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carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle

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Message par Véronique1 Mar 25 Fév - 4:31

Carême 2020: le Pape invite à mettre le Mystère pascal au centre de notre vie



Ce 24 février, le message du Saint-Père pour le Carême 2020 a été rendu public et présenté en conférence de presse au Vatican. À deux jours du Mercredi des Cendres, le Pape revient sur la signification du Carême, un «temps favorable» qui ne doit «jamais être tenu pour acquis», pendant lequel les chrétiens sont invités à accueillir la miséricorde de Dieu offerte par le Mystère pascal. Le cœur renouvelé, ils s’ouvrent à la charité, contribuant «à la construction d’un monde plus équitable».



Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican


«Nous vous en supplions au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu» (2 Co 5, 20): ce verset de saint Paul, que l’on entendra mercredi lors de la messe des Cendres, est le titre du message du Saint-Père pour ce Carême 2020. Un texte qu’il a signé le 7 octobre dernier, en la fête de Notre-Dame du Rosaire.
Le thème de la conversion y est central, et évoqué en même temps que son fondement, le Mystère pascal, «le grand Mystère de la mort et de la résurrection de Jésus» que les chrétiens se préparent à célébrer au terme du Carême.



Le Mystère pascal donne un sens à notre vie




Le Mystère pascal, rappelle François, est la «pierre angulaire de la vie chrétienne personnelle et communautaire», il faut donc «constamment» y revenir, par une «réponse libre et généreuse». Ce Mystère montre l’amour infini du Père, qui par son Fils nous donne la vie en abondance. L’accueil du kérygme permet ainsi de rejeter «le mensonge selon lequel notre vie aurait son origine en nous-mêmes», ce qui nous empêche de «sombrer dans l’abîme du non-sens, de vivre l’enfer ici-bas sur terre», explique le Pape.

«La Pâque de Jésus n’est pas un évènement du passé», poursuit-il en exhortant à la conversion, qu’il estime urgente. Pour cela, il est «salutaire de contempler plus profondément le Mystère pascal, grâce auquel la miséricorde de Dieu nous a été donnée».





Un temps de prière, pour laisser Dieu nous transformer




Le Pape invite plus précisément à la prière, «si importante en ce temps de Carême». Une prière qui prend la forme d’un «dialogue cœur à cœur, d'ami à ami», et «exprime le besoin de correspondre à l'amour de Dieu qui nous précède et nous soutient toujours». La prière «creuse en nous jusqu’à réussir à entamer la dureté de notre cœur, afin de le convertir toujours plus à lui et à sa volonté», souligne le Saint-Père. Il s’agit donc de ne pas laisser passer «ce temps de grâce en vain, dans l'illusion présomptueuse d'être nous-mêmes les maîtres du temps et des modes de notre conversion à lui». Au contraire, la «miséricorde gratuite envers nous» du Seigneur doit être expérimentée sans peur, avec la prière en guise de préparatifs.



Un temps à vivre avec gratitude




Ce «temps favorable» pour notre conversion «ne doit jamais être tenu pour acquis», insiste François, et plutôt «éveiller en nous un sentiment de gratitude», «nous secouer de notre torpeur». Si la présence du mal «dans nos vies ainsi que dans la vie de l'Église et du monde» est parfois «dramatique», reconnaît le Souverain pontife, «cet espace offert pour un changement de cap exprime la volonté tenace de Dieu de ne pas interrompre le dialogue du salut avec nous». Le Carême montre la «volonté passionnée de Dieu de dialoguer avec ses enfants», qui n’a rien d’un «bavardage, dicté par une curiosité vide et superficielle», caractérisant la «mondanité de tous les temps».


Un temps pour vivre la charité en actes



Outre le jeûne et la prière, l’Église catholique recommande l’aumône comme forme de pénitence à vivre durant le Carême. C’est ce troisième aspect que le Pape évoque à la fin de son message, «comme une forme de participation personnelle à la construction d'un monde plus équitable». «Le partage dans la charité rend l'homme plus humain, alors que l'accumulation risque de l'abrutir, en l’enfermant dans son propre égoïsme», prévient François. On comprend alors que «mettre le Mystère pascal au centre de la vie signifie éprouver de la compassion pour les plaies du Christ crucifié» visibles chez les hommes et les femmes de notre temps. Le Pape mentionne plusieurs situations de souffrance et élargit sa réflexion à l’économie, en rappelant l’initiative qu’il a lui-même lancée et qui se déroulera pendant ce Carême: du 26 au 28 mars, jeunes économistes, entrepreneurs et porteurs de changement se retrouveront à Assise «dans le but de contribuer à l’esquisse d’une économie plus juste et plus inclusive que l'actuelle». Là aussi, une conversion est possible afin de gérer l’économie selon «l’esprit évangélique».

En conclusion, François invoque l’intercession de la Vierge Marie, afin de vivre pleinement ce temps de conversion, en osant «fixer le regard du cœur sur le Mystère pascal et nous convertir à un dialogue ouvert et sincère avec Dieu»


https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2020-02/pape-francois-message-careme-2020-mystere-pascal-conversion.html?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=NewsletterVN-FR


Dernière édition par Véronique1 le Mer 11 Mar - 9:53, édité 2 fois
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Message par Véronique1 Mer 26 Fév - 10:36

Qu’est-ce que le Mercredi des Cendres ?




carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Careme-2020-bandeau-6


Le Mercredi des cendres, premier jour du Carême, est marqué par l’imposition des cendres : le prêtre dépose un peu de cendres sur le front de chaque fidèle, en signe de la fragilité de l’homme, mais aussi de l’espérance en la miséricorde de Dieu. En 2020, il est fêté le mercredi 26 février.
On trouve déjà le symbolisme des cendres dans l’Ancien Testament. Il évoque globalement la représentation du péché et la fragilité de l’être. On peut y lire que quand l’homme se recouvre de cendres, c’est qu’il veut montrer à Dieu qu’il reconnaît ses fautes. Par voie de conséquence, il demande à Dieu le pardon de ses péchés : il fait pénitence.

Un symbole de renaissance



Tous, nous faisons l’expérience du péché. Comment s’en dégager ? Jésus nous apprend que nous serons victorieux du péché quand nous aurons appris par l’Evangile à remplacer le feu du mal par le feu de l’Amour. Car le feu qui brûle ce jour détruit d’abord mais, en même temps, ce feu éclaire, réchauffe, réconforte, guide et encourage.


La cendre est appliquée sur le front pour nous appeler plus clairement encore à la conversion, précisément par le chemin de l’humilité. La cendre, c’est ce qui reste quand le feu a détruit la matière dont il s’est emparé. Quand on constate qu’il y a des cendres, c’est qu’apparemment il ne reste plus rien de ce que le feu a détruit. C’est l’image de notre pauvreté. Mais les cendres peuvent aussi fertiliser la terre et la vie peut renaître sous les cendres.


Tout en le marquant, le prêtre dit au fidèle : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ». L’évangile de ce jour est un passage de saint Matthieu – chapitre 6, versets 1 à 6 et 16 à 18 – qui incite les fidèles à prier et agir, non pas de manière orgueilleuse et ostentatoire, mais dans le secret de leur cœur :


Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que te donne ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais en secret.
Quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret.
Quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement du Père qui est présent dans le secret.

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Message par Véronique1 Mer 26 Fév - 10:37

Le rite communautaire des Cendres ouvre le temps du Carême, « le temps de la recherche du 100% pur Dieu ». Mais comment y parvenir, en communauté ou dans sa chambre, seul à prier ?

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Message par Véronique1 Mer 26 Fév - 19:28

Avec Croire.Com, 3 minutes à l'école de la charité


SOEUR EMMANUELLE



Dès l’enfance, la jeune Madeleine frappe par son tempérament fougueux et frondeur. Une petite fille profondément marquée par la disparition tragique de son père.




carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Emmanuelle_0_480_454





Madeleine Cinquin, notre future sœur Emmanuelle, naît le 16 novembre 1908 à Bruxelles en Belgique. Elle grandit dans une famille aisée entre Paris, Londres et Marseille. Elle aura souvent raconté le grand traumatisme de son enfance. Alors qu’elle n’a que six ans, elle assiste à la noyade à Ostende de son père, parti nager après avoir joué avec ses enfants au bord de la plage. Selon elle, dans son inconscient, sa vocation de religieuse date de cet accident. Ainsi qu’un sentiment très fort et durable de l’éphémère et de la fragilité.



Un caractère fort




Élevée par sa mère, « une maîtresse femme, une lutteuse », dira-t-elle plus tard, elle développe un caractère très fort. Madeleine a une grande vitalité et une belle passion de vivre, qui ne la quittera jamais. Elle est aussi insupportable et frondeuse. C’est à dix ans, dit-elle, que le désir d’un absolu monte en elle. L’amour de Dieu lui semble évident et proche. À 18 ans, alors que s’ouvre pour elle la vie toute tracée par son milieu social et que sa mère la pousse dans la voie du mariage, elle décide de devenir religieuse ! Elle refuse d’aller au bal et, malgré sa coquetterie et son désir de plaire, déchire les invitations. Elle voudrait une vie plus aventureuse et plus passionnante. Madeleine a 20 ans, elle veut être sainte et… missionnaire, comme le Père Damien, ce prêtre flamand qui passa sa vie au milieu des lépreux dans une île du Pacifique, et dont elle a lu la biographie ! Autour d’elle, c’est la consternation. Madeleine a toujours été insupportable, elle ne sait que rire et s’amuser, elle dit non à tout, que ferait-elle au couvent ? Mais Madeleine tient bon et choisit d’entrer dans l’ordre de Notre-Dame de Sion, une congrégation enseignante et semi-cloîtrée, fondée par Alphonse de Rastibonne en 1843. Elle a 21 ans… Elle dira à plusieurs reprises combien elle fut heureuse au milieu de ses sœurs, combien sa congrégation fut un pilier pour elle durant son installation dans les bidonvilles du Caire. Son caractère frondeur et son indépendance furent l’occasion de nombreux conflits avec ses supérieures, mais Madeleine, devenue au couvent sœur Emmanuelle, tint bon. Et c’est dans la maison de retraite de Notre-Dame de Sion, dans le Var, qu’elle s’éteindra en 2008, après une vie ô combien riche et… turbulente !










Vidéo : Sœur Emmanuelle chez Bernard Pivot










Texte : Se laisser aspirer



Où trouver la source d’amour ?

Ou trouver la force d’aimer ?

Chacun d’entre nous a une histoire plus ou moins triste, plus ou moins dramatique.

Comment certains trouvent-ils la source d’amour qui reste cachée à d’autres ?

On trouve la source d’amour en se faisant aspirer par la souffrance. Je me souviens de la première fois que je suis entrée dans le bidonville. Je n’avais jamais rien vu de pareil. Dans les ruelles, on retrouvait entassées les ordures des beaux quartiers du Caire.

Les chiffonniers les ramenaient sur leurs petites voitures puis les jetaient dans les ruelles au milieu des cochons pour les trier. La saleté, les odeurs étaient infectes. Les enfants cherchaient leur nourriture dans les immondices.

Je me rappelle m’être alors sentie aspirée. Aspirée c’est le terme. Il n’y en a pas d’autre.

J’avais 62 ans. Je pouvais prendre ma retraite confortablement en France. Cette aspiration de la souffrance a changé le cours de mon destin. Elle a comblé ma vie.



Sœur Emmanuelle, Mon testament spirituel, Presses de la Renaissance

Écouter :


Hommages, d’Yves Duteil, extrait de Dans l’air des mots, Bayard Musique.










https://croire.la-croix.com/Definitions/Figures-spirituelles/Soeur-Emmanuelle-jeunesse-impetueuse-2020-01-06-1701069993?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=crocareme%20edito%20quotidien%20parcours%202020&utm_content=2020-02-26-CAREME_01:ANCIENS&utm_term=20200226&&PMID=72594f97fde1658e57cb0e542c4b8ded
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Message par Emmanuel Mer 26 Fév - 22:03

Merci pour ces partages, @Véronique1.

Je souhaite à chacun et chacune un très saint Carême.

Prie

Fraternellement,

Emmanuel
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Message par Véronique1 Jeu 27 Fév - 10:07

La prière selon sœur Emmanuelle


Sœur Emmanuelle était une femme d’action. Dans sa grande vieillesse, elle deviendra une femme de prière et de contemplation. Mais Jésus restera son plus grand amour ! 


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Emmanuelle_0_480_454




Sœur Emmanuelle a toujours affirmé qu’elle n’était pas une mystique ! Dans sa bouche, « mystique » veut dire avoir des relations sensibles avec Jésus. Elle disait qu’elle n’était pas comme ceux qui sont en état d’exaltation quand ils prient. Pas du tout son cas ! Elle est très rationnelle et sa piété, dit-elle encore, est toute « déductive » : « Je constate que la vie passe, le fleuve coule. Si je n’avais pas Dieu qui me commande l’amour, il ne resterait rien, juste un peu d’eau salée » (Le paradis c’est les autres, Flammarion).


Aimer le Christ dans son humanité



En entrant au couvent, Emmanuelle n’entend donc pas rester à méditer devant le saint sacrement… elle veut de l’action ! Mais de l’action pour une vie plus féconde, plus grande, et qui suppose chasteté et obéissance. Tout cela en vue d’aimer l’humanité dans le Christ ou si on préfère « d’aimer le Christ dans son humanité ». La prière d’Emmanuelle sera donc, dans les premières années de sa vie religieuse, et même bien après, pleine de l’amour qu’elle porte aux autres, aux enfants en particulier auxquels sa congrégation l’envoie. Car, c’est décidé, Emmanuelle part en Turquie ! Son bac philo en poche, elle sera pendant trois ans une maîtresse d’école parfaite pour les élèves pauvres et chrétiens des minorités grecques et arméniennes que les sœurs de Sion accueillent dans leur petite école gratuite d’Istanbul. Elle sera ensuite professeur de français au collège, et enseignera avec succès les jeunes filles musulmanes de bonne famille d’Istanbul. En 1937, elle prononce ses vœux perpétuels, malgré l’inquiétude de sa supérieure : « Vous êtes sûre ? Vous êtes si vivante ! » Mais Emmanuelle est sûre... Elle aime sa vie, elle aime ses élèves, elle aime son couvent, elle aime la messe et la prière avec ses sœurs. Emmanuelle est heureuse !


Le bonheur des bidonvilles



Ce bonheur dans l’action, dans le don de sa vie à d’autres, trouve son parachèvement au Caire, ou elle s’installe à 62 ans, âge officiel de sa retraite, dans un bidonville de chiffonniers. Emmanuelle a alors la confirmation de sa vocation : rejoindre les plus pauvres, comme le père Damien qui avait enthousiasmé son enfance. Le Christ lui apparaît alors dans ces enfants sales et misérables, dans ces femmes battues et toujours enceintes, dans ces hommes qui n’ont rien. La messe quotidienne, à laquelle elle tient tant, soutient sa prière. Jésus est là, elle en est certaine ! Cette vie dans les bidonvilles du Caire sera la grande aventure de sa vie. Elle va réussir l’impossible en faisant construire des écoles, des maisons et des dispensaires, bientôt soutenue par des dons venus du monde entier. Entre-temps, elle fonde une association, «Les amis de sœur Emmanuelle», qui deviendra en 2005 «ASMAE - Association Sœur Emmanuelle», qui aide aujourd'hui plus de 60 000 enfants de par le monde.


C’est dans sa vieillesse que la prière d’Emmanuelle se transformera. Revenue en France, en 1993, un peu contre son gré avouons-le, elle devient au fil des années qui passent une « sœur orante ». Riche de ses expériences, elle vit sa vieillesse comme un accomplissement. « Avant, j’étais aspirée par l’action, maintenant je me laisse aspirer par le silence et la sérénité ». Tout devient plus simple, tout se purifie. Dans son testament spirituel terminé juste avant sa mort en 2008, elle fait état de cette joie qui l’habite. Par la prière, le souffle de Dieu remplit son cœur.


Vidéo : « Je crois à la communion des âmes » (CFRT)







Texte : Avec Marie



Je prie la Vierge en contemplant doucement la maternité spirituelle de Marie. J’unis ma prière à la sienne. Je fonds mon esprit dans sa lumière. Je joins mon cœur au sien. C’est un cœur à cœur ininterrompu.


Avec Marie, je me sens en relation avec ceux qui souffrent. Je ne dirais pas que je me sens responsable de ceux qui souffrent, ce serait trop fort. Mais je suis reliée profondément à mes frères et sœurs en humanité. Nous sommes unis dans une intimité particulière qui est celle de la prière.


Testament spirituel, Presses de la Renaissance


Écouter  :




Être et avoir, d’Yves Duteil, extrait de Dans l’air des mots, Bayard Musique.




https://croire.la-croix.com/Definitions/Figures-spirituelles/priere-selon-soeur-Emmanuelle-2020-01-06-1701069992?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=crocareme%20edito%20quotidien%20parcours%202020&utm_content=2020-02-27-CAREME_01:ANCIENS&utm_term=20200227&&PMID=72594f97fde1658e57cb0e542c4b8ded
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Message par Véronique1 Ven 28 Fév - 10:55

Sœur Emmanuelle  : le temps de l’épreuve



Emmanuelle n’est pas d’un caractère facile. Facilement irritable, n’aimant pas la contestation, l’expérience tunisienne la fait presque sombrer dans la dépression… Elle connaît la « solitude du désert ».


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Emmanuelle_0_480_454  




En 1954, Emmanuelle quitte la Turquie, qu’elle aime tant et dont elle a appris à lire et écrire la langue. Ses rapports houleux avec sa supérieure (elle ne devait pas être une religieuse très facile à diriger) ont eu raison de la patience de cette dernière, et la voici donc envoyée en Tunisie. Elle sera, là encore, professeure de français et aura comme élèves des jeunes filles de 13-14 ans, filles de colons et majoritairement françaises. C’est une catastrophe. Habituée aux jeunes filles orientales, sages et soumises, sœur Emmanuelle est confrontée à des petits bouts de femmes hilares, enchantées de la déstabiliser et de la faire sortir de ses gonds, ce qui est, elle le reconnaîtra plus tard, très facile ! Le chahut dans sa classe est constant. Les parents se plaignent et la pauvre sœur, qui a alors 45 ans, est terriblement humiliée de ne pas tenir sa classe. Elle en parlera plus tard comme d’une véritable épreuve : « J’étais épuisée, je n’arrivais plus à dormir. Je me sentais humiliée car les autres sœurs avaient pitié de moi et que je déteste la pitié. » De plus, le climat tunisien, beaucoup plus chaud et humide que celui de la Turquie, ne lui convient pas.


La solitude du désert



Pour la première fois de sa vie, Emmanuelle connaît une forme de dépression. Elle parle de cette époque comme de « sables mouvants » dans lesquels elle se débat. Elle à qui tout réussissait, qui sortait victorieuse de ses combats, qui pensait la sainteté à portée de main, se trouve totalement démunie. « Ma personnalité avait disparu. J’étais à bout. J’ai vécu là le désert de la solitude ou, si l’on préfère, la solitude du désert. » Même la prière, à laquelle elle a constamment recours, s’épuise. Cette période, qui dure trois ans, la marquera comme un fer rouge. En touchant le fond, Emmanuelle expérimente l’échec, l’impuissance et le doute. « Aujourd’hui, quand les gens m’entourent et me complimentent, parce que je suis plus ou moins un phénomène à la mode, ou quand je m’écoute un peu trop parler, cela m’arrive encore, je me dis : “Ma fille, pense à ce que tu étais en Tunisie ! ” C’est là que j’ai découvert la justesse de la maxime de Marc Aurèle : “ L’obstacle est matière à l’action !” »



Vidéo : Bertrand Révillion rend visite à Sœur Emmanuelle (KTO)



https://croire.la-croix.com/Definitions/Figures-spirituelles/Saeur-Emmanuelle/La-lecon-de-bonheur-de-soeur-Emmanuelle



Texte : Vivre en Dieu


J’appelle Dieu la bonté dans son essence. Celui qui vit de manière désintéressée porte Dieu dans son cœur, même s’il ne l’appelle pas Dieu. Dieu, c’est un mot en quatre lettres. Employer un mot ou ne pas l’employer, quelle importance ? Il faut vivre en Dieu, qu’on le prie ou non. On ne peut prier un Dieu lointain, indifférent aux déchaînements de la violence et de la guerre. Je ne crois pas en un tel Dieu.

Dans certains drames de la vie, on touche une profondeur de souffrance inouïe. Je pense à ces jeunes, sapés dans leurs forces vives par accident ou maladie. Ils demandent le droit à l’euthanasie. Parfois même leurs proches, au risque de devoir rendre des comptes à la justice, leur donnent la mort. Une mère qui donne la mort à son enfant peut le faire par amour. Je comprends cela. je pense que moi-même j’aurais été tentée d’agir ainsi. Du moins dans un premier temps. Pourtant j’aurais aussi cherché en Dieu la solution.

Mon testament spirituel, Flammarion



Écouter :


Mélancolie, une chanson d’Yves Duteil, extraite de Dans l’air des mots, Bayard Musique

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Message par M8735 Ven 28 Fév - 10:59

Merci @Véronique1 pour ces belles pages sur Soeur Emmanuelle.Very Happy
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Message par Maud Ven 28 Fév - 11:10

@Véronique1 , je m'associe à @Marylin pour ces belles pages que tu nous partages  Smile

Remercions le Seigneur de la grâce qu'il nous fait en nous offrant des  belles âmes  sunny


_________________
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* "J'ai compris que " Marie " veillait sur moi  , que j'étais Son enfant  .
Aussi , je ne pouvais que lui donner le nom de " Maman " , car il me semblait  encore plus tendre que celui de "  Mère "
 *

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Message par Véronique1 Ven 28 Fév - 11:15

Marylin et Maud, MERCI : je suis heureuse que cela vous plaise  sunny

Il y a beaucoup de "retraite" en ligne et choisir n'a pas été facile, mais je trouve que Croire.com donne de bonnes réflexions.
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Message par Véronique1 Sam 29 Fév - 10:03

La révolte au nom des pauvres


« Le luxe, c’est un ver qui ronge le cœur de l’homme. » Emmanuelle mettra du temps à prendre la mesure de sa vocation profonde. À 62 ans, elle obtient enfin l’autorisation de prendre son envol.


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Emmanuelle_0_480_454  


En 1957, Emmanuelle est enfin envoyée… ailleurs ! Elle part pour Kasnadar, près de Tunis. C’est un petit collège, avec un joli jardin et des élèves plus disciplinées. Notre sœur revit. Mais déjà s’agite et rouspète. Elle s’indigne de voir le chauffeur de la communauté des sœurs habiter une belle maison alors que les domestiques tunisiens s’entassent dans de pauvres masures. Et la réponse de sa supérieure : « Mais ma sœur, c’est comme ça en Tunisie » n’est pas faite pour la calmer ! L’injustice faite aux pauvres, c’est trop pour elle ! Revenue à Istanbul pour s’occuper à nouveau de la petite école des pauvres, elle est envoyée en 1963 à… Alexandrie ! Quelle aventure encore ! Surtout que le concile Vatican II fait passer une grande bouffée d’air frais dans l’Église et dans sa congrégation.


Le choc de la misère



À Alexandrie, la voici chargée d’ouvrir à l’esprit de partage de jeunes et riches Égyptiennes. Sur le conseil de sa supérieure, elle commence donc l’année scolaire par un voyage en train : visiter avec ses élèves les pyramides semble un bon moyen de créer des liens ! Mais en fait de pyramides, ce sont surtout les hordes d’enfants sales et misérables qui les assaillent à chaque arrêt qui sont comme un électrochoc. « Ce jour-là, qui aurait dû être le jour de la découverte des pyramides de Gizeh, a été pour moi celui de la découverte du tiers-monde et cela a été un véritable choc. Un choc d’autant plus violent que je me suis rendu compte qu’on peut très bien vivre dans le tiers-monde, comme je l’avais fait, sans avoir la moindre idée de ce qu’est la vraie misère, la vraie pauvreté. C’est là que je me suis révoltée et que j’ai failli quitter la congrégation. » Cela n’arriva pas ! Mais Emmanuelle dut batailler pour changer d’affectation et rejoindre en 1965 la petite école pour les pauvres de sa congrégation. Tout bascule alors.


Le bonheur dans le dépouillement



Les besoins des pauvres lui sautent au visage, ainsi que le devoir de partager. Elle expliquera par la suite ce qu’elle entend par « partager ». Partager, ce n’est pas se défaire de tout, mais c’est réduire son train de vie, faire un chèque substantiel de temps en temps, construire un hôpital pour les pauvres. « Le luxe, c’est un ver qui ronge le cœur de l’homme. Et j’ai découvert moi-même que le fait d’avoir renoncé aux choses inutiles rend tout bonnement heureux. »


Ce que sœur Emmanuelle essaiera de faire passer ensuite comme message, c’est que le péché du monde occidental, c’est de ne se préoccuper que du centre et d’ignorer les « périphéries », termes qu’elle employait déjà, 25 ans avant le pape François ! Et même si Vatican II a fait évoluer les congrégations missionnaires, elle dénonce celles qui, encore, ne sont présentes que dans les grandes villes, au milieu des plus riches.


Jusqu’à sa retraite, qu’elle prend en 1970, Emmanuelle ne cesse d’écrire à ses supérieures : « Mais quand allez-vous m’envoyer auprès des plus pauvres ? » Il lui faudra une belle obstination pour avoir le droit enfin, à 62 ans, de refuser de rentrer en France pour pouvoir s’installer chez les chiffonniers du Caire. Une nouvelle aventure commence !


Vidéo : Rencontre avec Sœur Emmanuelle (KTO)





Texte : « Je n’accepte pas d’être une privilégiée »




Je veux rester collée à une humanité qui souffre. Je ne peux pas me contenter de jouir sur terre de la lumière divine, alors que mes frères et sœurs ne l’ont pas.

Il y a trop de souffrance dans ce monde.

Je n’accepte pas d’être une privilégiée. Je ne m’en donne pas le droit.

J’ai le Christ pour modèle. Jésus a voulu tomber dans la douleur d’un tel monde.

Il est mon modèle.

Je n’ai pas le droit de profiter d’une vie luxueuse, en me procurant tous les plaisirs de la vie !

Nous sommes quelques personnes dans le monde à refuser cela.

Que chacun suive sa vocation ! Si le Seigneur me donnait le choix d’entrer au paradis ou de revenir sur terre, je reviendrais sur terre.

Je retournerais chez les chiffonniers du Caire, là où j’ai été le plus heureuse en vivant 22 années de justice avec sœur Sara, ma compagne de bidonville qui est la transparence même.

Testament Spirituel, Presses de la Renaissance



Écouter :


Pour les enfants du monde entier, d’Yves Duteil, extrait de Mes escales, Bayard Musique.

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Message par Véronique1 Lun 2 Mar - 10:03

Yallah ! En avant !


S’acharner toujours ! Yallah ! On connaît le cri de ralliement de la « sœur universelle ». Jusqu’au bout elle se battra pour les enfants et les familles les plus pauvres.


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Emmanuelle_0_480_454  


Sœur Emmanuelle aura souvent raconté son entrée triomphale dans le bidonville de Ezbet-el-Nakhl (la palmeraie). Aidée par un couple de coptes, qui s’était poussé pour lui laisser un bout de cabane, elle est arrivée, juchée sur une petite voiture tirée par un âne, sur laquelle on avait entassé un lit, une chaise et un tabouret. Autour d’elle, une myriade d’enfants dépenaillés criaient : « La mariée, la mariée ! » Elle avait réussi à obtenir l’autorisation de sa congrégation : à condition de revenir chaque week-end dans son couvent, la semaine, elle la passerait là, au milieu de ses nouveaux amis.


Une installation plus que rudimentaire !



À Ezbet-el-Nakhl, pas de palmiers, pas d’oiseaux, pas d’électricité et pas d’eau courante, mais des porcs en liberté, des rats, des chiens, des poules, des cafards, des mouches et beaucoup beaucoup d’enfants ! Des ordures aussi, bien sûr, dont l’odeur abominable s’infiltre partout. On finira par vivre avec. Emmanuelle s’installe dans ce qui deviendra son palais : une cabane minuscule, au seuil de laquelle se roulent les cochons. Elle mange par terre, une fois par jour, des fèves avec un peu d’huile. Le bonheur ! Un sentiment de plénitude, d’avoir enfin trouvé sa place : elle sera la « sœur universelle ». « J’ai très bien senti qu’aucun homme ne pourrait satisfaire mon cœur. C’est petit un homme. Ça tombe malade, ça vous contrarie, ça meurt. J’étais trop ardente, trop passionnée, trop absolue. J’ai donc opté pour l’amour universel. Le vœu que j’ai prononcé implique qu’en refusant une relation charnelle avec un seul homme, je me déclare prête à me donner corps et âme à tous ceux, dans le monde, qui ont besoin de mon amour, de mon énergie, de ma chair, de mes mains, mes pieds, mes yeux. De tout mon être, quoi ! Je crois que l’important pour moi, n’est pas tellement de vivre que de faire vivre. Parfois, j’ai l’impression d’avoir des milliers d’enfants. »


On connaît la suite. Pendant vingt-deux ans, Emmanuelle vivra au milieu de ses chiffonniers. Elle découvre la grande dignité de ses populations misérables et la joie qui se dégage du bidonville où la fraternité est de règle. « Je m’asseyais sur un carton, par terre, au milieu des ordures, adossée à un vieux bidon. Les rats se démenaient partout, l’âne brayait. On buvait du thé brûlant et on parlait de la dernière descente de police, du chiffonnier qui était tombé de sa carriole, de la femme qui avait été chassée par son mari, de tout et de n’importe quoi… » Pendant quelques mois, Emmanuelle se laisse submerger par sa nouvelle vie. Elle s’en imprègne et apprend les codes… Et puis sa vitalité reprend le dessus et s’impose alors cette conviction : les chiffonniers ont droit à une vie décente !


Le succès d’une religieuse ardente et décidée



Se succèdent alors, au fils des années, les écoles, les consultations médicales, l’éducation des femmes, l’alphabétisation, le dispensaire, des ateliers, des clubs, un terrain de foot, et enfin l’usine de compost. Cette usine, c’est certainement la réalisation dont elle est le plus fière : des ordures, on fait de l’engrais qui fertilise les terres égyptiennes. « Des germes de mort qui deviennent des germes de vie ». Pour financer ces projets, Emmanuelle prend son bâton de pèlerin et fait le tour des rédactions des médias occidentaux. Les médias français l’accueilleront durant des années. Yallah ! En avant ! devient son mot de ralliement. Son franc-parler, sa vivacité et son humour font recette. Les dons affluent. Cela lui permettra de voler au secours d’autres enfants en difficulté à travers le monde : au Soudan, au Sénégal, au Liban, aux Philippines, en Haïti. La création d’ASMAE (Les amis de sœur Emmanuelle) parachève son œuvre et assure jusqu’à aujourd’hui la pérennité de son action.


En 1993, elle rentre en France et subit de plein fouet la morosité ambiante. Cette femme d’action, pas vraiment faite pour la retraite, s’investit alors dans l’écriture et la collecte de fonds pour son association et en faveur de toutes les misères. Souvent invitée sur les plateaux de télévision, elle étonne et éblouit même les plus endurcis par son énergie et sa capacité d’amour extraordinaires. Elle n’hésite pas à demander à l’Église et aux plus fortunés de vendre leurs biens pour donner aux plus pauvres, leur promettant ainsi de trouver « la joie » : « J’ai pensé à vivre d’amour, et je crois en effet que l’amour est éternel. Plus fort que la mort. La mort attaque tout ce qui est matériel. »


Vidéo : entretien avec Sœur Emmanuelle (TV5 Monde)






Texte : Dans le silence et dans le vide


Saint Paul a dit une phrase que je me répète très souvent quand je prie : « Nous ne savons pas prier, mais l’esprit de Dieu en personne s’unit à notre esprit pour crier vers Dieu : abba, père. »

Dans le silence, dans le vide, c’est difficile à expliquer, j’appelle et reçois Dieu. Recevoir Dieu, c’est la fameuse phrase des Psaumes que saint Augustin aimait tant : « l’abîme appelle l’abîme ».

L’abîme, c’est l’homme, sa pauvreté, son vide, son néant. Cet abîme du rien appelle l’abîme du tout.

L’homme crie vers Dieu, son infinitude, sa plénitude, sa bonté immense, sa paternité. La présence de Dieu se manifeste dans la paix et une sérénité très grande. La présence de Dieu rend l’âme comblée.



Écouter :


Le chemin du pays où rien n’est impossible, d’Yves Duteil, extrait de Mes escales, Bayard Musique.




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Message par Thierry Lun 2 Mar - 11:16

supprimé


Dernière édition par Thierry le Dim 5 Avr - 1:54, édité 1 fois


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Message par Véronique1 Mar 3 Mar - 10:19

Emmanuelle : les dernières années


Dénudée par la vieillesse, Sœur Emmanuelle envisageait la mort comme une «rencontre filiale» avec son Seigneur.


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Emmanuelle_0_480_454  


Sœur Emmanuelle aura passé les dernières années de sa vie à Callian, dans le Var, auprès de ses sœurs âgées. La mort vient la trouver le 20 octobre 2008. Celle qui disait d’elle-même : «Je ne peux plus me prendre pour Sœur Emmanuelle», semblait être entrée dans une nouvelle phase de sa vie. Des livres et de nombreux entretiens se sont fait l’écho de conversations au cours desquelles elle relisait son parcours, et évoquait sans nostalgie «la dernière page» de son existence, celle qu’il lui faudrait bientôt tourner avant «l’ultime rencontre».


Parlant de la mort, elle évoquait d’abord «la fragilité de nos bonheurs sur terre». «Nos bonheurs ont un goût de mort», confiait-elle ainsi à Sofia Stril Rever, une amie de sa famille qui, durant l’été 2007, poursuivit avec elle un dialogue depuis longtemps commencé (1).


Allongée sur son lit, ou recroquevillée dans son fauteuil roulant, habitée par un «authentique sentiment d’accomplissement», elle disait aussi combien la rassurait la certitude que l’association qu’elle avait fondée et qui était «un peu son âme» allait poursuivre son œuvre. «Je suis comme une mère qui va quitter ce monde et qui laisse ses enfants», confiait-elle ainsi avant l’été à Annabelle Cayrol et Jacques Duquesne (2).



«Je passe la main, la cordée est solide»



«Ce sentiment de continuité, de prolongement me rassure. Je me dis, comme tous les gens je l’espère : (…) je passe la main, la cordée est solide.» Avec son joyeux tempérament, elle ajoutait alors : «J’aurais pu mieux faire, j’aurais dû mieux faire ! Mais j’ai fait ce que mon cœur et Dieu me dictaient ! Si vous le voulez bien, c’est avec lui que j’en parlerai !»


Alors qu’un mince tuyau reliait ses narines à l’assistance respiratoire dont elle avait désormais besoin, elle méditait aussi sur la fragilité et la dépendance de celui qui entre dans le grand âge. "Plus j’avance en âge, ajoutait-elle, plus je me sens misérable, dans le sens où je manque d’amour, de sens de la fraternité, d’intelligence face au mystère de Dieu. Je ne dirige plus rien, je ne possède rien, je peux enfin me laisser glisser comme une petite goutte d’eau, dans le grand fleuve de l’Amour."


Sentant sa barque s’éloigner peu à peu du rivage, Sœur Emmanuelle regardait la mort en face. S’y préparait. «Au moment où je me rapproche des éternités des éternités, confiait-elle à Sofia Stril-Rever en reprenant les paroles du P. Théodore Ratisbonne, fondateur de sa congrégation, je vois la mort pareille au mouvement de l’enfant qui se jette dans les bras de son père. Je me replace dans cette vérité essentielle de ma foi en le Seigneur. Je suis sa fille, je suis née et j’entrerai dans la mort par ce lien de filiation aimante qui a traversé toute ma vie. Je me prépare à vivre la rencontre filiale avec mon Seigneur. L’amour, dans un face-à-face d’éternité. Enfin.»



«La mort est une très grande bénédiction»



Au fil des mois, ses paroles se faisaient plus précises, plus personnelles. «Je n’ai pas peur de mourir», assurait-elle à ses visiteurs, rappelant que pour un chrétien, «mourir devrait être le plus beau jour de la vie». «Quelle joie de marcher vers cette ultime rencontre !», ajoutait-elle avec un large sourire. Lorsque la rencontre était propice à la confidence, elle ajoutait que l’agonie lui faisait peur, et qu'elle combattait cette peur en récitant le "Je vous salue Marie«, et méditant particulièrement ces mots : »Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort."


Interrogée sur cette «divine» rencontre qu'elle espérait tout en égrenant son chapelet, elle cherchait le mot juste pour dire le cœur de sa foi. "Mon espérance, c'est Pâques, c'est-à-dire que le calvaire, l'agonie à Gethsémani, toute la souffrance du Christ aboutissent à quelque chose«, confiait-elle déjà en 2005 (4). »Oui, je crois à l'éternité, je crois à la résurrection de la chair qui commence ici sur terre. La mort est une très grande bénédiction. Si Dieu a permis la mort, c'est qu'à travers cette épreuve redoutable, un bien se dégage. L'homme se purifie par la mort. Et nous marchons ainsi vers l'éternité où il n'y a plus que l'amour. Car l'amour est plus fort que tout, l'amour est plus fort que la mort."


«Je meurs et je ne meurs pas, assurait-elle à ceux qui partageaient tant avec elle. C'est comme si une durée de vie m'était encore donnée, après ma mort elle-même. Je ne vous quitterai pas parce que, après moi, ce que j'ai entrepris non seulement continuera, mais aussi se développera.»


(1) Mille et un bonheurs. Méditations de Sœur Emmanuelle, Éd. Carnets Nord.
(2) J'ai 100 ans et je voudrais vous dire, Plon.
(3) Revue Panorama, Bayard, décembre 2007.
(4) La Folie d'amour. Entretiens avec Sœur Emmanuelle, Flammarion.



Élodie Maurot et Martine de Sauto - Article paru sur le site de la-Croix.com le 21 octobre 2008.




Vidéo : JT du jour de la mort de Sœur Emmanuel







Texte : « un face-à-face d’éternité »


L’agonie me fait peur ! Mais ça va passer !

Au moment où je me rapproche des éternités des éternités, je vois la mort pareille au mouvement de l'enfant qui se jette dans les bras de son père. Je me replace dans cette vérité essentielle de ma foi en le Seigneur. Je suis sa fille, je suis née et j'entrerai dans la mort par ce lien de filiation aimante qui a traversé toute ma vie. Je me prépare à vivre la rencontre filiale avec mon Seigneur. L'amour, dans un face-à-face d'éternité. Enfin.

Mille et un bonheurs. Méditations de Sœur Emmanuelle, Éd. Carnets Nord.



D’autres vidéos :


https://croire.la-croix.com/Definitions/Figures-spirituelles/Figures-de-justice-et-de-paix/Soeur-Emmanuelle-la-chiffonniere-du-Caire

https://www.youtube.com/watch?v=MqEtgK7hs3s




Écouter :



J’attends, d’Yves Duteil, extrait de Dans l’air des mots, Bayard Musique.















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Message par Véronique1 Mer 4 Mar - 10:02

P. Joseph Wresinski, une figure de sainteté


Le procès de béatification du P. Joseph Wresinski est ouvert depuis 2008. Ce « formidable haut-parleur des plus pauvres », comme le nomme le P. Marc Leclerc, jésuite, est né à Angers en 1917 dans un camp de regroupement dans une grande pauvreté. Il en sera marqué pour toujours, là se trouve la source et l’énergie de tous ses combats.


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Joseph-Wresinski-visite-famille-Val-Oise-1986_0_390_458  
Joseph Wresinski en visite dans une famille du Val-d’Oise en 1986. :copyright: ATD Quart Monde


Sa jeunesse



Fils d’une mère espagnole et d’un père polonais ayant un passeport allemand, il expérimente dès son enfance l’exclusion, la faim, la honte. Pour aider ses parents, il fait des petits boulots, notamment enfant de chœur à l’Institut du Bon Pasteur d’Angers, qui en contrepartie lui donne « un bol de lait et deux sous ». À l’âge de 13 ans, il est embauché comme apprenti boulanger-pâtissier. Sa jeunesse est marquée par les combats des Jeunesses communistes auprès de la classe ouvrière à laquelle il appartient. Au même moment, il découvre la Jeunesse ouvrière chrétienne dans laquelle il s’engage. C’est là que naît sa vocation. À 17 ans, il décide d’être prêtre. Il entre au séminaire en 1940 et est ordonné prêtre pour le diocèse de Soissons en 1946.


« Le choc de sa vie »



En 1956, il découvre le camp de Noisy-le-Grand fondé par l’abbé Pierre. Ce camp est alors, avec celui de Nanterre, l’un des deux plus grands bidonvilles de France. C’est le choc de sa vie. Il le racontera plus tard : « J’y retrouvais les miens. J’ai été hanté par l’idée que jamais ces familles ne sortiraient de la misère aussi longtemps qu’elles ne seraient pas accueillies dans leur ensemble, en tant que peuple, là où débattaient les autres hommes. Je me suis promis que si je restais, je ferais en sorte que ces familles puissent gravir les marches du Vatican, de l’Élysée, de l’ONU. »


C’est avec les familles du camp qu’il crée ce qui deviendra ATD Quart Monde. Toute sa vie sera un combat contre la détresse et la pauvreté. Il meurt le 14 février 1988 à Suresnes.


Le 29 mars 2019, en présence de nombreux membres d’ATD Quart Monde, Claire Hédon, présidente de l’association, aux côtés de Pascale Cotte-Morreton, adjointe au maire de Noisy-le-Grand et Claire Lanly, directrice générale d’Emmaüs Habitat, inaugurait la place Joseph-Wresinski à l’endroit même où est né le mouvement ATD Quart Monde, 62 ans plus tôt.


Vidéo : Joseph l’insoumis (Les Films de la croisade)


Un film de Caroline Glorion, avec Jacques Weber, Anouk Grinberg, Anne Coesens…





(désolée si la vidéo n'est pas disponible, mais peut-être que certains pourront l'avoir directement par YouTube)

Texte : Vienne le temps de la fête



« Le temps presse. Il est temps de comprendre qu’il n’est de fête qui ne soit la fête de tous ».


Il est temps de vouloir que la fête nous rassemble tous. Qu’en la nuit de Noël, l’électricité soit enfin remise et qu’on puisse pour une fois éteindre la bougie. Que la menace d’être chassé ne pèse plus sur nous parce qu’enfin les retards de loyers sont payés. Il est temps que ne recommence plus la hantise de la faim des derniers jours du mois. Qu’à nouveau les logis ne soient plus comme autrefois sans feu. Sera-ce en ce temps-ci que l’homme ne sera plus au chômage non secouru, que les vestiaires gratuits n’habilleront plus les enfants, que les pauvres n’auront plus la honte d’aller mendier les abats, à la fin du marché, pour les mélanger au plat de pommes de terre ? Le temps presse… Est-il venu le temps où les pauvres n’auront plus peur et où la fête sera enfin vécue ?


Extrait de Feuille de Route n° 58-61, septembre à décembre 1974.


Écouter :



« Vents contraires », de Léo Vym, interprété par Sr Agathe et Grégory Turpin, extrait de l’album Qui sait ? (Bayard Musique)





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Message par Véronique1 Jeu 5 Mar - 9:57

La misère, voilà l’ennemie !


Le P. Joseph Wresinski est un de ces prêtres qui ont ouvert des voies nouvelles dans la manière de vivre le ministère sacerdotal. Son originalité est peut-être d’avoir assumé tout son passé dans son ministère. La pauvreté de son enfance lui fait comprendre la misère des hommes et femmes de son temps.


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Corvée d’eau dans le camp de Noisy-le-Grand en 1954. :copyright: Photo Bloncourt


Sus à la pauvreté !


Ordonné prêtre en 1946 pour le diocèse de Soissons, le P. Wresinski exerce son ministère dans des paroisses ouvrières et rurales pendant une dizaine d’années. Il n’a de cesse de rechercher les plus pauvres de ses paroisses pour leur parler de l’Évangile et trouver des solutions concrètes pour les extirper de leur dénuement.


Pauvre avec les plus pauvres


Lui qui a grandi dans la misère et dans le souvenir du courage de sa mère, il craint d’être infidèle non pas tant à l'Évangile qu’aux pauvres, les bien-aimés de Dieu. Il se fait ouvrier dans les mines pour, comme d’autres prêtres ouvriers à l’époque, partager la vie des plus nécessiteux. Il y contracte la tuberculose. Une fois rétabli, il demande à être nommé en 1956 au bidonville de Noisy-le-Grand.


Sagesse d’un pauvre



Il comprend dans ce camp que rien de ce qu'il a vécu jusque-là n'est étranger à son nouveau ministère. Il va dès lors apporter dans son sacerdoce toute son histoire dont il ne renie rien. Elle sera, avec l’Évangile – peut-être même plus encore – le socle de sa spiritualité : « Il fallait bien que je parte d'où j'étais né, avec l'expérience et le regard que m'avait donné la misère », écrit-il. En venant à Noisy-le-Grand, il n’est pas question pour lui de convertir qui que ce soit. Il envisage son ministère comme une lutte contre la misère sous toutes ses formes. Un match à gagner en ralliant toutes les bonnes volontés, au-delà de toute appartenance de religions ou de nationalités : « Car si la misère existe c'est parce que nous, les hommes, nous acceptons qu'elle existe. ». Il faut donc la combattre main dans la main. Et à la question « Vous croyez, vous, que la misère peut disparaître ? » le P. Joseph répond : « Ah, je suis sûr ! »


Nouveau regard


Pour mener ce combat, il invite tous ceux qui le lisent et l’écoutent à changer de regard sur les pauvres : « Si on commençait déjà nous-mêmes par changer notre regard sur les pauvres et changer un peu nos priorités dans nos vies. » Le changement de regard commence par une victoire sur la peur que suscite le pauvre : « On a peur, on a peur des pauvres, disait-il. Les pauvres qui sont à notre porte peuvent nous parler de la liberté avec beaucoup plus d'intensité, j'allais dire presque de vérité. Mais on ne les entend pas parce que, au point de départ, on a peur, on a peur d'eux, on croit qu'ils portent la haine alors qu'ils ne portent que du désespoir. » Toute sa vie, le P. Joseph cherchera à ne pas oublier les plus pauvres, à atteindre les plus abandonnés, il sera hanté par la recherche des plus exclus : « S'il y a une institution qui devrait être faite pour les pauvres, et qui devrait être bâtie pour les pauvres et qui devrait faire fi du reste, et qui devrait s'occuper exclusivement des pauvres, c'est tout de même bien l'Église. »


Vidéo : un langage de combat (France Info)




Texte   : Seigneur, j’ai peur de toi


J’ai peur de m’attacher à toi, de remettre mon sort entre tes mains, parce que j’ai peur de la souffrance, de l’injustice et de la solitude. Aussi, je ne puis te dire : « Fais de moi ton amour et pétris-moi à ton gré, comme l’époux pétrit l’épaule de son épouse… »

J’ai peur que tu ne me conduises dans l’inconnu, là où je ne serai que face à toi, rien que face à toi ; là où peut-être ta volonté contrariera tellement la mienne que toute ma vie en sera changée.

Pourtant, Seigneur, je sais que mon sort est entièrement entre tes mains. Je sais que quoi que je fasse c’est à toi qu’appartient le dernier mot, que mon âme est ta chose parce que tu m’aimes. Je t’aime moi aussi. Alors d’où viennent ma peur, mes réticences et parfois ma révolte ? Est-ce parce que je n’ai pas assez la foi ? Oui c’est cela Seigneur, je n’ai pas assez de foi…

Cependant, il y a autre chose… Il y a que tu as voulu être, en ces temps-ci, le « Lumpenproletariat » : le haillonneux, l’humilié, l’inconnu des zones de misère. Tu as voulu être de ces hommes qui me font peur.

Comme ils l’ont déjà fait, tant de jours et tant de nuits, toi aussi, tu me conduiras de dépouillement en dépouillement, de remise en cause en remise en cause, tu me jetteras nu devant mes frères sous-prolétaires, tu me livreras à leur merci, à leur misère, à leur solitude.

C’est à cause de cela que tu me fais peur, parce que tu me dis, du plus profond de leurs entrailles : « Ces enfants-là sont mes frères, ces femmes sont ma mère. Et je suis le Lazare qui te rebute, Marie-Madeleine qui te tente, les larrons qui te volent et t’injurient, je suis le lépreux décharné et ignorant, qui te fait horreur. »

Seigneur, par pitié, ne me remets pas, pieds et poings liés, à ces frères-là. Ne me remets pas, sans défense, à ton amour. Non ! Pas cela, Seigneur. Par pitié, ne permets pas cela.

Mais puisque tu l’exiges, je me laisserai faire. J’ai quand même peur de toi, Seigneur.

Extrait de Paroles pour demain, Desclée de Brouwer, 1986, p.35-37

Écouter :


« Qui sait ? », de Sœur Agathe, extrait de l’album Qui sait ?, Bayard Musique





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Message par Véronique1 Ven 6 Mar - 9:43

Geneviève et Joseph, le tandem improbable


Geneviève de Gaulle. « Elle arrivait à pousser les portes alors que l’on faisait attendre le curé dans le couloir », résume Véronique Davienne qui l’a côtoyée dans les années 90. « S’ils étaient très différents, tous les deux étaient de la même trempe : ils ne lâchaient pas », complète Didier Robert, d’ATD Quart Monde.


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Genevieve-Gaulle-Anthonioz-Joseph-Wresinski-17-octobre-1987-lesplanade-Droits-lhomme-Trocadero-Parisle-trentieme-anniversaire-mouvement-ATD-Quard-Monde_0_314_264  

Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Joseph Wresinski, le 17 octobre 1987, sur l’esplanade des Droits de l’homme du Trocadéro à Paris, pour le trentième anniversaire du mouvement ATD Quard Monde. D. R.


« Au mal absolu, on ne peut répondre que par la fraternité. » Cette phrase que lui dit un jour André Malraux, Geneviève de Gaulle Anthonioz (1920-2002) la confiait à ceux qui voulaient savoir comment elle avait survécu à l’horreur des camps de concentration nazis. Dans cet univers où tout vous pousse à la haine, elle avait connu l’avilissement de l’être humain mais aussi sa grandeur, comme en témoigne cette prière rédigée avec ses sœurs de captivité à Ravensbrück en 1944. « Seigneur qui êtes au milieu de nous, veuillez ne pas nous délivrer de la misère tant que nos frères seront malheureux. (…) Donnez-nous la force de lutter ensemble pour défendre nos vies et nos âmes. » La foi en l’homme est le fil rouge de sa vie : « J’ai été élevée avec cette idée que tout être humain est une richesse ». Ainsi en 1940, lorsqu’elle décide à 20 ans d’entrer dans la résistance, ce n’est pas pour suivre son illustre oncle Charles mais parce qu’elle a lu Mein Kampf et sait que les nazis menacent la dignité de ses frères. Arrêtée en juillet 43, elle est déportée au camp de Ravensbrück. La fraternité qui l’unit aux survivantes ne se démentira jamais. Ensemble, elles créent une association pour aider celles qui sont en difficultés. Puis c’est le retour à la douceur de la vie et son mariage avec Bernard Anthonioz en 1946. Cet ancien résistant souhaite ouvrir l’accès de l’art et de la culture à tous. Elle entre avec lui au cabinet d’André Malraux pour élaborer le futur ministère de la Culture.
Mais un soir d’hiver 1958, elle rencontre Joseph Wresinski, aumônier du « camp des sans-logis » de Noisy-le-Grand, qui l’invite aux portes de Paris. Et cela réveille un insupportable souvenir : « Il y avait dans le regard des gens la même absence, le même vide, la même désespérance que dans les yeux des déportés (…) » Par fidélité à cette fraternité forgée dans la souffrance et à qui elle doit sa survie, elle quitte Malraux et s’engage à défendre ces familles aux côtés du P. Wresinski qui vient de fonder le mouvement ATD Aide à toute détresse Quart Monde. Tout en assurant une présence fraternelle auprès des familles de Noisy, elle milite auprès des politiques pour l’intégration des plus pauvres dans la société. Au prix d’un long combat, elle parient à faire voter en 1998 la loi contre l’exclusion. Mais pour cette militante infatigable : «Il y a urgence à défendre la fraternité à toutes les époques ». Son fameux « refuser l’inacceptable » est toujours d’actualité.


Pour voir la vidéo :  https://croire.la-croix.com/Definitions/Figures-spirituelles/Genevieve-Joseph-tandem-improbable-2020-01-10-1701070883?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=crocareme%20edito%20quotidien%20parcours%202020&utm_content=2020-03-06-CAREME_01:ANCIENS&utm_term=20200306&&PMID=72594f97fde1658e57cb0e542c4b8ded

Texte


« Il y a deux ans [c’est-à-dire en 1958], le père Joseph Wresinski m’avait demandé de susciter une campagne pour obtenir du charbon et, grâce aux messages à la radio de Clara Candiani, l’hiver n’avait pas été aussi meurtrier. Mais, après le froid, le feu a fait d’autres victimes. Lorsque, pour la première fois, je suis entrée dans ce grand bidonville, au bout d’un chemin de boue, sans lumière, j’ai pensé au camp, l’autre, celui de Ravensbrück. Bien sûr, il n’y avait pas de miradors, pas de sentinelles SS, pas d’enceinte barbelée et électrifiée, mais ce paysage de toits bas et ondulés d’où montaient quelques fumées grises, était un lieu à part, séparé de la vie. Et ses habitants portaient sur leur visage cette marque de détresse que je connaissais bien et qui avait sans doute été la mienne. À sa demande, une famille avait ouvert la porte de son “ igloo ” au père Joseph, qui m’avait présentée. Dans la pénombre, j’avais rencontré le regard triste et las du père qui avait avancé deux caisses pour nous faire asseoir. La maman était apparue du fond de la pièce, portant dans ses bras un tout petit bébé. Elle était jeune, belle malgré ses cheveux épars. D’autres enfants, quatre, cinq, entraient, sortaient comme dans un jeu, tendant leurs menottes au père Joseph pour recevoir les bonbons qu’il tirait des poches de sa soutane. Il faisait vraiment très froid, plus qu’au dehors, et j’avais entendu avec stupeur le père Joseph demander pour nous un café. Comment était-ce possible, dans un dénuement pareil ? Les gosses avaient disparu, puis étaient revenus assez vite, apportant qui deux verres, qui du café et du sucre, tandis que l’eau chauffait. Nous avons bu notre café à la lueur d’une bougie fichée dans une bouteille. Le père Joseph était silencieux, attentif à ce que disaient les parents : il faudrait trouver un travail pour pouvoir obtenir un logement, on ne serait pas si souvent malade – un des enfants était de nouveau à l’hôpital –, les petits iraient à l’école si on habitait moins loin et que la maman puisse les laver, laver leurs habits et surtout les faire sécher. Malgré tout, ils gardaient l’espérance et ce bébé était si beau, si gentil ; pour lui la vie allait changer, c’était sûr. Dès qu’ils auraient un peu d’argent, on ferait son baptême.

Nous les avions quittés en les remerciant pour le café, et je n’avais pu m’empêcher de penser à cette toute petite ration de pain que nous nous partagions à Ravensbrück. Le pire, c’est de ne rien pouvoir donner, avait dit le père Joseph, et que, d’ailleurs, on ne vous demande plus rien.

Quand j’avais quitté le chemin boueux pour attendre l’autobus dans une vraie rue, j’avais senti, au fond de moi, que je reviendrais.

[…]

À Ravensbrück, nous avions découvert qu’un livre était plus précieux que le pain. De tels rapprochements m’aident à prendre un peu conscience du projet conçu par le père Joseph : ceux que détruit la misère peuvent seuls nous apprendre ce qu’ils voudraient vivre, il faut donc être attentifs à leurs aspirations profondes. “ Et si nous n’entendons rien, c’est sans doute que nous ne sommes pas assez près ”, nous dit-il. »

Extraits du livre Le Secret de l’espérance, par Geneviève de Gaulle Anthonioz.



Écouter  :


«Les derniers seront les premiers», de Jean-Jacques Goldman, chanté par Sœur Agathe, extrait de Qui sait? (Bayard Musique).






Evelyne Montigny et Sébastien Antoni
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Message par Véronique1 Sam 7 Mar - 10:27

ATD Quart Monde, l’œuvre majeure du P. Wresinski


Bouleversé par la vie des quelque 252 familles qui s’entassent dans le bidonville de Noisy-le-Grand, Joseph Wresinski se fait la promesse « de faire monter à ces familles les marches de l’Élysée, du Vatican, de l’ONU… ». Promesse tenue avec son association : ATD Quart-Monde !


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Joseph-Wresinskiune-famille-Cormeilles-Vexin_0_708_530  

Joseph Wresinski avec une famille de Cormeilles-en-Vexin. :copyright: ATD Quart Monde International


De son vivant !



C’est en 1957, une année après son arrivée au camp de Noisy-le-Grand que Joseph Wresinki crée l’association « Aide à toute détresse ». Geneviève de Gaulle Anthonioz (la nièce de Charles de Gaulle) le rejoint et est nommée à la présidence de l’association en 1964. En 1968, le P. Wresinski a l’idée de créer le concept de « quart-monde », en référence au « quatrième ordre », celui des « pauvres journaliers, des infirmes, des indigents », qui tenta de se faire représenter aux états généraux de 1789. Il associe son expression au nom de son association. ATD Quart Monde est née ! Au cœur des bouleversements de mai 1968, il invite les étudiants à se mobiliser pour apporter la culture aux plus pauvres et partager leurs connaissances. Avec eux, il crée les premières bibliothèques de rue que soutient et accompagne toujours l’association. Présente dans beaucoup de pays riches, c’est en 1979 qu’ATD Quart Monde commence à s’implanter dans des pays du tiers-monde, au Guatemala et en Thaïlande… En 1982, pour le vingt-cinquième anniversaire de l’association qui se veut désormais un mouvement, les participants à un rassemblement à Bruxelles lancent une pétition demandant aux Nations unies de reconnaître la misère comme une violation des droits de l’homme.


Entrée en politique


Cette pétition propulse ATD Quart Monde dans un combat public pour que la lutte contre la misère s’inscrive dans les lois. Cet investissement en politique conduit ATD Quart Monde à expérimenter à Rennes le « complément local de ressources », qui deviendra en 1988 le RMI (revenu minimum d’insertion), devenu le RSA (revenu de solidarité active) en 2009. 1987 marque une année décisive dans la reconnaissance de l’action du mouvement. Le Conseil économique et social vote le rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale ». Ce rapport assure que « la misère est une violation des droits de l’homme, qu’il faut mener avec les pauvres une action globale pour détruire la misère ». Quelques mois avant la mort du P. Wresinsky (14 février 1988), le 17 octobre, ATD Quart Monde organise à Paris le premier rassemblement des défenseurs des droits de l’homme. Au Trocadéro, une dalle est inaugurée en l’honneur des victimes de la misère.

L’action continue


Les Nations unies reconnaîtront en 1992 la Journée mondiale du refus de la misère. Après la mort de son fondateur, l’action d’ATD Quart Monde a contribué à la création de lois en faveur des plus pauvres. Ainsi, le 29 juillet 1998, est voté un projet de loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions. En 2003, le Conseil économique et social français vote, à la quasi-unanimité, l’avis « L’accès de tous aux droits de tous, par la mobilisation de tous », incitant syndicats et entreprises à prendre des initiatives contre l’exclusion sociale. En 2016 est votée la loi contre le chômage de longue durée. Cette loi est résultat d’un travail entrepris par ATD Quart Monde, la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale), le Secours catholique, Emmaüs et le Pacte civique. Le principe est de réaffecter les coûts dus à la privation durable d’emploi pour aider à financer de manière pérenne des emplois socialement utiles et non concurrentiels avec ceux existants. ATD Quart Monde, d’inspiration chrétienne, se veut laïque pour agir très concrètement et peser de toutes ses forces pour un projet de société qui, s’il ne dit pas son nom, est sans conteste d’inspiration évangélique.


Une vidéo : agir pour la dignité (ATD Quart Monde)







Les pauvres changent tout


Les plus pauvres que les hommes rejettent, dès qu’on leur fait confiance, dès qu’ils prennent confiance en nous, changent tout. Les idéologies que nous avions échafaudées apparaissent faibles, nos projets sont caducs, il faut tout remettre en chantier. Et quand nous laissons le quart-monde prendre place au cœur de nos entreprises, celles-ci prennent en effet une autre allure. Le cœur est neuf, l’esprit comprend les choses cachées, les mystères de la vie. Nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que les plus pauvres sont le levain au cœur du monde.

Rapport moral 1981-1982 du mouvement international ATD Quart Monde.



Écouter


« Il a suffi d’un cri », de Léo Vym, chanté par Sœur Agathe, extrait de Qui sait ? (Bayard Musique)




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Message par Véronique1 Lun 9 Mar - 9:23

La Journée du refus de la misère, l’appel du P. Wresinski


À l’initiative du P. Joseph Wresinski, 100 000 personnes s’étaient rassemblées sur le parvis du Trocadéro à Paris le 17 octobre 1987, en solidarité avec les victimes de la faim, de la violence et de l’ignorance et pour dire leur refus de la misère. Depuis, le 17 octobre est la « Journée mondiale du refus de la misère ».


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Plaque-commemorative-posee-17-octobre-1987-Parvis-droits-lhomme-libertes-Place-Trocadero-Paris_0_728_468  

Plaque commémorative posée le 17 octobre 1987 sur le Parvis des droits de l’homme et des libertés Place du Trocadéro, à Paris. D. R.


Une plaque, un appel, un testament



À l’occasion du rassemblement du 17 octobre 1987 a été inaugurée une plaque commémorative sur la place du Trocadéro à Paris. Y est inscrit le fruit du combat de toute la vie du P. Joseph Wresinski. Comme tant et tant de touristes, visiteurs et militants, arrêtons-nous quelques instants sur ce texte et méditons le message du fondateur du mouvement ATD Quart Monde.


« Le 17 octobre 1987, des défenseurs des droits de l’homme et du citoyen de tous pays se sont rassemblés sur ce parvis. Ils ont rendu hommage aux victimes de la faim, de l’ignorance et de la violence. Ils ont affirmé leur conviction que la misère n’est pas fatale. Ils ont proclamé leur solidarité avec ceux qui luttent à travers le monde pour la détruire. Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. »


Depuis, chaque 17 octobre, la Journée mondiale du refus de la misère est l’occasion de rassemblements dans le monde entier. Cette date a été proclamée Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté par l’Assemblée générale des Nations unies en 1992.


La lutte contre la pauvreté n’est pas terminée



Le taux de pauvreté en augmentation en 2018 (chiffres La Croix octobre 2019)


Le taux de pauvreté augmenterait de 0,6 point en 2018 pour s’établir à 14,7 % de la population (contre 14,1 % en 2017), selon l’Insee.


9,3 millions de personnes disposeraient, en 2018, d’un niveau de vie inférieur à 60 % du niveau de vie médian.


Sans la baisse des allocations logement, cette hausse serait plus modérée (+ 0,2 % en 2018), commente l’Insee, qui précise toutefois que ces chiffres, issus d’une méthode d’estimation avancée, ne sont pas définitifs.


Vidéo : Rencontre avec Joseph Wresinski (ATD Quart Monde International)





Texte : Appel final du P. Joseph Wresinski, le 17 octobre 1987.


Le 17 octobre 1987, à la fin du rassemblement des défenseurs des droits de l’homme, à Paris, le père Joseph Wresinski conclut la journée par cet appel final.


Maintenant, la nuit est finie. Nous sommes au matin. Est finie cette nuit où les enfants étaient heureux d’aller en classe. Est finie cette nuit où les pères allaient aux syndicats et où les jeunes apprenaient un métier.

Cette nuit, nous – les citoyens, les ministres, les députés, les fonctionnaires et tous les autres – avions fait un pacte d’alliance avec les chômeurs, les illettrés, les indigents et les sans-logis. Non pas un pacte pour une nuit, mais un pacte pour l’avenir.

Qu’allons-nous faire maintenant, nous les citoyens ? Qu’allons-nous faire, nous les familles du quart-monde, pour qu’ensemble, nos cités, notre vie quotidienne soient enfin dignes de l’humanité que nous avons en nous, que nous portons ?

Et vous les jeunes, qui êtes impatients de justice, qui êtes impatients de vérité, qu’allez-vous faire dans vos écoles, dans vos universités, dans vos maisons de jeunes ? Serez-vous des initiateurs de cette route neuve où la justice l’emportera sur le profit, l’exploitation, la paix sur la guerre, où la justice et l’amour seront réconciliés ?

Il faut vivre avec l’avenir. L’avenir est entre vos mains. Le monde de demain sera le vôtre.


Écouter :


« Oiseau malin », de Sœur Agathe, extrait de Qui sait ? (Bayard Musique)



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Message par Véronique1 Mar 10 Mar - 9:43

Un hommage inattendu pour le P. Wresinski

Le P. Joseph Wresinski était convaincu que les plus pauvres doivent avoir accès à la beauté, à l’art, au savoir… Un jour il a demandé au chanteur Laurent Voulzy de composer une chanson qui mettrait à l’honneur le combat de sa vie : la lutte contre la misère. Histoire d’une chanson-hommage par son auteur, compositeur et interprète.


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Voulzy-concert-belle-2_0_729_665  


Une commande



« Ma chanson Jésus était à l’origine une commande du P. Joseph Wresinski. Il voulait que j'écrive une chanson pour les gens dans la misère. Moi, je ne voulais pas. Je ne me sentais pas l'âme d'un porte-drapeau. Il a insisté, en me tenant la main : faites une chanson pour les gens dans la misère ! Au bout de trois semaines, il m'adressait une lettre, à laquelle je n'ai pas répondu. Un an après, j'ai appris sa mort par la télévision.


Un projet



Des années plus tard, Alain (Souchon, NDLR) et moi nous sommes retrouvés à nouveau afin d'écrire pour mon album Avril. Alain m'a demandé : as-tu une idée de chanson ? Cette commande m'est revenue. Nous avons attaqué la musique, Alain s'est mis à écrire. Après le premier couplet, vers 2 heures du matin, j'ai pris la guitare, nous avons chanté et j'ai réellement senti de la glace sur moi et les larmes aux yeux. J'ai pris cela comme un rien, peut-être. Ou comme un signe. Comme si le P. Wresinski, dix ans après, me disait : ah quand même, vous vous y mettez ! Cette représentation de la foi comme une persévérance, pleine d'humour et de belle lumière, fait partie de mes prières. Elle donne une raison de croire, pour se sentir dans la joie chaque jour, même quand l'époque n'y incite pas. Saint Augustin, que j'ai lu, dit que l'on peut tout faire sur terre dès lors que c'est commandé par l'amour.


Des fruits ?



C'est magnifique ! Pour l'heure, je cherche, je prie chaque jour, je vais dans les églises. Et je regarde la diversité des visages, je reste assis devant un paysage, je vois la méchanceté chez certains… Surgissent alors les questions. Mais pourquoi ? Ma foi est faite de questions. Comme ma chanson Jésus. Dieu est dans la somme de tous les visages, dans toutes les questions que je me pose. Et dans la recherche de réponses… »


Vidéo : Laurent Voulzy chante « Jésus »





Les paroles de « Jésus »




Même, même sourire d’enfant



Même air qu'on respire en même temps,



Même cœur battant,



Même air qu'on entend en même temps.



Pourtant seuls, seuls sur terre



Certains, ils vont sans maison



Sans raison sans amour



Certains, comme ça et le froid, sur leurs mains.



Jésus L'entends-tu ?



Ces filles et ces garçons perdus,



Ne sont-ils pas assez précieux ?



Du haut de tes cieux délicieux



Jésus Roi du ciel



Nos âmes volent avec leurs ailes,



Toi tu choisis lesquelles ?



Même désir d'amour,



Les mêmes « Je t'aime toujours »,



Même navire pourtant,



Même vague et



Même vague et même vent



Pourtant rien, rien à faire



Certains, à côté à côté du chemin,



Ils vont sans rien, sans espoir, le matin le soir,



Jésus l'entends-tu ?



Ces dames et ces messieurs pieds nus.



Ne sont-ils pas assez gracieux ?



Trop bas pour tes yeux délicats



Jésus Roi du vent nos âmes volent



Pareillement, Toi tu choisis comment ?



Même, même vie devant,



Et tant de destins différents,



Pour l'un facile, pour l'autre un chemin difficile...



Texte : Offrir l’art et la poésie



Je suis jaloux, comme Dieu se dit jaloux dans la Bible, de ceux qui, dès leur enfance, apprirent à aimer la musique et la danse, l’art et la poésie. Je n’eus pas cette chance et toute ma vie j’en ai souffert. Pouvoir l’offrir aux plus pauvres a été mon combat.



Joseph Wresinski, Passeport pour la musique, fascicule écrit à l’intention des animateurs de bibliothèques de rue, 1987.




Laurent Voulzy, chanteur / La Croix 20 décembre 2014.
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Message par Véronique1 Mer 11 Mar - 9:48

Madeleine Delbrêl : éblouie par Dieu à 20 ans


Connue pour son engagement social à Ivry-sur-Seine, ville communiste, au début du XXe siècle, Madeleine Delbrêl est une figure moderne de laïque. Dans sa jeunesse, elle a expérimenté l’athéisme et le retour à la foi.


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Madeleine Delbrêl naît en 1904 à Mussidan en Dordogne. Sa mère, Lucile Junière, est issue d’une famille de la petite bourgeoisie de province qui tient une fabrique de cierges. Son père, Jules, vient d’une famille de propriétaires déchus à la suite de l’internement psychiatrique de l’arrière-grand-père de Madeleine. Autodidacte, Jules Delbrêl cultive un goût pour la littérature, la philosophie et la poésie. Il travaille dans les chemins de fer où il effectue une belle carrière jusqu’à terminer chef des gares parisiennes de la ligne de Sceaux à Denfert-Rochereau. Fille unique, Madeleine grandit très aimée par ses parents. Bien qu’ils ne soient pas de fervents chrétiens, l’enfant suit le catéchisme et fait sa première communion. Mais ces germes de foi sont balayés à l’adolescence quand son père l’introduit dans un cercle littéraire et philosophique parisien animé par le docteur Armaingaud, un Bordelais libre penseur. À 15 ans, Madeleine perd la foi.


Dans le cercle du docteur Armaingaud, la jeune fille, sensible et à l’intelligence vive, fait néanmoins la connaissance de jeunes chrétiens dont Jean Maydieu, élève de l’École Centrale, croyant, intelligent et aimant la vie. Madeleine en tombe amoureuse. Jean partage semble-t-il les mêmes sentiments. Dans leur entourage, on les pense engagés l’un envers l’autre, quand le jeune homme disparaît brusquement. Après son service militaire, il entre au noviciat chez les Dominicains. Madeleine ne le revoit pas. Cette rupture est pour elle un traumatisme dont elle se remet difficilement.


Depuis quelque temps, Madeleine est travaillée par la question de la foi. Le départ de Jean Maydieu attise cette question. Elle entame d’abord une recherche intellectuelle et peu à peu commence à penser que l’hypothèse de Dieu est possible. Pour ne pas en rester à l’intelligence, elle décide de prier et se met à genoux. Le possible devient réel : « J’ai cru que Dieu me trouvait », écrit-elle plus tard. Le 29 mars 1924, Madeleine se convertit à l’âge de 20 ans. Pour elle, c’est l’éblouissement, l’entrée dans une vie nouvelle. Avant sa conversion, la mort jetait un voile de tristesse et de dérision sur toute chose - « Dieu est mort, vive la mort », écrivait-elle à 17 ans pour exprimer son athéisme. Désormais, la mort n’est plus pour elle la fin de tout, mais une ouverture, un passage. « J’avais été et je suis restée éblouie par Dieu », confie-t-elle encore lors d’une conférence à des étudiants, quelques semaines avant sa mort en 1964.


Vidéo : Ceux qui l’ont connue témoignent (CFRT)


 


voir le lien en bas de page car je ne sais pas la poster.






Texte : Tu vivais et je n’en savais rien



« Tu vivais et je n’en savais rien. Tu avais fait mon cœur à ta taille, ma vie pour durer autant que toi et parce que tu n’étais pas là le monde entier me paraissait petit et bête et le destin de tous les hommes stupide et méchant. Quand j’ai su que tu vivais je t’ai remercié de m’avoir fait vivre, je t’ai remercié pour la vie du monde entier.


La souffrance dont on souffre sur terre m’a paru beaucoup plus grande et aussi beaucoup plus petite, les joies qu’on y trouve beaucoup plus vraies et plus petites aussi. »


L’éblouie de Dieu. Les plus beaux textes de Madeleine Delbrêl, Nouvelle Cité, septembre 2019, p. 24


Écouter



« Ce mal de toi (Heureux ceux qui pleurent) », extrait de Béatitudes, texte de Mannick, musique et chant de Pierre Lebrun, ADF Musique







https://croire.la-croix.com/Definitions/Figures-spirituelles/Madeleine-Delbrel-eblouie-Dieu-20-ans-2020-02-14-1701078317?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=crocareme%20edito%20quotidien%20parcours%202020&utm_content=2020-03-11-CAREME_01:ANCIENS&utm_term=20200311&&PMID=72594f97fde1658e57cb0e542c4b8ded
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Message par Véronique1 Jeu 12 Mar - 10:02

Madeleine Delbrêl : le discernement d’une vocation apostolique


Intellectuelle, artiste, poète, Madeleine Delbrêl est une écrivaine née. Sa conversion la conduit pourtant sur un autre chemin, celui du travail social.


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Madeleine-delbrel-0_0_729_550  


Si la conversion de Madeleine Delbrêl est un éblouissement, elle se produit à l’une des périodes les plus difficiles de sa vie. Après le départ de Jean Maydieu, la voici confrontée à des difficultés familiales : son père, caractériel, devient quasiment aveugle et les relations entre ses parents se dégradent. Épuisée, la jeune fille part plusieurs mois en maison de repos. Quand elle sort de cette crise à l’automne 1925, elle entre comme cheftaine de louveteaux dans la troupe scoute de l’église Saint-Dominique, sa paroisse située près de Denfert-Rochereau. C’est là qu’elle rencontre l’abbé Jacques Lorenzo, vicaire et aumônier des scouts qui sera son accompagnateur spirituel jusqu’à sa mort brutale en 1958. Doté d’un zèle apostolique, le père Lorenzo anime un groupe dans lequel Madeleine étudie les Actes des Apôtres. Elle a besoin de comprendre et lit de manière éclectique Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Bossuet, Thomas d’Aquin, Mauriac, Claudel, et même Cocteau… Elle acquiert ainsi une culture religieuse et spirituelle assez exceptionnelle pour une laïque de son époque. Toute sa vie, elle aura le souci de se former et manifestera un instinct sûr de la foi chrétienne tout en se défendant d’être une théologienne.


Pendant ces années, Madeleine s’interroge sur sa vocation. Que faire : entrer au Carmel ? Elle choisit de rester dans le monde afin d’y travailler pour Dieu. Musicienne, artiste – elle prend des cours de dessin à l’Académie de la Grande Chaumière près de Montparnasse – Madeleine écrit depuis longtemps des poèmes. Le 18 juillet 1926, elle reçoit pour son recueil intitulé La Route le prix Sully Prudhomme. La voie semble ouverte vers une carrière littéraire. Mais elle y renonce et devient assistante sociale pour vivre l’Évangile « au coude à coude » avec les pauvres. Lorsqu’un centre social paroissial à Ivry-sur-Seine a besoin de collaboratrices, le départ est décidé. Le 15 octobre 1933, en la fête de sainte Thérèse d’Avila, Madeleine et deux autres compagnes franchissent l’actuel périphérique. Un court trajet pour un déplacement culturel radical : au nom de leur foi en Jésus-Christ, ces laïques s’installent pour toujours en pleine banlieue communiste. Par leur choix de rester célibataires et de mener une vie en commun, elles veulent vivre leur vocation de baptisées de manière radicale. D’autres compagnes viendront par la suite s’agréger à leur groupe appelé « La charité » puis « les équipes Madeleine Delbrêl ». Quatre ans après leur arrivée à Ivry, Madeleine témoigne de leur expérience dans un texte imagé, « Nous autres gens des rues ».


Vidéo : Portrait de Madeleine Delbrêl (France 3)




Texte  : La rue, lieu de notre sainteté


« Il y a des gens que Dieu prend et met à part. Il y en a d’autres qu’il laisse dans la masse et qu’il ne «retire pas du monde». Ce sont des gens qui font un travail ordinaire, qui ont un foyer ordinaire ou sont des célibataires ordinaires. Des gens qui ont des maladies ordinaires, des deuils ordinaires. Des gens qui ont une maison ordinaire, des vêtements ordinaires, ce sont les gens de la vie ordinaire. Les gens qu’on rencontre dans n’importe quelle rue.

Ils aiment leur porte qui s’ouvre sur la rue, comme leurs frères invisibles au monde aiment la porte qui s’est refermée définitivement sur eux.

Nous autres gens de la rue, croyons de toutes nos forces, que cette rue, que ce monde où Dieu nous a mis est pour nous le lieu de notre sainteté.

Nous croyons que rien de nécessaire ne nous y manque, car si ce nécessaire nous manquait, Dieu nous l’aurait déjà donné. »

L’éblouie de Dieu. Les plus beaux textes de Madeleine Delbrêl, Nouvelle Cité, septembre 2019, p. 15

Écouter


Pas si simple, extrait de Béatitudes, texte de Mannick, musique et chant de Pierre Lebrun, ADF Musique.





Florence Chatel avec le Père Bernard Pitaud, prêtre de la Compagnie de Saint-Sulpice, auteur de nombreux écrits sur Madeleine Delbrêl.
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Message par Véronique1 Ven 13 Mar - 10:56

Madeleine Delbrêl : prophète du dialogue


À Ivry-sur-Seine, Madeleine Delbrêl est un trait d’union entre les chrétiens et les communistes. Toute sa vie est marquée par le dialogue avec l’athéisme dans la vérité et l’amitié.



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Quand Madeleine Delbrêl arrive à Ivry-sur-Seine en 1933, les chrétiens et les communistes se livrent bataille. Les catholiques vivent dans une forme de repli communautariste : il existe une liste des commerçants chrétiens chez qui s’approvisionner en priorité ! Les communistes manifestent un esprit laïc combatif. Dans la rue, les enfants des deux camps se jettent des pierres. Madeleine, qui a reçu une éducation tolérante, s’en étonne. Pour elle, la paroisse n’est pas en dialogue vrai avec les communistes. « Comment voulez-vous qu’on leur parle ? On ne connaît même pas leur langue », lance-t-elle un jour au curé. Au début, elle et ses compagnes sont très impliquées dans la paroisse : en plus de s’occuper du petit centre social, elles font du patronage. Un déménagement dans le centre-ville au 11 rue Raspail leur permet de prendre de la distance. La paroisse restera le lieu où Madeleine ira chercher sa nourriture, l’Écriture et l’Eucharistie, chaque matin, mais un certain malaise persistera longtemps en raison de ses liens d’amitié et de travail avec les communistes.

[size=16][size=18]En 1935, l’assistante soci[/size][size=18]ale entre en effet au service social de la mairie d’Ivry. Les communistes perçoivent très vite l’authenticité de son témoignage et son efficacité. On la sollicite pour adhérer au parti. Madeleine lit des textes de Lénine ; elle relit l’Évangile. Elle comprend que le marxisme, en voulant la mort de Dieu, est en contradiction avec sa foi. Qui plus est, elle ne peut haïr quelqu’un au nom de la lutte des classes, quand l’Évangile invite à « aimer ses ennemis ». Elle refuse d’adhérer au parti, et à chaque sollicitation, elle discernera si elle peut agir ou non avec les communistes sans que cela présente d’ambiguïté pour sa foi. Ainsi, en 1936, elle n’hésite pas à s’engager avec des militants dans un comité de chômeurs pour aider les familles, tandis qu’en 1962, elle refuse de se rendre à une réception donnée en l’honneur du président Khrouchtchev pour ne pas cautionner la persécution religieuse en U.R.S.S. En 1945, Madeleine quitte définitivement le service social de la mairie. En 1957, dans son livre Ville marxiste, terre de mission, elle témoigne de ce dialogue sans concession, dans la vérité et l’amitié, avec les communistes. Au début du concile Vatican II, elle pressent l’avènement d’un athéisme de l’indifférence où « Dieu ne sera plus nié, pas chassé, mais exclu, où il sera impensable ». La seule manière d’annoncer l’Évangile sera alors de devenir doux et humble comme le Christ.[/size][/size]




Texte  : Le nouveau jour



« Un jour de plus commence.
Jésus en moi veut le vivre.
Il ne s’est pas enfermé.
Il a marché parmi les hommes.
Avec moi il est parmi les hommes d’aujourd’hui.
Il va rencontrer chacun de ceux qui entreront dans la maison, chacun de ceux que je croiserai dans la rue, d’autres riches que ceux de son temps, d’autres pauvres,
d’autres savants et d’autres ignorants,
d’autres petits et d’autres vieillards,
d’autres saints et d’autres pécheurs,
d’autres valides et d’autres infirmes.
Tous seront ceux qu’il est venu chercher.
Chacun, celui qu’il est venu sauver.
A ceux qui me parleront, il aura quelque chose à répondre.
A ceux qui manqueront, il aura quelque chose à donner.
Chacun existera pour lui comme s’il était seul.
Dans le bruit il aura son silence à vivre.
Dans le tumulte, sa paix à mouvoir.
Jésus, en tout, n’a pas cessé d’être le Fils.
En moi, il veut rester lié au Père.
Doucement lié, dans chaque seconde, balancé sur chaque seconde comme un liège sur l’eau.
Doux comme un agneau devant chaque volonté de son Père.
Tout sera permis dans le jour qui va venir, tout sera permis et demandera que je dise oui.
Le monde où il me laisse pour y être avec moi ne peut m’empêcher d’être avec Dieu : tout y est rencontre de Dieu. »


Extrait de Le nouveau jour, dans L’éblouie de Dieu. Les plus beaux textes de Madeleine Delbrêl, Nouvelle Cité, septembre 2019, p. 19-20.


Écouter


As-tu le droit de dire « heureux » ?, extrait de Béatitudes, texte de Mannick, musique et chant de Pierre Lebrun, ADF Musique.

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Message par Véronique1 Sam 14 Mar - 10:08

Madeleine Delbrêl : missionnaire aux frontières de l’Église


Dans le centre d’Ivry-sur-Seine, le 11 de la rue Raspail est un peu la maison du Bon Dieu. Pour Madeleine Delbrêl, on ne peut exercer la charité sans accueillir la Parole de Dieu, devenir témoin.


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« Je suis venue à Ivry parce qu’on m’avait dit qu’il y avait là des gens incroyants et pauvres. » Dès son arrivée dans cette ville industrielle, Madeleine Delbrêl souhaite être une présence amie, vivante, en disciple de Charles de Foucauld. Au 11 de la rue Raspail où elle s’installe avec ses compagnes, la porte est toujours ouverte. Chacun peut entrer et venir exposer un besoin. Leur amour est inventif pour aider les plus démunis. Et les occasions ne manquent pas en cette période de montée du chômage, suivie de la Seconde Guerre mondiale. Une anecdote montre la délicatesse avec laquelle agissait Madeleine. Chargée d’apporter des vêtements à une famille dans le besoin, elle se rend au domicile, sonne et tend le paquet à un petit garçon. Tandis qu’elle redescend l’escalier, le colis vole par-dessus bord, renvoyé par la mère de famille très en colère. L’état des habits n’a pas été vérifié ; ils sont sales. Madeleine remonte vingt minutes plus tard avec un bouquet de roses. Les deux femmes deviennent aussitôt amies.



L’assistante sociale est convaincue qu’il faut améliorer les conditions de vie des personnes pour leur bonheur avec compétence et organisation. Mais ce qui motive profondément la chrétienne, c’est le salut, la rencontre et l’amour de Dieu. Elle veut communiquer sa joie de croire « aux frontières de l’Église ». Pour elle, croire c’est savoir (l’intelligence de la foi), savoir-faire (la charité), et parler (annoncer) dès qu’une occasion se présente. Sa pastorale n’est pas une pastorale de l’enfouissement. Au contraire, un chrétien doit être missionnaire. Comment ? En accueillant la Parole de Dieu pour se laisser façonner par elle, devenir Parole en quelque sorte. « La parole de Dieu on ne l’emporte pas au bout du monde, dans une mallette : on la porte en soi, on l’emporte en soi. On ne la met pas dans un coin de soi-même, dans sa mémoire, comme sur une étagère d’armoire où on l’aurait rangée. On la laisse aller jusqu’au fond de soi, jusqu’à ce gond où pivote tout nous-mêmes », écrit-elle*. Car pour qu’une action ne soit pas simplement humaine, il faut qu’elle soit action du Christ en nous.



Madeleine Delbrêl priait ainsi chaque jour et portait toujours sur elle l’Évangile, sa lecture privilégiée qu’elle annotait. Ses méditations poétiques des années 1945-1950 – Humour dans l’amour, Passion des patiences, Le nouveau jour… –, témoignent de cette imbrication de la Parole avec son quotidien le plus banal.



*L’éblouie de Dieu. Les plus beaux textes de Madeleine Delbrêl, Nouvelle Cité, septembre 2019, p. 35.



Texte  : Spiritualité du vélo



«Allez»… nous dites-vous à tous les tournants de l’Évangile.
Pour être dans votre sens, il faut aller, même quand notre paresse nous supplie de demeurer.
Vous nous avez choisis pour être dans un équilibre étrange,
Un équilibre qui ne peut s’établir et tenir que dans un mouvement, que dans un élan.
Un peu comme un vélo qui ne tient pas debout sans rouler,
un vélo qui reste penché contre un mur
tant qu’on ne l’a pas enfourché pour le faire filer bon train sur la route.
La condition qui nous est donnée c’est une insécurité universelle vertigineuse.
Dès que nous nous prenons à la regarder, notre vie penche, se dérobe.
Nous ne pouvons tenir debout que pour marcher, que pour foncer,
dans un élan de charité.
Tous les saints qui nous sont donnés pour modèles, ou beaucoup,
étaient sous le régime des assurances – une espèce de Sécurité spirituelle qui les garantissait contre les risques, les maladies,
qui prenait même en charge leurs enfantements spirituels.
Ils avaient des temps de prière officiels, des méthodes pour faire pénitence,
tout un code de conseils et de défenses.
Mais pour nous, c’est dans un libéralisme un peu fou
que joue l’aventure de votre grâce.
Vous vous refusez à nous fournir une carte routière.
Notre cheminement se fait de nuit.
Chaque acte à faire à tour de rôle s’illumine comme des relais de signaux.
Souvent la seule chose garantie c’est cette fatigue régulière du même travail chaque jour à faire, du même ménage à recommencer, des mêmes fautes à corriger, des mêmes bêtises à ne pas faire.
Mais en dehors de cette garantie, tout le reste est laissé à votre fantaisie qui s’en donne à l’aise avec nous.




L’éblouie de Dieu. Les plus beaux textes de Madeleine Delbrêl, Nouvelle Cité, septembre 2019, p. 49-50



Écouter







À l’amour à la vie, extrait de Béatitudes, texte de Mannick, musique et chant de Pierre Lebrun, ADF Musique.




Pour aller plus loin :


- Prier 15 jours avec Madeleine Delbrêl par Bernard Pitaud, Nouvelle Cité, 2009, 128 p.
- Madeleine Delbrêl Poète, assistante sociale et mystique, par Gilles François et Bernard Pitaud, Nouvelle Cité, 2019, 320 p.





Florence Chatel avec le Père Bernard Pitaud, prêtre de la Compagnie de Saint-Sulpice, auteur de nombreux écrits sur Madeleine Delbrêl.




https://croire.la-croix.com/Definitions/Figures-spirituelles/Madeleine-Delbrel-missionnaire-frontieres-lEglise-2020-01-30-1701075273?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=crocareme%20edito%20quotidien%20parcours%202020&utm_content=2020-03-14-CAREME_01:ANCIENS&utm_term=20200314&&PMID=72594f97fde1658e57cb0e542c4b8ded
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Message par Véronique1 Lun 16 Mar - 10:17

Madeleine Delbrêl : Rompue comme le pain



Au 11 de la rue Raspail, le moindre événement, le moindre anniversaire est l’occasion de faire la fête ! Madeleine Delbrêl improvise des chansons. Sa gaieté proverbiale, son amour de la vie et son humour pourraient faire oublier qu’elle connut aussi de grandes souffrances dans sa vie.




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En 1935, les parents de Madeleine Delbrêl se séparent définitivement. Profondément meurtrie, Madeleine continue d’être proche de chacun, en particulier de sa mère qui fera avec elle un beau chemin spirituel. Une fois par mois, elle rend aussi visite à son père retiré à Mussidan (Dordogne). Mais le caractère instable de Jules Delbrêl rend chaque visite imprévisible. Un jour où Madeleine a prévu d’aller le voir, ses compagnes étonnées la voient revenir une heure après le départ du train. Un problème à la gare d’Austerlitz ? Madeleine avoue : « Je n’ai pas eu le courage ». Elle partira finalement le lendemain. La fragilité psychique de son père, la séparation de ses parents sont les grandes souffrances de sa vie. Elle-même s’est posé la question de sa santé mentale au moment de sa vocation : « avec une hérédité aussi chargée puis-je être normale ? (…) Je crois avoir une mission, ne suis-je pas une détraquée ? »



L’année 1955 est une année de deuils : après le père Augustin-Jean Maydieu qui meurt le 27 avril, les parents de Madeleine décèdent le 3 juin et le 18 septembre. Madeleine qui n’a jamais pris parti pour l’un ou l’autre de ses parents confie à un ami médecin : « Dieu a bien voulu me donner 24 heures où mon père fut ce qu’il était jadis et où nous nous sommes retrouvés… Ces heures ont été chèrement payées… Mon père fut vraiment une machine à douleurs pour lui et pour tous ceux qui furent siens. »



Madeleine n’aime pas la souffrance, mais quand celle-ci s’impose à elle, elle la vit en union au Christ souffrant sur la Croix pour le salut du monde. « On ne demande pas au blé d’être fort quand on le broie mais de laisser le moulin en faire de la farine. (…) Il est rare à ces moments-là que nous comprenions en quoi que ce soit l’utilité de la souffrance. Elle ne nous apparaît que comme une monstrueuse contradiction… nous ne reconnaissons pas la croix en elle. C’est après seulement qu’il nous arrive de comprendre que par cette souffrance, nous sommes devenus ce que nous sommes », écrit-elle en 1962*. Depuis une mauvaise grippe contractée dans sa jeunesse, elle-même a une santé fragile : difficultés digestives, problèmes dentaires, migraines invalidantes… Sa vitalité, sa joie de vivre donnent le change, mais elle est obligée de se reposer régulièrement. Après, Madeleine repart de plus belle ! Travailleuse acharnée, elle use sa vie.



Le mardi 13 octobre 1964, vers 17 h 20, on la retrouve morte entre son lit et sa table de travail. Quelques jours plus tôt, non sans humour, elle parlait de partir se « recycler ». Son agenda jusque-là rempli de noms et de choses à faire, était mystérieusement vide les autres jours de la semaine.



*Lettre à Joanna Munk, 5 novembre 1962.




Vidéo : Madeleine Delbrêl, une spiritualité pour aujourd’hui (diocèse de Séez)




Texte  : Patience


 La patience se rattache à la passion.
C’est ce dont nous avons besoin pour souffrir.
Les souffrances sensationnelles sont rares mais le Seigneur n’est pas chiche de croix de petit format pour lesquelles il est besoin de patience.
Et cette patience n’a de valeur que si elle nous enfonce dans le Christ et nous le fait imiter.
Songeons à la patience de Jésus avec ses apôtres… aux patiences de sa passion, une grande douleur, un écrasement de ce genre on le voit comme un bloc mais il est fait en réalité des petits fils comme une trame que Jésus laisse rompre en lui, douloureusement.
Il y a la patience du Seigneur dans l’Eucharistie.
Cette patience de rester là sans qu’il se passe rien, de venir en nous sans changement en nous, ou si microscopiques.
Cette patience de Dieu pour le monde, cette patience inflexible en face des pécheurs, des masses infidèles…
Toutes les fois qu’on fait le plus petit acte de patience c’est à cela qu’on communie. On entre en communion avec la patience même du Christ et les actes peu brillants, peu héroïques, nous branchent sur ce que Jésus souffre et sur son métier de Sauveur. 




L’éblouie de Dieu. Les plus beaux textes de Madeleine Delbrêl, Nouvelle Cité, septembre 2019, p. 78





Écouter



Ils sont heureux, extrait de Béatitudes, texte de Mannick, musique et chant de Pierre Lebrun, ADF Musique.




Pour aller plus loin :



- Joie et souffrance chez Madeleine Delbrêl. Sauver le monde, c’est lui donner le sens de sa peine - par Bernard Pitaud et Gilles François - 128 pages, Nouvelle Cité, mars 2020.
- Prier 15 jours avec Madeleine Delbrêl par Bernard Pitaud, Nouvelle Cité, 2009, 128 p.
- Madeleine Delbrêl Poète, assistante sociale et mystique, par Gilles François et Bernard Pitaud, Nouvelle Cité, 2019, 320 p.





Florence Chatel avec le Père Bernard Pitaud, prêtre de la Compagnie de Saint-Sulpice, auteur de nombreux écrits sur Madeleine Delbrêl.
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Message par Véronique1 Mar 17 Mar - 10:26

Madeleine Delbrêl : « Le Christ et l’Église, c’est tout un ! »



Déclarée « vénérable » le 26 janvier 2018 par le pape François, Madeleine Delbrêl a profondément aimé l’Église, même au plus fort de la crise des prêtres-ouvriers...


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Vers la fin de l’année 1943, Madeleine Delbrêl rencontre pour la première fois Jacques Loew, premier prêtre à travailler en milieu ouvrier comme docker à Marseille. Une grande amitié va dès lors lier l’assistante sociale et celui qu’elle appelle « le Prêtre-Frère ». Madeleine est favorable à l’expérience des prêtres-ouvriers, mais elle sait que l’affrontement au monde marxiste demande beaucoup de lucidité, et de garder vivant en soi les raisons de sa présence, témoigner de l’Évangile. Tout en percevant l’authenticité de leur désir apostolique, elle est consciente des dérives possibles : les prêtres-ouvriers sont très sollicités par les syndicats, en particulier par la CGT proche du parti communiste. Quand la crise entre les prêtres-ouvriers et Rome éclate en 1952, aucun prêtre n’a adhéré au parti, mais beaucoup sont syndiqués. Madeleine a alors l’intuition d’aller prier pour l’unité sur le tombeau de saint Pierre, au cœur de l’Église. Mais comment financer un tel voyage ? Une personne hébergée rue Raspail a laissé en remerciement un billet de tombola gagnant : c’est la somme exacte nécessaire au voyage ! Madeleine part pour un séjour éclair. Elle désire que la grâce d’apostolat donnée à la France soit maintenue dans l’unité, « reconnue, fortifiée par l’Église ».



Pendant ces années d’extrême tension, crucifiée intérieurement, elle n’a de cesse de rester fidèle à l’Église tout en soutenant les prêtres-ouvriers. Aux évêques, à Mgr Veuillot qu’elle rencontre à la Secrétairerie d’État lors d’un second séjour à Rome au plus fort de la crise, elle affirme que les prêtres ne sont pas assez formés et soutenus dans leur action. Parallèlement, elle invite les prêtres à obéir à l’Église car leur désir apostolique en sortira purifié. Madeleine aime profondément l’Église, d’un amour qui n’est ni « un angélisme » ni « un caporalisme ». Elle a créé l’expression de Christ-Église. Pour elle, le Christ, « Jésus de maintenant », n’est pas séparable de son corps. Par conséquent, les prêtres-ouvriers ne peuvent annoncer le Christ seuls. C’est l’Église qui les a envoyés, c’est Elle qui leur demande d’arrêter quand Pie XII met fin à leur mission en 1954.*



Entre 1956 et 1958, une autre crise attend Madeleine, celle de la question du statut des équipes. Doivent-elles se rapprocher de l’institut séculier  Caritas Christi  ou rester un groupe de laïques sans vœux et sans caractère officiel ? Elles se placent sous la conduite de Mgr Veuillot. Un jour où celui-ci demande à Madeleine ce qu’elle en pense, troublée, elle éclate en sanglots. Quelques jours plus tard, elle lui adresse ces mots : « J’aurais voulu appartenir uniquement seulement totalement à Jésus-Christ. » En mars 1958, Madeleine et ses compagnes décident de rester fidèles à leur intuition première et de garder leur autonomie. Dans la foulée, l’Église reconnaît officiellement leur groupe. On est à Pâques. Madeleine accueille cette nouvelle comme une véritable fête de la Résurrection.



Plus récemment, en la déclarant « vénérable » le 26 janvier 2018, le pape François a reconnu la portée prophétique de la vie de Madeleine Delbrêl. Sa cause de béatification est désormais en bonne voie !



* Mgr Veuillot obtiendra du pape Paul VI le retour au travail des prêtres-ouvriers en 1965.



Vidéo  : La foi prise au mot (KTO) consacrée à Madeleine Delbrêl









Texte  : Le Christ-Église



Même quand nous vivons d’une vie très unie à Jésus, il faut, je crois, nous demander si nous ne faisons pas de lui et de son amour quelque chose d’encore un peu «historique», si nous ne le voyons pas surtout comme il a été, et non comme Il est, dans l’Église.

Avons-nous compris, comme Jeanne d’Arc, que “le Christ et l’Église, c’est tout un“ ?

Nous avons quelquefois vis-à-vis de l’Église, l’attitude de quelqu’un qui veut un certificat de bonne conduite. L’Église ne conduit pas, elle est et nous sommes en elle. Elle est le Corps du Christ et nous sommes membres de ce Corps. Notre dépendance, notre dévouement vis-à-vis d’elle, s’ils exigent des actes extérieurs, des signes, sont avant tout une dépendance et un dévouement interne, vital. Notre dépendance vis-à-vis de ce Corps qu’elle est, est considérable.

Mais notre initiative, notre responsabilité, notre fonction sont, elles aussi, considérables. Nous y sommes providentiellement irremplaçables. Nos soumissions et nos initiatives y sont à égalité obéissance, comme pour les cellules d’un corps qui seraient à la fois intelligentes et aimantes. Une seule cellule peut infecter tout l’organisme ; une seule cellule peut laisser passer l’aiguille qui le sauve. 



Nous autres gens des rues, p. 146.
Prier 15 jours avec Madeleine Delbrêl, Nouvelle Cité, juillet 2009, p. 69-70.



Écouter




À cause de toi, extrait de Béatitudes, paroles de Mannick, musique et chant de Pierre Lebrun, ADF Musique.









Pour aller plus loin :

- Prier 15 jours avec Madeleine Delbrêl par Bernard Pitaud, Nouvelle Cité, 2009, 128 p.
- Madeleine Delbrêl Poète, assistante sociale et mystique, par Gilles François et Bernard Pitaud, Nouvelle Cité, 2019, 320 p.

Florence Chatel avec le Père Bernard Pitaud, prêtre de la Compagnie de Saint-Sulpice, auteur de nombreux écrits sur Madeleine Delbrêl.
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Message par Véronique1 Mer 18 Mar - 10:02

L’abbé Pierre  : « Castor méditatif »


Au cours de son enfance, le jeune Henri Grouès rencontre Dieu, saint François, et les pauvres. Chez les scouts, on le totémise « Castor méditatif ». Dès l’enfance s’annonce ainsi l’homme d’action, le bâtisseur que l’on connaît bien, mais aussi l’homme de la réflexion et de la prière...



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Henri Grouès, dit « Castor méditatif », en tenue de scout. :copyright: Fondation Abbé Pierre


Henri Grouès naît à Lyon le 5 août 1912. Cinquième enfant d’une famille de huit, il grandit dans un milieu bourgeois, très croyant et pratiquant. Administrateur de sociétés, gagnant bien sa vie, son père a le souci des déshérités. Il est engagé dans deux associations d’aide à l’enfance et d’adoption, ainsi qu’auprès des « Hospitaliers veilleurs » qui, chaque dimanche, accueillent mendiants et clochards, leur coupent les cheveux et leur servent un repas. À l’âge de 11 ans, Henri, un dimanche matin, y accompagne son père. La même année, marqué par un livre trouvé au Musée de la propagation de la foi, le garçon prend la décision d’être missionnaire… Chez les scouts, on lui a donné le nom de « Castor méditatif » : le bâtisseur et le contemplatif.


Mais vers l’âge de 14 ans, Henri traverse une grave crise de la foi. Il vient de réaliser que s’il était né dans un autre pays, dans un autre milieu social, dans une autre culture, il serait athée, hindou, bouddhiste ou musulman… Comment être certain, alors, qu’il est sur la bonne voie ? Il vient de lire, aussi, le Discours de la méthode de Descartes, et fait brutalement « table rase » de ses croyances et de ses convictions. « Je me retrouvai à zéro en ce qui concerne le sens de la vie » (1), dira-t-il de cette période. Le jeune Henri doit tout reprendre pour devenir chrétien par choix, librement, et non par héritage. Il y parviendra, moins par le travail de la raison que grâce à deux événements déterminants.


Au cours d’un pèlerinage à Rome organisé par le collège des jésuites qu’il fréquente, faisant halte à Assise, Henri fait la rencontre saisissante de saint François. Peu de temps après, au hasard d’une lecture, il est ébloui, comme choqué, par la réponse que Dieu fait à Moïse qui lui demande son identité devant le buisson ardent : « Je suis ». « Voici que, pour ainsi dire, par les deux mains, par les deux bouts, je me trouvai pris entre ces témoignages de saint François et de Moïse » (2), dira-t-il. Relisant l’Évangile avec François pour guide, il réalise que Dieu, l’Éternel, l’Être en plénitude, l’Amour, est par nature nécessiteux et pauvre, et qu’il a besoin de se faire connaître et d’être aimé. Aussi, lorsqu’il décidera de rejoindre la famille franciscaine, à l’âge de 19 ans, c’est vers les capucins qu’il se tournera, pour leur vie austère, contemplative, proche des milieux populaires et des pauvres…



(1) et (2) : Emmaüs ou venger l’homme, Bernard Chevallier interroge l’Abbé Pierre (Livre de Poche).







Vidéo  : Naissance d’une vocation (France 3)







Texte  : « Le microscope ne saisit pas l’Éternel »



N’oublions pas l’Éternel. La science est certes merveilleuse. Mais elle n’a pas réponse à tout. Dans son expérience intérieure, la personne humaine peut rencontrer la présence de l’Éternel. Dans son livre, Le Hasard et la nécessité, Jacques Monod nous éclairait sur « le comment » de toute chose. Mais après ? Ou plutôt avant ? Je veux dire : sur « l’Être » de ce tout, le livre est aveugle ! Peut-on vraiment saisir l’Éternel à force de grossir la petitesse des atomes, comme les astronautes enfantins riant de ne pas l’avoir vu dans la démesure de l’espace ?

À vouloir écouter la musique avec les yeux ou respirer les couleurs ou entendre les parfums, on peut sincèrement enseigner que n’existent ni musique, ni couleur, ni parfum. Mais on se trompe ! Le microscope ne saisit pas l’Éternel ! Ni rien ne le saisit… Mais celui qui dit « non » à l’injustice… mais celui qui va, par « vrai amour », à rebours de tout profit pour que soit servi en premier le plus petit… dans la saveur inexprimable qui jaillit en lui, il sait bien que l’Éternel insaisissable le saisit et, minuscule étincelle de liberté, juste assez pour être capable d’aimer, il sait bien que, dans ce commencement d’amour, il est aimé par l’Aimable infini, dont tout en lui était autant signe, en creux, qu’impatientes faim et soif.

Paru dans La Croix, 27 décembre 2003




Écouter  :




François, le petit frère, extrait de Va ! par la Jeunesse franciscaine de Bitche, ADF Musique.










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Message par Véronique1 Jeu 19 Mar - 10:09

L’abbé Pierre  : grandeurs et misères de la vie monastique


Pendant sept ans, le jeune Henri expérimente la vie monacale. Cloîtré, sans véritable formation intellectuelle, il mène une vie rude, austère, que sa santé peine à supporter. Mais il y découvre le pouvoir de l’adoration...


carême 2020 et quelques figures spirituelles du XXème Siècle Henri-Groues-futur-Pierre-jeune-homme_0_730_1054  


C’est décidé. À 19 ans, Henri Grouès entre chez les capucins, un ordre de la famille franciscaine. Le voici au noviciat, crâne rasé, sandales et robe de bure. Une vie cloîtrée, de pauvreté matérielle, à dormir dans le froid tout habillé sur une planche de bois. Une vie peu nourrie intellectuellement, consacrée à la prière et à l’adoration qui occupent six heures de la journée (et de la nuit)… À l’époque, dans la province de Lyon, les capucins sont peu nombreux, et Henri est le seul novice. Il a pour compagnon frère Firmin, avec qui il doit vivre « coude à coude », un moine plus âgé que lui, issu d’un milieu ouvrier. Il a connu, lui, la pauvreté, celle que l’on subit et non celle que l’on choisit. Henri, frère Philippe de son nom de religieux, a une vision encore très idéaliste, romantique comme il l’avouera plus tard, de la pauvreté, et le « gosse de riche » exaspère vite son compagnon. L’année de noviciat, donc, est difficile. Pourtant, il en restera toute sa vie marqué par les temps d’adoration qu’il y a connus. À la fin de l’année, il écrit sur un ex-voto qu’il laissera au noviciat : « O Ens, etiam esto » (Ô Toi qui es, sois), ce qu’il commente ainsi : « l’expression vraie de ce que j’avais vécu » (1).



Après le noviciat, frère Philippe rejoint le couvent des études, à Crest, dans la Drôme, et frère Firmin qui l’y a précédé. Mais ses professeurs ne sont pas de grands théologiens, et l’accès à la bibliothèque est interdit. On rabâche toute l’année un seul livre de méditations sur la Passion. Frère Philippe vit dans cette pauvreté intellectuelle pendant sept ans, et en souffre. Mais il en retire une richesse spirituelle qui le nourrira toute sa vie. Surtout, il aura compris que ce qui l’avait porté au choix d’une pauvreté matérielle si radicale n’était, outre le romantisme naïf du « gosse de riche », qu’une forme d’orgueil dont, au bout de sept ans, il a fini par se débarrasser.



Car, à l’instar de frère Firmin, son corps, lui aussi, proteste. De constitution fragile, frère Philippe a du mal à supporter les rigueurs de la vie capucine. Les jeûnes et les levers nocturnes lui minent la santé. Il passe son temps à l’infirmerie. Son supérieur lui-même lui suggérera, après son ordination en 1938, de renoncer à la vie cloîtrée pour devenir prêtre séculier. Le médecin ayant recommandé l’air de la montagne, c’est le diocèse de Grenoble qui accueille l’ex-frère Philippe en avril 1939. Mais cinq mois plus tard, la guerre est déclarée. De nouveaux combats s’annoncent.



(1) Abbé Pierre, Bernard Kouchner, Dieu et les hommes, Robert Laffont



Vidéo  : L’Abbé Pierre se raconte (Plans-Fixes)




Un entretien de 45 mn réalisé à Carouge-Genève en 1979.



Texte  : « Tout ma vie s’explique par l’adoration »


Ma vie est incompréhensible, hors de toute raison, de toute logique, si on ne la revoit pas continuellement dans son germe, dans sa racine, imprégnée de ce creux que l’adoration a mis en moi.

Au couvent, j’ai vécu sept ans avec l’adoration toute les nuits. Nous veillions de minuit à deux heures du matin. La première heure, nous dialoguions des psaumes, mais la deuxième heure se passait dans l’obscurité, sans lumière autre que la petite lampe rouge du saint sacrement, sans pouvoir s’aider d’une lecture, en adoration pure et nue. J’ai vécu sept ans ainsi, avec un volume intellectuel minuscule. Les études étaient très, très peu développées, j’en souffrais. Mais j’étais en adoration toutes les nuits d’une heure à deux heures du matin. Ma vie, telle qu’elle est, s’explique par cela.

Que de fois plus tard on m’a demandé : « Comment arrives-tu à tenir, à continuer ? » Cela tient du miracle si on ignore qu’il y a eu cette absurde préparation. Car c’était absurde de prétendre donner comme préparation à une vie qui allait vagabonder autour de la terre entière, l’immobilité de l’adoration toutes les nuits, au lieu de l’étude du droit, de l’histoire, de la réalité politique et sociale.

(…) L’adoration, c’est l’éblouissement supportable. D’avoir vécu dans cet éblouissement, cela a mis en moi ce creux qui explique ma vie tout entière C’est ce qui m’est resté de ces années, de ces nuits d’adoration, ce creux. Quand on a goûté de cela, on ne peut plus s’en passer. Le pli que j’ai reçu est ineffaçable. Même dans l’action qui semblerait lui être la plus étrangère, j’ai toujours vécu l’adoration. Et je ne peux vivre la prière que sous cette forme.

Abbé Pierre, Bernard Kouchner, Dieu et les hommes, Robert Laffont

Écouter  :


Écoute, ô mon âme, extrait de Par la confiance et l’amour, de la Jeunesse franciscaine de Bitche, ADF Musique.


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Message par Véronique1 Ven 20 Mar - 10:14

L’abbé Pierre  : prêtre, résistant, hors-la-loi


Pendant l’occupation, pour aider le maquis du Vercors, « l’abbé Pierre », l’un de ses noms de résistant, mène une vie clandestine fort agitée  : il devient faussaire, fait passer en Suisse des juifs et des résistants, est arrêté, s’évade... Rien ne lui fait peur !


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L’abbé Pierre en 1955. :copyright: Wim van Rossem / Anefo/Nationaal Archief


1er septembre 1939. Depuis cinq mois, le P. Henri Grouès est prêtre du diocèse de Grenoble. Sous-officier, il est mobilisé et part pour l’Alsace. Mais la maladie, une méchante pleurésie, le ramène à l’hôpital. À la débâcle de 1940, il est à peine convalescent. L’évêque de Grenoble l’envoie en montagne comme aumônier d’hôpital. Quelque temps plus tard, de retour à Grenoble, il est nommé vicaire à la cathédrale.


Une nuit de l’été 1942, deux hommes éplorés frappent à sa porte. En leur absence, la police vient d’arrêter et d’emmener leurs femmes et leurs enfants. Avertis par leurs voisins, les deux hommes sont en fuite. Pour cacher ces deux Juifs, le P. Grouès s’adresse aux religieuses des Dames de Sion. Après tout, les relations avec le judaïsme sont leur vocation. Mais voilà, ces dames ont déjà beaucoup trop de monde. Que faire ? Pendant que la vieille supérieure lui trouve de quoi fabriquer des faux papiers, une jeune religieuse lui apprend à imiter la signature du commissaire de police. En échange, il fera passer en Suisse, avec ses deux Juifs, quelques-uns de leurs protégés. C’est ainsi que, début août, le P. Grouès passe la frontière avec douze fugitifs. Ce ne sera que le premier de nombreux autres voyages. Il fait passer en Suisse des Juifs, des réfractaires du STO, et même Jacques de Gaulle, le frère du général, gravement handicapé.


En 1943, un de ses anciens amis scouts de Lyon lui demande son aide pour installer un camp de clandestins, réfractaires au STO. Ce sera l’un des tout premiers maquis qui vont s’organiser dans le Vercors, à Malleval notamment. Grouès fait la liaison entre les groupes, apaise les conflits inévitables entre des hommes qui diffèrent radicalement par leurs origines, leur milieux sociaux, leurs opinions politiques. Il encourage et ravitaille, se prétendant malade à Grenoble pour pouvoir s’échapper trois jours en montagne, avec la complicité de son curé. C’est à cette époque que le P. de Lubac, qui fut son directeur spirituel, le met en contact avec une certaine Lucie Coutaz, qui renseigne la résistance tout en travaillant pour un partisan du régime de Vichy. Elle restera son assistante jusqu’à la fin de sa vie.


Hélas, fin 1943, il est dénoncé. Commence une vie de cache-cache qui va durer des mois. Le maquis de Malleval est découvert et anéanti par les Allemands fin janvier 1944. Ceux-ci traquent sans relâche les résistants, et parmi eux celui qu’ils connaissent désormais sous le nom de « l’abbé Pierre ». Nombre de ses amis sont arrêtés et torturés. Il accepte pourtant de faire passer des fuyards en Espagne. C’est au cours d’une de ces missions qu’il est arrêté. Mais il s’évade et gagne l’ambassade de la France libre à Madrid. De là, il s’envole clandestinement dans un avion américain vers Alger, et rejoint le général de Gaulle. À la libération, l’abbé Pierre est l’aumônier du Jean Bart, un cuirassé de la Marine en poste à Casablanca. Une autre guerre va bientôt commencer.



Document  : Jacques Chancel reçoit l’abbé Pierre (Radio France)





Texte  : Nécessité de l’indiscipline



Le général de Gaulle a dit un jour que l’histoire était faite de longues périodes de discipline et de rares indisciplines illustres. Il faut savoir choisir le temps et le sujet de l’indiscipline. (…) Pour venir en aide à un humain sans toit, sans pain, sans soins, il faut savoir braver les lois.

Il ne s’agit pas d’être inconscient ou léger, en général on doit respecter la loi. Mais toute loi est imparfaite et le législateur lui-même consacre son énergie à l’améliorer : la preuve qu’elle n’est pas intouchable. (…)

J’aimerais définir cette idée d’illégalité, c’est-à-dire le caractère sacré de la légalité et sa relativité. Dans toute société, il y a des manières d’être qui deviennent des règles, des lois. Mais telle loi, totalement justifiée quand elle est adoptée, peut – sous le coup d’événements imprévisibles – devenir radicalement illégale. Du moins en regard de ce que j’appelle la Loi des lois. À ce moment-là, on se soumet ou on se révolte. (…)

Personne ne pouvait à l’avance imaginer l’occupation allemande de 1940-1944. Mais avec la présence de l’armée hitlérienne, la personne du vieux Maréchal a tiré notre système légal du côté d’un faux ordre intolérable. Voilà pourquoi nous devions changer complètement le regard que nous portions sur la loi. L’illégal devenait légitime.

Abbé Pierre, Bernard Kouchner, Dieu et les hommes, Robert Laffont


Écouter




C’est le cœur qui fait vivre l’homme, extrait de Va !, par la Jeunesse franciscaine de Bitche, ADF Musique.




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Message par Véronique1 Sam 21 Mar - 11:09

L’abbé Pierre, de l’Assemblée nationale à Emmaüs


À la fin de la guerre, l’abbé Pierre est sollicité pour se présenter comme député. Élu, il se démènera pendant cinq ans pour les plus démunis. Parallèlement, il achète une maison qu’il retape pour en faire une auberge de jeunesse. Mais peu à peu, ce sont les pauvres et non plus les jeunes qui viendront frapper à sa porte...


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L’abbé Pierre aux côtés des familles à la rue. D. R.



La guerre vient de finir. La France est dévastée. On manque de tout, les prix s’envolent, un tiers des Français sont mal logés ou à la rue. L’abbé Pierre fait partie des rares qui s’en soucient. Pour être la voix des miséreux, il accepte de se présenter aux élections à l’assemblée constituante d’octobre 1945, au nom du tout nouveau Mouvement républicain populaire (MRP), issu de la résistance chrétienne. Parachuté par le parti en Meurthe-et-Moselle, il se lance dans le combat, parle de justice, de vraies priorités, d’humanité. Lui qui vient de voter pour la première fois de sa vie, le soir du 21 octobre, à 34 ans, le voilà député ! Il va le rester cinq ans. À sa permanence de Nancy, il reçoit tous ceux qui viennent demander de l’aide. À Paris, il se démène, rencontre ministres et journalistes, soutient des projets, propose des lois, plaide pour les pauvres. « “Servir premiers les plus souffrants”, c’était ma seule intelligence politique » (1), dira-t-il plus tard.



En 1949, on le chasse de son appartement parisien. Il faut dire que les voisins n’en peuvent plus d’entendre l’abbé fabriquer en pleine nuit ses meubles « Louis caisse » à grands coups de marteau. Il se met donc en quête d’un nouveau logement, accompagné de sa secrétaire, Lucie Coutaz. Et trouve à Neuilly-Plaisance une vieille et grande maison délabrée, sur un terrain de 5 000 m². Il l’achète, il la retape, il en fait une auberge internationale de jeunesse qu’il baptise « Emmaüs ». Il est alors président de l’exécutif du Mouvement fédéraliste mondial, ce qui l’amène à rencontrer de nombreux jeunes de tous pays, qui viendront passer leurs vacances et se retrouver à Neuilly-Plaisance. L’abbé Pierre a senti que ces jeunes de 20 ans sont perdus. Ces Français, Italiens, Anglais, Allemands ont vu leurs aînés s’entretuer. Après la guerre, dans des pays dévastés, on découvre les camps de concentration et l’horreur de la bombe atomique. Les jeunes sont en pleine désillusion. Tout comme les disciples d’Emmaüs après la mort du Christ. Alors qu’ils sont en fuite, Jésus ressuscité les rejoint et leur explique que pour le salut des hommes, il fallait qu’il meure sur la croix. Il leur ouvre les yeux. L’abbé, lui, explique à ces jeunes que le chemin de la vie, c’est la « désillusion enthousiaste », qu’il faut ouvrir les yeux pour que vienne l’enthousiasme, et que « l’enthousiasme », en grec, c'est faire un en Dieu… (2)



Un jour, alors que la maison est pleine, une famille frappe à la porte. Elle vient d’être expulsée. Pour lui faire de la place, l’abbé Pierre monte au grenier sa chapelle et le saint-sacrement. À ceux que cela scandalise, il rétorque : « Ce n’est pas dans l’hostie consacrée que Dieu a froid, c’est dans les mains et les pieds de cette mère et de ses enfants. » Emmaüs vient de se trouver une nouvelle vocation…


1 et 2. Cf. Interview du 5 décembre 1979 à Carrouge-Genève. https://www.youtube.com/watch?v=LFcYou1nnmU


Film  : Les chiffonniers d’Emmaüs (Les Films de l’Abeille-Cocinor-Nordia Films)





Un film de Robert Darène (1955) avec André Reybaz, Pierre Mondy, Gaby Morlay, Madeleine Robinson ...



Texte  : l’amour, c’est le destin des êtres libres



Quand on me pose la question : « Pourquoi venons-nous sur terre ? », je réponds simplement : « Pour apprendre à aimer ! » L’existence de tout le cosmos, dans son incalculable immensité, n’a de sens que parce que, quelque part, il y a des êtres dotés de liberté. L’homme, ce moustique infime, sur une planète minuscule, peut être écrasé par l’univers, mais il est plus grand que l’univers, comme dit Pascal, parce que non seulement il sait qu’il meurt, mais il sait qu’il peut mourir en aimant. Pour que l’Amour soit possible, il ne suffit pas qu’il y ait des montagnes, la mer, des glaciers et des étoiles, il faut qu’il y ait de l’être libre. Et cet être libre sait qu’il a une destinée : « Tu aimeras. » Nous sommes destinés à rencontrer l’Amour dont la faim se fait sentir en creux au-dedans de nous.


La liberté des hommes souvent s’égare. Pourtant, elle ne peut pas être effacée. Même s’il est vrai qu’elle est un peu effrayante, cette liberté ! Heureusement, il y a ce que nous appelons la grâce. Je prends souvent l’image du bateau, notre liberté consistant à tirer sur l’écoute pour tendre la voile… Ça ne suffit pas pour faire avancer le bateau : il faut que le vent souffle. Mais si le vent souffle alors que la voile n’est pas tendue, le bateau n’avancera pas non plus. C’est là que se joue la nécessaire complicité entre notre liberté et la liberté infinie de Dieu.



Extrait de Testament, Bayard Éditions.



Écouter  :



Le chant des marteaux, extrait de Par la confiance et l’amour, par la Jeunesse franciscaine de Bitche, ADF Musique.

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