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La pénitence de Théodose le Grand

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saint-michel


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La pénitence de Théodose le Grand Empty La pénitence de Théodose le Grand

Message par saint-michel Dim 17 Juil - 8:19

La pénitence de Théodose le Grand La_pen10

Théodose 1er dit « le Grand » était un empereur romain d’orient (347-395) du IVe siècle. Cet article a pour but de reproduire une courte période de sa vie qui met en valeur sa pieuse obéissance envers l’Église de Jésus-Christ. Suite au massacre de Thessalonique qu’il a commandité, avant de faire pénitence en public, il lance cette célèbre phrase à saint Ambroise, évêque de Milan : « Je viens à vous comme au médecin, répliqua l’empereur, c’est à vous à ordonner ce que je dois faire. ».


Je vous invite à découvrir ce trésor historique qui est injustement oublié au nom d’une bien-pensance décérébrante. Les dirigeants de ce siècle feraient bien d’en prendre de la graine !


« Histoire de Théodose le Grand ». Livre IV. Page 291 à 312


(An 390 de J.-C.)


« L’empire jouissait d’une paix profonde depuis la défaite de Maxime, et Théodose rétablissait à loisir les affaires d’Occident avant que de repasser à Constantinople, lorsqu’il reçut les nouvelles de la sédition arrivée à Thessalonique. Le sujet en avait été peu considérable, mais les suites en furent si grandes, qu’elles font une des principales partie de cette histoire.


Sédition arrivée à Thessalonique


Bothéric, gouverneur de l’UIyrie et lieutenant-général des armées de l’empereur, avait eu ordre de demeurer dans son gouvernement avec des troupes qu’on lui avait laissées, pour retenir les peuples dans leur devoir, ou pour s’opposer aux barbares, s’ils entreprenaient de faire quelque irruption sur les terres de l’empire de ce côté-là. Il se tenait à Thessalonique, ville très-riche et très-peuplée, capitale non seulement de la Macédoine où elle était située, mais encore de plusieurs provinces voisines. De là il observait et réglait toutes choses avec beaucoup de prudence et de probité, pendant que l’empereur était occupé à la guerre contre Maxime. Dès qu’il eut appris la victoire que Théodose avait remportée, il ordonna des réjouissances publiques dans toutes les villes de son gouvernement. Les habitants de Thessalonique, affectionnés pour la gloire de leur prince, et naturellement portés à toute sorte de spectacles, se signalèrent en cette occasion. Ils célébrèrent durant plusieurs jours des jeux publics avec une magnificence extraordinaire.


Un cocher de Bothéric y acquit beaucoup de réputation, et parut si adroit et si entendu à manier des chevaux, et à conduire des chariots dans le cirque, que le peuple ne pouvait se lasser de le voir et de le louer. Il jouit peu de temps de cette faveur populaire ; car, ayant été accusé et convaincu de quelques débauches infâmes, Bothéric, homme sage et austère, le fit arrêter, et le tenait dans une étroite prison, pour le corriger et pour retenir tous ses gens dans la modestie par cet exemple de sévérité et de justice.


Comme on préparait encore des courses de chevaux à Thessalonique, le peuple prévenu de l’adresse et de la bonne grâce de cet homme, jugeant qu’il était lui seul capable de faire l’honneur de cette fête, résolut de demander sa liberté. Ceux qui s’étaient chargés de l’obtenir n’ayant pu toucher l’esprit du gouverneur par leurs très-humbles prières, le peuple courut eu foule vers le palais et fit de nouvelles instances ; mais Bothéric ne voulut rien relâcher dans une affaire où il y allait non seulement de la discipline de sa maison, mais encore de l’autorité de sa charge, pour laquelle il semblait qu’on n’eût pas assez de respect. Alors les plus séditieux commencèrent à murmurer, et, prenant ce refus pour une injustice qu’on leur faisait, ils demandèrent la liberté du prisonnier, non plus comme une grâce, mais comme une nécessité. Toute la ville s’émut insensiblement. Les uns coururent aux portes des prisons pour les enfoncer, les autres chassèrent à coups de pierres les magistrats qui voulaient s’y opposer ; et comme il n’y a rien dont une populace ne soit capable quand elle est une fois chauffée, ils forcèrent les portes du palais, écartèrent les gardes qui s’y trouvaient, et tuèrent Bothéric même, qui venait au-devant d’eux pour tâcher de les apaiser.


Colère de Théodose apaisée par saint Ambroise, et rallumée par Ruffin


L’empereur ayant appris ce désordre, en fut tellement irrité qu’il résolut de perdre cette ville et condamna à la mort une partie de ses habitant. Saint Ambroise, qui connaissait l’humeur de ce prince, et qui s’intéressait à sa véritable gloire, craignit qu’il ne s’abandonnât à ses premiers mouvements, ou aux conseils violents de quelques seigneurs de sa cour. Il lui parla avec tant de force, il lui inspira si à propos des sentiments de douceur et de piété, qu’il lui fit révoquer l’arrêt qu’il avait prononcé dans la première ardeur de sa colère.


Plusieurs autres prélats joignirent leurs remontrances et leurs prières à celles de cet archevêque, et ils obtinrent de l’empereur qu’il sauverait la vie à tous ces coupables.


Mais ses principaux officiers, et surtout Ruffin, grand-maître du palais, qui avait beaucoup de pou voir sur son esprit, prirent leur temps pour lui remontrer, qu’il fallait enfin réprimer la licence des peuples qui croissait tous les jours par l’espérance de l’impunité ; qu’il n’avait déjà que trop pardonné, puisqu’il ne restait plus de respect pour les lois, ni de sûreté pour ses plus fidèles serviteurs ; qu’il se trouverait lui-même exposé à l’insolence de ses sujets, s’il laissait affaiblir son autorité, en dissimulant leurs révoltes ; qu’il y avait de quoi s’étonner qu’un empereur, qui savait si bien vaincre ses ennemis, n’eût pas la force de punir quelques rebelles ; que les évêques étaient obligés de prêcher toujours la douceur, mais que c’était aux princes à en user suivant la nécessité de leurs affaires, parce qu’un empire ne se gouvernait pas comme un diocèse, et que l’Église et l’État avaient des règles et des maximes bien différentes ; qu’il y avait enfin de l’excès dans le pardon des crimes, comme il y en avait dans le châtiment, et qu’il était temps d’arrêter les désordres dont l’État était menacé, en punissant rigoureusement celui qui venait d’arriver.


Ils rappelèrent ensuite dans la mémoire de l’empereur les statues de l’impératrice renversées dans Antioche, le palais du patriarche brûlé par les ariens à Constantinople, et la synagogue de Callicin ruinée par le zèle indiscret de quelques solitaires. Ils lui firent prévoir mille conséquences fâcheuses, et rallumèrent si bien sa colère par ces nouvelles remontrances, qu’il oublia la parole qu’il avait donnée, et résolut d’abandonner Thessalonique à la fureur des gens de guerre qu’il y envoyait. Il sortit même de Milan pour éviter les remontrances des évêques, et se plaignit dans son conseil de ceux qui avaient soin d’informer saint Ambroise de toutes les résolutions qu’on y prenait.


Tempérament de Théodose


Théodose était d’un tempérament prompt et ardent, et se laissait aisément emporter à la colère contre ceux qui l’avaient offensé ; mais après cette première émotion, dont il n’était pas toujours le maître, il revenait tout d’un coup à lui-même, et pourvu qu’on ne détournât pas la bonté de son naturel par de mauvais conseils, il pardonnait d’au tant plus volontiers qu’il s’était plus fort emporté.


Il savait bon gré à ceux qui le redressaient en ces rencontres ; et, soit qu’il eût bonté de s’être laissé aller à sa passion, soit qu’il voulût réparer sa faute, soit qu’il crût que la colère des princes était un supplice assez rude à supporter, souvent il faisait grâce à des criminels, par la seule raison qu’il les avait repris trop aigrement. Mais il avait, comme la plupart même des bons princes, une confiance dangereuse en ceux qu’il croyait être ses amis, et qui animaient ses passions et couvraient les leurs sous des apparences du bien public. Ainsi il se laissait quelquefois surprendre, et, quoiqu’il eût les in tentions bonnes, il était capable de faire de grandes fautes.


Châtiment des séditieux de Thessalonique


La résolution étant donc prise de faire un exemple de sévérité sur cette ville, l’affaire fut proposée dans le conseil ; il fut résolu, tout d’une voix, qu’il fallait envoyer des troupes à Thessalonique, et faire main-basse sur ce peuple séditieux. On tint la délibération secrète. On envoya les ordres nécessaires pour l’exécution, et l’on ne craignit dans le crime qu’on allait faire, sinon que saint Ambroise en fût averti. Les officiers qui avaient été chargés de cette sanglante commission, s’en acquittèrent avec toute l’adresse et toute la cruauté qu’on leur avait recommandées. Ils amusèrent, par quelques préparatifs de courses et de jeux publics, ce peuple qui devait plutôt s’attendre à des supplices qu’à des spectacles, et, en ayant attiré un très-grand nombre dans le cirque, ils se donnèrent le signal dont ils étaient convenus.


Alors on vit courir de tous côtés des soldats qui se jetèrent, les armes à la main, dans les places, dans les rues, dans les maisons, et surtout dans le cirque où le peuple était assemblé. Là, ils passaient tout au fil de l’épée, sans aucune distinction d’âge, de sexe et de qualité. Le premier qui se rencontrait était le premier immolé. Les innocents périssaient avec les coupables. Des étrangers, qui n’avaient aucune part dans la faute, se trouvèrent enveloppés dans la punition, et les soldats échauffés au meurtre, ne cherchaient plus à punir un crime, mais à assouvir leur brutale fureur.


Ce fut en cette occasion qu’un des plus riches marchands de la ville, voyant sa famille prête à être cruellement égorgée, se jeta aux pieds de ces meurtriers, essaya vainement de les émouvoir par ses larmes et par ses prières, et les conjura de prendre son bien et sa propre vie, pour celle de deux enfants qui lui étaient également chers. Alors, comme s’ils eussent été touchés de quelque pitié, ils lui répondirent, que le nombre des morts, porté par leurs commissions, n’était pas encore rempli ; qu’ils ne pouvaient disposer que d’une seule grâce, et qu’il choisît promptement lequel de ses deux enfants il voulait sauver. Mais ce père infortuné, ré duit à la triste nécessité d’en livrer un pour sauver l’autre, et ne se déterminant pas assez prompte ment sur ce choix au gré de ces barbares, ils ne purent souffrir plus longtemps cette suspension, et tuèrent inhumainement les deux frères. La ville fut abandonnée à l’épée pendant trois heures, et il périt environ sept mille personnes.


Quoiqu’on eût pu croire que Théodose n’avait pas ordonné de son mouvement cette vengeance sans bornes, néanmoins, comme les princes doivent répondre de ce qui se fait en leur nom, et des excès qu’on commet dans l’exécution de leurs ordres, chacun en jeta la faute sur lui. Le bruit s’en répandit par tout l’Orient. La nouvelle en vint à Milan, où plusieurs évêques s’étaient rendus pour assister au concile qu’on y devait tenir contre Jovinien et ses partisans. Ces prélats eurent horreur d’une action si cruelle, et blâmèrent haute ment celui qui en était l’auteur.



Remontrance de saint Ambroise à l’empereur


Saint Ambroise ayant appris que ce prince avait dessein de le venir trouver, lui écrivit d’abord une lettre pour lui marquer la grandeur de son crime, et l’exhorter d’en faire pénitence. Il s’excuse de ce qu’il n’a pas l’honneur d’aller au-devant de lui. Il lui déclare avec respect :


« Qu’encore qu’il ait dans le cœur toute la reconnaissance qu’il doit avoir des témoignages de son amitié et des grâces qu’il a reçues de lui, il ne ressent plus la même joie qu’il aurait eue autrefois de son arrivée ; qu’il aime mieux le laisser en repos et lui donner le temps de faire des réflexions sur sa conduite, que de l’importuner par ses corrections précipitées ; qu’il le reconnaît pour un grand prince, craignant Dieu, zélé pour la foi, et plein de bonnes intentions, mais prompt de son naturel, et susceptible des impressions qu’on lui donne, soit pour le pardon, soit pour la vengeance.  »


Après avoir fait ainsi le portrait de l’empereur à l’empereur même, il vient à l’affaire de Thessalonique, et lui représente que c’est une manière de punition inouïe ; que son crime est d’autant plus grand, qu’on lui en avait fait voir la grandeur avant qu’il l’entreprît ; que les évêques assemblés en avaient gémi, et avaient jugé nécessaire qu’il se réconciliât avec Dieu avant que d’être reçu à la participation des sacrés mystères ; qu’il fallait pleurer et expier son péché par les larmes et par la pénitence, et n’avoir pas honte de faire ce que David avait fait, lui qui était un grand roi, de qui Jésus- Christ était descendu selon la chair, et qui n’était coupable que de la mort d’un seul innocent ; qu’il ne lui dit pas ces choses pour le confondre, mais pour l’exciter par cet exemple à se reconnaître et à s’humilier devant Dieu ; que tout homme, quel que grand qu’il soit, est sujet à manquer ; qu’il lui conseille et le conjure, comme ami, et qu’il l’exhorte et l’avertit, comme évêque, de réparer sa faute ; que ce serait une chose déplorable, si un prince qui avait donné de si grands exemples de piété et de clémence demeurait endurci, et si, après avoir pardonné à tant de criminels, il faisait difficulté de se repentir d’avoir fait mourir tant d’innocents ; que quelques grandes qualités qu’il eût pour régner, et quelques batailles qu’il eût gagnées, il avait été plus estimable par sa piété que par ses victoires ; mais qu’il avait perdu par une seule action la gloire qu’il s’était acquise par tant d’autres.


Il lui déclare après cela que la reconnaissance, l’estime et le respect qu’il a dans le cœur pour lui, n’empêcheront pas qu’il ne suive les ordres de l’Église, et qu’il n’a garde d’offrir en sa présence le divin sacrifice jusqu’à ce qu’il ait satisfait à Dieu ; qu’au reste il lui écrit ceci de sa main, afin qu’il y fasse réflexion en son particulier ; qu’il aimerait bien mieux gagner les bonnes grâces de son empereur par une complaisance honnête, que de lui faire de la peine par des avertissements rudes ; mais que, lorsqu’il s’agit de la cause de Dieu, il faut sacrifier son inclination à son devoir.


Enfin il l’exhorte à accuser et à condamner lui- même son péché, et finit par ces paroles pleines d’une tendresse de père :


« Plût à Dieu, Seigneur, que j’eusse plutôt cru mon propre instinct, que l’expérience que j’avais de votre bonté ! Mais lorsque je m’imaginais que je vous avais vu si souvent pardonner et revenir de votre colère, je me suis trop fié à votre coutume ; vous avez été prévenu, et je n’ai point empêché ce que je ne devais craindre et que je ne pouvais presque pas prévoir. Dieu sait la tendresse que j’ai pour vous, et la ferveur avec laquelle je lui demande votre salut. Si vous êtes persuadé que je vous dis la vérité, suivez les avis que je vous donne ; sinon excusez mon zèle, et ne trouvez pas mauvais que je veuille plutôt plaire à Dieu qu’à vous. »


Repentir de Théodose


L’empereur, ayant reçu cette lettre, se sentit touché d’une si libre et si sage remontrance. Les nuages de la prévention étant dissipés, il regarda l’action qu’il venait de faire dépouiller des prétextes et des raisonnements d’une fausse politique. Son âme, pressée des remords de son crime, fut saisie d’une crainte religieuse des jugements de Dieu et des censures ecclésiastiques. Dans cet état, ne pouvant presque se supporter lui-même, et n’espérant de solide consolation que du saint archevêque dont il n’avait pas assez révéré les conseils, et dont il avait éprouvé le zèle inflexible, il partit tout d’un coup pour Milan.


Saint Ambroise excommunie Théodose


Aussitôt qu’il y fut arrivé, il ne pensa qu’à donner des marques de sa piété, pour ôter les mauvaises impressions qu’il avait données de lui. Pour cela, il voulut aller à la cathédrale assister aux prières publiques, et participer aux sacrés mystères. L’archevêque en fut averti, et, sortant du chœur de l’église où il était, il marcha jusqu’au- delà du vestibule pour l’attendre. Dès qu’il le vit paraître, il s’avança quelques pas vers lui, et lui dit avec cette autorité que lui donnaient son caractère et la sainteté de sa vie :


« Il est à croire, ô empereur, que vous ne comprenez pas encore l’énormité de votre crime, puisque vous osez vous présenter ici. Peut-être que, prévenu de la grandeur de votre dignité, vous vous cachez à vous-même vos faiblesses, et que votre orgueil aveugle votre raison. Songez que vous êtes d’une nature fragile, que vous avez été tiré d’un peu de poussière comme les autres hommes, et que vous retournerez en poussière comme eux. Ne vous laissez pas éblouir à l’éclat de cette pourpre qui couvre un corps infirme et mortel. Ceux à qui vous commandez sont de la même nature que vous, et vous servez avec eux le même Dieu qui est le maître des sujets et des souverains. Comment donc entreprenez-vous d’entrer dans son temple ? Oseriez- vous étendre vos mains encore teintes du sang innocent que vous avez répandu, pour prendre le corps sacré de Jésus-Christ ? Oseriez-vous recevoir son sang adorable en cette bouche, qui, dans l’excès de votre colère, a commandé tant de meurtres ? Retirez-vous donc, et n’ajoutez pas un nouveau- crime à celui que vous avez déjà commis : recevez plutôt avec soumission la sentence que je prononce sur la terre, et que Jésus- Christ approuve dans le ciel, contre votre péché, puisque c’est pour votre salut.  »


Théodose, sensiblement touché de ce discours, demeura quelque temps les yeux baissés sans rien dire : après quoi il répondit à l’archevêque, qu’il reconnaissait son crime, mais qu’il espérait que Dieu aurait égard à sa faiblesse ; et, comme il alléguait l’exemple de David qui avait commis un homicide et un adultère tout ensemble, l’archevêque lui répondit : « Vous l’avez imité en son péché, imitez -le donc en sa pénitence ». Alors ce prince, qui était parfaitement instruit des maximes de la religion et du pouvoir de l’Église, au lieu de s’offenser de cette résistance, la regarda comme un remède salutaire d’un mal dont il n’avait pas connu jusqu’alors toutes les conséquences. Il se retira dans son palais, les larmes aux yeux, et demeura huit mois entiers éloigné des sacrés mystères, vivant comme un pénitent, et ne s’apercevant presque pas qu’il fût empereur.


Ruffin veut consoler Théodose


Cependant la fête de la naissance de Notre-Seigneur étant arrivée, Théodose, pénétré d’une vive douleur, se leva plus matin qu’il n’avait accoutumé ; et, comme il ne pouvait avoir aucune part à la solennité de ce jour, il se disposait à le passer dans une profonde tristesse. Ruffin, grand- maître du palais, qu’il honorait de son amitié et de sa confidence, étant entré dans sa chambre, le trouva dans cet abattement et lui en demanda la cause. L’ayant sue, il essaya de le consoler, en lui insinuant adroitement qu’il fallait se mettre au- dessus de certaines craintes qu’on couvrait du nom de religion ; qu’on devait agir en maître quand on l’était ; qu’il y avait du danger à s’assujettir aux censures de gens qui n’avaient jamais gouverné d’États, que s’il avait pourtant cette délicatesse de conscience, il pouvait satisfaire sa piété, sans tomber dans l’abattement ; que le mal n’était pas si grand qu’on le faisait ; qu’après tout il avait eu su jet de punir des criminels, et qu’il n’en avait pas de s’affliger si cruellement. Ainsi ce favori, après avoir porté son maître à commettre une grande faute, tachait encore par ses flatteries de lui en affaiblir le repentir.


Théodose, bien loin de recevoir ces consolations, parut plus touché qu’il n’était auparavant, et après avoir demeuré quelque temps sans pouvoir répondre :


« Cessez, Ruffin, lui dit-il avec indignation, cessez de vous moquer de ma douleur ; je juge mieux que vous ne faites de l’état où je suis. N’ai-je pas sujet d’être affligé, quand je pense que les moindres de mes sujets vont aujourd’hui faire leur prière aux pieds des autels, et que je suis le seul à qui l’on interdit non seulement l’entrée de l’église, mais encore celle du ciel, suivant cette parole de l’Évangile : Tout ce que vous aurez lié sur la terre, sera lié de même dans les cieux ! »


Ruffin négocie l’absolution pour Théodose


Ruffin, ne voyant plus d’apparence d’ôter de l’esprit de ce prince cette crainte religieuse que saint Ambroise y avait imprimée par ses remontrances, s’offrit d’aller trouver ce prélat et de l’obliger par ses prières à lever la sentence de l’excommunication. Théodose lui répondit : Qu’il avait affaire à un homme inflexible, qui n’avait nul égard au rang, ni à la puissance des empereurs, lors qu’il s’agissait des lois et de la discipline de l’Église ; qu’il reconnaissait que le jugement de l’archevêque était juste, et qu’il valait mieux achever d’expier son péché que de demander en vain la grâce d’une absolution précipitée.


La pratique ordinaire de l’Église, de ne recevoir publiquement les pénitents que vers les fêtes de Pâque, et de tenir les meurtriers volontaires plusieurs années en pénitence, faisait croire à l’empereur que cette tentative serait inutile. Toutefois Ruffin le pressa si fort de sortir de l’accablement où il était, et lui donna de si belles espérances, que ce prince lui permit d’aller trouver l’archevêque, et résolut de le suivre lui-même peu de temps après. Ruffin s’acquitta de sa commission avec beaucoup d’adresse ; mais saint Ambroise, voyant qu’il faisait une négociation d’État d’une réconciliation ecclésiastique, lui répondit avec sa liberté ordinaire :


« Que lui, qui était le premier auteur du crime, n’était pas propre pour être l’entremetteur de l’absolution, et que pour peu qu’il lui restât de honte et de crainte des jugements de Dieu, il ne devait penser à l’affaire de Thessalonique, que pour pleurer les mauvais conseils qu’il avait donnés à son maître. »


Ruffin ne se rebuta point de ces reproches : il employa les sollicitations et les prières les plus touchantes, et n’oublia rien de ce qui pou vait gagner l’esprit de l’archevêque. Comme il vit qu’il n’en pouvait rien obtenir, il l’avertit que l’empereur arriverait bientôt à l’église. Le saint lui répliqua, sans s’étonner :


« Qu’il allait l’attendre à la porte, pour lui défendre l’entrée ; que s’il venait comme un empereur chrétien, il ne violerait pas les lois de sa religion ; que s’il voulait devenir tyran, il pourrait ajouter la mort d’un évêque à celle de tant d’innocents qu’il avait déjà fait mourir. »


Théodose se présente à la porte de l’église


Ruffin, ayant ouï cette réponse, manda promptement à Théodose que l’affaire n’avait pas réussi comme il l’avait espéré, et qu’il le suppliait de ne point venir. L’empereur était déjà bien avancé quand il reçut cet avis. Il s’arrêta, et après avoir fait quelques réflexions, il passa outre, et résolut de souffrir la confusion qu’il croyait avoir méritée. L’archevêque était dans une salle proche de l’église où il donnait ordinairement ses audiences lorsqu’on vint l’avertir que l’empereur était à la porte. Il s’avança vers lui, et lui dit qu’il ne faisait pas l’action d’un empereur chrétien, s’il entre prenait de forcer l’église ; que c’était se révolter contre Dieu même et fouler aux pieds les lois divines, que de vouloir assister aux sacrés mystères avant que d’avoir fait pénitence de son péché. Théodose lui répondit avec beaucoup de soumission que son dessein n’était pas d’entrer par force dans la maison de Dieu, ni de violer les ordonnances ecclésiastiques, mais qu’il venait le conjurer de rompre ses liens et de lui ouvrir la porte du salut, au nom de Jésus-Christ, qui a ouvert celle de sa miséricorde aux pécheurs qui se repentent sincèrement. Saint Ambroise lui demanda quelle pénitence il avait faite, et quels remèdes il avait employés pour guérir une plaie si dangereuse.


« Je viens à vous comme au médecin, répliqua l’empereur, c’est à vous à ordonner ce que je dois faire. »


Théodose fait pénitence publiquement, et il est absous


Alors le saint archevêque lui représenta le malheur d’un prince qui ne réglait pas ses passions, et qui s’exposait à rendre des jugements injustes et à répandre un sang innocent, et lui ordonna de faire une loi qui pût servir de frein à sa colère et à celle de ses successeurs. Cette loi portait, que si les empereurs, contre leur coutume, étaient obligés d’user envers quelqu’un d’une extrême sévérité, après avoir prononcé la sentence de mort, ils en feraient différer l’exécution d’un mois entier, afin que les passions étant ralenties, ils pussent revoir leurs jugements, et discerner, sans préoccupation, l’innocent d’avec le coupable. Soit que cette ordonnance fût dressée alors, soit qu’elle eût été publiée huit ans auparavant, comme quelques historiens l’ont remarqué, Théodose la fit écrire sur-le-champ, la signa et promit de l’observer.


Cela fait, il fut absous, et, ayant été admis dans l’église, il se prosterna et commença sa prière par ces paroles d’un roi pécheur et pénitent comme lui :


« Mon âme est demeurée attachée en terre, Seigneur, rendez-moi la vie selon votre promesse. »


Il se tenait en cette posture, frappant de temps en temps sa poitrine, élevant sa voix vers le ciel pour demander grâce, et pleurant son péché à la vue de tout le peuple, qui en était attendri et qui pleurait avec lui. Lorsqu’il fallut aller à l’offrande, il se leva, s’avança vers l’autel où il offrit ses dons comme il avait accoutumé, et vint se ranger dans le chœur parmi les prêtres auprès du balustre.


Théodose se range avec les laïques


L’archevêque l’ayant aperçu, et voulant abolir une coutume que la complaisance des évêques et le relâchement de la discipline avaient introduite, envoya lui demander ce qu’il attendait là ; et comme on lui rapporta de sa part qu’il attendait le temps d’être admis à la communion des sacrés mystères, il lui manda par un de ses diacres :


« Qu’il s’étonnait de le voir ainsi dans le sanctuaire, que la pourpre le faisait empereur et non pas prêtre, et qu’il n’avait de place dans l’église que comme les autres laïques. L’empereur répondit, que ce n’était ni une entreprise contre l’ordre de l’Église, ni une affectation de se distinguer de personne ; mais qu’il avait cru que l’usage était le même à Milan qu’à Constantinople, où il se plaçait dans le chœur »


Et après avoir remercié l’archevêque de la bonté qu’il avait de l’avertir de son devoir, il sortit du balustre et se rangea parmi le peuple. Cette leçon demeura si fort gravée dans son esprit, qu’étant de retour à Constantinople, et se trouvant dans l’église cathédrale le jour d’une grande fête, il sortit du chœur après avoir fait son offrande ; et, comme le patriarche Nectaire l’envoyait prier d’y rentrer et de prendre la place destinée à sa majesté :


« Hélas, dit-il en soupirant, j’ai été longtemps à savoir la différence qu’il y a entre un évêque et un empereur ! Je suis environné de gens qui me flattent ; je n’ai trouvé qu’un homme qui m’ait redressé et qui m’ait dit la vérité, et je ne connais au monde de véritable évêque qu’Ambroise. »


Depuis ce temps-là, les empereurs se tinrent hors du balustre, un peu au-dessus du peuple, mais au-dessous des prêtres : tant la correction d’un prélat zélé et irréprochable fait d’impression sur un prince qui a quelque soin de son salut.


Toute l’Église est encore édifiée de la docilité et de la foi de cet empereur. Les saints Pères, dans leurs écrits, ont consacré la mémoire de sa piété ; et par cet exemple ils ont averti tous les souverains de régler leur autorité par la justice et non pas par leur passions, de discerner les bons conseils d’avec les mauvais, et d’avoir plus de honte des péchés qu’ils font que de la pénitence qu’ils en devraient faire.


Hérésie de Jovinien ; Theodose s’emploie pour la détruire


Théodose, après s’être soumis lui-même aux lois de l’Église, employa son autorité pour les faire observer, et réprima l’insolence de Jovinien et de ses disciples, que le concile de Milan venait de con damner. Jovinien avait été religieux dans un monastère du faubourg de Milan, que saint Ambroise entretenait par ses soins dans une exacte régularité. Cet homme volage et sensuel se lassa bientôt de mener une vie austère et pénitente. Il la quitta, et entraîna avec lui quelques esprits faibles qu’il avait infectés d’une doctrine contagieuse. Il eut quelque dessein de rentrer dans cette sainte société ; mais on jugea que son repentir n’était pas sincère et que sa conversation serait dangereuse, et l’on refusa de l’y recevoir. Il fut si piqué de ce refus, qu’il enseigna publiquement, que le jeûne et les autres exercices de pénitence n’étaient d’aucun mérite ; que la virginité n’avait aucun avantage sur le mariage ; que ceux qui sont baptisés ne peuvent être abattus par les tentations ; qu’il n’y avait qu’une même récompense pour tous les bienheureux ; et plusieurs autres maximes qui tendaient au relâchement des mœurs et à l’affaiblissement de la discipline. Outre que sa cause était mauvaise, elle était encore mal soutenue, parce qu’il n’avait ni netteté, ni éloquence dans ses écrits : mais comme elle flattait les inclinations sensuelles des hommes, elle était facile à persuader. Ainsi en rabaissant la gloire de la virginité, il séduisait plusieurs vierges romaines, et à force de déclamer contre le célibat, il portait des gens de bien à la dissolution.


De saints et savants personnages écrivirent contre sa doctrine et contre sa vie qui était très-conforme à ses opinions, et lui reprochèrent même avec beaucoup d’aigreur ses délicatesses, son luxe et son incontinence. Le pape Sirice, après avoir condamné cet hérésiarque, envoya ses légats à Milan pour y convoquer un synode, et pour étouffer ces nouvelles erreurs dans le lieu même où elles étaient nées. Ce synode, qui commençait à s’assembler quand la nouvelle de l’affaire de Thessalonique arriva, avait jugé Jovinien et ses compagnons, conformément à la sentence de Rome : il ne restait plus qu’à l’exécuter ; Théodose s’en chargea lui- même, et, par un rescrit donné à Vérone le deuxième jour de septembre, il chassa de Rome ces hommes déréglés qui retenaient encore le nom et l’habit de leur première profession, et les relégua dans des déserts écartés où ils eussent vécu en une continence forcée, si les magistrats eussent été plus exacts à faire exécuter l’ordre qu’ils avaient reçu.


Théodose réforme divers abus


Le zèle de ce prince ne s’arrêta pas là ; car, ayant appris que cette hérésie avait introduit dans Rome d’étranges désordres, il fit publier des ordonnances très-sévères contre plusieurs sortes d’impuretés, et commanda très-expressément au lieutenant de la ville, d’arrêter cette corruption par des supplices proportionnés aux crimes, afin de remettre parmi les Romains l’honnêteté des mœurs où le grand Constantin avait autrefois commencé de la réduire.


Ce fut environ ce temps-là qu’il défendit, sous des peines très-rigoureuses, le mariage entre les cousins-germains, renouvelant les édits anciens qu’une licence effrénée avait entièrement abrogés. Il établit encore plusieurs lois qui regardaient le repos de l’État et la police de l’Église. Le règlement qu’il fit sur le sujet des diaconnesses mérite d’être rapporté ici avec toutes ses circonstances, tant parce que l’occasion qu’il eut de les faire fit alors un grand éclat, que parce que les princes en peuvent tirer quelque instruction pour leur conduite.


Ordre de l’Église pour la pénitence


L’Église a toujours exigé des pénitents une confession publique ou particulière de leurs péchés, comme une humiliation nécessaire et une marque évidente de douleur et de repentir. Des ministres commis pour la direction des consciences, entendaient les accusations que chacun faisait contre soi-même, et ordonnaient des peines et des satisfactions proportionnées aux péchés qu’on leur découvrait. L’évêque tenait lui seul ce tribunal de pénitence, tant que les chrétiens vécurent dans la ferveur et dans la pureté des règles de l’Évangile. Mais leur nombre s’étant augmenté, et la discipline s’étant relâchée dès que les persécutions eurent cessé, les péchés devinrent si fréquents, et les évêques se trouvèrent chargés de tant de soins, qu’il fallut établir dans chaque église un prêtre pénitencier. Celui- ci recevait les confessions des pénitents, leur prescrivait le temps et la manière de la satisfaction, et après les avoir éprouvés, selon leurs besoins, par les pratiques de la pénitence, il les présentait à l’évêque pour être réconciliés.  »


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