Père Gaspard Craplet célébrant une messe en montagne
L’été est proche, et avec lui son lot de messes en plein air, lors des camps scouts notamment. Mais que dit le droit canonique sur les messes en dehors des églises, un acte finalement pas si anodin ? Explications...
Pour avoir la messe après une belle randonnée en montagne, fêter le 15 août ou bien honorer Dieu au milieu d’un camp scout, il n’est pas rare que les prêtres célèbrent l’eucharistie en dehors des églises. Et même parfois dans des lieux singuliers : les pèlerins de l’Association des Brancardiers et Infirmiers d’Île-de-France (ABIIF) assistent ainsi chaque année à la messe… dans le wagon du train qui les emmène à Lourdes !
Messe célébrée dans un train en direction de Lourdes, avril 2015
Écrit pour aider à la sainteté du peuple de Dieu, le Code de droit canonique a tout prévu, ou presque. Sur cette question, celle de la possibilité de dire la messe en dehors d’une église, il renvoie, comme souvent, au discernement des pasteurs. En effet, en étant ouvert à d’autres possibilités, il rappelle que la norme est de célébrer dans un lieu consacré à cela : « La célébration eucharistique se fera en un lieu sacré à moins que, dans un cas particulier, la nécessité n’exige autre chose ; en ce cas, la célébration doit se faire dans un endroit décent » (art. 932, §1).
Une eucharistie « dignement célébrée »
Pour dire la messe sur le dos d’un kayak après une descente de rivière ou en haut du sommet gravi, il faudrait donc qu’il eût « nécessité ». Si le droit de l’Église reste souple, ou vague, c’est parce qu’il est fait pour le bien des fidèles, de sorte qu’il ne veut pas les empêcher d’avoir la messe, source et sommet de la vie chrétienne. En même temps, mémorial de la passion et de la résurrection de Jésus, l’eucharistie se doit d’être dignement célébrée.
Si cette dignité passe d’abord par le lieu choisi pour la célébration, elle demande aussi d’autres éléments pour garantir au corps et au sang du Christ un écrin convenable : « Le Sacrifice eucharistique doit être célébré sur un autel consacré ou béni ; en dehors d’un lieu sacré, peut être utilisée une table convenable, en gardant toujours la nappe et le corporal » (art. 932, §2). Si le corporal peut sembler anecdotique, le fait que le droit stipule sa nécessité montre bien que le but est d’éviter toute atteinte matérielle ou morale à Jésus réellement présent sous les espèces du pain et du vin. Le kayak instable et le sommet fréquenté n’apparaissent dès lors inopportuns.
Une instruction publiée en 2004 par la Congrégation pour le culte divin, qui s’occupe au Vatican de la liturgie, ajoute même qu’il faut, pour dire la messe ailleurs que dans un « lieu sacré », l’autorisation de l’évêque à qui il revient « d’apprécier la nécessité » d’une telle démarche. On comprend dès lors, malgré la popularité des messes en plein air, que celles-ci devraient en fait répondre à une urgence : impossibilité d’assister à une messe dans une église un jour où elle est obligatoire, besoin de faire communier un mourant… Dans l’histoire de l’Église, ce fut le cas de nombreux prêtres emprisonnés ou empêchés de dire la messe.