33 Pilate entre à nouveau dans le prétoire;
il appelle Jésus et lui dit: Toi, tu es le roi des Juifs?
34 Jésus répond:
Dis-tu cela de toi-même ou d’autres te l’ont-ils dit de moi?
35 Pilate répond:
Est-ce que moi, je suis Juif?
36 Ta nation et les grands-prêtres t’ont livré à moi: qu’as-tu fait?
Jésus répond: Le règne qui est le mien n’est pas de ce monde.
Si mon règne était de ce monde, mes serviteurs combattraient pour que je ne sois pas livré aux Juifs.
37 Mais en fait mon règne n’est pas d’ici.
Pilate lui dit:
Ainsi tu es roi?
Jésus répond:
Tu dis, toi, que je suis roi.Moi, c’est pour cela que j’ai été engendré et pour cela que je suis venu dans le monde: pour témoigner de la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix.
Dans sa prière au Père, Jésus évoque ce qu’est sa tâche: Consacre-les dans la vérité. Ta parole est vérité (Jn 17, 17).
Voilà la mission la plus profonde, la plus réelle du roi-messie.Voilà sa tâche essentielle: transmettre la vérité qui vient du Père et la faire vivre dans le quotidien de l’existence:
C’est pour cela que je suis venu dans le monde: pour témoigner de la vérité.
Jésus est celui qui nous conduit vers une vie vraie parce qu’elle sera fidèle à l’esprit de Dieu.
Par cette transmission de la Vérité qui vient de Dieu, Jésus fait de ses disciples, non des serviteurs mais des amis (Jn 15,14-15), parce que tout ce que j’ai entendu auprès de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Au soir du Dernier Repas, Jésus avait dit: Je suis le chemin vers la vérité de la vie (Jn 14,6).
Chemin vers la Vérité, il l’est par son enseignement: son évangile est parsemé de paraboles qui décrivent le vrai visage de Dieu. Ce sont notamment celle du Père aux deux fils, et celle du Maître de la vigne avec les ouvriers de la onzième heure, Or, à travers le père et le maître de la vigne, Jésus nous enseigne que Dieu est davantage un Dieu-amour qu’un Dieu-juge.
C’est au soir du geste du lavement des pieds que Jean fait dire à Jésus:
Qui me voit, voit le Père (Jn 14,9).Or Jésus accomplit ce geste de tendresse (laver les pieds), alors même qu’il dit à Pierre qu’il sait qu’il va le renier.
Ainsi Pierre pourra se souvenir que Jésus lui a par avance pardonné.
C’est ainsi que Jésus témoigne de la vérité de Dieu, de son vrai visage.
Dans ce geste inouï du lavement des pieds, Jésus révèle la vraie grandeur d’un Dieu qui n’est qu’Amour. Et il va donner ce témoignage d’un Dieu qui n’est qu’Amour, jusqu’au don de sa vie sur la croix.
On peut dire que c’est à la Croix que Jésus est le témoin par-fait de Dieu.
Car si Jésus s’est montré impuissant devant la violence de ses adversaires, devant le reniement de Pierre, la trahison de Judas et l’abandon des disciples, c’est parce que ce Dieu-Père n’est qu’amour et qu’il se veut lui-même « impuissant » contre le mal.
Il refuse de venger sa gloire s’il doit pour cela employer quelque violence que ce soit.
Ce qui ne veut pas dire que Jésus soit indifférent au mal.
Au contraire, il ne cessera de dénoncer tout ce qui peut défigurer l’être humain.
Il se fera proche des pauvres, des rejetés.
Il demandera avec force au riche de partager.
Mais il ne fera rien qui puisse priver quiconque de sa liberté.
Cette image de Dieu n’est-elle pas la raison fondamentale du rejet de Jésus?
Si l’image d’un Dieu qui accepte d’être rejeté, bafoué, humilié, -perçu comme impuissant- est la vérité dont témoigne Jésus, cette image était sans doute un blasphème aux yeux des responsables juifs.
Pierre lui-même ne l’a-t-il pas difficilement admise? Au point de se faire traiter de Satan par Jésus:
Retire-toi! Derrière moi, Satan! Tu es pour moi occasion de chute, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes (Mt 16,23).
Mais au-delà du Sanhédrin et de Pilate, au-delà des disciples et de la foule, la mort de Jésus sur la croix est le fait de la multitude humaine lorsqu’elle refuse de choisir la bonté et la réconciliation et préfère établir le monde sur une justice qui s’édifie sur des moyens de violence. Face à la violence des règnes de ce monde,Dieu n’a pas d’autre réponse que celle donnée par Jésus: livrer sa vie.
Jacques Duquesne, dans son livre Le Dieu de Jésus, tente cette explication:
«Comment Dieu a-t-il pu permettre Auschwitz?
Pourquoi n’a-t-il pas volé au secours des siens?
Je comprends cette question, j’en saisis toute la gravité, mais elle m’a depuis longtemps surpris.
Si Dieu n’a pas empêché Auschwitz, ni aucun génocide, ni aucun des malheurs du monde, ce n’est pas parce qu’il ne le voulait pas, c’est parce qu’il ne le pouvait pas.
Cette idée est difficilement admissible, je le sais.
La conception d’un Dieu tout-puissant, capable de tout, est ancrée dans les esprits.
Ce qui n’est pas surprenant car c’est une conception infantile.
Dieu, certes, ne se désintéresse pas de l’homme.
Il souffre avec lui, il compatit.
Mais il s’interdit toute atteinte à sa liberté. Il aide, et il attend.
« L’amour est patient », dit Paul (1Co 13,4)»(Grasset 1997, p. 97)
Aucune structure sociale ne produit de soi ce renversement» (C. Duquoc, idem, p. 77)
Georges Convert
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