5 avril 2017
La résurrection de la fille de Jaïre
Cette phrase de Jésus à Marthe, est un peu déconcertante. Elle l’est surtout selon moi, parce que Jésus s’adapte au langage de Marthe de la même façon qu’Il s’est adapté au langage des disciples quelques versets plus haut. Il prend le verbe mourir dans le sens où Marthe l’entend, mais il fait passer ce verbe à un autre niveau qui correspond à la façon dont Lui voit la réalité.
Père Guy Simard - Oblat de la Vierge Marie
Site web : Dieu ma joie
La résurrection de la fille de Jaïre
Je ne suis pas un théologien. Ce blogue vient d’intuitions qui sont les miennes. Je pense qu’il est intéressant de se demander ce qu’est la mort pour Jésus.
Ce que nous appelons la mort, est-ce que c’est aussi ce que Jésus appelle la mort? Il semble bien que non. Il semble plutôt que Jésus ait une idée de la mort qui soit différente de la nôtre.
L’évangile de dimanche dernier est très intéressant à ce propos. L’évangile du cinquième dimanche de l’année A, nous présente l’épisode de la résurrection de Lazare, le bon ami de Jésus.
01 Il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur.
02 Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade.
03 Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »
04 En apprenant cela, Jésus dit: « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. …
11 Après ces paroles, il ajouta: « Lazare, notre ami, s’est endormi; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. »
12 Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. »
13 Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil.
14 Alors il leur dit ouvertement: « Lazare est mort,
15 et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui! » (Jn 11, 1-4; 11-15)
Ce texte de l’évangile selon saint Jean est très intéressant. Il semble évident que Jésus ne veut pas employer le mot « mort » pour décrire la fin de la vie humaine sur la terre. Il emploie délibérément le mot « sommeil ». Et quand Il se rend compte que les disciples se méprennent sur le mot « sommeil » tel qu’Il l’entend, Il s’abaisse en quelque sorte à leur niveau et emploie leur façon de parler. C’est un peu comme s’il disait: « Pour que vous compreniez ce que je veux vous dire, je veux bien employer le mot que vous utilisez: le mot « mort »; mais je n’aime pas ce mot. Je préfère parler de dormition ou de sommeil.
Dans un autre épisode des évangiles, Jésus emploie le même langage avant de ressusciter la fille de Jaïre, un chef de la synagogue:
35 Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci: « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? »
36 Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. »
37 Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques.
38 Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris.
39 Il entre et leur dit: « Pourquoi cette agitation et ces pleurs? L’enfant n’est pas morte: elle dort. »
40 Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant.
41 Il saisit la main de l’enfant, et lui dit: « Talitha koum », ce qui signifie: « Jeune fille, je te le dis, lève-toi! »
42 Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur.
43 Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne; puis il leur dit de la faire manger. (Mc 5, 35-43)
Il semble bien que Jésus n’ait pas la même idée de la mort que nous. Je ne suis pas certain de comprendre son idée de la mort, mais voici les réflexions que les passages des évangiles que nous venons de voir, suscitent en moi.
Nous employons le mot mort pour parler de la mort d’une plante, de la mort d’un animal, et de la mort d’un être humain. Mais de fait, le mot mort ne désigne pas la même chose dans ces trois cas. La philosophie appelle « âme », le principe vital de tout être vivant. L’âme végétale et l’âme animale, sont essentiellement liées à la matière. Quand une plante meurt, son corps (vous comprenez ce que je veux dire) et son âme meurent. De même en est-il pour l’animal: quand l’animal meurt, le corps et l’âme de l'animal meurent. Seul l’être humain a une âme spirituelle et immortelle, à l’image de Dieu qui est spirituel et immortel. C’est en raison de cette différence fondamentale entre l’animal et l’être humain, que je suis en faveur de l’euthanasie pour les animaux qui sont malades ou dangereux, mais que je suis contre, absolument contre l’euthanasie pour les êtres humains.
Je pense que c’est en raison de la caractéristique propre de l’homme, que Jésus ne voulait pas employer le mot « mort » pour décrire la situation de Lazare et de la fille de Jaïre. Puisque l’être humain est à la fois corps et âme, et que seul l’élément corporel meurt, il n’est pas tout à fait exact de dire que l’être humain meurt. Une partie de l’être humain meurt; et une partie de l’être humain ne meurt pas. Dire que l’être humain meurt, c’est un peu court, c’est un peu escamoter la réalité. Je pense que c’est ce que Jésus a voulu faire comprendre quand Il a dit que « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » (Lc 20, 38). Cette phrase de Jésus est une réponse aux sadducéens qui niaient que les morts puissent ressusciter. La phrase de Jésus regarde donc la résurrection des corps, qui aura lieu à la fin du monde. Mais on peut aussi, selon moi, appliquer cette phrase aux personnes qui sont décédées et qui sont en présence de Dieu au ciel. Chacun de nous a sûrement de la parenté au ciel. Il est faux en un sens de dire que ces personnes sont mortes. Une partie de leur personne est morte (leur corps), mais une autre partie de leur personne (leur âme), est vivante.
D’ailleurs, il est vrai que la mort de l’être humain offre une certaine ressemblance avec le sommeil. Durant le sommeil, le corps semble inerte, mais l’esprit est très actif; la pensée est très active. Par les rêves que notre cerveau produit, nous pourrions tous nous considérer comme des champions de la science-fiction. Durant l’état de sommeil, le corps semble inerte, alors que l’esprit est très actif. De même en est-il pour ce que nous appelons communément la mort: le corps est inerte, mais l'esprit (ou l'âme) est plus vivant que jamais. J’admets que cette comparaison entre ce que nous appelons la mort et le sommeil, est un peu boiteuse, mais je vois très bien pourquoi Jésus a fait un lien évident entre le sommeil et ce que nous appelons la mort.
Il semble que Jésus n’employait quant à Lui le mot « mort », que pour désigner la personne qui se coupe de Dieu, la personne qui, volontairement brise le lien qui l’unit à Dieu, comme c’est le cas dans la parabole de Jésus où un père retrouve son fils cadet après que celui-ci ait mené une vie dissolue. L’ayant retrouvé, le père invite son fils aîné à se réjouir du retour de son frère en lui disant: « Mais nous devions faire une fête et nous réjouir, car ton frère que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et le voilà retrouvé! » (Lc 15, 32). La personne qui se coupe de Dieu meurt vraiment car son corps et son âme se trouvent coupés de la Source de Vie.
Jésus a dit à Marthe, la sœur de Lazare: « Celui qui croit en moi vivra, même s’il meurt; et celui qui vit et croit en moi, ne mourra jamais. Crois-tu cela? » (Jn 11, 25-26).
Cette phrase de Jésus à Marthe, est un peu déconcertante. Elle l’est surtout selon moi, parce que Jésus s’adapte au langage de Marthe de la même façon qu’Il s’est adapté au langage des disciples quelques versets plus haut. Il prend le verbe mourir dans le sens où Marthe l’entend, mais il fait passer ce verbe à un autre niveau qui correspond à la façon dont Lui voit la réalité.
Père Guy Simard - Oblat de la Vierge Marie
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