Dans son dernier ouvrage « La joie des petites choses » (Salvator), Anselm Grün, moine bénédictin de l’abbaye de Münsterschwarzach (Bavière), invite à éprouver une juste et bonne satisfaction à l’égard de sa propre vie.
« Être content de son sort, voilà la plus grande des richesses », dit le proverbe. Un trésor difficile à envisager lorsque les épreuves s’enchaînent ou lorsque nous sommes un éternel insatisfait. Cependant, il existe bel et bien un chemin pour accéder à la paix intérieure et goûter à la joie des humbles. À la croisée de la psychologie et de la spiritualité, Anselm Grün fournit de bonnes pistes pour aimer sa vie telle qu’elle est. Entre la satisfaction somnolente du repu et celle, bruyante, du frimeur, se dessine la satisfaction qu’il nomme « reconnaissante ». La juste et bonne satisfaction de celui qui se contente de ce qu’il possède et qui rend grâce pour ce qui lui est donné. Qui ne se plaint pas, même si sa vie n’est pas toute rose. Un sentiment qui mène à la joie et au bonheur.
1) TROUVER LA PAIX INTÉRIEURE
Condition préalable à la sérénité : la paix intérieure. « Celui qui a trouvé sa paix intérieure ou qui s’efforce de l’atteindre est plus facilement satisfait de sa vie », assure le moine bénédictin. Cela suppose de s’accepter tel que l’on est, d’être en accord avec soi-même, de se réconcilier avec ses faiblesses. « Si je suis dominé par mes besoins, si j’enrage contre moi-même et contre mes faiblesses », alors je ne suis pas en paix intérieurement. « Être en paix signifie que tout a droit de cité dans l’espace protégé de mon âme et de mon corps. Tout m’appartient, mais rien ne me domine. Tout ce que j’accepte de moi me permet de vivre librement. Je ne ressens pas la pression de devoir me couler dans un moule », précise Anselm Grün.
Celui qui est en paix avec lui-même est plus facilement satisfait de ce qui l’entoure. Car rien ne lui arrachera sa paix intérieure. En revanche, constate le moine, celui qui se montre insatisfait envers les choses extérieures (la location qui ne correspond pas à ce qu’il souhaitait, l’environnement bruyant qui le dérange, les conditions de travail de son entreprise…) n’est bien souvent pas en paix avec lui-même. Alors il critique tout.
2) CULTIVER LA SIMPLICITÉ ET LA MODESTIE
Une des sources de satisfaction réside dans le fait de ne pas avoir de trop grandes exigences. Cultiver la simplicité, aimer la modération, faire preuve de modestie, tout ceci contribue à éprouver de la satisfaction. Il ne s’agit pas de se résigner mais de se contenter de ce que la vie nous offre au lieu de vouloir toujours plus ou toujours mieux.
« Ne pas avoir de prétentions trop élevées rend serein », remarque Anselm Grün. « Je m’aperçois aujourd’hui que nous sommes nombreux à avoir des prétentions exagérées : j’ai le droit d’avoir une bonne santé, le droit d’avoir une chambre au calme à l’hôtel, le droit d’exiger de mes enfants qu’ils respectent mon repos ». Autant de revendications qui ne rendent ni sereins ni heureux. « Celui qui ne cesse de penser à ses propres besoins n’est pas serein et cherche la raison profonde de son insatisfaction dans les circonstances extérieures, alors qu’elle est en lui-même », explique le moine.
3) FAIRE PREUVE D’INDULGENCE ENVERS SOI-MÊME
L’insatisfait est dur envers lui-même. Il ne cesse de penser qu’il aurait pu mieux faire, il se compare aux autres et se fustige lui-même. Pourtant, rappelle Anselm Grün, « il y aura toujours des gens qui s’exprimeront mieux que moi, qui gagneront mieux leur vie, qui auront plus de succès et d’influence que moi. Tant que je me comparerai, je ne pourrai me satisfaire de ce que je suis et de ce que je possède ». En ce sens, Soren Kierkegaard estimait que se comparer marque la fin du bonheur et le début de l’insatisfaction.
Il arrive d’être insatisfait de la journée qui s’achève : « Si seulement j’avais fait ceci, ou dit cela… ». Avec tous ces « si » ressassés, impossible d’être en paix. Pour le moine allemand, « être satisfait et serein, c’est accepter ce qui a été, même ce qui n’a pas été une totale réussite, et le présenter à Dieu, avec l’espoir qu’il va le transformer en une bénédiction ». En réalité, l’insatisfait accorde trop d’importance à son ego. Il aimerait réussir, être admiré, faire bonne impression… Mais c’est son ego qui revendique d’être apprécié, reconnu et complimenté. Il ne sera satisfait et serein que s’il fait fi de ces exigences.
4) S’EXERCER À LA GRATITUDE
La satisfaction est intimement liée à la gratitude. L’ingrat n’est jamais satisfait. Il n’est jamais content et veut toujours plus. Au contraire, reconnaître un bienfait permet d’éprouver de la satisfaction. Anselm Grün exhorte à ne pas penser à ce que je ne possède pas mais à rendre grâce pour ce que je possède. Une satisfaction reconnaissante qui suppose d’avoir conscience du don qui m’est fait. « Je suis content de l’eau que je bois mais je ne le suis vraiment que si je sens qu’elle me désaltère et combien je suis heureux de boire de l’eau fraîche », explique-t-il. Le philosophe bulgare Omraam Mikhaël Aïvanhov disait: « Le jour où je me suis habitué à prononcer consciemment le mot merci, j’ai senti que je possédais là une baguette magique capable de tout transformer ». L’être reconnaissant identifie à chaque instant les dons que Dieu lui offre : le sourire d’un proche, une belle rencontre, un échange agréable… Se satisfaire de ce que l’on a, ce n’est pas se renfermer, repu, sur ce que l’on possède, mais c’est s’ouvrir à ce qui est nouveau et l’accepter avec reconnaissance.
Une attitude qui ne concerne pas uniquement ceux à qui la vie sourit. Le moine donne bon nombre d’exemples d’hommes et de femmes éprouvés qui ont malgré tout su garder leur joie de vivre et faire preuve de gratitude. Qui ont su accepter la vie telle qu’elle s’est offerte à eux. Être satisfait de sa vie ne dépend donc pas de ce que l’on a vécu, mais de la manière dont on l’examine et l’interprète, déduit Anselm Grün. Tout est une question de regard. « A chacun de nous de décider s’il a envie de porter sur son passé un regard amer ou un regard de gratitude. Le passé est ce qu’il est, on ne peut pas le changer. Mais si nous le considérons avec les yeux de la reconnaissance, au lieu de nous plaindre de notre sort, nous le verrons différemment ».
5) AVOIR CONFIANCE EN LA MISÉRICORDE DE DIEU
Un des chemins spirituels pour accéder à la paix intérieure et à la sérénité réside dans la confiance que nous plaçons dans l’amour inconditionnel de Dieu pour chacun de nous. Dieu nous appelle à la sainteté, pas à la perfection. L’insatisfait imagine peut-être que Dieu le veut parfait. Mais « Dieu m’aime tel que je suis », souligne le moine. « Il n’attend pas de moi que j’achète son amour par mes performances ou par un comportement impeccable ». Comme un père aime son enfant de manière inconditionnelle, et non pas par rapport à ce qu’il accomplit, Dieu aime chacune de ses créatures. N’a-t-il pas dit, s’adressant à tous, lors du baptême du Christ : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie » (Marc 1, 11) ?