Face à la mort, il est normal d’avoir peur, mais il n’est pas humain de céder à la panique. Pour le père Joël Pralong, qui vient de publier "Pourquoi nous avons si peur de la mort ?" (Artège), le courage contre la peur de la mort ne consiste pas à la refuser, mais à l’accepter en la sortant de l’isolement dans lequel nous l’enfermons. Dans la paix de l’amour, un mourant ne part jamais seul.
La mort rôde partout depuis plus d’une année. Et oui ! on l’avait bel et bien oubliée à force de bâtir toujours plus de paradis artificiels comme pour se donner l’impression d’être devenus immortels. « Vivre à fond le moment présent, en jouissant le plus possible des plaisirs mis à notre disposition, sans penser au lendemain », telle était devenue notre devise. On ne vit qu’une fois et il faut en profiter, ou, comme le dit saint Paul, « si c’est dans des vues humaines que j’ai combattu contre les bêtes à Éphèse, quel avantage m’en revient-il ? Si les morts ne ressuscitent pas ? Mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (1 Co 15,32).
Et voici le nouveau salut offert : les technologies modernes susceptibles d’améliorer la condition humaine, d’augmenter son confort, de répondre à toutes ses envies, d’éradiquer les maladies, de prolonger sa vie et, pourquoi pas, de lui offrir un jour l’immortalité ?
On croyait notre société suffisamment forte pour parer à tous les dangers. Une mécanique sociale, sanitaire, économique, scientifique parfaitement huilée, avec ses gouvernants, ses ministres, ses grands-prêtres des Paradise wellness, ses professeurs haut de gamme et ses savants dernier cri… Et voilà qu’un grain de sable microscopique a enrayé toute la mécanique, avec les conséquences dramatiques que l’on connaît. Et nous voici saisis par la peur… la peur de voir le coronavirus partout où nous regardons : sur le clavier de nos ordinateurs, dans l’air que nous respirons, à chaque contact physique, sur les bancs publics et à chaque coin de rue, attendant de me contaminer.
La peur de quoi ? Celle de mourir !
En effet, la mort avait été oubliée, refoulée, niée, cachée, dissimulée derrière nos paradis artificiels. Et que disent les technologies prometteuses de salut devant cette épidémie de la peur ? Silence. Aux abonnés absents. Devenues inefficaces devant un grain de sable. Peut-être que le salut se trouve ailleurs ? Enfoui dans ce vide existentiel qui s’ouvre dans les cœurs ? Qui questionne sur le sens de la vie, de la mort, de la souffrance… Sur l’Essentiel ?
Dans le jardin de Gethsémani et jusque sur la croix, Jésus a eu peur, mais il a visé un but noble : nous sauver du mal et des conséquences négatives de la peur.
Une chose est sûre, la peur a aussi réveillé tant et tant de gestes de solidarité entre les personnes : on s’est mis à parler entre voisins, à se tendre la main, à partager de son temps, de son avoir, à inventer de nouveaux chemins de rencontre, à chercher ensemble un sens à ce qui nous arrive. On y a même parfois perçu un appel, celui d’une Transcendance qui se penche vers l’humain. On est revenu à des choses toutes simples, essentielles, celles qui fabriquent de l’amour. On est en train de découvrir que les graines du bonheur sont semées dans les cœurs, à l’écart des technologies froides et parfois inhumaines à qui il manque ce dont l’homme a le plus besoin : l’amour ! Et le moment est venu de les cultiver. Peut-être est-ce le commencement d’un monde nouveau ?
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Pourquoi avons-nous si peur de la mort ?, Faire face et trouver la paix intérieure, par Joël Pratlong, Artège, 2021, 159 p., 14 euros.