Posséder … sans être possédé !
En tant que chrétiens, nous sommes appelés à user des biens terrestres mais aussi, et surtout, à désirer les biens éternels: deux devoirs qui ne font pas toujours bon ménage car l’utilisation des biens terrestres risque souvent de nous préoccuper au point de nous faire oublier l’essentiel. Évidemment, le dilemme serait facilement résolu par l’entrée dans la vie religieuse mais … tous n’y sont pas appelés. Le problème n’est pas d’hier; voici donc quelques conseils judicieux provenant d’un ancien moine devenu évêque de Rome en 590:
« Si vous ne pouvez pas abandonner entièrement le monde, retenez les biens de ce monde, mais de telle façon qu’ils ne vous retiennent pas dans le monde. Possédez, mais ne vous laissez pas posséder. Il faut que votre esprit domine ce que vous avez; autrement, si votre esprit est vaincu par l’amour des biens terrestres, c’est plutôt lui, votre esprit, qui sera possédé par les biens qui lui appartiennent. (…)
Il faut extirper radicalement les vices, non seulement en éliminant leur pratique, mais encore en les arrachant de votre esprit. Ni les jouissances de la chair, ni la démangeaison de la curiosité, ni la fièvre de l’ambition ne doivent nous écarter de la Cène du Seigneur; mais les activités honnêtes elles-mêmes que nous menons dans le monde ne doivent toucher notre esprit qu’à la dérobée, afin que les activités terrestres qui nous plaisent rendent service à notre corps sans créer aucun obstacle à notre cœur.
Donc, je n’ose pas vous dire de tout abandonner; mais si vous le voulez, vous abandonnerez toutes choses même en les gardant, si vous vous conduisez dans le temps en aspirant de tout votre esprit à l’éternité. On use du monde, mais comme n’en usant pas, si l’on réduit tous les biens extérieurs à servir notre vie sans leur permettre de dominer l’esprit; dans cette subordination, ils sont utiles au-dehors sans jamais briser l’élan de l’âme qui se porte vers les hauteurs. Ceux qui agissent ainsi ont tous les biens du monde à leur disposition pour en user, non pour les désirer. (…) Pour nous comporter ainsi, nous avons un médiateur entre Dieu et l’homme, un protecteur, par qui nous obtiendrons bientôt toute chose, si nous l’aimons d’un amour sincère. lui qui vit et règne, avec le Père et le Saint Esprit, car il est Dieu, pour les siècles des siècles. Amen. » ( Homélie de saint Grégoire le Grand sur l’évangile, PL 1272- 1274 )
Source : Carnet d'un ermite urbain | Partager mon désir de Dieu