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Les désastreuses conséquences de l’apostasie

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saint-michel


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Message par saint-michel Dim 15 Mai - 9:09

Les désastreuses conséquences de l’apostasie Les_de10

L’apostasie est un phénomène ancien. La France du XVIIe siècle a particulièrement été touchée par le Jansénisme. Cette hérésie a dangereusement affaibli l’influence de l’Église. Elle ouvrait la voie à la révolution et au modernisme homicides. Nous payons au XXIe siècle les erreurs du passé. Tout s’éclaire lorsque nous découvrons le texte du vénérable abbé de Solesmes sur la folie janséniste et son esprit qui annonçait l’ère satanique, c’est-à-dire celle qui nous éloigne de Dieu, celle dans laquelle nous nous trouvons actuellement.


« sainte Cécile et la société Romaine. » Tome II. Page 408 à 429


Cécile avait donc reparu aux regards des chrétiens de Rome et de l’Église tout entière, au moment où le seizième siècle allait fondre dans le dix-septième. En quel état retrouvait-elle cette société européenne que, huit siècles auparavant, lorsqu’elle apparut à Paschal, elle trouvait régie dans la foi et dans l’unité par la sainte Église, se préparant à traverser la grande crise qui devait, au onzième siècle, restituer l’ordre, la lumière et la paix par l’intervention de Grégoire VII et de ses successeurs, sauveurs du droit public et privé ?


À ce moment, la société chrétienne apparaissait dissoute par la rupture de tant de peuples et de gouvernements avec Rome ; le système d’équilibre politique avait remplacé la fraternité des nations dans le Christ et dans son Église, un avenir inconnu s’ouvrait aux pays dont le droit public avait changé, et cette foi chrétienne dont Cécile avait vu pour ainsi dire les débuts, et à laquelle elle avait donné tant de gages, courait des risques dans les contrées même qui avaient pu se garantir de l’invasion protestante. La terre attend un second et dernier avènement du Fils de Dieu, et il a dit lui-même qu’à peine trouverait-il encore de la foi dans la race humaine (Luc, XVIII, Cool, lorsqu’il reviendra visiter son œuvre et rendre justice aux vivants et aux morts sur les débris du monde. Est-ce un nuage que nous traversons depuis trois siècles, pour revoir ensuite la lumière ? Le soleil des vérités réserve-t-il encore aux générations futures quelques-uns de ses rayons ? C’est le secret du Ciel. L’Église, patrie universelle des âmes, n’a qu’une seule chose à faire : continuer sa mission, qui consiste à recueillir avec un soin maternel ses élus dans toutes les races, et à les conduire au Christ au milieu de tous les dévouements et de toutes les épreuves.


La diminution des vérités sur la terre, ce terrible fléau qu’annonce le Roi-Prophète (Psalm. XI), a été le caractère des trois siècles dont nous parlons ; et dans cet appauvrissement successif, on peut dire que la suspension du tendre et respectueux intérêt que les chrétiens portaient aux saints dès l’âge de Cécile, a été l’un des signes de la décadence qui s’est fait sentir. La prétendue réforme avait fait une guerre acharnée au culte des saints, brisé leurs images, profané et brûlé leurs reliques. L’esprit qui l’inspirait s’efforça, au dix-septième siècle, de pénétrer dans les contrées qui étaient demeurées fidèles au symbole catholique ; mais, cette fois, il s’y prit avec plus de précautions. La secte janséniste dans laquelle se concentra cette nouvelle attaque résolut de ne pas rompre extérieurement avec l’Église, mais de dissoudre sans bruit les assises sur lesquelles elle repose. Ainsi elle confessa toujours, quelquefois même avec éclat, le dogme de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie ; mais elle sut rendre ce dogme inutile quant à la pratique, en exagérant au-delà de toute mesure les conditions auxquelles le chrétien pouvait oser s’en approcher. Elle maintint le sacrement de pénitence pour la rémission des péchés commis après le baptême ; mais elle n’accorda l’absolution au pécheur qu’à des conditions qui exigeaient qu’il y eût déjà, sans le secours du sacrement, entre Dieu et lui une réconciliation dont ce sacrement est le moyen ordinaire. Le jansénisme proclama sur tous les tons la puissance de la grâce divine, mais à la condition d’anéantir devant elle la liberté humaine, et il enseigna que, sans cette grâce, l’homme n’était capable que du mal. Il anéantit la constitution de l’Église, en faisant du pape le premier entre les pairs ; prêcha une morale stoïque que l’Evangile ne pénétrait plus du principe d’humilité, et, au lieu de reconnaître que la nature doit être corrigée et réformée par la grâce, il la réputa mauvaise en elle-même par suite du péché d’origine, auquel il attribua l’extinction totale du bon principe dans l’homme.


En appliquant ce travail sourd aux points fondamentaux de la croyance et de la morale, le jansénisme dirigea ses théories à la destruction de la piété populaire qui n’est que l’expression pratique du dogme lui-même. Le culte de la Sainte Vierge et des saints fut le point de mire de ses attaques ; non qu’il osât, en principe, en nier la légitimité ; mais il s’attacha à le miner, en répandant la méfiance et le mépris sur les croyances chères au peuple fidèle. Les Actes des martyrs et les Vies des saints devinrent l’objet de ses poursuites, et bientôt, sous prétexte des droits de la critique, un système de doute fut appliqué à la plupart de ces pieux récits qui montraient l’Evangile en action. Tout fut contesté dans les Vies des saints, et bientôt on en vint à poser en problème jusqu’à leur existence même. C’était le meilleur moyen d’en finir avec leur culte, et d’amener peu à peu les chrétiens au déisme pur, en anéantissant cette nuée de témoins (Hebr., XII, I) qui nous démontrent que le Christ, Fils de Dieu, a paru sur la terre, puisque nous voyons sa gloire et sa divinité dans la succession non interrompue de ses élus qui doit le manifester jusqu’au dernier jour du monde.


Dans cette conspiration contre l’élément de la sainteté dans l’Église, les droits de la science furent donc mis en avant ; mais nous commençons à voir aujourd’hui que la vraie science a plus d’une reprise à faire sur ces hommes dont le joug fut si facilement accepté. Au reste, le principe d’où prétendaient partir les novateurs n’était rien moins qu’une découverte. Avant eux, les catholiques qui se livraient aux études hagiographiques n’ignoraient pas que, parmi les Actes des martyrs en particulier, il en est qui sont sans valeur historique ; mais on savait aussi que d’autres Actes, sans être irréprochables, renferment certains détails dérivés de traditions véridiques ; que d’autres contiennent des fragments antérieurs à la rédaction définitive ; que d’autres ont été rédigés sur des mémoires très sérieux et n’offrent rien de défectueux, sinon certains raccords que les copistes postérieurs se sont permis parfois, en insérant, comme complément, des particularités secondaires relatives à la chronologie, à la topographie, aux formes dans lesquelles s’exerçait l’autorité, au style des interlocuteurs qu’ils trouvaient trop simple et qu’ils ont altéré par quelques maladroites additions ; qu’enfin il en est qui sont venus jusqu’à nous, sans avoir rien perdu de leur rédaction première.


Pour arriver à l’appréciation de tant de sources diverses, un travail assidu et impartial est la première de toutes les conditions. II serait par trop facile de terminer toute la question par un dédain superbe, en disant que, sauf quelques-uns, tous les récits des Actes des martyrs sont des fables, et doivent être regardés comme des monuments de la crédulité du moyen-âge. Scientifiquement, il n’est plus possible de procéder ainsi. Que resterait-il debout dans l’antiquité profane elle-même, si l’on traitait de cette façon tant d’auteurs et tant de témoignages, qui, sans doute, ont eu besoin d’être contrôlés et rectifiés, mais ne nous en rapportent pas moins, sur les temps anciens, les plus précieux renseignements ? Dans la conspiration que nous signalons, la passion et l’esprit de système se montrèrent sans quartier ; et bientôt, si l’on osait tenir pour les anciens récits, on put être assuré de passer pour un homme sans valeur.


Le Nain de Tillemont, dont la vaste érudition est d’ailleurs incontestable, fut celui qui, au dix-septième siècle, employa cette manœuvre avec le plus d’audace et de succès. Ce docteur de Port-Royal s’attacha à renverser un nombre immense de monuments historiques, parmi lesquels se trouvaient naturellement les Actes de sainte Cécile, et allégua contre ceux-ci en particulier des fins de non-recevoir qui les eussent anéantis, si la vérité n’avait pas droit de se faire jour tôt ou tard à travers les nuages amassés par la passion.


Dans sa guerre contre les Actes des martyrs, le docte janséniste oublia trop souvent un principe de critique qu’il avait posé lui-même. Il convient quelque part que, « dans les plus méchants auteurs, il y a des endroits tirés de bons originaux et qui portent un caractère de vérité auquel il est comme impossible de ne pas se rendre » (Histoire des Empereurs, t. II. Notes sur Trajan.)


À ce compte, il ne faudrait pas aller si vite dans le déblayement des monuments anciens. Quant aux Actes de sainte Cécile, on avait là devant soi un document grave, important, accepté par la plus haute autorité, sanctionné par les siècles, et s’encadrant parfaitement avec les événements de l’époque à laquelle se rattache le récit. Il plaît à Tillemont de n’y voir qu’un tissu de fables, et il se rassure en alléguant que l’auteur « n’a pas reçu l’amour de la vérité ». (Mémoires, t. III.)


Conformément aux doctrines de Port-Royal, que l’ardent janséniste énonce ici avec une rare naïveté, un historien se montre véridique ou mensonger dans ses écrits, non pas selon son libre arbitre, mais selon qu’il a reçu ou non l’amour de la vérité. Ce serait du moins une raison d’être indulgent envers les faussaires et les imposteurs historiques, et de ne pas les repousser avec trop de dédain, en attendant que l’amour de la vérité descendant en eux vienne les rendre sincères et fidèles sans leur participation. Quant à nous, cependant, qui suivons la foi catholique et croyons l’homme doué d’une responsabilité personnelle, nous avons peine à reconnaître ici dans Tillemont cet amour de la vérité qu’il refuse au rédacteur des Actes de sainte Cécile. Si désormais la valeur d’un monument historique ne peut plus être jugée que d’après la touche que son auteur a reçue d’en haut, ce n’est plus au nom de la critique qu’il faudra procéder ; il suffira de constater le degré d’inspiration qui a conduit la plume de l’historien. C’est ainsi que l’esprit de la secte dirigeait Tillemont dans la guerre acharnée qu’il faisait aux anciens monuments du christianisme.


Un critique digne de ce nom commencerait par laisser de côté les questions de la prédestination et de la grâce, lorsqu’il s’agit tout simplement de savoir si l’on peut s’en rapporter aux récits d’un auteur. Il rechercherait si cet auteur a été à même de connaître sur les lieux les événements qu’il raconte, s’il n’aurait pas eu des mémoires antérieurs, si son travail a obtenu ce contrôle de l’autorité qui ne garantit pas toujours une œuvre jusque dans ses moindres détails, mais rend du moins témoignage de la haute estime qu’elle inspire ; si des hommes d’un grand savoir ont reconnu la valeur du document en question ; s’il est possible de faire cadrer le fond et les détails des récits avec les mœurs du temps et les conditions des personnes auxquelles on les rapporte ; enfin s’il n’aurait pas en sa faveur certaines découvertes archéologiques, qui nous transmettent sans passion les faits de l’antiquité et nous mettent en rapport avec les temps, les lieux et les personnes, que les textes écrits ne suffisent pas toujours à nous faire connaître pleinement.


Tillemont a-t-il eu recours à ces moyens dans sa prétendue critique des Actes de sainte Cécile ? Il n’y a pas même songé ; il a abordé ce document avec un esprit prévenu, et il a prononcé sa sentence, en prenant uniquement pour motif les répugnances qu’il éprouvait. Ces Actes peuvent servir à éclairer les origines de l’église de Rome : par là même, ils ne devaient pas être en faveur à Port-Royal. Cette raison ne s’avoue pas ; mais il en est une autre que Tillemont croit devoir mettre en avant. Ces Actes, dit-il, contiennent des miracles, et, pour cette raison, ils ne peuvent être admis. Comment se fait-il alors que le même Tillemont admet d’autres récits qui renferment des faits plus miraculeux encore que ceux des Actes de sainte Cécile ? L’autorité des savants qui l’ont précédé et ont reconnu la nature pleinement historique de ce document, n’a aucune prise sur lui. Son célèbre contemporain, Papebrock, que l’on a souvent rangé parmi les hypercritiques, et qui proclame néanmoins dans les Acta Sanctorum la vérité et la valeur de nos Actes, qu’il qualifie antiquissima et sincerissima (Ephemerides Graeco-Moschae), n’est rien aux yeux de Tillemont. Rechercher dans les circonstances de temps et de lieu auxquelles se rapporte l’existence de Cécile, afin de savoir s’il serait possible d’y reconnaître l’encadrement du récit, est une étude préalable à laquelle il n’a pas songé, avant de prononcer la sentence ; quant aux ressources que fournit l’archéologie chrétienne pour contrôler les Actes des martyrs, il n’en a pas même l’idée. Tout, dans ses Mémoires, se décide au caprice, et quand il s’agit des Actes des saints, la cause est tranchée avant même d’avoir été instruite. Tillemont a eu cependant entre les mains les récits de la découverte du corps de Cécile par Paschal et par Sfondrate ; mais il n’y a rien vu, résolu qu’il était à ne tenir aucun compte des antiquités dans l’instruction d’une cause historique.


S’il avait reconnu quelque défectuosité dans les récits de notre historien, et nous convenons nous-même que celui-ci est tombé dans quelques innocentes méprises, comment le trop célèbre critique ne s’est-il pas souvenu des principes établis par Dom Mabillon dans sa Diplomatique, et qui depuis lors ont fait loi pour la science ? N’est-ce pas un axiome admis dans la critique, qu’un document, pour n’être connu que par une copie, ne perd pas pour cela sa valeur ? Bien plus, que quelques méprises du copiste ou quelques interpolations de sa part, n’ôtent pas toujours à une pièce ainsi altérée dans des détails secondaires sa qualité de document authentique, auquel on en peut encore référer, lorsque l’original lui-même a péri ?


Mais le système devait triompher, et sauf quelques documents privilégiés, retenus avec une prédilection pleine d’inconséquence, il était convenu que l’église romaine ne vivait que de fables sur tout son passé. La réputation de l’auteur, chez lequel la science est aussi réelle que l’esprit de parti est odieux, fit admettre comme décisifs tous les jugements arbitraires qu’il s’était permis de lancer. Depuis longtemps déjà, en face des hommes de Port-Royal, la société française ne raisonnait plus, et ce joug que l’on s’était imposé à soi-même, adouci par le prestige de la mode, n’incommodait pas trop. C’est ainsi que le jansénisme parvint à modifier en France l’opinion religieuse, et, dans l’ordre des questions dont nous parlons, il ne resta bientôt plus chez nous d’autre hagiographie que celle que permettait Tillemont.


Cependant, pour faire pénétrer jusqu’au sein des familles chrétiennes les résultats produits par les Mémoires du très partial écrivain, une Vie des saints, proprement dite, était nécessaire, et le trop fameux Adrien Baillet se présenta pour l’écrire. Les Actes de sainte Cécile en particulier y furent traités avec le dernier mépris ; mais l’ouvrage de Baillet étant volumineux, un autre janséniste du dix-huitième siècle, Mesengui, se chargea de présenter une Vie des saints abrégée, et destinée à instruire les fidèles de France sur les gestes des serviteurs de Dieu. Ils y apprirent qu’il n’y avait rien de certain sur la plupart des martyrs les plus célèbres, et spécialement que l’on ne savait rien d’historique sur sainte Cécile.


C’était le moment où un si grand nombre d’églises en France entreprirent le renouvellement des livres liturgiques. Quant aux légendes des saints dans ces nouveaux livres, Tillemont et Baillet furent les seuls oracles sous l’inspiration desquels la malheureuse innovation s’accomplit. Le Bréviaire Parisien offrit le modèle de la légende du 22 novembre pour la fête de sainte Cécile, et cette composition s’introduisit successivement dans les diocèses, qui renonçaient tour à tour aux prières antiques. Tout ce qui concerne la personne de la sainte martyre y est complètement passé sous silence. On y dit seulement quelques mots sur la découverte de son corps par Sfondrate, mais selon la relation mutilée et infidèle de Baillet. Il va sans dire que toutes les antiennes et tous les répons de l’office grégorien de sainte Cécile, introduits en France par Pépin et Charlemagne, furent honteusement effacés, et leurs gracieuses cantilènes interdits pour jamais dans nos églises. Du moins, on l’espérait ainsi.


Le scandale causé par l’audace de Tillemont et de Baillet à l’égard des Actes des saints, et propagé par les recueils hagiographiques qui en furent la suite, donna l’idée à un chanoine de Saint-Honoré, à Paris, nommé Godescard, de traduire en français un corps de Vie des saints composé par Alban Butler, catholique anglais dont l’esprit lui sembla moins frondeur que celui des jansénistes français. Dans ce livre qui n’est pas dépourvu d’érudition, l’auteur prit à tâche de répéter, comme jugement sur les Actes de sainte Cécile, la conclusion que Tillemont avait tirée à la suite de ses arguments ineptes, que nous avons ailleurs discutés l’un après l’autre dans le plus grand détail. (Histoire de sainte Cécile, 2° édit. 1853.) Mais ce qui démontre par-dessus tout l’inconcevable légèreté avec laquelle la notice de Godescard a été rédigée, c’est de voir ensuit l’auteur formuler cette assertion :


« Nous apprenons des Actes de sainte Cécile, qu’en chantant les louanges du Seigneur elle joignait souvent la musique instrumentale à la musique vocale. »


Demeure donc démontré que le respectable chanoine, avant de composer l’article de sainte Cécile et de prononcer sur la valeur des Actes, ne s’était pas même donné la peine de les lire, puisqu’ils ne contiennent pas un seul mot duquel on puisse déduire ce qu’il avance.


Le rétrécissement que subit à cette époque la piété française, et dont un si grand nombre de livres religieux du dix-huitième siècle portent la trace, a laissé son empreinte dans les jugements et les appréciations de Godescard ; nous donnerons ici un échantillon. C’est à propos du saint martyr Polyeucte, dont les Actes ont fourni à Corneille la matière d’un des premiers chefs-d’œuvre littéraires que le christianisme ait inspirés. Voici comment s’exprime le nouvel hagiographe :


« Corneille a fait du martyre de saint Polyeucte le sujet d’une de ses tragédies ; et l’on peut dire que c’est un chef-d’œuvre dans le genre dramatique. Mais cela n’a pas empêché les personnes pieuses d’être choquées de la liberté que le poète s’est donnée de faire monter les saints sur le théâtre, d’altérer la vérité de l’histoire, de corrompre les vertus chrétiennes, et de mêler la tendresse de l’amour humain à l’héroïsme de l’amour divin. » (Godescard, Vie des Pères et des Martyrs, 13 février.)


Voilà jusqu’où avait conduit les catholiques de France l’épuration de la liturgie et de la vie des saints : à un système où il devenait illicite de mettre en scène les Actes des saints, sans qu’on se doutât que la catholique Espagne avait son Calderon et son Lope de Véga. Il valait mieux, apparemment, chercher à émouvoir les hommes par les scènes plus que profanes dont notre théâtre est souillé. Le goût littéraire de l’hagiographe parisien se révoltait des efforts qu’avait eu à faire Corneille pour monter sa pièce, en créant quelques personnages outre ceux que mentionnent les Actes de saint Polyeucte qui ne sont pas d’une grande étendue. Il eût dû se rappeler aussi que Racine n’avait pas trouvé non plus le drame d’Athalie tout complet dans le quatrième livre des Rois ; mais cette absence de toute idée littéraire dans le vénérable chanoine n’est rien auprès de la déclaration de principes qu’il ajoute. Corneille a voulu rendre la lutte sublime qui se déclare dans l’âme de Polyeucte entre l’affection conjugale et la fidélité à Dieu. Il a montré le martyr triomphant d’un sentiment sacré, mais inférieur, pour suivre le devoir auquel tout doit être sacrifié, et Godescard appelle ceci « corrompre les vertus chrétiennes ». Il fait un crime à Polyeucte d’avoir uni l’amour pour son épouse, prescrit par la loi de Dieu, à cet autre amour supérieur qui doit triompher du premier, lorsque Dieu l’exige. Il voit du scandale à mettre sous les yeux une si noble victoire, et il ne s’aperçoit pas qu’il renverse à la fois toute l’économie du christianisme. Telle tendait à devenir la France chrétienne au dix-huitième siècle, en proie à une spiritualité fausse, héritée en partie de Port-Royal, et en partie d’une autre école du dix-septième siècle ; et l’on voyait ainsi un homme grave qui avait employé de longues veilles à compiler sa volumineuse Vie des saints, mais qui jamais ne s’était demandé comment il se faisait que la France, où tout était si bien réglé en fait de principes de spiritualité, ne produisait plus de saints au dix-huitième siècle. En retour, Voltaire et son école avançaient à pas de géant dans la guerre contre le christianisme, et franchement ceux qui l’entendaient à la manière de Godescard étaient peu armés pour le défendre. Mais il nous faut revenir à sainte Cécile.


Croirait-on que cet esprit de vertige alla jusqu’à vouloir ravir à l’innocente vierge l’hommage délicat que la chrétienté lui a décerné en la proclamant patronne de la musique ? Ce fut l’abbé Lebeuf, le lourd compositeur de tout le plain-chant de la nouvelle liturgie parisienne, qui se présenta pour enlever à Cécile le diadème de l’harmonie. Dans un mémoire inséré au Mercure de France (janvier 1732), il s’imposa la tâche très facile de démontrer que rien ne prouve dans les monuments relatifs à sainte Cécile que cette illustre martyre ait fait usage des instruments de musique. Nous n’insisterons pas sur le ton de supériorité avec lequel le symphoniste parisien critique et censure ce qui s’est fait avant lui ; heureusement le bon sens chrétien a maintenu ce que l’abbé Lebeuf eût voulu anéantir, et, malgré sa prétention de « renvoyer sainte Cécile aux monastères de filles avec les Agnès, les Luce et les Agathe », la vierge romaine n’en est pas moins demeurée en possession d’une de ses plus nobles prérogatives. Son étrange ennemi n’a pas été plus heureux, lorsqu’il a voulu assagir l’époque première du patronage qu’il poursuit avec une si violente ardeur. Selon lui, sainte Cécile n’eût été en jouissance de cet honneur « que depuis cent ou six-vingts ans », ce qui donnerait le commencement du dix-septième siècle. Mais on comprend aisément que Lebeuf ait pu dérouler son existence, être appelant de la bulle Unigenitus, et garnir de grosses notes le nouveau Graduel et le nouveau Missel de Paris, sans s’être jamais douté que Raphaël peignait en 1513 la sainte Cécile de Bologne.


Un autre excès dans lequel est tombé en ces dernières années un homme fort respectable, M. l’abbé Thiesson, chanoine de Troyes, a été de prétendre dans une histoire de sainte Cécile, trop évidemment calquée sur la nôtre, que la vierge romaine, quoique les Actes n’en disent pas un mot, a été une instrumentiste des plus distinguées. La naïveté qui règne d’un bout à l’autre de ce volume, l’intention que fait paraître l’auteur de se donner pour un dilettante de premier ordre, son peu d’habitude d’écrire, ses recherches qui ne vont jamais au-delà de ce qu’on a dit avant lui, ne sont pas de nature à faire avancer les questions. On apprend seulement dans son livre que sainte Cécile « était une charmante jeune personne ». (p. 77.)


Les tristes détails dans lesquels nous avons été contraint d’entrer sur les outrages que sainte Cécile a eu à subir durant plus d’un siècle de la part d’une fausse hagiographie, nous font un devoir de consacrer ici quelques lignes à montrer en retour à nos lecteurs l’illustre vierge recevant les plus fervents hommages de la part des saints qui, depuis elle, ont brillé dans l’Église, ou les honorant eux-mêmes des traits délicats de sa prédilection. Au septième siècle, l’apôtre des Frisons, saint Willibrod, était appelé à Rome pour y recevoir la consécration épiscopale des mains du pape saint Sergius, et c’était dans la basilique de Cécile que s’accomplissait cette auguste fonction à l’égard du fondateur de tant d’églises chez les infidèles. Au huitième, la grande abbesse d’Almenéches, sainte Opportune, montait au ciel à la suite d’une vision dans laquelle Cécile s’était fait voir à elle. Au onzième, saint Pierre Damien signalait les récentes apparitions de la grande martyre dans sa basilique. Au douzième, le bienheureux Frédéric, qui fut abbé de Mariengart, dans l’ordre de Prémontré, recevait les conseils de la vierge romaine sur les œuvres saintes qu’il devait entreprendre. Au treizième, saint Dominique voyait descendre la Mère de Dieu dans le dortoir où reposaient ses disciples, et Cécile accompagnait la reine du ciel dans cette maternelle visite. Marie apparaissait-elle au bienheureux Réginald pour lui révéler sa vocation à l’ordre des frères prêcheurs, Cécile assistait encore la reine des anges. Le ciel envoyait-il à saint Pierre de Vérone quelques-uns de ses plus glorieux hôtes pour le consoler dans de cruelles épreuves, le futur martyr voyait arriver près de lui, dans le splendide éclat, de sa félicité, Cécile accompagnée d’Agnès et de Catherine. Le souvenir de la vierge romaine était familier à sainte Catherine de Sienne, et la maintenait dans les luttes du grand combat spirituel. La bienheureuse Oringa, vierge florentine, déjouait sans effort toutes les embûches tendues à sa vertu, et l’enfer, interrogé par un séducteur lassé de tant de vaines poursuites, répondait que la servante de Dieu était sous la garde du même ange qui protégea la virginité de Cécile. La prophétesse romaine du quinzième siècle, sainte Françoise, avait choisi dans Rome pour le lieu de sa prédilection la basilique de Sainte-Cécile, située non loin du palais Ponziani qu’elle habitait. C’est là que, souvent ravie au-dessus des sens, elle entendait et voyait les secrets célestes ; c’est là qu’elle voulut ensevelir les deux aimables enfants que le ciel lui redemanda si promptement. Au seizième siècle, nous voyons sainte Catherine de Ricci, dominicaine, recevoir de sainte Cécile les marques les plus touchantes de familiarité, et la bienheureuse Hélène Duglioli, dotant la peinture chrétienne d’un de ses principaux chefs-d’œuvre, en déterminant Raphaël à peindre la sainte Cécile de Bologne. Nous venons de voir saint Philippe Néri, ne voulant prendre possession de la Vallicella que sous les auspices de la vierge romaine. Au dix-septième siècle, la vénérable Agnès de Jésus, prieure des dominicaines de Langeac, fut souvent honorée de la visite de Cécile, et les entretiens que la vierge glorifiée eut avec la vierge militante respirent encore la tendresse et la vigueur que présente dans tout son caractère la fille des Caecilii, telle que la dépeignent ses Actes. C’est ainsi qu’une hagiographie mystérieuse venait compléter celle que produit l’étude des monuments, et développer à sa manière les études céciliennes, en attendant que le jour de la justice fût arrivé.


La nécessité où nous sommes d’abréger, nous empêche d’analyser ici ce qu’a fait la poésie en l’honneur de Cécile. L’école de Port-Royal, dont l’influence a été si grande pour amener la scission de l’élément littéraire et de l’élément chrétien, était venue à bout de ses fins, et l’axiome de son législateur Boileau faisait loi sur tout le Parnasse français. Depuis la seconde moitié du dix-septième siècle, le christianisme fut mis hors de la poésie. Qui ne connaît le jugement de Fénelon sur l’art du moyen âge ? Qui peut ignorer les actes de vandalisme accomplis dans nos cathédrales à cette même période, au nom du goût classique ? La refonte totale de la liturgie ne s’accomplit-elle pas aussi, sans que les auteurs et les admirateurs de cette œuvre barbare se soient doutés le moins du monde qu’ils sacrifiaient le répertoire de la poésie et de la mélodie chrétiennes, formé par quinze siècles entiers ? Quant à Tillemont et Baillet, auxquels il faut, hélas, adjoindre le pacifique Godescard, empoisonné sans s’en apercevoir par l’esprit de son temps, se doutaient-ils que leurs attaques contre sainte Cécile se dirigeaient sur la poésie chrétienne, et savaient-ils même qu’il y eût une poésie chrétienne ? On n’en avait pas jugé ainsi dans le passé, et à la suite de ces nobles et gracieuses préfaces des Sacramentaires léonien, gélasien, gallican, mozarabe, des strophes inspirées de la liturgie grecque, où les grandeurs de la vierge romaine sont exposées avec tant de charme, le génie chrétien dans les siècles mêmes du moyen-âge s’exerça, plus ou moins heureusement, à les célébrer à son tour. Jusqu’au dix-septième siècle, Cécile aura ses chantres dévoués. »


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