1er ou 2 novembre : Pourquoi tout le monde confond la Toussaint et la fête des morts ?
Pour l'Église catholique romaine, le 2 novembre correspond à la commémoration des fidèles défunts. Ce jour est traditionnellement consacré à une visite familiale au cimetière et à l'entretien des tombes. Atlantico : Que veut dire la Toussaint pour les catholiques ?
Abbé Pierre-Hervé Grosjean : La Toussaint est un jour de fête pour les catholiques : nous nous associons à la joie de « tous les saints » qui sont déjà au Paradis auprès de Dieu, dans un bonheur parfait.
Parmi ces saints, certains sont connus : ce sont les saints que l’Eglise a canonisés pour nous les donner en exemple. Les derniers en date sont d’ailleurs français, et pour la première fois, il s’agit d’un couple canonisé ensemble : Saints Louis et Zélie Martin, les parents de Sainte Thérèse de Lisieux.
Mais ces saints « connus » sont une infime partie de tous ces « vivants du Ciel », de tous ceux de nos défunts qui sont déjà parvenus à la joie de vivre avec Dieu. Le 1er novembre, nous célébrons la sainteté et la joie de tous ces saints connus ou inconnus, qui continuent de veiller sur nous.
Que signifie cet enchaînement Toussaint - Fête des morts ?
Le lendemain,
le 2 novembre, les chrétiens se réunissent à nouveau, cette fois-ci pour prier pour les défunts qui ne sont pas encore au Paradis. En effet, pour voir Dieu, il faut être « saint ». Si nous ne le sommes pas encore au soir de notre vie, mais que nous portons malgré tout ce grand désir de Dieu en nous et que nous accueillons son pardon, il nous sera donné de vivre ce temps du « purgatoire ». Dieu achèvera de nous préparer à entrer dans la joie du Ciel, en finissant de nous purifier lui-même de tout ce qui restera de péché en nous.
C’est une preuve de sa bonté : c’est comme s’Il nous apprêtait lui-même pour que nous soyons vraiment prêts, décapés de toute séquelle du mal, de toutes nos blessures, de tous nos manques de fidélité. L’Eglise nous enseigne que la prière de ceux qui sont encore sur la terre participe à cette préparation des défunts à la joie du Ciel. C’est le sens de la prière pour les défunts. C’est très beau :
cela veut dire que nous pouvons encore quelque chose pour ceux que nous aimons et qui nous ont quittés. La solidarité qui existait entre eux et nous demeure et se transforme en intercession, en communion de prière. Notre prière participe à les introduire auprès de Dieu, à hâter leur entrer dans la joie, à leur ouvrir les portes du Ciel !
Pourquoi tout le monde se trompe sur la vraie date de la fête des morts ?
Tout simplement parce qu’on oublie le sens de chacune de ces dates. Il n’y a d’ailleurs pas de « fête des morts » : il y a la fête des saints, des vivants au Ciel, le 1er novembre. Eux prient pour nous ! Et il y a le jour de prière pour les défunts, le 2 novembre. Là, c’est nous qui prions pour tous ceux qui sont encore dans ce temps de purification. Le point commun, c’est l’espérance qui nous anime. Nous croyons à la vie éternelle, et nous espérons être un jour tous réunis auprès de Dieu. Cette espérance de retrouvailles possibles est bien consolante pour ceux qui ont perdu un proche.
Quel impact a eu Halloween sur l'entretien de cette confusion ?
J’ai toujours trouvé étonnant cet intérêt, aujourd’hui déclinant, pour Halloween :
cette fête américaine, très commerciale, est bien loin de nos racines. Elle est surtout très pauvre symboliquement : on met en valeur la mort pour elle même, l’horreur, la peur, la laideur… Redécouvrons plutôt le sens profond et joyeux de la Toussaint, et l’espérance que porte cette fête. Notre société a besoin d’espérance ! Apprenons à nouveau aux plus jeunes l’histoire de ces saints qui ont fait la France, ou dont ils portent les prénoms ! C’est notre culture.
Plutôt qu’un défilé de sorcières et de vampires, pourquoi pas un défilé joyeux d’enfants déguisés en saints d’ici ou d’ailleurs ? Certaines paroisses en organisent déjà.
Pourquoi la société non-croyante accorde de l'importance à la fête des morts, plus qu'à une autre ?
Aujourd’hui la mort est souvent cachée ou absente : on meurt à l’hôpital, rarement au milieu des siens, on ne veille plus le corps du défunt, etc. Pourtant les questions du sens de la vie, de la mort, de la vie après la mort restent essentielles pour chacun, croyant ou non. Elles font partie des questions qu’on se pose pour se construire. Il reste sans doute dans le cœur de beaucoup l’espérance d’une vie meilleure, d’un pardon possible, d’un amour qui nous attend, de retrouvailles joyeuses avec ceux qui nous ont quittés. Voilà sans doute pourquoi la Toussaint, et le 2 novembre, sont des dates ancrées dans les mentalités.
Elles nous rappellent que notre horizon dépasse cette vie sur terre, et ravivent notre espérance que ni la souffrance, ni la maladie, ni le mal, ni même la mort n’auront le dernier mot. Ce dernier mot appartient à Dieu, et ce sera pour nous appeler à la Vie !
Pierre-Hervé Grosjean
Pierre-Hervé Grosjean est prêtre du diocèse de Versailles, curé de la paroisse de Saint-Cyr-l'École. Il est aussi Secrétaire Général de la Commission Éthique & Politique de son diocèse.