14 octobre 1899
L'espérance est une mère pacifique et compatissante.
Ce matin, je me sentais quelque peu troublée et complète-ment anéantie. J'avais l'impression que le Seigneur voulait m'éloigner de lui. Quelle souffrance! Pendant que j'étais dans cet état, mon bien-aimé Jésus vint, tenant une petite corde à la main. Il en frappa mon coeur trois fois en disant:
«Paix, paix, paix! Ne sais-tu pas que le royaume de l'espérance est un royaume de paix et que la justice est son éthique? Quand tu vois ma justice s'armer contre les gens, entre dans le royaume de l'espérance et, t'emparant de ses plus puissantes prérogatives, monte vers mon trône et fais tout ce que tu peux pour désarmer mon bras. Fais cela avec ta voix la plus éloquente, la plus tendre et la plus compatissante, avec les arguments les plus convaincants et les prières les plus ardentes que l'espérance elle-même te dictera. Mais quand tu verras que l'espérance défend certains droits de justice absolument indispensables et que tenter de t'y opposer serait un affront pour elle, alors ajuste-toi et soumets-toi à la justice.»
Terrifiée plus que jamais d'avoir à me soumettre à la justice, je dis à Jésus: «Ah! Seigneur, comment puis-je faire cela? Ça me paraît impossible! La seule pensée que tu dois châtier tes créatures m'est intolérable, car elles sont tes images. Si, au moins, elles ne t'appartenaient pas. Ce qui me torture le plus, c'est de te voir les châtier toi-même, car ces châtiments s'effectuent sur tes propres membres et, ainsi, tu en souffres beaucoup toi-même. Dis-moi, mon seul et unique Bien, comment mon pauvre coeur pourra-t-il te voir ainsi souffrir, frappé par toi-même? Si les créatures te font souffrir, ce ne sont que des créatures et, de ce fait, c'est un peu plus tolérable. Mais quand tes souffrances proviennent de toi-même, je trouve cela trop difficile et je ne peux le prendre. Par conséquent, je ne peux me conformer ni me soumettre.»
Rempli de pitié et très touché par mes paroles, Jésus prit un air affligé et bienveillant et me dit: «Ma fille, tu as raison de dire que je serai frappé dans mes propres membres et, en t'écoutant parler, je me sens rempli de compassion et de miséricorde et mon coeur déborde de tendresse. Mais, crois-moi, les châtiments sont nécessaires et si tu ne veux pas que je frappe un peu les créatures maintenant, plus tard tu me verras les frapper beaucoup plus fortement, car elles vont m'offenser encore plus. N'en seras-tu pas alors beaucoup plus affligée? Par conséquent, conforme-toi, sans quoi tu m'obligeras à ne plus rien te dire pour ne pas te voir souffrir et tu me priveras de la consolation de converser avec toi. Ah! oui! tu me réduiras au silence, sans personne à qui confier mes souffrances!»
Quelle amertume j'ai ressentie en entendant ces paroles! Voulant me distraire de mon affliction, Jésus poursuivit son exposé sur l'espérance en me disant: «Ma fille, ne sois pas troublée. L'espérance est paix. Et comme je demeure parfaitement en paix lorsque j'exerce ma justice, tu dois aussi demeurer en paix en te plongeant dans l'espérance. L'âme remplie d'espérance qui s'attriste et se trouble, ressemble à une personne qui, malgré qu'elle soit riche à millions et qu'elle soit reine de plusieurs royaumes, se lamente sans cesse en disant: "De quoi vais-je vivre? De quoi vais-je me vêtir? Ah! je meurs de faim! Je suis si malheureuse! Je deviens de plus en plus pauvre et misérable et je vais en mourir!" Supposons de plus que cette personne passe ses journées dans la malpropreté, plongée dans la plus profonde mélancolie et, qu'en voyant ses trésors et parcourant ses propriétés, elle s'afflige davantage en pensant à sa mort prochaine. Supposons encore que si elle voit de la nourriture, elle refuse de la prendre et que si quelqu'un tente de la convaincre que ce n'est pas possible qu'elle tombe dans la misère, elle ne se laisse pas convaincre et continue de se lamenter et de s'apitoyer sur son triste sort. Que diraient les gens à son sujet? Sûrement qu'elle a perdu la raison.
«Cependant, c'est possible que la malédiction qui la préoccupe constamment survienne. Voici comment. Dans sa folie, elle pourrait quitter ses royaumes, abandonner toutes ses richesses et aller dans des pays étrangers au milieu de peuples barbares où personne ne daignerait lui donner un morceau de pain. Voilà comment sa fantaisie deviendrait réalité. Ce qui aurait été faux au départ serait devenu réalité. Mais où situer la cause de cette situation lamentable? Nulle part ailleurs que dans la volonté tortueuse et obstinée de cette personne. Tel est le comportement de l'âme qui se laisse aller volontairement au découragement et accueille le trouble intérieur. C'est la plus grande folie.»
Je lui dis: «Ah! Seigneur, comment une âme peut-elle demeurer toujours en paix en vivant dans l'espérance? Si une âme commet une faute, comment peut-elle être en paix?» Il me répondit: «Si l'âme pèche, elle a déjà quitté le royaume de l'espérance, car le péché et l'espérance ne peuvent cohabiter. Le bon sens dit que nous devons préserver et développer ce qui nous appartient. Existe-t-il un homme qui se rend sur ses propriétés et brûle tout ce qu'il possède, qui ne garde pas jalousement ce qui lui appartient? Aucun, je crois. Ainsi, l'âme qui vit dans l'espérance offense cette vertu quand elle pèche et, en quelque sorte, brûle ses biens. Elle se trouve dans le même pétrin que cette personne qui abandonne ses biens et s'exile dans un pays étranger.
«En péchant, et donc en quittant l'espérance — qui n'est autre que Jésus lui-même —, l'âme s'en va chez les barbares, c'est-à-dire chez les démons, lesquels la privent de tout rafraîchissement et la nourrissent du poison du péché. Mais que fait l'espérance, cette mère apaisante? Reste-t-elle indifférente pendant que l'âme s'éloigne d'elle? Oh! non! Elle crie, prie, appelle l'âme avec sa voix la plus tendre. Elle va au devant de l'âme et n'est satisfaite que lorsqu'elle la ramène dans son royaume.»
Mon doux Jésus ajouta: «La nature de l'espérance, c'est la paix. Ce qu'elle est par nature, l'âme qui habite en son sein l'acquiert par grâce.» Pendant qu'il me transmettait ces paroles (par lumière intellectuelle), il m'a montré ce que l'espérance fait pour l'homme en choisissant l'image d'une mère. Quelle scène émouvante! Si tous pouvaient voir cette mère, même les coeurs les plus endurcis pleureraient de contrition et apprendraient à l'aimer au point de ne plus vouloir quitter ses genoux maternels. Du mieux que je peux, je vais tenter d'expliquer ce que j'ai compris de cette image.
L'homme vivait enchaîné, esclave du démon et condamné à la mort éternelle sans espoir de pouvoir accéder à la vie éternelle. Tout était perdu et sa destinée était ruinée. Une "mère" vivait au ciel, unie au Père et à l'Esprit Saint, partageant avec eux un bonheur exquis. Mais elle n'était pas pleinement satisfaite. Elle voulait autour d'elle tous ses enfants, ses chères images, les plus belle créatures sorties des mains de Dieu.
Du haut du ciel, ses yeux étaient fixés sur l'humanité perdue; elle s'ingéniait à trouver le moyen de sauver ses enfants bien-aimés et, consciente qu'ils ne pouvaient en aucune manière donner satisfaction à la Divinité par eux-mêmes, même au prix des plus grands sacrifices (à cause de leur petitesse comparée à la grandeur de Dieu), que fit cette mère? Voyant que le seul moyen de sauver ses enfants était de donner sa vie pour eux en épousant leurs souffrances et leurs misères et en faisant tout ce qu'ils auraient dû faire eux-mêmes, elle se présenta en larmes devant la Divinité et, de sa plus douce voix et avec les motifs les plus convaincants que lui dictait son coeur magnanime, elle lui dit:
«Je demande grâce pour mes enfants perdus. Je ne puis supporter de les voir séparés de moi. Je veux les sauver à tout prix. Et puisqu'il n'y a pas d'autres moyens que de donner ma vie pour eux, je veux le faire, pourvu qu'ils retrouvent la leur. Qu'attends-tu d'eux? La réparation? Je ferai réparation pour eux. La gloire et l'honneur? Je te rendrai gloire et honneur en leur nom. Des actions de grâce? Je te rendrai grâce pour eux. Tout ce que tu attends d'eux, je te le donnerai, pourvu qu'ils soient admis à régner à mes côtés.»
Émue par les larmes et l'amour de cette mère compatissante, la Divinité se laissa convaincre et se sentit portée à aimer ces enfants. Ensemble, les personnes divines se penchèrent sur leurs malheurs et acceptèrent le sacrifice de cette mère qui donnera pleine satisfaction pour les racheter. Dès que le décret fut signé, elle quitta aussitôt le ciel et se rendit sur la terre.
Laissant derrière elle ses vêtements royaux, elle se revêtit des misères humaines comme une misérable esclave et elle vécut dans la plus extrême pauvreté, dans des souffrances inouïes, au milieu d'êtres souvent insupportables. Elle ne fit que supplier et intercéder pour ses enfants. Cependant, ô stupéfaction, au lieu d'accueillir à bras ouverts celle qui venait les sauver, ces enfants firent tout le contraire. Personne ne voulut l'accueillir ni la reconnaître. Au contraire, ils la laissèrent errer, la méprisèrent et complotèrent pour la faire mourir.
Que fit cette tendre mère en se voyant ainsi rejetée par ses enfants si ingrats? A-t-elle renoncé? Nullement! Au contraire, son amour pour eux devint plus ardent et elle courut d'un endroit à l'autre pour les rassembler auprès d'elle. Que d'efforts elle déploya! Elle n'arrêtait jamais, toujours préoccupée par le salut de ses enfants. Elle pourvoyait à tous leurs besoins, remédiait à tous leurs maux passés, présents et futurs. En somme, elle faisait absolument tout concourir pour le bien de ses enfants.
Et que firent ceux-ci? Se repentirent-ils? Pas du tout! Ils la regardèrent d'un air menaçant, la déshonorèrent par de viles calomnies, l'accablèrent d'opprobres, la flagellèrent jusqu'à ce que son corps ne soit plus qu'une plaie vive. Enfin, ils la firent mourir de la mort la plus infâme, au milieu de spasmes et de douleurs extrêmes. Et que fit cette mère au milieu de tant de souffrances? Allait-elle haïr ses enfants si indisciplinés et arrogants? Pas du tout! Elle les aima encore plus passionnément, offrit ses souffrances pour leur salut et, en rendant son dernier souffle, leur murmura un dernier mot de paix et de pardon.
Ô mère toute belle, ô chère espérance, comme tu es admirable! Je t'aime tant! Je t'en supplie, garde-moi toujours sur tes genoux et je serai la personne la plus heureuse du monde.
Même si je suis décidée de ne plus parler de l'espérance, une voix résonne en moi et me dit: «L'espérance contient tous les biens, présents et futurs, et l'âme qui vit et grandit sur ses genoux obtiendra tout. Que désire une âme? La gloire, les honneurs? L'espérance lui donnera la plus grande gloire et les plus grands honneurs sur cette terre et elle sera glorifiée éternellement au ciel. Désire-t-elle les richesses? Cette mère est extrêmement riche et, en donnant tous ses biens à ses enfants, ses richesses ne diminuent aucunement. De surcroît, ses richesses sont éternelles et non pas éphémères. Désire-t-elle des plaisirs, des satisfactions? L'espérance possède tous les plaisirs et toutes les satisfactions qui se trouvent au ciel et sur la terre. Toute personne qui se nourrit de son sein peut s'en délecter à satiété. De plus, comme elle est le maître des maîtres, toute âme qui se met à son école apprendra la science de la vraie sainteté.»
En somme, l'espérance nous donne tout. Si quelqu'un est faible, elle le fortifie. Pour ceux qui sont en état de péché, elle a institué les sacrements parmi lesquels se trouve le bain où l'on peut laver ses péchés. Si nous avons faim ou soif, cette mère compatissante nous donne la plus alléchante et délicieuse nourriture, sa chair délicate et son sang très précieux. Que peut faire de plus cette mère pacifique? Qui d'autre lui ressemble? Ah! elle seule a pu réconcilier le ciel et la terre! L'espérance s'est unie à la foi et à la charité et a formé ce lien indissoluble entre la nature humaine et la nature divine. Mais qui est cette mère? C'est Jésus-Christ, notre Sauveur.