Des dissensions peu connues...
à propos de
Sainte Thérèse de Lisieux ?
Beaucoup de bruit à cause d'un bisou
du Dr Francis La Néelle à Thérèse qui était malade...
Quant la santé de Thérèse de Lisieux se trouva compromise par des signes de tuberculose, elle fut d'abord soignée par le médecin attitré au Carmel, le docteur de Cornière; mais ce dernier ayant dû s'absenter pour un voyage dans le Midi, la famille fit des réclamations afin que le le Dr La Néele, cousin germain de Thérèse, puisse ausculter celle-ci dont la santé déclinait; la supérieure du Carmel, Mère Marie de Gonzague permit alors au Dr La Néele d'examiner Thérèse. Soeur Geneviève, qui vivait alors au carmel de Lisieux raconte : « Le Dr La Néele entra une fois (dans le Carmel), mais il y eut après une telle scène qu'on ne voudrait pas y croire si on en racontait les détails ».
Que s'est-il passé ?
Le Dr Francis La Néele
Le médecin habituel avait constaté (chez Thérèse), avant son départ dans le Midi, un état stationnaire. Mais il y a nette aggravation à partir du 15 août (1897), et mère Marie de Gonzague permet au Dr La Néele d'entrer, le 17 août, à l'infirmerie. Celui-ci l'estime « bien mal et ne lui donne guère que quinze jour avant de partir au Ciel »: « la tuberculose (est) arrivée au dernier degré ». (...)
Quand le Dr La Néele avait vu Thérèse le 17, sur l'invitation de la prieure, celle-ci était, bien sûr, présente pour cette visite, ainsi que soeur Geneviève. Il avait embrassé Thérèse, sur le front sans doute, mais c'était là un geste qui a dû heurter mère Marie de Gonzague : elle l'avait introduit comme médecin, et il n'était, de Thérèse, qu'un cousin par alliance; comment pouvait-il se permettre un geste de familiarité, alors qu'au parloir du carmel le rideau n'était retiré que pour le père, la mère, et le frères et soeurs d'une religieuse ? Avant d'accéder à l'infirmerie, Francis Le Néele n'avait même pas pu voir mais seulement « entendu » sa belle-soeur, Marie de l'Eucharistie, il le remarque lui-même dans sa lettre à M. Guérin (oncle de Thérèse) du 26 août. Or le docteur, dans cette lettre est conscient de son geste provocateur : « J'ai embrassé notre petite sainte au front pour vous et maman et toute la famille. J'ai demandé la permission, pour la forme, à la mère prieure et sans attendre la réponse que la règle défendait peut-être j'ai pris ce qui vous était dû. » Francis La Néele se considère donc, pour ce baiser, en service commandé pour toute la famille et impose ce qui lui semble « dû » : « Je l'ai embrassé encore en partant » dit-il à la fin de sa lettre.
Comment mère Marie de Gonzague aurait-elle pu ne pas trouver le jeune Dr la Néele plutôt cavalier ? Qu'a dit la prieure ? Peut-être, lors de la visite du 17 août, a-t-elle manifesté au docteur sa désapprobation de la voir embrasser Thérèse et en a-t-il été froissé ? Le ton de la lettre du docteur à son beau-père, le 26 août, pourrait permettre cette hypothèse. Quoi qu'il en soit, en cette fin d'après-midi du 30 août, la prieure fait à nouveau demander le Dr La Néele. (...) Devant ses réactions, voire sa brusquerie, peut-être même des paroles, la prieure comprend que le docteur est en froid avec elle. (...) ...il fut si mécontent qu'il lui dit des choses très dures : « Sachez, ma Mère, que cette pauvre petite soeur souffre un vrai martyre et que, dans son état, elle doit voir un médecin tous les jours. J'étais hier à Lisieux d'ailleurs, comment ne m'avez-vous pas appelé ? »
Selon un témoignage (tardif) de mère Agnès, en 1909, une scène aurait eu lieu après le départ du Dr La Néele, ce lundi 30 au soir. : « Lorsqu'il fut parti, la pauvre mère Prieure fit une scène, s'exaspéra, cria contre la famille de la malade, contre la malade aussi, mais Thérèse resta calme. » (...)
Enfin, la prieure permettra au Dr la Néele de visiter de nouveau Thérèse le 5 septembre; Jeanne La Néele écrira ce jour-là à Thérèse : « La bonne Mère Prieure a envoyé à Francis la photographie pour remercier, disait-elle.
Mais je crois que les rôles étaient changés; c'est à nous de remercier et du fond du coeur cette bonne Mère qui a tant de délicatesse et de bontés. » A propos de l'« imbroglio », Mme Guérin écrit à sa fille le 1er septembre : « Chacun a souffert sa petite part, et pourtant tout aurait pu s'expliquer facilement. »
Reste qu'il y a - on oublie presque à travers ce bruit qui est fait à son chevet - il y a Thérèse, qui souffre physiquement, et qui ne peut pas ne pas souffrir moralement de ces dissensions autour d'elle, à cause d'elle, tandis qu'elle est en train de mourir.
Source : Lumière dans la nuit, Jean-François Six, Seuil, 1995, p. 212-219