9 mai 1907
Mort et purgatoire des parents de Luisa.
Deux mois ont passé depuis mon dernier écrit. C'est avec une grande répugnance et seulement par obéissance que je me remets à la tâche. Quelle pesanteur je ressens! En pensée, j'ai dit à mon Jésus: «Vois comme je t'aime et comme mon amour grandit puisque, par amour pour toi uniquement, je me soumets à ce dur sacrifice. Autant il m'est difficile de me remettre à écrire, autant je veux te dire que je t'aime.»
Je ne me souviens pas parfaitement de tout ce qui est arrivé. Je vais raconter ce qui s'est passé à partir du moment où je demandais à mon Jésus de prendre ma maman directement au Paradis, sans qu'elle ait à passer par le purgatoire. Cependant, les choses sont un peu confuses dans ma mémoire.
C'était le 19 mars, une journée consacrée à saint Joseph. Au matin, alors que je me trouvais dans mon état habituel, maman passa de cette vie à la suivante. Me faisant voir qu'il la prenait pour l'amener, Jésus béni me dit: «Ma fille, le Créateur reprend sa créature.»
À ce moment, je me suis sentie consumée intérieurement et extérieurement par un feu si intense que j'ai senti mes viscères et tout mon corps brûler. Si j'ai mangé quelque chose, il s'est converti en feu intérieur et j'ai été forcée de le vomir aussitôt. Ce feu me consumait, mais il me laissait en vie. Oh! comme j'ai compris ce qu'est le feu du purgatoire: pendant qu'il consume, il donne vie; il fait le travail de la nourriture, de l'eau, de la mort et de la vie!
En dépit de tout, j'étais heureuse dans cet état. Mais comme je n'avais pas vu où Jésus amena maman, ma joie n'était pas complète. J'ai pensé que mes souffrances étaient celles de maman, à supposer qu'elle était au purgatoire. Voyant Jésus béni — en ces jours, il ne m'a pas laissée seule —, j'ai pleuré et je lui ai dit: «Mon doux Amour, où l'as-tu amenée? Je suis contente que tu l'aies amenée mais, si tu ne l'as pas avec toi, je ne peux le tolérer. Je continuerai de pleurer jusqu'à ce que tu me répondes sur ce point.»
Il me sembla que Jésus était content de mes pleurs. Il sécha mes larmes et me dit: «Ma fille, n'aie pas peur. Sois calme et quand tu te seras calmée, je te la laisserai voir. Tu seras très contente. De plus, le feu que tu ressens te servira de preuve que je t'ai contentée.»
Pourtant, j'ai continué à pleurer, spécialement quand je l'ai vue, car je ressentais que quelque chose manquait à sa béatitude. Je pleurais tant que les personnes venues pour me visiter pensaient que je pleurais à cause de ma tendresse pour elle et par regret de l'avoir perdue. Elles étaient un peu scandalisées, pensant que je ne me conformais pas à la Volonté de Dieu. Mais, en vérité, je nageais en elle plus que jamais.
Cependant, je n'ai cherché refuge dans aucun tribunal humain, parce qu'ils sont tous faux, mais seulement au Tribunal divin, parce que celui-là est vrai. Mon bon Jésus ne me condamna pas; il eut plutôt pitié et, pour me soutenir, il vint plus souvent, me donnant ainsi plus d'occasions de pleurer. S'il n'était pas venu, je n'aurais eu personne avec qui pleurer pour arriver à ce que je voulais.
Après plusieurs jours, mon bon Jésus vint et me dit: «Ma fille, s'il te plaît, sois consolée. Je veux te dire et te faire voir où est ta mère. Avant et après que je l'aie prise avec moi, tu m'as offert en sa faveur tout ce que j'ai mérité et souffert au cours de ma vie. En conséquence, dans l'étape où elle se trouve actuellement, elle prend part à tout ce que mon Humanité fit et savoura. Néanmoins, ma Divinité lui est encore cachée mais elle lui sera bientôt révélée. Le feu que tu as souffert et tes prières ont servi à libérer ta mère de maintes douleurs des sens qui sont le lot de chacun.»
À ce moment, il me sembla que je voyais maman à l'intérieur d'un immense espace. Dans cet espace, il y avait des joies et des délices correspondant à tous les mots, les pensées, les regards, les travaux, les souffrances, les battements de coeur, etc. de la très sainte Humanité de Jésus. J'ai aussi compris que cette sainte Humanité est un paradis intermédiaire pour les bienheureux et que chacun, pour entrer dans le paradis de sa Divinité, doit en premier passer par le paradis de son Humanité.
D'autre part, cela a été pour ma mère un privilège très singulier, réservé seulement à quelques-uns qui n'ont pas à expérimenter le purgatoire. J'ai aussi très bien compris qu'elle n'était pas dans les tourments mais dans les délices. Cependant, sa joie n'était pas parfaite, mais partielle. J'ai continué à souffrir pendant douze jours, si vivement que je me suis sentie sur le point de mourir. Ce fut d'ailleurs l'obéissance qui intervint pour que le petit fil de vie qui me retenait encore ne soit pas cassé. Puis je revins à mon état naturel. Je ne sais pas pourquoi l'obéissance interfère toujours pour ne pas me laisser passer au Ciel.
Mon bon Jésus me dit: «Ma fille, les bienheureux du Ciel me donnent une grande gloire par l'union parfaite de leur volonté avec la mienne, parce que leur vie est une reproduction de ma Volonté. Il y a tant d'harmonie entre eux et moi que leur souffle, leurs mouvements, leurs joies et tout ce qui constitue leur béatitude sont un effet de ma Volonté.
«Quant aux âmes qui sont encore des voyageuses, elles s'unissent à ma Volonté de façon à ne jamais s'en séparer. Leur vie est du Ciel et je reçois d'elles la même gloire que je reçois des bienheureux. Cependant, je prends plus de plaisir et de satisfaction en elles, parce que, ce que les bienheureux font au Ciel, ils le font sans sacrifice et avec délices. Par contre, ce que les âmes pèlerines font, elles le font avec sacrifice et avec des souffrances. Et où il y a sacrifice, je suis très content et je prends plus de joie. Les bienheureux eux-mêmes, vu qu'ils vivent dans ma Volonté, forment une même vie avec moi et, ainsi, ils partagent eux aussi les délices qui me proviennent des âmes pèlerines.»
Je me souviens qu'en une autre occasion, ayant craint que ce que je vivais fut l'oeuvre du démon, le bon Jésus m'avait dit: «Ma fille, le démon aussi sait comment parler des vertus. Néanmoins, pendant qu'il en parle, il laisse dans l'âme de la répugnance et de la haine pour ces mêmes vertus. Ainsi, la pauvre âme se trouve en état de contradiction et sans force pour pratiquer ce qui est bien. À l'opposé, quand c'est moi qui parle, ma Parole est Vérité, elle est pleine de Vie, elle n'est pas stérile mais féconde. Quand je parle, j'infuse l'amour et la vertu dans l'âme. La Vérité est force, lumière, soutien et une deuxième nature pour l'âme qui se laisse guider par elle.»
Pour continuer mon récit, je dirai que seulement dix jours s'étaient écoulés depuis la mort de ma mère quand mon père tomba gravement malade à son tour. Le Seigneur me fit comprendre que lui aussi allait mourir. J'en ai fait le don au Seigneur par avance et j'ai répété tout ce que j'avais fait pour ma mère, afin qu'il n'aille pas non plus au purgatoire.
Cependant, le Seigneur se montra très peu disposé et ne m'écouta pas. Je craignais beaucoup, quoique pas pour son salut, parce que, environ quinze ans auparavant, le bon Jésus m'avait fait la promesse solennelle que de tous ceux qui m'appartenaient, pas un ne serait perdu. Conséquemment, je ne craignais pas pour son salut. Néanmoins, j'étais grandement effrayée à propos du purgatoire. Je priais continuellement mais le bon Jésus vint rarement. Ce fut seulement au seizième jour de maladie de papa, alors qu'il se mourait, que Jésus béni se montra, tout bienveillant et vêtu de blanc comme prêt pour une célébration.
Il me dit: «Aujourd'hui, j'attends ton père. Cependant, par amour pour toi, je le rencontrerai non pas comme un juge, mais comme un père bienveillant; ainsi, je l'accueillerai dans mes bras.» J'insistai sur la question du purgatoire, mais, ne faisant pas attention à moi, il disparut.
Mon père étant mort, je n'ai ressenti aucune souffrance particulière comme ce fut le cas à la mort de ma mère. Pour cette raison, j'ai compris que mon père était allé au purgatoire. J'ai prié et prié, mais Jésus ne se laissait voir que très brièvement, sans me laisser le temps de quoique ce soit. À cause de cela, je ne pouvais même pas pleurer, puisque je n'avais personne avec qui pleurer: le seul qui aurait pu entendre mes pleurs me fuyant. Adorable Justice de Dieu dans ses voies!
Après deux jours de douleurs internes, j'ai vu Jésus béni. En le questionnant à propos de mon père, j'ai entendu sa voix, comme s'il avait été derrière Jésus, tout en larmes, et demandant de l'aide. À ce moment ils disparurent tous les deux. Je restai avec une grande douleur dans mon âme et je priai beaucoup.
Sept jours plus tard, me trouvant hors de mon corps, je me suis vue à l'intérieur d'une église dans laquelle il y avait plusieurs âmes du purgatoire. Je demandai à Notre-Seigneur qu'il permette au moins à mon père de faire son purgatoire à l'intérieur de cette église, car je pouvais voir que les âmes du purgatoire qui se trouvent dans une église sont constamment consolées par les prières et les messes qui y sont célébrées; elles sont même encore plus consolées par la Présence sacramentelle de Jésus qui, pour elles, est un réconfort continuel. À ce moment, j'ai vu mon père avec un aspect révérenciel et Notre-Seigneur qui le plaçait près du tabernacle. À cette vue, je restai avec moins de chagrin dans mon coeur.
Je me souviens confusément que Jésus m'avait précédemment fait comprendre la valeur précieuse de la souffrance et que je lui avais demandé de faire comprendre à chacun le grand bien qui s'y trouve. Il m'avait dit: «Ma fille, la croix est un fruit extérieurement rempli d'épines et d'aspérités. Cependant, abstraction faite de ses épines et de son revêtement, on trouve en elle un fruit précieux et exquis que seulement ceux qui ont la patience de dépasser l'inconfort de ses épines peuvent goûter. Seulement eux peuvent découvrir le secret de cette merveille et le goût de ce fruit. Quiconque a découvert ce secret le garde avec amour et convoitise, recherchant ce fruit sans remarquer les épines. Tous les autres regardent ce fruit avec dédain et dépit.»
J'ai dit à Jésus: «Mon doux Seigneur, quel est le secret qui se trouve dans le fruit de la Croix?» Il me dit: «Son secret réside dans les nombreuses pièces de monnaie que l'âme y trouve en vue de son entrée au Ciel et de sa béatitude éternelle. Avec ces pièces, l'âme devient riche et éternellement bénie.»
Tout ce dont je me souviens, je m'en souviens confusément et ce n'est pas très bien ordonné dans mon esprit. Pour cette raison, je m'arrête ici.
30 mai 1907
La prière se concentre en un point, de sorte qu'en
priant pour soi-même, on prie pour tous.
Me trouvant dans mon état habituel, j'ai vu mon Jésus béni pendant un bref moment. Je l'ai prié pour moi-même et pour les autres. Cependant, je l'ai fait avec des difficultés inhabituelles, parce que je pensais ne pas pouvoir obtenir beaucoup si je priais seulement pour moi-même. Sur ce, le bon Jésus me dit: «Ma fille, la prière se concentre en un seul point et ce point est apte à rassembler tous les autres points. Ainsi, on peut obtenir beaucoup si on prie seulement pour soi-même et autant si on prie pour les autres. Son efficacité est unique.»
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FIN DU LIVRE DU CIEL TOME 7