La foi : une nuit
La foi, disait la carmélite Élisabeth de la Trinité, « c’est le face-à-face dans les ténèbres ». Elle s’apparente à la nuit, selon Jean de la Croix, parce que les sens sont privés de goût, l’intelligence est obscurcie par le mystère divin et Dieu lui-même est une nuit obscure, au-delà de toute représentation intellectuelle et sensible.
Devant cet abîme de la foi, Jean de la Croix évoque la nuit des sens et de l’esprit ; épreuve terrible pour les âmes priantes qui ont l’impression de perdre Dieu. Mère Teresa en témoigne, à la suite d’autres grands témoins du Christ : « C’est seulement la foi aveugle qui me transporte, parce que, en vérité, tout est obscurité pour moi ». (J’ai soif. De la petite Thérèse à Mère Teresa).
La foi : un tunnel
Thérèse de Lisieux parlait de cette nuit comme d’un tunnel, un brouillard, un mur. Elle confiait qu’elle n’avait jamais fait autant d’actes de foi que durant cette épreuve qui a duré les dix-huit derniers mois de sa vie. Elle s’accrochait à sa volonté de croire et d’espérer : « Lorsque je chante le bonheur du Ciel, l’éternelle possession de Dieu, je n’en ressens aucune joie, car je chante simplement ce que je veux croire. Parfois il est vrai, un tout petit rayon de soleil vient illuminer mes ténèbres, alors l’épreuve cesse un instant, mais ensuite le souvenir de ce rayon au lieu de me causer de la joie rend mes ténèbres plus épaisses encore » (Dix attitudes intérieures. La spiritualité de Thérèse de Lisieux).
Cette nuit obscure symbolise le passage de l’âme à l’union avec Dieu. La raison est aveuglée par le mystère, surtout au moment de la prière silencieuse, appelée oraison ou prière contemplative. La foi se simplifie et Dieu se laisse connaître par un simple regard d’amour, au-delà des pensées et des images. Il nous recueille dans ce que l’on perçoit comme son absence et notre âme est dans la paix. La volonté est aimantée par l’invisible amour, pendant que l’intelligence et la mémoire sont dans l’obscurité et le vide, un peu comme si nous étions devant le tombeau vide. Mais en consentant à notre nuit, nous reconnaissons que le Christ est vivant au cœur même de nos blessures et de nos doutes, car l’amour est plus fort que la mort. Pâques est au bout de la mort.
« Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes» (Jean 12, 32). C’est dans la nuit de la foi que nous voyons Jésus, élevé dans la gloire, qui nous attire à lui et nous relève de nos tombeaux. « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » (Jean 11, 40).
Montez le son de votre ordinateur :
Jacques Gauthier
Marié et père de famille. Poète et essayiste. Auteur de 80 livres. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il écrit dans plusieurs revues.