Le virus est installé et déjà en train de réorganiser la mondialisation, redessiner nos déplacements, transformer nos modes de production et consommation
Non, ce n’est pas une parenthèse. Le confinement qui s’est subitement abattu sur la France ce week-end n’est pas un mauvais moment à passer, c’est un nouveau monde qui se dessine. Nous entrons dans un tunnel de restrictions sans en connaître ni la longueur, ni la noirceur.
Ces mesures, pénibles mais probablement nécessaires face à une crise sanitaire majeure, n’ont de passagères que le nom. La situation risquant d’empirer avant de s’améliorer, le scénario italien se profile.
Nous parviendrons à venir à bout de cette épidémie. Le virus est identifié, détectable, les gens en guérissent bien davantage qu’ils n’en périssent, et nos scientifiques testent déjà des vaccins. Mais ils ont besoin de temps. En attendant que la science vienne une nouvelle fois à notre rescousse, le seul moyen pour stopper la pandémie est, semble-t-il, de ralentir notre marche. La fin de la liberté de mouvement, de la prospérité et de l’insouciance en sont le lourd prix à payer. Les mois qui viennent jugeront de ces sacrifices.
La technologie nous viendra en aide mais elle ne remplacera pas l’air doux du printemps qui pointe son nez. Nous allons devoir apprendre à vivre reclus, sans se languir aux terrasses, refaire le monde au restaurant, partager les loisirs, embrasser nos amis et câliner nos mamies. Nous voilà réduits pour un temps indéfini au télétravail et aux apéros-Skype, dernière trouvaille italienne pour braver la solitude des murs. Nos modes de vie, nos habitudes individuelles et collectives, vont se métamorphoser. Il faudra, selon la formule camusienne, « se forger un art de vivre par temps de catastrophe, pour naître une seconde fois, et lutter ensuite, à visage découvert, contre l’instinct de mort à l’œuvre dans notre histoire ».
« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre », écrit Blaise Pascal
Plus ces sacrifices vont durer, plus ils vont provoquer des dégâts. On ne freine pas un pays, et le monde autour, pendant des jours, semaines, voire mois, sans l’abîmer. Les dents de la décroissance, que certains irresponsables prêchent, mordent déjà. L’économie nationale et internationale est en train de subir un violent choc croisé d’offre et de demande. A la crise sanitaire se joindra probablement une crise économique, avec son long cortège de victimes, dont les violents soubresauts financiers des derniers jours ne laissent rien présager de bon.
« Cygne noir ». Le coronavirus risque donc d’être un catalyseur de l’histoire plutôt qu’une note de bas de page. C’est le fameux événement « cygne noir » qui échappe aux prévisions et auquel nous ne sommes pas préparés. Il nous bascule subitement dans un nouveau monde. Sera-t-il meilleur ou pire ? Il est trop tôt pour le dire, mais le virus est installé et déjà en train de réorganiser la mondialisation, redessiner nos déplacements, transformer nos modes de production et consommation. Il nous pose des questions évidentes d’écologie, de mobilité et de division internationale du travail.
Pour ne pas subir ce nouveau monde, il faut le penser. Nous allons souffrir du ralentissement généralisé mais il présente aussi une opportunité inédite. « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre », écrit Blaise Pascal. Nous voilà donc collectivement contraints à cet exercice. Puissions-nous en tirer le meilleur profit pour ressortir du tunnel immunisé contre les excès de notre monde passé.
Maxime Sbaihi