3 mai 2022
Le pape François a ouvert les portes de la résidence Sainte-Marthe pour répondre avec une grande liberté aux questions du Corriere della Sera. Signé du directeur du journal, l’article ne reprend pas le format d’un entretien en bonne et due forme mais rapporte de nombreux propos du pontife de 85 ans.
« Poutine ne s’arrête pas, je veux le rencontrer à Moscou ». Tel est le titre de l’entretien du pape François accordé au quotidien italien Il Corriere della Sera, publié le 3 mai 2022. Le pape regrette que Vladimir Poutine ne réponde pas à sa demande de rencontre et met en garde le patriarche Kirill contre le fait de devenir « l’enfant de chœur de Poutine ».
C’est le sujet de la guerre en Ukraine sur lequel le pape s’exprime le plus largement, avec une liberté de ton peu habituelle par rapport aux semaines passées durant lesquelles la diplomatie vaticane veillait à ne pas pointer du doigt un des acteurs du conflit. Celui qui se refusait jusqu’à présent de citer nommément le président russe déroge à un principe qu’il avait justifié quelques jours plus tôt. Sans doute est-ce l’ampleur de la catastrophe qui se déroule actuellement – le pape compare la situation en Ukraine de 2022 à celle du Rwanda en 1994 lorsque le pays fut confronté au génocide des Tutsis – et l’inflexibilité de Vladimir Poutine qui le poussent à parler plus directement.
Le pape rappelle d’abord ne pas avoir « appelé Poutine » au moment de l’invasion russe, le 24 février. Mais il fait cette confidence : « J’ai demandé au cardinal Parolin, après vingt jours de guerre, d’envoyer à Poutine le message selon lequel j’étais prêt à me rendre à Moscou ». Et de confier ensuite : « Nous n’avons toujours pas eu de réponse et nous insistons toujours, même si je crains que Poutine ne puisse pas et ne veuille pas faire cette rencontre en ce moment ».
Interrogé sur un projet de voyage à Kiev, le pape est catégorique : « Je sens que je ne dois pas y aller. Je dois d’abord aller à Moscou, je dois d’abord rencontrer Poutine. Mais je suis aussi un prêtre, que puis-je faire ? Je fais ce que je peux. Si Poutine ouvrait la porte… ».
L’attitude de l’OTAN questionnée
Dans cette conversation au Corriere, le pape s’interroge sur les motivations du président russe de mener une guerre aussi brutale. Le pape se demande ainsi si la « colère » de Moscou pourrait être due à l’attitude de l’OTAN vis-à-vis de la Russie ; « une colère dont je ne saurais dire si elle a été provoquée », s’interroge-t-il, avant de glisser : « Mais peut-être a-t-elle été facilitée ».
Le chef de l’Église catholique, qui n’a de cesse de plaider pour la fin de la course aux armements, semble par ailleurs buter sur la question de la fourniture d’armes par les nations occidentales à la résistance ukrainienne. « Je ne sais pas comment répondre, je suis trop loin, à la question de savoir s’il est juste de fournir les Ukrainiens », confie-t-il.
Il dénonce néanmoins le fait que, comme lors de chaque guerre, des armes sont testées. Il sous-entend d’ailleurs que les Russes pourraient faire usage d’armes non-conventionnelles : « Les Russes savent maintenant que les chars sont peu utiles et pensent à d’autres choses ».
Le pape se confie par ailleurs sur un espoir rapporté par le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán. « Lorsque je l’ai rencontré, [il] m’a dit que les Russes ont un plan, que tout se terminera le 9 mai [Jour de la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie, NDLR]. J’espère que c’est le cas, afin que l’on puisse aussi comprendre la rapidité de l’escalade en ces jours », insiste le pontife qui se dit pessimiste. « Maintenant, ce n’est pas seulement le Donbass, c’est la Crimée, c’est Odessa, c’est le port de la mer Noire qui est enlevé à l’Ukraine ».
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