"Et les neuf autres, où sont-ils? "
L’évangile nous rappelle qu’aujourd’hui tout comme au temps de Jésus, la gratitude est une vertu rare… et c’est bien triste. Nous ne sommes pas très à l’aise devant la nécessité de remercier.
Mark Twain écrivait: « Si vous ramassez un chien affamé, vous lui donnez à manger et prenez soin de lui, il vous en sera reconnaissant, s’attachera à vous et ne vous mordra pas. C’est là la différence principale entre un chien et un être humain. »
Cette remarque peut sembler injuste et pessimiste, mais malheureusement elle reflète souvent la réalité.
Nous avons l’impression que la gratitude ne fait pas partie de nos habitudes. Nous vivons à une époque ou les êtres humains croient qu’ils ne doivent rien à personne, qu’ils se sont fait eux-mêmes, qu’ils sont des « self-made men » ou des « self-made women ». « Ce que j’ai, ce que je suis, je ne le dois à personne d’autre qu’à moi-même! »
Je me pose parfois la question : moi qui me pense si intelligent, si débrouillard, si plein de talents, qui a eu du succès dans la vie, que serais-je devenu sans mes parents, mes amis, mes professeurs... quelle carrière aurait été la mienne si j’étais né au Congo, au Ruanda, au Brésil, en Irak, au Vietnam, en Chine ?
Plusieurs aujourd’hui affirment n’avoir besoin ni des autres, ni de Dieu. Ils sont « indépendants » et ne veulent dépendre de personne.
Nous avons reçu de quelqu’un d’autre la vie, l’éducation, la santé, les talents. Sans ceux et celles qui nous entourent, nous n’aurions pas le succès que nous connaissons. Ceci devrait nous inviter à un peu plus de simplicité, de modestie et de reconnaissance.
Et l’évangile de ce jour ne parle pas seulement de reconnaissance. Le pharisien revient sur ses pas pour remercier, mais aussi pour «rendre hommage», il vient adorer. «Il revient sur ses pas en glorifiant Dieu à haute voix et se prosterna aux pieds de Jésus en le remerciant.»
Dans notre monde séculariste, on a tendance à séculariser l'Évangile. Nous acceptons l’aspect social, l’entraide humain et l’amour des démunis de l’Évangile, mais on voudrait que tout s’arrête là. Tout ce qui s'appelle culte, louange, glorification de Dieu est mis de côté.
« Il se prosterne la face contre terre! », un geste que les gens des pays riches ne font plus. Nous avons le ventre trop plein pour nous prosterner profondément. Les hommes de l'Islam, qui sont capables de se plier en deux jusqu'à mettre le front contre la terre, nous donne un exemple de cette façon de rendre hommage, d’adorer.
Peut-être que l'abandon du culte dominical par des milliers de chrétiens est l'illustration la plus caractéristique de cette perte de louange et d’adoration. On ne sent plus le besoin, de dire merci, de glorifier Dieu. Devant le petit nombre de chrétiens qui vivent l'Eucharistie dominicale, on est tenté de dire comme Jésus: « Où sont donc tous les autres? Ne sont-ils pas aimés de Dieu eux aussi? »
Autrefois, on disait merci au Seigneur avant et après le repas, on remerciait à la fête d’Action de grâce pour les récoltes et la nourriture qui nous venait de la ferme, on se réunissait chaque dimanche avec la communauté chrétienne, pour dire merci pour le don de la vie, pour la famille, pour la paix dans notre pays, pour la nourriture abondante, pour la joie d’être chrétien.
Aujourd’hui, bon nombre ne sentent plus ce besoin de dire merci.
Le chrétien, ce n’est pas celui ou celle qui fait de longue prières, qui demande des grâces, c’est celui ou celle qui rend grâce, qui remercie. Le mot « eucharistie » veut dire « remercier ». Participer à l’eucharistie, c’est prendre part à cette action de grâce.
Le Samaritain de l’évangile devient donc, non seulement le symbole de la personne sauvée, de la personne reconnaissante mais aussi le symbole de celui qui sait rendre grâce, qui sait remercier, qui sait s’agenouiller.
La célébration d’aujourd’hui est une excellente occasion pour récupérer une attitude de reconnaissance envers Dieu, une attitude qui devient acte d’adoration, de glorification... un hymne d’amour.
Réapprenons à nous agenouiller pour remercier Dieu, pour le féliciter de tout ce qu’il fait dans nos vies. Nous pourrons ainsi renouveler notre confiance en lui, sachant qu’il ne nous laissera pas tomber dans nos moments de détresse, de maladie et de mort.