Se mettre en présence de Dieu?

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En présence de Dieu



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Comme le psalmiste nous devrions pouvoir dire à Dieu :"Je ne suis plus que prière devant Toi." Trop souvent, nous parlons de science, d'abondance, d'érudition, de formules ou de notions apprises. Alors l'auditeur se rend compte que nous ne vivons pas ce que nous disons. 

Depuis des années peut-être, nous nous demandons comment parvenir à vivre toujours en présence de Dieu  pour répondre à ces invitations instantes du Christ et de saint Paul : Il faut toujours prier et ne jamais se lasser (Lc 18,1); Priez sans cesse (1 Th 5,17). Nous en restions alors au niveau des recettes psychologiques : comment faire pour vivre toujours en présence de Dieu, pour améliorer mon caractère, pour accepter les autres, etc. Et puis un jour, sans que nous sachions ni pourquoi ni comment, nous découvrons que toute notre vie se trouve, de fait, orientée vers cette présence de Dieu. Nous nous sentons comme envahis par cette présence  qui nous déborde et nous dépasse de toutes parts. A certains jours, nous voudrions même la fuir tellement elle est obsédante et exigeante, mais c'est impossible, elle s'impose à nous. 

Une première loi se dégage alors pour notre prière et notre vie spirituelle. Ce n'est pas au terme d'efforts et de records que Dieu nous accorde cette grâce, mais au moment ou sa Face s'attendrit et rayonne sur nous. Avec le psalmiste, nous ne cessons de répéter à longueur de journée : Seigneur, tout mon désir est devant Toi (Ps 38, 10). Et nous ajoutons : Montre-nous ta Face, Seigneur, et nous serons sauvés (Ps 79, 8-20)

Lorsque Dieu découvre un véritable homme de désir, un être qui est tendu vers lui de toutes ses forces, il vient le saisir et l'enlève jusqu'à lui. Comme dit Simone Weil :"Il ne vient qu'à ceux qui lui demandent de venir; et ceux qui demandent souvent, longtemps, ardemment, il ne peut pas s'empêcher de descendre vers eux."

La vie habituelle en présence de Dieu ne résulte donc pas de nos efforts; en toutes rigueurs de termes, nous ne pouvons même pas faire un pas vers Dieu, mais si nous regardons assez longtemps vers lui, il descendra et nous enlèvera facilement : Vers Toi, Yavhé, j'appelle (Ps 27,1), Daigne, Yavhé, me secourir ! vite à mon aide (Ps 69,2) Il faut donc accepter d'être pauvre en renonçant à vouloir mettre la main sur Dieu  pour le capter ou l'obliger à descendre. La première attitude qui nous met en présence de Dieu est le geste d'abaisser et d'ouvrir les mains en l'appelant avec des cris véhéments. 

L'acte par lequel Dieu se rend présent à nous correspond à une disposition de notre part. C'est l'attitude de Moïse au buisson ardent. Il doit renoncer à "faire le tour de la question de Dieu" pour se déchausser devant lui, le regarder à distance, l'adorer et le désirer de toutes les forces de son coeur. Lorsqu'on demeure indéfiniment à regarder Dieu, à contempler sa face, en lui exprimant faim et soif de lui, sans vouloir l'annexer ou l'accaparer, il descend vers nous et imprègne notre coeur de Son Visage. Le moment décisif ou commence la vie en présence de Dieu n'est pas dans le mouvement que je fais vers lui, mais dans le mouvement de recul ou je m'efface devant lui. 

Il y a en particulier un petit mot qui revient presque à chaque verset des psaumes et qui nous tient à coeur. C'est le mot "Toi". Au fond, s'il fallait résumer l'attitude de l'orant dans la Bible, on pourrait dire qu'il se tient devant Dieu, mais ce Dieu est devenu pour lui sujet d'expérience. Comme Élie il peut dire : Il est vivant, Yavhé, devant qui je me tiens (1 Rois 17,1). Dieu cesse d'être un objet impersonnel pour devenir un "Toi", un "Tu". Une telle découverte ne peut se faire que lorsqu'on a découvert le regard de Dieu qui vient vers nous et illumine Sa Face : Dans ta lumière, nous voyons la lumière (Ps 35, 10). Dieu se dévoile à nous, il se révèle et c'est alors que prend naissance une relation d'intimité.

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Prier, c'est tout simplement descendre dans les profondeurs de notre coeur pour rejoindre cet appel de création et dire à Dieu :"Toi". La vie en présence de Dieu déborde la conscience que nous en avons. Quoi que nous fassions, éveillés ou endormis, nous sommes devant lui et en sa présence, car il nous fonde dans notre être et nous fait surgir de notre déchéance. 

Bien plus, Dieu ne se contente pas de nous appeler à l'être, il veut faire de nous ses amis en établissant avec nous une relation d'alliance. Du fait que Dieu nous regarde et nous aime, nous sommes transformés à son image. Lorsqu'un être nous regarde avec amour, nous ne pouvons pas rester les mêmes, nous devenons autres, au grand sens du terme nous sommes altérés" (alter = autre). 

Se tenir devant Dieu, c'est donc aussi accueillir l'Amour infini qu'il nous porte, c'est entrer en connivence et en communion avec lui."

- Jean Lafrance, Préférer Dieu, p. 173