Catho « de naissance », interrogé par un chrétien « revenu au bercail » au sujet du salut éternel, je pense aux nombreuses incitations de saint Paul à chercher le salut dans la crainte et la terreur. Même saint Paul, après avoir été enlevé au septième ciel, sentait le besoin de maîtriser son corps, de crainte d’être « disqualifié ». (1Co,9,27).
Être persuadé d’être « sauvé » peut résulter d’une intense expérience spirituelle. (même les catholiques en ressentent !). Mais les gens l’interprètent parfois, selon Freud, comme un phénomène psychologique, ou comme une sorte d’encouragement divin à persévérer, ou peut-être comme une preuve de la miséricorde divine en dépit de nos péchés.
Je suis intimement persuadé que si deux tiers des anges, qui ne connurent jamais la souffrance et avaient une claire vision de l’avenir en cas de rébellion, étaient sauvés [les étoiles épargnées par la queue du dragon, (Ap, 12)] — au moins dans la même proportion, sinon davantage, nous, pauvres humains, cheminant avec une vue restreinte, des souffrances, une vie parfois trop dure, et des mauvais choix, serons sauvés. Évidemment, je me tiens à l’écart de l’hérésie d’Origène et autres — le salut pour tous — condamnée par le concile de Constantinople en 543.
Cela dit, il me semble que les protestants ratent l’aide aux formes multiples que l’Église pourrait leur apporter s’ils voulaient l’accepter.
Tout d’abord, le Protestantisme s’appuie essentiellement sur un livre — plus de 30 000 interprétations souvent incompatibles de la Bible — une Bible compilée par les conciles de Rome, Hippone et Carthage au quatrième siècle, avec l’aval du Pape Sirice [38e évêque de Rome]. Hélas il manque des éléments de la Bible dans nombre de versions protestantes — par exemple l’épitre de Saint Jacques, qui insistait (au désarroi de Luther) sur la vacuité de la foi sans les œuvres, et le Livre des Maccabées qui soutient la doctrine du Purgatoire. (Les protestants trouveraient sans doute de l’aide si quelque part dans la Bible était précisé que la religion chrétienne s’appuie sur « sola scriptura ».)
Les cultes protestants qui pratiquent la commémoration rituelle de la Cène (pas simplement café et petits fours, ou jus de pamplemousse et gaufres) mais, suivant la trace des Réformateurs protestants, nient la doctrine catholique de la Présence Réelle, en arrivent, au mieux, à ce que les catholiques qui ne communient pas à la messe appellent parfois « communion de désir ». Mais il leur manque ce que les catholiques, s’ils y sont bien préparés, éprouvent en recevant physiquement le corps et le sang de notre Rédempteur et en accueillant Son action dans les replis intimes de l’âme.
En ce qui concerne le pardon des péchés, il est étrange, et un peu téméraire, de renoncer au pouvoir accordé par le Christ aux Apôtres de remettre les péchés (Jn, 20:23) et de se contenter de croire en un pardon accordé par Dieu.
Bien sûr, les catholiques eux-mêmes croient que par la « contrition parfaite » — repentir inspiré entièrement par l’amour pour Dieu — nos péchés seront remis en dehors du sacrement de pénitence. Mais la certitude sur ces bonnes intentions est douteuse, surtout si nous sommes des pécheurs invétérés, et peu sujets à un sérieux examen de conscience.
Suivant le déni du purgatoire par Luther, les protestants pour la plupart s’abstiennent de prier pour les morts. Peter Hitchens, frère de l’illustre athée Christopher Hitchens, rappelle dans son ouvrage The Rage against God (Rage contre Dieu) qu’après la Seconde Guerre mondiale et les milliers de pertes britanniques, la plupart des Églises protestantes étaient gênées, à cause du déni doctrinal du purgatoire, de ne pouvoir offrir des prières pour les morts à tant de familles affligées. Elles faisaient parfois appel à une forme de spiritualisme pour évoquer les chers disparus. (Il se peut que des protestants de haute tenue aillent tout droit au Paradis, mais les catholiques scrupuleux ne croient guère qu’on puisse se présenter bien pur directement devant le Tout-Puissant).
La formule : « Il est plus facile de vivre en protestant, et préférable de mourir en catholique.» est attribuée parfois à Martin Luther, parfois à un de ses compagnons indécis. Une bonne raison de mourir en catholique, pour quelqu’un qui n’est pas certain d’aller tout droit au Paradis, est de pouvoir bénéficier des sacrements des malades et des mourants ; c’est la recommandation de l’épitre de Saint Jacques pour obtenir la guérison et/ou le pardon des péchés (Jc, 5:14-15).
Il semble que pour la plupart des protestants (et catholiques aux penchants protestants) il n’y a guère de problème sur le sujet brûlant du « mariage pour tous ». 1. C’est conforme au protestantisme qui, depuis l’époque de Luther, rejette l’idée que le mariage soit l’un des sept sacrements, le considérant comme un simple contrat enregistré à l’état-civil et/ou célébré par un pasteur.
D’un autre côté, le mariage, pour les catholiques, est un sacrement conforme au mariage du Christ avec Son Église (Ep, 5:32), et une source permanente de grâces en toutes activités conjugales pour les époux qui s’efforcent d’échapper au péché. Il n’est pas trop difficile de modifier un contrat, mais les couples gays auront de la peine, et trouveront même sacrilège, à invoquer ce symbolisme sacramentel de leurs unions.
Le grand philosophe luthérien G.W.F. Hegel critique les catholiques romains pour leur tendance à trouver de la sainteté dans des choses, des objets purement matériels — eau bénite, cierges bénits, reliques, icônes, statues et images de saints, sanctuaires, etc. — en contraste avec l’austère insistance des luthériens sur la spiritualité dans le monde.
On ne peut qu’admirer ceux qui arrivent à entretenir une union spirituelle/intellectuelle avec Dieu sans l’espèce de soutien concret auquel les catholiques sont attachés — catholiques tout étonnés en entrant dans la plupart des temples protestants de voir des croix sans le Crucifié (art religieux abstrait?).
Mais s’il y a des protestants sensibles au concret, à court de pure spiritualité, ils pourraient bien accéder à des grâces par la contemplation d’accessoires tels que des crucifix.
Et ceux qui ne sont pas certains de leur salut peuvent bien faire appel à l’aide de la Bienheureuse Vierge Marie ; elle a promis à saint Dominique les grâces nécessaires au salut de l’âme à l’heure de la mort pour ceux qui disent fréquemment le Rosaire, et méditent sur la vie, la passion et la résurrection du Sauveur.
1) NDT: il s’agit des Protestants aux USA — il y a bien des protestants français fermement attachés à la Manif pour Tous