Deux écueils demeurent face aux médecines alternatives et complémentaires : une méfiance systématique à leur égard ou au contraire un enthousiasme aveugle. "Un des critères les plus importants consiste à savoir découpler méthode et interprétation", explique à Aleteia le père Pascal Ide.
Certains ne jurent que par leur acupuncteur, ou leur homéopathe, quand d’autres n’y voient que des charlatans. Les médecines alternatives et complémentaires (MAC), bien que qualifiées de « douces », suscitent d’épineuses questions ! Selon un rapport de l’Ordre des médecins de 2015, 40% des Français recourent aux médecines alternatives et complémentaires et plus de 6.000 praticiens déclarent une orientation ou un titre en rapport avec elles. Si elles existent depuis toujours, les médecines alternatives et complémentaires connaissent depuis plusieurs années un regain d’intérêt. Tant et si bien qu’il est parfois difficile de s’y retrouver. Dans son ouvrage Les médecines alternatives (Artège) paru en octobre, le père Pascal Ide, prêtre du diocèse de Paris et docteur en médecine, en philosophie et en théologie, répond à la méfiance de certains, en les invitant à s’interroger sur ces pratiques à l’aune de critères éthiques et théologiques de discernement.
Aleteia : Qu’entendez-vous par médecines alternatives ?
Pascal Ide : Face à la médecine dite conventionnelle, il existe des médecines différentes, que le Conseil de l’Ordre des médecins français nomme « médecines alternatives et complémentaires ». Certaines dénominations explicitent davantage leur spécificité : les médecines holistiques, qui considèrent la personne dans sa globalité, les médecines douces, qui s’attachent à stimuler les défenses immunitaires plus qu’à s’opposer à la maladie, les médecines traditionnelles, issues de pratiques ancestrales, etc… Les médecines alternatives et complémentaires regroupent des centaines de pratiques thérapeutiques, les plus connues étant sans doute l’homéopathie et l’acupuncture.
Dans quel but avez-vous écrit ce livre ?
Les médecines alternatives et complémentaires sont largement suspectées, notamment chez les catholiques. Nombre d’entre eux ont une attitude de méfiance à leur égard, car ils craignent qu’elles soient contraires à la méthode scientifique ou contraires à leur foi. Mon intention, en écrivant ce livre, rédigé initialement comme postface à l’ouvrage de Patrick Theillier Une autre médecine est possible (Artège), est double. La première est de répondre à ces craintes en offrant des critères éthiques et théologiques de discernement. La seconde motivation tient du fait qu’il serait dommage de se priver de méthodes précieuses, sans effets secondaires, et qui, pour un grand nombre d’entre elles, sont validées scientifiquement.
D’où vient cette peur particulièrement prégnante chez les chrétiens ?
Il s’agit bien souvent de la peur du démon. Certains prêtent aux médecines alternatives et complémentaires une influence démoniaque. Ils ont l’impression qu’elles « ouvrent les chakras » et qu’elles favorisent une influence ténébreuse. Cette crainte est là. L’intention est bonne, ne pas laisser le démon nous influencer est légitime, mais bien souvent, cette peur n’est pas assez raisonnée. D’où la nécessité de discerner.
Quels critères prendre en compte dans le choix d’une thérapie alternative ?
Un des critères les plus importants consiste à savoir découpler méthode et interprétation. Il s’agit de distinguer l’outil, la méthode, de la lecture qu’en donnent les thérapeutes. Certains pensent, à tort, qu’adhérer à la médecine chinoise signifie qu’ils adhèrent au taoïsme ou au confucianisme ! Autre illustration : pendant longtemps, le catholicisme a dénoncé la pratique de la psychanalyse parce qu’on pensait que l’interprétation matérialiste et athée de Freud était partie prenante de sa méthode. Or on peut utiliser l’outil psychanalytique sans pour autant adhérer au scientisme matérialiste de Freud. Là encore il faut distinguer l’outil et son interprétation. La démarche est la même face aux médecines alternatives, à l’instar du travail effectué par Christophe André avec la méditation en pleine conscience. Un travail de sécularisation consistant à séparer les textes bouddhistes tibétains de l’outil qui est neutre et validé scientifiquement par plus de mille études.
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