1er septembre 1899
Lutte cruelle de Luisa afin d'obéir. L'âme identifiée à Jésus
ne peut être séparée de lui. L'obéissance, cette
puissante guerrière, était tout pour Jésus.
En arrivant, le confesseur m'a demandé si je lui avais obéi. Après lui avoir dit comment tout s'était passé, il a renouvelé sa consigne, à savoir que, pour aucune considération, je ne devais parler à Jésus, mon seul et unique Soutien, et que je devais le repousser s'il se présentait. Ayant donc compris que ce qu'il me demandait était réellement au nom de l'obéissance, je me suis dit intérieurement: «Flat Voluntas Tua en cela aussi.» Oh! comme cela m'a coûté! Quel cruel martyre! C'était comme si un clou me transperçait le coeur de part en part.
Mon habitude d'appeler Jésus, mon seul Bien, de languir sans cesse après lui, fait partie de mon être autant que ma respiration et les battements de mon coeur. Vouloir arrêter cela, c'est comme vouloir empêcher quelqu'un de respirer ou de laisser battre son coeur. Comment peut-on vivre ainsi? Cependant, l'obéissance doit prévaloir. Ô mon Dieu, quelle douleur, quelle torture! Comment peut-on empêcher un coeur de languir après l'être qui est toute sa vie? Comment arrêter un coeur de battre? De toute son énergie, ma volonté s'efforçait de retenir mon coeur, mais quelle vigilance constante il lui fallait.
De temps à autre, ma volonté devenait fatiguée et découragée, et mon coeur se sauvait en appelant Jésus. S'en apercevant, ma volonté s'efforçait davantage d'arrêter mon coeur, mais elle ratait souvent son coup. C'est pourquoi il m'a semblé que j'étais continuellement en état de désobéissance. Oh! quel contraste dans ma vie, quelle guerre sanglante, que d'agonies pour mon pauvre coeur! Ma souffrance était telle que j'ai cru en mourir. Si j'avais pu mourir, ç'aurait été un réconfort pour moi. Je vivais les affres de la mort sans mourir.
Après avoir versé d'abondantes larmes tout le jour et toute la nuit, et comme je me trouvais dans mon état habituel, mon bien-veillant Jésus vint, et moi, obligée par l'obéissance, je lui dis: «Seigneur, ne viens pas, car l'obéissance ne le permet pas.» Avec compassion et voulant me fortifier, Jésus fit sur moi un grand signe de croix de sa main créatrice et me quitta.
Comment décrire le purgatoire dans lequel je me trouvais? Il ne m'était pas permis de m'élancer vers mon unique Bien, ni même de l'appeler ou de languir après lui! Ah! les bienheureuses âmes du purgatoire peuvent au moins l'appeler, s'élancer, crier leur détresse à leur Tout bien-aimé. Il leur est seulement défendu de le posséder, tandis que moi, je suis également privée de ces consolations. Je ne fis que pleurer la nuit entière.
Ma faible nature n'en pouvant plus, l'adorable Jésus vint et, comme il semblait vouloir me parler, je lui ai aussitôt dit: «Ma chère Vie, je ne peux pas te parler. Je t'en prie, ne viens pas, car l'obéissance ne le permet pas. Si tu veux faire connaître ta volonté, va le voir.»
Pendant que je parlais, j'aperçus le confesseur. S'approchant de lui, Jésus lui dit: «Cela est impossible pour mes âmes. Je les maintiens tellement immergées en moi afin que nous ne formions qu'une seule substance que ça devient impossible de nous distinguer l'un de l'autre! C'est comme lorsque deux substances sont mélangées, elles se transfusent l'une dans l'autre et, si on veut ensuite les séparer, cela est impossible. De même, c'est impossible de séparer mes âmes de moi.» Ayant dit cela, il disparut, et je suis restée avec ma peine, encore plus grande qu'avant. Mon coeur battait si fort que j'ai senti craquer ma poitrine.
Après, je ne saurais expliquer comment, je me suis trouvée hors de mon corps et, oubliant l'ordre reçu, je me suis promené à travers la voûte des cieux en pleurant, en criant et en cherchant mon doux Jésus. Tout à coup, je l'aperçus se dirigeant vers moi et se jetant dans mes bras tout brûlant et langoureux. M'étant vite rappelé la consigne reçue, je lui ai dit: «Seigneur, ne me tente
pas ce matin. Ne sais-tu pas que l'obéissance ne veut pas?»
Il me répondit: «Le confesseur m'a envoyé; voilà pourquoi je suis venu.» Je repris: «Ce n'est pas vrai! Serais-tu un démon venant pour me tromper et me faire manquer à l'obéissance?» Il poursuivit: «Je ne suis pas un démon.» Je dis: «Si tu n'es pas un démon, faisons ensemble le signe de la croix.»
Alors, tous deux, nous avons fait le signe de la croix. Ensuite, j'ajoutai: «Si c'est vrai que le confesseur t'a envoyé, allons ensemble le voir afin qu'il puisse déterminer si tu es Jésus-Christ ou un démon; alors seulement, je serai convaincue.» Nous sommes donc allés voir le confesseur et, comme Jésus était un enfant, je le déposai dans ses bras en disant: «Mon père, discernez vous-même: est-ce là mon doux Jésus, ou bien un démon?»
Pendant que l'Enfant était dans les bras du père, je lui ai dit: «Si tu es réellement Jésus, baise la main du confesseur.» J'ai pensé que si c'était le Seigneur, il s'abaisserait à baiser la main du confesseur, et que si c'était le démon, il refuserait. Jésus baisa non pas la main de l'homme, mais celle du prêtre revêtu d'autorité. Ensuite, le confesseur m'a semblé discuter avec lui pour voir s'il était bien Jésus. Voyant que c'était le cas, il me le remit. Mal-gré cela, mon pauvre coeur ne pouvait savourer les caresses de mon bien-aimé Jésus parce que je me sentais encore lié par l'obéissance et, qu'ainsi, je ne voulais pas l'ouvrir ni même pro-noncer un seul mot d'amour.
Ô sainte obéissance, comme tu es puissante! En ces jours de martyre, je te vois comme la plus puissante guerrière, armée de la tête aux pieds, avec des sabres, des dards et des flèches, et munie de tous les instruments pour blesser. Et lorsque tu t'aperçois que mon pauvre coeur fatigué et attristé a besoin de réconfort, de trouver sa Source rafraîchissante, sa Vie, le Centre qui l'attire comme un aimant, me regardant de tes mille yeux, tu m'infliges de tous côtés des blessures cruelles. Ah! je t'en prie, aie pitié de moi et ne sois pas si cruelle!
Pendant que j'entretenais ces pensées, j'entendis la voix de mon adorable Jésus me disant à l'oreille: «L'obéissance était tout pour moi et je veux qu'elle soit tout pour toi. C'est l'obéissance qui m'a fait naître et c'est elle qui m'a fait mourir. Les blessures que je porte sur mon corps sont toutes des blessures et des marques que l'obéissance m'a infligées. Tu as raison de dire qu'elle est comme la plus puissante guerrière, armée de toutes sortes d'armes pour blesser. En fait, elle ne m'a pas laissé une seule goutte de mon sang, elle a déchiré ma chair en pièces, elle a dis-loqué mes os pendant que mon pauvre Coeur, épuisé et sanglant, cherchait quelqu'un de compatissant pour le consoler.
«Agissant comme le plus cruel des tyrans, l'obéissance ne fut satisfaite qu'après m'avoir sacrifié sur la croix et m'avoir vu rendre mon dernier souffle comme victime d'amour. Et pourquoi cela? Parce que le rôle de cette très puissante guerrière est de sacrifier les âmes. Elle ne s'occupe qu'à faire la guerre féroce contre les âmes qui ne se sacrifient pas entièrement. Ça lui est égal qu'une âme souffre ou pas, qu'elle vive ou meure. Elle vise uniquement à gagner, ne s'occupant de rien d'autre. C'est pourquoi on la nomme "Victoire", car elle conduit à toutes les victoires; lorsque l'âme semble mourir, c'est alors que commence sa vraie vie.
«À quelles grandeurs l'obéissance ne m'a-t-elle pas conduit? Par elle, j'ai vaincu la mort, j'ai écrasé l'enfer, j'ai libéré l'homme de ses chaînes, j'ai ouvert le ciel et, comme un roi victorieux, j'ai pris possession de mon Royaume, non seulement pour moi, mais pour tous mes enfants ayant bénéficié de ma Rédemption. Ah! oui! c'est vrai qu'elle m'a coûté la vie, mais le mot "obéissance" résonne comme une douce musique à mon oreille, et c'est pour-quoi j'aime tellement les âmes obéissantes.»
Je reprends maintenant mon récit là où je l'avais laissé. Au bout d'un certain temps, le confesseur est venu et, après lui avoir transmis les paroles dites plus haut, il a maintenu sa consigne, c'est-à-dire que je dois continuer à agir de la même façon avec Jésus. Je lui ai dit: «Père, permettez-moi au moins de laisser mon coeur libre de dire à Jésus quand il viendra: "Ne viens pas, car nous ne pouvons pas nous parler."»
Le confesseur m'a répondu: «Fais ce que tu peux pour l'en empêcher. Si tu ne peux pas, laisse-le libre.»