L'Église fête à Pâques la résurrection du Christ, promesse de notre propre résurrection. Et chaque dimanche, nous professons notre foi en la résurrection de la chair. Si Jésus nous promet une résurrection des corps dans la vie éternelle, à quoi ressembleront nos corps glorieux ?
« Nous serons ressuscités ! » affirme l’Église, avec laquelle nous redisons chaque dimanche dans le Credo : « Je crois à la résurrection de la chair, à la vie éternelle ». Forgée durant l’Antiquité, lors du Concile de Nicée au IIIe siècle, la croyance en la résurrection implique la « chair », qui « désigne l’homme dans sa condition de faiblesse et de mortalité ». La « résurrection de la chair » signifie qu’il n’y aura pas seulement, après la mort, la vie de l’âme immortelle, mais que même nos « corps mortels » (Rm 8, 11) reprendront vie », précise à ce propos le Catéchisme de l’Église catholique (§990).
« Dans la mort, séparation de l’âme et du corps, le corps de l’homme tombe dans la corruption, alors que son âme va à la rencontre de Dieu, tout en demeurant en attente d’être réunie à son corps glorifié, poursuit le CEC. […] Le Christ est ressuscité avec son propre corps : « Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi » (Lc 24, 39) ; mais Il n’est pas revenu à une vie terrestre. De même, en Lui, « tous ressusciteront avec leur propre corps, qu’ils ont maintenant » » (§997-999). « C’est le geste de Dieu qui intervient dans notre histoire qui nous relève d’entre les morts, explique le père Eric Morin, directeur de la revue Cahiers Évangile, au collège des Bernardins. Dieu nous a suscités une première fois en nous donnant la vie, Il nous suscite une deuxième fois ; il nous re-suscite par-delà la mort pour que nous entrions en plénitude dans Sa vie ».
Ce que disent les Écritures
Attention, toutefois, à ne pas confondre immortalité et vie éternelle : la vie éternelle n’est pas un espace-temps. « Notre âme n’est pas tombée du ciel dans la matière, poursuit le père Eric Morin. L’immortalité n’est pas l’éternité car notre âme ne préexiste pas à notre conception. Notre parcours sur terre est une expérience unique par laquelle se forge notre personne, dans la chair : notre corps cristallise toutes nos expériences humaines, qu’elles soient présentes à notre conscience ou non ». Ainsi, si le Credo de Nicée atteste que nous croyons à la résurrection de la chair, c’est pour ne pas limiter cette croyance à la seule immortalité de l’âme. C’est ce que nous enseigne saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens (15, 35-49) :
« Mais quelqu’un pourrait dire : « Comment les morts ressuscitent-ils ? avec quelle sorte de corps reviennent-ils ? » Réfléchis donc ! Ce que tu sèmes ne peut reprendre vie sans mourir d’abord ; et ce que tu sèmes, ce n’est pas le corps de la plante qui va pousser, mais c’est une simple graine : du blé, par exemple, ou autre chose. Et Dieu lui donne un corps comme il l’a voulu : à chaque semence un corps particulier. […] Comme Adam est fait d’argile, ainsi les hommes sont faits d’argile ; comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel. Et de même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel ».
Cette affirmation de l’apôtre trouve sa résonance dans sa lettre aux Romains (6,4-5) : « Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. Car, si nous avons été unis à lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection qui ressemblera à la sienne ».
Nous ne serons ni tout à fait semblables, ni tout à fait différents, mais incarnés dans un corps que l’apôtre nomme « glorieux ».
Saint Paul est donc très clair sur ce point : les corps ressusciteront comme le corps du Christ est ressuscité. Les évangiles nous donnent à ce titre plusieurs indices sur la forme que prend cette résurrection : saint Jean relate que lorsque le Christ ressuscité rejoint ses apôtres sur le bord du lac de Tibériade, ceux-ci ne le reconnaissent pas immédiatement (Jn 21), tandis que saint Matthieu rapporte le repas pris par Jésus ressuscité avec ses disciples à Emmaüs. Ainsi dans la vie éternelle, nous ne serons ni tout à fait semblables, ni tout à fait différents, mais incarnés dans un corps que l’apôtre nomme « glorieux » (Ph 3,21).
« Nous sommes la semence de ce que nous serons »
« Prenons l’image de la pomme, propose le père Éric Morin. Lorsqu’on regarde un pépin, on n’imagine pas le pommier ; pas plus qu’on n’arrive à distinguer un pépin de pomme d’un pépin de poire. En voyant la semence, on n’imagine pas ce qu’elle deviendra : ainsi en est-il des corps ressuscités au jour du Jugement. Pourtant, si je sème un pommier, j’obtiendrai bel et bien des pommes : nous sommes la semence de ce que nous serons ».
« Poser la question « avec quoi les corps ressusciteront-ils ? », poursuit le père Eric Morin, c’est prendre conscience que c’est le corps du Christ qui nous ressuscite et que nous participons à la résurrection parce que nous participons au corps du Christ ressuscité. Quand je fais l’effort de vivre de la liberté de l’Esprit saint, je permets au monde entier de se laisser saisir par la puissance du Ressuscité. C’est ce que nous touchons du doigt dans le culte des saints : ils sont dans la vérité, dans l’amour, auprès de Dieu, et cela rejaillit sur nous. Dans la gloire, nous serons glorieux, dans l’Esprit Saint, nous serons libres, dans la beauté de Dieu, nous serons beaux et nous laisserons ainsi tout ce qu’il y a de méprisable dans notre existence terrestre ».