Le Père Daniel-Ange, fondateur de l’école d’évangélisation Jeunesse-Lumière, auteur de plusieurs ouvrages sur l’eucharistie, nous dévoile la richesse de l’adoration.
Pourquoi adorer Jésus dans l’eucharistie ?
« Devant la gloire de Dieu nous nous mettons à genoux, disait Benoît XVI, nous reconnaissons sa divinité mais nous exprimons dans ce geste notre confiance, notre certitude qu’Il triomphera. »
L’adoration au sens large n’est rien d’autre que l’attitude de la personne humaine devant son Dieu, son Créateur.
Nous avons tellement perdu le sens de la transcendance divine dans notre Occident !
Pourquoi alors se prosterner devant l’Enfant de la crèche, s’Il est un enfant comme les autres ?
Nous n’avons plus cet électrochoc d’amour devant le Créateur qui suce son pouce.
Ce n’est qu’en retrouvant le sens de la transcendance absolue de Dieu qu’on sera bouleversé devant Lui.
La vision, dans l’islam, d’un Dieu exclusivement transcendant, l’horreur des musulmans devant un Dieu bébé, devrait nous aider à réaliser combien c’est saisissant !
L’adoration eucharistique part du fait que Jésus Lui-même a été vu et contemplé avant même d’instituer l’eucharistie.
Elle est dans le prolongement direct de l’Incarnation. Déjà au cœur même de la messe il y a cette mini-exposition de Jésus dans l’élévation : le prêtre montre le corps de Jésus à tout le peuple.
L’adoration eucharistique n’a-t-elle pas son fondement dans l’Évangile ?
Il n’existe pas de verset dans l’Évangile qui nous y invite, mais elle est un besoin du cœur.
Il faut savoir que l’adoration eucharistique est un cadeau que nous devons aux malades !
Dans les premiers siècles, on a gardé le corps du Seigneur pour pouvoir faire communier malades et mourants. Ainsi, peu à peu, s’est instituée l’idée de garder Jésus en dehors de la messe. Saisissons cette chance et adorons-Le tous !
Aujourd’hui, les personnes qui nous rendent l’adoration sont les fidèles croyants qui vivent le drame d’un divorce et d’un remariage : même s’ils ont une vie spirituelle profonde, ils ne peuvent pas communier physiquement.
En plus de la communion spirituelle, qui est une merveilleuse réalité, rien ne les empêche de communier par le regard, d’être présent à la Présence – de devenir des adorateurs.
Combien il est donc nécessaire de proposer l’adoration, jour et nuit, comme cela se fait de plus en plus. Avec la multiplication des gens à la retraite, c’est plus facile de la mettre en place !
L’eucharistie est l’union conjugale de Jésus avec tout mon être.
Que se passe-t-il concrètement pendant l’adoration ?
Il faut évoquer un autre aspect, la dimension nuptiale de l’eucharistie, développée par la théologie orientale.
L’eucharistie est l’union conjugale de Jésus avec tout mon être : nous ne sommes plus qu’un !
Nous ne sommes plus qu’une seule chair Lui et moi. C’est une dimension très physique : son sang eucharistique coule dans mon sang physiologique.
C’est une union charnelle en vue d’une union spirituelle. Le cœur à cœur passe d’abord par un corps à corps.
Notre Occident, trop intellectuel, a perdu ce réalisme des Pères de l’Église. Il existe des textes qu’on n’oserait plus lire en public tellement ils sont charnels.
Citons seulement saint Bernard qui écrit :
« Nous dormons dans un même petit lit… » Dieu a voulu épouser notre humanité, Il a voulu traverser toute notre existence ! Les Pères osent appeler la Croix le lit nuptial où Dieu consomme cette union conjugale avec l’humanité, commencée dans la chambre d’un sein virginal.
Pourquoi est-ce que je rappelle cela ? Parce que l’adoration eucharistique guérit nos sexualités et nos affectivités blessées.
Jésus se livre à moi sous une apparence matérielle et pourtant c’est sa personne qui est là.
Dans l’adoration, on apprend, à travers Jésus, à regarder une personne avec amour, sans vouloir tout de suite la posséder, dans un émerveillement gratuit, détaché de la consommation. L’adoration est une sanctification du regard et, sous ce rapport, réapprend la chasteté.
Jésus se donne tellement à moi que je dispose de son corps. Il se livre sans réserve à saint Jean comme à Judas, on le voit dans ces vols de saintes hosties pour les messes sataniques…
C’est d’autant plus bouleversant que cela rejoint le drame de tant de jeunes et d’enfants, victimes de la prostitution, kidnappés et livrés. Jésus a voulu descendre jusque-là dans nos enfers.
Quelles grâces personnelles reçoit l’adorateur ?
Il reçoit des grâces de paix et de douceur dans un monde bouleversé. Et sans rien faire d’utile ni de précis.
Voilà une gratuité que le monde occidental a tellement perdue !
Je donne ce moment gratuitement à Jésus, même si cela me coûte. Qu’on se souvienne de l’onction de Béthanie : Marie offre un parfum d’un prix inimaginable et Jésus prend sa défense devant les Apôtres.
Il dit que jusqu’à la fin du monde on redira ce qu’elle a fait (c’est le même mot que pour l’institution de l’eucharistie).
C’est vraiment là le fondement de l’adoration eucharistique : livrer ce qu’on a de meilleur, donner à Dieu de son temps – on en manque terriblement, c’est un bien précieux. On accorde au Bien-Aimé du temps gratuit, comme le font des fiancés.
De nombreuses vocations naissent pendant l’adoration.
Quant aux grâces de guérison physique ou intérieure, à Lourdes, la majorité d’entre elles a lieu pendant la procession du Saint-Sacrement. Jésus guérit pendant l’adoration !
L’adoration rejaillit en grâces également sur la communauté ?
Les premiers adorateurs sont aussi les premiers évangélisateurs, les petits bergers de Bethléem.
Après avoir adoré l’Enfant à la Crèche, ils sont tellement éblouis qu’ils rameutent tout le village.
Leur éblouissement est contagieux et les habitants ont dû se précipiter pour aller adorer Jésus.
L’adoration est très liée à l’évangélisation. Quand j’adore, je contemple dans le corps même de Jésus la présence silencieuse, humble, de mon Seigneur.
Plus je contemple Dieu, plus je suis émerveillé par sa beauté, et plus j’ai envie d’en parler autour de moi.
« Qui regarde vers Lui, resplendira… »
Également, plus je contemple Dieu, plus je deviens lumineux. On évangélise par attraction de la lumière, comme les poissons sont attirés par un faisceau lumineux !
Quelqu’un qui adore beaucoup rayonne d’une clarté qui prend sa source ailleurs.
Cette lumière se répand malgré lui par son attitude, par son comportement, sa joie, et pas seulement par ses paroles.
Nous évangélisons par contagion de joie d’être les petits enfants de Dieu.
À Jeunesse-Lumière, les deux mois qui précèdent chaque mission sont orientés vers l’adoration, la contemplation.
Aux JMJ, l’adoration est maintenant proposée, lors de la nuit finale, à tous ces jeunes, une foule de 1 ou 2 millions.
Les commentateurs de télévision, les téléspectateurs, voient tous ces yeux rivés – et ceux du pape lui-même – sur ce petit rond blanc. Deux explications possibles : ou bien ils ont tous perdu la tête, ou bien il se passe réellement quelque chose. Évangélisation extraordinaire par le silence adorant de millions de jeunes !
On puise la force de témoigner devant le Saint-Sacrement ?
On le voit dans la vie de tant de saints qui ont été des adorateurs pour être des évangélisateurs – Grignion de Montfort, François d’Assise qui passait cinq fois quarante jours par an à adorer son Seigneur avant de partir annoncer l’Évangile.
Jean-Paul II a été le saint Paul de son époque, l’Apôtre des Nations, car il a d’abord été Jean le Bien-Aimé qui avait sa tête contre le cœur de Jésus.
C’est là que nous entendons battre tous les SOS de l’humanité, la détresse de notre peuple.
L’eucharistie est notre buisson ardent. Chaque fois que nous adorons, nous sommes Moïse devant le buisson en feu, envoyés aux lieux où l’on meurt de froid.
Nous apportons ce feu de l’amour en le puisant à sa source. Jean-Paul II disait : « La contemplation du visage du Seigneur suscite la contemplation du visage des hommes d’aujourd’hui ».
Benoît XVI pour la Fête-Dieu en 2008 affirmait :
« S’agenouiller devant l’eucharistie est une profession de liberté ».
Il a repris cette même idée pour le Jeudi saint 2012 :
« Par leur agenouillement, les chrétiens sont droits devant le monde ».
Être agenouillé devant son Seigneur pour être debout devant un dictateur ou un persécuteur ! C’est fulgurant et actuel ! Le pape François l’a repris à son tour : « Nous ne voulons adorer personne en ce monde, si ce n’est Jésus Eucharistie ».
Adorer Jésus, n’est-ce pas ce que nous ferons au Ciel ?
L’adoration eucharistique est une anticipation du Ciel, où nous contemplerons en permanence Jésus ressuscité.
Ici-bas la situation est un peu différente car Jésus est caché dans l’hostie alors que là-haut, on Le verra dans toute sa gloire.
Cette adoration nous prépare à la contemplation éternelle. Pendant que j’adore sur terre, dans mon église, mon ange gardien contemple Dieu dans le Ciel. Ainsi, par lui, je me connecte au Ciel.
Par ailleurs, l’adoration me met en contact physique, par le corps de Jésus, avec les autres adorateurs devant le Saint-Sacrement. Ce Jésus que je contemple, Il est aussi adoré à Tokyo, en Alaska et à Tahiti.
En L’adorant, je me « connecte » avec Jésus adoré à travers l’espace mais aussi à travers le temps, car c’est ce même Jésus qui a été adoré par les saints, par mes ancêtres, à travers les siècles !
Quand j’ai quitté ma famille à 22 ans pour aller en Afrique, j’étais bouleversé de me dire que je recevais le même Jésus que mes parents dans leur église. L’adoration efface le temps et l’espace dans l’éternel présent de Dieu.