Jean a écrit:Mais alors je ressens cela comme une espèce de "régression" à cause de mon incompréhension.
Car avec un vrai corps, c'est comme si tous les grains de sables de toutes les plages du monde m'étaient potentiellement disponibles et que une nouvelle fois, avec un corps de Chair, même incorruptible je suis re-contraint à être limité à mon grain de sable.
Jean a écrit:Je crains un peu inconsciemment de récupérer ce corps (et surtout ses limites) moi qui aspire à tant pour cette Vie là...
C'est bien compréhensible. Le corps que nous connaissons, c'est un corps "déchu", si je puis dire. C'est un corps qui souffre, qui est limité, qui se fatigue, qui se détériore, qui est soumis à diverses tentations, qui... nous encombre, dans un certain sens.
Et du coup, à l'inverse, on peut avoir tendance à voir l'âme seule comme un élément libre de toute entrave.
C'était Platon qui voyait le corps comme une sorte de prison pour l'âme.
Et pourtant, ce n'est pas le cas. L'âme aspire, en réalité, à retrouver un corps. L'âme aime le corps, quoiqu'elle aspire à bénéficier d'un corps glorieux et non plus d'un corps corruptible.
L'Homme, sans son corps, ne serait pas une personne entière.
Voici un extrait d'un texte élaboré par la commission théologique internationale ("Quelques questions actuelles concernant l'eschatologie - 1992") et qui aborde, entre autres, cette problématique:
[2] En outre, on ne peut pas confondre l’anthropologie chrétienne avec le dualisme platonicien, car pour elle l’homme n’est pas seulement l’âme, de sorte que le corps serait une détestable prison. Le chrétien n’a pas honte du corps comme Plotin[101]. L’espérance de la résurrection semblerait absurde aux platoniciens car on ne peut mettre son espérance dans un retour en prison. Cependant, cette espérance de la résurrection se trouve au centre du Nouveau Testament. Par conséquent, avec cette espérance, la théologie chrétienne primitive considérait l’âme séparée comme « la moitié d’un homme » et en déduisait qu’il convenait que la résurrection se produise par la suite. « Il serait indigne de Dieu de ramener au salut un demi-homme[102]. » Saint Augustin exprime bien la pensée commune des Pères quand il écrit, à propos de l’âme séparée : « Il y a dans l’âme un désir naturel de régir le corps ; […] ce désir la retarde […] tant que le corps n’est pas sous son influence : une fois qu’elle pourra le régir, ce désir trouvera son apaisement[103]. »
Dieu nous dote, au commencement de notre vie, d'un corps et d'une âme. Pourquoi vivrions-nous un certain labs de temps avec les deux pour ensuite ne vivre qu'à l'état d'âme?
Je poursuis en citant encore le même document, afin d'apporter une précision :
Cependant, en un autre sens, on peut et on doit dire que « le même “moi” humain[114] » subsiste dans l’âme séparée puisque, étant l’élément conscient et subsistant de l’homme, elle nous permet de soutenir une véritable continuité entre l’homme qui a vécu sur terre et l’homme qui ressuscitera. Sans cette continuité d’un élément humain subsistant, l’homme qui a vécu sur terre et celui qui ressuscitera ne seraient pas le même « moi ». Grâce à elle, les actes d’intelligence et de volonté accomplis sur terre demeurent après la mort. Cette âme, même séparée, accomplit des actes personnels d’intelligence et de volonté. En outre, la subsistance de l’âme séparée apparaît clairement dans la pratique de l’Église qui adresse des prières aux âmes des bienheureux. Il ressort de ces considérations que, d’une part, l’âme séparée est une réalité ontologiquement incomplète et que, d’autre part, elle est consciente. Plus encore, selon la définition de Benoît XII, les âmes des saints pleinement purifiées, « aussitôt après leur mort » et assurément déjà en tant que séparées (« avant même de reprendre leur corps »), possèdent la pleine félicité de la vision intuitive de Dieu[115]. En soi, cette béatitude est parfaite et il ne peut rien y avoir qui lui soit spécifiquement supérieur. La transformation glorieuse du corps à la résurrection est elle-même l’effet de cette vision sur le corps. En ce sens, Paul parle d’un corps spirituel[116], c’est-à-dire configuré par l’influx de « l’esprit » et non pas seulement par l’âme (« corps psychique »).
La résurrection finale, si on la compare avec la béatitude de l’âme individuelle, implique aussi un aspect ecclésial, en ce sens qu’à la résurrection tous les frères qui sont au Christ parviendront à la plénitude[117]. Alors, toute la création sera soumise au Christ[118] et sera donc aussi « libérée de l’esclavage de la corruption[119] ».
Le même "moi" humain subsiste quand même, dans l'âme séparée, qui attend la résurrection des corps.
Quant au corps que nous aurons, comme tu le sais, c'est un corps qui sera libéré de toutes les entraves, un corps qui sera libéré de l'esclavage de la corruption: ce ne sera pas un encombrement, ni une prison, mais un corps "libre", ressuscité, complètement en phase vec notre âme.
Ce ne sera plus un corps déchu, souffrant, soumis aux tentations, mais un corps glorieux, un corps racheté, délivré, qui bénéficiera de la rédemption.
Bref, ce sera un corps qui ira comme un gant à notre âme. A ce moment là, nous serons dans "la liberté glorieuse des enfants de Dieu".
Romains 8
20 La création, en effet, a été assujettie à la vanité, —non de son gré, mais par la volonté de celui qui l'y a soumise,— avec l'espérance
21 qu'elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu.
22 Car nous savons que, jusqu'à ce jour, la création tout entière gémit et souffre les douleurs de l'enfantement.
23 Et ce n'est pas elle seulement; nous aussi, qui avons les prémices de l'Esprit, nous gémissons en nous-mêmes, attendant l'adoption [des enfants de Dieu], la rédemption de notre corps.
Amitiés