Voici la deuxième partie du premier chapitre de la vie de saint Dominique de Savio.
Chapitre 1
Jusqu’à la rencontre avec Don Bosco
4. À l’école de Châteauneuf
Son vif désir d’étudier lui fit surmonter tous les obstacles, et il résolut d’aller à l’école municipale de Châteauneuf, éloignée d’environ 4 km. Voilà donc un enfant de dix ans qui devra faire chaque jour vers les 16 km de chemin pour aller à l’école et en revenir. Tantôt le vent fait rage, ou le soleil brûle ; tantôt il faut marcher dans la boue ou sous la pluie. Qu’importe à Dominique, il est disposé à supporter toutes les intempéries et à surmonter toutes les difficultés.
Un jour, un brave homme, voyant Dominique se rendre seul à l’école vers deux heures de l’après-midi sous un soleil de feu, s’approcha de lui et lui dit d’un ton affectueux :
« Mon cher enfant, n’as-tu pas peur de voyager ainsi tout seul ?
– Je ne suis pas seul. Monsieur, car j’ai avec moi mon ange gardien qui ne me quitte pas.
– Mais tu dois trouver pénible de faire ce trajet quatre fois le jour par cette chaleur.
– Rien n’est pénible, quand on travaille pour un maître qui paie bien.
– Quel est donc le maître qui te paie ?
– Ce maître, c’est Dieu qui récompense même un verre d’eau donné par amour pour Lui. »
Un enfant de dix ans qui raisonne ainsi, conclura ce passant, fera certainement parler de lui, quelque carrière qu’il embrasse.
En été, plusieurs condisciples de Dominique avaient l’habitude d’aller se baigner. Ils prenaient leurs ébats tout dévêtus. Un jour, ils résolurent d’emmener Dominique avec eux, et ils y réussirent. Quand on lui eut dit que c’était mal, il en fut profondément affligé, et il fut impossible de l’y conduire de nouveau. Il pleura le péril auquel il avait exposé sa vie et son innocence. Néanmoins deux de ses condisciples plus audacieux et plus effrontés que les autres firent une nouvelle tentative.
« Non, répondit Dominique, je ne sais pas nager. J’ai peur de mourir dans l’eau. Et puis, n’est-ce pas un péché d’aller dans un lieu où il y a du danger ?
– Nullement ; d’ailleurs tout le monde y va.
– De ce que tout le monde y va, il ne s’en suit pas qu’il n’y a pas de péché… Eh bien, je demanderai à maman.
– Garde-toi bien d’en parler à ta mère, nigaud. Elle ne te le permettra certainement pas. Puis, elle en parlera à nos parents et ils nous rafraîchiront à coups de triques.
– Alors, si ma mère ne me le permet pas, c’est signe que c’est mal. C’est pourquoi je n’irai pas. D’ailleurs, cet amusement expose à offenser Dieu et à mourir dans l’eau, et j’ai bien promis de ne jamais y retourner. Si cela déplaît à vos parents, vous ne devriez plus le faire non plus, car Dieu punit les enfants qui ne craignent pas de faire ce qui déplaît à leurs parents. »
À l’école, sa conduite fut exemplaire en tous points. S’il voyait un élève attentif en classe, respectueux de ses maîtres, il en faisait son ami. Au contraire, les élèves méchants, insolents, qui négligeaient leurs devoirs, disaient de mauvaises paroles ou blasphémaient, ceux-là, il les fuyait comme la peste. Quant aux paresseux, aux insouciants, il les saluait, leur rendait service à l’occasion, mais il ne contractait avec eux aucune espèce de familiarité.
Voici d’ailleurs ce qu’écrivait à Don Bosco Don Alexandre Allora, prêtre et professeur à cette école communale :
« Dominique Savio, je l’aimais comme un fils… Je garde de lui un souvenir très vif, de sa diligence, de sa bonne conduite et de ses vertus. »
Pour ce qui est de sa vie religieuse, je ne saurais rien dire, car il demeurait très loin de Châteauneuf… Dominique fit chez nous la deuxième classe élémentaire. Il était de complexion délicate, faible. On lisait sur son visage une gravité mêlée de douceur, un je ne sais quoi de sérieux et d’aimable ; il était extrêmement doux de caractère, et d’une humeur toujours égale.
Son maintien était tel en classe, au dehors, à l’église, partout, qu’il ravissait d’admiration. Aussi je le regardais, je pensais à lui, j’en parlais toujours avec joie et amour. C’était pour moi une compensation des peines que me donnaient d’autres élèves. Il fut toujours vraiment sage de nom et de fait (Savio, en italien, veut dire sage), dans son application à l’étude, dans sa piété, dans ses relations avec ses condisciples, en un mot, dans toute sa conduite. En quelques mois, il fit des progrès extraordinaires. Il mérita toujours la première place de sa division et les autres récompenses honorifiques ; il obtint la plus haute note dans presque toutes les matières qu’on lui enseignait. Ces succès ne venaient pas seulement de son intelligence peu commune, mais aussi de son grand amour pour l’étude et la vertu.
Une chose digne d’admiration, c’était la manière dont il remplissait ses moindres devoirs d’écolier chrétien, en particulier son exactitude et son assiduité à l’école. Étant donné sa faible santé et la longue route qu’il parcourut chaque jour, en hiver et par tous les temps, et cela toujours avec tant de sérénité, je regarde cette assiduité comme l’effet d’un courage surhumain. La maladie de Dominique survenue en cette année scolaire 1852-53 et le changement de domicile de ses parents m’empêchèrent de m’occuper plus longtemps de ce cher élève… Ce fut un bonheur pour moi d’apprendre qu’il était admis à l’Oratoire Saint-François de Sales (Institut de Don Bosco) où il aura tout ce qu’il lui faut pour cultiver sa belle intelligence et nourrir sa lumineuse piété. »
5. À l’école de Mondonio
Vers la fin de l’année 1852, les parents de Dominique revinrent habiter Mondonio, village des environs de Châteauneuf. Là, sa conduite fut exemplaire comme à Murialdo et à Châteauneuf. Son nouveau maître, Don Cugliero, m’envoya une relation presque en tout semblable aux deux précédentes. Je me contenterai d’en extraire certains faits particuliers, afin d’éviter des répétitions.
« Je n’ai pas rencontré un seul enfant qui, pour la piété, fût comparable à Dominique. Il était jeune par l’âge, mais il avait la maturité d’un homme fait. Sa diligence, son application à l’étude, ses manières affables lui gagnaient l’affection de ses maîtres et faisaient de lui les délices de ses condisciples. Quand je le regardais à l’église, j’étais émerveillé de voir tant de recueillement dans un enfant si jeune. Plus d’une fois je me suis dit en moi-même : « Voilà une âme innocente, pour qui s’ouvre le ciel et qui en savoure les délices en la compagnie des anges. »
Parmi les traits de vertu, son maître cite le suivant :
« Un jour une faute très grave fut commise dans ma classe. Des garnements avaient bourré le poêle de cailloux et de neige bien tassée. Les coupables eurent l’audace d’accuser le brave Dominique. Je ne pouvais y croire ; mais on sut si bien colorer la calomnie que je m’y laissai prendre. Je dis à Dominique :
« Comment, lui dis-je, c’est vous qui avez tenu une pareille conduite ! Vous mériteriez d’être chassé immédiatement de l’école ; heureusement pour vous que c’est la première fois ; autrement… »
Dominique n’avait qu’un mot à dire pour se disculper, mais il se tut, baissa la tête et, comme un élève réprimandé justement, il ne leva plus les yeux. Je lui infligeai de se mettre à genoux au milieu de la classe. Dieu protège l’innocence. Le lendemain, le vrai coupable fut découvert et l’innocence de Dominique reconnue. Regrettant alors les reproches que je lui avais adressés, je le pris à part et lui dis :
« Pourquoi ne m’avez-vous pas dit que vous étiez innocent ? »
II me répondit :
« Parce que le coupable, s’étant déjà fait punir, eût été certainement chassé. Pour moi, au contraire, j’espérais être pardonné, car c’était la première fois que j’étais accusé. D’ailleurs je pensais à notre divin Sauveur qui, lui aussi, avait été injustement calomnié. »
Tout le monde admira la patience et la charité de Dominique qui avait su rendre le bien pour le mal. »
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