Extrait-Sermon du Saint Curé D’Ars sur la modestie dans le vêtement
Il est rapporté qu’une jeune demoiselle de Franche-Comté, nommée Angélique, avait beaucoup d’esprit, mais était fort mondaine. Ayant entendu un prédicateur prêcher contre le luxe et la vanité dans les habits, elle vint se confesser à ce prédicateur.
Celui-ci lui fit si bien comprendre combien elle était coupable et pouvait perdre d’âmes, que, dès le lendemain, elle quitta toutes ses vanités, et se vêtit d’une manière très simple et chrétienne.
Sa mère qui était comme la plupart de ces pauvres aveugles, qui semblent n’avoir des enfants que pour les jeter dans les enfers en les remplissant de vanité, la reprit de ce qu’elle ne s’habillait plus comme autrefois. « Ma mère, lui répondit-elle, le prédicateur à qui j’ai été me confesser me l’a défendu. » Sa pauvre mère, aveuglée par la colère, va trouver le confesseur, et lui demande s’il était vrai qu’il eût défendu à sa fille de s’habiller selon la belle mode.
« Je ne sais point, lui dit le confesseur, ce que j’ai dit à votre fille ; mais, il vous suffit de savoir que Dieu défend de s’habiller selon la mode, lorsque cette mode n’est pas selon Dieu, lorsqu’elle est criminelle et dangereuse pour les âmes. » –
« Mon Père, qu’appelez-vous donc mode criminelle et dangereuse ? » — « C’est, par exemple, de porter des habits trop ouverts, ou qui font trop sentir la forme du corps ; de porter des vêtements trop riches et plus coûteux que nos moyens ne nous le permettent. » Il lui montra ensuite tous les dangers de ces modes, et tous les mauvais exemples qu’elles donnaient.
– « Mon Père, lui dit cette femme, si mon confesseur m’en avait dit autant que vous, jamais je n’aurais donné la permission à ma fille de porter toutes ces vanités, et moi-même j’aurais été plus sage ; cependant mon confesseur est un homme bien savant ; or, que m’importe qu’il soit savant, s’il me laisse vivre à ma liberté, et en danger de me perdre pour l’éternité. » Lorsqu’elle fut de retour, elle dit à sa fille : « Bénissez le bon Dieu d’avoir trouvé un tel confesseur, et suivez ses avis. »
Cette jeune demoiselle eut dans la suite de terribles combats à soutenir de la part de ses autres compagnes, qui la raillaient et la tournaient en ridicule. Mais le plus rude assaut qu’elle eut à soutenir, lui vint de la part de certaines personnes qui entreprirent de la faire changer de sentiment. « Pourquoi, lui dirent-elles, ne vous habillez-vous pas comme les autres ? » – « Je ne suis pas obligée de faire comme les autres, répondit Angélique, je m’habille comme celles qui font bien, et non comme celles qui font mal. » – « Eh quoi ! faisons-nous mal de nous habiller comme vous voyez ? » – « Oui, sans doute, vous faites mal, parce que vous scandalisez ceux qui vous regardent. » –
« Pour moi, dit l’une d’entre elles, je n’ai point de mauvaise intention ; je m’habille à ma façon, tant pis pour ceux qui s’en scandalisent. » – « Tant pis pour vous aussi, reprit Angélique, puisque vous en êtes l’occasion ; si nous devons craindre de pécher nous-mêmes, nous devons aussi craindre de faire pécher les autres. » –
«Quoi qu’il en soit de vos bonnes raisons, répondit une autre, si vous ne vous habillez plus comme nous, vos amies vous quitteront, et vous n’oserez plus paraître dans les belles compagnies et dans les bals. » – « J’aime mieux, leur répondit Angélique, la compagnie de ma chère mère, de mes sœurs et de quelques filles sages, que toutes ces belles compagnies et ces bals. (…).
Au reste, Mesdames, si vous pensez de la sorte, vous ne pensez pas en chrétiennes, et il est honteux que, dans une religion aussi sainte qu’est la nôtre, l’on s’y permette de tels abus contre la modestie. » Après tous ces discours, une personne de la compagnie dit: « En vérité, il est honteux qu’une jeune fille de dix-huit ans nous fasse la leçon : son exemple sera un jour notre condamnation.
Que nous sommes aveugles de tant faire de choses pour plaire au monde, qui, dans la suite, se moque de nous ! » Angélique persévéra toujours dans ses bons sentiments, malgré tout ce qu’on pût lui dire. Eh bien, M.F., qui vous empêcherait de faire ce que faisait cette jeune comtesse ? Elle s’est sanctifiée en vivant dans le monde, mais en ne vivant pas pour le monde. Oh ! que cet exemple sera un sujet de condamnation pour un grand nombre de chrétiens au jour du jugement !
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