Nul n’est à l’abri de l’idolâtrie. La bonne conscience du chrétien est souvent un paravent derrière lequel se dissimule une idole, cet attachement malsain qui vous éloigne de Dieu. Comment la démasquer ?
Notre foi chrétienne ne doit pas devenir un prétexte pour nous exonérer du devoir de vérifier si nous avons bien rompu spirituellement avec les idoles. Le chrétien fervent est-il encore concerné par le premier commandement du Décalogue : « Tu n’auras pas d’autres dieux face à moi » ? Est-il sorti définitivement de la zone d’influence du diable qui nous pousse à nous prosterner devant d’autres dieux que le Véritable ? Répondre par l’affirmative serait présomptueux de sa part. Mais comment une piété persévérante peut-elle prêter le flanc aux assauts des idoles ? À moins que celles-ci ne pénètrent dans l’esprit du croyant à son insu !
Certes, un chrétien pratique assidûment. Il va à la messe, se confesse régulièrement, essaye de médire le moins possible de son prochain, se défie d’une adulation trop prononcée des stars, qu’elles soient politiques, artistiques, sportives ou médiatiques. Après toutes ces précautions et ces efforts sur lui-même, comment pourrait-il devenir la proie d’une idole, et être tenté de la substituer dans son esprit au Très-Haut ? N’est-il pas immunisé irrémédiablement contre la tentation de servir les faux-dieux ?
Le danger d’avoir un cœur partagé
Ce serait aller vite en besogne. Cela signifierait que la mise en garde contre l’idolâtrie ne le concerne plus. Toutefois, le chrétien partage la condition commune de l’humanité. Les faux dieux continuent de faire le siège de son intériorité. Et leur principale force, dans cette bataille, réside dans la baisse de la garde du chrétien. Ce dernier, conscient d’obéir aux commandements de l’Église, peut croire que la pratique suffit à en faire un adorateur du seul Dieu. Mais la bonne conscience est souvent un paravent derrière lequel se dissimule une idole — souvent à notre insu ! Le contentement de soi en cette matière est bien pire que le consentement pur et simple à l’idolâtrie. Les Évangiles ne nous préviennent pas pour rien contre le pharisaïsme.
Car le danger pour le chrétien, c’est de devenir idolâtre sans s’en rendre compte ! Quel intérêt Satan aurait-il d’ailleurs à lui proposer explicitement une divinité de rechange, et de réveiller de la sorte sa conscience ? La stratégie de l’Ange du mensonge consiste plutôt à le bercer d’illusions, à le convaincre qu’il est un « bon chrétien », tout en le travaillant en sourdine avec un faux dieu dont il le persuadera qu’il fera autant son bonheur que le Père de Jésus-Christ. C’est ainsi que le chrétien pratiquant peut devenir un homme au cœur partagé. Or, le premier commandement s’adresse autant à l’idolâtre assumé qu’à l’homme qui balance entre Jésus-Christ et ses concurrents de néant.
800 ans avant Jésus-Christ, sur le mont Carmel, le prophète Élie, en lutte contre les prophètes de Baal (1R 18, 21) n’avait pas apostrophé son peuple en le traitant d’idolâtre, mais en l’accusant de « boiter des deux côtés », c’est-à-dire en lui reprochant sa claudication spirituelle qui le portait tantôt du côté de Dieu, tantôt du côté de Baal. Nous aussi, conscients de la toute-puissance de Dieu, et en la confessant à la messe, nous pensons de la sorte être immunisés contre l’idolâtrie. Mais est-ce toujours le cas ? N’existe-t-il pas des biens qui prennent parfois la place de Dieu dans notre esprit ? Et à quels signes reconnaissons-nous cette usurpation ? Quand ces biens (richesse, plaisir, confort, promotion sociale) nous obsèdent à tel point que nous sommes prêts à tout leur sacrifier et à les faire passer avant tout le reste !
Le péché originel et nos défenses immunitaires
Bien sûr, le chrétien qui est possédé par une telle obsession ne s’avouera pas être idolâtre pour autant ! Pour quelqu’un qui va à la messe, voilà une vérité qu’il est difficile de confesser ! Elle restera donc inconsciente. C’est bien connu : notre esprit possède une instance de censure qui empêche les vérités désagréables de parvenir jusqu’à notre conscience !
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