Bonjour,
Sur l'infaillibilité de l'Église, il me faut y revenir. Oui. Parce que, malgré ce ton comminatoire que vous avez voulu employer à mon égard, cher Emmanuel, ce que vous avez suggéré plus haut n'était pas exact.
Voyez :
Vous m'avez produit un article du site aleteia.
aleteia
L'infaillibilité ne joue que dans des conditions très restrictives [...] il faut ensuite qu'il engage explicitement son autorité apostolique, celle qu'il détient comme successeur de Pierre : sont ainsi exclues les prises de position personnelle et les enseignements de circonstance, même très officiels comme les encycliques.
(voir 14 décembre, message numéro 10)
Votre article laisse clairement entendre que les encycliques des Papes ne seraient pas couverts par l'infaillibilité du pape et de l'Église. Vous vous rendez compte ? Quelle est la source de ce discours ? Ce n'est pourtant pas ce que l'Église enseigne.
Pie XI :
Pie XI
«Le magistère de l'Église, établi ici-bas d'après le dessein de Dieu pour garder perpétuellement intact le dépôt des vérités révélées et en assurer la connaissance aux hommes, s'exerce chaque jour par le Pontife Romain et les évêques en communion avec lui : mais il comporte encore, toutes les fois qu'il est nécessaire, pour s'opposer plus efficacement aux erreurs et aux attaques des hérétiques ou développer avec plus de clarté ou de détails certains points de la doctrine sacrée, afin de les faire mieux pénétrer dans l'esprit des fidèles, la mission de procéder par décrets à des définitions opportunes et solennelles»
(Mortalium animos, 6 janvier 1928)
Encore Pie XI :
«Rien ne convient moins à un chrétien ... de regarder l'Église, envoyée par Dieu, cependant, pour enseigner et régir toutes les nations, comme médiocrement informée des choses présentes et de leurs aspects actuels ou même de n'accorder son assentiment et son obéissance qu'aux définitions plus solennelles dont Nous avons parlé, comme si l'on pouvait prudemment penser que les autres décisions de l'Église sont entachées d'erreur ou qu'elles n'ont pas un fondement suffisant de vérité et d'honnêteté»
(Casti Connubi, 31 janvier 1930)
Ce texte de Pie XI détruit à lui seul l'article d'aleteia suggérant que les encycliques des papes pourraient contenir des erreurs dommageables pour la foi, ou qu'ils ne seraient pas des interventions du magistère enseignant de l'Église jouissant de l'infaillibilité, etc.
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Pie XII :
Pie XII
«Il ne faut pas estimer non plus que ce qui est proposé dans les encycliques ne demande pas de soi l'assentiment, les Papes n'y exerçant pas le pouvoir suprême de leur magistère. Cet enseignement est celui du magistère ordinaire auquel s'applique aussi la parole : «Qui vous écoute, m'écoute» (Luc 10,16); et le plus souvent ce qui est proposé et rappelé dans les encycliques, appartient déjà par ailleurs à la doctrine catholique. Que si les Souverains Pontifes portent expressément dans leurs actes un jugement sur une matière jusqu'alors controversée, il est évident pour tous que cette matière, cesse par là même, suivant la pensée et la volonté de ces mêmes Pontifes, d'appartenir au domaine des questions librement discutées entre théologiens.» (Humani Generis, 12 août 1950)
Le champ de l'infaillibilité de l'Église est défini dès le 20 juin 1870, lors du concile du Vatican, par Mgr d'Avanzo, au nom de la Députation de la foi.
Il expliquait :
«Il y a dans l'Église, un double mode d'infaillibilité : le premier s'exerce par le magistère ordinaire [...] C'est pourquoi de même que le Saint Esprit, l'Esprit de vérité demeure tous les jours dans l'Église, l'Église aussi enseigne tous les jours les vérités de la foi, avec l'assistance du Saint Esprit. Elle enseigne toutes les vérités soit déjà définies, soit explicitement contenues dans le dépôt de la révélation, mais non définies encore, soit enfin celles qui font l'objet d'une foi implicite. Ces vérités, l'Église les enseigne quotidiennement, tant principalement par le Pape, que par chacun des évêques en communion avec lui. Tous, et le Pape, et les évêques, dans cet enseignement ordinaire, sont infaillibles de l'infaillibilité même de l'Église.
Ils diffèrent seulement en ceci : les évêques ne sont pas infaillibles par eux-mêmes, mais ont besoin de la communion avec le Pape qui les confirme, mais le Pape, lui, n'a besoin de rien d'autre que l'assistance du Saint Esprit, qui lui a été promis. Ainsi, il enseigne et n'est pas enseigné, il confirme et n'est pas confirmé.
Même avec l'existence de ce magistère ordinaire, il arrive parfois soit que les vérités enseignées par ce magistère ordinaire et déjà définies soient combattues par un retour à l'hérésie, soit que des vérités non encore définies , mais tenues implicitement ou explicitement, doivent être définies; et alors se présente l'occasion d'une définition dogmatique, dont il est question à présent.»
(Mgr D'Avanzo, 20 juin 1870, au nom de la Députation de la foi)
Remarque : les membres de la Députation de la foi étaient vingt-quatre, choisis par les Pères du concile et le président, le cardinal Bilio, avait été nommé par Pie IX)
Mgr de Ségur :
Mgr de Ségur
«Il faut distinguer ici : dans le chef de l'Église, il y a le Pape et l'homme. L'homme est faillible, comme tous les autres hommes. Lorsque le Pape parle comme homme, comme personne privée, il peut parfaitement se tromper, même quand il parle de choses saintes. Comme homme, le Pape n'est pas plus infaillible que vous et moi. Mais quand il parle comme Pape, comme chef de l'Église et comme Vicaire de Jésus-Christ, c'est une autre affaire. Alors il est infaillible : ce n'est plus l'homme qui parle, c'est Jésus-Christ qui parle, qui enseigne, qui juge par la bouche de son Vicaire»
(Mgr de Ségur, Le Pape est infaillible, Paris, 1872, ouvrage approuvé par Pie IX)
Encore Mgr de Ségur (même ouvrage) :
«Le Pape est infaillible quand il parle comme Pape [...] et il parle comme Pape lorsqu'il enseigne publiquement et officiellement des vérités qui intéressent toute l'Église, au moyen de ce que l'on appelle une Bulle, ou une lettre encyclique, ou quelque autre acte de ce genre.»
Vous me parliez du caractère catholique de ce forum à conserver. Eh bien, oui, justement : vous devez savoir que la position très restrictive qu'exprime l'article sur lequel vous vouliez vous appuyer n'est pas du tout une position catholique correcte en réalité.
Non, car elle exprime plutôt le point de vue des catholiques libéraux du XIXe siècle, des adversaires de la notion d'infaillibilité de l'Église et telle que le premier concile du Vatican l'aura définie; c'est le point de vue des "anti-infaillibilistes" que l'on retrouve dans l'article d'aleteia si vous voulez, ou encore le point de vue des traditionnalistes de la FSSPX (par exemple) qui passeront leur temps à dire que le Pape se trompe, que Rome diffuse un enseignement malicieux, etc.