Christian de Chergé est un moine français de l'ordre cistercien de la stricte observance. Il fait partie des sept moines de Tibhirine vivant en Algérie pris en otage et assassinés en 1996.
Le 21 mai 1996, sept moines trappistes étaient assassinés en Algérie. Leur mort a soulevé l’émotion de la communauté internationale.
Le testament spirituel de frère Christian de Chergé résonne aujourd’hui comme l’un des grands textes du XXème siècle.
Cette petite communauté de l’Atlas vivant en proximité avec ses voisins algériens est allée jusqu’au bout de l’amitié et de la fidélité à une vie monastique plantée en terre d’Islam.
Ce qui a fait vivre cette communauté continue d’inspirer bien des hommes et des femmes aujourd’hui, de tous horizons, aspirant à vivre cette fraternité qu’ils ont signée de leurs vies.
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L’Homélie du Frère Christian de Chergé du Jeudi Saint 13 avril 1995 :
« Il m’a aimé jusqu’à l’extrême, l’extrême de moi, l’extrême de lui… Il m’a aimé à sa façon qui n’est pas la mienne. Il m’a aimé gracieusement, gratuitement… J’aurais peut-être aimé que ça soit plus discret, moins solennel.
Il m’a aimé comme je ne sais pas aimer : cette simplicité, cet oubli de soi, ce service humble et non gratifiant, sans aucun amour propre. Il m’a aimé avec l’autorité bienveillante mais incontournable d’un père, et aussi avec la tendresse indulgente et pas très rassurée d’une mère.
J’étais blessé au talon par l’ennemi commun, et le voilà à mes pieds : ne crains rien, tout est pur. Comme Pierre, j’ai honte : il m’est arrivé, à moi aussi, de trébucher à sa suite, et même de lever le talon contre lui car il y a un peu de Judas en moi, et j’ai bien envie de chercher refuge dans la nuit, surtout quand la lumière est là, fouillant mes ténèbres. Par bonheur, il ne regarde que mes pieds, et mes yeux peuvent fuir. L’eau qu’il a versée va-t-elle réussir à me faire pleurer ?
Moi qui rêvais de l’amour comme d’une fusion de moi en Lui, c’est une transfusion qu’il me faut : son sang dans mon sang, sa chair dans ma chair, son Coeur dans le mien, présence réelle d’homme marchant en présence du Père. Hélas ! L’amour se dévoilait, et déjà il m’échappe. Il était là, à mes pieds, tout à moi. Je n’ai pu le retenir.
Le voilà qui passe aux pieds du voisin et de Judas lui-même, de tous ceux-là dont on ne sait s’ils sont disciples en vérité, et qu’il m’a fallu accepter ; c’était le prix à payer pour rester avec Lui, et pour avoir droit, ce soir, au pain et à la coupe. Il a aimé les siens jusqu’à l’extrême, tous les siens, ils sont tous à lui, chacun comme unique, une multitude d’uniques.
Dieu a tant aimé les hommes qu’il leur a donné son Unique : et le Verbe s’est fait FRERE, frère d’Abel et aussi de Caïn, frère d’Isaac et d’Ismaël à la fois, frère de Joseph et des onze autres qui le vendirent, frère de la plaine et frère de la montagne, frère de Pierre, et de Judas et de l’un et l’autre en moi.
L’Heure est venue pour Dieu d’apprendre ce qu’il en coûte d’entrer en fraternité. Fils unique, il était venu (d’auprès de Dieu). Frère à l’infini des hommes, il s’en retourne auprès de Dieu, entraînant la multitude jusqu’à l’extrême de l’Unique. C’est un exemple que je vous ai donné : la leçon de choses est là, sur la table, avec ce pain et cette coupe à partager, mais le livre du Maître, c’est ce geste de serviteur coeur et corps livrés, là, de pieds en pieds, de frère en frère, pour graver la mémoire. « Mon frère et ma soeur, et ma mère, ce sont ceux-là qui feront, aux plus petits de mes frères, ce que j’ai fait là avec vous ».
Rien de plus pur désormais qu’une assemblée de frères s’aimant de proche en proche jusqu’à l’extrême de la patience et de la compassion, afin qu’aucun ne se perde de ceux que Jésus, notre frère, offre ce soir à son Père, comme son propre Corps et son propre Sang. Amen. »
Père Christian de Chergé (1937-1996) - Moine de Tibhirine
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Aujourd'hui encore , rendons leur hommage et
Souvenons nous !