Voici un bel extrait du magnifique livre de l’abbé Fleury, « les mœurs des Israélites et des chrétiens » (seconde partie, chapitre III) qui parle de la perfection des premiers chrétiens. Les articles suivants seront dédiés au même ouvrage car celui-ci est indispensable pour rétablir la vérité de la beauté du catholicisme. Les sectes anti-catholiques, multiples et variées, ont beaucoup écrit et continue d’écrire des mensonges qui sautent aux yeux dès lors que l’on connaît la sainteté du christianisme. L’ouvrage de l’abbé Fleury devrait être connu de tous afin de faire taire ceux qui passent leur temps à calomnier le catholicisme.
« Mais revenons à ceux qui furent instruits et gouvernés immédiatement par les apôtres, et particulièrement à cette église de Jérusalem que Jésus-Christ avait commencé d’édifier de ses propres mains sur le fondement de la synagogue, et qui a été non-seulement le modèle, mais la tige et la source de toutes les autres. Voyons comment l’Écriture nous dépeint ces premiers fidèles.
Ils persévéraient dans la doctrine des apôtres, dans la communion de la fraction du pain et dans les prières ; Et ensuite : Ceux qui croyaient, étaient tous unis ensemble ; et tout ce qu’ils avaient, était commun. Ils vendaient leurs possessions et leurs biens, et ils les distribuaient à tous, selon le besoin de chacun. Ils continuaient d’aller tous les jours, avec union d’esprit, dans le temple ; et rompant le pain par les maisons, ils prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur, louant Dieu, et étant aimés de tout le peuple. Et ailleurs : Toute la multitude de ceux qui croyaient, n’était qu’un cœur et qu’une âme, et aucun d’eux ne s’appropriait rien de tout ce qu’il possédait ; mais ils mettaient tout en commun. Il n’y avait point de pauvres parmi eux, parce que tous ceux qui avaient des terres ou des maisons les vendaient et en apportaient le prix. Ils le mettaient aux pieds des apôtres, et on le distribuait à chacun selon son besoin. Et encore ailleurs : il se faisait beaucoup de miracles et de prodiges parmi le peuple, par les mains des apôtres, et ils étaient tous d’un même esprit dans la galerie de Salomon. Aucun des autres n’osait se joindre à eux ; mais le peuple leur donnait de grandes louanges : et le nombre de ceux qui croyaient au Seigneur, tant des hommes que des femmes, s’augmentait de plus en plus.
Le sommaire de cette description est l’instruction, la prière, la communion, l’union des cœurs, la communication des biens temporels, la joie en eux-mêmes et au dehors, le respect, l’estime, l’amour du peuple. Cette église était composée de gens de tout sexe, de tout âge, et de toutes conditions, et fut très nombreuse en peu de temps. Il se convertit trois mille personnes à la première prédication de saint Pierre, et cinq mille à la seconde. Il est dit plus d’une fois que le nombre des fidèles croissait de jour en jour ; et saint Jacques parlant à saint Paul vers l’an 38, fait entendre selon le grec, qu’ils étaient plusieurs fois dix mille. La plupart étaient mariés, car la continence parfaite avait été rare jusqu’alors ; et ils logeaient séparément, puisqu’il est dit que l’on allait par les maisons rompre le pain, c’est-à-dire consacrer et distribuer la sainte eucharistie. Toutefois ils vivaient en commun, réduisant tous leurs biens en argent, que les apôtres, et ensuite les sept diacres distribuaient à chacun selon son besoin, avec tant de fidélité et de prudence, qu’il n’y avait point de pauvres.
Voilà donc un exemple sensible et réel de cette égalité de biens, et de cette vie commune, que les législateurs et les philosophes de l’antiquité avaient regardées comme le moyen le plus propre à rendre les hommes heureux ; mais sans y pouvoir atteindre. C’était pour y parvenir, que Minos, dès les premiers temps de la Grèce, avait établi en Crète des tables communes, et que Lycurgue avait pris tant de précautions pour bannir de Lacédémone le luxe et la richesse. Les disciples de Pythagore mettaient leurs biens en commun, et contractaient une société inséparable, nommée en grec,Coinobion, d’où sont venus les cénobites. Enfin Platon avait poussé cette idée de communauté jusqu’à l’excès, voulant ôter même la distinction des familles. Ils voyaient bien que, pour faire une société parfaite, il fallait ôter le tien et le mien, et tous les intérêts particuliers ; mais ils n’avaient que des peines pour contraindre les hommes, ou des raisonnements pour les persuader. Il n’y avait que la grâce de Jésus-Christ qui pût changer les cœurs, et guérir la corruption de la nature. »
Les Juifs, comme mieux instruits par la loi de Dieu, avaient chez eux des exemples plus parfaits de la vie commune. C’étaient les esséniens et les thérapeutes. Il n’y avait des esséniens qu’en Palestine, et au nombre de quatre mille ou environ. Ils demeuraient à la campagne, s’occupant au labourage et aux métiers innocents, vivant en commun et pauvrement. La plupart renonçaient au mariage. Ils s’appliquaient à la prière et à l’étude de la loi, principalement les jours de sabbat. Mais ils croyaient au destin et à la divination, et étaient les plus superstitieux de tous les Juifs. Les thérapeutes étaient répandus en divers lieux, mais la plupart vivaient en Égypte vers Alexandrie. Ils étaient plus solitaires et plus contemplatifs que les esséniens, ne s’occupant que de la prière, de la lecture et de la méditation de la loi. Ordinairement ils ne mangeaient que du pain ; et le soir, ils s’assemblaient le jour du sabbat et à la Pentecôte, pour prier et manger ensemble. On peut voir dans Philon, et dans Josèphe un plus grand détail de la vie des uns et des autres. Que si l’on pouvait vivre ainsi sous l’état de la loi qui n’amenait rien à la perfection, il ne faut pas s’étonner que l’on ait pratiqué les mêmes vertus, et encore plus purement sous l’état de la grâce ; et c’est ce que nous voyons dans cette église de Jérusalem, ensuite par toutes les églises, dans les monastères et les autres communautés religieuses.
La source de cette communication de biens entre les chrétiens de Jérusalem, était la charité, qui les rendait tous frères, et les unissait comme en une seule famille, où tous les enfants sont nourris des mêmes biens par les soins du père, qui, les aimant tous également, ne les laisse manquer de rien. Ils avaient toujours devant les yeux le commandement de nous aimer les uns les autres, que Jésus-Christ avait répété tant de fois, particulièrement la veille de sa passion, jusqu’à dire que l’on reconnaîtrait ses disciples à cette marque. Mais ce qui les obligeait à vendre leurs héritages, et à réduire tout en argent comptant, était le commandement du Sauveur, de renoncer à tout ce que l’on possède. Ils voulaient le pratiquer, non-seulement dans la disposition du cœur, à quoi se réduit l’obligation de ce précepte, mais encore dans l’exécution réelle, suivant ce conseil : Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as, et viens me suivre. Car on est bien plus assuré de n’être point attaché à ce que l’on a quitté effectivement, qu’à ce que l’on garde encore. De plus, ils savaient que le Sauveur avait prédit la ruine de Jérusalem, et qu’il en avait marqué le temps, avant que cette génération fût passée ; ainsi ils ne voulaient rien avoir qui les attachât à cette malheureuse ville, ni à cette terre qui devait être désolée.
La vie commune entre tous les fidèles, était donc une pratique singulière de cette première église de Jérusalem, convenable aux personnes et au temps. Car il semble difficile, parlant humainement, qu’une église si nombreuse eût pu subsister longtemps sans fonds et sans revenus assurés ; et nous voyons par les Actes et par les Épîtres de saint Paul, qu’elle avait besoin du secours des autres églises, et que de toutes les provinces on envoyait des sommes considérables pour les saints de Jérusalem. Et toutefois, saint Chrysostôme, si longtemps après, ne feint point de proposer encore cette manière de vie, comme un exemple imitable, et comme un moyen de convertir tous les infidèles. Il est à croire que ces saints de Jérusalem travaillaient de leurs mains, à l’exemple de Jésus-Christ et des apôtres ; car nous ne saurions leur attribuer rien de trop parfait ; et c’était encore un moyen considérable de suppléer au défaut des revenus.
Il est dit qu’ils persévéraient dans la doctrine des apôtres, et ils sont souvent nommés disciples ; c’est-à-dire qu’ils s’appliquaient à étudier la doctrine du salut ; soit en écoutant les apôtres, qui leur parlaient souvent en public et en particulier, et leur enseignaient tout ce qu’ils avaient appris du Seigneur ; soit en lisant les saintes Écritures, et en conférant les uns avec les autres. Il est dit, qu’ils persévéraient dans la prière, et qu’ils allaient tous les jours au temple s’assembler dans la galerie de Salomon, et y prier d’un même esprit. L’exemple de saint Pierre et de saint Jean, qui allèrent au temple à l’heure de la prière de none, fait croire qu’ils observaient dès lors les mêmes heures que l’Église a toujours gardées depuis. Ils vivaient à l’extérieur comme les autres Juifs, pratiquant toutes les cérémonies de la loi, et offrant même les sacrifices ; ce qu’ils continuèrent tant que le temple subsista ; et c’est ce que les Pères ont appelé, enterrer la synagogue avec honneur.
Après la prière, l’Écriture marque la fraction du pain, qui signifie l’eucharistie, comme en plusieurs autres passages du nouveau Testament. On célébrait ce mystère, non pas dans le temple, où l’on n’avait pas assez de liberté, parce que les chrétiens y étaient mêlés avec les Juifs, mais dans les maisons particulières, entre les seuls fidèles ; et il était suivi, comme les sacrifices pacifiques, d’un repas dont l’usage continua longtemps entre les chrétiens, sous le nom d’Agape qui signifie charité. Il est dit que ces repas étaient accompagnés d’allégresse et de simplicité de cœur. En effet, tous ces fidèles étaient des enfants par l’humilité, la pureté et le désintéressement. En renonçant au bien et aux espérances du siècle, ils avaient retranché la matière des passions et des chagrins de la vie ; et ils n’étaient occupés que de l’espérance du ciel, et du règne de Jésus-Christ, qu’ils regardaient comme proche. Que si nous ne pouvons lire sans admiration le peu que l’Écriture nous dit de cette première église, il ne faut pas nous étonner qu’elle fût si aimée et si révérée de ceux qui en étaient les spectateurs. Elle subsista à Jérusalem pendant près de quarante ans sous la conduite des apôtres, et particulièrement de saint Jacques son évêque ; jusqu’à ce que les fidèles, voyant approcher la punition de cette malheureuse ville, suivant la prédiction du Sauveur, se séparèrent des Juifs infidèles, et se retirèrent à la petite ville de Pella, où ils se conservèrent pendant le siège. »
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