2 mai 2019
Un groupe de 19 catholiques de plusieurs pays, dont un théologien renommé, ont publié le 30 avril 2019 une lettre ouverte accusant le pape François “d’hérésie”. Le document, diffusé par le site américain LifeSiteNews, demande aux évêques du monde “d’agir” contre le pontife.
La lettre a notamment été signée par le prêtre dominicain Aidan Nichols, un auteur et théologien britannique internationalement reconnu, rapporte le média américain Catholic News Agency (CNA). Le texte a également été paraphé par plusieurs professeurs en poste dans des universités catholiques, aux Etats-Unis et ailleurs. Parmi les francophones, on trouve Georges Buscemi, président de la Campagne Québec-Vie, ainsi que Stéphane Mercier, ancien chargé de cours à l’Université catholique de Louvain, en Belgique. Ce dernier a été licencié de l’institution en 2017.
Le document de 15 pages, publié par le média conservateur américain LifeSiteNews commence par appeler les évêques du monde entier à passer à l’action contre le pape François. “Nous vous adressons cette lettre pour deux raisons: premièrement pour accuser le pape François du délit canonique d’hérésie, et deuxièmement pour vous demander d’entreprendre les démarches nécessaires dans cette grave situation où nous avons un pape hérétique”, affirme la lettre.
Amoris laetitia au pilori
La missive énumère sept domaines spécifiques de l’enseignement de l’Eglise dans lesquels le pape a, selon les signataires, “à travers ses paroles et actes, de façon publique et opiniâtre”, démontré sa croyance dans “des affirmations qui contredisent la loi divine”.
Les griefs se focalisent sur les enseignements du pontife concernant la sexualité et la morale qui, pour les auteurs de la lettre, vont à l’encontre du magistère de l’Eglise. Le document met en avant ce que les signataires considèrent comme des passages problématiques de l’exhortation apostolique Amoris laetitia (2016). Les éléments concernant les catholiques en situations maritales “irrégulières” sont spécialement cités. Parmi d’autres croyances jugées “hérétiques”, la lettre accuse le pape de maintenir sa position selon laquelle un catholique peut, en toute connaissance de la loi divine, violer cette loi et ne pas se retrouver en état de péché grave.
Un bâton pastoral “satanique” ?
Le document cite également comme “preuve” de “l’hérésie” du Saint-Père la nomination ou le maintien à leur poste d’un certain nombre d’évêques, de cardinaux et de prêtres qualifiés eux-mêmes “d’hérétiques”. Parmi ceux-ci, Theodore McCarrick, ancien archevêque de Washington reconnu coupable d’abus sexuels et renvoyé de l’état clérical en 2019, Mgr Blase Cupich, archevêque de Chicago, le cardinal Rodriguez Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa, Timothy Radcliffe, ancien Maître général des dominicains, ou encore la théologienne française Marie-Jo Thiel.
Le texte reproche également au pontife argentin d’être trop accommodant avec les homosexuels ainsi qu’avec les autres confessions et religions.
La lettre suggère en outre que le pape François portait, à la messe d’ouverture du synode des jeunes, en octobre 2018, un bâton pastoral “satanique”.
Un document difficile à prendre au sérieux
Alors que la lettre fait de nombreuses références au “délit canonique d’hérésie”, un seul des 19 signataires est en possession d’un diplôme de droit canon, fait remarquer CNA. Le document n’appelle pas à une action canonique contre le pape, mais exhorte les évêques à “interpeller” le pape afin de le faire formellement “abjurer” ses prétendues hérésies.
Le Père Thomas Petri, vice président de la Faculté pontificale de l’Immaculée Conception à Washington DC, a confié à CNA que la lettre était “franchement affligeante”. Concernant le bâton pastoral “satanique”, le Père Petri s’étonne que l’on puisse formuler des accusations “d’hérésie” en rapport à des accessoires liturgiques qui sont fournis spécifiquement au pontife pour les cérémonies. Il qualifie la lettre de “non convaincante”, autant au niveau de son argumentation que de sa cohérence. “Au-delà des implications canoniques potentielles pour les signataires, le texte est un tel fatras d’arguments, qu’il n’est pas possible de le prendre vraiment au sérieux”, commente le dominicain.