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Message par ami de la Miséricorde Lun 25 Déc - 22:02

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CHAPITRE XXX

QUELQUES AUTRES AVIS TOUCHANT LE PARLER


C'est un avis du roi saint Louis, de ne point dédire personne, sinon qu'il y eût péché ou grand dommage à consentir : c'est afin déviter toutes contestes et disputes.

Or, quand il importe de contredire à quelquun, et d'opposer son opinion à celle d'un autre, il faut user de grande douceur et dextérité, sans vouloir violenter l'esprit d'autrui; car aussi bien ne gagne-t-on rien, prenant les choses âprement.

Le parler peu, tant recommandé par les anciens sages, ne s'entend pas qu'il faille dire peu de paroles, mais de n'en dire pas beaucoup dinutiles; car en matière de parler, on ne regarde pas à la quantité, mais à la qualité.

Et me semble qu'il faut fuir les deux extrémités : car de faire trop lentendu et le sévère, refusant de contribuer aux devis familiers qui se font ès conversations, il semble qu'il y ait ou manquement de confiance, ou quelque sorte de dédain; de babiller aussi et cajoler toujours, sans donner ni loisir ni commodité aux autres de parler à souhait, cela tient de l'éventé et du léger.

Saint Louis ne trouvait pas bon qu'étant en compagnie l'on parlât en secret et en conseil, et particulièrement à table, afin que l'on ne donnât soupçon, que l'on parlât des autres en mal :

« Celui, disait-il, qui est à table en bonne compagnie, qui a à dire quelque chose joyeuse et plaisante, la doit dire que tout le monde l'entende; si c'est chose d'importance, on la doit taire sans en parler. »

CHAPITRE XXXI

DES PASSETEMPS ET RÉCRÉATIONS, ET PREMIÈREMENT DES LOISIBLES ET LOUABLES


Il est force de relâcher quelquefois notre esprit et notre corps encore, à quelque sorte de récréation. Saint Jean l'Evangéliste, comme dit Cassian, fut un jour trouvé par un chasseur tenant une perdrix sur son poing, laquelle il caressait par récréation; le chasseur lui demanda pourquoi, étant homme de telle qualité, il passait le temps en chose si basse et vile; et saint jean lui dit: « Pourquoi ne portes-tu ton arc toujours tendu ? »

« De peur, répondit le chasseur, que demeurant toujours courbé, il ne perde la force de s'étendre quand il en sera métier. »

« Ne t'étonne pas donc, répliqua lapôtre, si je me démets quelque peu de la rigueur et attention de mon esprit pour prendre un peu de récréation, afin de m'employer par après plus vivement à la contemplation. »

C'est un vice, sans doute, que d'être si rigoureux, agreste et sauvage, qu'on ne veuille prendre pour soi ni permettre aux autres aucune sorte de récréation.

Prendre l'air, se promener, s'entretenir de devis joyeux et amiables, sonner du luth ou autre instrument, chanter en musique, aller à la chasse, ce sont récréations si honnêtes que pour en bien user il n'est besoin que de la commune prudence, qui donne à toutes choses le rang, le temps, le lieu et la mesure.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Mar 26 Déc - 22:39

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CHAPITRE XXXI

DES PASSETEMPS ET RÉCRÉATIONS, ET PREMIÈREMENT DES LOISIBLES ET LOUABLES


Les jeux èsquels le gain sert de prix et récompense à l'habileté et industrie du corps ou de l'esprit, comme les jeux de la paume, ballon, paillemaille, les courses à la bague, les échecs, les tables, ce sont récréations, de soi-même bonnes et loisibles.

B se faut seulement garder de l'excès, soit au temps que l'on y emploie, soit au prix que l'on y met; car si l'on y emploie trop de temps, ce n'est plus récréation, c'est occupation : on n'allège pas ni l'esprit ni le corps, au contraire on l'étourdit, on l'accable.

Ayant joué cinq, six heures aux échecs, au sortir on est tout recru et las d'esprit; jouer longuement à la paume, ce n'est pas récréer le corps, mais l'accabler. Or, si le prix, c'est-à-dire ce qu'on joue est trop grand, les affections des joueurs se dérèglent; et outre cela, c'est chose injuste de mettre de grands prix à des habilités et industries de si peu d'importance et si inutiles, comme sont les habilités des jeux.

Mais surtout prenez garde, Philothée, de ne point attacher votre affection à tout cela; car pour honnête que soit une récréation, c'est vice d'y mettre son coeur et son affection.

Je ne dis pas qu'il ne faille prendre plaisir à jouer pendant que l'on joue, car autrement on ne se récréerait pas; mais je dis qu'il ne faut pas y mettre son affection pour le désirer, pour s'y amuser et sen empresser.

CHAPITRE XXXII

DES JEUX DÉFENDUS


Les jeux des dés, des cartes et semblables, ès-quels le gain dépend principalement du hasard, ne sont pas seulement des récréations dangereuses, comme les danses, mais elles sont simplement et naturellement mauvaises et blâmables; c'est pourquoi elles sont défendues par les lois tant civiles qu'ecclésiastiques.

Mais quel grand mal y a-t-il, me direz-vous? Le gain ne se fait pas en ces jeux selon la raison, mais selon le sort, qui tombe bien souvent à celui qui par habilité et industrie ne méritait rien: la raison est donc offensée en cela.

Mais nous avons ainsi convenu, me direz-vous, Cela est bon pour montrer que celui qui gagne ne fait pas tort aux autres, mais il ne s'ensuit pas que la convention ne soit déraisonnable, et le jeu aussi; car le gain qui doit être le prix de l'industrie, est rendu le prix du sort, qui ne mérite nul prix, puisqu'il ne dépend nullement de nous. Outre cela, ces jeux portent le nom de récréation et sont faits pour cela; et néanmoins ils ne le sont nullement, mais des violentes occupations.

Car, n'est-ce pas occupation de tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpétuelles inquiétudes, appréhensions et empressements ? Y a-t-il attention plus triste, plus sombre et mélancolique que celle des joueurs ? c'est pourquoi il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voilà à dépiter.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Jeu 28 Déc - 9:23

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DES JEUX DÉFENDUS


Enfin, il n'y a point de joie au jeu qu'en gagnant, et cette joie n'est-elle pas inique, puisqu'elle ne se peut avoir que par la perte et le déplaisir du compagnon ? cette réjouissance est certes infâme. Pour ces trois raisons les jeux sont défendus.

Le grand roi saint Louis sachant que le comte dAnjou son frère et messire Gauthier de Nemours jouaient, il se leva, malade qu'il était, et alla tout chancelant en leur chambre, et là, prit les tables, les dés et une partie de l'argent, et les jeta par les fenêtres dans la mer, se courrouçant fort à eux. La sainte et chaste damoiselle Sara, parlant à Dieu de son innocence: « Vous savez, dit-elle, o Seigneur, que jamais je n'ai conversé entre les joueurs. »

CHAPITRE XXXIII
DES BALS ET PASSETEMPS LOISIBLES MAIS DANGEREUX


Les danses et bals sont choses indifférentes de leur nature; mais selon lordinaire façon avec laquelle cet exercice se fait, il est fort penchant et incliné du côté du mal, et par conséquent plein de danger et de péril. On les fait de nuit, et parmi les ténèbres et obscurités il est aisé de faire glisser plusieurs accidents ténébreux et vicieux, en un sujet qui de soi-même est fort susceptible du mal; on y fait des grandes veilles, après lesquelles on perd les matinées des jours suivants, et par conséquent le moyen de servir Dieu en icelles: en un mot, c'est toujours folie de changer le jour à la nuit, la lumière aux ténèbres, les bonnes oeuvres à des folâtreries.

Chacun porte au bal de la vanité à l'envi; et la vanité est une si grande disposition aux mauvaises affections et aux amours dangereux et blâmables, quaisément tout cela s'engendre ès danses.

Je vous dis des danses, Philothée, comme les médecins disent des potirons et champignons: les meilleurs n'en valent rien, disent-ils; et je vous dis que les meilleurs bals ne sont guère bons. Si néanmoins il faut manger des potirons, prenez garde qu'ils soient bien apprêtés: si par quelque occasion, de laquelle vous ne puissiez pas vous bien excuser, il faut aller au bal, prenez garde que votre danse soit bien apprêtée.

Mais comme faut-il qu'elle soit accommodée ? de modestie, de dignité et de bonne intention. Mangez-en peu et peu souvent, disent les médecins parlant des champignons, car, pour bien apprêtés qu'ils soient, la quantité leur sert de venin: dansez peu et peu souvent, Philothée, car faisant autrement vous vous mettrez en danger de vous y affectionner.

Les champignons, selon Pline, étant spongieux et poreux comme ils sont, attirent aisément toute linfection qui leur est autour, si que étant près des serpents ils en reçoivent le venin.

Les bals, les danses et telles assemblées ténébreuses attirent ordinairement les vices et péchés qui règnent en un lieu : les querelles, les envies, les moqueries, les folles amours; et comme ces exercices ouvrent les pores du corps de ceux qui les font, aussi ouvrent-ils les pores du coeur, au moyen de quoi, si quelque serpent sur cela vient souffler aux oreilles quelque parole lascive, quelque muguetterie, quelque cajolerie, ou quelque basilic vienne jeter des regards impudiques, des oeillades d'amour, les coeurs sont fort aisés à se laisser saisir et empoisonner.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Jeu 28 Déc - 22:01

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CHAPITRE XXXIII
DES BALS ET PASSETEMPS LOISIBLES MAIS DANGEREUX


O Philothée, ces impertinentes récréations sont ordinairement dangereuses : elles dissipent l'esprit de dévotion, alanguissent les forces, refroidissent la charité et réveillent en l'âme mille sortes de mauvaises affections; c'est pourquoi il en faut user avec une grande prudence.Mais surtout on dit qu'après les champignons, il faut boire du vin précieux; et je dis qu'après les danses, il faut user de quelques saintes et bonnes considérations, qui empêchent les dangereuses impressions, que le vain plaisir qu'on a reçu pourrait donner à nos esprits. Mais quelles considérations ?

1. A même temps que vous étiez au bal, plusieurs âmes brûlaient au feu d'enfer, pour les péchés commis à la danse ou à cause de la danse.

2. Plusieurs religieux et gens de dévotion étaient à même heure devant Dieu, chantaient ses louanges et contemplaient sa beauté. Oh! que leur temps a été bien plus heureusement employé que le vôtre !

3. Tandis que vous avez dansé, plusieurs âmes sont décédées en grande angoisse; mille milliers d'hommes et femmes ont souffert des grands travaux, en leurs lits, dans les hôpitaux et les rues; la goutte, la gravelle, la fièvre ardente. Hélas! ils n'ont eu nul repos ! Aurez-vous point de compassion d'eux ? et pensez-vous point qu'un jour vous gémirez comme eux, tandis que d'autres danseront comme vous avez fait?

4. Notre Seigneur, Notre Dame, les anges et les saints vous ont vue au bal: ah! que vous leur avez fait grand pitié, voyant votre coeur amusé à une si grande niaiserie, et attentif à cette fadaise!

5. Hélas! tandis que vous étiez là, le temps s'est passé, la mort s'est approchée; voyez qu'elle se moque de vous et qu'elle vous appelle à sa danse, en laquelle les gémissements de vos proches serviront de violon, et où vous ne ferez qu'un seul passage de la vie à la mort. Cette danse est le vrai passe-temps des mortels, puisqu'on y passe, en un moment, du temps à l'éternité ou des biens ou des peines.

Je vous remarque ces petites considérations, mais Dieu vous en suggérera bien d'autres à même effet, si vous avez sa crainte.

CHAPITRE XXXIV
QUAND ON PEUT JOUER ET DANSER


Pour jouer et danser loisiblement, il faut que ce soit par récréation et non par affection; pour peu de temps et non jusques à se lasser ou étourdira et que ce soit rarement; car, qui en fait ordinaire, il convertira la récréation en occupation.

Mais en quelle occasion peut-on jouer ou danser? Les justes occasions de la danse et du j' en indifférent, sont plus fréquentes ; celles des jeux défendus sont plus rares, comme aussi tels jeux sont plus blâmables et périlleux. Mais, en un mot, dansez et jouez selon les conditions que je vous ai marquées, quand pour condescendre et complaire à l'honnête conversation en laquelle vous serez, la prudence et discrétion vous le conseilleront; car la condescendance, comme surgeon de la charité, rend les choses indifférentes bonnes, et les dangereuses, permises. Elle ôte même la malice à celles qui sont aucunement mauvaises : c'est pourquoi les jeux de hasard qui autrement seraient blâmables ne le sont pas, si quelquefois la juste condescendance nous y porte.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Ven 29 Déc - 22:46

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CHAPITRE XXXIV

QUAND ON PEUT JOUER ET DANSER


J'ai été consolé d'avoir lu en la vie de saint Charles Borromée, quil condescendait avec les suisses, en certaines choses èsquelles d'ailleurs il était fort sévère, et que le bienheureux Ignace de Loyola, étant invité à jouer, l'accepta.

Quant à sainte Elisabeth d'Hongrie, elle jouait et dansait parfois, se trouvant ès assemblées de passe-temps, sans intérêt de sa dévotion, laquelle était si bien enracinée dedans son âme que, comme les rochers qui sont autour du lac de Riette croissent, étant battus par des, vagues, ainsi sa dévotion croissait emmi les pompes et vanités, auxquelles sa condition l'exposait; ce sont les grands feux qui s'enflamment au vent, mais les petits s'éteignent si on ne les y porte à couvert.

CHAPITRE XXXV

QU'IL FAUT ÉTRE FIDÈLE ÈS GRANDES ET PETITES OCCASIONS


L'Epoux sacré au Cantique des Cantiques, dit que son Epouse lui a ravi le coeur par un de ses yeux et l'un de ses cheveux.

Or, en butes les parties extérieures du corps humain, il n'y en a point de plus noble, soit pour l'artifice soit pour l'activité, que l'oeil, ni point de plus vile que les cheveux; c'est pourquoi le divin Epoux veut faire entendre, qu'il n'a pas seulement agréables les grandes oeuvres des personnes dévotes, mais aussi les moindres et plus basses; et que pour le servir à son goût, il faut avoir grand soin de le bien servir, aux choses grandes et hautes et aux choses petites et abjectes, puisque nous pouvons également, et par les unes et par les autres, lui dérober son coeur par amour.

Préparez-vous donc, Philothée, à souffrir beaucoup des grandes afflictions pour Notre Seigneur et même le martyre; résolvez-vous de lui donner tout ce qui vous est de plus précieux, s'il lui plaisait de le prendre: père, mère, frère, mari, enfants, vos yeux même et votre vie, car à tout cela vous devez apprêter votre coeur.

Mais tandis que la divine Providence ne vous envoie pas des afflictions si sensibles et si grande, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnez-lui pour le moins vos cheveux :

je veux dire, supportez tout doucement les menues injures, ces petites incommodités, ces pertes de peu d'importance qui vous sont journalières; car par le moyen de ces petites occasions, employées avec amour et dilection, vous gagnerez entièrement son coeur et le rendrez tout vôtre.

Ces petites charités quotidiennes, ce mal de tête, ce mal de dents, cette défluxion, cette bizarrerie du mari ou de la femme, ce cassement d'un verre, ce mépris ou cette moue, cette perte de gants, d'une bague, d'un mouchoir, cette petite incommodité que l'on se fait, d'aller coucher de bonne heure et de se lever matin pour prier, pour se communier, cette petite honte que lon a de faire certaines actions de dévotion publiquement: bref, toutes ces petites souffrances, étant prises et embrassées avec amour, contentent extrêmement la Bonté divine, laquelle pour un seul verre deau a promis la mer de toute félicité à ses fidèles; et parce que ces occasions se présentent à tout moment, c'est un grand moyen pour assembler beaucoup de richesses spirituelles que de les bien employer.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Sam 30 Déc - 22:16

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CHAPITRE XXXV

QU'IL FAUT ÉTRE FIDÈLE ÈS GRANDES ET PETITES OCCASIONS


Quand j'ai vu en la vie de sainte Catherine de Sienne tant de ravissements et délévations d'esprit, tant de paroles de sapience, et même de prédications faites par elle, je n'ai point douté qu'avec cet oeil de contemplation elle n'eût ravi le coeur de son Epoux céleste.

Mais j'ai été également consolé, quand je l'ai vue en la cuisine de son père tourner humblement la broche, attiser le feu, apprêter la viande, pétrir le pain et faire tous les plus bas offices de la maison, avec un courage plein d'amour et de dilection envers son Dieu.

Et n'estime pas moins la petite et basse méditation qu'elle faisait parmi les offices vils et abjects, que les extases et ravissements qu'elle eut si souvent, qui ne lui furent peut-être donnés qu'en récompense de cette humilité et abjection.

Or sa méditation était telle : elle s'imaginait qu'apprêtant pour son père elle apprêtait pour Notre Seigneur, comme une sainte Marthe; que sa mère tenait la place de Notre Dame, et ses frères, le lieu des Apôtres, s'excitant en cette sorte de servir en esprit toute la cour céleste, et s'employant à ces chétifs services avec une grande suavité, parce qu'elle savait la volonté de Dieu être telle.

J'ai dit cet exemple, ma Philothée, afin que vous sachiez combien il importe de bien dresser toutes nos actions, pour viles qu'elles soient, au service de sa divine Majesté.

Pour cela, je vous conseille tant que je puis, d'imiter cette femme forte que le grand Salomon a tant louée, laquelle, comme il dit, mettait la main à choses fortes, généreuses et relevées, et néanmoins ne laissait pas de filer et tourner le fuseau: « Elle a mis la main à chose forte, et ses doigts ont pris le fuseau. »

Mettez la main à chose forte, vous exerçant à l'oraison et méditation, à l'usage des sacrements, à donner de l'amour de Dieu aux âmes, à répandre de bonnes inspirations dedans les coeurs, et enfin à faire des oeuvres grandes et d'importance, selon votre vacation; mais n'oubliez pas aussi votre fuseau et votre quenouille, cest-à-dire, pratiquez ces petites et humbles vertus, lesquelles, comme fleurs, croissent au pied de la Croix:

le service des pauvres, la visitation des malades, le soin de la famille, avec les oeuvres qui dépendent dicelui, et l'utile diligence qui ne vous laissera point oisive ; et parmi toutes ces choses-là, entrejetez des pareilles considérations à celles que je viens de dire de sainte Catherine.

Les grandes occasions de servir Dieu, se présentent rarement, mais les petites sont ordinaires: or, « qui sera fidèle en peu de chose, dit le Sauveur même, on l'établira sur beaucoup ».

Faites donc toutes choses au nom de Dieu et toutes choses seront bien faites.

«Soit que vous mangiez, soit que vous buviez », soit que vous dormiez, soit que vous vous récréiez, soit que vous tourniez la broche, pourvu que vous sachiez bien ménager vos affaires, vous profiterez beaucoup devant Dieu, faisant toutes ces choses parce que Dieu veut que vous les fassiez.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Dim 31 Déc - 23:39

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CHAPITRE XXXVI

QU'IL FAUT AVOIR L'ESPRIT JUSTE ET RAISONNABLE


Nous ne sommes hommes que par la raison, et c'est pourtant chose rare de trouver des hommes vraiment raisonnables, d'autant que l'amour-propre nous détraque ordinairement de la raison, nous conduisant insensiblement à mille sortes de petites, mais dangereuses injustices et iniquités qui, comme les petits renardeaux desquels il est parlé aux Cantiques, démolissent les vignes; car, d'autant qu'ils sont petits on n'y prend pas garde, et, parce qu'ils sont en quantité ils ne laissent pas de beaucoup nuire. Ce que je m'en vais vous dire, sont-ci pas iniquités et déraisons?

Nous accusons pour peu le prochain, et nous nous excusons en beaucoup; nous voulons vendre fort cher, et acheter à bon marché; nous voulons que l'on fasse justice en la maison d'autrui, et chez nous, Miséricorde et connivence; nous voulons que l'on prenne en bonne part nos paroles, et sommes chatouilleux et douillets à celles d'autrui.

Nous voudrions que le prochain nous lâchât son bien en le payant, n'est-il pas plus juste qu'il le garde en nous laissant notre argent ? nous lui savons mauvais gré de quoi il ne nous veut pas accommoder, n'a-t-il pas plus de raison d'être fâché de quoi nous le voulons incommoder ?

Si nous affectionnons un exercice, nous méprisons tout le reste, et controlons tout ce qui ne vient pas à notre goût.

S'il y a quelqu'un de nos inférieurs qui nait pas bonne grâce, ou sur lequel nous ayons une fois mis la dent, quoi qu'il fasse, nous le recevons à mal, nous ne cessons de le contrister et toujours nous sommes à le calanger; au contraire, si quelqu'un nous est agréable d'une grâce sensuelle, il ne fait rien que nous n'excusions.

Il y a des enfants vertueux, que leurs pères et mères ne peuvent presque voir, pour quelque imperfection corporelle; il y en a des vicieux, qui sont les favoris, pour quelque grâce corporelle. En tout nous préférons les riches aux pauvres, quoi qu'ils ne soient ni de meilleure condition, ni si vertueux; nous préférons même les mieux vêtus.

Nous voulons nos droits exactement, et que les autres soient courtois en l'exaction des leurs; nous gardons notre rang pointilleusement, et voulons que les autres soient humbles et condescendants; nous nous plaignons aisément du prochain:

et ne voulons qu'aucun se plaigne de nous; ce que nous faisons pour autrui nous semble toujours beaucoup: ce qu'il fait pour nous n'est rien, ce nous semble.

Bref, nous sommes comme les perdrix de Paphla. goule, qui ont deux coeurs; car nous avons un coeur doux, gracieux et courtois en notre endroit, et un coeur dur, sévère, rigoureux envers le prochain.

Nous avons deux poids : l'un pour peser nos commodités avec le plus d'avantage que nous pouvons, l'autre pour peser celles du prochain avec le plus de désavantage qu'il se peut; or, comme dit l'Ecriture, « les lèvres trompeuses ont parlé en un coeur et un coeur », c'est-à-dire elles ont deux coeurs; et d'avoir deux poids : l'un fort pour recevoir et l'autre faible pour délivrer, c'est chose abominable devant Dieu.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Lun 1 Jan - 22:13

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CHAPITRE XXXVI

QU'IL FAUT AVOIR L'ESPRIT JUSTE ET RAISONNABLE


Philothée, soyez égale et juste en vos actions: mettez-vous toujours en la place du prochain, et le mettez en la vôtre, et ainsi vous jugerez bien; rendez-vous vendeuse en achetant, et acheteuse en vendant, et vous vendrez et achèterez justement.

Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas à restitution, d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur, en ce qui nous est favorable; mais elles ne laissent pas de nous obliger à nous en amender, car ce sont de grands défauts de raison et de charité; et, au bout de là, ce ne sont que tricheries, car on ne perd rien à vivre généreusement, noblement, courtoisement, et avec un coeur royal, égal et raisonnable.

Ressouvenez-vous donc, ma Philothée, d'examiner souvent votre coeur, s'il est tel envers le prochain, comme vous voudriez que le sien fût envers vous, si vous étiez en sa place; car voilà le point de la vraie raison. Trajan étant censuré par ses confidents de quoi il rendait, à leur avis, la majesté impériale trop accostable :

«Oui da ! dit-il, ne dois-je pas être tel empereur à lendroit des particuliers, que je désirerais rencontrer un empereur, si j'étais particulier moi-même? »

CHAPITRE XXXVII

DES DÉSIRS

Chacun sait qu'il se faut garder des désirs des choses vicieuses, car le désir du mal nous rend mauvais. Mais je vous dis de plus, ma Philothée : ne désirez point les choses qui sont dangereuses à l'âme, comme sont les bals, les jeux et tels autres passe-temps; ni les honneurs et charges, ni les visions et extases, car il y a beaucoup de péril, de vanité et de tromperie en telles choses.

Ne désirez pas les choses fort éloignées, c'est-à-dire qui ne peuvent arriver de longtemps, comme font plusieurs qui par ce moyen lassent et dissipent leurs coeurs inutilement, et se mettent en danger de grande inquiétude.

Si un jeune homme désire fort dêtre pourvu de quelque office, avant que le temps soit venu, de quoi, je vous prie, lui sert ce désir ?

Si une femme mariée désire d'être religieuse, à quel propos? Si je désire d'acheter le bien de mon voisin, avant qu'il soit prêt à le vendre, ne perds-je pas mon temps en ce désir?

Si étant malade, je désire prêcher ou dire la sainte messe, visiter les autres malades, et faire les exercices de ceux qui sont en santé, ces désirs ne sont-ils pas vains, puisqu'en ce temps-là il n'est pas en mon pouvoir de les effectuer ?

Et cependant ces désirs inutiles occupent la place des autres que je devrais avoir : d'être bien patient, bien résigné, bien mortifié, bien obéissant et bien doux en mes souffrances, qui est ce que Dieu veut que je pratique pour lors. Mais nous faisons ordinairement des désirs des femmes grosses, qui veulent des cerises fraîches en l'automne et des raisins frais au printemps.

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Message par ami de la Miséricorde Mer 3 Jan - 6:44

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CHAPITRE XXXVII

DES DÉSIRS


Ce n'approuve nullement qu'une personne attachée à quelque devoir ou vacation, s'amuse à désirer une autre sorte de vie, que celle qui est convenable à son devoir, ni des exercices incompatibles à sa condition présente; car cela dissipe le coeur et l'alanguit ès exercices nécessaires.

Si je désire la solitude des chartreux, je perds mon temps, et ce désir tient la place de celui que je dois avoir, de me bien employer à mon office présent. Non, je ne voudrais pas mêmement que l'on désirât d'avoir meilleur esprit ni meilleur jugement, car ces désirs sont frivoles et tiennent la place de celui que chacun doit avoir, de cultiver le sien, tel qu'il est; ni que l'on désire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on emploie fidèlement ceux qu'on a.

Or, cela sentend des désirs qui amusent le coeur; car quant aux simples souhaits, ils ne font nulle nuisance, pourvu qu'ils ne soient pas fréquents.

Ne désirez pas les croix, sinon à mesure que vous aurez bien supporté celles qui se seront présentées; car c'est un abus de désirer le martyre et n'avoir pas le courage de supporter une injure.

L'ennemi nous procure souvent des grands désirs, pour des objets absents et qui ne se présenteront jamais, afin de divertir notre esprit des objets présents èsquels, pour petits qu'ils soient, nous pourrions faire grand profit.

Nous combattons les monstres d'Afrique en imagination, et nous nous laissons tuer en effet aux menus serpents qui sont en notre chemin, à faute d'attention. Ne désirez point les tentations, car ce serait témérité; mais employez votre coeur à les attendre courageusement, et à vous en défendre quand elles arriveront.

La variété des viandes (si principalement la quantité en est grande) charge toujours l'estomac, et s'il est faible, elle le ruine: ne remplissez pas votre âme de beaucoup de désirs, ni mondains: car ceux-là vous gâteraient du tout, ni même spirituels:

car ils vous embarrasseraient. Quand notre âme est purgée, se sentant déchargée de mauvaises humeurs, elle a un appétit fort grand des choses spirituelles; et, comme tout affamée, elle se met à désirer mille sortes dexercices de piété, de mortification, de pénitence, d'humilité, de charité, d'oraison.

C'est bon signe, ma Philothée, d'avoir ainsi bon appétit; mais regardez si vous pourrez bien digérer tout ce que vous voulez manger. Choisissez donc, par l'avis de votre père spirituel, entre tant de désirs, ceux qui peuvent être pratiqués et exécutés maintenant; ceux-là, faites-les bien valoir: cela fait, Dieu vous en enverra d'autres, lesquels aussi en leurs saisons vous pratiquerez, et ainsi vous ne perdrez pas le temps en désirs inutiles.

Je ne dis pas qu'il faille perdre aucune sorte de bons désirs, mais je dis qu'il les faut produire par ordre; et ceux qui ne peuvent être effectués présentement, il les faut serrer en quelque coin du coeur, jusques à ce que leur temps soit venu, et cependant effectuer ceux qui sont mûrs et de saison ; ce que je ne dis pas seulement pour les spirituels, mais pour les mondains: sans cela nous ne saurions vivre qu'avec inquiétude et empressement.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Mer 3 Jan - 22:01

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CHAPITRE XXXVIII

AVIS POUR LES GENS MARIÉS


« Le mariage est un grand sacrement, je dis en Jésus-Christ et en son Eglise » ; « il est honorable à tous », en tous et en tout, c'est-à-dire en toutes ses parties : à tous, car les vierges mêmes le doivent honorer avec humilité ; en tous, car il est également saint entre les pauvres comme entre les riches; en tout, car son origine, sa fin, ses utilités, sa forme et sa manière sont saintes.

C'est la pépinière du christianisme, qui remplit la terre de fidèles pour accomplir au ciel le nombre des élus; si que la conservation du bien du mariage est extrêmement importante à la république, car c'est sa racine et la source de tous ses ruisseaux.

Plût à Dieu que son Fils bien-aimé fût appelé à toutes les noces, comme il fut à celles de Cana : le vin des consolations et bénédictions n'y manquerait jamais, car ce qu'il n'y en a pour l'ordinaire qu'un peu au commencement, c'est d'autant qu'en lieu de Notre Seigneur on y fait venir Adonis, et Vénus en lieu de Notre Dame.

Qui veut avoir des agnelets beaux et mouchetés, comme Jacob, il faut comme lui présenter aux brebis, quand elles s'assemblent pour parier, des belles baguettes de diverses couleurs; et qui veut avoir un heureux succès au mariage, devrait en ses noces se représenter la sainteté et dignité de ce sacrement; mais en lieu de cela, il y arrive mille dérèglements en passe-temps, festins et paroles: ce n'est donc pas merveille, si les effets en sont déréglés.

J'exhorte surtout les mariés à l'amour mutuel, que le Saint-Esprit leur recommande tant en l'Ecriture. O mariés, ce n'est rien de dire: «Aimez. vous l'un l'autre de l'amour naturel », car les paires de tourterelles font bien cela; ni de dire: «Aimez-vous d'un amour humain », car les païens ont bien pratiqué cet amour-là; mais je vous dis, après le grand Apôtre : «Maris, aimez vos femmes, comme Jésus-Christ aime son Eglise ; o femmes, aimez vos maris comme l'Eglise aime son Sauveur ».

Ce fut Dieu qui amena Eve à notre premier père Adam, et la lui donna à femme: c'est aussi Dieu, mes amis, qui de sa main invisible a fait le noeud du sacré lien de votre mariage, et qui vous a donnés les uns aux autres; pourquoi ne vous chérissez-vous d'un amour tout saint, tout sacré, tout divin ?

Le premier effet de cet amour, c'est lunion indissoluble de vos coeurs. Si on colle deux pièces de sapin ensemble, pourvu que la colle soit fine, l'union en sera si forte qu'on fendrait beaucoup plus tôt les pièces ès autres endroits, qu'en l'endroit de leur conjonction ; mais Dieu conjoint le mari à la femme en son propre sang: cest pourquoi cette union est si forte, que plutôt lâme se doit séparer du corps de l'un et de l'autre, que non pas le mari de la femme. Or cette union ne s'entend pas principalement du corps, ains du coeur, de l'affection et de l'amour. Le second effet de cet amour doit être la fidélité inviolable de l'un à l'autre.

Les cachets étaient anciennement gravés ès anneaux que l'on portait aux doigts, comme même l'Ecriture Sainte témoigne; voici donc le secret de la cérémonie que l'on fait ès noces : l'Eglise, par la main du prêtre, bénit un anneau, et le donnant premièrement à l'homme, témoigne qu'elle scelle et cachette son coeur par ce sacrement, afin que jamais plus ni le nom ni l'amour d'aucune autre femme ne puisse entrer en icelui, tandis que celle-là vivra, laquelle lui a été donnée; puis l'époux remet l'anneau en la main de la même épouse, afin que réciproquement elle sache que jamais son coeur ne doit recevoir de l'affection pour aucun autre homme, tandis que celui vivra sur terre, que Notre Seigneur vient de lui donner.

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Message par ami de la Miséricorde Ven 5 Jan - 6:43

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CHAPITRE XXXVIII

AVIS POUR LES GENS MARIÉS


« Le mariage est un grand sacrement, je dis en Jésus-Christ et en son Eglise » ; « il est honorable à tous », en tous et en tout, c'est-à-dire en toutes ses parties : à tous, car les vierges mêmes le doivent honorer avec humilité ; en tous, car il est également saint entre les pauvres comme entre les riches; en tout, car son origine, sa fin, ses utilités, sa forme et sa manière sont saintes.

C'est la pépinière du christianisme, qui remplit la terre de fidèles pour accomplir au ciel le nombre des élus; si que la conservation du bien du mariage est extrêmement importante à la république, car c'est sa racine et la source de tous ses ruisseaux.

Plût à Dieu que son Fils bien-aimé fût appelé à toutes les noces, comme il fut à celles de Cana : le vin des consolations et bénédictions n'y manquerait jamais, car ce qu'il n'y en a pour l'ordinaire qu'un peu au commencement, c'est d'autant qu'en lieu de Notre Seigneur on y fait venir Adonis, et Vénus en lieu de Notre Dame.

Qui veut avoir des agnelets beaux et mouchetés, comme Jacob, il faut comme lui présenter aux brebis, quand elles s'assemblent pour parier, des belles baguettes de diverses couleurs; et qui veut avoir un heureux succès au mariage, devrait en ses noces se représenter la sainteté et dignité de ce sacrement; mais en lieu de cela, il y arrive mille dérèglements en passe-temps, festins et paroles: ce n'est donc pas merveille, si les effets en sont déréglés.

J'exhorte surtout les mariés à l'amour mutuel, que le Saint-Esprit leur recommande tant en l'Ecriture. O mariés, ce n'est rien de dire: «Aimez. vous l'un l'autre de l'amour naturel », car les paires de tourterelles font bien cela; ni de dire: «Aimez-vous d'un amour humain », car les païens ont bien pratiqué cet amour-là; mais je vous dis, après le grand Apôtre : «Maris, aimez vos femmes, comme Jésus-Christ aime son Eglise ; o femmes, aimez vos maris comme l'Eglise aime son Sauveur ».

Ce fut Dieu qui amena Eve à notre premier père Adam, et la lui donna à femme: c'est aussi Dieu, mes amis, qui de sa main invisible a fait le noeud du sacré lien de votre mariage, et qui vous a donnés les uns aux autres; pourquoi ne vous chérissez-vous d'un amour tout saint, tout sacré, tout divin ?

Le premier effet de cet amour, c'est lunion indissoluble de vos coeurs. Si on colle deux pièces de sapin ensemble, pourvu que la colle soit fine, l'union en sera si forte qu'on fendrait beaucoup plus tôt les pièces ès autres endroits, qu'en l'endroit de leur conjonction ; mais Dieu conjoint le mari à la femme en son propre sang: cest pourquoi cette union est si forte, que plutôt lâme se doit séparer du corps de l'un et de l'autre, que non pas le mari de la femme. Or cette union ne s'entend pas principalement du corps, ains du coeur, de l'affection et de l'amour. Le second effet de cet amour doit être la fidélité inviolable de l'un à l'autre.

Les cachets étaient anciennement gravés ès anneaux que l'on portait aux doigts, comme même l'Ecriture Sainte témoigne; voici donc le secret de la cérémonie que l'on fait ès noces : l'Eglise, par la main du prêtre, bénit un anneau, et le donnant premièrement à l'homme, témoigne qu'elle scelle et cachette son coeur par ce sacrement, afin que jamais plus ni le nom ni l'amour d'aucune autre femme ne puisse entrer en icelui, tandis que celle-là vivra, laquelle lui a été donnée; puis l'époux remet l'anneau en la main de la même épouse, afin que réciproquement elle sache que jamais son coeur ne doit recevoir de l'affection pour aucun autre homme, tandis que celui vivra sur terre, que Notre Seigneur vient de lui donner.

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Message par ami de la Miséricorde Sam 6 Jan - 9:11

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CHAPITRE XXXVIII

AVIS POUR LES GENS MARIÉS


Si vous voulez, o maris, que vos femmes vous soient fidèles, faites-leur-en voir la leçon par votre exemple. «Avec quel front, dit saint Grégoire Nazianzène, voulez-vous exiger la pudicité de vos femmes, si vous-mêmes vivez en impudicité? comme leur demandez-vous ce que vous ne leur donnez pas ? »

Voulez-vous qu'elles soient chastes ? comportez-vous chastement envers elles, et, comme dit saint Paul : « Qu'un chacun sache posséder son vaisseau en sanctification. » Que si au contraire vous-mêmes leur apprenez les friponneries, ce n'est pas merveille que vous ayez du déshonneur en leur perte. Mais vous, ô femmes, desquelles l'honneur est inséparablement conjoint avec la pudicité et honnêteté, conservez jalousement votre gloire et ne permettez qu'aucune sorte de dissolution ternisse la blancheur de votre réputation.

Craignez toutes sortes d'attaques, pour petites qu'elles soient; ne permettez jamais aucune muguetterie autour de vous.

Quiconque vient louer votre beauté et votre grâce, vous doit être suspect; car quiconque loue une marchandise qu'il ne peut acheter, il est pour l'ordinaire grandement tenté de la dérober.

Mais si à votre louange quelqu'un ajoute le mépris de votre mari, il vous offense infiniment; car la chose est claire, que non seulement il vous veut perdre, mais vous tient déjà pour demi perdue, puisque la moitié du marché est faite avec le second marchand, quand on est dégoûté du premier.

Les dames tant anciennes que modernes ont accoutumé de pendre des perles en nombre à leurs oreilles, pour le plaisir, dit Pline, quelles ont à les sentir grilloter, s'en tretouchant l'une lautre.

Mais quant à moi, qui sais que le grand ami de Dieu, Isaac, envoya des pendants d'oreilles pour les premières arrhes de ses amours à la chaste Rébecca, je crois que cet ornement mystique signifie que la première chose qu'un mari doit avoir d'une femme, et que la femme lui doit fidèlement garder, c'est loreille, afin que nul langage ou bruit n'y puisse entrer, sinon le doux et amiable grillotis des paroles chastes et pudiques, qui sont les perles orientales de l'Evangile: car il se faut toujours ressouvenir que l'on empoisonne les âmes par l'oreille, comme le corps par la bouche.

L'amour et la fidélité, jointes ensemble, engendrent toujours la privauté et confiance; c'est pourquoi les saints et saintes ont usé de beaucoup de réciproques caresses en leur mariage, caresses vraiment amoureuses mais chastes, tendres mais sincères.

Ainsi Isaac et Rébecca, la plus chaste paire des mariés de l'ancien temps, furent vus par la fenêtre se caresser en telle sorte, qu'encore qu'il n'y eût rien de déshonnête, Abimélech connut bien qu'ils ne pouvaient être sinon mari et femme.

Le grand saint Louis, également rigoureux à sa chair et tendre en l'amour de sa femme, fut presque blâmé d'être abondant en telles caresses, bien qu'en vérité il méritât plutôt louange de savoir démettre son esprit martial et courageux à ces menus offices, requis à la conservation de l'amour conjugal; car bien que ces petites démonstrations de pure et franche amitié ne lient pas les coeurs, elles les approchent néanmoins, et servent d'un agencement agréable à la mutuelle conversation.

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Message par ami de la Miséricorde Dim 14 Jan - 21:16

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CHAPITRE XXXVIII

AVIS POUR LES GENS MARIÉS


Sainte Monique étant grosse du grand saint Augustin, le dédia par plusieurs offres à la religion chrétienne et au service de la gloire de Dieu, ainsi que lui-même le témoigne, disant que déjà il avait goûté « le sel de Dieu dans le ventre de sa mère ».

C'est un grand enseignement, pour les femmes chrétiennes, d'offrir à la divine Majesté les fruits de leurs ventres, même avant qu'ils en soient sortis, car Dieu qui accepte les oblations d'un coeur humble et volontaire, seconde pour l'ordinaire les bonnes affections des mères en ce temps-là: témoin Samuel, saint Thomas dAquin, saint André de Fiésole et plusieurs autres.

La mère de saint Bernard, digne mère d'un tel fils, prenant ses enfants en ses bras, incontinent qu'ils étaient nés, les offrait à Jésus-Christ, et dès lors les aimait avec respect, comme chose sacrée et que Dieu lui avait confiée; ce qui lui réussit si heureusement, qu'enfin ils furent tous sept très saints.

Mais les enfants étant venus au monde et commençant à se servir de la raison, les pères et ,mères doivent avoir un grand soin de leur imprimer la crainte de Dieu au coeur. La bonne reine Blanche fit ardemment cet office à lendroit du roi saint Louis son fils, car elle lui disait souventefois:

« J'aimerais trop mieux, mon cher enfant, vous voir mourir devant mes yeux, que de vous voir commettre un seul péché mortel » ; ce qui demeura tellement gravé en l'âme de ce saint fils que, comme lui-même racontait, il ne fut jour de sa vie, auquel il ne lui en souvînt, mettant peine, tant qu'il lui était possible, de bien garder cette divine doctrine.

Certes, les races et générations sont appelées en notre langage, maisons, et les Hébreux même appellent la génération des enfants, édification de maison: car c'est en ce sens qu'il est dit que Dieu édifia des maisons aux sages-femmes d'Egypte.

Or, c'est pour montrer que ce n'est pas faire une bonne maison de fourrer beaucoup de biens mondains en icelle, mais de bien élever les enfants en la crainte de Dieu et en la vertu: en quoi on ne doit épargner aucune sorte de peine ni de travaux, puisque les enfants sont la couronne du père et de la mère.

Ainsi sainte Monique combattit avec tant de ferveur et de constance les mauvaises inclinations de saint Augustin, que l'ayant suivi par mer et par terre elle le rendit plus heureusement enfant de ses larmes, par la conversion de son âme, qu'il n'avait été enfant de son sang par la génération de son corps.

Saint Paul laisse en partage aux femmes le soin de la maison; c'est pourquoi plusieurs ont cette véritable opinion, que leur dévotion est plus fructueuse à la famille que celle des maris qui, ne faisant pas une si ordinaire résidence entre les domestiques, ne peuvent pas par conséquent les adresser si aisément à la vertu.

A cette considération, Salomon en ses proverbes fait dépendre le bonheur de toute la maison, du soin et industrie de cette femme forte qu'il décrit.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Lun 15 Jan - 22:22

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CHAPITRE XXXVIII

AVIS POUR LES GENS MARIÉS


Il est dit au Genèse qu'Isaac, voyant sa femme Rébecca stérile, pria le Seigneur pour elle, ou, selon les Hébreux, il pria le Seigneur vis-à-vis d'elle, parce que l'un priait dun côté de l'oratoire et l'autre de l'autre : aussi l'oraison du mari faite en cette façon fut exaucée.

C'est la plus grande et plus fructueuse union du mari et de la femme, que celle qui se fait en la sainte dévotion, à laquelle ils se doivent entreporter l'un l'autre à l'envi. Il y a des fruits, comme le coing, qui pour l'âpreté de leur suc ne sont guère agréables qu'en confiture; il y en a d'autres, qui pour leur tendreté et délicatesse ne peuvent durer, s'ils ne sont aussi confits, comme les cerises et abricots. Ainsi les femmes doivent souhaiter que leurs maris soient confits au sucre de la dévotion, car l'homme sans dévotion est un animal sévère, âpre et rude ; et les maris doivent souhaiter que leurs femmes soient dévotes, car sans la dévotion la femme est grandement fragile, et sujette à déchoir ou ternir en la vertu.

Saint Paul a dit que « l'homme infidèle est sanctifié par la femme fidèle, et la femme infidèle par l'homme fidèle », parce qu'en cette étroite alliance du mariage, l'un peut aisément tirer l'autre à la vertu. Mais quelle bénédiction est-ce quand l'homme et la femme fidèles se sanctifient l'un lautre en une vraie crainte du Seigneur!

Au demeurant, le support mutuel de l'un pour l'autre doit être si grand, que jamais tous deux ne soient courroucés ensemble et tout à coup, afin qu'entre eux il ne se voie de la dissension et du débat. Les mouches à miel ne peuvent sarrêter en lieu où les échos et retentissements et redoublements de voix se font, ni le Saint-Esprit certes en une maison en laquelle il y ait du débat, des répliques et redoublements de crieries et altercations.

Saint Grégoire Nazianzène témoigne que de son temps les mariés faisaient fête au jour anniversaire de leurs mariages. Certes, j approuverais que cette coutume s'introduisît, pourvu que ce ne fût point avec des appareils de récréations mondaines et sensuelles, mais que les maris et femmes, confessés et communiés en ce jour-là, recommandassent à Dieu, plus fervemment que lordinaire, le progrès de leur mariage, renouvelant les bons propos de le sanctifier de plus en plus par une réciproque amitié et fidélité, et reprenant haleine en Notre Seigneur pour le support des charges de leur vacation.

CHAPITRE XXXIX

DE L'HONNÊTETÉ DU LIT NUPTIAL


Le lit nuptial doit être immaculé, comme lApôtre lappelle, c'est-à-dire exempt d'impudicités et autres souillures profanes. Aussi le saint mariage fut premièrement institué dedans le paradis terrestre, où jamais, jusques à l'heure, il n'y avait eu aucun dérèglement de la concupiscence, ni chose déshonnête.

Il y a quelque ressemblance entre les voluptés honteuses et celles du manger, car toutes deux regardent la chair, bien que les premières, à raison de leur véhémence brutale, s'appellent simplement charnelles. J'expliquerai donc ce que je ne puis pas dire des unes, par ce que je dirai des autres.

1. Le manger est ordonné pour conserver les personnes: or, comme manger simplement pour nourrir et conserver la personne est une bonne chose, sainte et commandée, aussi ce qui est requis au mariage, pour la production des enfants et la multiplication des personnes, est une bonne chose et très sainte, car c'est la fin principale des noces.

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Message par ami de la Miséricorde Mar 16 Jan - 22:23

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CHAPITRE XXXIX

DE L'HONNÊTETÉ DU LIT NUPTIAL


2. Manger, non point pour conserver la vie, mais pour conserver la mutuelle conversation et condescendance que nous nous devons les uns aux autres, c'est chose grandement juste et honnête : et de même, la réciproque et légitime satisfaction des parties au saint mariage, est appelée par saint Paul devoir; mais devoir si grand, qu'il ne veut pas que l'une des parties s'en puisse exempter, sans le libre et volontaire consentement de l'autre, non pas même pour les exercices de la dévotion, qui m'a fait dire le mot que j'ai mis au chapitre de la sainte Communion pour ce regard; combien moins donc peut-on s'en exempter, pour des capricieuses prétentions de vertu ou pour les colères et dédains!

3. Comme ceux qui mangent pour le devoir de la mutuelle conversation doivent manger librement et non comme par force, et de plus sessayer de témoigner de l'appétit, aussi le devoir nuptial doit être toujours rendu fidèlement, franchement, et tout de même comme si c'était avec espérance de la production des enfants, encore que pour quelque occasion on n'eût pas telle espérance.

4. Manger non point pour les deux premières raisons mais simplement pour contenter l'appétit, c'est chose supportable, mais non pas pourtant louable; car le simple plaisir de l'appétit sensuel ne peut être un objet suffisant pour rendre une action louable, il suffit bien si elle est supportable.

5. Manger non point par simple appétit, mais par excès et dérèglement, c'est chose plus ou moins vitupérable, selon que l'excès est grand ou petit.

6. Or, l'excès du manger ne consiste pas seulement en la trop grande quantité, mais aussi en la façon et manière de manger. C'est grand cas, chère Philothée, que le miel si propre et salutaire aux abeilles leur puisse néanmoins être si nuisible, que quelquefois il les rend malades, comme quand elles en mangent trop au printemps; car cela leur donne le flux de ventre, et quelquefois il les fait mourir inévitablement, comme quand elles sont emmiellées par le devant de leur tête et de leurs ailerons.

A la vérité, le commerce nuptial qui est si saint, si juste, si recommandable, si utile à la république, est néanmoins en certain cas dangereux à ceux qui le pratiquent; car quelquefois il rend leurs âmes grandement malades de péché véniel, comme il arrive par les simples excès; et quelquefois il les fait mourir par le péché mortel, comme il arrive lorsque l'ordre établi pour la production des enfants est violé et perverti; auquel cas, selon quon ségare plus ou moins de cet ordre, les péchés se trouvent plus ou moins exécrables, mais toujours mortels. Car dautant que la procréation des enfants est la première et principale fin du mariage, jamais on ne peut loisiblement se départir de l'ordre qu'elle requiert, quoique pour quelque autre accident elle ne puisse pas pour être effectuée, comme il arrive quand la stérilité ou la grossesse déjà survenue empêche la production et génération; car en ces occurrences le commerce corporel ne laisse pas de pouvoir être juste et saint, moyennant que les règles de la génération soient suivies: aucun accident ne pouvant jamais préjudicier à la loi, que la fin principale du mariage a imposée.

Certes, l'infâme et exécrable action que Onan faisait en son mariage était détestable devant Dieu, ainsi que dit le sacré texte du trente-huitième chapitre de Genèse ; et bien que quelques hérétiques de notre âge, cent fois plus blâmables que les Cyniques desquels parle saint Jérôme sur l'Epître aux Ephésiens, aient voulu dire que c'était la perverse intention de ce méchant qui déplaisait à Dieu, l'Ecriture toutefois parle autrement, et assure en particulier que la chose même qu'il faisait était détestable et abominable devant Dieu.

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Message par ami de la Miséricorde Mer 17 Jan - 21:08

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CHAPITRE XXXIX

DE L'HONNÊTETÉ DU LIT NUPTIAL

 
7. C'est une vraie marque d'un esprit truand, vilain, abject et infâme, de penser aux viandes et à la mangeaille avant le temps du repas, et encore plus quand après icelui on s'amuse au plaisir que l'on a pris à manger, s'y entretenant par paroles et pensées, et vautrant son esprit dedans le souvenir de la volupté que l'on a eue en avalant les morceaux, comme font ceux qui devant dîner tiennent leur esprit en broche, et après dîner dans les plats; gens dignes d'être souillards de cuisine, qui font, comme dit saint Paul, un dieu de leur ventre. 

Les gens d'honneur ne pensent à la table qu'en s'asseyant, et après le repas se lavent les mains et la bouche pour n'avoir plus ni le goût, ni l'odeur de ce qu'ils ont mangé. 

L'éléphant n'est qu'une grosse bête, mais la plus digne qui vive sur la terre et qui a le plus de sens ; je vous veux dire un trait de son honnêteté: 

il ne change jamais de femelle et aime tendrement celle qu'il a choisie, avec laquelle néanmoins il ne parie que de trois ans en trois ans, et cela pour cinq jours seulement et si secrètement que jamais il n'est vu en cet acte; mais il est bien vu pourtant le sixième jour, auquel avant toutes choses il va droit à quelque rivière en laquelle il se lave entièrement tout le corps, sans vouloir aucunement retourner au troupeau, qu'il ne soit auparavant purifié. 

Ne sont-ce pas de belles et honnêtes humeurs d'un tel animal, par lesquelles il invite les mariés à ne point demeurer engagés d'affection aux sensualités et voluptés que selon leur vocation ils auront exercées, mais icelles passées de s'en laver le coeur et l'affection, et de s'en purifier au plus tôt, pour par après avec toute liberté d'esprit pratiquer les autres actions plus pures et relevées.

En cet avis consiste la parfaite pratique de l'excellente doctrine que saint Paul donne aux Corinthiens: « Le temps est court, dit-il; reste que ceux qui ont des femmes soient comme n'en ayant point ». 

Car, selon saint Grégoire, celui a une femme comme n'en ayant point qui prend tellement les consolations corporelles avec elle, que pour cela il n'est point détourné des prétentions spirituelles; or, ce qui se dit du mari s'entend réciproquement de la femme. 

«Que ceux qui usent du monde, dit le même apôtre, soient comme n'en usant point. » Que tous donc usent du monde, un chacun selon sa vocation, mais en telle sorte que n'y engageant point l'affection, on soit aussi libre et prompt à servir Dieu, comme si l'on n'en usait point. » 

C'est le grand mal de l'homme, dit saint Augustin, de vouloir jouir des choses desquelles il doit seulement user, et de vouloir user de celles desquelles il doit seulement jouir »:

nous devons jouir des choses spirituelles, et seulement user des corporelles ; desquelles quand l'usage est converti en jouissance, notre âme raisonnable est aussi convertie en âme brutale et bestiale.

Je pense avoir tout dit ce que je voulais dire, et fait entendre, sans le dire, ce que je ne voulais pas dire.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Jeu 18 Jan - 22:06

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CHAPITRE XL

AVIS POUR LES VEUVES


Saint Paul instruit tous les prélats, en la personne de son Timothée, disant: « Honore les veuves qui sont vraiment veuves. Or, pour être vraiment veuve, ces choses sont requises:

1. Que non seulement la veuve soit veuve de corps, mais aussi de coeur, c'est-à-dire qu'elle soit résolue, d'une résolution inviolable, de se conserver en l'état d'une chaste viduité; car les veuves qui ne le sont qu'en attendant loccasion de se remarier, ne sont séparées des hommes que selon la volupté du corps, mais elles sont déjà conjointes avec eux selon la volonté du coeur.

Que si la vraie veuve, pour se confirmer en l'état de viduité, veut offrir à Dieu en voeu son corps et sa chasteté, elle ajoutera un grand ornement à sa viduité et mettra en grande assurance sa résolution; car voyant qu'après le voeu il n'est plus en son pouvoir de quitter sa chasteté sans quitter le paradis, elle sera si jalouse de son dessein, qu'elle ne permettra pas seulement aux plus simples pensées de mariage d'arrêter en son coeur un seul moment, si que ce voeu sacré mettra une forte barrière entre son âme et toute sorte de projets contraires à sa résolution.

Certes saint Augustin conseille extrêmement ce voeu à la veuve chrétienne; et l'ancien et docte Origène passe bien plus avant, car il conseille aux femmes mariées de se vouer et destiner à la chasteté viduale, en cas que leurs maris viennent à trépasser devant elles, afin qu'entre les plaisirs sensuels qu'elles pourront avoir en leur mariage, elles puissent néanmoins jouir du mérite d'une chaste viduité par le moyen de cette promesse anticipée.

Le voeu rend les oeuvres faites en suite dicelui plus agréables à Dieu, fortifie le courage pour les faire, et ne donne pas seulement à Dieu les oeuvres, qui sont comme les fruits de notre bonne volonté, mais lui dédie encore la volonté même, qui est comme l'arbre de nos actions.

Par la simple chasteté nous prêtons notre corps à Dieu, retenant pourtant la liberté de le soumettre l'autre fois aux plaisirs sensuels; mais par le voeu de chasteté nous lui en faisons un don absolu et irrévocable, sans nous réserver aucun pouvoir de nous en dédire, nous rendant ainsi heureusement esclaves de Celui, la servitude duquel est meilleure que toute royauté.

Or, comme j'approuve infiniment les avis de ces deux grands personnages, aussi désirerais-je que les âmes, qui seront si heureuses que de les vouloir employer, le fassent prudemment, saintement et solidement, ayant bien examiné leurs courages, invoqué l'inspiration céleste et pris le conseil de quelque sage et dévot directeur, car ainsi tout se fera plus fructueusement.

2. Outre cela, il faut que ce renoncement de secondes noces se fasse purement et simplement pour, avec plus de pureté, contourner toutes ses affections en Dieu, et joindre de toutes parts son coeur avec celui de sa divine Majesté; car si le désir de laisser les enfants riches, ou quelque autre sorte de prétention mondaine arrête la veuve en viduité, elle en aura peut-être la louange, mais non pas certes devant Dieu, puisque devant Dieu, rien ne peut avoir une véritable louange que ce qui est fait pour Dieu.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Sam 20 Jan - 0:22

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CHAPITRE XL

AVIS POUR LES VEUVES


3. Il faut de plus que la veuve, pour être vraiment veuve, soit séparée et volontairement destituée des contentements profanes. « La veuve qui vit en délices, dit saint Paul, est morte en vivant, »

Vouloir être veuve et se plaire néanmoins d'être muguetée, caressée, cajolée; se vouloir trouver aux bals, aux danses et aux festins; vouloir être parfumée, attifée, mignardée, c'est être une veuve vivante quant au corps, mais morte quant à l'âme.

Quimporte-t-il, je vous prie, que l'enseigne du logis d'Adonis et de l'amour profane soit faite d'aigrettes blanches perchées en guise de panaches, ou d'un crêpe étendu en guise de rets tout autour du visage?

ains souvent le noir est mis avec avantage de vanité sur le blanc, pour en rehausser la couleur.

La veuve, ayant fait essai de la façon avec laquelle les femmes peuvent plaire aux hommes, jette de plus dangereuses amorces dedans leurs esprits. La veuve donc qui vit en ces folles délices, vivante est morte, et n'est à proprement parler qu'une idole de viduité.

« Le temps de retrancher est venu, la voix de la tourterelle a été ouïe en notre terre », dit le Cantique. Le retranchement des superfluités mondaines est requis à quiconque veut vivre pieusement; mais il est surtout nécessaire à la vraie veuve qui, comme une chaste tourterelle, vient tout fraîchement de pleurer, gémir et lamenter la perte de son mari.

Quand Noémi revint de Moab en Bethléem, les femmes de la ville qui lavaient connue au commencement de son mariage, s'entredisaient l'une à lautre : « N'est-ce point ici Noémi? »

Mais elle répondit: « Ne m'appelez point, je vous prie, Noémi » car Noémi veut dire gracieuse et belle « ains appelez-moi Mara, car le Seigneur a rempli mon âme damertume »:

ce qu'elle disait, d'autant que son mari lui était mort. Ainsi la veuve dévote ne veut jamais être appelée et estimée ni belle ni gracieuse, se contentant d'être ce que Dieu veut qu'elle soit, c'est-à-dire humble et abjecte à ses yeux.

Les lampes desquelles l'huile est aromatique jettent une plus suave odeur quand on éteint leurs flammes: ainsi les veuves, desquelles l'amour a été pur en leur mariage, répandent un plus grand parfum de vertu de chasteté quand leur lumière, c'est-à-dire leur mari, est éteinte par la mort.

D'aimer le mari tandis qu'il est en vie, c'est chose assez triviale entre les femmes; mais l'aimer tant, qu'après la mort dicelui on n'en veuille point d'autre, c'est un rang d'amour qui n'appartient qu'aux vraies veuves.

Espérer en Dieu, tandis que le mari sert de support, ce n'est pas chose si rare; mais d'espérer en Dieu quand ou est destitué de cet appui, c'est chose digne de grande louange: c'est pourquoi on connaît plus aisément en la viduité, la perfection des vertus que l'on a eues au mariage.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Sam 20 Jan - 23:36

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CHAPITRE XL

AVIS POUR LES VEUVES


La veuve laquelle a des enfants qui ont besoin de son adresse et conduite, et principalement en ce qui regarde leur âme et l'établissement de leur vie, ne peut ni ne doit en façon quelconque les abandonner; car lapôtre saint Paul dit clairement qu'elles sont obligées à ce soin-là, pour « rendre la pareille à leurs pères et mères », et d'autant encore que «si quelqu'un n'a soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il est pire qu'un infidèle. »

Mais si les enfants sont en état de n'avoir pas besoin d'être conduits, la veuve alors doit ramasser toutes ses affections et cogitations, pour les appliquer plus purement à son avancement en l'amour de Dieu.

Si quelque force forcée n'oblige la conscience de la vraie veuve aux embarrassements extérieurs, tels que sont les procès, je lui conseille de s'en abstenir du tout, et suivre la méthode de conduire ses affaires qui sera plus paisible et tranquille, quoiqu'il ne semblât pas que ce fût la plus fructueuse.

Car il faut que les fruits du tracas soient bien grands, pour être comparables au bien d'une sainte tranquillité; laissant à part que les procès et telles brouilleries dissipent le coeur et ouvrent souvent la porte aux ennemis de la chasteté, tandis que, pour complaire à ceux de la faveur desquels on a besoin, on se met en des contenances indévotes et désagréables à Dieu.

L'oraison soit le continuel exercice de la veuve; car ne devant plus avoir d'amour que pour Dieu, elle ne doit non plus presque avoir des paroles que pour Dieu.

Et comme le fer qui, étant empêché de suivre l'attraction de l'aimant à cause de la présence du diamant, sélance vers le même aimant soudain que le diamant est éloigné, ainsi le coeur de la veuve, qui ne pouvait bonnement s'élancer du tout en Dieu, ni suivre les attraits de son divin amour pendant la vie de son mari, doit soudain après le trépas dicelui courir ardemment à l'odeur des parfums célestes, comme disant, à limitation de l'Epouse sacrée:

« O Seigneur, maintenant que je suis toute mienne, recevez-moi pour toute vôtre; tirez-moi après vous; nous courrons à l'odeur de vos onguents. »

L'exercice des vertus propres à la sainte veuve sont la parfaite modestie, le renoncement aux honneurs, aux rangs, aux assemblées, aux titres et à telles sortes de vanités ; le service des pauvres et des malades, la consolation des affligés, l'introduction des filles à la vie dévote, et de se rendre un parfait exemplaire de toutes vertus aux jeunes femmes.

La netteté et la simplicité sont les deux ornements de leurs habits ; l'humilité et la charité, les deux ornements de leurs actions; l'honnêteté et débonnaireté, les deux ornements de leur langage; la modestie et la pudicité, l'ornement de leurs yeux; et Jésus-Christ crucifié, l'unique amour de leur coeur.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Lun 22 Jan - 0:01

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CHAPITRE XL
AVIS POUR LES VEUVES


Bref, la vraie veuve est en l'Eglise une petite violette de mars, qui répand une suavité nonpareille par l'odeur de sa dévotion, et se tient presque toujours cachée sous les larges feuilles de son abjection, et par sa couleur moins éclatante témoigne la mortification; elle vient ès lieux frais et non cultivés, ne voulant être pressée de la conversation des mondains, pour mieux conserver la fraîcheur de son coeur contre toutes les chaleurs, que le désir des biens, des honneurs ou même des amours lui pourrait apporter. « Elle sera bienheureuse, dit le saint Apôtre, si elle persévère en cette sorte. »

J'aurais beaucoup d'autres choses à dire sur ce sujet; mais j'aurai tout dit, quand j'aurai dit que la veuve, jalouse de l'honneur de sa condition, lise attentivement les belles épîtres que le grand saint Jérôme écrit à Furia et à Salvia, et à toutes ces autres dames qui furent si heureuses que d'être filles spirituelles d'un si grand père, car il ne se peut rien ajouter à ce quil leur dit, sinon cet avertissement: que la vraie veuve ne doit jamais ni blâmer ni censurer celles qui passent aux secondes ou même troisièmes et quatrièmes noces; car en certains cas Dieu en dispose ainsi pour sa plus grande gloire.

Et faut toujours avoir devant les yeux cette doctrine des Anciens, que ni la viduité ni la virginité nont point de rang au ciel, que celui qui leur est assigné par l'humilité.

CHAPITRE XLI
UN MOT AUX VIERGES


O vierges, si vous prétendez au mariage temporel, gardez donc jalousement votre premier amour pour votre premier mari. Je pense que c'est une grande tromperie de présenter, en lieu d'un coeur entier et sincère, un coeur tout usé, frelaté et tracassé d'amour. Mais si votre bonheur vous appelle aux chastes et virginales noces spirituelles, et qu'à jamais vous veuillez conserver votre virginité, o Dieu, conservez votre amour le plus délicatement que vous pourrez pour cet Epoux divin qui, étant la pureté même, n'aime rien tant que la pureté, et à qui les prémices de toutes choses sont dues, mais principalement celles de l'amour. Les épîtres de saint Jérôme vous fourniront tous les avis qui vous sont nécessaires; et puisque votre condition vous oblige à l'obéissance, choisissez un guide, sous la conduite duquel vous puissiez plus saintement dédier votre coeur et votre corps à sa divine Majesté.

QUATRIÈME PARTIE DE L'INTRODUCTION
CONTENANT LES AVIS NÉCESSAIRES CONTRE LES TENTATIONS PLUS ORDINAIRES

CHAPITRE I
QU'IL NE FAUT POINT S'AMUSER AUX PAROLES DES ENFANTS DU MONDE


Tout aussitôt que les mondains s'apercevront que vous voulez suivre la vie dévote, ils décocheront sur vous mille traits de leur cajolerie et médisance : les plus malins calomnieront votre changement dhypocrisie, bigoterie et artifices; ils diront que le monde vous a fait mauvais visage, et qu'à son refus vous recourez à Dieu ; vos amis s'empresseront à vous faire un monde de remontrances, fort prudentes et charitables à leur avis :

« Vous tomberez, diront-ils, en quelque humeur mélancolique, vous perdrez crédit au monde, vous vous rendrez insupportable, vous envieillirez devant le temps, vos affaires domestiques en pâtiront ; il faut vivre au monde comme au monde; on peut bien faire son salut sans tant de mystères »; et mille telles bagatelles.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Lun 22 Jan - 22:30

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QUATRIÈME PARTIE DE L'INTRODUCTION

CONTENANT LES AVIS NÉCESSAIRES CONTRE LES TENTATIONS PLUS ORDINAIRES

CHAPITRE I

QU'IL NE FAUT POINT S'AMUSER AUX PAROLES DES ENFANTS DU MONDE


Ma Philothée, tout cela n'est qu'un sot et vain babil; ces gens-là n'ont nul soin ni de votre santé ni de vos affaires. « Si vous étiez du monde, dit le Sauveur, le monde aimerait ce qui est sien; mais parce que vous n'êtes pas du monde, partant il vous hait. »

Nous avons vu des gentilshommes et des dames passer la nuit entière, ains plusieurs nuits de suite, à jouer aux échecs et aux cartes. Y a-t-il une attention plus chagrine, plus mélancolique et plus sombre que celle-là, les mondains néanmoins ne disaient mot, les amis ne se mettaient point en peine; et pour la méditation d'une heure, ou pour nous voir lever un peu plus matin quà l'ordinaire pour nous préparer à la communion, chacun court au médecin, pour nous faire guérir de l'humeur hypocondriaque et de la jaunisse.

On passera trente nuits à danser: nul ne s'en plaint ; et pour la veille seule de la nuit de Noël, chacun tousse et crie au ventre le jour suivant. Qui ne voit que le monde est un juge inique, gracieux et favorable pour ses enfants, mais âpre et rigoureux aux enfants de Dieu?

Nous ne saurions être bien avec le monde, quen nous perdant avec lui. Il n'est pas possible que nous le contentions, car il est trop bizarre « Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ni buvant, et vous dites qu'il est endiablé; le Fils de lhomme est venu en mangeant et buvant, et vous dites qu'il est Samaritain. »

Il est vrai, Philothée; si nous nous relâchons par condescendance à rire, jouer, danser avec le monde, il s'en scandalisera; si nous ne le faisons pas, il nous accusera d'hypocrisie ou mélancolie ; si nous nous parons, il l'interprétera à quelque dessein; si nous nous démettons, ce sera pour lui vileté de coeur; nos gaîtés seront par lui nommées dissolutions, et nos mortifications tristesses; et nous regardant ainsi de mauvais oeil, jamais nous ne pouvons lui être agréables.

Il agrandit nos imperfections et publie que ce sont des péchés; de nos péchés véniels, il en fait des mortels; et nos péchés d'infirmité, il les convertit en péchés de malice. En lieu que, comme dit saint Paul, « la charité est bénigne », au contraire le monde est malin; au lieu que « la charité ne pense point de mal », au contraire le monde pense toujours mal ; et quand il ne peut accuser nos actions, ii accuse nos intentions.

Soit que les moutons aient des cornes ou qu'ils n'en aient point, qu'ils soient blancs ou qu'ils soient noirs, le loup ne laissera pas de les manger, s'il peut.

Quoi que nous fassions, le monde nous fera toujours la guerre: si nous sommes longuement devant le confesseur, il demandera que c'est que nous pouvons tant dire; si nous y sommes peu, il dira que nous ne disons pas tout.

Il épiera tous nos mouvements, et pour une seule petite parole de colère, il protestera que nous sommes insupportables; le soin de nos affaires lui semblera avarice, et notre douceur, niaiserie ; et quant aux enfants du monde, leurs colères sont générosités, leurs avarices, ménages; leurs privautés, entretiens honorables : les araignes gâtent toujours l'ouvrage des abeilles.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Mar 23 Jan - 22:19

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CHAPITRE I

QU'IL NE FAUT POINT S'AMUSER AUX PAROLES DES ENFANTS DU MONDE


Laissons cet aveugle, Philothée : qu'il crie tant quil voudra, comme un chat-huant, pour inquiéter les oiseaux du jour. Soyons fermes en nos desseins, invariables en nos résolutions; la persévérance fera bien voir si c'est à certes et tout de bon que nous sommes sacrifiés à Dieu et rangés à la vie dévote.

Les comètes et les planètes sont presque également lumineuses en apparence; mais les comètes disparaissent en peu de temps, n'étant que de certains feux passagers, et les planètes ont une clarté perpétuelle :

ainsi l'hypocrisie et la vraie vertu ont beaucoup de ressemblance en l'extérieur; mais on reconnaît aisément lune d'avec l'autre, parce que l'hypocrisie na point de durée et se dissipe comme la fumée en montant, mais la vraie vertu est toujours ferme et constante.

Ce ne nous est pas une petite. commodité pour bien assurer le commencement de notre dévotion, que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie; car nous évitons par ce moyen le péril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages-femmes d'Egypte, auxquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfants mâles d'Israël, le jour même de leur naissance.

Nous sommes crucifiés au monde et le monde nous doit être crucifié; il nous tient pour fols: tenons-le pour insensé.

CHAPITRE II

QUIL FAUT AVOIR BON COURAGE


La lumière, quoique belle et désirable à nos yeux, les éblouit néanmoins, après qu'ils ont été en des longues ténèbres; et devant que l'on se voie apprivoisé avec les habitants de quelques pays, pour courtois et gracieux qu'ils soient, on s'y trouve aucunement étonné.

Il se pourra bien faire, ma chère Philothée, qu'à ce changement de vie plusieurs soulèvements se feront en votre intérieur, et que ce grand et général adieu que vous avez dit aux folies et niaiseries du monde vous donnera quelque ressentiment de tristesse et découragement.

Si cela vous arrive, ayez un peu de patience, je vous prie, car ce ne sera rien : ce n'est qu'un peu d'étonnement que la nouveauté vous apporte; passé cela, vous recevrez dix mille consolations.

Il vous fâchera peut-être d'abord de quitter la gloire que les fols et moqueurs vous donnaient en vos vanités; mais, o Dieu, voudriez-vous bien perdre l'éternelle, que Dieu vous donnera en vérité?

Les vains amusements et passe-temps, èsquels vous avez employé les années passées, se représenteront encore à votre coeur pour l'appâter et faire retourner de leur côté; mais auriez-vous bien le courage de renoncer à cette heureuse éternité pour des si trompeuses légèretés ?

Croyez-moi, si vous persévérez, vous ne tarderez pas de recevoir des douceurs cordiales si délicieuses et agréables, que vous confesserez que le monde n'a que du fiel en comparaison de ce miel, et qu'un seul jour de dévotion vaut mieux que mille années de la vie mondaine.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Mer 24 Jan - 22:47

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CHAPITRE II

QUIL FAUT AVOIR BON COURAGE


Mais vous voyez que la montagne de la perfection chrétienne est extrêmement haute : «Eh! mon Dieu, ce dites-vous, comment pourrai-je monter? » Courage! Philothée, quand les petits mouchons des abeilles commencent à prendre forme, on les appelle nymphes: et lors, ils ne sauraient encore voler sur les fleurs, ni sur les monts, ni sur les collines voisines, pour amasser le miel, mais petit à petit, se nourrissant du miel que leurs mères ont préparé, ces petites nymphes prennent des ailes et se fortifient, en sorte que par après ils volent à la quête par tout le paysage.

Il est vrai, nous sommes encore de petits mouchons en la dévotion : nous ne saurions monter selon notre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre à la cime de la perfection chrétienne; mais si commençons-nous à prendre forme par nos désirs et résolutions ; les ailes nous commencent à sortir: il faut donc espérer qu'un jour nous serons abeilles spirituelles et que nous volerons; et tandis, vivons du miel de tant d'enseignements que les anciens dévots nous ont laissés, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, afin que non seulement nous puissions voler au temps de la vie présente, mais aussi nous reposer en l'éternité de la future.

CHAPITRE III

DE LA NATURE DES TENTATIONS ET DE LA DIFFÉRENCE
QU'IL Y A ENTRE SENTIR LA TENTATION ET CONSENTIR A ICELLE


Imaginez-vous, Philothée, une jeune princesse extrêmement aimée de son époux; et quelque méchant, pour la débaucher et souiller son lit nuptial, lui envoie quelque infâme messager d'amour, pour traiter avec elle son malheureux dessein.

Premièrement, ce messager propose à cette princesse l'intention de son maître; secondement, la princesse agrée ou désagrée la proposition et l'ambassade; en troisième lieu, ou elle consent ou elle refuse. Ainsi Satan, le monde et la chair, voyant une âme épousée au Fils de Dieu, lui envoient des tentations et suggestions par lesquelles :

1. le péché lui est proposé; 2.. sur quoi, elle se plaît ou elle se déplaît; 3. enfin elle consent ou elle refuse; qui sont en somme les trois degrés pour descendre à l'iniquité : la tentation, la délectation et le consentement ; et bien que ces trois actions ne se connaissent pas si manifestement en toutes autres sortes de péchés, si est-ce qu'elles se connaissent palpablement aux grands et énormes péchés.

Quand la tentation, de quelque péché que ce soit, durerait toute notre vie, elle ne saurait nous rendre désagréables à la divine Majesté, pourvu qu'elle ne nous plaise pas et que nous n'y consentions pas; la raison est, parce qu'en la tentation nous n'agissons pas, mais nous souffrons; et puisque nous n'y prenons point plaisir, nous ne pouvons aussi en avoir aucune sorte de coulpe. Saint Paul souffrit longuement les tentations de la chair, et tant s'en faut que pour cela il fût désagréable à Dieu, qu'au contraire Dieu était glorifié par icelles; la bienheureuse Angèle de Foligny sentait des tentations charnelles si cruelles, qu'elle fait pitié quand elle les raconte; grandes furent aussi les tentations que souffrit saint François et saint Benoît, lorsque l'un se jeta dans les épines et l'autre dans la neige, pour les mitiger ; et néanmoins ils ne perdirent rien de la grâce de Dieu pour tout cela, ains l'augmentèrent de beaucoup.

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Message par ami de la Miséricorde Ven 26 Jan - 5:06

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CHAPITRE III

DE LA NATURE DES TENTATIONS ET DE LA DIFFÉRENCE
QU'IL Y A ENTRE SENTIR LA TENTATION ET CONSENTIR A ICELLE


Il faut donc être fort courageuse, Philothée, emmi les tentations, et ne se tenir jamais pour vaincue pendant quelles vous déplairont, en bien observant cette différence qu'il y a entre sentir et consentir, qui est qu'on les peut sentir, encore qu'elles nous déplaisent, mais on ne peut consentir sans qu'elles nous plaisent, puisque le plaisir, pour l'ordinaire, sert de degré pour venir au consentement.

Que donc les ennemis de notre salut nous présentent tant qu'ils voudront d'amorces et d'appas, qu'ils demeurent toujours à la porte de notre coeur pour entrer, qu'ils nous fassent tant de propositions qu'ils voudront; mais tandis que nous aurons résolution de ne point nous plaire en tout cela, il n'est pas possible que nous offensions Dieu; non plus que le prince, époux de la princesse que j'ai représentée ne lui peut savoir mauvais gré du message qui lui est envoyé, si elle n'y a pris aucune sorte de plaisir.

Il y a néanmoins cette différence entre l'âme et cette princesse pour ce sujet, que la princesse, ayant ouï la proposition déshonnête, peut si bon lui semble, chasser le messager et ne le plus ouïr; mais il n'est pas toujours au pouvoir de l'âme de ne point sentir la tentation, bien qu'il soit toujours en son pouvoir de ne point y consentir; c'est pourquoi, encore que la tentation dure et persévère longtemps, elle ne peut nous nuire, tandis quelle nous est désagréable.

Mais quant à la délectation qui peut suivre la tentation, pour autant que nous avons deux parties en notre âme, l'une inférieure et l'autre supérieure, et que l'inférieure ne suit pas toujours la supérieure ains fait son cas à part, il arrive maintes fois que la partie inférieure se plaît en la tentation, sans le consentement, ains contre le gré de la supérieure:

c'est la dispute et la guerre que l'apôtre saint Paul décrit, quand il dit que « sa chair convoite contre son esprit », qu'il y a « une loi des membres et une loi de l'esprit », et semblables choses.

Avez-vous jamais vu, Philothée, un grand brasier de feu couvert de cendres ? Quand on vient dix ou douze heures après pour y chercher du feu, on n'en trouve qu'un peu au milieu du foyer, et encore on a peine de le trouver ; il y était néanmoins, puisqu'on l'y trouve, et avec icelui on peut rallumer tous les autres charbons déjà éteints.

C'en est de même de la charité, qui est notre vie spirituelle, parmi les grandes et violentes tentations : car la tentation jetant sa délectation en la partie inférieure, couvre, ce semble, toute l'âme de cendres, et réduit l'amour de Dieu au petit pied, car il ne paraît plus en nulle part sinon au milieu du coeur, au fin fond de l'esprit; encore semble-t-il quil n'y soit pas, et a-t-on peine de le trouver.

Il y est néanmoins en vérité, puisque, quoique tout soit en trouble en notre âme et en notre corps, nous avons la résolution de ne point consentir au péché ni à la tentation, et que la délectation qui plaît à notre homme extérieur déplaît à l'intérieur, et quoiqu'elle soit tout autour de notre volonté, si n'est-elle pas dans icelle: en quoi l'on voit que telle délectation est involontaire, et étant telle ne peut être péché.

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Message par ami de la Miséricorde Ven 26 Jan - 22:12

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CHAPITRE IV

DEUX BEAUX EXEMPLES SUR CE SUJET


Il vous importe tant de bien entendre ceci, que je ne ferai nulle difficulté de métendre à l'expliquer. Le jeune homme, duquel parle saint Jérôme, qui couché et attaché avec des écharpes de soie bien délicatement sur un lit mollet, était provoqué par toutes sortes de vilains attouchements et attraits d'une impudique femme, qui était couchée avec lui exprès pour ébranler sa constance, ne devait-il pas sentir d'étranges accidents ? ses sens ne devaient-ils pas être saisis de la délectation, et son imagination extrêmement occupée de cette présence des objets voluptueux ?

Sans doute, et néanmoins parmi tant de troubles, emmi un si terrible orage de tentations et entre tant de voluptés qui sont tout autour de lui, il témoigne que son coeur n'est point vaincu et que sa volonté n'y consent nullement, puisque son esprit voyant tout rebellé contre lui, et n'ayant plus aucune des parties de son corps à son commandement sinon la langue, il se la coupa avec les dents et la cracha sur le visage de cette vilaine âme, qui tourmentait la sienne plus cruellement par la volupté, que les bourreaux n'eussent jamais su faire par les tourments; aussi le tyran, qui se défiait de la vaincre par les douleurs, pensait la surmonter par ces plaisirs.

L'histoire du combat de sainte Catherine de Sienne en un pareil sujet est du tout admirable: en voici le sommaire. Le malin esprit eut congé de Dieu d'assaillir la pudicité de cette sainte vierge, avec la plus grande rage qu'il pourrait, pourvu toutefois quil ne la touchât point.

Il fit donc toutes sortes dimpudiques suggestions à son coeur, et pour tant plus l'émouvoir, venant avec ses compagnons en forme dhommes et de femmes, il faisait mille et mille sortes de charnalités et lubricités à sa vue; ajoutant des paroles et semonces très déshonnêtes, et bien que toutes ces choses fussent extérieures, si est-ce que par le moyen des sens elles pénétraient bien avant dedans le coeur de la vierge, lequel, comme elle confessait elle-même, en était tout plein, ne lui restant plus que la fine pure volonté supérieure, qui ne fût agitée de cette tempête de vilenie et délectation charnelle.

Ce qui dura fort longuement, jusques à tant qu'un jour Notre Seigneur lui apparut, et elle lui dit: « Où étiez-vous, mon doux Seigneur, quand mon coeur était plein de tant de ténèbres et d'ordures? » A quoi il répondit

« J'étais dedans ton coeur, ma fille. » « Et comment, répliqua-t-elle, habitez-vous dedans mon coeur, dans lequel il y avait tant de vilenies ? habitez-vous donc en des lieux si déshonnêtes? » Et Notre Seigneur lui dit : « Dis-moi, ces tiennes sales cogitations de ton coeur te donnaient-elles plaisir ou tristesse, amertume ou délectation? » Et elle dit:

« Extrême amertume et tristesse. » Et lui répliqua: « Qui était celui qui mettait cette grande amertume et tristesse dedans ton coeur, sinon moi qui demeurais caché dedans le milieu de ton âme ?

Crois, ma fille, que si je n'eusse pas été présent, ces pensées, qui étaient autour de ta volonté et ne pouvaient l'expugner, l'eussent sans doute surmontée et seraient entrées dedans, eussent été reçues avec plaisir par ton libéral arbitre, et ainsi eussent donné la mort à ton âme; mais parce que j'étais dedans, je mettais ce déplaisir et cette résistance en ton coeur par laquelle il se refusait tant qu'il pouvait à la tentation, et ne pouvant pas tant qu'il voulait, il en sentait un plus grand déplaisir et une plus grande haine contre icelle et contre soi-même; et ainsi ces peines étaient un grand mérite et un grand accroissement de ta vertu et de ta force.»

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Dim 28 Jan - 0:24

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CHAPITRE IV

DEUX BEAUX EXEMPLES SUR CE SUJET


Voyez-vous, Philothée, comme ce feu était couvert de la cendre, et que la tentation et délectation était même entrée dedans le coeur et avait environné la volonté, laquelle seule, assistée de son Sauveur, résistait par des amertumes, des déplaisirs et détestations du mal qui lui était suggéré, refusant perpétuellement son consentement au péché qui l'environnait.

O Dieu, quelle détresse a une âme qui aime Dieu, de ne savoir seulement pas s'il est en elle ou non, et si l'amour divin, pour lequel elle combat, est du tout éteint en elle, ou non! Mais c'est la fine fleur de la perfection de l'amour céleste que de faire souffrir et combattre l'amant pour l'amour, sans savoir s'il a l'amour pour lequel et par lequel il combat.

CHAPITRE V

ENCOURAGEMENT A L'AME QUI EST ÈS TENTATIONS


Ma Philothée, ces grands assauts et ces tentations si puissantes ne sont jamais permises de Dieu que contre les âmes, lesquelles il veut élever à son pur et excellent amour ; mais il ne s'ensuit pas pourtant, qu'après cela elles soient assurées d'y parvenir, car il est arrivé maintes fois, que ceux qui avaient été constants en de si violentes attaques, ne correspondant pas par après fidèlement à la faveur divine, se sont trouvés vaincus en des bien petites tentations.

Ce que je dis, afin que, s'il vous arrive jamais d'être affligée de si grande tentation, vous sachiez que Dieu vous favorise d'une faveur extraordinaire, par laquelle il déclare qu'il vous veut agrandir devant sa face, et que néanmoins vous soyez toujours humble et craintive, ne vous assurant pas de pouvoir vaincre les menues tentations après avoir surmonté les grandes, sinon par une continuelle fidélité à l'endroit de sa Majesté.

Quelques tentations donc qui vous arrivent et quelque délectation qui s'ensuive, tandis que votre volonté refusera son consentement, non seulement à la tentation mais encore à la délectation, ne vous troublez nullement, car Dieu n'en est point offensé.

Quand un homme est pâmé, et qu'il ne rend plus aucun témoignage de vie, on lui met la main sur le coeur, et pour peu que l'on y sente de mouvement, on juge qu'il est en vie et que, par le moyen de quelque eau précieuse et de quelque épithème, on peut lui faire reprendre force et sentiment.

Ainsi arrive-t-il quelquefois que, par la violence des tentations, il semble que notre âme est tombée en une défaillance totale de ses forces, et que comme pâmée elle n'a plus ni vie spirituelle ni mouvement; mais si nous voulons connaître ce que c'en est, mettons la main sur le coeur :

considérons si le coeur et la volonté font leur devoir à refuser de consentir et suivre la tentation et délectation; car pendant que le mouvement du refus est dedans notre coeur, nous sommes assurés que la charité, vie de notre âme, est en nous, et que Jésus-Christ notre Sauveur se trouve dans notre âme, quoique caché et couvert; si que, moyennant l'exercice continuel de l'oraison, des sacrements et de la confiance en Dieu, nos forces reviendront en nous et nous vivrons d'une vie entière et délectable.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Dim 28 Jan - 22:17

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CHAPITRE VI

COMME LA TENTATION ET DÉLECTATION PEUVENT ÊTRE PÉCHÉ


La princesse de laquelle nous avons parlé ne peut mais de la recherche déshonnête qui lui est faite, puisque, comme nous avons présupposé, elle lui arrive contre son gré; mais si au contraire elle avait par quelques attraits donné sujet à la recherche, ayant voulu donner de l'amour à celui qui la muguette, indubitablement elle serait coupable de la recherche même.

Et quoiquelle en fît la délicate, elle ne laisserait pas d'en mériter du blâme et de la punition. Ainsi arrive-t-il quelquefois, que la seule tentation nous met en péché, parce que nous sommes cause dicelle.

Par exemple, je sais que jouant j'entre volontiers en rage et blasphème, et que le jeu me sert de tentation à cela: je pèche toutes fois et quantes que je jouerai, et suis coupable de toutes les tentations qui m'arriveront au jeu.

De même, si je sais que quelque conversation m'apporte de la tentation et de la chute, et j'y vais volontairement, je suis indubitablement coupable de toutes les tentations que j'y recevrai.

Quand la délectation qui arrive de la tentation peut être évitée, c'est toujours péché de la recevoir, selon que le plaisir que l'on y prend et le consentement que l'on y donne est grand ou petit, de longue et de petite durée.

C'est toujours chose blâmable à la jeune princesse, de laquelle nous avons parlé, si non seulement elle écoute la proposition sale et déshonnête qui lui est faite, mais encore, après l'avoir ouïe, elle prend plaisir en icelle, entretenant son coeur avec contentement sur cet objet; car bien qu'elle ne veuille pas consentir à l'exécution réelle de ce qui lui est proposé, elle consent néanmoins à lapplication spirituelle de son coeur par le contentement qu'elle y prend, et c'est toujours chose déshonnête d'appliquer ou le coeur ou le corps à chose déshonnête; ains la déshonnêteté consiste tellement à l'application du coeur, que sans icelle l'application du corps ne peut être péché.

Quand donc vous serez tentée de quelque péché, considérez si vous avez donné volontairement sujet d'être tentée, et lors la tentation même vous met en état de péché, pour le hasard auquel vous vous êtes jetée. Et cela s'entend, si vous avez pu éviter commodément l'occasion, et que vous ayez prévu ou dû prévoir l'arrivée de la tentation, elle ne peut aucunement vous être imputée à péché.

Quand la délectation qui suit la tentation a pu être évitée, et que néanmoins on ne l'a pas évitée, il y a toujours quelque sorte de péché, selon que l'on y a peu ou prou arrêté, et selon la cause du plaisir que nous y avons pris.Une femme, laquelle n'ayant point donné de sujet d'être muguetée, prend néanmoins plaisir à l'être, ne laisse pas d'être blâmable, si le plaisir qu'elle y prend n'a point d'autre cause que la muguetterie.

Par exemple, si le galant qui lui veut donner de l'amour sonnait exquisement bien du luth et qu'elle prît plaisir, non pas à la recherche qui est faite de son amour, mais à l'harmonie et douceur du son du luth, il n'y aurait point de péché, bien qu'elle ne devrait pas continuer longuement en ce plaisir, de peur de faire passage dicelui à la délectation de la recherche.

De même donc, si quelqu'un me propose quelque stratagème plein d'invention et d'artifice pour me venger de mon ennemi, et que je ne prenne pas plaisir ni ne donne aucun consentement à la vengeance qui m'est proposée, mais seulement à la subtilité de l'invention de l'artifice, sans doute je ne pèche point, bien qu'il ne soit pas expédient que je m'amuse beaucoup à ce plaisir, de peur que petit à petit il ne me porte à quelque délectation de la vengeance même.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Lun 29 Jan - 23:06

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CHAPITRE VI

COMME LA TENTATION ET DÉLECTATION PEUVENT ÊTRE PÉCHÉ


On est quelquefois surpris de quelque chatouillement de délectation qui suit immédiatement la tentation, devant que bonnement on s'en soit pris garde; et cela ne peut être pour le plus qu'un bien léger péché véniel, lequel se rend plus grand si, après que l'on s'est aperçu du mal où l'on est, on demeure par négligence quelque temps à marchander avec la délectation, si l'on doit l'accepter ou la refuser ; et encore plus grand si, en s'en apercevant, on demeure en icelle quelque temps par vraie négligence, sans nulle sorte de propos de la rejeter.

Mais lorsque volontairement et de propos délibéré nous sommes résolus de nous plaire en telles délectations, ce propos même délibéré est un grand péché, si l'objet pour lequel nous avons délectation est notablement mauvais. C'est un grand vice à une femme de vouloir entretenir de mauvaises amours, quoiqu'elle ne veuille jamais s'adonner réellement à l'amoureux.

CHAPITRE VII

REMÈDES AUX GRANDES TENTATIONS


Sitôt que vous sentez en vous quelques tentations, faites comme les petits enfants, quand ils voient le loup ou l'ours en la campagne; car tout aussitôt, ils courent entre les bras de leur père et de leur mère, ou pour le moins les appellent à leur aide et secours. Recourez de même à Dieu, réclamant sa Miséricorde et son secours: c'est le remède que Notre Seigneur enseigne: « Priez, afin que vous nentriez point en tentation. »

Si vous voyez que néanmoins la tentation persévère ou qu'elle accroisse, courez en esprit embrasser la sainte Croix, comme si vous voyiez Jésus-Christ crucifié devant vous; protestez que vous ne consentirez point à la tentation et demandez-lui secours contre icelle, et continuez toujours à protester de ne vouloir point consentir, tandis que la tentation durera.

Mais en faisant ces protestations et ces refus de consentement, ne regardez point au visage de la tentation, ains seulement regardez Notre Seigneur; car si vous regardez la tentation, principalement quand elle est forte, elle pourrait ébranler votre courage.

Divertissez votre esprit par quelques occupations bonnes et louables; car ces occupations, entrant dedans votre coeur et prenant place, elles chasseront les tentations et suggestions malignes.

Le grand remède contre toutes tentations, grandes ou petites, c'est de déployer son coeur, et de communiquer les suggestions, ressentiments et affections que nous avons, à notre directeur; car notez que la première condition que le malin fait avec l'âme qu'il veut séduire, c'est du silence, comme font ceux qui veulent séduire les femmes et les filles, qui de prime abord défendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux pères ni aux maris:

où au contraire Dieu, en ses inspirations, demande sur toutes choses que nous les fassions reconnaître par nos supérieurs et conducteurs.

Que si, après tout cela, la tentation s'opiniâtre à nous travailler et persécuter, nous n'avons rien à faire, sinon à nous opiniâtrer de notre côté en la protestation de ne vouloir point consentir; car, comme les filles ne peuvent être mariées, pendant qu'elles disent que non, ainsi l'âme, quoique troublée, ne peut jamais être offensée, pendant qu'elle dit que non.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Mer 31 Jan - 6:46

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CHAPITRE VII

REMÈDES AUX GRANDES TENTATIONS


Ne disputez point avec votre ennemi et ne lui répondez jamais une seule parole, sinon celle que Notre Seigneur lui répondit, avec laquelle il le confondit: « Arrière, o Satan, tu adoreras le Seigneur ton Dieu et à lui seul serviras. »

Et comme la chaste femme ne doit répondre un seul mot, ni regarder en face le vilain poursuivant qui lui propose quelque déshonnêteté, mais le quittant tout court, doit à même instant retourner son coeur du côté de son époux, et rejurer la fidélité qu'elle lui a promise, sans s'amuser à barguigner, ainsi la dévote âme, se voyant assaillie de quelque tentation, ne doit nullement s'amuser à disputer ni répondre, mais tout simplement se retourner du côté de Jésus-Christ son époux, et lui protester derechef de sa fidélité, et de vouloir être à jamais uniquement toute sienne.

CHAPITRE VIII

QU'IL FAUT RÉSISTER AUX MENUES TENTATIONS


Quoiqu'il faille combattre les grandes tentations avec un courage invincible, et que la victoire que nous en rapportons nous soit extrêmement utile, si est-ce néanmoins quà l'aventure on fait plus de profit à bien combattre les petites; car, comme les grandes surpassent en qualité, les petites aussi surpassent si démesurément en nombre, que la victoire dicelles peut être comparable à celle des plus grandes.

Les loups et les ours sont sans doute plus dangereux que les mouches, mais si nous ne font-ils pas tant d'importunité et d'ennui, ni n'exercent pas tant notre patience. C'est chose bien aisée que de s'empêcher du meurtre, mais c'est chose difficile d'éviter les menues colères, desquelles les occasions se présentent à tout moment.

C'est chose bien aisée à un homme ou à une femme de s'empêcher de l'adultère, mais ce n'est pas chose si facile de s'empêcher des oeillades, de donner ou recevoir de l'amour, de procurer des grâces et menues faveurs, de dire et recevoir des paroles de cajolerie.

Il est bien aisé de ne point donner de corrival au mari ni de corrivale à la femme, quant au corps, mais il n'est pas si aisé de n'en point donner quant au coeur; bien aisé, de ne point souiller le lit du mariage, mais bien malaisé de ne point intéresser l'amour du mariage; bien aisé, de ne point dérober le bien dautrui, mais malaisé de ne point le mugueter et convoiter; bien aisé, de ne point dire de faux témoignage en jugement, mais malaisé de ne point mentir en conversation; bien aisé, de ne point s'enivrer, mais malaisé d'être sobre; bien aisé, de ne point désirer la mort d'autrui, mais malaisé de ne point désirer son incommodité; bien aisé, de ne le point diffamer, mais malaisé de ne le point mépriser.

Bref, ces menues tentations de colères, de soupçons, de jalousie, d'envie, d'amourettes, de folâtrerie, de vanités, de duplicités, d'afféterie, d'artifices, de cogitations déshonnêtes, ce sont les continuels exercices de ceux mêmes qui sont plus dévots et résolus: c'est pourquoi, ma chère Philothée, il faut qu'avec grand soin et diligence nous nous préparions à ce combat; et soyez assurée qu'autant de victoires que nous rapportons contre ces petits ennemis, autant de pierres précieuses seront mises en la couronne de gloire, que Dieu nous prépare en son paradis. C'est pourquoi je dis, qu'attendant de bien et vaillamment combattre les grandes tentations, si elles viennent, il nous faut bien et dignement défendre de ces menues et faibles attaques.

Source : Livres-mystiques.com

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Message par ami de la Miséricorde Mer 31 Jan - 23:11

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CHAPITRE IX

COMME IL FAUT REMÉDIER AUX MENUES TENTATIONS


Or donc, quant à ces menues tentations de vanité, de soupçon, de chagrin, de jalousie, d'envie, d'amourettes, et semblables tricheries qui, comme mouches et moucherons, viennent passer devant nos yeux, et tantôt nous piquer sur la joue, tantôt sur le nez, parce qu'il est impossible d'être tout à fait exempt de leur importunité, la meilleure résistance qu'on leur puisse faire, c'est de ne s'en point tourmenter ; car tout cela ne peut nuire, quoiqu'il puisse faire de l'ennui, pourvu que l'on soit bien résolu de vouloir servir Dieu.

Méprisez donc ces menues attaques et ne daignez pas seulement penser à ce qu'elles veulent dire, mais laissez-les bourdonner autour de vos oreilles tant qu'elles voudront, et courir çà et là autour de vous, comme l'on fait des mouches; et quand elles viendront vous piquer, et que vous les verrez aucunement s'arrêter en votre coeur, ne faites autre chose que de tout simplement les ôter, non point combattant contre elles, ni leur répondant, mais faisant des actions contraires, quelles qu'elles soient, et spécialement de l'amour de Dieu.

Car si vous me croyez, vous ne vous opiniâtrerez pas à vouloir opposer la vertu contraire, à la tentation que vous sentez, parce que ce serait quasi vouloir disputer avec elle. Mais après avoir fait une action de cette vertu directement contraire, si vous avez eu le loisir de reconnaître la qualité de la tentation, vous ferez un simple retour de votre coeur, du côté de Jésus-Christ crucifié, et par une action d'amour en son endroit, vous lui baiserez les sacrés pieds.

C'est le meilleur moyen de vaincre l'ennemi, tant ès petites quès grandes tentations; car l'amour de Dieu contenant en soi toutes les perfections de toutes les vertus, et plus excellemment que les vertus mêmes, il est aussi un plus souverain remède contre tous vices ; et votre esprit s'accoutumant en toutes tentations de recourir à ce rendez-vous général, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a; mais simplement se sentant troublé, il s'accoisera en ce grand remède, lequel outre cela est si épouvantable au malin esprit, que quand il voit que ses tentations nous provoquent à ce divin amour, il cesse de nous en faire.

Et voilà quant aux menues et fréquentes tentations, avec lesquelles qui voudrait s'amuser par le menu, il se morfondrait et ne ferait rien.

CHAPITRE X

COMME IL FAUT FORTIFIER SON COEUR CONTRE LES TENTATIONS


Considérez de temps en temps quelles passions dominent le plus en votre âme; les ayant découvertes, prenez une façon de vivre qui leur soit toute contraire, en pensées, en paroles et en oeuvres. Par exemple, si vous vous sentez inclinée à la passion de la vanité, faites souvent des pensées de la misère de cette vie humaine; combien ces vanités seront ennuyeuses à la conscience, au jour de la mort; combien elles sont indignes dun coeur généreux; que ce ne sont que badineries et amusements de petits enfants, et semblables choses.

Parlez souvent contre la vanité; et encore qu'il vous semble que ce soit à contrecoeur, ne laissez pas de la bien mépriser, car par ce moyen vous vous engagerez même de réputation au parti contraire; et à force de dire contre quelque chose, nous nous émouvons à la haïr, bien qu'au commencement nous lui eussions de l'affection.

Faites des oeuvres d'abjection et d'humilité le plus que vous pourrez, encore qu'il vous semble que ce soit à regret; car par ce moyen vous vous habituez à l'humilité et affaiblissez votre vanité, en sorte que quand la tentation viendra, votre inclination ne la pourra pas tant favoriser, et vous aurez plus de force pour la combattre.

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