SAINTS DU 6 AOUTTransfiguration de Notre-Seigneur
Saint François de Sales
Sermon sur la Transfiguration
Mt XVII 1-9Le grand Apôtre saint Paul ayant été ravi et élevé jusqu'au troisième
Ciel, ne sachant si ce fut hors de son corps ou en son corps, dit qu'il
n'est nullement loisible ni possible à l'homme de raconter ce qu'il y
vit, ni les merveilles admirables qu'il apprit et qui lui furent montrées
en son ravissement. Or, si celui qui les a vus n'en peut parler, si
ayant été ravi jusqu'au troisième Ciel il n'en ose dire mot, beaucoup
moins donc nous autres qui n'avons été élevés ni au premier ni au
second ni au troisième.
(…) Je ne veux pas, mes chères Sœurs, vous entretenir de la félicité
que les Bienheureux ont en la claire vue de la face de Dieu, qu'ils
voient et verront sans fin en son Essence ; car cela regarde la félicité
essentielle, et je n'en veux pas traiter, sinon que j'en dise quelques
mots sur la fin. Je ne parlerai pas non plus de l'éternité de cette
gloire des Saints, mais seulement d'une certaine gloire accidentelle
qu'ils reçoivent en la conversation qu'ils ont par ensemble. O quelle
divine conversation ! Mais avec qui? Avec trois sortes de personnes :
avec eux mêmes, avec les Anges, les Archanges, les Chérubins, les
saints Apôtres, les Confesseurs, les Vierges, avec la Vierge
glorieuse, Notre Dame et Maîtresse, avec la très sainte humanité de
Notre Seigneur et enfin avec la très adorable Trinité même, le Père,
le Fils et le Saint Esprit.
Mais, mes chères Sœurs, il faut que vous sachiez que tous les
Bienheureux se connaîtront les uns les autres, un chacun par leur
nom, ainsi que nous l'entendrons mieux par le récit de l'Évangile,
lequel nous fait voir notre divin Maître sur le mont de Thabor,
accompagné de saint Pierre, saint Jacques et saint Jean. Pendant
qu'ils regardaient le Sauveur qui priait (Lc IX, 29) et était en oraison,
il se transfigura devant eux, laissant répandre sur son corps une
petite partie de la gloire dont il jouissait continuellement dès
l'instant de sa glorieuse conception dans les entrailles de Notre
Dame; gloire qu'il retenait, par un continuel miracle, resserrée et
couverte dans la suprême partie de son âme.
Les Apôtres virent donc alors sa face plus reluisante et éclatante que
le soleil, voire cette clarté et cette gloire s'épancha jusque sur ses
vêtements pour nous montrer qu'il n'en était pas si chiche qu'il n'en
fit part à ses habits mêmes et à ce qui était autour de lui. Il nous fit
voir un petit échantillon du bonheur éternel et une goutte de cet
océan et de cette mer d'incomparable félicité pour nous faire désirer
la pièce tout entière (Intro. à la vie dévote, Parie III,c.2) ; si que le
bon saint Pierre, qui parlait pour tous comme devant être le chef des
autres : "O qu'il est bon d'être ici", s'écria-t-il tout ému de joie et de
consolation. J'ai bien vu, voulait-il dire, beaucoup de choses, mais il
n'y a rien de si désirable que d'être en ce lieu. Les trois disciples
virent encore Moïse et Elie qu'ils n'avaient jamais vus et qu'ils
reconnurent cependant très bien ; l'un ayant repris son corps ou bien
un autre formé de l'air, et l'autre étant en son même corps auquel il
fut élevé dans le char triomphal (IV R. II, 11).
Tous deux s'entretenaient avec notre divin Maître de l'excès qui devait arriver en
Jérusalem (Lc IX,31), excès qui n'est autre sinon la mort qu'il devait
souffrir par son amour ; et soudain après cet entretien les Apôtres
ouïrent la voix du Père éternel lequel disait : "C'est ici mon Fils bien
aimé, écoutez-le."
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