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La signification du baptême de Jean

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La signification du baptême de Jean  Empty La signification du baptême de Jean

Message par Pilgrim Ven 4 Déc - 0:42

Bonjour,

Pour faire suite au visionnement du 4e épisode de L'évangile-à-bras-le-corps (cf. fil d'Anayel), une petite présentation de Charles Perrot et ensuite son mot touchant Jean le baptiste.

Donc :

Charles Perrot est professeur à l'institut catholique de Paris, Bibliste de grand renom et spécialiste du judaïsme contemporain de Jésus, il est en Europe l'un des meilleurs exégètes du Nouveau Testament. 


Le livre :

Jésus et l'histoire

par 

Charles Perrot

(extrait du chapitre 3 "Jésus et le mouvement baptiste") 



3


Le mouvement universaliste

Le message du salut baptiste s'adresse à tous les hommes. Les barrières sociales, religieuses même, pour une part, ethniques, sont renversées ou en passe de l'être, afin que le salut de Dieu puisse atteindre tout homme. Assurément, dans les milieux de scribes d'affinité pharisienne, profondément pénétrés de la pensée des prophètes d'Israël (le second Isaïe, Jonas) le thème universaliste a déjà largement gagné les esprits : Dieu concerne tout homme en ce monde, sans pour autant qu'il faille remettre en cause l'élection d'Israël et l'alliance de la circoncision. [...] Comme on sait, une telle ouverture d'esprit dans la judaïcité du Ier siècle a produit de grands fruits dans tout le monde hellénistique, ou des milliers de païens "craignant-Dieu" se sont agglutinés autour des synagogues de la Diaspora. Par ailleurs, en Palestine même , l'une des idées maîtresses du pharisaïsme est d'atteindre à une véritable démocratisation religieuse : dans la Torah, c'est à dire la révélation divine, Dieu s'adresse à tous, et non pas seulement aux prêtres, de sorte que tous doivent poursuivre l'idéal de la sainteté lévitique. 

Toutefois, la sainteté risque toujours d'engendrer la séparation dans des groupes d'élites religieuses vouées à la perfection rituelle et morale. Les Juifs se séparent des "pécheurs" et, pour une part, du "peuple du pays".

Les baptistes vont pousser l'intuition universaliste des pharisiens jusqu'à la radicalité, tout en opérant un déplacement religieux considérable dont les conséquences se feront progressivement sentir. Le message du salut s'adresse d'emblée à tous, et d'abord à la foule du "peuple du pays", aux pauvres  et aux petits incapables de dîmer correctement la nourriture et de suivre les minuties rituelles des scribes. Plus encore, par-dessus les institutions du pardon du Temple à l'usage de ceux qui suivent la parfaite observance de la Torah, le salut est mis à la portée de chacun par la conversion du coeur et le geste du baptiseur. 

Tous sont alors atteints, y compris les "pécheurs", au sens à la fois social et religieux du mot. On remarque d'ailleurs combien les mots "tout"; "tous" reviennent souvent dans la prédication de Jean (Mc 1,5; 11,32; Lc 3,3; 7,29; Ac 13,24). C'est la grande nouveauté : une religion ouverte à tous, par-dessus les ablutions de pureté qui compartimentaient la société, une religion véritablement au niveau des petites gens. Jean et Jésus ensuite parleront aux "pécheurs", aux prostituées et même aux soldats non juifs - aux officiers romains et aux troupes auxiliaires levées à Césarée et à Sébaste-Samarie (Lc 3,10-14)

[...]

Une telle ouverture d'esprit universaliste allait-elle jusqu'à dépasser les limites ethniques du peuple de l'alliance ? On pourrait le penser en écoutant Jean s'adresser aux soldats païens ou samaritains, ou encore en écoutant ce mot très vif du prophète aux pharisiens et aux sadducéens :

"Engeance de vipères ... ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham" (Mt 3,9)

L'image de la pierre d'ou le peuple d'Abraham avait été tiré était alors bien connue au Ier siècle, comme en témoigne Le livres des Antiquités bibliques 23,4 : "D'un rocher unique j'ai tiré votre père. Et la cassure de ce rocher a produit deux hommes dont les noms sont Abraham et Nahor". Au demeurant, au matin du Sabbat, dans les synagogues palestiniennes, après la lecture de Gn 12,1 sur la vocation d'Abraham, on lisait le texte d'Isaïe 51,1 :"Regardez ce rocher d'ou vous avez été taillés. Regardez Abraham votre père." Or, le Baptiste met ici en question, non point l'alliance d'Israël comme telle, mais un certain exclusivisme de l'élection : attention, dit-il, Dieu peut très bien tout recommencer à partir d'une nouvelle pierre !


Le baptême qui sauve

Nous avons rappelé précédemment la popularité de Jean Baptiste à laquelle Flavius Josèphe fait directement écho dans le texte cité plus haut. L'historien juif divise l'auditoire du baptiste en deux catégories : d'une part, ceux qui s'unissent à son baptême et, d'autre part, ceux qui se laissent capter par sa parole au point qu'Hérode craint quelque révolte. Qu'est-ce qui pouvait donc rassembler un tel groupe ?  D'ordinaire, un maître de l'ascétisme ou un professeur de morale n'obtient pas un tel succès ! Qu'est-ce qui pouvait enflammer à ce point les esprits, sinon la parole de conversion et le geste particulier de celui que Flavius Josèphe caractérise justement comme "le baptiste". Le rite d'eau dépassait l'ablution rituelle ordinaire.

Tentons maintenant de caractériser plus précisément le geste baptiste.

Dans l'eau vive du Jourdain comme à Aenon ou il y avait beaucoup d'eau (Jn 3,23), l'immersion de Jean ne ressemble guère aux ablutions juives ordinaires dans des bassins d'eau purifiée (les miqwot). Le geste est administré :  Jean baptise ou l'on est baptisé par Jean. On ne se plonge pas soi-même, à la différence des ablutions de pureté pharisienne ou essénienne. C'est un geste public et non point privé, pratiqué par un baptiseur, un autre que soi-même : cette originalité justifie déjà le surnom donné par Flavius Josèphe à Jean dit "le baptiste". Plus tard on donnera le baptême au nom de ... dans une formule qui souligne combien le geste baptiste tisse des liens personnels entre les baptiseurs et les baptisés. Les Juifs "vont ensemble au baptême" (en grec, venir-avec au baptême) disait Josèphe dans le texte plus haut cité. Alors que le verbe "baptiser-plonger" connotait jusque-là l'idée de séparation (on immerge un objet pour laver et écarter la souillure), il appelle désormais le sème de l'union.

L'ablution de pureté sépare, l'immersion baptiste sépare et unit à la fois, comme il est dit en Jn 3,26 :"Le voilà qui baptise et tous vont vers lui." Nous avons dans le geste baptiste la première justification historique de l'existence des groupes centrés autour du baptiseur [...] l'importance donnée alors à la personne du baptiseur , centre d'unité d'un groupe serré autour de lui, n'avait pas d'équivalent à l'époque.

La nouveauté du geste baptiste est d'ailleurs bien manifestée dans le texte de Mc 11,27-33. Le geste implique une "autorité" (un droit de Dieu, au sens que le mot avait à l'époque) chez celui qui le pose, et il instaure une relation entre lui et ceux qu'il baptise. D'après ce récit, Jésus situe son autorité au niveau de celle de Jean et pose alors la question :"Le baptême de Jean venait-il du ciel ou des hommes ? Répondez-moi ! Alors les adversaires de Jésus s'interrogent : si nous disons "du ciel", il dira : Pourquoi n'avez-vous pas cru en lui ?  Allons-nous dire au contraire "Des hommes" ? Ils redoutaient la foule, car tous pensaient que Jean était réellement un prophète." Comme on le voit, le geste baptiste appelle la relation de foi dans la personne même et provoque la désignation prophétique.


Mais qu'est-ce qu'un tel geste était censé apporter ?

La réponse est claire. Selon Mc 1,4, Jean proclamait un baptême de conversion "pour la rémission des péchés" (eis aphesin amartiôn). Le geste baptiste pardonne les péchés. Il dépasse de loin l'ablution de pureté. Il est plus que le signe sensible du retournement spirituel, il est le geste de pardon de Dieu. Et selon Mc 1,5, on voir les Juifs venir au baptême de Jean "en confessant leurs péchés", exactement comme au jour de Kippour lors de la proclamation publique des fautes (Mishna Yoma 3:8 )

Dans un tel contexte, on comprend bien les objections auxquelles la communauté chrétienne dût bientôt répondre : comment Jésus, sans péché, a-t-il pu se faire baptiser par Jean ? Comment le baptême de Jean pouvait-il pardonner les péchés, puisque seule la Croix du Christ sauve ? L'apparition même de ce genre de questions théologiques est un signe tangible de l'originalité historique de Jean, tout en montrant combien la communauté chrétienne dût vite affronter l'apparente contradiction de l'histoire. Qui donc possède la clé du pardon de Dieu, sinon Jésus ?

[...]

Une telle annonce gestuée du pardon des péchés appelait directement, à l'époque, la conviction d'un salut eschatologique déjà en oeuvre. Le règne de Dieu est là proche (Mt 3,2) Le moment du jugement de feu va arriver; la cognée est à la racine de l'arbre : la colère qui vient au-dessus de nos têtes (Lc 3,7-9). Dieu va directement intervenir, à moins que ce ne soit quelque prophète eschatologique - "Celui qui doit venir" (Mt 11,2) - dans le retournement  foudroyant qui signera l'arrêt du monde. Si le jour de Kippour, le jour traditionnel  du pardon de Dieu, avait déjà à l'époque un accent eschatologique prononcé, combien plus l'annonce fiévreuse du Baptiste ! Dans une telle ambiance on comprend l'extraordinaire engouement des foules dont parle Flavius Josèphe et la juste crainte d'un Hérode Antipas :"Les gens étaient très exaltés en l'entendant parler".

(à suivre)
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La signification du baptême de Jean  Empty Re: La signification du baptême de Jean

Message par Pilgrim Dim 6 Déc - 11:36

(suite)

Et maintenant surgit la question historique fondamentale : comment situer exactement Jésus dans un tel contexte ? [...] Tout le problème de Jésus est là, dans sa distance par rapport au Baptiste. Ne tentons pas trop vite d'évaluer cette distance en nous situant d'emblée dans le champ de conscience de Jésus.

Considérons plutôt comment la communauté pascale affrontée à son premier problème, théologique et historique à la fois, à su viser dans son Seigneur le messager ultime de Dieu, l'Envoyé dont parlera l'évangéliste Jean, en sorte que toute l'affaire du salut, et donc du règne de Dieu, rencontre désormais sa personne d'une manière incontournable. Jésus, ce baptiste qui bientôt ne baptisera plus, ramasse tout l'apport du baptisme et le transforme étrangement dans sa parole qui dit le pardon, dans ses gestes d'exorciste et de thaumaturge qui pose le salut, et plus encore dans sa vie et sa mort de prophète-martyr. Dans la mémoire de l'Église, les sévères paroles du Baptiste s'évanouissent alors en partie sur les lèvres de Jésus; l'âpreté du jugement qui vient sur le monde disparaît presque, car le jugement  et le salut de Dieu traversent d'abord sa personne dans sa marche à la mort. Dans cet étonnant déplacement théologique qui va du Baptiste à Jésus, il est difficile de ne pas reconnaître la marque personnelle de Jésus lui-même.

L'ancienne tradition judéo-chrétienne saura fort bien répercuter un tel déplacement dans la curieuse histoire des fils de Zébédée. Jésus heurte de front ses disciples qui recherchent la gloire, en leur disant : "Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ?" (Mc 10, 38). L'immersion baptiste du pardon se résorbe alors dans la souffrance et la mort de Jésus. Ce n'est plus le geste baptiste qui donne le salut mais la personne du Seigneur, Jésus, le disciple de Jean, désigné comme celui qui "vient après lui" (Jn 1,15-30) [...]

Jean est bien celui qui inaugure les temps nouveaux , mais il ne le peut que par celui en qui les temps sont véritablement accomplis quand il réalise dans sa personne tout le message baptiste.

Le geste du pardon baptiste ne fut pas sans retentissement direct sur la réalité sociale et religieuse de l'époque. Dans la fièvre eschatologique du temps, la question prophétique était à nouveau ouverte. Les anciennes institutions du salut étaient mises en question, ainsi qu'une certaine compréhension de la Loi, comme nous allons le voir.

Mais, dès maintenant, nous comprenons comment les persécutions se sont vite abattues sur Jean le Baptiste et Jésus le Nazôréen. Cloué sur la traverse de bois, le titulus de la croix porte les mots :"Jésus le Nazôréen, roi des Juifs" (Jn 19,19). Dans le sillage des judéo-chrétiens hellénistes, Luc reprendra l'appellation "Nazôréen" en la liant aux motifs de la Loi et du Temple :"Nous lui avons entendu dire", déclarent les hellénistes juifs au sujet d'Étienne, "que ce Jésus le Nazôréen  détruirait ce lieu (le Temple) et changerait les règles que Moïse nous a transmises" (Ac 6,14). Ou encore, selon Ac 24,5, Paul est catalogué comme le "chef de file de la secte des nazôréens" pour avoir subverti  la Loi et tenté de profaner le Temple (Ac 23,28; 24,6). Ce n'est certainement pas un hasard si l'accusation des témoins porte justement sur le Temple lors de l'instruction juive du procès romain de Jésus (Mc 14,58).

Probablement en l'an 28, Jean le baptiste fut mis à mort pour trouble public, comme le déclare  Flavius Josèphe. A la Pâque de l'an 30, Jésus le Nazôréen fut pendu à la croix. En l'an 35, Pilate réduisit sévèrement un mouvement d'allure messianique chez les Samaritains dont on sait le lien avec le baptisme. Vers la même époque, dans sa violence contre le Temple et les sacrifices sanglants, Étienne sera lapidé lors de quelque émeute populaire et bientôt la communauté de Jérusalem sera dispersé (Ac 8,1), à l'instar peut-être des autres groupes baptistes de ce temps ( selon R. Macuch, soixante mille (pré) mandéens auraient été expulsés de Palestine à l'époque du roi Parthe Artaban III (12-38 ap. J.C.). Yamauchi refuse de reconnaître cependant cette thèse. Mais il faut de toute façon reconnaître chez les mandéens un antijudaïsme virulent, à l'instar des fortes attaques de l'évangéliste Jean  à l'endroit des Juifs ou, disons plutôt, des Judéens). Avant que ne s'abatte la décisoin d'exclure de la Synagogue les déviationistes (les minims)et les nazôréens, dans les années 80-95.


Sur la Samarie

Quant à la Samarie, le renseignement est d'autant plus intéressant que l'on sait l'existence d'un certain rapport entre les mouvements baptistes et les Samaritains. Épiphane assimilera même les Samaritains aux Sabéens [...] selon Eusèbe, un disciple de Simon le Mage, du nom de Ménandre, aurait été un Samaritain  et baptiste (Histoire ecclésiastique, 3,26). D'après les récits pseudo-clémentins, Jean Baptiste lui-même aurait été un héméro-baptiste, rattaché à la Samarie. Par ailleurs, on peut aussi se demander jusqu'à quel point la polémique des Samaritains à l'endroit du Temple de Jérusalem ne rencontrait pas celle des baptistes. Ce n'est certainement pas un hasard si la première mission chrétienne en dehors de Jérusalem a débuté par la Samarie et si l'étrange discours d'Étienne, vitupérant contre le Temple et les sacrifices sanglants, désigne entre autres Sichem en Samarie comme le lieu funéraire des douze Patriarches, et cela contre toute la tradition biblique (Ac 7,16). La Samarie, aux populations mêlées, était une terre de passage et, sans doute, une terre d'accueil pour ceux qui avaient quelques difficultés avec l'autorité judéenne. Au demeurant, Luc rappelle l'attitude favorable de Jésus à l'endroit des Samaritains (Lc 10, 33-37; mais aussi 9, 52-55). Par là il rejoint la tradition johannique dans cet extraordinaire épisode de Jésus auprès de la Samaritaine, avec son annonce du culte en esprit et en vérité (Jn 4,24) . Tout le baptisme de Jean l'Évangéliste trouve ici sa parfaite expression : désormais Jésus donne l'eau vive et dit la fin du culte sanglant.
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La signification du baptême de Jean  Empty Re: La signification du baptême de Jean

Message par Pilgrim Dim 6 Déc - 11:39

(Et enfin ... pour terminer)

Extrait du  4e chapitre (Charles Perrot, "Les signes du règne de Dieu" dans Jésus et l'histoire, p. 203)


4

Dans le chapitre 3 qui précède, nous avons rappelé le lien qui existe entre Jean le Baptiste et Jésus, son disciple. Jean annonçait la "colère qui vient" (Mt 3,7); il appelait à la repentance et baptisait dans un geste qui disait déjà de quelque manière le pardon de Dieu : il proclamait, comme on proclame le salut, un baptême de conversion visant le pardon des péchés (Mc 1,4).

Par ailleurs, le geste baptiste, comme tel, présente bien des analogies avec les gestes exorcistes ou les gestes de puissance (en grec dynamis) sur les esprits mauvais. connus dans le judaïsme et ailleurs. Le péché est effacé par le rite d'eau, ou encore l'eau protège des attaques démoniaques, comme il est dit en particulier dans le savoureux récit pharisien de la Vie d'Adam et Ève ("Ève se plonge dans l'eau du Tigre et Adam dans l'eau du Jourdain, afin d'échapper au pouvoir du démon. Hélas, Ève sortit de l'eau !")

Pour mieux percevoir un tel rapport, lisons une anecdote ou l'un des plus célèbres rabbis des années qui suivent immédiatement la ruine du second Temple dit son sentiment touchant les rites d'eau. Il s'agit précisément de l'eau de purification, dite eau lustrale, confectionnée avec les cendres d'une génisse rousse selon le rituel lu dans Nombres 19,1-10.

Voici le texte :

Un gentil dit à Rabban Yohanan ben Zakkaï :"Ce que vous faites ressemble à de la sorcellerie. On amène une génisse, elle est tuée, brûlée, réduite en cendres et les cendres ramassées. Et si l'un de vous est souillé par le contact d'un cadavre, on l'en asperge deux ou trois fois en disant : tu es purifié !" Rabban lui répondit : "L'esprit de la folie  a-t-il jamais pénétré en toi ? - Non, répondit l'autre - As-tu vu quelqu'un en qui cet esprit ait pénétré ? - Oui. Alors Rabban lui demanda :"Que lui fait-on ? L'autre répliqua :"Nous apportons des racines que l'on brûle dessous, on asperge avec de l'eau et (l'esprit) se sauve." Alors le rabbi lui dit :"Tes oreilles n'entendent-elles pas ce que dit ta bouche ! Cet esprit (de folie) est aussi un esprit d'impureté, comme il est dit :"Les faux prophètes et leur esprit d'impureté je les expulserai du pays" (Za 13,2)

Ainsi donc. Yohanan ben Zakkaï en appelle à la pratique exorciste des païens pour justifier le rituel de Nb 19 ! Sur une remarque de ses disciples, il se reprend ensuite et, dans une phrase qui attaque de plein fouet tous les rites d'eau, il déclare :"Par ta vie ! aucun cadavre ne souille et aucune eau ne purifie, mais c'est là un commandement du roi des rois." Le rite est désormais "démythologisé", tout en continuant d'être suivi puisque Dieu le commande. Le rationalisme du scribe touche directement la pratique du baptême.

C'est pourtant dans un tel contexte exorciste qu'il faut, croyons-nous, situer le geste de Jean. Au demeurant, la formule "au nom de", quand l'exorciste déclare sa référence afin de pouvoir faire sortir l'esprit mauvais, se retrouve tant dans les exorcismes juifs et chrétiens que dans les plus anciennes formules baptismales. Ainsi Flavius Josèphe mentionne un exorciste juif qui agit par Salomon, sans parler de celui de Mc 9,38 qui agit au nom de Jésus. Dans Ac 3,6 il est question des guérisons faites "au nom de Jésus le Nazôréen", et jusque dans le monde juif les guérisons des minim faites "au nom de Jésus" étaient bien connues.
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