Victor Szymanski était âgé de 16 ans quand sa famille l’a poussé à subir une thérapie de conversion. Il milite aujourd’hui contre cette pratique, qu’il dit préjudiciable.
Il est le plus jeune enfant d’une famille catholique pratiquante d’origine polonaise à Saint-Jean.
À l’école secondaire, il excellait dans le programme de baccalauréat international. Il se distinguait au théâtre, en peinture et en photographie. Ses camarades de classe l’avaient élu à titre d’étoile montante en 2013.
Mais le jeune homme, aujourd’hui âgé de 24 ans, était tourmenté par un secret qu’il croyait être honteux. Il dit qu’il se sentait comme un agent double, que cela était épuisant et déchirant.
Durant l’été suivant sa 11e année scolaire, il a été forcé de subir la "thérapie réparatrice" de Thomas Schmierer. Ce dernier, un thérapeute catholique américain, soutient que sa technique peut "guérir" l’homosexualité.
L'efficacité des méthodes de ce genre a été démentie dans le milieu médical et ces méthodes ont été interdites pour les mineurs dans plusieurs États américains. Le premier ministre Justin Trudeau a promis dans une lettre de mandat, le 13 décembre dernier, de mettre fin aux thérapies de conversion au Canada.
"Appuyer le ministre de la Justice et procureur général du Canada dans la modification du Code criminel afin d’interdire la pratique de la thérapie de conversion, et prendre d’autres mesures nécessaires avec les provinces et les territoires afin de mettre fin à la thérapie de conversion au Canada", peut-on lire dans la lettre de mandat de la ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse.
Victor Szymanski qualifie ces thérapies de pseudoscience profondément préjudiciable. Les séances qui devaient le "guérir" l’ont plutôt mené à une dépression et à des pensées suicidaires.
Le jeune homme milite aujourd’hui pour que les thérapies de conversion soient reconnues comme une forme de violence psychologique et émotionnelle. Il raconte publiquement son histoire pour faire savoir aux gens que cette pratique peut encore se produire de nos jours au Nouveau-Brunswick.
Victor Szymanski dit qu’il aime beaucoup sa famille malgré tout. Il croit que cette dernière ne voulait que son bien.
D’une part, à l’école, il avait des amis et menait une vie active, mais d’autre part, à la maison, il connaissait des humiliations.
Il a confié à sa famille à l’âge de 15 ans qu’il était attiré par les hommes. Ses parents, explique-t-il, ont alors insisté pour qu’il subisse une thérapie contre l’attirance envers le même sexe.
Cette thérapie comprenait deux séances par semaine sur Internet avec Thomas Schmierer, qui est basé en Californie. Victor Szymanski devait aussi visionner des vidéos et participer à des discussions d’Exodus International, une association "d’ex-homosexuels" chrétiens qui disait aider les gens à se "libérer" de l’homosexualité grâce à leur relation avec Jésus Christ.
Dans un article intitulé Unwanted Homosexual Attraction Is Treatable, Thomas Schmierer soutient que plusieurs patients LGBTQ ont réussi à surmonter leur compulsion homosexuelle et ont fait un mariage heureux avec des personnes du sexe opposé.
Ni Thomas Schmierer ni la famille Szymanski n’ont voulu faire de commentaire pour ce reportage.
Les enfants valorisent beaucoup l’approbation de leur famille et font tout ce qu’ils peuvent pour l’avoir, explique Victor Szymanski. Il était un mineur à ce moment, dit-il, et il sentait qu’il n’avait pas le choix d’agir autrement.
Des « illusions narcissiques »
Le jeune homme s’est longtemps gardé de parler à qui que soit de sa thérapie de conversion.
Dans ce cadre, on lui disait que son homosexualité était causée par "des illusions narcissiques et des distorsions basées sur la honte", explique-t-il.
Après ces séances, souligne-t-il, il souffrait d’insomnie, de dépression, d’anxiété et de problèmes d’estime de soi.
Malgré tout, il a obtenu son diplôme de l’école secondaire anglophone de Saint-Jean avec haute distinction ainsi qu’une bourse d’études de l’Université de Toronto. Lorsqu’il a entrepris ses études en 2013 au collège catholique St. Michael's, associé à cette université, il n’en pouvait plus de subir la thérapie de conversion, explique-t-il.
Victor Szymanski a fait une tentative de suicide en octobre 2013 par surdose de médicament. Lorsqu’on est convaincu qu’il y a quelque chose de mauvais en nous et qu’on ne peut rien y changer, cela nuit à tous les aspects de la vie, explique-t-il.
"Je ne voyais plus d’espoir. Je croyais simplement que ce serait pour le mieux si je partais."
Le jeune homme précise maintenant que ce dont il avait réellement besoin, c’était que quelqu’un lui dise qu’il était normal, qu’il n’était pas intrinsèquement désordonné.
Après la tentative de suicide, Victor Szymanski a décroché de l’université et il n’avait ainsi plus droit à sa bourse d’études.