Maud
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Date d'inscription : 20/01/2016
Localisation : France
Saint intercesseur : Sainte Vierge Marie , Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face , Sainte Thérèse d' Avila
par Maud Dim 18 Juin - 7:29
La Montée du Carmel – Livre Troisième – Chapitre 18
Des dommages que l’ âme peut subir quand elle met sa joie dans les biens temporels.
Si nous voulions raconter tous les dangers auxquels l'âme s'expose quand elle porte l'affection de sa volonté aux biens temporels, nous n'aurions pas assez d'encre, ni de papier, ni de temps. Il s'agit d'un petit mal; mais il peut mener à de très grands maux et détruire les plus grands biens. C'est comme une étincelle qui n'est pas éteinte; elle est capable d'allumer d'immenses incendies qui embrasent le monde.
Tous ces dommages ont leur racine et leur origine dans un autre dommage provenant de la joie que l'on a des biens temporels; et celui-là est le principal; il est privatif; il nous détourne de Dieu. Tous les biens nous viennent quand nous nous approchons de Dieu par les affections de la volonté; mais au contraire, quand nous nous détournons de lui en donnant notre affection aux créatures, tous les dommages et tous les maux nous arrivent dans la proportion où nous nous attachons à elles avec complaisance et amour, parce que par le fait même on se détourne de Dieu.
Par conséquent, on peut comprendre que, selon que l'on s'éloigne plus ou moins de Dieu, les dommages seront plus ou moins considérables en étendue ou en intensité, et, le plus souvent, sous ce double rapport à la fois.
Ce dommage privatif d'où proviennent, avons-nous dit, les autres dommages privatifs et positifs, renferme quatre degrés, tous plus mauvais les uns que les autres. Quand l'âme est arrivée au quatrième degré, elle a atteint tous les maux et toutes les adversités qu'on peut énumérer en cette matière. Ces quatre degrés sont parfaitement caractérisés par Moïse. Il nous dit dans le Deutéronome: « Le peuple chéri de Dieu s'est repu et est retourné en arrière.
Il s'est repu, engraissé et dilaté; il a abandonné Dieu son créateur, il s'est éloigné de Dieu son sauveur (Deut. XXXII, 15). »
Cet embonpoint de l'âme qui précédemment était la bien-aimée de Dieu signifie qu'elle s'est plongée dans la joie des créatures. De là vient le premier dommage qu'elle subit; elle retourne en arrière, c'est une pesanteur d'esprit à l'égard de Dieu, qui lui voile les biens spirituels, comme le nuage qui obscurcit l'air et empêche de voir la clarté du soleil. Par le fait même que le spirituel met sa joie dans quelque créature et lâche la bride à ses tendances vers des objets frivoles, il s'obscurcit par rapport à Dieu, il perd la simplicité de son intelligence et de son jugement.
C'est là ce que nous enseigne l'Esprit de Dieu au livre de la Sagesse: « Le charme trompeur ou la fausse apparence de la vanité, ainsi que l'illusion, nous cachent les vrais biens, et les caprices de nos tendances troublent et pervertissent le jugement qui était sans malice (Sag. VI, 12). » Par ces paroles le Saint-Esprit nous donne à comprendre que, alors même qu'aucune mauvaise intention de l'entendement n'aurait précédé l'action, il suffit de mettre de la complaisance et de la joie dans les créatures pour causer ce premier dommage. C'est un engourdissement de l'esprit, une obscurité qui empêche le jugement de bien comprendre la vérité et d'apprécier les choses comme elle sont.
La sainteté et le bon jugement n'empêchent même pas de tomber dans ce danger, si on se laisse aller à mettre de la complaisance et de la joie dans les biens temporels. Voilà pourquoi Dieu nous donne un avis par Moïse, et nous dit: « Tu ne recevras point de présents, parce qu'ils aveuglent les sages eux-même (Ex. XXIII, 8 ). » Cette recommandation s'adressait particulièrement à ceux qui devaient exercer les fonctions de juges; car ils doivent avoir l'esprit droit et lucide; mais ils ne l'ont pas quand ils se laissent aller à la convoitise et à l'amour des présents.
Aussi Dieu a-t-il encore ordonné au même Moïse de nommer des juges qui auraient en horreur l'avarice, afin que leur jugement ne fût pas perverti par l'attrait des richesses (Ex. XVIII, 21-22). Il dit que ceux-là non seulement ne doivent pas désirer les richesses, mais qu'ils doivent les avoir en horreur. En effet, pour se prémunir parfaitement contre l'amour d'un objet, il faut l'avoir en horreur, car un contraire est exclu par un autre contraire.
Aussi le motif pour lequel le prophète Samuel a toujours été un juge si droit et si éclairé, c'est que, comme il le dit lui-même au premier livre des Rois, il n'avait reçu aucun présent de personne; Si de manu cujusquam munus accepi (I Rois, XII, 3).
C'est de ce premier degré du dommage privatif que naît le second; il nous est donné à entendre dans ces paroles du texte déjà cité: « Il s'est repu, il s'est dilaté (Deut. XXXII, 15). » Ainsi le second degré est une dilatation de la volonté qui se donne déjà plus de liberté pour les biens temporels; elle ne se préoccupe plus autant de la peine et de la répugnance que lui donnaient sa joie et sa complaisance pour les biens créés.
Cette disposition lui est venue de ce que dès le principe l'âme a lâché bride à cette joie; ce désir à grossi l'âme, comme nous l'avons dit, et cet embonpoint qui lui est venu de la joie a fait dilater davantage la volonté en la portant vers les créatures.
Voilà ce qui entraîne de grands préjudices pour l'âme. En effet, ce second degré l'éloigne des choses de Dieu et des exercices de piété; elle ne les goûte plus; elle porte son affection à d'autres choses; elle se livre à mille imperfections, futilités, joies frivoles et vaines satisfactions. Quand ce second degré est achevé, consommé, il éloigne complètement l'âme des exercices de piété dont elle avait l'habitude et fait que toutes ses attentions et ses désirs se tournent vers les vanités du monde.
Ceux qui sont déjà arrivés à ce second degré ont leur esprit et leur jugement obscurcis pour connaître la vérité et la justice, comme ceux qui sont dans le premier degré. Il y a de plus chez eux beaucoup de lâcheté, de tiédeur et d'indifférence pour s'instruire et remplir leurs devoirs. C'est d'eux que parle Isaïe quand il dit:
« Tous aiment les présents et se laissent entraîner par l'appât des récompenses. Ils ne défendent pas les droits de l'orphelin, et la cause de la veuve n'a point d'accès auprès d'eux, et ils ne s'en occupent point (Is. I, 23). »
Cela ne leur arrive pas sans qu'il y ait faute de leur part, surtout quand ils y sont obligés par leur office. En effet ceux qui se trouvent déjà dans ce degré ne sont pas exempts de malice comme ceux du premier degré; voilà pourquoi ils s'éloignent davantage de la justice et de toutes les vertus, parce qu'ils embrassent de plus en plus leur volonté d'affection pour les créatures.
Aussi le caractère distinctif de ceux qui se trouvent dans ce deuxième degré consiste dans une grande tiédeur pour les exercices spirituels, qu'ils accomplissent fort mal, et plutôt par manière d'acquit, par force ou par routine, que par un motif d'amour.
Le troisième degré de ce dommage privatif consiste à abandonner Dieu complètement, sans se préoccuper de sa loi, afin de ne point manquer aux frivolités mondaines; aussi l'âme entraînée par la passion se laisse tromper dans le péché mortel. Ce troisième degré est marqué dans le texte que nous avons cité, et où il est dit:
« Il a abandonné Dieu, son créateur (Deut. XXXII, 15). »
Dans ce troisième degré se trouvent compris tous ceux qui ont si bien engagé les puissances de l'âme dans les vanités du monde, les richesses, et tout ce qui s'y rattache, qu'ils n'ont plus aucun souci d'accomplir la loi de Dieu. Ils vivent dans le plus grand oubli, dans la plus grande torpeur par rapport aux choses du salut, et dans la plus grande activité et habileté par rapport aux choses du monde. Aussi Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l'Évangile les appelle-t-il « les enfants de ce siècle », et il dit qu'ils sont plus prudents et plus habiles dans leurs affaires que les enfants de lumière dans les leurs (Luc, XVI, 8 ).
Ainsi donc ils ne sont rien par rapport aux choses de Dieu, mais par rapport aux choses du monde ils sont tout. Ce sont là, à proprement parler, les avares dont la complaisance et la satisfaction pour les choses créées ont pris une telle proportion, une telle étendue, un tel attrait, qu'elles ne peuvent se rassasier; au contraire, la faim et la soif qui les dévorent grandissent d'autant plus qu'ils s'éloignent davantage de l'unique source qui pourrait les satisfaire, c'est-à-dire de Dieu. C'est de ces gens que le Seigneur a dit par la bouche de Jérémie: Me dereliquerunt fontem aquae vivae, et foderunt sibi cisternas, cisternas dissipas, quae continere non valent aquas: « Ils m'ont abandonné, moi qui suis la source d'eau vive, et ils se sont creusé des citernes percées qui ne peuvent contenir l'eau (Jér. II, 13). »
Et cela, parce que les avares ne trouvent point dans les créatures de quoi étancher leur soif, mais au contraire de quoi l'augmenter. Ce sont ceux-là qui tombent dans toutes sortes de péchés par amour pour les biens temporels, et innombrables sont les pertes qu'ils subissent; voilà pourquoi David s'est exprimé ainsi à leur sujet: Transierunt in affectum cordis: « Ils se sont abandonnés à toutes les passions de leur coeur (Ps. LXXII, 7). »
Le quatrième degré de ces dommages privatifs est exprimé par les dernières paroles du texte cité: « Il s'est éloigné de Dieu, son sauveur (Deut. XXXII, 15). » Il est une conséquence du troisième degré dont nous venons de parler. Quand, en effet, l'avare ne fait plus cas de la loi divine et ne lui donne plus son coeur, parce qu'il est épris d'amour pour les biens temporels, il en vient à s'éloigner beaucoup de Dieu par sa mémoire, son entendement et sa volonté; il l'oublie et le regarde comme s'il n'existait pas, et cela parce qu'il se fait un dieu de l'argent et des biens temporels, car, ainsi que le dit saint Paul: « L'avarice est une idolâtrie (Col. III, 5). »
Ce quatrième degré en vient jusqu'à oublier Dieu; et l'homme qui devait placer formellement son coeur en Dieu le met formellement dans l'argent, comme s'il n'y avait pas d'autre Dieu.
C'est à ce degré que se trouvent ceux qui n'hésitent point à faire servir les choses divines et surnaturelles aux choses temporelles comme à leur dieu, quand au contraire ils devraient ordonner les choses temporelles à Dieu, s'ils le reconnaissaient comme tel, ainsi que la raison l'exige. De ce nombre fut l'impie Balaam, qui vendait la grâce de prophétie dont Dieu l'avait favorisé (Nomb. XXII, 7).
Tel fut également Simon le Magicien, qui s'imaginait que la grâce de Dieu pouvait être appréciée au poids de l'or et voulait l'acheter (Act. VIII, 18-19). Par là il montrait bien que l'argent avait plus de valeur à ses yeux; il s'imaginait qu'il y aurait quelqu'un qui estimerait davantage l'argent, puisqu'il donnerait la grâce pour de l'argent. Ils sont nombreux ceux qui dans ce quatrième degré leur ressemblent de beaucoup de manières; leur raison est obscurcie par leur convoitise des choses spirituelles; c'est l'argent qu'ils servent, et non Dieu; ils travaillent pour de l'argent, et non pour Dieu; ils recherchent une rétribution temporelle, et non la valeur de la grâce divine et sa récompense.
Ils ont une foule de manières de faire de l'argent leur dieu principal et leur fin, dès lors qu'ils le mettent au-dessus de la fin dernière, qui est Dieu.
C'est à ce quatrième degré qu'appartiennent également tous ces infortunés qui sont tellement épris des biens temporels et les regardent si bien comme leur dieu, qu'ils n'hésitent pas à leur sacrifier leur vie.
Quand, en effet, ils voient que leur divinité temporelle vient à leur manquer, ils se désespèrent et se donnent eux-mêmes tristement la mort pour de misérables motifs; ils montrent ainsi quelle triste récompense on peut attendre d'une pareille divinité. Comme il n'y a rien à attendre d'elle, elle ne donne que le désespoir et la mort.
Quant à ceux qu'elle ne pousse pas jusqu'à ce triste dénouement de la mort, elle fait de leur vie une sorte de mort par les peines, les sollicitudes et mille autres misères dont elle les accable; elle ne laisse pas la joie entrer dans leur coeur; elle ne laisse aucun bien briller à leurs yeux sur la terre.
Pour eux, ils apportent sans cesse le tribut de leur coeur à leur trésor; c'est pour lui qu'ils souffrent, c'est avec lui qu'ils s'approchent de la dernière calamité, qui sera leur juste réprobation, selon cette parole du Sage: « Les richesses sont gardées pour le malheur de leur maître (Eccl. V, 12). »
C'est encore à ce quatrième degré qu'appartiennent ceux dont parle saint Paul en ces termes: Tradidit illos Deus in reprobum sensum (Rom. I, 28: Dieu les a livrés à leurs sens pervers). Voilà jusqu'à quels dommages peut conduire la joie quand l'homme la met dans les biens terrestres comme dans sa fin dernière. Mais ceux en qui cette joie est moins désastreuse sont toujours dignes d'une très grande compassion, car, comme nous l'avons dit, elle fait reculer énormément les âmes dans la voie de Dieu.
Aussi, comme dit David: « Ne craignez pas l'homme qui s'enrichit (Ps. XLVIII, 17-18) », c'est-à-dire ne lui portez pas envie, et ne vous imaginez pas qu'il l'emporte sur vous.
Car, lorsqu'il aura achevé sa carrière, il n'emportera rien, et sa gloire comme sa joie ne descendra pas avec lui dans la tombe.
Méditons ….
à suivre ….Chapitre 19
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* "J'ai compris que " Marie " veillait sur moi , que j'étais Son enfant .
Aussi , je ne pouvais que lui donner le nom de " Maman " , car il me semblait encore plus tendre que celui de " Mère " *
Ste Thérèse de l' Enfant Jésus et de la Sainte Face