Javier Milei, candidat à la présidentielle en Argentine, lors du premier scrutin le dimanche 22 octobre 2023.
Javier Milei a réalisé une percée spectaculaire au premier tour de l'élection présidentielle en Argentine, ce 22 octobre. Arrivé second avec 30,5% des voix derrière Sergio Massa (38,5%), ce candidat atypique se distingue par une capacité récurrente à invectiver violemment le pape François, lui-même argentin. Le second tour aura lieu le 19 novembre.
L’Argentine comme pays natal. C’est bien le seul point commun que Javier Milei, candidat à la présidentielle en Argentine, a avec le pape François. Car à en croire ses différentes déclarations de cet admirateur de Donald Trump et Jair Bolsonaro, Javier Milei déteste violemment le pape François et tout ce qu’il incarne. Âgé de 52 ans, économiste de formation et professeur, Javier Milei s’est tout d’abord fait connaître en devenant député de la ville de Buenos Aires en 2021 et en prenant ensuite la tête de la coalition « La Libertad Avanza » (« La liberté avance »). Loin d’être un homme du sérail, il surprend par son ascension inattendue dans le monde politique, ainsi que par sa liberté d’expression volontairement irrévérencieuse, pour ne pas dire carrément provocatrice.
Jugez plutôt. Avec sa chevelure désordonnée encadrée par des favoris, il se définit lui-même comme un « anarcho-capitaliste ». Libertarien, il fustige aussi bien le gouvernement corrompu que le pape François, qu’il qualifie de « jésuite qui promeut le communisme », allant parfois jusqu’à insulter crûment le chef de l’Église catholique. « Le Pape, je vais vous le dire en face, c’est le représentant du diable sur Terre. Il faut lui expliquer à cet imbécile qui est à Rome, lui qui défend la justice sociale, qu’il sache que c’est du vol et que ça va à l’encontre des commandements », avait-il ainsi proféré lors de sa campagne, qualifiant encore le souverain pontife de « p***** de gauchiste ».
Un scrutin incertain
Des vitupérations d’une rare violence que le candidat a tenté de tempérer en expliquant respecter « le Pape comme chef de l’Église catholique et comme chef d’État », ainsi que comme « chef spirituel d’une grande majorité d’Argentins ». Il y a peut-être derrière cette modération soudaine un grossier calcul. En Argentine, on dénombre près de 63% de catholiques. En Argentine, si les sondages lui sont favorables, d’autres s’émeuvent d’autant de vulgarité. En septembre dernier une messe a été célébrée à Buenos Aires en soutien au pape François, à l’initiative de plusieurs prêtres argentins choqués de ces invectives.
Rarement depuis le retour de la démocratie il y a quarante ans scrutin aura été aussi incertain pour l’Argentine. La population, exsangue, souffre d’une inflation record, dont le taux est aujourd’hui l’un des plus élevés du monde (138% en rythme annuel, 12% en rythme mensuel). Face à ce fléau, Javier Milei propose une mesure « choc » : celle de la dollarisation, mécanisme consistant à remplacer le peso par le dollar américain en tant que monnaie nationale. Une proposition bien accueillie par les Argentins, confrontés à une pauvreté grandissante, qui ne demandent qu’à sortir de l’enfer provoqué par la crise.
Pour autant, Javier Milei propose une ligne ultra-libérale : pour réduire les dépenses publiques, le candidat veut « tronçonner l’État », selon ses propres termes, en supprimant plusieurs aides sociales, l’accès à l’éducation gratuite et laisser le champ libre aux acteurs privés pour réguler l’économie. Côté sociétal, si Javier Milei est régulièrement décrit comme ultra-conservateur en raison de sa position inflexible contre l’avortement et de son « climato-scepticisme », le candidat brouille les lignes en s’exprimant pêle-mêle en faveur du mariage homosexuel, du concept d’identité de genre, de la légalisation de la drogue ou encore du « droit au suicide ». Autant de thèmes où François fait preuve, lui, d’une vraie constance.