Un Indien était sorti de sa cabane pour chasser. Un énorme serpent s’y glissa pendant son absence, et alla droit à un berceau où dormait un enfant nouveau-né. Il l’aurait infailliblement dévoré, si un gros chien qui rôdait dans la cour n’eût entendu du bruit. C’était le berceau de l’enfant que le serpent avait fait tomber. Le fidèle surveillant accourt : il aperçoit le monstre, il s’élance sur lui, et après un combat opiniâtre, il l’étrangle. Il avait encore la gueule tout dégoûtante de sang, lorsqu’il entendit son maître qui revenait de la chasse. Il court au devant de lui avec empressement, et, par des démonstrations de joie plus vives qu’à l’ordinaire, il semble lui dire qu’il vient de lui rendre un important service. Cet homme, inquiet de lui voir la gueule ainsi ensanglantée, trouve, en rentrant dans sa cabane, le berceau de son fils renversé. Rapprochant rapidement ces deux objets dans son esprit, il en conclut sur-le-champ que son chien a dévoré cet enfant ; et, dans la fureur subite qui le transporte, il décharge sur lui son fusil, et le tue. Après cette expédition il s’avance vers le berceau de son fils ; et quelle surprise pour lui, lorsque l’ayant retourné, il aperçoit dessous son cher fils qui dort tranquillement ! Il reconnaît alors son injustice. Mais il se la reprocha bien plus vivement encore, lorsqu’à quelques pas du berceau il découvrit le cadavre sanglant du serpent que son chien avait étranglé. À ce spectacle, il comprit que son malheureux chien, bien loin d’avoir ôté la vie à son fils, la lui avait conservée ; et il ne peut s’empêcher de donner quelques larmes à sa mort.
1) Cet exemple nous apprend à ne pas nous presser de juger sur les apparences ; tous les jours on y est trompé. Il faut prendre le temps d’examiner les choses ; et la plupart du temps l’examen fait connaître qu’on aurait porté un jugement faux. Combien de jugements de cette espèce, fruits d’une indiscrète précipitation, ont eu les suites les plus tragiques !
2) Cet exemple nous apprend également à réprimer les premiers mouvements de la colère. Il n’est point de violence dont elle ne rende capable. Quels repentirs amers, mais trop tardifs, ne se prépare-t-on pas en s’abandonnant aux transports de cette aveugle passion !
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