Mais c'est pourtant l'impression qui anime la majeure partie d'entre nous.
Quand nous étions plus jeunes, les individus qui nous entouraient étaient plus moraux, faisaient preuve d'une plus grande bienveillance, et s'occupaient mieux d'autrui. C'est en tout cas une impression communément partagée, qui a poussé le psychologue clinicien Adam Mastroianni à travailler sur le sujet: les gens étaient-ils vraiment plus gentils avant?
Ses travaux de recherche, publiés dans la revue Nature, montrent que ce sentiment lié au fameux «c'était mieux avant» est partagé par de nombreuses catégories de population, et que les individus qui sont animés par cette impression en sont fermement convaincus. Mais Adam Mastroianni révèle que tout ceci n'est qu'illusion, et que non, les décennies précédentes n'étaient pas plus roses en matière de partage, de générosité et d'ouverture aux autres.
Cette erreur de perception n'est pas sans conséquence, affirme également le psychologue, invité par The Atlantic: elle peut avoir un impact fort sur notre rapport à la culture et à la politique. Ainsi, il sera plus tentant de pencher vers un candidat ou une candidate qui nous promettra de restaurer le climat prétendument plus bienveillant qui caractérisait le passé –y compris quand la situation ne s'est pas particulièrement dégradée.
Vous n'avez pas les bases
Dans son article intitulé «L'illusion du déclin moral», Adam Mastroianni livre quatre pistes pour expliquer que, contrairement à ce qui se produit en réalité –et qu'il a tenté de mesurer aussi précisément que possible–, la période actuelle ne se caractérise pas par un déficit de moralité. Tout d'abord, il affirme que si autant de personnes affirment que le monde était plus moral auparavant, c'est peut-être parce que «cela donne une bonne image d'eux-mêmes» (je juge mes contemporains, je les trouve affreux, et en faisant cela je sous-entends que je suis mieux qu'eux).
Deuxième raison invoquée: les adultes sont souvent plus gentils avec les enfants, ce qui contribuerait à expliquer pourquoi nous pouvons avoir l'impression que, d'une façon générale, les gens étaient plus bienveillants il y a vingt, trente ou cinquante ans –tout dépend de votre âge. Beaucoup affirment avoir pris conscience vers l'âge de 20 ans que le monde devenait moins moral. Et si ça s'appelait tout simplement l'entrée dans l'âge adulte ?
Cette impression fausse peut aussi être due à la nostalgie, laquelle est souvent alimentée par des films, livres ou séries qui donnent l'impression que le passé n'était que moments chaleureux, mains tendues et marques de générosité. Cette idéalisation du passé se retrouve aussi dans la quatrième et dernière piste proposée par Adam Mastroianni: plus nous vieillissons, plus nos souvenirs ont tendance à être biaisés.
Lorsque nous dénigrons la jeunesse d'aujourd'hui, c'est en partie parce que nous oublions que nous-mêmes n'étions pas exactement des jeunes irréprochables. «Toutes les générations disent que celle d'après fait n'importe quoi», rappe un certain Orelsan dans «Basique». Et c'est tellement vrai.