LES PAUVRES, TÉMOINS D’UNE ESPÉRANCENICOLE VAISSIÈRE, ET LE RÉSEAU MONDIAL DE PRIÈRE DU PAPE« Prions pour que, en vivant une vraie communion, les paroisses soient de plus en plus des communautés de foi, de fraternité et d’accueil envers les plus démunis. »
Nicole fait partie de la « famille Bartimée1 », un groupe de l’ensemble paroissial de Castanet-Tolosan (Haute-Garonne) qui rassemble des personnes qui ont connu ou connaissent encore l’exclusion, la précarité, la solitude. La fraternité est vécue dans des partages autour de la Parole de Dieu et dans des temps festifs.
Le Pape invite les paroisses à l’accueil des plus démunis. Avec la famille Bartimée, vivez-vous concrètement cet accueil dans votre paroisse ?
La Famille Bartimée est enracinée dans un territoire. En lien avec le curé, elle travaille avec d’autres services (Service Évangélique des Malades, Secours Catholique, Café Amitié…), mais elle vit la rencontre avec les très pauvres selon une autre pédagogie. Si les personnes en précarité ont besoin de services pour survivre et vivre en société, les rencontrer demande beaucoup de temps, d’écoute, sans jugement, en dépassant la peur de la différence des deux côtés.
Au sein de la paroisse, des compagnons accompagnent humainement et spirituellement les personnes en galère. Puis vient le cercle des proches qui donnent un coup de main de temps en temps, participent à quelques événements ou festivités. La communauté paroissiale dans son ensemble est sensible à cette dimension des plus pauvres, mais ne sait pas toujours comment aller à la rencontre.
Qu’est-ce que nous enseignent les pauvres ?
Les pauvres nous apprennent la relation fraternelle authentique.
Quand on ne possède rien, même plus parfois la dignité, le regard de l’autre dit : « Tu existes ». La personne en galère a ce désir de vivre une rencontre, des rencontres, pour trouver quelqu’un qui la regarde, lui rende sa dignité. Lorsque le pauvre est touché, il accorde sa confiance, et me voilà à mon tour touchée en plein cœur. Ce désir de confiance me donne de la joie, repousse mes murs intérieurs.
Beaucoup de ces très pauvres qui connaissaient ou connaissent encore l’échec, le déclassement, vivent cela dans la foi, une foi directe et radicale. Quand une personne nous dit « Jésus, c’est mon Espérance » pour unique réponse à la question « Qui est Jésus pour toi ? », sans pouvoir dire autre chose, on mesure l’épaisseur d’une telle foi ! Et cela met en lumière notre propre foi, nous qui la vivons en composant sans cesse entre notre bien-être à protéger et l’appel de Dieu à aimer comme Jésus nous a aimés, à aller vers les autres et vivre hors de nos zones de confort.
Entre une personne en galère et une autre, il n’y a pas de différences fondamentales. Nos besoins essentiels sont identiques. Et les pauvres nous le révèlent. Nous avons le même désir d’être aimé, nous avons parfois les mêmes accès de colère, la même lassitude ; nous n’avons peut-être pas les mêmes mots parce que la vie nous a façonnés selon notre histoire, nos chances et nos malchances, nos réussites et nos échecs.
Les pauvres nous racontent leur vie, leurs galères, leurs joies aussi. Ils nous déplacent intérieurement ; on rentre dans le silence pour être à l’écoute. Et cela touche ma foi, ma relation à Dieu.
Quand leurs situations concrètes ressemblent à notre image de l’enfer, on entre dans le mystère de la croix. Un cœur de chair vit la croix à côté de moi. Ils portent la croix pour nous qui ne la portons bien souvent pas à ce point. Dans ces situations ténébreuses, on sent la présence du Seigneur. La rencontre des pauvres, c’est un paradoxe. C’est celui qui n’a rien, qui représente l’échec, qui nous enrichit.
Comment la communion avec les plus démunis peut enrichir la foi collective d’une paroisse ?
On devrait être plus nombreux à vivre cette rencontre avec les pauvres. Dans le monde actuel, nous sommes tous désemparés. Les pauvres, eux, connaissent déjà le chaos. Ils témoignent de ce qu’ils vivent dans ce chaos, et ils témoignent d’une espérance. Ils n’ont rien si ce n’est l’espérance en Dieu, comme la veuve de l’évangile. Ils savent espérer au plus profond des ténèbres ; quel enseignement !
Dans la paroisse, dans l’Église, il manque ce que Dieu révèle aux pauvres, aux tout petits ; il manque ce que Dieu cache à ceux qui sont nantis et qui savent. Il manque de vivre ce risque du dépouillement. Les pauvres nous apprennent une vie de relation qui a déjà traversé des déserts, dans une vraie confiance en Dieu.
Il manquera toujours quelque chose à l’Église tant que nous ne vivrons pas cette Bonne Nouvelle concrète annoncée aux pauvres.
Les pauvres nous montrent que Dieu est au cœur de nos souffrances. Ils nous font toucher la chair du Christ en croix et peuvent être témoins de la résurrection. Tentons, en paroisse, d’incarner cette promesse.
Propos de Nicole, recueillis par le Réseau Mondial de Prière du Pape
1- La famille Bartimée participe au Réseau Saint Laurent qui met en relation des groupes chrétiens diversifiés qui partagent en Église un chemin de fraternité et de foi avec et à partir de personnes vivant des situations de grande pauvreté et d’exclusion sociale. Il lui tient à cœur que ce chemin devienne celui de toute l’Église.