Poursuivant dans mon état habituel, je vivais une très grande amertume à cause de la privation continuelle de mon adorable Jésus. Se faisant voir, il me dit : «Ma fille, la première bombe que l'on doit faire exploser dans l'âme, c'est la mortification. Quand cette bombe est lancée dans l'âme, elle renverse tout et immole tout à Dieu. Dans l'âme, c'est comme s'il y avait beaucoup de palais, mais des palais remplis de vices tels que l'orgueil, la désobéissance, etc. Renversant tout dans l'âme, la bombe de la mortification y construit autant d'autres palais, mais des palais de vertus, immolant tout et sacrifiant tout à la gloire de Dieu. » Ayant dit cela, Jésus disparut.
Peu de temps après, le démon vint pour me molester. Sans prendre peur, je lui ai dit : « Pourquoi veux-tu me molester ? Si tu veux me montrer combien tu es courageux, prend une tige et bas-moi jusqu'à ce que je n'aie plus une goutte de sang, à condition que chaque goutte de sang que je perdrai soit une preuve d'amour, de réparation et de gloire que je donnerai à mon Dieu. » Il me dit : «Je n'ai pas de tige avec moi pour te battre et, si je vais en chercher une, tu ne m'attendras pas. » Je répondis : «Vas-y, je t'attendrai ici.»
Ainsi, il est parti et je suis restée avec l'intention ferme de l'attendre. Mais, à ma grande surprise, j'ai vu qu'il avait rencontré un autre démon et qu'ils se disaient : « C'est inutile d'y retourner ; pourquoi la battre si cela doit causer notre perte ? Il est bon de faire souffrir celui qui ne veut pas souffrir, car il pourrait offenser Dieu. Mais, avec celui qui veut souffrir, nous nous faisons du mal par nos propres mains.» Le démon n'est donc pas revenu, et j'en fus contrariée.
Je me trouvais dans mon état habituel et j'étais en train de méditer et d'offrir la Passion de Notre-Seigneur, surtout son couronnement d'épines. Je priais Jésus pour qu'il donne la lumière aux esprits aveugles et qu'il se fasse connaître, car il est impossible de connaître Jésus et de ne pas l'aimer. Alors, mon adorable Jésus sortit de mon intérieur et me dit :
«Ma fille, que de ruines l'orgueil fait dans les âmes ! Il forme un mur entre la créature et Dieu, et il transforme mes images en démons. Si cela t'afflige tant que les créatures soient aveugles au point de ne pas comprendre et de ne pas voir l'abîme dans lequel elles se trouvent, et si cela te tient tant à coeur que je les aide, ma Passion sert de vêtement à l'homme pour couvrir ses grandes misères, pour l'embellir et lui rendre tous les biens qu'il a perdu par le péché. Je t'en fais le don afin que tu t'en serves pour toi et pour ceux que tu veux.»
En entendant cela, une grande crainte m'envahit. Vu la grandeur du don, je craignais de ne pas savoir l'utiliser et, par conséquent, de déplaire au Donateur. Je dis à Jésus : «Seigneur, je ne me sens pas la force d'accepter un tel don. Je suis totalement indigne d'une telle faveur. Il vaut mieux que tu en disposes toi-même, toi qui es tout et qui connais tout. Toi seul sais à qui il convient d'appliquer ce si précieux vêtement. Pauvre moi, qu'est-ce que je connais ? S'il est nécessaire qu'il soit appliqué à quelqu'un et que je ne le fasse pas, quel compte sévère ne me demanderas-tu pas?»
Jésus me répondit : « Ne crains pas. Le Donateur te donnera la grâce de ne pas rendre ce don inutile. Crois-tu que je peux te faire un don pour te faire du tort? Non, jamais ! »
Je n'ai pas su quoi répondre tout en demeurant épouvantée et en suspens, et je me proposai d'écouter ce que me dira dame obéissance. Il va sans dire que ce vêtement n'est rien d'autre que tout ce que Notre-Seigneur a opéré, tout ce qu'il a mérité et tout ce qu'il a souffert, à la suite de quoi la créature reçoit ce vêtement pour couvrir sa nudité dépouillée de vertus, reçoit la richesse pour s'enrichir, la beauté pour se rendre belle, et le remède à tous ses maux. Ayant rapporté cela à dame obéissance, elle m'a dit d'accepter.