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Fête du Christ-Roi : Le Christ doit régner sur notre société

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Message par Invité Sam 19 Nov - 18:43

L’Eglise et le pouvoir temporel : une mise au point

Avec les mots « liberté », « fraternité », « charité », ou encore « dignité humaine », la laïcité est un beau mot que chacun veut pour lui. La situation est telle qu’on entend parfois des militants aux idées parfaitement contradictoires en réclamer la paternité. Ainsi trouve-t-on des catholiques qui estiment que la laïcité est une idée parfaitement chrétienne, quand d’autres, plus répandus, affirment que la laïcité est une idée entièrement révolutionnaire et républicaine, sans rapport avec le christianisme. Les premiers [1] rapportent une histoire dans laquelle l’Église aurait depuis toujours cherché à s’affranchir du temporel pour devenir ce qu’elle est devenue aujourd’hui, c’est-à-dire une institution sans pouvoir et sans prétention politique. Les seconds [2] affirment tout de go que ce sont les Lumières et l’Assemblée Constituante qui ont les premiers pensé et réalisé l’idée même de laïcité, remède à la toute-puissance obscurantiste de l’Église.
Nous nous proposons de faire une mise au point sur les rapports entre Église et pouvoir temporel, en commençant d’abord par l’étude des Écritures et de son exégèse, avant d’aborder la question historique et magistérielle. Ce que nous y découvrons est la juste mesure du catholicisme : ni théocratie, ni laïcité. Il s’agira de débouter deux idées fausses : d’une part, que si on laisse trop de pouvoir à l’Église dans le domaine public, elle devient naturellement une théocratie impérieuse ; et d’autre part, l’extrême inverse, que la laïcité contemporaine serait une pure émanation du christianisme, une volonté même de l’Église ; or, historiquement, il n’y a rien de plus faux.

Que dit l’Évangile ?

Le Nouveau Testament parle très peu de politique : aucune juridiction, aucune loi n’y prend place. Rien de comparable en tout cas au Deutéronome ou à la Charia. Le Christ n’était pas un législateur. Il n’est pas non plus, comme pouvait l’entendre un Maurras, un révolutionnaire qui aurait appelé à la révolte et demandé l’abrogation de toute loi. En réalité, et c’est à la fois la beauté et le mystère qui entoure l’Écriture sainte, il faut écouter ce que le Christ ne dit pas. Nous sommes loin des traités, des raisonnements, des discursivités qui ne veulent rien dire : le Christ ordonne, explique peu, il édifie, s’exprime en paroles brèves et voilées. On veut trouver du sens là où le Christ veut le donner clairement : or la Bible est un livre de mystères, et on trouve la vérité dans ses silences.

Rendez à César…


Tout au long de sa prédication, le Christ appelle les hommes à consacrer la moindre de leurs actions et le plus petit aspect de leur vie à Dieu. Une parole seulement a suffi à jeter le trouble parmi les chrétiens parce qu’ils ont cru y voir une « séparation des pouvoirs », bien anachronique [3], du spirituel et du temporel - voire une soumission au politique ! Cette parole se retrouve dans trois des Évangiles (Matthieu, XXII, 17-21 ; Marc, XII, 13-17 ; Luc, XX, 25).

Dites-nous donc ce qu’il vous semble : « Est-il permis, ou non, de payer le tribut à César ? » Jésus, connaissant leur malice, leur dit : « Hypocrites, pourquoi me tentez-vous ? Montrez-moi la monnaie du tribut. » Ils lui présentèrent un denier. Et Jésus leur dit : « De qui est cette image et cette inscription ? - De César, » lui dirent-ils. Alors Jésus leur répondit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Il faut d’abord comprendre que les pharisiens ont tenté de perdre le Christ en lui posant une telle question : ils espéraient qu’il se condamne en demandant de payer le tribut à César [4]. Mais sa réponse les confondit. Les Pères de l’Église l’ont comprise d’une façon unanime :

Saint Hilaire (can. 23.) : Il faut rendre à Dieu ce qui vient de Dieu, c’est-à-dire le corps, l’âme et la volonté. La monnaie de César c’est la pièce d’or sur laquelle son image est gravée ; la monnaie de Dieu c’est l’homme sur lequel Dieu a empreint son image. Donnez donc vos richesses à César, mais réservez pour Dieu seul la conscience que vous avez de votre innocence.
Saint Jean Chrysostome (hom. 70.) : Vous aussi, lorsque vous entendez le Seigneur déclarer qu’il faut rendre à César ce qui est à César, comprenez qu’il n’a voulu parler que de ce qui ne peut nuire en rien à la religion, car, s’il en était autrement, ce ne serait plus le tribut de César, mais le tribut du démon [5].

Lorsqu’il exige de « rendre à Dieu ce qui est à Dieu », le Christ affirme qu’aucun César, aucun pouvoir temporel ne saurait être le maître absolu des hommes, car à Dieu seul l’homme se donne tout entier. Le Christ s’oppose ainsi à toute adoration de César, et ramène le politique à ce qu’il est : une activité terrestre que le spirituel pénètre comme toute réalité. Distinction ne signifie pas séparation : c’est là toute la différence. Distingués, ces deux pouvoirs n’en restent pas moins soumis à une hiérarchie qui oblige ces deux pouvoirs à collaborer et à se compléter. Cette hiérarchie est bien entendu celle de l’âme sur le corps, car comme le Christ est la tête de l’Église, l’Église est la tête du pouvoir civil ou plutôt son guide.

Je suis Roi.


Face à Pilate, le Christ a cette sublime parole : « Mon Royaume n’est pas de ce monde » (Jean 18, 36). Beaucoup pensent trouver ici la preuve que le Christ est venu apporter une « philosophie » laïque, étrangère à toute idée de pouvoir. Saint Jean Chrysostome n’est pas de cet avis :

Notre Seigneur veut dire [par ces paroles] que sa royauté n’a pas la même origine que la royauté des princes de la terre, et qu’il tient d’en haut un pouvoir qui n’a rien d’humain, et qui est beaucoup plus grand et plus éclatant. C’est pour cela qu’il ajoute : « Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs combattraient pour que je ne fusse pas livré aux Juifs. » Il fait voir ici la faiblesse des royautés de la terre qui tirent leur force de leurs ministres et de leurs serviteurs ; mais le royaume dont l’origine est toute céleste se suffit à lui-même, et n’a besoin d’aucun appui. Si telle est donc la puissance de ce royaume, c’est de sa pleine volonté qu’il s’est lui-même livré à ses ennemis [6].

Saint Augustin, sur le même verset, a une analyse encore plus fine : le Père de l’Église insiste sur la préposition « de » et fait ainsi la distinction entre l’affirmation qui consiste à dire « Mon royaume n’est pas ici », et « Mon royaume n’est pas d’ici  ». De même il dit « Mon royaume n’est pas de ce monde », et non pas « Mon royaume n’est pas dans ce monde » [7].

Après avoir prouvé que son royaume n’était pas de ce monde, Jésus ajoute : « Mais mon royaume n’est pas d’ici. » Il ne dit pas : Mon royaume n’est pas ici, car il est vraiment sur la terre jusqu’à la fin du monde ; l’ivraie s’y trouve mêlée avec le bon grain jusqu’à la moisson, et cependant il n’est pas de ce monde, parce qu’il est dans ce monde comme dans un lieu d’exil [8].

Certains chrétiens prennent prétexte d’une mauvaise interprétation de cette parole pour affirmer que la royauté du Christ n’existe pas, ou qu’elle n’a aucune incidence ni pouvoir sur la terre. Cette idée est condamnée avec insistance par Jean Chrysostome :

Les hérétiques prennent de là occasion de dire que le Sauveur est étranger à la direction du monde. Mais de ce qu’il déclare que son royaume n’est pas d’ici, il ne s’ensuit nullement que le monde ne soit point gouverné par sa providence ; ces paroles signifient donc simplement que son royaume n’est soumis ni aux lois du temps, ni aux imperfections de notre humanité [9].

Le Christ vient de démontrer que l’origine de sa royauté était surnaturelle et non naturelle, qu’elle était d’origine divine, et non d’origine humaine : « Alors Pilate lui dit : Vous êtes donc roi ? Jésus répondit : Tu le dis, je suis roi.  » (Jn 18, 37) » Le Royaume de Dieu que le Christ promet et annonce n’est pas en effet une réalité lointaine, séparée du monde, étranger aux hommes ; il le dit même « tout proche » (Mc 1, 15 ; Mt 10, 7). Aux pharisiens qui lui demandent quand viendra le Royaume de Dieu, Jésus répond : « Le Royaume de Dieu ne doit pas venir de façon à être épié, et on ne dira pas : le voilà ici ! ou là. Car voilà que le Royaume de Dieu est parmi vous » (Luc 17, 20). Le Credo ne dit-il pas que « son règne n’aura pas de fin  » ? L’oraison dominicale, la prière la plus parfaite puisque donnée par le Seigneur, ne dit-elle pas : «  que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel ? [10] » Il n’y a visiblement pas un domaine, fut-il la politique, qui ne devrait s’abstraire de l’obéissance qu’on doit à l’Amour de Dieu. Partout Dieu doit prévaloir ; sinon, il ne serait pas dieu.

D’une manière générale, les Écritures contiennent de nombreuses références à la royauté du Christ : dès l’annonce de sa naissance, le message de l’archange apprenant à la Vierge qu’elle engendrera un fils, qu’à ce fils le Seigneur Dieu donnera le trône de David, son père, qu’il régnera éternellement sur la maison de Jacob et que son règne n’aura point de fin (Luc 1, 32-33). Le fait que le Christ soit roi est une vérité professée aussi bien par l’Ecriture que par la Tradition [11] : la bulle Quas Primas [12] du pape Pie XI est une véritable apologie en faveur du règne social du Christ ; il y instaure une fête du Christ-Roi. Le pape y précise bien que le titre de « roi » n’est pas attribué au Christ au sens métaphorique : Roi, il L’est certainement et entièrement . La bulle est riche et elle mérite une lecture complète ; un long passage nous renseigne avec détails sur les Écritures :


6. Que le Christ soit Roi, ne le lisons-nous pas dans maints passages des Écritures ! C’est lui le Dominateur issu de Jacob (Nombres 34, 19), le Roi établi par le Père sur Sion, sa montagne sainte, pour recevoir en héritage les nations et étendre son domaine jusqu’aux confins de la terre (Ps. 2), le véritable Roi futur d’Israël, figuré, dans le cantique nuptial, sous les traits d’un roi très riche et très puissant, auquel s’adressent ces paroles : Votre trône, ô Dieu, est dressé pour l’éternité ; le sceptre de votre royauté est un sceptre de droiture (Ps 44, 7). […]

7. Écoutons maintenant les témoignages du Christ lui-même sur sa souveraineté. Dès que l’occasion se présente - dans son dernier discours au peuple sur les récompenses ou les châtiments réservés dans la vie éternelle aux justes ou aux coupables ; dans sa réponse au gouverneur romain, lui demandant publiquement s’il était roi ; après sa résurrection, quand il confie aux Apôtres la charge d’enseigner et de baptiser toutes les nations - il revendique le titre de roi (Mat 25, 31-40), il proclame publiquement qu’il est roi (Jn 18, 37), il déclare solennellement que toute puissance lui a été donnée au ciel et sur la terre (Mat 28, 18). Qu’entend-il par-là, sinon affirmer l’étendue de sa puissance et l’immensité de son royaume ? Dès lors, faut-il s’étonner qu’il soit appelé par saint Jean le Prince des rois de la terre (Apocalypse 1, 15) ou que, apparaissant à l’Apôtre dans des visions prophétiques, il porte écrit sur son vêtement et sur sa cuisse : Roi des rois et Seigneur des seigneurs (Apocalypse 19, 16). Le Père a, en effet, constitué le Christ héritier de toutes choses (He 1, 1) ; il faut qu’il règne jusqu’à la fin des temps, quand il mettra tous ses ennemis sous les pieds de Dieu et du Père (ICo 15, 25). De cette doctrine, commune à tous les Livres Saints, dérive naturellement cette conséquence : étant le royaume du Christ sur la terre, qui doit s’étendre à tous les hommes et tous les pays de l’univers. 
https://www.lerougeetlenoir.org/contemplation/les-contemplatives/l-eglise-et-le-pouvoir-temporel-une-mise-au-point

A suivre !
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Message par Invité Lun 21 Nov - 13:23

L’Église n’a jamais été une théocratie.


Une première précision est nécessaire : au sens strict du terme, le catholicisme ne peut, n’a jamais été et ne sera jamais une théocratie [13]. Pour une raison simple : il y a distinction entre les deux pouvoirs spirituel et temporel, et le pape n’a jamais prétendu remplacer les autorités temporelles au sein de leurs États [14]. Le seul pouvoir temporel qu’a jamais eu l’Église fut au sein des États pontificaux, constitués contre les Lombards dans la seconde moitié du VIIIe siècle par Pépin le Bref puis Charlemagne. Ces États pontificaux furent l’assise temporelle permettant à l’Église de sauvegarder l’indépendance politique de son siège et qui furent farouchement défendus par le pape à diverses occasions, du XIe siècle, contre les assauts normands, au XIXe siècle, contre les troupes garibaldiennes, lesquelles mirent fin à l’existence des États en 1870, malgré la défense des zouaves pontificaux. Mais, dans tout le reste de l’Occident et de la Chrétienté, de Constantin au XIe siècle, en passant par les empereurs carolingiens, ce fut l’inverse qui se produisit : le temporel a eu tendance à absorber le domaine spirituel et à s’ingérer dans ses affaires [15].
Il faut attendre la Réforme grégorienne [16], qui doit son nom à l’action du pape Grégoire VII (1073-1085), dans la seconde moitié du XIe siècle, pour que l’Église entreprenne de distinguer nettement spirituel et temporel (sans jamais les séparer cependant). L’un des principaux enjeux de cette réforme a été la lutte contre la simonie (principalement, à cette époque, la vente et achat de charges ecclésiastiques) et l’inféodation de l’Église aux puissances temporelles que cette pratique supposait. En effet, les princes territoriaux (seigneurs en tout genre : ducs, comtes, mais aussi les rois) avaient tendance, par l’investiture laïque, à placer à la tête des évêchés, abbayes et collégiales, des faux clercs, des proches du pouvoir ou des familiers. Quant aux empereurs du Saint-Empire, héritiers d’une tradition que les Carolingiens avaient reprise aux empereurs byzantins, ils avaient pris l’habitude de diriger l’élection du pape.


Le pape décida ainsi de renforcer son autorité en s’arrachant à cette domination impériale : en 1059, le pape Nicolas II, par un décret pris lors du synode de Latran, institua une procédure d’élection du pape qui est l’origine directe de celle qui est encore aujourd’hui en vigueur et qui donne le rôle essentiel au collège des cardinaux. En son canon 6 le synode interdit en outre « qu’aucun clerc ou prêtre ne reçoive d’aucune façon une église des mains d’un laïque, ni gratuitement, ni pour de l’argent  ». Cette réforme provoqua évidemment de nombreux conflits : d’abord au sein de l’Église d’un même royaume, lorsque les légats pontificaux se confrontaient à des évêques simoniaques, jaloux de leurs privilèges, ou à des princes soucieux de maintenir leur domination sur l’Église, mais également entre les souverains et Rome. Ce fut le cas de la fameuse Querelle des Investitures entre le pape Grégoire VII et l’empereur du Saint-Empire Henri IV, qui se solda par la défaite politique de ce dernier. Henri IV protesta en s’appuyant une coutume plus que séculaire, selon laquelle les rois, sacrés, étaient d’Église et n’étaient pas laïques. Sa position était à cet égard si forte qu’il a été suivi par la plus grande partie du clergé germanique, qui le soutenait contre le pape. Depuis Otton Ier et dans le droit fil de la tradition carolingienne, les souverains germaniques, pour dominer les princes féodaux, s’étaient appuyés sur les évêques et les abbés. L’investiture était pour eux une nécessité politique. Sans elle, la puissance impériale en Germanie risquait de s’effondrer, mais le pape ne démordit jamais : en 1076, Grégoire VII déposa et excommunia Henri IV, qui fut dans l’obligation d’aller à sa rencontre à Canossa, où il s’humilia durant trois jours, à attendre son absolution, en habit de pénitents.

L’Église a ainsi affirmé la supériorité du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel, jusqu’à prétendre arbitrer certaines affaires temporelles, notamment sous Innocent III, qui estima que certaines interventions pontificales étaient obligatoires ratione peccati, « en raison du péché ». C’est à ce titre que certains historiens ont pu parler de « tentation théocratique » de la papauté même si, dans les faits, elle n’a jamais pu se réaliser [17]. L’expression la plus spectaculaire de cette suprématie du pouvoir pontifical, fut les Dictatus papae, écrits en 1075 mais dont la diffusion fut très limitée. Ces 27 propositions n’en restent pas moins symptomatiques, dans la mesure où le pape y est placé au-dessus des pouvoirs temporels, et dans la possibilité de les juger et de les destituer (propositions 3 et 4). La proposition 8 affirma aussi : « Seul, il peut user des insignes impériaux. » D’où découle la proposition 12 : « Il est permis au pape de déposer les empereurs », prolongée par la dernière et vingt-septième : « Le pape peut délier les sujets du serment de fidélité fait aux injustes. »

L’Église, dans sa volonté de retrouver son indépendance et sa « liberté » (libertas Ecclesiae) contre la tutelle laïque, dut également revaloriser l’état sacerdotal et sa fonction. Il fallut lutter contre les comportements indignes des clercs, notamment le nicolaïsme, concubinage et incontinence des prêtres. Pour ce faire il fallait aussi distinguer nettement le clergé des laïcs. Le prêtre est mediator Dei, intermédiaire entre Dieu et les hommes, et sa mission est de conduire au salut les laïcs, pas de s’y mélanger. Comme l’âme est supérieur au corps, l’esprit à la matière, l’Église, fondée par le Christ, et le pape, Vicaire de saint Pierre, avaient le devoir de guider et orienter les sociétés laïques vers le Salut [18]. De nombreuses images fut employées pour illustrer cette supériorité : celle de l’or sur le plomb, ou du soleil éclairant la lune. La théorie des « deux glaives », développée par saint Bernard de Clairvaux, lui-même l’ayant emprunté au pape Gélase [19], participe également de cette idée : à partir d’un passage de l’Évangile de Luc (22, 38 : « Ils dirent : Seigneur voici deux glaives. Et il leur dit : cela suffit »), une distinction a été faite entre le glaive spirituel et le glaive temporel, autrement dit le pouvoir spirituel et temporel, qui sont tous deux dans les mains du successeur de saint Pierre. Au pape sont remis les deux glaives. Le pape ne fait que confier, par le sacre, le glaive temporel au souverain sous réserve de lui reprendre si jamais il n’accomplissait pas avec justice son devoir de « bras armé de l’Église  » [20]. L’abbé de Clairvaux affirme qu’on ne peut utiliser le glaive temporel sans l’assentiment du pape et que ce dernier, s’il ne peut directement l’utiliser (Matthieu 16, 49 : « Remets ton glaive à sa place, car tous ceux qui prendront le glaive périront avec le glaive  »), doit pouvoir exercer son contrôle sur toute action coercitive du prince.

L’Église a aussi repris la terminologie politique romaine pour décrire cette réalité, notamment ceux du juriste romain Ulpien, qui avait mis en valeur la distinction entre l’auctoritas, c’est-à-dire le pouvoir de fixer la norme, et la potestas, pouvoir d’exécution qui en découle. L’auctoritas revient naturellement au pape, autorité spirituelle ultime, tandis que la potestas revient aux monarques qui lui obéissent. Le premier imprime les directions au gouvernement du peuple chrétien, en fonction de quoi les rois, titulaires de la potestas, doivent régler les détails politiques. Recevoir du pape, l’onction et lui jurer fidélité, c’est se soumettre, après ’’l’élection’’ par le peuple et les princes et préalablement à cette onction, au droit d’examinare, consentire, consecrare du pontife qui seul peut l’investir de la plénitude du pouvoir. La vocation première d’exercice d’un ministère spirituel, délègue l’exercice temporel au roi et au prince, simples auxiliaires et délégués de la papauté. Le pape peut donc les révoquer, les investir et les contrôler. Le mot de Saint Paul, nulla potestas nisi a Deo, "tout pouvoir vient de Dieu", fut au cœur de la pensée politique médiéval : elle appelle autant les sujets à l’obéissance envers le pouvoir qu’elle invite le pouvoir à l’obéissance envers Dieu. C’est d’ailleurs tout le sens du sacre, qu’il s’agisse du sacre du roi de France, d’Angleterre ou de l’empereur : le souverain tient sa légitimité du sacre, qui lui confère une autorité divine par l’intermédiaire de l’Eglise. Le roi doit accepter les promesses que lui fait dire l’Eglise durant le sacre : la justice, la paix, la protection de l’Eglise et de la foi, le bon gouvernement du royaume. En cela, l’Eglise avait à cœur de tempérer un pouvoir rendu nécessaire par le péché mais pour lequel aucun homme est en nature fondé à l’exercer.
Telle est la subordination théorique des souverains au chef de la Chrétienté : c’est une théocratie au sens large ; c’est aussi une laïcité au sens large du terme. C’est ainsi que, paradoxalement, les thèses grégoriennes, en évinçant les puissances temporelles du domaine spirituel, ont aussi permis par la justification de sa supériorité, un contrôle et un pouvoir encore plus grand que l’Église ne le possédait auparavant sur les souverains. C’est pourquoi, certains sont abusés par cette réforme et ont cru y voir l’application d’un principe de « laïcité », alors que l’Église n’a fait que repenser la distinction entre spirituel et temporel pour mieux la hiérarchiser et asseoir son influence sur le pouvoir temporel – sans toutefois se confondre avec lui. Mais la distinction suppose également une collaboration étroite des deux pouvoirs pour la mise en oeuvre du Bien commun. C’est tout l’inverse de l’idée de séparation, qui devait venir plus tard et qui a toujours été condamnée par l’Eglise.
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Message par Invité Jeu 24 Nov - 10:49

L’Église n’a jamais réclamé une « laïcité ».

Historiquement parlant, si l’on s’en tient aux différentes réactions et écrits du Magistère, la laïcité, au sens où on l’entend aujourd’hui, est une idée radicalement condamnée par l’Église. Deux événements historiques fondamentaux illustrent la naissance de la laïcité en France : la Révolution française de 1789 [21], et la Loi de Séparation de l’Église et de l’État de 1905, aboutissement de toute une politique anticléricale menée sous la IIIe République. L’un comme l’autre de ces événements ont été violemment condamnés par l’Église catholique . En fait, tout au long du XIXe siècle et durant la première moitié du XXe siècle, l’Église multiplie les bulles et encycliques condamnant les erreurs de la modernité politique, au premier desquelles, la laïcité [22]. Nous nous proposons d’en dresser une brève généalogie.
Miraris vos, Grégoire XVI, en 1832, inaugure ce défilé de documents magistériels tous plus intransigeants les uns que les autres ; à chaque fois, l’idée de laïcité y est condamnée. En 1864, Quanta Cura de Pie IX condamne le principe de laïcité en plusieurs, dont nous en sélectionnons deux :

4 -Ces opinions trompeuses et perverses sont d’autant plus détestables qu’elles visent principalement à entraver et renverser cette puissance de salut que l’Église catholique, en vertu de la mission et du mandat reçu de son divin Auteur, doit exercer librement jusqu’à la consommation des siècles, non moins à l’égard des individus que des nations, des peuples et de leurs chefs. Elles cherchent à faire disparaître cette mutuelle alliance et cette concorde entre le Sacerdoce et l’Empire, qui s’est toujours avérée propice et salutaire à la Religion et à la société. […]
6 -Là où la religion a été mise à l’écart de la société civile, la doctrine et l’autorité de la révélation divine répudiées, la pure notion même de la justice et du droit humain s’obscurcit et se perd, et la force matérielle prend la place de la véritable justice et du droit légitime.

Le Quanta Cura fut accompagné de son célèbre Syllabus, catalogue des erreurs, et parmi celles-ci, on trouve les propositions suivantes, déclarées anathèmes :

LIV. Les rois et les princes, non seulement sont exempts de la juridiction de l’Église, mais même ils sont supérieurs à l’Église quand il s’agit de trancher les questions de juridiction.
LV. L’Église doit être séparée de l’État, et l’État séparé de l’Église.

En France pourtant, l’idée d’une séparation de l’Église et de l’État grandit, et elle s’attaque d’abord à la question de l’enseignement. Le Ministère de l’Éducation de 1879 à 1883, J. Ferry, met en place un nouveau dispositif scolaire, complétée ensuite. Avec la Loi Camille Sée de 1880, les lycées et collèges de filles sont créés ; l’enseignement religieux est exclu des heures de classe ; Ferry déclare que les femmes doivent cesser d’appartenir à l’Eglise pour « appartenir à la Science ». En 1884, on supprime les « terres maudites » dans les cimetières, on abroge les prières publiques dans les églises lors de la rentrée des Chambres ; en 1885 on supprime les facultés de théologie catholique d’État ; la loi Goblet de 1886 laïcise le personnel enseignant.

Le pape Léon XIII, réputé pourtant pour être un pape plus conciliateur, lui qui fut l’auteur du Rerum Novarum (1891), laquelle fondait la Doctrine Sociale de l’Église, ainsi que de l’encyclique Au milieu des sollicitudes (1892), qui appelait les catholiques français à se rallier à la République, écrivait encore dans Immortale Dei, en 1885 :

6. La société politique étant fondée sur ces principes, il est évident qu’elle doit sans faillir accomplir par un culte public les nombreux et importants devoirs qui l’unissent à Dieu. [...] les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère et inutile, ou en admettre une indifféremment selon leur bon plaisir. En honorant la Divinité, elles doivent suivre strictement les règles et le mode suivant lesquels Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré. Les chefs d’État doivent tenir pour saint le nom de Dieu et mettre au nombre de leurs principaux devoirs celui de favoriser la religion, de la protéger de leur bienveillance, de la couvrir de l’autorité efficace des lois, et ne rien statuer ou décider qui soit contraire à son intégrité.
La société civile [...] doit, en favorisant la prospérité publique, pourvoir au bien de citoyens de façon non seulement à ne mettre aucun obstacle, mais à assurer toutes les facilités possibles à la poursuite et à l’acquisition de ce bien suprême et immuable auquel ils aspirent eux-mêmes. La première est de faire respecter la sainte et inviolable observance de la religion, dont les devoirs unissent l’homme à Dieu.
14. Il est donc nécessaire qu’il y ait entre les deux puissances [l’Église et l’État] un système de rapports bien ordonné, non sans analogie avec celui qui, dans l’homme, constitue l’union de l’âme et du corps.

En 1906, à la suite de, l’Église condamna sans appel la loi de 1905 qui venait d’être promulguée en France, à travers une encyclique dont le titre dit assez de sa violence. Saint Pie X fulmina ainsi Vehementer Nos, qui commence comme ceci :

En vérité, au lendemain de la promulgation de la loi qui, en brisant violemment les liens séculaires par lesquels votre nation était unie au siège apostolique, crée à l’Église catholique, en France, une situation indigne d’elle et lamentable à jamais. Événement des plus graves sans doute que celui-là ; événement que tous les bons esprits doivent déplorer, car il est aussi funeste à la société civile qu’à la religion. […]
Qu’il faille séparer l’État de l’Église, c’est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l’État ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d’abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le créateur de l’homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l’existence comme il nous soutient. Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l’honorer.

Tout le document développe cette condamnation, examinant la loi en détail et y récuse absolument toutes les clauses. Pour saint Pie X, il est inconcevable que le pouvoir public soit exclusivement dévoué à la conduite politique de la société, dans la mesure où son intérêt est aussi celle du Bien commun, qui recouvre également la question spirituelle, et donc du Salut [23] :

En outre, cette thèse est la négation très claire de l’ordre surnaturel ; elle limite, en effet, l’action de l’État à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette vie, qui n’est que la raison prochaine des sociétés politiques, et elle ne s’occupe en aucune façon, comme lui étant étrangère, de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle proposée à l’homme quand cette vie si courte aura pris fin.
Les sociétés humaines ne peuvent pas, sans devenir criminelles, se conduire comme si Dieu n’existait pas ou refuser de se préoccuper de la religion comme si elle leur était chose étrangère ou qui ne pût leur servir de rien. Aussi, les pontifes romains n’ont-ils pas cessé, suivant les circonstances et selon les temps, de réfuter et de condamner la doctrine de la séparation de l’Église et de l’État.

Enfin, il conclut sur le même ton :

Nous réprouvons et nous condamnons la loi votée en France sur la séparation de l’Église et de l’État comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, qu’elle renie officiellement, en posant en principe que la République ne reconnaît aucun culte. Nous la réprouvons et condamnons comme gravement offensante pour la dignité de ce Siège apostolique, pour notre personne, pour l’épiscopat, pour le clergé et pour tous les catholiques français. […] [24] »

La même année, l’encyclique Gravissimo Officii du 10 août 1906 réitère la condamnation : le pape ordonne aux catholiques de ne pas se conformer à la loi, et décrit cette loi comme une persécution. Deux ans après, saint Pie X renouvelle encore cette accusation dans Pascendi Dominici.

S’il est faux de dire que l’Église a tenté ou prétendu être une théocratie, il est tout aussi faux de dire qu’elle a accepté ou même diffusé l’idée de laïcité, laquelle est une idée politique moderne dont on peine à trouver l’équivalent dans l’histoire. L’Église romaine n’a pu que condamner une idéologie politique qui s’imposait avec brutalité en France contre les catholiques et leur culte. Émile Combes [25], président du Conseil et ancien séminariste, était par exemple un anticlérical virulent : il a interdit le catéchisme à l’école publique, a interdit en juillet 1904 l’enseignement aux congrégations, poussant à l’exil 30 000 religieux et religieuses, qui quittèrent la France. 10 000 écoles catholiques furent fermées. Début 1905, Combes doit démissionner suite à l’affaire « des fiches » (surveillance avec l’aide de loges maçonniques de la vie privée des officiers et de leur pratique religieuse), même si ce système datait de Waldeck-Rousseau. Devant tant de brutalité, le pape Pie X fut dans l’obligation de rompre les relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège. Avec la Loi de 1905, la République « ne reconnait, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » (art.2). C’est la fin du régime des « cultes reconnus » : les Églises ne sont plus de droit public mais de droit privé, comme corps constitués (art.20), et existent à un niveau national. Il est interdit « d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics » (art .28).

Lorsque la loi de 1905 fut appliquée en France, la plupart des catholiques ressentirent cette loi comme une persécution. La querelle éclata sur une mesure transitoire : l’inventaire des biens des églises, afin de préparer la dévolution de ces biens aux associations cultuelles définies dans l’article 4 de la loi. Cet inventaire fut considéré par certains comme un viol d’objets sacrés et des affrontements eurent lieu, notamment là où la résistance à la Constitution civile du clergé et la Révolution avait été la plus vive. Le gouvernement dut affronter une opposition virulente notamment dans les régions de la Bretagne et du Massif Central, et des échauffourées se produisent entre les manifestants et les forces de l’ordre. Ils se barricadèrent dans les églises pour empêcher les agents du fisc de procéder à l’inventaire [26].

Plus tard dans le XXe siècle, la bulle Quas Primas (1925) de Pie XI instaura la fête du Christ-Roi. Cette bulle peut être citée en conclusion de cette présentation des documents magistériels hostiles à l’idée de laïcité : elle en est comme le couronnement. Quas Primas affirme que le Christ ne règne véritablement sur une société que dans la mesure où Il impressionne les lois civiles de l’essence de la Loi divine. Pie XI exige ainsi des politiques la célébration publique du Christ et la sauvegarde de son règne dans la société civile :


Les États, à leur tour, apprendront par la célébration annuelle de cette fête que les gouvernants et les magistrats ont l’obligation, aussi bien que les particuliers, de rendre au Christ un culte public et d’obéir à ses lois. Les chefs de la société civile se rappelleront, de leur côté, le jugement final, où le Christ accusera ceux qui L’ont expulsé de la vie publique, mais aussi ceux qui L’ont dédaigneusement mis de côté ou ignoré, et tirera de pareils outrages la plus terrible vengeance.

21. Car Sa royauté exige que l’État tout entier se règle sur les commandements de Dieu et les principes chrétiens aussi bien dans la législation que dans la façon de rendre la justice et que dans la formation de la jeunesse à une doctrine saine et à une bonne discipline des mœurs [27].
https://www.lerougeetlenoir.org/contemplation/les-contemplatives/l-eglise-et-le-pouvoir-temporel-une-mise-au-point
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Message par Invité Dim 27 Nov - 21:32

Fête du Christ Roi : Quas primas, toujours d’actualité ?

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L’encyclique Quas primas a été rédigée en 1925 par le pape Pie XI, soit il y a près d’un siècle ! Alors que vient d’être publiée tout récemment la dernière encyclique du Pape François Tutti fratelli, il s’agit dans cet article de nous demander si le texte de Pie XI dont cent ans nous séparent est toujours d’actualité... Ne serait-il pas finalement plus urgent, plus profitable pour notre temps, d’extraire de Tutti fratelli (un long texte de 216 pages !) les meilleures pensées du Pape François ? La vérité se situe ailleurs : la qualité d’une réflexion se mesure à sa force prophétique et à sa capacité à se situer au-dessus du temps. S’il est trop tôt pour l’affirmer de la dernière encyclique de François – l’avenir seul nous le dira –, il est possible en revanche de l’affirmer sans fard à propos de celle de Pie XI.  Alors que l’empire de la confusion sème son ivraie au milieu du meilleur blé, la lecture ou relecture de Quas primas aura l’avantage de remettre les pendules à l’heure et les idées à l’endroit pour un grand nombre. Et en ce sens, prouvera sans peine son étonnante actualité.


Lorsqu’il rédige l’encyclique Quas primas, le pape Pie XI se fixe un objectif principal : instaurer une fête liturgique du Christ-Roi le dernier dimanche du mois d’octobre. S’il était possible d’honorer la royauté du Fils de Dieu le jour de Son épiphanie et de l’adoration des mages, le Saint-Père souhaite marquer la chrétienté au moyen d’une solennité liturgique spéciale. Le choix du dimanche n’a rien d’anodin. Estimant qu’il n’y a pas mieux qu’une solennité liturgique annuelle pour imprimer dans le peuple des fidèles des leçons divines, il oblige ainsi tous les baptisés à entendre chaque dernier dimanche d’octobre un enseignement sur la théologie du Christ Roi des nations. Son ambition ? Combattre le fléau du laïcisme en rappelant la dignité royale de Notre Seigneur Jésus-Christ : le Christ est Roi, partout, pour tous les peuples, pour toutes les sociétés. Pour Pie XI, il ne saurait y avoir en effet de paix durable tant qu’il n’y a pas de reconnaissance de la souveraineté de la “royauté sociale du Christ”. « Que sert à l’homme de gagner l’univers, s’il vient à perdre son âme » ? Autrement dit que sert à l’Etat de chercher à bâtir la paix dans la société sans reconnaître que le Christ en est le prince. Autant travailler à construire un hôpital sans y faire régner la médecine...


En matière de paix durable, le Saint-Père s’attache à caractériser trois types d’erreurs pour mieux les dénoncer :
  • Nier la souveraineté du Christ sur toutes les nations.
  • Refuser à l’Eglise son droit d’enseigner le genre humain en vue de la béatitude éternelle.
  • Assimiler la religion du Christ à toutes les fausses religions ou la placer sous l’autorité civile.

Finalement, à travers ces erreurs, on mesure combien le camp du bien et celui du mal ne se départagent pas en fonction d’un positionnement à droite ou à gauche au sein d’un hémicycle. La ligne de fracture ne se trouve pas sur un échiquier politique mais ailleurs... Dans son ouvrage L’empire du politiquement correct, l’essayiste québécois Mathieu Bock-Coté nous éclaire en citant le philosophe Paul Valéry : « Toute politique, même la plus grossière, suppose une idée de l’homme, car il s’agit de disposer de lui, de s’en servir, et même de le servir ». Oui ! La démarcation profonde entre les différentes façons d’ordonner la société se tire d’abord de la conception que l’on se fait de l’homme. Depuis le combat angélique, la chute de nos premiers parents et la trace du péché originel qui a poussé notamment Caïn à tuer Abel, on peut distinguer deux conceptions opposées de l’homme, une conception révolutionnaire et une conception contre-révolutionnaire.


Quas primas nous permet de prendre de la hauteur quant à la politique politicienne dans laquelle l’enthousiasme ou l’idéalisme peut se perdre. Le défi du règne du Christ ne dépend pas, d’abord, des jeux d’appareils ou de combinaisons électorales complexes. Il dépend d’une conception de l’homme. Depuis l’origine des temps, et la capacité d’organisation des hommes à s’établir en société, nous le savons avec saint Augustin : « Deux amours ont fait deux cités. L’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi ». Au-delà du génie de la formule, le paradigme de l’engagement du chrétien au service de la cité n’a pas changé depuis un siècle, et c’est justement ce qui rend l’enseignement sur le Christ Roi criant d’actualité.


La conception révolutionnaire de l’homme plonge ses racines dans deux traits lucifériens : la soif d’indépendance et le goût de la révolte. L’esprit de la révolution, fondamentalement, consiste à croire que la cité idéale est réalisable ici-bas. Croire que l’homme est indéfiniment en progrès grâce à la science et la démocratie. Au final, sa bonté naturelle n’est entravée que par des structures sociales inadaptées qu’il convient, selon les écoles, d’abolir ou de modifier. Alors seulement enfin couleront pour tous le lait et le miel et, dans un merveilleux vivre-ensemble, l’agneau se couchera en paix près du lion...


Monseigneur Gaume, né en 1802 et mort en 1879, avait ainsi défini la révolution : « Si, arrachant son masque, vous lui demandez : qui es-tu ? Elle vous dira : Je ne suis pas ce que l’on croit. Beaucoup parlent de moi et bien peu me connaissent. Je ne suis ni le carbonarisme, ni l’émeute, ni le changement de la monarchie en république, ni la substitution d’une dynastie à une autre, ni le trouble momentané de l’ordre public (...). Ces choses sont mes œuvres, elles ne sont pas moi. Ces hommes et ces choses sont des faits passagers et moi, je suis un état permanent. Je suis la haine de tout ordre que l’homme n’a pas établi et dans lequel il n’est pas roi et Dieu tout ensemble. Je suis la proclamation des droits de l’homme sans souci des droits de Dieu. Je suis la fondation de l’état religieux et social sur la volonté de l’homme, au lieu de la volonté de Dieu. Je suis Dieu détrôné et l’homme à sa place, l’homme devenant à lui-même sa fin. Voilà pourquoi je m’appelle Révolution, c’est-à-dire renversement… » : l’essentiel est dit ! La révolution, c’est l’homme qui se fait Dieu. C’est l’homme qui refuse tout ordre qu’il n’a pas lui-même établi, qui refuse tout déterminisme.


A l’inverse, la doctrine du Christ Roi part du réel, celui de notre condition humaine. Elle rappelle le sens des priorités et réaffirme en quoi consiste le juste ordonnancement d’une société. En ce sens, sans doute davantage encore qu’en 1925 hélas, Quas primas apparaît plus que jamais d’actualité dans la société liquide dans laquelle nous sommes noyés. A l’heure où beaucoup sont frappés par la perte de repères solides, l’encyclique vient redire aux hommes d’aujourd’hui, de façon saisissante, une vérité largement oubliée : la cause profonde des calamités humaines réside dans le rejet du Christ de la sphère publique, privée ou familiale. Abandonnant l’évangile et l’enseignement de l’Eglise, une large part de l’humanité a préféré se livrer à elle-même pour le résultat que l’on sait. Désormais, dans leurs décisions, Dieu n’a plus voix au chapitre.


Quas primas redit l’importance du combat contre-révolutionnaire : aller à contre-courant reste l’apanage du chrétien. Dans le tumulte du combat politique et du fracas des idées, il appartient donc aux fils de l’Eglise de ne pas s’égarer sur la méthode pour bâtir le règne du Christ. Selon la formule connue de Joseph de Maistre, dans ses Considérations sur la France publiées en 1797 : « La contre révolution ne sera pas une révolution contraire mais le contraire de la Révolution ».  Blessé par le péché originel, l’homme s’il est capable de Dieu et du sublime, n’en reste pas moins fragile individuellement. Et que dire socialement. Avec la conjonction des égoïsmes individuels, des passions et de toutes ses misères, le social reste par nature le décevant puisqu’il s’agit d’un corps de péché. L’art de rendre possible ce qui est nécessaire au Bien Commun, voilà le champ d’action de la haute et véritable politique. En rappelant la préséance de la royauté du Christ sur les sociétés, Pie XI n’ambitionne pas d’appeler à la construction d’un monde parfait mais plus modestement de remettre Dieu à la première place. Ce qui est, on en conviendra, un heureux commencement. Péguy disait très bien qu’on ne construira pas le Paradis sur la terre, mais que c’est beaucoup d’empêcher l’enfer de redéborder.


Le poète de la Beauce constatait encore que « Le spirituel fait son lit de camp dans le temporel ». L’oubli de la primauté du Christ sur la société a entrainé la sécularisation d’un nombre non négligeable de catholiques. Parmi eux, beaucoup ont fini par se convaincre que l’espace d’expression la parole de l’Eglise doit se cantonner aux sacristies ou aux chaires à prêcher. Tout au long des siècles, l’Eglise s’est pourtant toujours préoccupée de la vie des hommes. Il lui importe d’éclairer les consciences des uns et les jugements des autres parce qu’elle est désireuse de permettre à la personne humaine de vivre libre sous le regard de Dieu. Quas primas nous avait prévenu des incohérences du monde contemporain. L’encyclique offre encore pour notre présent le remède « pour qu’Il règne » ! Nous aurions tort de nous limiter à de seules considérations pieuses. Si notre monde va mal, c’est parce qu’il s’est affranchi du décalogue, des repères établis, tout au long des siècles, par la civilisation occidentale et chrétienne. Ora et labora, la prière et l’action culturelle : telle doit être notre réponse d’hommes de Foi face aux égarements de la postmodernité. « Malheur à l’insensé qui bâtit sa maison sur du sable ». Depuis le Christ, rien n’a changé. La parole du chrétien doit être celle qui donne du sens, qui revient au réel, qui s’inscrit dans le temps long parce qu’elle s’appuie sur le Christ Roi.


Le 1er juin 1941, le Pie XII rappelait, à l’occasion d’un discours prononcé le jour anniversaire des 50 ans de l’encyclique sociale du Pape Léon XIII Rerum Novarum, que « de la forme donnée à la société, conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le Bien ou le mal des âmes ». En appelant les baptisés à reconnaître et étendre le règne du Christ ici-bas, l’encyclique Quas Primas redit combien la politique, plutôt que de chercher à construire le paradis sur terre, consiste à endiguer le mal. Et, qu’en endiguant le mal, incontestablement le bien s’en trouve encouragé.


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Message par Invité Dim 27 Nov - 21:55


Qu'est-ce que la solennité du Christ-Roi ?
Que veut dire que Jésus est "Christ Roi de l'univers"? Pour découvrir le sens de cette fête qui clôt l'année liturgique, nous explorons l'encyclique "Quas Primas" du Pape Pie XI qui a institué cette solennité, et nous essayons d'en tirer des enseignements pour nous aujourd'hui.


Enseignement du père Sébastien Coudroy, donné à Notre-Dame des Victoires le 19 novembre 2022 (fête du Christ Roi de l'univers)
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Message par Invité Dim 4 Déc - 13:32

Le dimanche 27 novembre dernier à 18 h 58
@Emmanuel écrivait (extrait du fil intitulé "En tout cas") :

Je ne parle pas de toi personnellement, car tu travailles sur la Charité plus que jamais, bien que tu lises, selon ma compréhension, certains de ces sites.

Oui Emmanuel,
Je lis certains de ces sites catholiques qui nous apprennent ce que d'autres médias catholiques nous cachent.

J'invite mes frères et sœurs à élargir leurs connaissances en usant de ces sites parce qu'ils ont droit à une information objective.
Sur ce site de réinformation catholique, je viens de lire un très bon article sur Charles de Habsbourg que je vous colle ici, parce que ce roi catholique avait bien compris le sens profond de sa mission et l'a vécu dans la souffrance jusqu'au bout. Je suis du sang de cet homme, homme de conviction et d'honneur.
Vive le Christ Roi !


Cette dynastie impériale catholique fut l’objet de la haine implacable de la franc-maçonnerie, qui voulut le gigantesque massacre de la Première Guerre mondiale dans le but principal d’en finir avec l’Empire austro-hongrois, dernière barrière à la propagation du projet maçonnique d’une nouvelle Europe. Il y a cent ans, le dernier empereur, Charles de Habsbourg, est mort en exil. Sa sainteté a été reconnue par l’Église, qui l’a proclamé bienheureux avec le pape Jean-Paul II le 3 octobre 2004. Lire :

https://www.benoit-et-moi.fr/2020/2022/12/02/les-habsbourg-leurope-et-la-prophetie-de-padre-pio/
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Message par Emmanuel Dim 4 Déc - 22:43

Je connais le site auquel tu réfères, @Sous l'aile.

Je dois même le consulter très occasionnellement, une fois par 3-4 mois, parce qu'il existe très peu de sites informant sur les actualités entourant le Vatican et qu'il est nécessaire d'avoir une certaine information sur les événements de l'Église.

Malheureusement, à chaque fois que je fais cette visite, celle-ci est profondément douloureuse pour moi. En passant outre les si nombreux biais, j'y trouve l'information "objective" souhaitée, mais je dois encaisser une quantité de fiel, de manques de Charité constants présents à chaque article, chacun souhaitant interpréter de la manière la plus négative possible chaque fait et geste du Saint-Père.

Le fait que tu ne discernes pas que cet esprit est un poison pour tout catholique m'attriste, Sous l'aile, mais à la fois, comme tu baignes dans ceci depuis dix ans désormais, après un certain temps, on ne réalise plus dans quoi on se trouve.

De plus, depuis un an ou deux, ce site mélange également de plus en plus le spirituel avec le politique, ce qui est grandement problématique également, car Dieu n'est ni à droite, ni à gauche, seulement en "haut", là où les idéologies humaines se brisent et disparaissent complètement.

Cela est secondaire, cependant, au grand problème d'un site et de tant d'autres comme lui qui ne pratiquent pas la Charité et l'humilité dans leurs publications, causant un grand tort d'abord à leur propre âme, mais ensuite aux fidèles qui s'en alimentent ainsi qu'à l'Église tout entière.

Mais ultimement, chacun est responsable de ceux à qui il prête l'oreille et des effets que cela a sur son âme.

Fraternellement,

Emmanuel
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Message par Invité Dim 4 Déc - 22:58

@Emmanuel,

Il y a indéniablement du vrai dans ce que tu exprimes mais j'espère être suffisamment éclairé du Seigneur pour ne pas m'abreuver de fiel.
Pour le coup, cet article n'en contenait pas et il aurait été appréciable que tu le commentes un tout petit peu.
Là on y réconcilie le catholicisme et la politique au sens propre.
Là, le Christ régnait encore dans sa dimension sociale.
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Message par Emmanuel Dim 4 Déc - 23:15

Comme tu es revenu sur un texte que j'ai écrit ailleurs et que tu m'as tagué à ce sujet, j'ai cherché d'abord à répondre à cela, @Sous l'aile, car il me semblait que c'était ce que tu souhaitais.

Je suis soulagé aussi par ta réponse qui montre une ouverture et une certaine vigilance.

Je n'avais pas l'impression que tu souhaitais mon retour sur Charles de Habsbourg. Aussi, comme tu as pu le lire, il m'est très douloureux de fréquenter ce site.

Lire des textes avec beaucoup de détails historiques est aussi quelque chose de difficile pour moi, dans ma situation de santé, ma concentration étant fortement affectée par mon état.

Mais la bonne nouvelle, je crois, est que cette ère où le politique et le religieux étaient alliés, car le politique se nourrissait des Lois de Dieu au lieu de les rejeter, je crois que cela reviendra, et d'une manière plus lumineuse que tout ce que nous pourrions imaginer.

J'ai grande confiance en cela. Quand? Cela est une grande question, mais selon ce que le Seigneur semble nous dire à travers ses révélations contemporaines, peut-être n'en sommes-nous pas si loin?

En attendant, transformons nos âmes de plus en plus, afin qu'à l'heure venue, Dieu puisse nous utiliser pour Ses desseins, sans aucune entrave.

Amicalement,

Emmanuel
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Message par Invité Lun 5 Déc - 13:18

@Emmanuel

Merci pour ta réponse !

l'Oeuvre écrite par la Divine Sagesse pour les élus des derniers temps


du 01-12-2005 et que tu as posté ce matin évoque tout à fait ce thème.
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