Source: http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Huan/lanuit.html
Gabriel Huan.
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(1) Dialogues. 2è partie, ch. 1.
(2) Oeuvres, Edit. Migne P. Lat. 196, 11140.
(3) Saint François de Sales, Traité de l'amour de Dieu, liv. XII, ch. 1.
(4) Saint Jean de la Croix, Nuit obscure, liv. II, ch. IL
(5) lbid., liv. II, ch. XII.
(6) Saint Jean de la Croix, Nuit obscure, liv. II, ch. XII.
(7) Premier Sermon pour le 5" Dimanche après la Trinité.
(8 ) Traité du Purgatoire, ch. XVII, cf Sainte-Thérèse. Vie. Ch. XX et Château Intérieur, VI" Dem, ch. XI.
(9) Vive Flamme, 1re str. Vers. 4.
(10) Nuit obscure, liv. II, ch. XII.
(11) Ibid., ch. VI.
(12) 2ème Sermon pour le 5ème Dimanche après la Trinité.
Source: http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Huan/lanuit.html
La nuit de l'esprit
Sanctifié, jusque dans sa chair par la pratique persévérante des trois conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, illuminé dans toutes les puissances de son âme par l'influx des grâces d'oraison, le chrétien est prêt désormais à subir la douloureuse opération que Dieu se propose d'accomplir en lui : la scission de l'âme et de l'esprit, avant de le hausser jusqu'à la participation à sa propre nature, dans la déification.
Déjà l'auteur de l'Épître aux Hébreux, avait noté que « la parole de Dieu est vivante et efficace, plus acérée qu'aucune épée à deux tranchants : elle pénètre jusqu'à la suture de l'âme et de l'esprit. » (IV, 12). Tous les mystiques ont éprouvé dans. la substance même de leur être intérieur .à un certain moment de leur vie surnaturelle, cette sorte de désagrégation profonde qui dépouille l'âme de toutes ses puissances et de leurs opérations et la laisse comme nue dans sa pure substance. « Après que cette créature, dit d'elle-même sainte Catherine de Gênes, eût été dépouillée du m,onde de la chair, des biens, des exercices, des affections et de toutes choses, Dieu seul excepté, le Seigneur voulut encore la dépouiller d'elle-même et séparer l'âme de l'esprit... Dieu lui versa donc dans le coeur un nouvel amour si véhément, qu'il tira à lui l'âme avec toutes ses puissances, de telle manière qu'elle était enlevée à. son être naturel. Dépouillé de la sorte, l'esprit demeure nu en Dieu et il y est retenu tant que cela plaît au Seigneur, lequel ne lui laisse que ce qui est nécessaire pour ranimer le corps... L'oeuvre est surnaturelle. » (1).
En quoi consiste cette scission de l'âme et de l'esprit qui prélude à la déification et dont l'épreuve est si douloureuse que tous les mystiques qui l'ont subie l'ont comparée aux souffrances du Purgatoire ? C'est proprement une opération par laquelle Dieu, tranchant dans le vif de l'âme, la sépare de toute, son activité, tant intérieure qu'extérieure, et la réduit à la seule nudité de sa substance. Richard de Saint-Victor y voit une sorte de « dissolution, non de l'âme et du corps, mais beaucoup plus admirable et plus sublime... dans cette division, l'âme et tout ce qui est animal reste en bas, l'esprit et tout ce qui est spirituel s'envole en haut. » (2). Plus l'âme progresse en effet dans les voies surnaturelles, plus elle s'éloigne d'elle-même, par un dépouillement progressif et toujours plus profond de ses puissances et de leurs opérations, jusqu'à ce qu'au terme de cette ascension elle émerge pour ainsi dire hors d'elle-même, toute recueillie et ramassée en « cette suprême pointe de l'esprit qui est au-dessus de tout le reste de l'âme et indépendante de toute complexion naturelle. » (3).
Comment sur ce sommet n'aurait-elle pas le vertige des cimes ? Les chemins qui naguère la menaient à travers le monde si divers et si attrayant de sa vie intérieure, toute illuminée des dons de la grâce, lui sont désormais fermés elle ne peut pas monter plus haut et elle ne peut redescendre. Dieu la tient ainsi comme suspendue entre le ciel et la terre ; et la nuit, une nuit plus obscure que celle qu'elle avait traversée au moment de sa conversion, l'enveloppe d'effrayantes ténèbres. C'est ici la suprême purification, « la purification passive de l'esprit, sans laquelle la pureté requise pour l'union divine fera défaut ». Réduite à la complète nudité de sa substance, transposée tout entière sur le plan de l'esprit, l'âme ne s'appartient plus et c'est dans une totale soumission à la volonté divine qu'elle va subir la « forte lessive » qui doit faire disparaître les taches du vieil homme qui demeure encore en elle et dont elle ne s'aperçoit pas (4).
Dieu, en effet, n'a séparé l'âme de l'esprit que pour atteindre la substance même de l'âme par delà ses puissances et leurs opérations ; et les ténèbres dans lesquelles il va la plonger, pour la purifier, « en attaquant l'intime essence de l'esprit, paraîtront des ténèbres substantielles ». (5). Ce n'est plus seulement l'entendement qui sera dans la nuit, la volonté dans la sécheresse, la mémoire dans l'oubli ; c'est la substance même de l'âme que Dieu veut aride et obscure. Il faut que l'âme, non plus selon ses opérations, mais selon son essence, soit plongée dans la douleur, dans l'amertume et dans l'angoisse. Il faut qu'elle n'ait plus ni sentiment ni goût pour les biens spirituels dont elle faisait naguère ses délices et où elle trouvait de si douces consolations il faut qu'elle renonce même aux dons sensibles de,la grâce qui la remplissaient d'une sainte ivresse et que, dans cette privation de tout ce qui faisait la beauté et le soutien de sa vie intérieure, elle laisse s'introduire en elle « cette forme spirituelle de l'esprit qu'est l'union d'amour » (6). Il s'agit bien ici d'une sorte de régénération de l'être qui ne peut s'accomplir que par une désassimilation préalable, où l'âme éprouve les angoisses de la mort et se sent proche de sa destruction, selon la parole du psalmiste : « j'ai été réduit à néant. » (Ps. 72, 22).
Tauler a fort bien décrit ces angoisses de la nuit de l'esprit : « alors, dit-il, se présente à l'homme un chemin bien désert, tout à fait sombre et solitaire. Sur ce chemin Dieu lui reprend tout ce qu'il lui avait donné. L'homme est alors si complètement abandonné à lui-même qu'il ne sait plus rien, absolument rien de Dieu. Il en arrive à une telle angoisse qu'il ne sait plus s'il a jamais été dans le droit chemin, s'il y a un Dieu pour lui oui s'il n'y en a pas, et si lui-même existe ou non ; et cela lui devient si singulièrement pénible que ce vaste monde lui paraît trop étroit. Il n'a plus aucun sentiment de son Dieu, il ne sait plus rien de Lui et, pourtant, tout le reste lui déplaît. C'est comme s'il se trouvait arrêté entre deux murs et qu'il y eût une épée derrière lui et une lance acérée devant lui. Que lui reste-t-il à faire ? Il ne Peut ni reculer ni avancer. Qu'il s'assied donc et qu'il dise : « O Dieu ! Je Vous salue, amère amertume, pleine de toutes grâces ». Aimer à l'excès et être privé du bien qu'on aime paraîtra une épreuve plus douloureuse que l'enfer, si l'enfer était possible sur terre... Plus la conscience et le sentiment de Dieu ont été profonds, plus grandes et plus insupportables sont l'amertume et la misère de ce dépouillement. » (7). L'âme avait tout quitté pour son Dieu ; et il lui semble maintenant qu'elle a perdu son Dieu.
Sainte Catherine de Gênes, sainte Thérèse, saint Jean de la Croix ont comparé aux souffrances des âmes dans le purgatoire, l'état de l'âme qui subit ici-bas les angoisses de la nuit de l'esprit. « Cette forme purgative que je vois dans les âmes du Purgatoire, dit sainte Catherine de Gênes, je la sens en mon âme , surtout depuis deux ans et chaque jour je la sens et la vois plus clairement. Mon âme demeure en ce corps comme dans un purgatoire, semblable et conforme au vrai Purgatoire, avec la mesure toutefois que le corps peut supporter sans en être détruit ; néanmoins, ce purgatoire augmentera peu à peu jusqu'à ce que le corps succombe. Mon esprit est devenu étranger à toutes les choses même spirituelles, qui pourraient le nourrir, telles que la joie, la délectation ou la consolation. Il n'a puissance de goûter autre chose, soit temporelle soit spirituelle, par volonté, par entendement ou par mémoire, de façon à ce que je puisse dire que l'une me plaît davantage que l'autre. Mon intérieur se trouve assiégé de telle sorte que tout ce qui procurait quelque rafraîchissement à la vie spirituelle ou corporelle lui a été successivement enlevé. Et par là même que ces choses lui ont été enlevées, il reconnaît qu'il pouvait s'en repaître et en jouir... quant à la partie extérieure de mon être, comme l'esprit ne lui correspond plus, elle éprouve de si violentes attaques qu'elle ne trouve rien sur la terre dont elle puisse se rafraîchir selon son instinct humain. »(8 ).
« Cette souffrance, dit à son tour saint Jean de la Croix, est comparable à celle du Purgatoire ; car, de même que dans l'autre vie les esprits sont purifiés pour être dignes de la claire vision de Dieu, de même ici-bas et à leur manière les âmes se purifient pour arriver à se transformer en Dieu par l'amour dans l'union » (9). Et ailleurs : « si, dans l'autre vie, il y a un feu ténébreux et matériel pour la purification des esprits, de même ici-bas l'âme expie et se purifie sous l'action d'un feu d'amour. ténébreux et spirituel: » (10). Mais il ajoute : « une heure de cette Souffrance au cours de la vie est bien plus efficace que plusieurs heures de purification après la mort » (11). N'est-ce pas là en effet, « le chemin le plus court et le plus direct, vers la divine et véritable naissance qui luit ici sans aucun intermédiaire » ? Car, continue Tauler, « il ne s'élève aucune angoisse dans l'homme que Dieu ne veuille ensuite préparer une nouvelle naissance en cet homme ; et sache que tout ce qui te prend, apaise et détend en toi l'angoisse ou l'oppression, c'est celle qui naît en toi et, quoi que ce soit, c'est la nouvelle naissance ; à toi de choisir si tu veux Dieu ou la créature. Et maintenant réfléchis. Si c'est une créature qui enlève ton angoisse, quel que soit son nom, elle te ravit pleinement la naissance de Dieu » (12). Dieu ne crucifie l'âme que pour la mûrir, la renouveler et la rendre divine, et la flamme dont il la brûle douloureusement pour la purifier est la flamme même de son amour. Il faut qu'elle passe par ce tombeau de mort obscure pour parvenir à la résurrection qui l'attend dans la lumière. C'est seulement lorsqu'on a découvert le Rien de soi-même qu'on peut trouver le Tout de Dieu ; parce que, alors, le Rien de soi-même sera devenu le Tout de Dieu.
Déjà l'auteur de l'Épître aux Hébreux, avait noté que « la parole de Dieu est vivante et efficace, plus acérée qu'aucune épée à deux tranchants : elle pénètre jusqu'à la suture de l'âme et de l'esprit. » (IV, 12). Tous les mystiques ont éprouvé dans. la substance même de leur être intérieur .à un certain moment de leur vie surnaturelle, cette sorte de désagrégation profonde qui dépouille l'âme de toutes ses puissances et de leurs opérations et la laisse comme nue dans sa pure substance. « Après que cette créature, dit d'elle-même sainte Catherine de Gênes, eût été dépouillée du m,onde de la chair, des biens, des exercices, des affections et de toutes choses, Dieu seul excepté, le Seigneur voulut encore la dépouiller d'elle-même et séparer l'âme de l'esprit... Dieu lui versa donc dans le coeur un nouvel amour si véhément, qu'il tira à lui l'âme avec toutes ses puissances, de telle manière qu'elle était enlevée à. son être naturel. Dépouillé de la sorte, l'esprit demeure nu en Dieu et il y est retenu tant que cela plaît au Seigneur, lequel ne lui laisse que ce qui est nécessaire pour ranimer le corps... L'oeuvre est surnaturelle. » (1).
En quoi consiste cette scission de l'âme et de l'esprit qui prélude à la déification et dont l'épreuve est si douloureuse que tous les mystiques qui l'ont subie l'ont comparée aux souffrances du Purgatoire ? C'est proprement une opération par laquelle Dieu, tranchant dans le vif de l'âme, la sépare de toute, son activité, tant intérieure qu'extérieure, et la réduit à la seule nudité de sa substance. Richard de Saint-Victor y voit une sorte de « dissolution, non de l'âme et du corps, mais beaucoup plus admirable et plus sublime... dans cette division, l'âme et tout ce qui est animal reste en bas, l'esprit et tout ce qui est spirituel s'envole en haut. » (2). Plus l'âme progresse en effet dans les voies surnaturelles, plus elle s'éloigne d'elle-même, par un dépouillement progressif et toujours plus profond de ses puissances et de leurs opérations, jusqu'à ce qu'au terme de cette ascension elle émerge pour ainsi dire hors d'elle-même, toute recueillie et ramassée en « cette suprême pointe de l'esprit qui est au-dessus de tout le reste de l'âme et indépendante de toute complexion naturelle. » (3).
Comment sur ce sommet n'aurait-elle pas le vertige des cimes ? Les chemins qui naguère la menaient à travers le monde si divers et si attrayant de sa vie intérieure, toute illuminée des dons de la grâce, lui sont désormais fermés elle ne peut pas monter plus haut et elle ne peut redescendre. Dieu la tient ainsi comme suspendue entre le ciel et la terre ; et la nuit, une nuit plus obscure que celle qu'elle avait traversée au moment de sa conversion, l'enveloppe d'effrayantes ténèbres. C'est ici la suprême purification, « la purification passive de l'esprit, sans laquelle la pureté requise pour l'union divine fera défaut ». Réduite à la complète nudité de sa substance, transposée tout entière sur le plan de l'esprit, l'âme ne s'appartient plus et c'est dans une totale soumission à la volonté divine qu'elle va subir la « forte lessive » qui doit faire disparaître les taches du vieil homme qui demeure encore en elle et dont elle ne s'aperçoit pas (4).
Dieu, en effet, n'a séparé l'âme de l'esprit que pour atteindre la substance même de l'âme par delà ses puissances et leurs opérations ; et les ténèbres dans lesquelles il va la plonger, pour la purifier, « en attaquant l'intime essence de l'esprit, paraîtront des ténèbres substantielles ». (5). Ce n'est plus seulement l'entendement qui sera dans la nuit, la volonté dans la sécheresse, la mémoire dans l'oubli ; c'est la substance même de l'âme que Dieu veut aride et obscure. Il faut que l'âme, non plus selon ses opérations, mais selon son essence, soit plongée dans la douleur, dans l'amertume et dans l'angoisse. Il faut qu'elle n'ait plus ni sentiment ni goût pour les biens spirituels dont elle faisait naguère ses délices et où elle trouvait de si douces consolations il faut qu'elle renonce même aux dons sensibles de,la grâce qui la remplissaient d'une sainte ivresse et que, dans cette privation de tout ce qui faisait la beauté et le soutien de sa vie intérieure, elle laisse s'introduire en elle « cette forme spirituelle de l'esprit qu'est l'union d'amour » (6). Il s'agit bien ici d'une sorte de régénération de l'être qui ne peut s'accomplir que par une désassimilation préalable, où l'âme éprouve les angoisses de la mort et se sent proche de sa destruction, selon la parole du psalmiste : « j'ai été réduit à néant. » (Ps. 72, 22).
Tauler a fort bien décrit ces angoisses de la nuit de l'esprit : « alors, dit-il, se présente à l'homme un chemin bien désert, tout à fait sombre et solitaire. Sur ce chemin Dieu lui reprend tout ce qu'il lui avait donné. L'homme est alors si complètement abandonné à lui-même qu'il ne sait plus rien, absolument rien de Dieu. Il en arrive à une telle angoisse qu'il ne sait plus s'il a jamais été dans le droit chemin, s'il y a un Dieu pour lui oui s'il n'y en a pas, et si lui-même existe ou non ; et cela lui devient si singulièrement pénible que ce vaste monde lui paraît trop étroit. Il n'a plus aucun sentiment de son Dieu, il ne sait plus rien de Lui et, pourtant, tout le reste lui déplaît. C'est comme s'il se trouvait arrêté entre deux murs et qu'il y eût une épée derrière lui et une lance acérée devant lui. Que lui reste-t-il à faire ? Il ne Peut ni reculer ni avancer. Qu'il s'assied donc et qu'il dise : « O Dieu ! Je Vous salue, amère amertume, pleine de toutes grâces ». Aimer à l'excès et être privé du bien qu'on aime paraîtra une épreuve plus douloureuse que l'enfer, si l'enfer était possible sur terre... Plus la conscience et le sentiment de Dieu ont été profonds, plus grandes et plus insupportables sont l'amertume et la misère de ce dépouillement. » (7). L'âme avait tout quitté pour son Dieu ; et il lui semble maintenant qu'elle a perdu son Dieu.
Sainte Catherine de Gênes, sainte Thérèse, saint Jean de la Croix ont comparé aux souffrances des âmes dans le purgatoire, l'état de l'âme qui subit ici-bas les angoisses de la nuit de l'esprit. « Cette forme purgative que je vois dans les âmes du Purgatoire, dit sainte Catherine de Gênes, je la sens en mon âme , surtout depuis deux ans et chaque jour je la sens et la vois plus clairement. Mon âme demeure en ce corps comme dans un purgatoire, semblable et conforme au vrai Purgatoire, avec la mesure toutefois que le corps peut supporter sans en être détruit ; néanmoins, ce purgatoire augmentera peu à peu jusqu'à ce que le corps succombe. Mon esprit est devenu étranger à toutes les choses même spirituelles, qui pourraient le nourrir, telles que la joie, la délectation ou la consolation. Il n'a puissance de goûter autre chose, soit temporelle soit spirituelle, par volonté, par entendement ou par mémoire, de façon à ce que je puisse dire que l'une me plaît davantage que l'autre. Mon intérieur se trouve assiégé de telle sorte que tout ce qui procurait quelque rafraîchissement à la vie spirituelle ou corporelle lui a été successivement enlevé. Et par là même que ces choses lui ont été enlevées, il reconnaît qu'il pouvait s'en repaître et en jouir... quant à la partie extérieure de mon être, comme l'esprit ne lui correspond plus, elle éprouve de si violentes attaques qu'elle ne trouve rien sur la terre dont elle puisse se rafraîchir selon son instinct humain. »(8 ).
« Cette souffrance, dit à son tour saint Jean de la Croix, est comparable à celle du Purgatoire ; car, de même que dans l'autre vie les esprits sont purifiés pour être dignes de la claire vision de Dieu, de même ici-bas et à leur manière les âmes se purifient pour arriver à se transformer en Dieu par l'amour dans l'union » (9). Et ailleurs : « si, dans l'autre vie, il y a un feu ténébreux et matériel pour la purification des esprits, de même ici-bas l'âme expie et se purifie sous l'action d'un feu d'amour. ténébreux et spirituel: » (10). Mais il ajoute : « une heure de cette Souffrance au cours de la vie est bien plus efficace que plusieurs heures de purification après la mort » (11). N'est-ce pas là en effet, « le chemin le plus court et le plus direct, vers la divine et véritable naissance qui luit ici sans aucun intermédiaire » ? Car, continue Tauler, « il ne s'élève aucune angoisse dans l'homme que Dieu ne veuille ensuite préparer une nouvelle naissance en cet homme ; et sache que tout ce qui te prend, apaise et détend en toi l'angoisse ou l'oppression, c'est celle qui naît en toi et, quoi que ce soit, c'est la nouvelle naissance ; à toi de choisir si tu veux Dieu ou la créature. Et maintenant réfléchis. Si c'est une créature qui enlève ton angoisse, quel que soit son nom, elle te ravit pleinement la naissance de Dieu » (12). Dieu ne crucifie l'âme que pour la mûrir, la renouveler et la rendre divine, et la flamme dont il la brûle douloureusement pour la purifier est la flamme même de son amour. Il faut qu'elle passe par ce tombeau de mort obscure pour parvenir à la résurrection qui l'attend dans la lumière. C'est seulement lorsqu'on a découvert le Rien de soi-même qu'on peut trouver le Tout de Dieu ; parce que, alors, le Rien de soi-même sera devenu le Tout de Dieu.
Gabriel Huan.
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(1) Dialogues. 2è partie, ch. 1.
(2) Oeuvres, Edit. Migne P. Lat. 196, 11140.
(3) Saint François de Sales, Traité de l'amour de Dieu, liv. XII, ch. 1.
(4) Saint Jean de la Croix, Nuit obscure, liv. II, ch. IL
(5) lbid., liv. II, ch. XII.
(6) Saint Jean de la Croix, Nuit obscure, liv. II, ch. XII.
(7) Premier Sermon pour le 5" Dimanche après la Trinité.
(8 ) Traité du Purgatoire, ch. XVII, cf Sainte-Thérèse. Vie. Ch. XX et Château Intérieur, VI" Dem, ch. XI.
(9) Vive Flamme, 1re str. Vers. 4.
(10) Nuit obscure, liv. II, ch. XII.
(11) Ibid., ch. VI.
(12) 2ème Sermon pour le 5ème Dimanche après la Trinité.
Source: http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Huan/lanuit.html