effet, car on ne voit pas de qui il s’agit. Le visage de la femme est complètement voilé.

    Thomas hausse sa robuste voix :

    « Femme, qu’as-tu perdu ?

    – Rien. Je cherche l’emplacement de la croix du Seigneur. J’ai un frère mourant et le bon Maître n’est plus sur la terre… » Elle pleure sous son voile. « Les hommes l’ont chassé !

    – Il est ressuscité, femme. Il est vivant pour toujours.

    – Je sais qu’il l’est pour toujours, car il est Dieu, et Dieu ne meurt pas. Mais il n’est plus parmi nous. Le monde n’a pas voulu de lui, et il est parti. Le monde l’a renié, ses disciples eux-mêmes l’ont abandonné comme si c’était un criminel, de sorte qu’il a abandonné le monde. Moi, je viens chercher un peu de son sang. J’ai foi que ce sang guérira mon frère, davantage que l’imposition des mains de ses disciples, car je ne crois plus qu’ils puissent faire des prodiges après avoir été infidèles.

    – Le Seigneur était ici tout à l’heure, femme. Il est ressuscité avec son âme et son corps, et il est encore parmi nous. Le parfum de sa bénédiction est encore sur nous. Regarde : c’est ici qu’il a posé les pieds, il y a quelques instants, lui dit Jean.

    – Non. Je cherche une goutte de son sang. Je n’étais pas ici et je ne connais pas l’endroit… »

    Toute penchée, elle cherche par terre.

    Jean le lui indique :

    « Voilà l’endroit de sa croix. Moi, j’étais présent.

    – Tu étais présent ? Comme ami, ou pour le crucifier ? On dit qu’un seul de ses apôtres bien-aimés se tenait sous la croix et quelques autres disciples fidèles avec lui, non loin d’ici. Mais je ne voudrais pas parler avec quelqu’un qui l’a crucifié.

    – Je ne le suis pas, femme. Regarde : c’est là que se trouvait la croix, et la terre est encore rouge de sang, bien qu’on ait creusé. Il y avait tant de sang qu’il a pénétré profondément. Tiens, et que ta foi obtienne sa récompense. »

    Jean a creusé de ses doigts le trou de la croix et il en a extrait un terreau rougeâtre que la femme ramasse dans un petit linge. Elle remercie et s’en va rapidement avec son trésor.

    « Tu as bien fait de ne pas révéler qui nous sommes.

    – Pourquoi n’as-tu pas dit qui tu étais ? » demandent les apôtres.

    Comme toujours les pensées humaines s’opposent.

    Jean les regarde sans rien dire. Il descend le premier par la rapide route pavée.

    631.10 S’il est plus facile de descendre que de monter, le soleil est encore féroce, et à l’arrivée, au pied du Golgotha, ils sont morts de soif. Mais il y a des brebis dans le ruisseau et des bergers avec elles, sortis certainement de quelque étable voisine pour mener paître les brebis avant le soir. L’eau est trouble, imbuvable.

    Leur soif est telle que Barthélemy s’adresse à un berger :

    « Aurais-tu une gorgée d’eau dans ta gourde ? »

    L’homme les regarde d’un air sévère et se tait.

    « Un peu de lait, alors. Les mamelles de tes bêtes sont gonflées. Nous paierons. Nous aurions voulu du liquide frais, mais il nous suffit de boire.

    – Je n’ai ni eau ni lait pour ceux qui ont abandonné leur Maître. Je vous reconnais, savez-vous ? Je vous ai vus et écoutés à Bet-Çur, un jour. Toi, justement toi, qui demandes… Mais je ne vous ai pas vus lorsqu’on a descendu l’Homme tué. Il n’y avait que celui-là. Il n’y a pas eu d’eau pour le Seigneur, m’ont dit ceux qui étaient sur la colline. Et pour vous non plus, il n’y aura pas. »

    Il siffle son chien, rassemble les brebis et s’éloigne vers le nord, où commencent des collines herbeuses et couvertes d’oliviers.

    Les apôtres, accablés, franchissent le pont et entrent en ville.

    631.11 Ils marchent en rasant les murs, un peu courbés, le couvre-chef très bas sur les yeux. Car maintenant les rues se raniment après la grande chaleur des premières heures de l’après-midi.

    Mais il faut traverser toute la ville avant d’arriver à la maison du Cénacle, et il y a trop de gens qui connaissent les apôtres pour que leur passage puisse se faire sans incident. Et bientôt un éclat de rire cinglant les atteint pendant qu’un scribe (je croyais vraiment que je n’en verrais plus et j’en étais heureuse) crie aux gens, qui sont nombreux dans cet étroit carrefour où clapotent les eaux d’une fontaine :

    « Les voici ! Regardez-les ! Voilà les restes de l’armée du grand roi ! Les preux lâches, les disciples du séducteur. Ils ne méritent que mépris et dérision, ainsi que la compassion qu’on éprouve pour les fous ! »

    C’est le commencement d’une rafale de moqueries.

    Certains crient :

    « Où étiez-vous pendant que Lui souffrait ? »

    D’autres :

    « Sont-ils maintenant convaincus que c’était un faux prophète ? »

    Ou encore :

    « C’est en vain que vous l’avez enlevé et caché ! L’idée est passée, le Nazaréen est mort. Le Galiléen a été foudroyé par Jéovêh, et vous avec lui. »

    Quelqu’un intervient avec une fausse pitié :

    « Mais laissez-les tranquilles ! Ils s’en sont aperçus et s’en sont repentis, trop tard, mais toujours à temps pour fuir au bon moment ! »

    D’autres haranguent le petit peuple, essentiellement composé de femmes portées à prendre parti pour les apôtres :

    « Vous qui doutez encore de notre justice, que la conduite des plus fidèles partisans du Nazaréen vous éclaire. S’il avait été Dieu, il les aurait fortifiés. Si eux l’avaient reconnu pour le vrai Messie, ils ne se seraient pas enfuis en pensant qu’une force humaine ne pouvait triompher du Christ. Au contraire, il est mort en présence du peuple, et c’est en vain qu’ils ont enlevé son cadavre après avoir assailli les gardes, qui s’étaient endormis. Demandez donc aux gardes si cela ne s’est pas passé ainsi. Il est mort, ses disciples sont dispersés, et celui qui libère Jérusalem des derniers vestiges du Nazaréen est grand aux yeux du Très-Haut. Anathème sur ses partisans ! Va chercher des pierres, ô peuple saint, et lapide ces hommes hors des murs. »

    C’en est trop pour le courage encore mal affermi des apôtres ! Ils se sont déjà un peu retirés du côté des murs pour ne pas susciter le soulèvement par quelque défi imprudent aux accusateurs. Mais maintenant, plus que la prudence, c’est la peur qui prend le dessus. Et ils tournent le dos, en se sauvant en direction de la porte de la ville. Les deux Jacques ainsi que Jean, Pierre et Simon le Zélote, plus calmes et plus maîtres d’eux-mêmes que les autres, suivent leurs compagnons sans courir, et quelques pierres les atteignent avant qu’ils ne passent la porte, ainsi que beaucoup d’ordures.

    631.12 Les gardes qui sortent de leur poste empêchent qu’on les poursuive au-delà des murs, mais les apôtres courent à toutes jambes se réfugier dans la pommeraie de Joseph, là où était le tombeau.

    L’endroit est tranquille, silencieux, la lumière est douce sous les arbres où a poussé, ces derniers jours, un feuillage encore rare, mais dont la couleur émeraude forme un voile de couleur agréable sous les troncs robustes. Ils se jettent à terre pour apaiser leur cœur qui bat la chamade. Au fond du jardin, un homme pioche et butte des légumes, aidé par un jeune garçon, sans s’apercevoir de la présence des apôtres qui se sont cachés derrière une haie. Ce n’est qu’après avoir scruté le ciel et dit à haute voix : “ Viens, Joseph, et amène l’âne pour l’atteler à la charrette ” qu’il se dirige vers eux, là où se trouve un puits rustique caché par des touffes de ronces qui lui donnent de l’ombre.

    « Que faites-vous ? Qui êtes-vous ? Que cherchez-vous dans le jardin de Joseph d’Arimathie ? Et toi, sot, pourquoi laisses-tu ouverte la grille que Joseph veut fermer maintenant qu’il en a posé une ? Ne sais-tu pas qu’il veut que personne ne vienne à l’endroit où fut déposé le Seigneur ? »

    Je dis la vérité en affirmant que, toute à ma peine d’assister à la déposition de Jésus et dans la stupeur de la Résurrection, je n’avais jamais examiné si le jardin, au-delà d’une muraille verte de buis et de ronces, avait ou non une grille, mais je pense en effet qu’elle a été mise depuis peu, car elle est toute neuve, et elle est soutenue par deux pylônes carrés dont l’enduit ne semble pas vieux. Joseph, comme Lazare, a posé des clôtures aux endroits sanctifiés par Jésus.

    Jean se lève de terre en même temps que Simon le Zélote et que Jacques, fils d’Alphée. Il dit sans peur :

    « Nous sommes les apôtres du Seigneur. Je suis Jean, voici Simon, un ami de Joseph, voilà Jacques, frère du Seigneur. Le Seigneur nous avait appelés au Golgotha et nous y sommes allés. Il nous a donné l’ordre de nous rendre à la maison où se trouve sa Mère, mais la foule nous a poursuivis. Nous sommes entrés ici, en attendant le soir…

    631.13 – Mais tu es blessé ? Et toi aussi ! et puis toi ! Venez, que je vous soigne. Vous avez soif ? Vous êtes essoufflés. »

    Puis il se tourne vers le jeune garçon :

    « Dépêche-toi de puiser. La première eau est pure, mais ensuite les seaux la rendent boueuse. Donne-leur à boire, puis lave ces laitues fraîches et verse sur elles de l’huile que nous avons pour enduire les greffes. Je n’ai pas autre chose à vous donner. Je n’ai pas de maison ici. Mais si vous attendez, je vous emmènerai avec moi…

    – Non, non. Nous devons aller trouver le Seigneur. Que Dieu te récompense. »

    Ils boivent et se laissent soigner. Ils sont tous blessés à la tête. Les juifs visent bien !

    « Toi, va sur la route, et regarde, sans attirer l’attention, s’il n’y a pas quelque espion, ordonne le jardinier au garçon.

    – Personne, père. La route est déserte, dit-il en revenant.

    – Va jeter un coup d’œil vers la porte et reviens vite. »

    Il cueille des tiges d’anis et les offre en s’excusant de n’avoir que des légumes, de la salade et un peu d’anis, car les pommiers viennent à peine de perdre leurs fleurs.

    Le garçon revient :

    « Personne, père. Au-delà de la porte, la route est déserte.

    – Partons donc. Attelle l’âne à la charrette et jette dessus les herbes qu’on a coupées. Nous aurons l’air d’hommes qui reviennent des champs. Venez avec moi. La route sera plus longue… mais cela vaut mieux que de se faire lapider !

    – Nous devrons toujours entrer en ville…

    – Oui, mais nous passerons par un autre côté, par des ruelles sombres. Venez sans crainte. »

    Il ferme avec une grande clef le robuste portail, fait monter les plus âgés sur le char, donne aux autres des pioches et des râteaux, charge Thomas d’un fagot de branches coupées et Jean d’une botte d’herbes, et s’en va tranquillement en longeant les murs vers le sud.

    « Mais ta maison… Ici, c’est désert !

    – Ma maison est de l’autre côté, mais elle ne va pas s’en aller. Ma femme attendra. Je sers d’abord les serviteurs du Seigneur. »

    Il les regarde…

    « Tout le monde peut se tromper ! J’ai eu peur, moi aussi ! Et nous sommes tous détestés à cause de son nom, même Joseph. Mais qu’est-ce que cela fait ? Dieu est avec nous. Les gens !… Ils haïssent et ils aiment. Ils aiment et ils haïssent… D’ailleurs, ils oublient aussitôt ce qu’ils ont fait la veille. Bien sûr… s’il n’y avait pas les hyènes ! Mais ce sont elles qui excitent les gens. Ils sont furieux parce qu’il est ressuscité. Ah ! S’il se manifestait sur un pinacle du Temple, pour apporter au peuple la certitude de sa résurrection… Pourquoi ne le fait-il pas ? Moi, je crois, mais tous n’y arrivent pas. Et eux remettent une forte somme à ceux qui assurent au peuple que vous l’avez enlevé déjà décomposé, et que vous l’avez enseveli ou brûlé dans une grotte de Josaphat. »

    Ils sont maintenant du côté sud de la ville, dans la vallée d’Hennom.

    « Voilà la Porte de Sion. Connaissez-vous le chemin ? La maison est à deux pas.

    – Que Dieu soit avec toi pour ta bonté.

    – Pour moi, vous êtes toujours les saints du Maître. Vous êtes des hommes et je suis un homme. Lui seul est plus qu’un homme et peut ne pas trembler. Je sais comprendre et compatir, et je vous affirme que vous avez beau être faibles aujourd’hui, vous serez forts demain. Paix à vous. »

    Il les débarrasse des herbes et des outils agricoles et s’éloigne pendant qu’eux, rapides comme des lièvres, s’esquivent par des ruelles périphériques vers la maison du Cénacle.

    631.14 Mais les adversités de ce jour ne sont pas encore finies. Un groupe de légionnaires, qui se dirigent vers la taverne voisine, les croise, et l’un d’eux les observe et les montre aux autres. Tous se mettent à rire. Et quand ces pauvres disciples maltraités sont obligés à passer devant eux, l’un des soldats adossés à la porte les apostrophe :

    « Alors ! Le Calvaire ne vous a pas lapidés et les hommes vous ont frappés ? Par Jupiter ! Je vous croyais plus courageux ! Je pensais que vous ne craigniez rien puisque vous avez eu le courage de monter là-haut. Les pierres de la colline ne vous ont-elles pas reproché d’être lâches ? Et vous avez trouvé le courage d’y monter ? J’ai toujours vu les coupables fuir les endroits qui leur rappellent leur faute. Némésis les poursuit, mais peut-être vous a-t-elle traînés là-haut pour vous faire trembler d’horreur, aujourd’hui, puisque, à ce moment-là, vous n’avez pas tremblé de pitié. »

    Une femme, peut-être la maîtresse de la taverne, vient à la porte et rit. Elle a une figure de ribaude à faire peur, et elle crie à haute voix :

    « Femmes hébraïques, regardez ce que produisent vos ventres ! De lâches parjures qui sortent de leurs tanières une fois le danger passé. Le ventre romain, lui, ne conçoit que des héros. Venez, vous, boire à la grandeur de Rome. Vin de choix et belles filles… »

    Suivie des soldats, elle s’éloigne dans son antre obscur.

    631.15 Quelques femmes marchent avec des amphores sur la route où l’on entend déjà le murmure de la fontaine, près de la maison du Cénacle. L’une d’elle regarde avec pitié. C’est une femme âgée. Elle dit à ses compagnes :

    « Ils se sont trompés, oui… mais c’est tout un peuple qui s’est trompé… »

    Elle va trouver les apôtres et les salue :

    « Paix à vous. Nous n’oublions pas… Dites-nous seulement : le Maître est-il vraiment ressuscité ?

    – Il est ressuscité. Nous le jurons.

    – Dans ce cas, ne craignez rien. Il est Dieu et Dieu vaincra. Paix à vous, mes frères. Et demandez au Seigneur de pardonner à ce peuple.

    – Et vous, priez pour que le peuple nous pardonne et oublie le scandale que nous avons causé. Femmes, moi, Simon-Pierre, je vous demande pardon. »

    Pierre pleure…

    « Nous sommes mères, sœurs et épouses, homme. Et ton péché est celui de nos fils, frères et époux. Qu’envers tous le Seigneur fasse preuve de pitié. »

    Ces femmes pieuses les ont accompagnés à la maison, et frappent elles-mêmes à la porte verrouillée. Jésus ouvre la porte, emplissant l’entrée obscure de sa personne glorifiée. Il leur dit :

    « Paix à vous pour votre pitié. »

    Les femmes sont pétrifiées de stupeur. Elles restent ainsi jusqu’à ce que la porte se referme sur les apôtres et sur le Seigneur. Alors seulement, elles reviennent à elles.

    « Tu l’as vu ? C’était lui. Comme il était beau! Encore plus qu’avant. Et vivant ! Ce n’est pas un fantôme ! C’est un homme véritable. Sa voix ! Son sourire ! Il remuait ses mains. Tu as vu comme elles étaient rouges, ses blessures ? Non, je regardais sa poitrine qui respirait vraiment comme chez un vivant. Ah ! Qu’on ne vienne pas nous dire que ce n’est pas vrai ! Allons ! Allons le dire dans les maisons ! Non. Frappons ici pour le voir encore. Que dis-tu donc ? C’est le Fils de Dieu, ressuscité. C’est déjà bien qu’il se soit montré à nous, pauvres femmes ! Il est avec sa Mère, les femmes disciples et les apôtres. Non. Oui… »

    Celles qui sont prudentes l’emportent. Le groupe s’éloigne.

    631.16 Jésus, pendant ce temps, est entré au Cénacle avec les apôtres. Il les observe, leur sourit. Ils ont enlevé leur couvre-chef, mis comme des bandes, avant d’entrer dans la maison et les ont remis comme l’usage l’impose. Les blessures ne sont donc pas visibles. Ils s’asseyent, las et silencieux, plus affligés que las.

    « Vous avez tardé » leur dit doucement Jésus.

    Silence.

    « Vous ne me dites rien ? Parlez ! Je suis toujours Jésus. Votre courage d’aujourd’hui est-il déjà retombé ?

    – Oh ! Maître ! Seigneur ! » s’écrie Pierre en tombant à genoux aux pieds de Jésus. « Notre courage n’est pas retombé, mais nous sommes anéantis en constatant le tort que nous avons fait à la foi en toi. Nous sommes écrasés !

    – L’orgueil meurt, l’humilité naît. La connaissance s’accroît, l’amour augmente. N’ayez pas peur. C’est maintenant que vous devenez des apôtres. C’est cela que je voulais.

    – Mais nous ne pourrons plus rien faire ! Le peuple, et il a raison, nous tourne en dérision ! Nous avons détruit ton œuvre, détruit ton Eglise ! »

    Tous sont angoissés. Ils crient, font de grands gestes…

    Jésus est d’un calme solennel. Il reprend, en appuyant ses paroles par le geste :

    « Paix ! Paix ! L’enfer lui-même ne détruira pas mon Eglise. Ce n’est pas parce qu’une pierre encore mal fixée vacillera, que l’édifice s’écroulera. Paix ! Paix ! Vous travaillerez. Et vous le ferez bien, maintenant que vous vous connaissez humblement pour ce que vous êtes. Vous avez acquis une grande sagesse : celle qui consiste à savoir que tout acte a des répercussions très étendues, parfois ineffaçables, et que celui qui est haut placé a plus qu’un autre le devoir d’être parfait. Rappelez-vous ce que j’ai dit de la lumière : il faut la mettre à un endroit élevé pour être bien visible, mais c’est justement parce que tout le monde la voit qu’elle doit avoir une flamme pure. Vous voyez, mes fils ? L’erreur d’un fidèle peut ne pas être remarquée ou sembler excusable, mais elle ne passe pas inaperçue si c’est le fait d’un prêtre. Or le jugement du peuple est sévère. Mais votre avenir effacera votre passé. Je ne vous ai pas parlé au Golgotha, mais j’ai laissé parler le monde. Je vous réconforte. Allons, ne pleurez pas. 631.17 Restaurez-vous maintenant, et laissez-moi vous guérir. »

    Il effleure légèrement les têtes blessées avant d’ajouter :

    « Néanmoins, il vaut mieux que vous vous éloigniez d’ici. C’est pour cela que j’ai dit : “ Allez au Thabor pour prier. ” Vous pourrez rester dans les villages voisins et monter à chaque aurore m’attendre.

    – Seigneur, le monde ne croit pas que tu es ressuscité, souffle Jude.

    – Je persuaderai le monde. Je vous aiderai à vaincre le monde. Vous, soyez-moi fidèles. Je n’en demande pas davantage. Et bénissez ceux qui vous humilient, car ils vous sanctifient. »

    Il rompt le pain, l’offre et le distribue :

    « Voici mon viatique pour vous qui partez. J’ai déjà préparé ici la nourriture pour mes pèlerins. Faites de même, à l’avenir, pour ceux qui partiront. Montrez-vous paternels envers tous les fidèles. Tout ce que je fais ou vous fais faire, imitez-le. A l’avenir, montez aussi au Calvaire, en méditant et en faisant méditer sur le chemin de la croix. Contemplez ! Contemplez ma douleur, car c’est par elle, et non par la gloire présente, que je vous ai sauvés. A côté se trouve Lazare avec ses sœurs. Ils sont venus saluer ma Mère. Allez-y vous aussi, car elle part bientôt avec le char de Lazare. Paix à vous. »

    Il se lève et sort rapidement.

    631.18 « Seigneur ! Seigneur ! s’écrie André.

    – Que veux-tu, mon frère ? lui demande Pierre.

    – Je voulais lui demander tant de choses ! Lui parler de ceux qui demandent des guérisons… Je ne sais ! Quand il est parmi nous, nous ne savons plus rien dire ! »

    Et il court chercher le Seigneur.

    « C’est vrai ! C’est comme si nous avions perdu la mémoire, conviennent-ils tous.

    – Pourtant, il est tellement bon avec nous. Il nous a appelés “ mes fils ” avec une telle douceur qu’elle m’a ouvert le cœur ! s’écrie Jacques, fils d’Alphée.

    – Mais il est tellement Dieu maintenant ! Je tremble quand il est près de moi, comme si j’étais près du Saint des Saints » dit Jude.

    André revient :

    « Il n’est plus là. L’espace, le temps et les murs lui sont assujettis.

    – Il est Dieu ! Il est Dieu ! » s’exclament-ils tous, pleins de vénération.



Observations



La tradition du Chemin de croix

Quelques jours après sa Résurrection, Jésus envoie ses apôtres au Golgotha. C’est, pour eux qui avaient fui à l’heure suprême, une épreuve très pénible tant physiquement que moralement. Jude exprime leur sentiment commun : « Mon pauvre Frère, combien tu as souffert ! (…) Ah ! Maintenant je comprends ! » Et Maria Valtorta constate : « Ce n’est plus sur eux qu’ils se lamentent, tous pleurent désormais sur les douleurs du Christ » (EMV 631.4). Le soir venu, Jésus leur apparaît au Cénacle et leur expose les fruits de cette démarche : « L’orgueil meurt, l’humilité naît. La connaissance s’accroît, l’amour augmente. N’ayez pas peur. C’est maintenant que vous devenez des apôtres. C’est cela que je voulais ». Ensuite Jésus leur fait cette recommandation : « Tout ce que je fais ou vous fais faire, faites-le vous aussi. Et aussi le voyage au Calvaire, en méditant et en faisant méditer sur la voie douloureuse, faites-le dans l'avenir. Contemplez ! Contemplez ma douleur, car c’est par elle, et non par la gloire présente, que je vous ai sauvés » (EMV 631.17).

C’est seulement vers le 13e siècle que fut introduit à Rome le rite traditionnel du Chemin de Croix. Mais cette coutume était déjà en usage dans l'Église orthodoxe, à Jérusalem, depuis au moins le 4e siècle. Par le récit de Maria Valtorta, il apparaît que cette tradition, instituée par Jésus Lui-même, aurait été pratiquée par la Vierge durant les dernières années de son séjour terrestre. « Oui, je vais rester ici. J’irai à Gethsémani. Et de là je pourrai, en suivant les murs par l’extérieur, me rendre au Golgotha et dans ton jardin, Joseph, où j’ai tant pleuré… » (EMV 642.4).




Commentaire de l'épisode


SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2010/10-017.htm
https://valtorta.fr/glorification-de-jesus-et-marie/les-apotres-envoyes-au-golgotha.html

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